N° 3088 - Rapport de M. Philippe Cochet sur le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (n°2978)



Document

mis en distribution

le 31 mai 2006

N° 3088

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 mai 2006

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2978 autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,

PAR M. PHILIPPE COCHET

Député

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INTRODUCTION 5

I - LA CONVENTION DE L'UNESCO COMBLE UN VIDE JURIDIQUE EN INSTAURANT UN CADRE DE RÉFÉRENCE MONDIAL POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DE LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES 7

A - UNE PRISE DE CONSCIENCE PROGRESSIVE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE POUR PROMOUVOIR LA DIVERSITÉ CULTURELLE 7

1 - De l'exception à la diversité culturelle 7

2 - La Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle (2001) 8

3 - La négociation d'un instrument juridique de protection et de promotion de la diversité culturelle 10

B - LE PASSAGE D'UNE LOGIQUE MARCHANDE À UNE LOGIQUE CULTURELLE 10

1 - La reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels 11

2 - La reconnaissance et la légitimité des politiques publiques de soutien au secteur culturel 12

C - UN INSTRUMENT DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE 13

1 - La culture, « quatrième pilier du développement durable » 13

2 - Une plateforme internationale d'échange d'informations 14

II - EN L'ABSENCE DE MÉCANISME JURIDIQUE VÉRITABLEMENT CONTRAIGNANT, L'AUTORITÉ POLITIQUE DE LA CONVENTION DÉPENDRA AVANT TOUT DE LA MOBILISATION DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE 15

A - L'ABSENCE DE MÉCANISME JURIDIQUE VÉRITABLEMENT CONTRAIGNANT 15

1- Un dispositif essentiellement incitatif 15

2- L'articulation de la Convention avec les autres instruments juridiques internationaux : le principe de non subordination 15

3- La faiblesse du mécanisme de règlement des différends 17

B - L'AUTORITÉ POLITIQUE DE LA CONVENTION DÉPENDRA DE LA MOBILISATION DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE 17

1- L'entrée en vigueur de la Convention 17

2 - Le suivi et la mise en œuvre de la Convention 19

CONCLUSION 21

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

Mesdames, Messieurs,

Le 20 octobre 2005, la 33ème Conférence générale de l'Unesco a adopté la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

L'engagement de l'Unesco en faveur de la diversité culturelle s'inscrit dans le cadre de son mandat spécifique au sein du système des Nations Unies et dans la continuité de l'action que mène cette organisation depuis cinquante ans pour - selon son acte constitutif - « assurer la préservation et la promotion de la féconde diversité des cultures ».

L'accélération du processus de mondialisation a souligné de nouveaux enjeux pour la diversité culturelle. Cette diversité, qui rassemble les multiples expressions et productions culturelles, est la condition préalable au dialogue des cultures, à leur enrichissement et à leur compréhension mutuelle. Or face au risque de nivellement, d'uniformisation et, finalement, d'appauvrissement des expressions culturelles, la communauté internationale a progressivement pris conscience de la nécessité de s'engager en faveur d'une action concertée et déterminée.

Alors que le droit international comprend plusieurs volets relatifs, par exemple, aux droits pénal, social et environnemental, la culture s'est jusqu'à présent trouvée dépourvue, au plan international, d'instrument normatif protecteur. Dans le prolongement de l' « exception culturelle », cette convention de l'Unesco reconnaît ainsi la nature spécifique du champ culturel et la contribution de la culture au développement et à la cohésion sociale. Elle reconnaît également le droit souverain des Etats d'adopter et de mettre en œuvre des politiques culturelles.

Cette convention comble ainsi un vide juridique en instaurant un cadre de référence mondial pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (I). Néanmoins, en l'absence de mécanisme juridique véritablement contraignant, son autorité politique dépendra avant tout de la mobilisation de la communauté internationale (II).

I - LA CONVENTION DE L'UNESCO COMBLE UN VIDE JURIDIQUE
EN INSTAURANT UN CADRE DE RÉFÉRENCE MONDIAL
POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DE LA
DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES

L'adoption par l'Unesco d'une convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est le résultat d'une prise de conscience progressive de la communauté internationale des enjeux de la diversité culturelle, dans un contexte d'accélération de la mondialisation. En reconnaissant la spécificité des biens et services culturels, cette convention consacre le passage d'une logique exclusivement marchande à une logique également culturelle.

A - Une prise de conscience progressive de la communauté internationale pour promouvoir la diversité culturelle

1 - De l'exception à la diversité culturelle

La problématique de la diversité culturelle a progressivement émergé à la faveur de la croissance du commerce des biens et services culturels, qui est passé de 38 à 60 milliards de dollars entre 1994 et 2002. Cette croissance est allée de pair avec un mouvement de concentration du commerce de biens culturels entre un nombre limité de pays, révélant un déséquilibre important entre les pays développés et ceux en développement. La libéralisation des échanges internationaux, associée au développement des technologies de l'information et de la communication, peut engendrer l'apparition d'entreprises dominantes. Cette évolution constitue une menace d'uniformisation des cultures et de marginalisation des créateurs. In fine, c'est le pluralisme culturel, y compris linguistique, qui se trouve menacé.

L'industrie culturelle anglo-saxonne domine en effet très nettement le marché mondial ; aux Etats-Unis, les industries culturelles sont même devenues le premier poste d'exportation. À titre d'exemple, les données récemment publiées par l'Observatoire européen de l'audiovisuel confirment cette réalité puisque huit des dix films ayant réalisé le plus d'entrées en Europe en 2005 sont d'origine américaine. La part de marché des films européens est cependant restée stable l'an dernier dans l'Union européenne avec 24,6% des entrées (25,2% en 2004) contre 73,6% aux films américains.

Face à de tels enjeux commerciaux, la pression n'a cessé de croître ces dernières années pour libéraliser le commerce des biens et services culturels. Il faut se souvenir des batailles menées lors des négociations commerciales internationales au cours des années 90, d'abord dans le cadre du GATT puis à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il faut également garder à l'esprit le projet avorté d' « Accord multilatéral sur l'investissement » (AMI) négocié au sein de l'OCDE.

La doctrine de l'exception culturelle est apparue lors de la phase finale du cycle de négociations commerciales de l'Uruguay Round qui s'est achevé à Marrakech en 1994. Dans les enceintes commerciales, la France a toujours opposé une résistance constante en s'appuyant sur cette doctrine selon laquelle les biens et services culturels ne doivent pas être considérés comme des marchandises comme les autres. À ce titre, ils doivent pouvoir bénéficier d'un statut particulier dans les accords de libéralisation des échanges économiques commerciaux. Ce statut doit principalement permettre aux Etats de maintenir leurs politiques nationales de soutien au secteur culturel. C'est ainsi que le Canada a négocié une clause d'exception culturelle dans le cadre de l'accord de libre échange nord-américain (ALENA).

Néanmoins, ce bouclier de l'exception culturelle peut se révéler insuffisamment protecteur car il n'offre pas de garantie réelle qu'à moyen ou à long terme, les règles édictées à l'OMC ne finiront pas par s'appliquer intégralement au secteur culturel. C'est dans ce contexte qu'a progressivement émergé le besoin d'identifier une enceinte alternative à l'OMC pour traiter des questions relatives à la culture. D'une posture défensive de l'exception culturelle, la France et le Canada ont alors choisi de promouvoir ensemble la diversité culturelle, sans pour autant renoncer à la défense de l'exception culturelle. Ces deux notions (exception et diversité) ne se placent pas sur le même plan : par « diversité culturelle », il s'agit d'expliciter la finalité poursuivie dans les négociations internationales, tandis que l' « exception  culturelle » représente le moyen d'atteindre l'objectif de diversité culturelle.

2 - La Déclaration universelle de l'Unesco sur la diversité culturelle (2001)

La Convention est l'aboutissement d'un long processus de maturation et de difficiles négociations.

L'Unesco se préoccupe depuis sa création de la question de la diversité culturelle. En 1998, le plan d'action adopté lors de la Conférence intergouvernementale de Stockholm sur les politiques culturelles plaçait déjà la diversité culturelle au centre des objectifs à poursuivre, en constatant que « les biens et services culturels doivent être pleinement reconnus et traités comme n'étant pas des marchandises comme les autres ».

Mais la première pierre de la Convention a été posée à l'automne 2001 avec l'adoption, lors de la 31e Conférence générale, d'une Déclaration universelle sur la diversité culturelle. Adoptée à l'unanimité des 185 Etats représentés, dans un contexte particulier marqué par les attentats du 11 septembre, cette déclaration érige la culture au rang de « patrimoine commun de l'humanité » dont la défense est jugée comme un impératif éthique et concret, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle fut l'occasion pour les Etats de réaffirmer leur conviction que le dialogue interculturel constitue le meilleur gage pour la paix, et de rejeter la thèse de conflits inéluctables entre les cultures et les civilisations.

Cette déclaration universelle s'accompagne d'un plan d'action qui prévoit notamment « d'approfondir le débat international sur les questions relatives à la diversité culturelle, en particulier celles qui ont trait à ses liens avec le développement et à son impact sur la formulation des politiques, à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale » ; dans ce cadre, il est prévu « d'avancer la réflexion concernant l'opportunité d'un instrument juridique international sur la diversité culturelle ».

Le Président de la République s'est personnellement impliqué dans cette réflexion. Il s'est ainsi prononcé en septembre 2002, à l'occasion du Sommet mondial du développement durable de Johannesburg, en faveur de l'adoption d'un instrument juridique international sur la diversité culturelle qui donnerait force de loi internationale aux principes de la déclaration de l'Unesco de 2001. Il s'agit d'édicter une norme internationale pour la diversité culturelle au même titre qu'il en existe, par exemple, pour la protection de l'environnement.

La 32e Conférence générale de l'Unesco a alors lancé à l'automne 2003 le processus d'élaboration d'une convention, qui sera formellement adoptée lors de la 33e Conférence générale de l'automne 2005.

Une montée en puissance de la préoccupation
culturelle à l'échelle internationale

Le 7 décembre 2000, le Conseil de l'Europe a adopté une Déclaration sur la diversité culturelle lors de sa 733e réunion des délégués des ministres, par laquelle il souligne la particularité du secteur audiovisuel par rapport à d'autres secteurs industriels, en précisant notamment que « des politiques culturelles et audiovisuelles qui favorisent et respectent la diversité culturelle doivent être considérées comme un complément nécessaire de la politique commerciale ».

En juin 2001, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) a adopté la Déclaration de Cotonou (juin 2001) qui affirme que les biens et services culturels doivent faire l'objet d'un traitement spécifique, et que la libre détermination des Etats et des gouvernements à adopter leurs politiques culturelles constitue la meilleure garantie de la pluralité de l'expression culturelle.

En mai 2003, les ministres de la Culture de l'Union européenne réunis à Thessalonique, ont adopté des conclusions par lesquelles ils réaffirment leur attachement à la diversité culturelle et reconnaissent l'Unesco comme l'enceinte appropriée pour élaborer un tel instrument.

Les 2 et 3 mai 2005, les rencontres pour l'Europe de la culture organisées à Paris ont donné lieu à une déclaration ministérielle qui reconnaît « la spécificité des biens et services culturels et audiovisuels, qui ne sont pas des marchandises ordinaires » et affirme « le droit des Etats, des régions, des communes et des autres collectivités locales, dans le cadre de leurs compétences respectives, à mettre en œuvre les politiques et les mesures qu'ils jugent appropriées à la préservation et au développement de leurs expressions culturelles et artistiques ».

3 - La négociation d'un instrument juridique de protection et de promotion de la diversité culturelle

Le déroulement des négociations de la Convention a révélé trois dynamiques : le rôle d'impulsion de la France et du Canada, la résistance des Etats-Unis et l'unité de l'Europe.

En étroite concertation avec le Canada et le Québec, la France a en effet joué un rôle décisif d'impulsion des négociations. Une fois le processus enclenché, ces efforts conjoints ont été soutenus et relayés par un nombre important de pays tels que la Chine, le Brésil, l'Inde, la Suisse, les pays du groupe africain et les Etats d'Amérique latine et des Caraïbes.

Mais la négociation a aussi été marquée par la résistance opposée par les Etats-Unis dont le retour à l'Unesco, après dix-neuf ans d'absence, a coïncidé avec la négociation de la Convention. Sans jamais ouvertement exprimer leur opposition au concept de diversité culturelle, les Etats-Unis ont tout fait pour retarder l'adoption de la Convention ; mais le rapport de forces politiques était tel qu'ils n'ont pu casser le consensus qui s'est formé entre les gouvernements.

Face aux Etats-Unis, l'Union européenne a fait preuve d'une unité remarquable puisqu'elle s'est exprimée au nom des 25 Etats membres. La Convention a été négociée conjointement par la Commission, au nom de la Communauté européenne sur la base d'un mandat du Conseil de novembre 2004, et par la présidence du Conseil (trois présidences successives : Pays-Bas, Luxembourg puis Royaume-Uni) au nom des Etats membres. Au départ réticents, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas se sont ralliés au consensus européen. Cette unité a permis à l'Europe de s'imposer comme un acteur majeur de la négociation.

L'Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont il faut souligner le rôle déterminant joué par son Secrétaire général M. Abdou Diouf, s'est également fortement impliquée dans la négociation. Grâce à l'action de la francophonie, une cinquantaine de pays ont activement œuvré à l'adoption de la Convention.

Par ailleurs, les organisations représentatives de la société civile ont été étroitement associées à l'élaboration de la Convention et des « coalitions pour la diversité culturelle » se sont à cette occasion constituées dans de nombreux pays.

B - Le passage d'une logique marchande à une logique culturelle

La Convention est conçue pour servir de contrepoids culturel aux pressions commerciales qui peuvent s'exercer en faveur d'une libéralisation des échanges culturels. Le préambule de la Convention consacre cette vision en reconnaissant la « double nature économique et culturelle » des activités, biens et services culturels qui, « parce qu'ils sont porteurs d'identités, de valeurs et de sens, ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale ».

1 - La reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels

« Dès lors que l'on estime que la culture n'est pas un sujet comme un autre, l'OMC ne peut pas et ne doit pas être le lieu où se mène la réflexion sur la culture et la promotion de la diversité culturelle. La culture devrait avoir sa propre structure de débat  » : ainsi s'exprimait Pascal Lamy, alors Commissaire européen au commerce, en février 2003, ajoutant que les biens et services culturels sont « le reflet de valeurs supérieures ».

Cependant, hormis dans les déclarations politiques, cette spécificité des biens et services culturels ne trouvait alors sa traduction juridique dans aucun texte normatif. La Convention de l'Unesco comble cette lacune en consacrant pour la première fois l'existence en droit positif de cette spécificité des biens et services culturels et en faisant de l'Unesco l'enceinte appropriée du débat sur la diversité culturelle.

L'article 4 de la Convention apporte un certain nombre de définitions qui n'existaient pas jusqu'alors dans l'ordre juridique international. L'article 1er énonce un des objectifs de la Convention qui vise à « reconnaître la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens » ; et l'article 4 précise que ces biens et services « incarnent ou transmettent des expressions culturelles, indépendamment de la valeur commerciale qu'ils peuvent avoir ».

La Convention définit également la notion de « diversité culturelle » comme renvoyant « à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression ». La diversité culturelle peut s'entendre au sens de droits culturels. Il s'agit là du domaine des droits de l'homme qui concerne le droit de l'individu à son identité et à son patrimoine ; ceci vient compléter les deux volets des droits politiques et sociaux en faisant de la culture un domaine méritant protection au même titre que les autres.

Le champ de la Convention porte sur les expressions culturelles et non sur les vecteurs culturels. En effet, si certaines expressions culturelles peuvent prendre la forme de produits culturels distribués par le biais des industries culturelles, il est en revanche des expressions culturelles qui peuvent ne pas se matérialiser par des produits culturels (tels que le folklore, les cérémonies religieuses, la cuisine, etc.). En outre, lorsque les expressions culturelles prennent la forme de biens et services culturels, elles n'entrent pas nécessairement dans la logique économique des industries culturelles (c'est par exemple le cas des bibliothèques et des archives).

2 - La reconnaissance et la légitimité des politiques publiques de soutien au secteur culturel

La Convention reconnaît le droit souverain des Etats de se doter de politiques pour soutenir la diversité culturelle. L'objectif poursuivi vise à favoriser le développement de secteurs culturels forts qui puissent contribuer à une véritable diversité culturelle sur la scène nationale et internationale.

L'article 6§1 énonce ainsi que « chaque Partie peut adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire ». Ce même article établit une liste indicative et non exhaustive des mesures qui peuvent être prises : quotas de diffusion d'œuvres nationales à la radio ou à la télévision1, quotas écrans pour les films de cinéma, prix unique du livre, subventions au spectacle vivant, aide à l'organisation de festivals ou de salons, bourses pour former de futurs artistes, soutien à l'enseignement culturel à l'école ou dans l'enseignement supérieur, etc.

Il faut également préciser que la Convention concerne les expressions culturelles, « quels que soient les moyens et les technologies utilisés ». Ce principe de neutralité technologique permet de tenir compte de probables évolutions technologiques qui ont pour effet de multiplier les supports de diffusion des expressions culturelles, par exemple sur les téléphones portables. La Convention protège ainsi les droits des Etats parties à étendre leurs politiques culturelles aux contenus des nouveaux médias et aux nouveaux moyens de distribution.

La Convention vise tant les mesures destinées à promouvoir les expressions culturelles (article 7) que celles destinées à les protéger (article 8). En effet, un Etat partie peut, lorsqu'il existe des situations où, sur son territoire, les expressions culturelles sont soumises à un risque d'extinction, à une grave menace, ou nécessitent de quelque façon que ce soit une sauvegarde urgente, prendre toutes les mesures appropriées pour les protéger. Néanmoins, la Convention n'a ni pour objet ni pour effet de créer des droits de reconnaissance au profit de certains groupes ou communautés et les politiques culturelles ne sauraient servir de prétexte pour porter atteinte, de quelque forme que cela soit, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.

Cette reconnaissance de la légitimité des politiques publiques de soutien à la culture pourrait avoir un impact sur le droit de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la politique de concurrence, de la politique audiovisuelle ou bien encore de la politique de développement. Il convient de rappeler que la préservation et la promotion de la diversité culturelle figurent à l'article 151 du Traité instituant la Communauté européenne et à l'article 22§3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ces principes sont également pertinents au regard de la dimension extérieure de l'action communautaire, l'article 151 TCE requérant de la Communauté européenne et de ses Etats membres la promotion de ce modèle dans leurs relations internationales. En ce qui concerne enfin la politique commerciale commune, il est important de préciser que la Communauté européenne ne dispose pas à ce jour de mandat pour accepter une libéralisation des services audiovisuels dans le cadre de l'OMC, et le traité de Nice actuellement en vigueur exige l'unanimité pour les accords commerciaux négociés par l'Europe en matière de services culturels et audiovisuels2.

C - Un instrument de solidarité internationale

1 - La culture, « quatrième pilier du développement durable »

A l'occasion du Sommet du développement durable de Johannesburg de septembre 2002, le Président de la République a réaffirmé le caractère spécifique des biens et services culturels et a présenté la culture comme « le quatrième pilier du développement durable aux côtés de l'économie, de l'environnement et de la préoccupation sociale ».

La Convention a été conçue comme un moyen de relier la culture au développement. Un volet important est en effet consacré aux mécanismes de coopération internationale dans le domaine culturel. Les Etats Parties doivent s'efforcer de soutenir la coopération pour le développement durable et la réduction de la pauvreté, en particulier avec les pays en développement.

L'objectif poursuivi vise à renforcer l'accessibilité de tous les pays à la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques en favorisant, dans les pays en développement, l'émergence d'industries culturelles capables de satisfaire la demande interne et internationale de biens culturels.

À cet effet, la Convention prévoit différentes formes de partenariats : formation des ressources humaines, transfert de technologie et de savoir-faire, soutien aux institutions culturelles, échange et diffusion de statistiques et de bonnes pratiques, traitement préférentiel des produits culturels provenant des pays en développement, encouragement de la coopération régionale, etc.

La Convention prévoit également un dispositif de soutien financier à travers l'établissement d'un Fonds international pour la diversité culturelle, créé à la demande des pays en développement. Ce fonds sera abondé sur la base de contributions volontaires publiques ou privées, l'option de contributions obligatoires ayant finalement été écartée. L'article 18§6 précise que ces contributions ne pourront être assorties d'aucune condition politique, économique ou autre qui serait incompatible avec les objectifs de la Convention. Il est important que ce fonds soit rapidement abondé afin de répondre à l'attente légitime des pays en développement.

2 - Une plateforme internationale d'échange d'informations

La Convention pose les jalons d'une plateforme de débats et d'échanges sur la diversité culturelle au niveau international. Elle doit permettre une observation et un suivi précis de la réalité de la diversité culturelle dans le monde, ainsi que des échanges de vues, d'information et de bonnes pratiques entre les Parties.

L'article 9 de la Convention prévoit ainsi que les Parties fournissent tous les quatre ans, dans leur rapport à l'Unesco, l'information appropriée sur les mesures prises en vue de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire et au niveau international. La Convention prévoit également la désignation d'un « point de contact » par chaque Partie.

Il s'agit aussi de favoriser la coordination et la concertation des Parties pour la promotion des objectifs de la Convention dans les autres enceintes internationales ainsi que pour le renforcement de la coopération internationale.

L'article 19 de la Convention prévoit en outre que l'Unesco constitue et tienne à jour une banque de données concernant les différents secteurs et organismes gouvernementaux, privés et à but non lucratif oeuvrant dans le domaine des expressions culturelles.

II - EN L'ABSENCE DE MÉCANISME JURIDIQUE VÉRITABLEMENT CONTRAIGNANT, L'AUTORITÉ POLITIQUE DE LA CONVENTION DÉPENDRA AVANT TOUT DE LA MOBILISATION
DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

La plupart des engagements prévus par la Convention n'impliquent pas d'atteindre un résultat précis, mais se réfèrent davantage des obligations de comportement. Peu contraignants d'un point de vue juridique - sinon au titre d'un manque manifeste de diligence dont il faudrait apporter la preuve - ces engagements dépendront donc du suivi politique de leur mise en œuvre et de la mobilisation de la communauté internationale.

A - L'absence de mécanisme juridique véritablement contraignant

1- Un dispositif essentiellement incitatif

La terminologie appropriée pour énoncer les droits et obligations des Parties au titre de la Convention a fait l'objet d'un débat important au cours des négociations. Eu égard au principe de souveraineté des Etats, mentionné à l'article 2, les formulations contraignantes ont été évitées.

La Convention revêt une dimension avant tout incitative puisque les États « peuvent3 » adopter des mesures destinées à promouvoir la diversité des expressions culturelles, et « s'efforcent4 » de développer un environnement favorable à la création et à la diffusion-distribution de leurs propres expressions culturelles. La Convention se limite ainsi à de simples facultés et ne prévoit aucune obligation.

2- L'articulation de la Convention avec les autres instruments juridiques internationaux : le principe de non subordination

Le Titre V de la Convention est consacré aux relations avec les autres instruments juridiques internationaux. L'intitulé de l'article 20 qualifie ces relations par les termes de « soutien mutuel, complémentarité et non subordination ».

Le statut juridique de la Convention par rapport aux autres traités et engagements internationaux a été un sujet majeur de discussions au cours des négociations. Le choix était possible entre trois options :

- donner priorité à la Convention en cas d'incompatibilité avec un autre accord international  ;

- subordonner la Convention aux dispositions de traités antérieurs ou postérieurs  ;

- placer la Convention sur un pied d'égalité avec les autres accords et traités internationaux.

C'est cette troisième option de non subordination que consacre l'article 20 qui énonce que « sans subordonner cette convention aux autres traités, les Parties encouragent le soutien mutuel entre cette convention et les autres traités auxquels elles sont parties ».

Cependant, l'article 20 comporte un second paragraphe qui n'est pas dénué d'ambiguïté puisque il énonce que « rien dans la présente convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des parties au titre d'autres traités auxquels elles sont parties ».

En d'autres termes, cela signifie que la Convention ne remet pas en cause les autres engagements internationaux souscrits par les Parties. S'agissant de l'OMC, cela implique que la Convention ne préjuge en rien de l'inclusion ou de l'exclusion des biens et services culturels dans les futurs accords commerciaux. Cependant, il est indéniable que cette convention encouragera les Parties à prendre en considération l'objectif de diversité culturelle lors des négociations de leurs obligations commerciales et pour l'application et l'interprétation des accords auxquels elles sont liées. L'article 21 prévoit en outre que « les Parties s'engagent à promouvoir les objectifs et principes de la présente convention dans d'autres enceintes internationales »

La Convention représente ainsi un progrès substantiel pour la protection et la promotion de la diversité culturelle au niveau international, y compris dans les négociations commerciales.

La question se pose néanmoins de savoir ce qu'il adviendra en cas de conflit avec d'autres instruments internationaux impliquant des parties totalement ou partiellement identiques. En effet, la stratégie des Etats-Unis, qui n'ont pas signé la Convention, vise à multiplier la conclusion d'accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et services culturels avec le plus grand nombre d'Etats, qu'ils soient ou non partie à la Convention.

3- La faiblesse du mécanisme de règlement des différends

Le mécanisme de règlement des différends prévu à l'article 25 est incontestablement le talon d'Achille de la Convention. La procédure de résolution des litiges est laissée à la discrétion des Parties ; elle n'est assortie d'aucune clause contraignante et ne prévoit pas de sanctions.

En cas de différend sur l'interprétation ou l'application de la Convention, les Parties doivent d'abord rechercher une solution par voie de négociation. En cas d'échec, elles peuvent alors recourir d'un commun accord aux bons offices ou demander la médiation d'un tiers. Elles pourront aussi recourir à une procédure de conciliation, détaillée en annexe de la Convention. La commission de conciliation aura pour mandat de trancher un conflit, mais en proposant une solution dont l'application restera à la discrétion des parties.

À la faiblesse de ce mécanisme, il faut ajouter que chaque Partie peut, au moment de la ratification, de l'acceptation ou de l'adhésion, déclarer qu'elle ne reconnaît pas la procédure de conciliation prévue par la Convention.

Pour autant, l'intérêt d'un tel mécanisme, même s'il n'est pas contraignant, est d'amener les Etats à soumettre leurs différends en matière culturelle à un mécanisme spécifiquement prévu par la Convention. C'est la condition pour que des solutions autres que commerciales puissent être trouvées et qu'une jurisprudence fondée sur des considérations culturelles puisse progressivement se développer.

B - L'autorité politique de la Convention dépendra de la mobilisation de la communauté internationale

1- L'entrée en vigueur de la Convention

En application de son article 29, la Convention entrera en vigueur trois mois après la date du dépôt du trentième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

Signe de l'importance politique attachée à cette convention, la France a fait le choix d'une ratification par la voie parlementaire, ce qui n'était pas juridiquement obligatoire. Le projet de loi de ratification a été adopté le 22 mars 2006 en Conseil des ministres et le gouvernement a exprimé le souhait que la procédure de ratification soit achevée au plus tard pour le prochain Sommet de la francophonie des 28 et 29 septembre 2006 à Bucarest.

En raison de la mixité des compétences affectées par la Convention, une ratification conjointe par la Communauté européenne, d'une part, et les vingt-cinq Etats membres, d'autre part, est nécessaire. De plus, en application de l'article 27 de la Convention, la Communauté européenne est autorisée à devenir Partie à la Convention en tant qu'organisation d'intégration économique régionale.

En décembre 2005, soit deux mois seulement après l'adoption de la Convention, la Commission européenne a adopté une proposition de décision du Conseil relative à l'adhésion de la Communauté à la Convention. Le 27 avril 2006, le Parlement européen a approuvé la Convention de l'Unesco.

La décision autorisant l'adhésion de la Communauté européenne à la Convention a été adoptée lors de la réunion du Conseil des ministres de la culture des 18 et 19 mai 2006. Sans nécessairement attendre que la totalité des procédures internes de ratification des Etats membres soit achevée, la Commission souhaite que la Communauté européenne dépose ses instruments de ratification conjointement avec le plus grand nombre d'Etats membres5.

Depuis l'adoption de la Convention, les appels à la ratification se sont multipliés. Ils émanent à la fois d'institutions internationales et d'organisations issues de la société civile. Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a ainsi adopté une recommandation le 1er février 20066 par laquelle il « recommande qu'à la première occasion, les Etats membres du Conseil de l'Europe ratifient, acceptent, approuvent ou adhèrent à la Convention ».

De même, les coalitions européennes pour la diversité culturelle ont adopté une déclaration finale lors de la réunion qu'elles ont tenue à Bruxelles les 17 et 18 janvier 2006, dans laquelle elles lancent un appel à une ratification rapide de la Convention, et demandent que la Communauté européenne et ses Etats membres donnent l'exemple.

A la date du 16 mai 2006, deux pays (le Canada7 et l'Ile Maurice) avaient ratifié la Convention, tandis que le Burkina Faso devrait prochainement déposer son instrument de ratification8. Le succès de la Convention se jugera au nombre de ratifications. Parce que trente ne suffiront pas à asseoir son autorité politique, il est indispensable d'atteindre une masse critique de ratifications géographiquement représentatives ; il en va du degré d'opposabilité de la Convention. Plus le nombre de ratifications sera élevé, plus les objectifs de la Convention et les mesures prises pour les atteindre se trouveront en effet légitimés.

Une course de vitesse est engagée, alors que les Etats-Unis exercent des pressions sur nombre d'Etats pour qu'ils ne ratifient pas la Convention et concluent avec eux des conventions bilatérales de libéralisation des biens et services culturels. Il est donc important de donner un signal politique fort en accélérant un processus de ratification qui doit être massif.

2 - Le suivi et la mise en œuvre de la Convention

L'efficacité du suivi de la Convention dépendra de la triple mobilisation des Etats (en particulier à travers les organes de la Convention), des organisations internationales et de la société civile.

Les organes de suivi de la Convention sont mentionnés au Titre VI (articles 22 à 24). Il s'agit de la Conférence des Parties et du Comité intergouvernemental.

- La Conférence des Parties est l'organe plénier et suprême de la Convention. Elle se réunit en session ordinaire tous les deux ans, dans la mesure du possible dans le cadre de la Conférence générale de l'Unesco ;

- Le Comité intergouvernemental, qui se réunira une fois par an, est composé de représentants de 18 Etats parties à la Convention9, élus pour quatre ans par la Conférence des Parties, selon les principes de répartition géographique équitable et de rotation. On ne peut écarter l'éventualité que la première réunion de la Conférence des Parties ne permette pas d'atteindre une répartition géographique équitable, compte tenu du fait que les 30 premiers pays à ratifier la Convention pourraient très bien ne pas être représentatifs de l'ensemble des régions du monde. Pour autant, il ne paraît pas souhaitable d'attendre la ratification par un nombre d'Etats suffisamment diversifiés pour assurer une représentation géographique équitable pour procéder à l'élection des membres du Comité intergouvernemental ; d'autant que cela irait à l'encontre de l'article 23 qui prévoit l'élection du comité intergouvernemental dès l'entrée en vigueur de la Convention.

La préparation des réunions des organes créés par la Convention et le suivi de l'application de leurs décisions relèveront du Secrétariat de l'Unesco.

Ces organes ne seront installés qu'à l'entrée en vigueur de la Convention, à savoir trois mois après la date du dépôt du trentième instrument de ratification. Il est donc essentiel que 30 Etats au moins ratifient la Convention avant le 30 juin 2007, soit trois mois avant la 34e Conférence générale de l'Unesco, afin que les organes de suivi puissent être désignés, au plus tard, à cette occasion. Mais il convient dès à présent d'engager une réflexion sur les tâches précises qui pourraient être confiées à ces organes lors de leur première rencontre.

Au-delà des obligations juridiques, le succès de la Convention dépendra en grande partie du soutien politique qui sera apporté aux objectifs poursuivis. À cet égard, il est essentiel d'œuvrer à la mobilisation de tous les réseaux, à commencer par la francophonie dont le rôle a été décisif dans l'adoption de la Convention.

Les assemblées parlementaires des organisations internationales pourront aussi exercer un suivi étroit de la mise en œuvre de la Convention par les gouvernements concernés.

La société civile sera également partie prenante au succès de la Convention. Les nombreuses « coalitions pour la diversité culturelle » qui se sont formées dans le monde exerceront à n'en pas douter un rôle de veille et d'alerte. La société civile, dont l'article 11 de la Convention mentionne « le rôle fondamental dans la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » devra ainsi être une force de proposition capable de dépasser les seuls intérêts corporatistes.

CONCLUSION

Cette convention est une chance pour la diversité culturelle ; c'est aussi une chance pour l'Unesco, une enceinte internationale trop longtemps marginalisée.

La France doit continuer à jouer un rôle moteur dans le combat pour la diversité culturelle, tout en prenant garde à éviter tout débat manichéen stérile entre « un tout culturel » et « un tout commercial ».

Il est plus que jamais nécessaire que notre pays mobilise avec succès, comme cela a été fait jusqu'à présent, l'ensemble de ses réseaux, en particulier la francophonie.

À l'heure d'un prétendu « choc des civilisations », cette convention doit contribuer à promouvoir l'indispensable dialogue des cultures et des civilisations. Elle est la première pierre à l'édification d'un pilier culturel du droit de la mondialisation.

Votre Rapporteur recommande en conséquence l'adoption de ce projet de loi.

LISTE DES PERSONNALITÉS ENTENDUES

Mardi 9 mai 2006 :

- M. Jean MUSITELLI, Ancien ambassadeur de France auprès de l'Unesco

- M. Laurent VIGIER, Conseiller technique à la Présidence de la République (cellule diplomatique: G8 - dossiers multilatéraux)

Mardi 16 mai 2006 :

- M. Pascal ROGARD, Président de la Coalition française pour la diversité culturelle, Directeur Général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)

- Mme Debora ABRAMOVICZ, Directeur des Affaires internationales de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 16 mai 2006.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président Edouard Balladur a rappelé la difficulté, lors des négociations du GATT, à faire admettre aux États-Unis le statut particulier des biens et services culturels. Se félicitant que la Convention de l'Unesco rende légitimes les politiques publiques de soutien à la culture, il a demandé au Rapporteur si la pratique des quotas était protégée par la Convention. Il a alors fait état des récentes déclarations surprenantes de dirigeants de France Télévisions qui se plaignent que TF1 et M6 achètent la plupart des séries américaines. Le Président Edouard Balladur a ensuite demandé au Rapporteur comment il était juridiquement possible pour la Communauté européenne d'adhérer à cette convention de l'Unesco.

M. Roland Blum a demandé au Rapporteur si la multiplication d'accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et services culturels n'allait pas sensiblement réduire la portée de la Convention, indépendamment du nombre des ratifications.

Le Président Edouard Balladur a alors souhaité savoir si le même État pourrait à la fois ratifier la Convention de l'Unesco et signer un accord bilatéral de libéralisation des échanges de biens et services culturels.

En réponse, M. Philippe Cochet a indiqué que la pratique des quotas perdurait. Il a estimé que ce qui se passe en ce début d'année 2006 en France, où le cinéma français représente 50% de parts de marché, démontre l'impact positif des politiques culturelles et devrait encourager les pays à ratifier la Convention. Il a également mentionné la création d'un fonds international pour la diversité culturelle qui devrait inciter les pays en développement à ratifier la Convention. Puis, le Rapporteur a précisé que la ratification conjointe de cette convention par la Communauté européenne, d'une part, et les États membres, d'autre part, s'imposait en raison de la mixité des compétences concernées par la Convention, dès lors que la politique commerciale relève d'une compétence exclusive de la Communauté européenne. Il a néanmoins rappelé le verrou de l'unanimité prévu par le traité de Nice pour toute éventuelle négociation et conclusion d'accords dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels. Enfin, il a déclaré qu'en théorie rien ne s'opposait à ce qu'un même État ratifie la Convention tout en concluant parallèlement des accords bilatéraux de libéralisation des échanges des biens et services culturels. Cependant, une dynamique politique s'est incontestablement engagée en faveur de la promotion de la diversité culturelle, comme en témoigne l'adoption de la Convention par 148 pays et notre capacité à mobiliser des partenaires de plus en plus nombreux - notamment grâce à la francophonie - autour d'un objectif commun. L'action de la France a porté ses fruits.

Le Président Edouard Balladur s'est réjoui du maintien des quotas audiovisuels. Toute en se félicitant de l'adoption de la Convention, il en a souligné le caractère finalement peu normatif qui doit nous conduire à rester vigilants sur le respect de la diversité culturelle.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté à l'unanimité le projet de loi (n° 2978).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la Convention figure en annexe au projet de loi (n° 2978)

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1 Un exemple significatif est la directive européenne « télévision sans frontière » qui réserve un espace au œuvres européennes sur les chaînes de télévision européennes.

2 Article 133 TCE

3 Cf. Article 6 de la Convention.

4 Cf. Article 7 de la Convention.

5 L'article 29§2 de la Convention précise toutefois qu' « aucun des instruments déposés par une organisation d'intégration économique régionale ne doit être considéré comme venant s'ajouter aux instruments déjà déposés par les Etats membres de ladite organisation ».

6 Recommandation Rec (2006) 3 du Comité des Ministres aux Etats membres relatif à la Convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

7 Le Canada a été le premier pays à ratifier la Convention, le 23 novembre 2005.

8 L'Assemblée nationale du Burkina-Faso adopté le 2 mai dernier la loi portant autorisation de ratification de la Convention.

9 L'article 23§4 prévoit que « le nombre des membres du Comité intergouvernemental sera porté à 24 dès lors que le nombre de Parties à la Convention atteindra 50 ».


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