Document mis
en distribution
le 12 juin 2006
N° 3122
--
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 juin 2006.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI, MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, portant réforme des successions et des libéralités,
PAR M. Sébastien HUYGHE,
Député.
--
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1re lecture : 2427 rectifié, 2850 et T.A. 536.
2e lecture : 3095.
Sénat : 1re lecture : 223, 343 et T.A. 99 (2005-2006).
1. Le régime général de l'option 9
2. L'acceptation pure et simple 9
3. L'acceptation à concurrence de l'actif 10
4. La renonciation 11
C. L'ADMINISTRATION DE LA SUCCESSION 12
1. La gestion des successions vacantes ou en déshérence par le service des Domaines 12
2. L'administration de la succession par un mandataire 12
D. L'INDIVISION ET LE PARTAGE 14
II. - LA MODERNISATION DES LIBÉRALITÉS 15
A. UN ENCADREMENT PLUS RIGOUREUX DE LA RENONCIATION ANTICIPÉE
À L'ACTION EN RÉDUCTION (RAAR) 15
B. LA PROTECTION DES DROITS DU CONJOINT SURVIVANT DANS
LA SUCCESSION 16
1. L'action en retranchement dirigée contre les avantages matrimoniaux excessifs 16
2. La quotité disponible spéciale du conjoint survivant 16
C. L'ASSOUPLISSEMENT DU NOUVEAU RÉGIME DES LIBÉRALITÉS GRADUELLES 17
D. LES AUTRES MODIFICATIONS APPORTÉES AU RÉGIME DES LIBÉRALITÉS 18
III. - LES MESURES COMPLÉMENTAIRES 19
A. L'AMÉLIORATION DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (PACS) 19
B. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX RÉGIMES ET AUX AVANTAGES MATRIMONIAUX 20
1. La déjudiciarisation du changement de régime matrimonial 20
2. La confirmation de l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce 20
Article premier (art. 768 à 814-1 du code civil) : Option de l'héritier, successions vacantes ou en déshérence et administration de la succession par un mandataire 23
(art. 768 à 782 du code civil) 23
Section 2 De l'acceptation pure et simple de la succession 25
(art. 783 à 786-1 du code civil) 25
Section 3 De l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net 26
(art. 787 à 803 du code civil) 26
Section 4 De la renonciation à la succession 29
(art. 804 à 808 du code civil) 29
Chapitre V Des successions vacantes et des successions en déshérence 30
Section 1 Des successions vacantes 30
(art. 809 à 810-12 du code civil) 30
Section 2 Des successions en déshérence 33
(art. 811 à 811-13 du code civil) 33
Chapitre VI De l'administration de la succession par un mandataire 34
Section 1 Du mandat à effet posthume 34
(art. 812 à 812-8 du code civil) 34
Section 2 Du mandataire désigné par convention 39
(art. 813 du code civil) 39
Section 3 Du mandataire successoral désigné en justice 39
(art. 813-1 à 814-1 du code civil) 39
Article 4 (art. 816 à 842 du code civil) : Partage 42
Article 5 (art. 843 à 846, 851, 852, 856, 858 et 860 du code civil) : Rapport
des libéralités 43
Article 6 (art. 864 à 867, 873 à 875 et 877 à 881 du code civil) : Paiement
des dettes 44
TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AUX LIBÉRALITÉS 44
Article 10 (art. 893, 895 à 897, 901, 910 et 911 du code civil) : Définition des libéralités - Suppression de la prohibition des substitutions fideicommissaires - Assouplissement des règles relatives aux interpositions 44
Article 12 (art. 912 [nouveau], 913 à 914-1 et 916 du code civil, art. L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle) : Définition de la réserve héréditaire et de la quotité disponible - Conséquences de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession sur le calcul de la quotité disponible
- Suppression de la réserve des ascendants 46
Article 13 (art. 868, 918, 919, 919-1 et 919-2 [nouveaux], 920 à 922, 924, 924-1 à 924-4 [nouveaux] et 928 du code civil, art. L. 321-17 du code rural) : Délais et modalités d'exercice de l'action en réduction des libéralités excessives 47
Article 14 (art. 929 et 930, 930-1 à 930-5 [nouveaux] du code civil) : Possibilité de passer des actes de renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR) 49
Article 15 (art. 952 et 960 à 966 du code civil) : Non automaticité de la révocation des donations entre vifs pour cause de survenance d'enfant 52
Article 16 (art. 1025 à 1034 du code civil) : Extension du champ et de la durée des pouvoirs reconnus à l'exécuteur testamentaire 53
Article 17 (art. 1048 à 1061 et 2506 du code civil) : Possibilité de consentir des libéralités graduelles ou résiduelles 54
Article 19 (art. 1075 à 1075-3, art. 1075-4 et 1075-5 [nouveaux] du code civil) : Règles générales applicables aux donations-partages et aux testaments-partages 57
Article 20 (art. 1076, 1076-1 [nouveau], 1077 à 1077-2, 1078-4 à 1078-10, 1079 et 1080 du code civil) : Règles particulières applicables aux donations-partages et aux testaments-partages 58
Article 21 (art. 1094-1, 1096 et 1098 du code civil) : Assouplissement des règles relatives aux libéralités entre époux 60
Article 21 bis (art. 515-3, 515-3-1 [nouveau], 515-7 du code civil) : Formalités du PACS 61
Article 21 ter (art. 515-4, 515-5 et 515-5-1 à 515-5-3 [nouveaux] du code civil) : Droits et devoirs des partenaires d'un PACS - Régime patrimonial 63
TITRE III DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES 65
Article 22 (art. 55, 62, 116, 368-1, 389-5, 461, 462, 465, 466, 504, 505, 515-6, 621, 723, 730-5, 732, 738-1, 738-2, 751, 754, 755, 757-3, 758-6, 763, 914-1, 916, 937, 1130, 1251, 1390, 1392, 1873-14, 2103, 2109, 2111, 2147, 2258 et 2259 du code civil) : Dispositions diverses et de coordination 65
a) Inscription des enfants en marge de l'acte de naissance des parents (1° et 2°) 65
b) Possibilité offerte au majeur en tutelle de tester (6° bis) 66
c) Donation faite au nom du majeur en tutelle (6° ter et 7°) 67
d) Obligations de l'héritier universel ou à titre universel (10°) 67
e) Droit de retour des biens donnés à un enfant prédécédé sans descendant (12° bis) 68
f) Représentation du renonçant dans une succession (13°) 68
g) Coordination relative aux droits du conjoint successible sur les biens de famille du défunt (13° ter) 69
h) Calcul de la quotité disponible du conjoint survivant (14°) 69
i) Acceptation des donations faites aux hospices (15° bis) 70
Après l'article 22 70
Article 23 quinquies A (nouveau) (art. 11 [nouveau] de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat) : Modalités de désignation du second notaire requis pour la passation d'une renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR) 71
Article 23 quinquies (art. L. 321-2 du code de commerce, art. 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 et art. 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945) : Interdiction faite aux huissiers de justice et notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire 72
Article 23 sexies : Encadrement de l'activité des généalogistes successoraux 73
Article 23 septies (nouveau) (art. L. 621-29-7 [nouveau] du code du patrimoine) : Évaluation de la valeur d'un monument historique 74
Article 26 ter (nouveau) : Création d'une agence foncière pour la Corse 74
Article 26 quater (nouveau) (art. 265 du code civil) : Clause de reprise
des apports de biens propres en cas de divorce 76
Article 26 quinquies (nouveau) (art. 1396 et 1397 du code civil) : Déjudiciarisation du changement de régime matrimonial 77
Article 26 sexies (nouveau) (art. 1527 du code civil) : Possibilité pour les enfants d'un autre lit de renoncer par anticipation à exercer l'action en retranchement à l'encontre d'un avantage matrimonial excessif 79
Article 26 septies (nouveau) : Modalités de révocation des donations de biens présents ne prenant pas effet au cours du mariage 80
Article 27 : Entrée en vigueur et dispositions interprétatives 81
L'Assemblée nationale est appelée à examiner en deuxième lecture le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités.
Issu d'une consultation approfondie avec les acteurs économiques et les professionnels du droit, ce projet modifie profondément le droit des successions dont le caractère obsolète et souvent excessivement rigide est unanimement reconnu. Il s'agit de répondre d'une part aux évolutions démographiques et sociologiques caractérisées par le vieillissement de la population et l'augmentation des recompositions familiales, et d'autre part aux mutations économiques qui accélèrent les transmissions d'entreprise. Le projet vise trois principaux objectifs : donner plus de liberté pour organiser les successions, accélérer et simplifier leur règlement et faciliter la gestion du patrimoine successoral.
Le projet de loi initial comprenait 27 articles, répartis en trois titres :
- le titre premier (articles 1er à 8) réécrit intégralement ou modifie substantiellement l'ensemble des chapitres IV à VI du titre Ier - « Des successions » - du livre III du code civil ;
- le titre II (articles 9 à 21) modifie les chapitres I à VII et IX du titre II
- renommé « Des libéralités » - du livre III du même code ;
- enfin, le titre III (articles 22 à 27) comprend les dispositions diverses, de coordination et transitoires nécessaires à la mise en œuvre de la réforme, dans le code civil ou dans d'autres textes de loi.
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté 259 amendements dont 237 à l'initiative du rapporteur. Ces propositions ont été élaborées à l'issue d'une large consultation au cours de laquelle le rapporteur a entendu soixante-quinze personnes (praticiens, professeurs de droit, associations, représentants des entreprises, administrations). Ce travail a été enrichi par le Sénat qui a adopté 126 amendements : sur les 40 articles que comprenait le texte adopté par l'Assemblée, 20 ont été votés sans modification, et 7 articles additionnels ont été insérés. 27 articles restent donc aujourd'hui en discussion.
Le projet de loi vise à simplifier le règlement des successions, en sécurisant la détermination des héritiers et en accélérant leur prise de position quant à l'acceptation de la succession. En outre, afin de faciliter la gestion du patrimoine successoral, l'administration des successions vacantes ou en déshérence est modifiée, et le recours au mandat est développé. Enfin, plusieurs dispositions modifient les règles de l'indivision et du partage.
Aujourd'hui, seule la consultation du livret de famille permet de connaître les enfants du défunt. Or ce document peut avoir été égaré ou ne pas avoir été mis à jour. Afin de faciliter la détermination des héritiers, le projet de loi prévoyait l'inscription obligatoire, en marge de l'acte de naissance de chacun des parents légitimes, de la mention de la naissance de chacun de leurs enfants (article 55 du code civil) et, en marge de l'acte de naissance de l'auteur de la reconnaissance de l'enfant naturel, de la mention de l'acte de reconnaissance (article 62 du même code).
Afin de rationaliser la détermination des héritiers, l'Assemblée nationale a, en première lecture, souhaité compléter le projet de loi par un encadrement de la profession de généalogiste, en soumettant cette activité à la signature d'un mandat donné par un cohéritier ou par le notaire chargé de la succession (article 23 sexies du projet de loi).
Le Sénat a modifié le texte voté par l'Assemblée.
Il a, en premier lieu, supprimé l'inscription de la mention des enfants en marge de l'acte de naissance des parents, au motif qu'elle porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
En outre, l'encadrement de la profession de généalogiste a été assoupli : toutes les personnes ayant un intérêt direct et légitime à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession, et notamment les créanciers, pourront mandater un généalogiste, et l'obligation du mandat ne sera pas exigée pour les successions vacantes ou en déshérence.
Le projet de loi améliore l'ensemble du régime de l'option, avec l'objectif général d'accélérer les procédures en donnant aux héritiers, aux créanciers et aux notaires les moyens d'obtenir que les décisions importantes pour le règlement de la succession soient prises dans un délai raisonnable. Les deux régimes d'acceptation, pure et simple et sous bénéfice d'inventaire, sont revus au profit des héritiers, tout en garantissant les droits des créanciers.
L'action interrogatoire est généralisée afin de permettre aux créanciers, aux cohéritiers, aux héritiers de rang subséquent et à l'État de sommer l'héritier inactif de prendre position. À défaut d'option, celui-ci sera considéré comme ayant accepté la succession purement et simplement. Cette mesure s'accompagne d'une réduction du délai de prescription de trente à dix ans, période au-delà de laquelle l'héritier inactif sera réputé pour renonçant.
Dans le même sens, le projet de loi prévoit de sécuriser les héritiers contre le risque de voir interprétés comme une acceptation pure et simple les actes d'administration de la succession réalisés avant d'avoir exercé l'option successorale. Désormais, certains actes pourront être effectués au lendemain du décès, sans obliger les héritiers au paiement des dettes grevant la succession. En outre, sur autorisation du juge, le successible pourra effectuer tout acte que requiert l'intérêt de la succession, sans pour autant accepter celle-ci.
En première lecture, l'Assemblée nationale a renforcé l'efficacité et la sécurité juridique du régime général de l'option :
- le délai pour répondre à la sommation d'opter a été porté d'un à deux mois, une durée limitée à un seul mois étant trop courte si, par exemple, la sommation est faite au milieu de l'été (article 772) ;
- afin de compenser la réduction très sensible du délai de prescription, qui passe de trente à dix ans, ce délai ne jouera pas tant que le successible a une juste raison d'ignorer la naissance de son droit (article 781) ;
- une sanction financière pour recel d'héritier, de droits ou de biens a été créée (article 778).
Le Sénat n'est pas revenu sur les modifications votées par l'Assemblée nationale.
Le caractère définitif et irrévocable de l'acceptation pure et simple est préservé, mais sous réserve d'une dérogation s'agissant des dettes successorales inconnues au moment de l'acceptation.
Ainsi, l'héritier acceptant purement et simplement, c'est-à-dire assumant la totalité des dettes, pourra-t-il obtenir du juge la décharge totale ou partielle des dettes dont il n'a eu légitimement connaissance que longtemps après avoir accepté la succession. Ces dettes peuvent en effet être importantes par rapport à l'actif successoral ou par rapport au patrimoine personnel de l'héritier, et conduire celui-ci à la ruine.
En outre, les héritiers qui acceptent purement et simplement une succession ne seront plus tenus, sur leurs biens personnels et sans limite, du versement au légataire de la somme d'argent qui lui a été léguée par le défunt. La suppression de cette règle, unanimement dénoncée pour son iniquité, interdira au défunt d'obliger ses héritiers à donner plus que ce qu'il leur a transmis.
En première lecture, l'Assemblée nationale a étendu la liste des actes n'entraînant pas acceptation tacite aux actes de disposition (emprunt, investissement) déjà décidés avant le décès du chef d'entreprise, et au renouvellement des baux, notamment commerciaux, pour éviter à la succession d'avoir à payer des indemnités potentiellement lourdes (article 785).
Le Sénat a poursuivi cet élargissement en autorisant le successible à effectuer les opérations nécessaires à la continuation à court terme de l'activité de l'entreprise (même article).
Le projet de loi se devait de réviser dans son ensemble l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Cette option est aujourd'hui rarement choisie, en raison de la lourdeur et de l'imprécision de son régime. La modernisation de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, désormais appelée « acceptation à concurrence de l'actif net », repose sur trois mesures essentielles :
- la déclaration sera soumise à une publicité permettant une information des créanciers, lesquels disposeront d'un délai fixe pour se faire connaître ;
- le rôle de l'inventaire est augmenté : actuellement utilisé pour déterminer la composition du patrimoine, le projet de loi lui donne un rôle estimatif ; établi par un officier public ou ministériel, il servira de base aux opérations de règlement de la succession ;
- l'héritier retrouve un rôle central : il disposera dorénavant d'un véritable pouvoir quant au sort des biens successoraux. Deux possibilités lui seront offertes : soit la vente des biens, soit leur conservation. Dans les deux cas, la décision sera publiée et l'héritier aura la responsabilité de la répartition des fonds entre les créanciers. Les modalités de cession des actifs sont allégées, et l'héritier pourra déclarer conserver certains biens de la succession, en en réglant la valeur fixée par l'inventaire.
En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité accélérer et moduler la procédure de l'acceptation à concurrence de l'actif net :
- elle a, en premier lieu, prévu une publication nationale des déclarations d'acceptation, pour informer convenablement les créanciers et permettre de réduire le délai qui leur est imparti pour la déclaration de leurs créances (article 788) ;
- corrélativement, le délai de déclaration des créances est réduit de deux ans à quinze mois (article 792), le délai de dépôt de l'inventaire est porté d'un à deux mois (article 790) et toute nouvelle prise de sûreté inscrite sur les biens d'une succession acceptée à concurrence de l'actif est interdite (article 792-1) ; en outre, est introduite la possibilité de prendre en compte à titre provisionnel les créances non connues de manière définitive (article 792) ;
- par mesure d'équité et conformément au principe général suivant lequel le cautionnement doit suivre le principal, il est précisé que la caution n'est plus tenue lorsque le délai de déclaration est forclos et la créance éteinte à l'égard de la succession (même article) ;
- enfin, pour simplifier la procédure et notamment les démarches des créanciers, l'Assemblée nationale a souhaité que le domicile élu soit identique pour tous les héritiers (article 788). De même, dans le cas mixte d'au moins un acceptant à concurrence de l'actif et d'au moins un acceptant pur et simple, les règles de l'acception à concurrence de l'actif s'appliqueront (article 792-2).
Pour sa part, le Sénat a renforcé la sécurité juridique des transactions, en prévoyant que la contestation du prix de vente d'un bien successoral par l'héritier n'est pas possible lorsque la vente a été réalisée aux enchères publiques (article 794). En outre, les sénateurs ont porté de huit à quinze jours le délai imparti à l'héritier pour déclarer l'aliénation ou la conservation d'un bien (même article).
Le projet de loi apporte des précisions opportunes au régime de la renonciation. Le principe longtemps intangible de l'interdiction de la représentation des renonçants de leur vivant est en grande partie abandonné, pour permettre en particulier des successions trans-générationnelles ab intestat en ligne directe, même si elles n'ont pas été organisées à l'avance par le défunt.
En première lecture, l'Assemblée nationale a, par souci d'équité, étendu la faculté de représentation des renonçants vivants aux successions en ligne collatérale (article 754). De même, l'Assemblée a souhaité conforter la jurisprudence insuffisamment assise et encore parfois contestée selon laquelle le renonçant ne peut échapper à la charge du paiement des frais funéraires, à proportion de ses moyens, qu'il doit en raison de son devoir de respect à l'égard de ses parents (article 806).
Le Sénat a maintenu ces modifications.
Le projet de loi modernise la procédure de gestion des successions vacantes et en déshérence par le service des Domaines, dans l'intérêt des créanciers et, plus accessoirement, des héritiers eux-mêmes. Cette procédure est maintenue au sein du service public, car elle doit garantir l'égalité des créanciers, publics comme privés. Elle est en revanche unifiée, avec un rapprochement des deux procédures actuelles de gestion des successions vacantes et des successions non réclamées, dites administrées.
La vacance fera désormais l'objet d'une publicité, et la gestion du patrimoine de la succession sera allégée par la mise en place d'une nouvelle procédure de vente des biens destinée à accélérer le règlement des créanciers. Ces derniers disposeront en outre, de la faculté de s'opposer aux ventes réalisées de gré à gré en demandant de leur substituer une vente par adjudication.
Par ailleurs, le projet de loi évitera à l'avenir que les héritiers ne laissent l'État gérer la succession vacante avant de la réclamer lorsque, au terme de la procédure, est constaté un actif une fois le passif réglé. Ainsi, dès lors que l'État aura été envoyé en possession, il deviendra impossible de révoquer la renonciation par une acceptation pure et simple. L'héritier hésitant est donc légitimement incité à accepter la succession à concurrence de l'actif et à la liquider, soit lui-même, soit par l'intermédiaire d'un mandataire.
En première lecture, l'Assemblée nationale a modifié les règles d'administration des successions vacantes, en prévoyant que ne s'appliquera pas à cette catégorie de successions le mécanisme d'extinction des créances et d'interdiction des mesures d'exécution (article 809-3). Elle a en effet considéré que ce mécanisme, prévu pour protéger l'héritier contre les déclarations tardives des créanciers en cas de successions acceptées à concurrence de l'actif, n'a pas vocation à s'appliquer aux successions vacantes sur lesquelles l'administration des domaines ne dispose d'aucun droit propre.
Le Sénat n'a pas modifié le régime des successions vacantes et a précisé les modalités d'établissement de l'inventaire d'une succession en déshérence (article 811-1).
Les outils d'administration des successions sont profondément enrichis par de nouvelles facultés de désigner des mandataires. Afin de faciliter la gestion du patrimoine transmis, le projet de loi développe le recours au mandat. À coté du mandat conventionnel, application classique du droit commun, le texte met en place deux mécanismes nouveaux : le mandat posthume et le mandat successoral.
Le mandat posthume permettra au défunt de désigner de son vivant un mandataire avec la mission d'administrer tout ou partie du patrimoine transmis si les héritiers, en raison de leur jeune âge ou de leur handicap, sont inaptes à le faire eux-mêmes. La validité de ce mandat, qui pourra être particulièrement utile dans le cadre de la gestion d'une entreprise, sera subordonnée à l'existence d'un intérêt sérieux et légitime au regard soit du patrimoine transmis, soit de la personne de l'héritier.
En première lecture, l'Assemblée nationale a amélioré le régime du mandat posthume :
- il a été précisé que l'intérêt sérieux et légitime autorisant un tel mandat doit être apprécié en considération de la personne de l'héritier ou de la nature du patrimoine (article 812-1) ;
- la durée du mandat posthume a été assouplie par l'introduction d'une possibilité de prorogation par le juge de la première période de deux ans (même article) ;
- pour éviter toute ambiguïté, il a été précisé que le mandat posthume illimité est possible en cas d'inaptitude à agir, et non pas en cas d'incapacité au sens strictement juridique (même article) ;
- il a été explicitement prévu que le mandat posthume peut être donné à une personne morale, telle une association ou une fondation, et, en corollaire, qu'il peut y être mis fin en cas de dissolution de la personne morale mandataire (article 812) ;
- le mandataire a été autorisé à procéder à des actes de disposition à compter du moment où au moins un des héritiers a accepté la succession (article 812-1-2) ;
- le mandat posthume ne disparaîtra pas en cas de mise en tutelle de l'héritier intéressé, puisqu'il est précisément prévu pour bénéficier à des héritiers inaptes à agir par eux-mêmes pour gérer la succession, que ce soit en raison de leur âge ou de leur manque de compétence professionnelle (article 812-4) ;
- enfin, il sera exigé du mandataire posthume de rendre systématiquement un compte annuel aux héritiers intéressés et au juge, comme le mandataire successoral, pour leur permettre éventuellement d'agir en cas d'inexécution ou de mauvaise gestion (article 812-8).
Le Sénat a apporté au régime du mandat posthume quatre modifications :
- il propose d'interdire au notaire chargé de la succession d'être mandataire (article 812) ;
- le mandat à durée indéterminée a été supprimé et remplacé par un mandat d'une durée de cinq ans prorogeable en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers ou de la nécessité de gérer des biens professionnels (article 812-1) ;
- les conditions de rémunération du mandataire ont été revues : cette rémunération pourra être mixte (revenus et capital) et constituera une charge de la succession qui ouvrira droit à réduction lorsqu'elle aura pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve (articles 812-2 et 812-3) ;
- les pouvoirs reconnus au mandataire tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession ont été étendus aux actes de surveillance et d'administration provisoire, le mandataire ayant en outre la possibilité de demander au juge l'autorisation d'accomplir tout autre acte que requiert l'intérêt de la succession (article 812-1-2).
Afin de régler les situations de blocage des successions complexes, le juge a désormais la possibilité de désigner un mandataire successoral. Cette désignation interviendra dans des hypothèses de mésentente entre les héritiers, de carence ou de faute de l'un d'entre eux dans l'administration de la succession, sur demande de tout intéressé. Les pouvoirs de ce mandataire seront déterminés par le juge, auquel il devra rendre compte de sa mission.
En première lecture, l'Assemblée nationale a précisé le régime du mandat successoral :
- les personnes qui assuraient l'administration des biens pour le compte de la personne décédée sont autorisées à demander la désignation d'un mandataire successoral qui pourra être une personne morale (article 813-1) ;
- le juge aura la possibilité d'autoriser le mandataire successoral à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession lorsque celle-ci a été acceptée à concurrence de l'actif par au moins un héritier (article 814).
Pour sa part, le Sénat a chargé le juge de fixer la rémunération du mandataire successoral qu'il désigne (article 813-9).
L'examen en première lecture par l'Assemblée nationale du régime de l'indivision a contribué, d'une part, à accentuer la souplesse recherchée par le projet de loi et, d'autre part, à protéger les indivisaires minoritaires.
Ainsi, la nouvelle règle de majorité, permettant à deux tiers des indivisaires de prendre certaines décisions, a été étendue à la conclusion et au renouvellement des baux d'habitation. Une obligation d'information des indivisaires minoritaires a été instituée à la charge de ceux qui ont agi en vertu de leurs droits majoritaires. L'exigence d'un caractère d'urgence pour justifier une mesure conservatoire a été supprimée.
Outre de nombreux amendements rédactionnels ou de coordination, l'Assemblée nationale a apporté quelques modifications ponctuelles aux dispositions relatives au partage. Elles visent à tenir compte, lors de l'estimation des biens en vue du partage, des charges pouvant éventuellement les grever (art. 829) ; à soumettre à un acte extrajudiciaire la mise en demeure de l'indivisaire défaillant lors d'un partage amiable (art. 837) ou de l'indivisaire inerte lors d'un partage judiciaire (art. 841-1) ; à permettre la réalisation d'un partage judiciaire unique lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes personnes (art. 840-1).
Le Sénat a adopté conforme l'article 2 relatif à l'indivision ainsi que l'article 3 qui organise le chapitre relatif au partage. Il a, en revanche, apporté plusieurs modifications aux dispositions relatives au partage.
Pour l'article 4 consacré aux opérations de partage, le texte adopté par le Sénat élargit le champ du sursis au partage (art. 820) et du maintien de l'indivision (art. 821) aux entreprises exploitées sous forme sociale. Il assouplit également la condition de participation à l'exploitation de l'entreprise transmise posée pour bénéficier de l'attribution préférentielle en permettant que les descendants de l'héritier puissent la remplir (art. 831, 832-2 et 832-2).
À l'initiative de la commission des Lois, un article additionnel précisant les modalités d'évaluation, lors du partage, d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques a été adopté.
La principale modification de l'article 5, relatif au rapport des libéralités, concerne le rapport d'une libéralité en faveur de l'héritier renonçant (art. 845). Le Sénat a prévu un mécanisme permettant d'indemniser effectivement les héritiers acceptants.
Afin de permettre aux familles de s'entendre pour venir en aide à un enfant handicapé ou pour faciliter la transmission d'une entreprise, le projet de loi propose d'assouplir les règles protégeant les droits des héritiers réservataires dans la succession. Pour ce faire, il autorise ces derniers à établir devant notaire des actes de renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR), par lesquels ils s'engagent définitivement à ne pas demander, une fois la succession ouverte, la réduction des libéralités consenties par le défunt à une ou plusieurs personnes mentionnées dans l'acte (article 14).
Afin de répondre à diverses inquiétudes exprimées et notamment de limiter les risques de pressions sur le renonçant, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture une série d'amendements visant à mieux encadrer ce dispositif très novateur, s'agissant en particulier du caractère libre et éclairé du consentement du renonçant. Elle a ainsi précisé que la RAAR serait nulle en cas d'erreur, de dol ou de violence, et souhaité :
- que l'acte soit exclusivement consacré à la RAAR et en mentionne précisément les conséquences juridiques pour le renonçant ;
- que chaque renonçant soit majeur et signe ces actes séparément en présence du seul notaire ;
- que la RAAR puisse être révoquée si son bénéficiaire commet un délit ou un crime à l'encontre du renonçant ;
- que le renonçant se trouvant en état de besoin à l'ouverture de la succession ne puisse révoquer sa renonciation qu'à hauteur de ses besoins.
Le Sénat a complété cette démarche protectrice en précisant que la RAAR devra être reçue par deux notaires, dont l'un ne sera pas choisi par la famille mais par le président de la chambre des notaires, afin de garantir au renonçant une information objective et indépendante (voir aussi article 23 quinquies A).
Le Sénat a souhaité permettre aux enfants d'un premier lit de renoncer par anticipation à exercer, lorsque s'ouvrira la succession, l'action en retranchement lorsque le conjoint survivant a bénéficié d'un avantage matrimonial excessif (article 26 sexies).
Lorsque le consensus familial aura débouché sur un acte entouré des mêmes garanties que la renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR), le conjoint survivant pourra ainsi conserver les biens du défunt jusqu'à son propre décès. Les enfants signataires du pacte ne renonceront donc pas définitivement à faire valoir leurs droits réservataires, mais accepteront qu'ils ne soient rétablis qu'au décès de leur beau-parent. Cet assouplissement paraît donc mesuré et utile.
Le Sénat a supprimé les dispositions du projet de loi qui réformaient la quotité disponible spéciale du conjoint survivant (article 21).
Il convient de rappeler qu'actuellement, si, en l'absence de libéralités, la dévolution légale du conjoint survivant est plus faible en présence d'enfants d'un premier lit, en revanche la quotité disponible (1) spéciale entre époux est identique, que les enfants soient issus ou non des deux époux. De ce fait, lorsque le disposant a établi des libéralités au profit de son conjoint, cette quotité spéciale permet notamment au conjoint de recevoir la totalité des biens du défunt en usufruit, ce qui peut conduire en pratique, dans certaines familles « recomposées », à priver de la réalité de leur réserve les enfants d'un premier lit.
Le projet de loi proposait donc de réduire cette quotité disponible spéciale à la moitié des biens en présence d'enfants non communs, ce qui pouvait sembler un peu abrupt. Aussi l'Assemblée nationale avait-elle retenu en première lecture, à l'initiative de votre Commission, une solution plus nuancée : elle consistait à permettre au conjoint survivant de recevoir un usufruit plus étendu, portant sur l'ensemble des biens des enfants communs et ne s'imputant que subsidiairement sur la réserve des enfants non communs.
Devant le risque que certains conjoints, se croyant protégés, ne rencontrent de sévères déconvenues à l'ouverture de la succession, le Sénat a préféré, plus simplement, renoncer à cette réforme. Il est vrai que celle-ci ne visait pas, contrairement à la majorité des dispositions relatives aux libéralités, à accroître la liberté du disposant. Faute de consensus sur cette question délicate, il vous est donc proposé de ne pas revenir sur la décision du Sénat.
Ce dernier n'a pas, en revanche, modifié la disposition précisant que la quotité disponible spéciale entre époux détermine la gratification maximale faite au conjoint survivant et ne peut, en conséquence, être cumulée avec la quotité disponible ordinaire. L'Assemblée nationale a, en première lecture, donné à cette règle un caractère absolu en précisant que, même lorsque le disposant l'a prévu, un tel cumul au profit du conjoint est impossible (article 22).
Le projet de loi vise à donner un fondement légal à la pratique déjà ancienne du legs de residuo et à l'étendre aux donations, en autorisant dans le code civil les libéralités résiduelles. En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité compléter la panoplie des outils juridiques à la disposition des familles, en autorisant également les libéralités graduelles qui, à la différence des libéralités résiduelles, mettent à la charge du premier gratifié l'obligation de conserver le bien qui sera transmis à son décès à un second gratifié (article 17).
Le Sénat a approuvé cette innovation importante, tout en apportant deux précisions utiles :
- lorsqu'une libéralité graduelle portera sur un portefeuille de valeurs mobilières, l'obligation de conservation n'empêchera pas sa bonne gestion, qui suppose que le premier gratifié puisse vendre et racheter des valeurs mobilières : sa charge ne portera que sur le portefeuille et non sur les titres le composant ;
- une donation graduelle pourra être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur, afin de permettre à un grand-père de consentir, par exemple, la donation d'un bien immobilier à son fils, à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à l'ensemble de ses enfants nés et à naître.
L'Assemblée nationale a supprimé en première lecture la réserve dont disposent actuellement les ascendants du défunt lorsque ce dernier n'a pas laissé d'enfant, de façon à ne pas favoriser les successions « remontantes » et à ne pas remettre en cause les libéralités faites au conjoint survivant (article 12). Le Sénat a approuvé cette modification, qui ne remet pas en cause la dévolution légale au profit des ascendants en cas de succession ab intestat et ne jouera que pour les biens acquis par le défunt, un droit de retour automatique étant institué au profit des ascendants pour les biens qu'ils avaient transmis au défunt (article 22).
Le Sénat a atténué le raccourcissement du délai au terme duquel la révocation des donations pour survenance d'enfant n'est plus autorisée : alors que le projet de loi ramenait ce délai de 30 à 2 ans à compter de la naissance ou de l'adoption du dernier enfant, le Sénat a jugé plus sage de retenir un délai de prescription de 5 ans, ce qui semble raisonnable (article 15).
Par ailleurs, le Sénat a prévu que la possibilité de réaliser une donation-partage d'une entreprise exploitée en forme de société serait limitée au cas où le donateur exerce une fonction dirigeante dans la société, afin d'éviter la donation-partage d'un simple portefeuille de valeurs mobilières (article 19).
Enfin, le Sénat a ajouté que, lorsque le défunt est décédé sans postérité ni parent, la dévolution aux frères et sœurs jouerait pour les biens que celui-ci avait reçus de tous ses ascendants, et non plus de ses seuls parents (article 22). Il est en effet souhaitable de tirer toutes les conséquences de l'avancée majeure que constitue pour les familles la possibilité d'effectuer au sein d'une donation partage des donations trans-générationnelles, par lesquelles un grand-parent pourra notamment gratifier directement ses petits-enfants (article 19).
Faisant suite aux propositions de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants et aux conclusions du groupe de travail sur le PACS, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements améliorant le PACS qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture avec le soutien actif du rapporteur.
Deux dispositions concernent directement le droit des successions :
En premier lieu, le partenaire survivant d'un pacs peut désormais se prévaloir des dispositions de l'article 763 qui attribue au conjoint survivant pendant une année un droit de jouissance gratuite du logement commun afin d'éviter une éviction dramatique et injustifiée du logement juste après le décès.
En second lieu, le partenaire survivant d'un PACS peut bénéficier de l'attribution préférentielle de droit du logement dès lors que le défunt l'a prévu dans son testament. Sur la proposition de la commission, l'exclusion de l'attribution préférentielle de l'exploitation agricole au bénéfice du partenaire survivant d'un pacs est supprimée.
Deux articles additionnels réforment, d'une part, les formalités du pacs et, d'autre part, le régime patrimonial du PACS.
- Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise les conditions d'enregistrement, de modification et de dissolution du PACS ainsi que les modalités d'opposabilité à l'égard des tiers. La principale innovation réside dans la publicité du PACS à l'état civil par la mention en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires, préservant l'identité du partenaire du PACS (art. 515-3-1).
Le Sénat a modifié cette dernière disposition en prévoyant, malgré l'avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, l'indication du partenaire dans la mention en marge de l'acte de naissance. Il a également précisé les modalités de liquidation des créances entre partenaires d'un PACS.
- L'article 515-4 adopté par l'Assemblée nationale complète les devoirs des partenaires d'un PACS par l'obligation de vie commune ainsi que l'assistance réciproque.
Le régime patrimonial du PACS est profondément modifié. Le régime actuel fondé sur deux présomptions d'indivision différentes selon le type de biens est supprimé. L'article 515-5 prévoit que le régime de séparation des biens devient la règle, sauf pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante. Les partenaires pourront toutefois opter par convention pour un régime d'indivision organisé, certains biens limitativement énumérés restant néanmoins la propriété de chaque partenaire.
Outre des amendements rédactionnels et de précision, le Sénat a adopté un amendement complétant la liste des biens qui demeurent la propriété exclusive de l'un des partenaires par ceux résultant d'une donation.
Le Sénat propose de déjudiciariser le changement de régime matrimonial (article 26 quinquies du projet de loi), en supprimant l'obligation d'homologation par le tribunal de grande instance. Cette obligation est remplacée par une information des enfants et des créanciers, qui pourront s'y opposer dans le délai de trois mois. Néanmoins, en présence d'enfants mineurs, le changement de régime matrimonial restera soumis à l'homologation par le juge.
2. La confirmation de l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce
Le Sénat a prévu de valider la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce (dite « clause alsacienne »), figurant dans un contrat de mariage (article 26 quater du projet de loi). Les époux auront ainsi la garantie, si le contrat de mariage le prévoit, de reprendre après le divorce les biens qu'ils ont apportés à la communauté.
*
* *
La Commission a examiné le projet de loi modifié par le Sénat au cours de sa séance du 6 juin 2006.
Après l'exposé du rapporteur, M. Alain Vidalies a estimé que le Sénat avait réalisé un travail important qui ouvre un nouveau champ de réflexion à l'Assemblée nationale. Il a fait part de sa satisfaction devant l'abandon de la réforme de la quotité disponible spéciale du conjoint survivant, en considérant que cette remise en cause de la loi de 2001 constituait un combat d'arrière garde. Il s'est félicité que, sur ce point, le Sénat n'ait pas suivi l'analyse présentée en séance par le garde des Sceaux, et notamment les propos contestables sur la supériorité des filiations par le sang.
Il s'est déclaré persuadé que l'héritier taisant doit être tenu pour renonçant et non pas acceptant, et que, si le texte n'est pas modifié en ce sens, d'importantes difficultés de procédure ne manqueront pas d'apparaître. Il a appelé de ses voeux la création d'un fichier national des assurances sur la vie, en faisant valoir que, faute d'un tel fichier, de nombreux bénéficiaires de contrats continueront à être privés de leurs droits parce qu'ils n'en ont pas connaissance, au plus grand profit des sociétés d'assurance qui conservent les sommes capitalisées. Il a considéré que le code de bonne conduite proposé ne constitue pas une solution suffisante et que, dans ces conditions, l'absence de versement des contrats d'assurance-vie à leurs bénéficiaires risque de déboucher sur un véritable scandale dont la presse ne manquera pas de s'emparer.
M. Alain Vidalies a ensuite estimé que, en prévoyant de mentionner sur l'acte de naissance des personnes pacsées l'identité de leur partenaire, le Sénat propose une modification majeure qui fait du PACS un mariage bis, à l'inverse des intentions du législateur de 1999 qui voulait une différence entre ces deux formes d'organisation du couple. Il a considéré qu'une telle modification nécessite une concertation approfondie, et ne peut pas être adoptée au détour d'un amendement sénatorial sur lequel l'Assemblée nationale refuserait de revenir en faisant primer les contraintes du calendrier législatif sur l'exigence d'un débat de fond.
Il a enfin déclaré sa totale opposition à la déjudiciarisation du changement de régime matrimonial, même réduite aux cas où les époux n'ont plus d'enfants mineurs. Il a estimé que cette réforme comporte des risques considérables pour le respect des droits des enfants que seule une intervention a priori du juge peut préserver. La situation d'engorgement des tribunaux ne saurait justifier la réforme proposée par le Sénat, qui n'est fondée ni en opportunité, ni en équité, et qu'il serait irresponsable de maintenir sous prétexte de parvenir à un vote conforme du texte en navette.
Le rapporteur a tout d'abord indiqué qu'il répondrait aux arguments de M. Alain Vidalies à l'occasion de l'examen de ses amendements. Puis, il a précisé que, votée par le Sénat à l'initiative de M. Robert Badinter, la réforme des modalités d'enregistrement des PACS n'a suscité aucune opposition de la part des associations de défense des droits des homosexuels. Faisant valoir que les risques d'atteinte à la vie privée étant limités par le fait que la plupart de nos concitoyens naissent dans des villes importantes qui sont les seules à disposer de maternités, il n'a pas souhaité revenir sur une disposition proposée à la fois par la majorité et par l'opposition du Sénat.
La Commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi restant en discussion.
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SUCCESSIONS
Article premier
(art. 768 à 814-1 du code civil)
Option de l'héritier, successions vacantes ou en déshérence et administration de la succession par un mandataire
Cet article modifie les facultés d'option de l'héritier, simplifie les procédures applicables aux successions vacantes et aux successions en déshérence, et crée de nouvelles procédures d'administration des successions par un mandataire.
Il réécrit intégralement les chapitres IV, V et VI du titre 1er du livre III du code civil. Dans la rédaction initiale du projet de loi, il comprenait 86 articles codifiés. En première lecture, l'Assemblée nationale en a supprimé un et ajouté quatre. Sur les 89 articles codifiés que comprend le texte adopté par l'Assemblée, le Sénat en a modifié 25.
Chapitre IV
De l'option de l'héritier
Section 1
Dispositions générales
(art. 768 à 782 du code civil)
Cette section détermine les dispositions générales applicables à l'option de l'héritier.
Les modifications apportées au droit en vigueur visent à accélérer et à sécuriser les procédures. Ainsi, l'acceptation à concurrence de l'actif net se substitue à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire (article 768). Les créanciers et cohéritiers auront la possibilité de sommer l'héritier d'opter quatre mois après l'ouverture la succession (article 771), et l'héritier sommé qui continue à garder le silence sera réputé acceptant pur et simple (article 772). En outre, la sanction du recel successoral de droits ou de biens est étendue à la dissimulation de l'existence d'un cohéritier (article 778). Enfin, l'héritier perdra son droit d'option et sera tenu tacitement pour renonçant par une prescription extinctive de 10 ans, et non plus de 30 ans.
En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté, outre des précisions de portée rédactionnelle, plusieurs modifications au texte initial du projet :
- elle a, en premier lieu, souhaité porter d'un mois à deux mois le délai pour répondre à la sommation d'opter (article 772). De même, elle a précisé que le délai de prescription de dix ans ne jouera pas tant que le successible a une juste raison d'ignorer la naissance de son droit (article 781) ;
- une sanction financière pour recel d'héritier, de droits ou de biens a été ajoutée : les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier (article 778).
Pour sa part, le Sénat a adopté deux amendements rédactionnels et précisé sur deux points les conséquences de l'extinction du délai d'option de dix ans :
- en l'absence d'option à l'issue de ce délai, l'héritier sera réputé renonçant et non plus, comme le prévoyait l'Assemblée nationale, tenu pour tel (deuxième alinéa de l'article 781) ;
- par coordination avec la rédaction retenue pour la décharge d'une dette tardivement connue par un héritier acceptant (article 786-1), la prescription de dix ans ne jouera pas à l'encontre d'un héritier qui a des motifs légitimes, et non plus une juste raison, d'ignorer la naissance de son droit (dernier alinéa de l'article 781).
En outre, le Sénat a supprimé la règle relative au repentir en cas de recel successoral, prévue à l'article 779. Le projet de loi prévoyait de consacrer la règle jurisprudentielle qui admet, dans le silence de la loi, un droit au repentir, lorsque celui-ci est exercé avant la découverte des faits. Le Gouvernement s'est rallié à la suppression de cette disposition, en considérant que le repentir nécessite une appréciation subjective par le juge - afin en particulier de déterminer si le repentant est ou non de bonne foi -, difficilement compatible avec l'introduction dans la loi d'un droit au repentir.
M. Alain Vidalies a présenté un amendement visant à résoudre le problème précédemment évoqué s'agissant des héritiers restés silencieux, en prévoyant qu'ils soient réputés héritiers renonçants sur décision du tribunal, plutôt qu'acceptants.
Le rapporteur a rappelé qu'un amendement similaire avait été rejeté par l'Assemblée nationale en première lecture et a estimé que la renonciation d'office constituerait une sanction beaucoup trop forte à l'encontre de l'héritier taisant. Il a ajouté que cela impliquerait une recherche des héritiers du renonçant et rallongerait du même coup le règlement des successions, ce qui serait contraire à l'objectif du projet de loi. Il a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
La Commission a rejeté cet amendement.
Section 2
De l'acceptation pure et simple de la succession
(art. 783 à 786-1 du code civil)
Les cinq articles de cette section définissent le régime de l'acceptation pure et simple.
Comme dans le droit en vigueur, cette modalité d'option peut être expresse lorsqu'elle est donnée par un acte authentique ou sous seing privé, ou tacite lorsqu'elle résulte de certaines décisions prises par le successible (article 783).
Si l'acceptation implique la prolongation patrimoniale de la personne décédée, incluant la responsabilité illimitée de l'ensemble des dettes et charges (premier alinéa de l'article 786), l'héritier ne pourra plus être tenu sur ses biens personnels, sans limite, au paiement d'un legs consenti par le défunt (dernier alinéa du même article).
En outre, le périmètre des actes n'entraînant pas acceptation tacite est clarifié par le projet de loi :
- le principe suivant lequel les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être réalisés sans entraîner automatiquement l'acceptation pure et simple demeure (premier alinéa de l'article 785), mais les actes pour lesquels le caractère conservatoire n'a pas à être démontré sont énumérés (cinq derniers alinéas du même article) ;
- le successible pourra accomplir sur autorisation du juge, sans prendre la qualité d'héritier, tout acte que requiert l'intérêt de la succession (deuxième alinéa de l'article 785), et non plus les seules ventes d'« objets susceptibles de dépérir ou dispendieux à conserver ».
Par ailleurs, le caractère définitif et irrévocable de l'acceptation pure et simple est préservé (premier alinéa de l'article 786-1), mais sous réserve d'une dérogation importante et particulièrement bienvenue pour éviter des situations parfois dramatiques : l'héritier pourra, dans un délai de cinq mois, demander d'être déchargé des dettes successorales inconnues au moment de l'acceptation (derniers alinéas du même article).
L'Assemblée nationale a précisé le régime de l'acceptation pure et simple :
- il a été explicitement prévu que la renonciation faite non seulement au profit d'un co-héritier, mais aussi d'un héritier de rang subséquent, emporte acceptation pure et simple ;
- la possibilité pour l'héritier de demander d'être déchargé d'une dette successorale dépendra des motifs légitimes qu'il avait d'ignorer cette dette ;
- le point de départ du délai de prescription de l'action en décharge a été précisé ;
- la liste des actes n'emportant pas acceptation pure et simple a été élargie au renouvellement des baux susceptibles de donner lieu, à défaut, au paiement d'une indemnité, et aux décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise.
Le Sénat a modifié la définition des opérations courantes nécessaires à la continuation de l'activité de l'entreprise que le successible peut effectuer sans emporter acceptation. Le texte adopté par l'Assemblée assimilait ces opérations à des actes purement conservatoires, à condition qu'ils visent à assurer la continuation immédiate de l'activité de l'entreprise. Le Sénat a considéré qu'il s'agit plutôt d'actes d'administration provisoire. Il a en outre étendu les actes autorisés à l'ensemble des opérations courantes nécessaires à la continuation « à court terme » (et non plus « immédiate ») de l'activité de l'entreprise.
Section 3
De l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net
(art. 787 à 803 du code civil)
Cette section remplace l'actuelle acceptation sous bénéfice d'inventaire par une acceptation à concurrence de l'actif net.
a) Les conditions de l'acceptation à concurrence de l'actif net
Les conditions de la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif net sont fixées par les articles 787 à 790.
Comme aujourd'hui, deux conditions de forme sont requises : une déclaration officielle, et l'établissement d'un inventaire. La publicité de la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif permettra d'accroître la protection des créanciers qui disposeront d'un délai de deux ans pour déclarer leurs créances. Le rôle de l'inventaire est accru : alors que celui-ci a aujourd'hui comme objectif de donner une image fidèle des biens figurant dans la succession, le projet de loi propose d'y faire figurer une estimation de leur valeur qui servira de base aux opérations de règlement de la succession. Il précise également que l'inventaire concerne à la fois l'actif et le passif. L'inventaire, établi par un officier ministériel, sera soumis à une publicité, ce qui permettra aux créanciers de le consulter pour connaître la valeur d'ensemble de l'actif.
En première lecture, l'Assemblée nationale a précisé que la déclaration d'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net doit être faite au greffe du tribunal de grande instance (article 788).
Afin de simplifier cette procédure d'acceptation, elle a prévu que les créanciers devront notifier leurs créances à un domicile unique, soit celui de l'officier public ou ministériel chargé d'établir l'inventaire, soit celui de l'un des acceptants à concurrence de l'actif net (même article). Par ailleurs, la déclaration de l'acceptation devra faire l'objet d'une publicité nationale (même article).
L'Assemblée nationale a également modifié les conditions d'établissement de l'inventaire, en énumérant de manière limitative les officiers ministériels autorisés à effectuer cette opération (article 789), et en portant le délai de dépôt de l'inventaire d'un à deux mois (article 790).
Le Sénat a limité les possibilités de consultation de l'inventaire aux créanciers successoraux, à l'exclusion des créanciers personnels de l'héritier (même article).
b) Les effets de l'acceptation à concurrence de l'actif net
Les articles 791 à 803 déterminent les effets de l'acceptation à concurrence de l'actif net.
Afin de dynamiser la vente des biens successoraux, l'héritier aura la possibilité de conserver tout ou partie des biens de la succession, à charge pour lui de verser aux créanciers le prix des biens en fonction de la valeur fixée dans l'inventaire. La conservation sera possible, sans passer par une procédure de vente publique, sous réserve d'une déclaration formalisée. De même, l'aliénation des biens non conservés pourra se faire de gré à gré, sans autorisation préalable. Les opérations de conservation ou d'aliénation devront être portées à la connaissance des créanciers qui disposeront d'une possibilité de contestation s'ils parviennent à démontrer que la valeur de conservation ou d'aliénation est inférieure à la valeur réelle. Dans ce cas, l'héritier sera tenu sur ses biens personnels du complément.
L'Assemblée nationale a enserré dans un délai de trois mois la possibilité de contestation de la valeur d'un bien conservé ou du prix de vente d'un bien aliéné (article 794), et porté d'un à trois mois le délai dont dispose l'héritier pour verser la valeur du bien qu'il a décidé de conserver (article 797). Elle a également précisé le délai au-delà duquel le défaut de déclaration de l'aliénation engagera l'héritier sur ses biens propres (article 795). Pour sa part, le Sénat a limité les possibilités de contestation du prix de vente d'un bien aliéné, en rendant impossible une telle contestation en cas de vente aux enchères publiques (article 794), et porté de huit à quinze jours le délai imparti à l'héritier pour déclarer la conservation ou l'aliénation (même article).
L'héritier aura par ailleurs un rôle de gestionnaire. Aujourd'hui, l'acceptant sous bénéfice d'inventaire ne dispose pas d'un véritable pouvoir de gestion, dans la mesure où il a rarement la mission de répartir les fonds provenant de la vente des biens successoraux. En supprimant l'intervention judiciaire préalable aux actes de disposition portant sur les meubles ou immeubles de la succession, le projet de loi permet à l'héritier d'être directement intéressé à la gestion de la succession. L'héritier aura ainsi la charge de désintéresser les créanciers en fonction tout d'abord des sûretés prises sur les biens vendus ou conservés, et ensuite de l'ordre de déclaration des créances. Ce paiement devra intervenir dans le mois suivant l'aliénation ou la déclaration de conservation.
La liquidation de la succession est améliorée par l'institution d'une procédure de déclaration des créances, assortie d'une sanction : les créanciers disposeront d'un délai (fixé à deux mois dans le texte initial du projet de loi) pour déclarer leurs créances, l'absence de déclaration dans ce délai entraînant l'extinction de celles-ci. Pendant ce délai, l'effet attributif de toutes les mesures d'exécution forcée d'une créance est suspendu, afin de permettre à l'héritier de régler le passif successoral sans être placé sous le feu de telles mesures.
L'Assemblée nationale a modifié le régime de déclaration et d'extinction des créances, ainsi que les règles de suspension des poursuites :
- le délai de déclaration des créances a été abaissé de deux ans à quinze mois (article 792) ;
- les créanciers auront la possibilité de déclarer à titre provisionnel leurs créances non connues de manière définitive (même article) ;
- toutes les créances seront assujetties au délai de déclaration, mais seules les créances non assorties de sûreté seront éteintes pour défaut de déclaration dans ce délai, cette extinction jouant pour les cautions (même article) ;
- la déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net entraînera la suspension de l'ensemble des mesures d'exécution (et non plus uniquement de celles ayant un effet attributif) et interdira toute nouvelle voie d'exécution (article 792-1).
L'Assemblée a en outre inséré un nouvel article 792-2, afin de prévoir que, en cas d'acceptation mixte, les règles de l'acceptation à concurrence de l'actif net s'imposent à tous les héritiers.
L'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale a par ailleurs permis de préciser les conditions de recouvrement des créances :
- il a été explicitement prévu que les créanciers personnels de l'héritier ne pourront poursuivre le recouvrement de leurs créances ni avant le désintéressement intégral des créanciers successoraux et des légataires, ni durant le délai de déclaration des créances (article 798) ;
- de même, le recours des créanciers non désintéressés ne sera ouvert contre les légataires remplis de leur droit que pour autant que la créance a été déclarée dans le délai de quinze mois (article 799) ;
- l'héritier disposera d'un délai d'un mois pour répondre à la sommation d'un créancier lui demandant de révéler l'endroit où se trouvent les biens de la succession qui ne sont ni conservés ni aliénés, cette sommation devant être notifiée par acte extrajudiciaire (article 800).
Toutes ces modifications ont été maintenues par le Sénat.
Section 4
De la renonciation à la succession
(art. 804 à 808 du code civil)
Cette section modifie le régime de la renonciation à une succession.
Elle maintient le principe selon lequel, contrairement à l'acceptation qui peut être tacite en raison de certains actes de l'héritier, la renonciation ne se présume pas, mais exige une action expresse passant par un enregistrement au tribunal de grande instance dans le ressort duquel la succession a été ouverte (article 804). Néanmoins, il n'est pas exigé de l'héritier à titre particulier de procéder aux formalités de la renonciation s'il renonce à son legs, mais que celles-ci sont opposables à tout héritier universel, et en particulier aux légataires universels et à titre universel (même article).
En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que la renonciation d'office en cas de dépassement du délai de prescription de l'option constitue une exception au principe selon lequel la renonciation ne se présume pas. Le Sénat a supprimé cette précision, au motif que l'absence d'option n'est pas une présomption de renonciation, l'héritier étant simplement tenu pour renonçant.
La renonciation reste rétroactive à la date de la succession, qu'elle soit expresse ou tacite, et, si elle est expresse, que la procédure d'enregistrement ait ou non été respectée (article 805). Le Sénat a complété cette disposition en précisant que la part du renonçant revient soit à ses représentants, c'est-à-dire, en application du nouvel article 754, ses descendants ou héritiers collatéraux, soit, à défaut de représentant, à ses cohéritiers, soit encore, à défaut de représentant ou de cohéritier, aux héritiers de rang susbséquent.
Le renonçant est exonéré du paiement de toute dette et charge de la succession (article 806), contrairement à l'acceptant pur et simple, responsable des dettes et charges dépendant de la succession, et à l'acceptant à concurrence de l'actif, tenu au paiement des dettes - et non des charges - jusqu'à concurrence de la valeur des biens recueillis. En première lecture, l'Assemblée nationale a néanmoins précisé que le renonçant reste tenu des frais funéraires à concurrence de ses moyens.
Par ailleurs, le projet de loi maintient la possibilité de révoquer la renonciation, tant que la prescription décennale n'est pas atteinte et que la succession n'a pas été acceptée par d'autres héritiers (premier alinéa de l'article 807), le Sénat ayant précisé que l'acceptation par un seul héritier interdit une révocation de la renonciation par un autre. Cependant, la rétractation de la renonciation vaudra acceptation pure et simple, et non acceptation à concurrence de l'actif, et elle ne sera pas possible lorsque l'État aura été envoyé en possession (même alinéa). La révocation de la renonciation restera rétroactive dès l'ouverture de la succession, sous réserve des droits acquis par les tiers (dernier alinéa de l'article 807). De même, les frais engagés par l'héritier avant sa renonciation resteront à la charge de la succession (article 808).
Chapitre V
Des successions vacantes et des successions en déshérence
Section 1
Des successions vacantes
(art. 809 à 810-12 du code civil)
Cette section, à laquelle le Sénat n'a apporté aucune modification, fixe les procédures applicables aux successions vacantes.
a) L'ouverture de la vacance
Les articles 809 à 809-3 déterminent les conditions de la vacance, les modalités de la décision de curatelle et d'établissement de l'inventaire, ainsi que la procédure de déclaration des créances.
Les régimes actuels de la succession non réclamée et de la succession vacante sont unifiés et la vacance pourra également être déclarée à défaut d'option par les héritiers - que, comme l'a précisé l'Assemblée nationale, celle-ci soit expresse ou tacite - dans un délai courant à compter de l'ouverture de la succession, délai porté de cinq à six mois par l'Assemblée nationale. La décision de curatelle sera prononcée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance, et non plus par un jugement de ce tribunal.
Sur le fond, la procédure de curatelle de la succession vacante par le service des Domaines s'apparentera beaucoup à l'administration de la succession acceptée à concurrence de l'actif. La décision ouvrant la curatelle par les Domaines devra faire l'objet d'une mesure de publicité, de façon à informer convenablement les créanciers de la possibilité de déclarer leurs créances et d'obtenir leur règlement sur la vente des actifs.
Ainsi, la procédure d'acceptation à concurrence de l'actif est étendue à la curatelle :
- l'inventaire devra être établi selon les mêmes modalités, et notamment comprendre à la fois les éléments d'actif et de passif, avec une estimation de la valeur de chaque article. Néanmoins, il pourra être dressé par un fonctionnaire assermenté du service des Domaines, et non pas uniquement par un officier public ou ministériel ;
- l'avis au tribunal de l'établissement de l'inventaire donnera lieu à publicité, comme la décision de curatelle, et les créanciers et légataires particuliers de biens non identifiables seront autorisés, pour préserver leurs droits, à consulter l'inventaire, et tenus informés de tout ajout à celui-ci ;
- les créances seront déclarées au curateur.
Le projet de loi prévoyait d'appliquer aux successions déclarées vacantes le mécanisme d'extinction des créances prévu pour les successions acceptées à concurrence de l'actif. L'Assemblée a supprimé cette disposition qu'elle a jugée inutile, puisque, dans une succession vacante, aucun héritier ne doit être protégé contre une déclaration tardive des créanciers, l'administration des domaines ne disposant d'aucun droit propre sur les biens.
b) L'administration de la succession vacante par le curateur
Les articles 810 à 810-6 fixent les règles d'administration de la succession par le curateur.
Le curateur a obligation de consigner les sommes d'argent composant l'actif liquide, ainsi que celles résultant du recouvrement des créances et du produit des ventes. Cette consignation subit deux exceptions, déjà prévues par le droit en vigueur :
- dans le cas de continuation d'une entreprise individuelle, les liquidités finançant le besoin en fonds de roulement pourront rester dans l'entreprise ;
- le produit des ventes sera consigné après prélèvement des frais d'administration, de gestion et de vente.
Les pouvoirs du curateur dépendent de la possibilité de sommer les héritiers :
- si le délai pendant lequel les héritiers peuvent être sommés d'opter n'est pas clos, les pouvoirs du curateur sont limités à l'administration provisoire, aux actes purement conservatoires ou de surveillance, ainsi qu'à la vente des biens périssables ;
- dans le cas contraire, le curateur voit ses pouvoirs élargis à l'ensemble des actes conservatoires ou d'administration et à la vente des biens jusqu'au paiement intégral des dettes, en commençant par les meubles.
La vente doit nécessairement avoir lieu à l'amiable, par licitation par un officier public ou ministériel, par vente judiciaire ou encore dans les formes prévues par le code du domaine de l'État pour le domaine immobilier et mobilier. Dans tous les cas, la vente donnera lieu à publicité pour informer les créanciers.
Seul le curateur est habilité à procéder au paiement des créanciers, et ce dans la limite de l'actif. Ce paiement intervient selon le projet de règlement que le curateur a établi en respectant l'ordre prévu pour une succession acceptée à concurrence de l'actif (créanciers inscrits selon le rang de leur sûreté ; autres créanciers dans l'ordre des déclarations, et non au marc l'euro ; délivrance des legs de sommes d'argent après paiement de tous les créanciers). Le projet de règlement fait l'objet d'une publicité, de manière à permettre aux créanciers de vérifier que leur créance y est bien inscrite, et selon le rang de paiement qui lui échoit.
Avant même le projet de règlement du passif, le curateur est autorisé à payer certaines charges et dettes urgentes, limitativement énumérées par référence à la liste des actes n'entraînant pas acceptation tacite.
En outre, les pouvoirs de liquidation de la succession par curatelle sont subordonnés aux dispositions applicables à la succession d'une personne faisant l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou
- comme l'a ajouté l'Assemblée nationale en première lecture -, de sauvegarde. En effet, ces trois procédures collectives prévoient également une opération propre de déclaration judiciaire des créances auprès d'un mandataire judiciaire, sous le contrôle du tribunal de commerce.
c) La reddition des comptes et la fin de la curatelle
Les articles 810-7 à 810-12 déterminent l'issue de la curatelle pour les créanciers et pour l'État.
Une fois le projet de règlement exécuté, le compte du curateur est déposé auprès du juge. Les créanciers successoraux et les héritiers en sont informés par une mesure de publicité prévue à cet effet, et peuvent demander à consulter le compte. Le juge autorise ensuite le curateur à vendre les actifs restant.
Le projet de réalisation de l'actif subsistant est notifié aux héritiers. S'ils sont encore dans le délai pour opter, c'est-à-dire si la prescription décennale n'est pas atteinte, ils pourront s'opposer au projet de réalisation, leur opposition valant réclamation de la succession. La réalisation ne peut avoir lieu qu'à l'expiration du délai de trois mois laissé aux héritiers pour accepter la succession, et - précision apportée par l'Assemblée nationale - elle est confiée à un officier ministériel.
Les créanciers qui n'auraient pas déclaré leurs créances à temps ne peuvent en aucun cas revendiquer le produit de l'actif réalisé dans le cadre du compte et déjà utilisé pour régler les créanciers plus diligents, mais ils sont admis à prétendre aux actifs qui peuvent encore être vendus. Dans ce cas, deux possibilités sont ouvertes, dans un délai de prescription de deux ans à compter de la réalisation de l'ensemble de l'actif et à condition que la créance ait été déclarée dans les deux ans à compter de l'ouverture de la succession : si l'actif subsistant permet encore de les rembourser, les créanciers peuvent être réglés ; dans le cas contraire, ils n'ont plus de recours contre la succession, mais seulement contre les légataires qui auraient reçu la libéralité qui leur a été consentie.
L'État récupérera le produit de l'actif net après règlement de toutes les créances déclarées en temps utile, soit par la prescription décennale du droit à revendiquer et accepter la succession, soit par l'envoi en possession de l'actif net avant la prescription, qui empêchera toute révocation de la renonciation déjà exprimée. Dans l'attente de cet envoi en possession de l'État, le produit net est consigné à la Caisse des dépôts et consignations. Pour la sécurité juridique à l'égard des tiers des cessions réalisées, les héritiers revendiquant la succession ne pourront remettre en cause les ventes déjà faites, et ne seront admis à exercer leurs droits éventuels que sur ce produit, donc en valeur.
Le paiement des frais d'administration, de cession et de vente qui n'ont pas pu être prélevés directement sur les sommes d'argent composant l'actif bénéficie du privilège général sur les meubles et les immeubles de premier rang, correspondant au niveau des frais de justice.
La curatelle prend fin dans quatre hypothèses :
- l'actif est épuisé par le règlement des dettes, soit dans le cadre du compte déposé, soit par suite, dans un second temps, du recours des créanciers après le dépôt du compte, ainsi que par le paiement des legs particuliers, qu'il s'agisse de biens identifiés ou fongibles ;
- l'actif a suffi à apurer le passif et à payer les legs, en laissant un solde net positif. La curatelle se poursuit jusqu'à ce que tous les actifs aient été cédés. Le produit net est alors consigné ;
- des héritiers font valoir leurs droits à la succession ;
- si aucun héritier n'a revendiqué la succession dans le délai de prescription, et s'il demeure un solde net consigné, l'État peut se faire envoyer en possession. Il n'a pas pour ce faire à attendre systématiquement la prescription, si la vacance résulte d'un décès sans héritier, ou si la succession est abandonnée par ses héritiers connus. L'envoi de l'État en possession aura pour effet nouveau de priver les héritiers qui ont éventuellement renoncé de la possibilité de révoquer leur renonciation.
Section 2
Des successions en déshérence
(art. 811 à 811-13 du code civil)
Cette section maintient le régime des successions en déshérence, tout en lui apportant plusieurs modifications.
Ainsi, le service des Domaines garde la faculté, en l'absence d'héritier connu, de faire déclarer immédiatement la déshérence par un envoi en possession direct qui lui transférera la totalité de l'actif et du passif, plutôt que de faire déclarer la vacance, de liquider la succession en réglant le passif à concurrence de l'actif et de se faire envoyer en possession ensuite uniquement pour l'actif résiduel (article 811). De même, l'attribution à l'État d'une succession sans héritier ou abandonnée ne reste possible qu'après la procédure d'envoi en possession par le tribunal de grande instance (même article).
Après l'envoi de l'État en possession, l'administration compétente, c'est-à-dire l'autorité chargée des domaines - précision apportée par un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture - aura l'obligation d'établir un inventaire (article 811-1). Le Sénat a précisé que l'inventaire devra être réalisé dans les mêmes formes que celles prévues pour les successions déclarées vacantes, c'est-à-dire par un commissaire-priseur judiciaire, un notaire, un huissier de justice ou un fonctionnaire de l'administration des domaines.
Par ailleurs, le projet de loi donne une base légale au principe suivant lequel l'envoi de l'État en possession n'empêche pas un héritier de réclamer la succession en l'acceptant (article 811-2). Cette possibilité de réclamation suppose soit que le délai de prescription - désormais décennal - ne soit pas atteint, soit que l'héritier se prévalant de cette qualité puisse lui-même apporter la preuve qu'il avait déjà accepté la succession avant la prescription.
Enfin, l'État pourra, comme aujourd'hui, être condamné à payer des dommages et intérêts en cas d'engagement de sa responsabilité découlant du non-respect des formalités qui s'imposent à lui dans la procédure de déshérence (article 811-3).
Chapitre VI
De l'administration de la succession par un mandataire
Section 1
Du mandat à effet posthume
(art. 812 à 812-8 du code civil)
Cette section donne au de cujus la possibilité de choisir de son vivant un mandataire pour administrer sa succession. À la différence d'un mandat classique, ce mandat à effet posthume ne prend effet qu'au décès du mandant, et il est passé par le mandant pour le compte et dans l'intérêt d'un tiers, qui ne le signe pas.
a) Les conditions du mandat à effet posthume
Ce mandat peut être donné à une ou plusieurs personnes - physiques ou morales, comme l'a précisé en première lecture l'Assemblée nationale -, pour administrer ou gérer tout ou partie de la succession à venir, et pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers. Sa limite est celle des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire, qu'il n'est en aucun cas prévu de supprimer et dont les pouvoirs prévaudront sur ceux du mandataire (article 812).
Le Sénat a souhaité prévoir explicitement que le mandataire puisse être un héritier, et, à l'inverse, qu'il ne puisse pas être le notaire chargé du règlement de la succession, afin d'interdire tout conflit d'intérêts. Il a également précisé que le mandataire doit jouir de la pleine capacité civile et que, si la succession comprend des biens professionnels, il ne doit pas être frappé d'une interdiction de gérer ce type de biens.
Quelle que soit sa durée, le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime, qui, comme l'a précisé l'Assemblée nationale, doit être suffisamment motivé dans le mandat lui-même au regard soit de la personne de l'héritier, soit du patrimoine successoral (premier alinéa de l'article 812-1). Afin qu'un notaire puisse informer le de cujus d'une éventuelle motivation insuffisante, le mandat doit être passé en la forme authentique, ce qui exclut tout mandat sous seing privé, et a fortiori tout mandat verbal (troisième alinéa du même article).
S'il ne peut pas faire l'objet d'aucun recours tant qu'il n'a pas commencé à être mis en œuvre (c'est-à-dire avant le décès du mandant), le mandat ne sera valable qu'à compter de son acceptation par le mandataire, du vivant du mandant, sous peine de caducité (avant-dernier alinéa de l'article 812-1). En première lecture, l'Assemblée nationale a précisé que cette acceptation est révocable par le mandant comme par le mandataire avant le décès (dernier alinéa de l'article 812-1). En outre, une fois le mandat commencé, le mandataire peut y renoncer. Néanmoins, pour protéger les intérêts des héritiers, il devra notifier sa décision trois mois avant qu'elle ne prenne effet, sauf si les héritiers ont contractuellement exempté le mandataire de ce préavis (article 812-7).
Dans la rédaction initiale du projet de loi, le mandat à effet posthume était signé soit pour une durée de droit commun de deux ans, sans possibilité de la proroger, ni de la raccourcir, soit pour une durée indéterminée dans quatre cas limitativement énumérés : incapacité, âge du ou des héritiers, nature professionnelle du bien à gérer, et compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.
L'Assemblée nationale a introduit une procédure de prorogation du mandat à durée déterminée, en autorisant le juge, saisi par un héritier ou un mandataire, à renouveler une ou plusieurs fois la durée initiale de deux ans. Elle a en outre étendu le recours au mandat à durée indéterminée, en l'autorisant en cas d'inaptitude, et non plus d'incapacité, d'un héritier.
Considérant inopportun de confier l'administration d'une succession à un tiers sans lui fixer de terme, le Sénat a remplacé, en cas d'héritier inapte ou trop jeune ou de nécessité de gérer des biens professionnels, le mandat à durée indéterminée par un mandat de cinq ans, prorogeable dans les mêmes conditions que le mandat de droit commun de deux ans.
Par ailleurs, l'articulation entre l'administration de la succession par mandat à effet posthume et les règles d'option par les héritiers a été précisée par les deux assemblées. L'Assemblée nationale a prévu que les actes du mandataire sont sans effet sur l'option héréditaire (article 812-1-2). Elle a souhaité en outre interdire, tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, au mandataire de réaliser des actes de disposition, seuls les actes conservatoires lui étant autorisés. Le Sénat a levé partiellement cette interdiction, en alignant les pouvoirs du mandataire sur ceux ouverts à tout successible sans emporter acceptation de la succession (même article). Ainsi, même si la succession n'a été acceptée par aucun héritier, le mandataire pourra accomplir des actes conservatoires ou d'administration provisoire, renouveler certains baux et mettre en œuvre les décisions d'administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise.
Par coordination avec la disposition applicable au mandat successoral (article 813-5), le Sénat a explicitement prévu que l'existence d'un mineur ou d'un majeur protégé parmi les héritiers ne fait pas obstacle à l'exercice des pouvoirs du mandataire posthume (article 812-1 A).
Enfin, l'Assemblée nationale a soumis le mandat à effet posthume au droit général des mandats, sauf disposition spécifique contraire (article 812-1-3).
b) La rémunération du mandataire à effet posthume
Les articles 812-2 et 812-3 fixent la rémunération du mandataire, et les recours contre celle-ci.
À l'instar du mandat de droit commun, pour lequel la gratuité est le principe sans exclure la validité des clauses stipulant une rémunération, le principe retenu pour le mandat à effet posthume est celui de l'absence de rémunération, sauf si le mandat prévoit expressément le contraire.
La rémunération peut prendre deux formes qui, comme l'a précisé le Sénat, peuvent être cumulées :
- en principe, elle doit être définie comme une fraction des « fruits et revenus » de l'héritage, et donc versée régulièrement, sans entamer le patrimoine de la succession ;
- en l'absence de fruits et de revenus suffisants, elle peut prendre la forme d'un capital.
La rémunération du mandataire pourra être révisée par le tribunal si elle se révèle excessive au regard de la durée du mandat ou de la charge en résultant. La charge de la preuve incombera alors à l'héritier, et seuls les héritiers concernés par le mandat pourront engager cette action en révision.
En outre, dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait une procédure de révision de la rémunération spécifique en cas d'atteinte à la réserve. Dans un tel cas, le juge, saisi par tout héritier réservataire qu'il soit ou non concerné par le mandat, aurait eu l'obligation de réviser la rémunération, même si celle-ci n'est pas excessive au regard de la durée ou de la charge du mandat.
En première lecture, l'Assemblée nationale a renforcé la protection des droits des héritiers en posant le principe de l'interdiction d'une rémunération portant atteinte à leur réserve.
Le Sénat a supprimé cette disposition et fait de la rémunération du mandataire une charge de la succession qui ouvrira droit à réduction lorsqu'elle aura pour effet de priver les héritiers de tout ou partie de leur réserve. Cette révision de droit vient remplacer l'action en révision spécifique prévue par le projet de loi initial.
c) La fin du mandat à effet posthume
Le projet de loi prévoyait six motifs mettant fin au mandat à effet posthume.
L'arrivée du terme prévu constitue une cause évidente de fin du mandat (1° de l'article 812-4). Le mandat à durée indéterminée ayant été supprimé par le Sénat, cette cause sera susceptible de jouer pour tout mandat, qu'il ait été conclu pour deux ans ou pour cinq ans.
Une fois que le mandat a pris effet, c'est-à-dire à compter du décès du mandant, la renonciation du mandataire y mettra fin (2° du même article), à condition de respecter un certain formalisme. Contrairement au droit commun du mandat, la renonciation devra en effet faire l'objet d'une notification à chacun des héritiers intéressés, et ne prendra effet que dans un délai de trois mois, sauf disposition contraire du mandat (article 812-7). La renonciation étant possible même si le mandat est rémunéré, et même s'il a donné lieu à un paiement en capital, les héritiers auront la possibilité d'obtenir la restitution totale ou partielle des sommes perçues, ainsi que des dommages et intérêts en réparation d'un éventuel préjudice résultant de la renonciation anticipée du mandat ou de son inexécution (même article).
Le mandat peut également prendre fin par révocation judiciaire (3° de l'article 812-4) - et non par dissolution judiciaire, comme l'a précisé en première lecture l'Assemblée nationale - dans deux cas :
- l'intérêt sérieux et légitime qui a justifié le mandat a disparu (article 812-5). Cette disparition peut être constatée par le mandataire qui renonce alors au mandat, ou en justice à la demande des héritiers. Le Sénat a précisé que seul un héritier intéressé - et non tous les héritiers intéressés - ou son représentant peut engager une telle action, la révocation judiciaire n'ayant effet que pour les héritiers qui l'ont demandée. Les sénateurs ont en outre autorisé le juge à dissoudre le mandat posthume s'il s'avère que l'intérêt sérieux et légitime avancé pour le justifier n'a jamais existé. Quel que soit le motif de la dissolution, l'article 812-6 préserve le mandataire de la restitution des sommes perçues, sauf s'il est constaté, a posteriori, un caractère excessif par rapport à la durée de la mission ou à la charge qui en est réellement découlée ;
- le mandataire a mal exécuté sa mission. Dans l'hypothèse où la mauvaise exécution résulte d'une mauvaise gestion, le deuxième alinéa de l'article 812-6 prévoit la possibilité d'obtenir la restitution de tout ou partie de la rémunération, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi.
Par ailleurs, la conclusion d'un mandat conventionnel (4° de l'article 812-4) avec la même personne que le mandataire à titre posthume met automatiquement fin à ce mandat posthume. En revanche, la rédaction retenue exclut la possibilité pour les héritiers de signer un mandat conventionnel avec une autre personne, sauf à obtenir la révocation du mandat posthume ou à organiser une gestion parallèle de la succession par les deux mandataires, le mandataire conventionnel ne pouvant cependant empiéter sur la mission du mandataire à titre posthume, c'est-à-dire gérer les biens visés par le mandat qui le lie.
La vente de tous les biens (5° du même article) dont la gestion et l'administration sont confiées au mandataire posthume met également fin au mandat, celui-ci étant privé de tout objet.
Enfin, est reprise la condition du droit commun d'extinction des mandats, dans le cas du décès ou de la mise sous tutelle du mandataire personne physique, ou encore, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, de la dissolution du mandataire personne morale, incluant la liquidation judiciaire à l'issue d'une procédure collective.
L'Assemblée nationale a ajouté un septième cas de disparition du mandat à effet posthume, en prévoyant que celui prend fin au décès de l'héritier intéressé ou, si ce dernier est mis sous tutelle, par décision du juge des tutelles (7° de l'article 812-4).
En outre, le projet de loi prévoit que, dans le cas d'un mandat donné pour le compte de plusieurs héritiers, une cause d'extinction concernant l'un d'eux laisse perdurer le mandat pour le compte des autres (dernier alinéa de l'article 812-4). De même, comme l'a spécifié l'Assemblée nationale, en cas de pluralité des mandataires, la fin des missions de l'un d'eux ne met pas fin aux missions des autres (même alinéa).
Par ailleurs, il est fait obligation au mandataire de rendre compte de sa gestion aux héritiers intéressés, non seulement en fin de mandat, mais aussi
- comme l'a ajouté l'Assemblée nationale - chaque année, le défaut de compte rendu étant une cause de révocation judiciaire (article 812-8).
Section 2
Du mandataire désigné par convention
Cette section maintient la possibilité pour les héritiers de signer entre eux un mandat désignant un tiers ou l'un d'eux pour administrer la succession, conformément au droit commun du mandat.
Ainsi, l'introduction du mandat à effet posthume et du mandat successoral n'interdit pas aux héritiers de recourir aux règles générales du mandat prévues par les articles 1984 à 2010, à condition que le mandat soit décidé par la totalité d'entre eux ou, en cas de gestion de biens indivis prévu par 2° de l'article 815-3, par une majorité qualifiée des deux tiers.
Néanmoins, dès lors qu'un héritier au moins a accepté la succession à concurrence de l'actif net et même si, comme l'a précisé l'Assemblée nationale, tous les héritiers sont d'accord, le mandataire ne peut être désigné qu'en justice.
Le Sénat n'a pas modifié le régime du mandat conventionnel.
Section 3
Du mandataire successoral désigné en justice
(art. 813-1 à 814-1 du code civil)
Cette section consacre la possibilité de faire nommer un tiers en justice pour administrer une succession présentant des difficultés particulières.
a) La désignation du mandataire successoral
Le mandataire successoral - qui, conformément à la précision apportée par l'Assemblée nationale en première lecture, pourra être une personne morale - est désigné par le président du tribunal de grande instance à la demande d'un héritier, d'un créancier successoral, du ministère public ou de toute autre personne intéressée, et notamment, comme l'a ajouté l'Assemblée nationale, de toute personne qui assurait l'administration des biens pour le compte du défunt (article 813-1).
La désignation d'un mandataire successoral doit être justifiée par un des motifs suivants : l'inertie, la carence ou la faute d'un des héritiers, la mésentente ou une opposition d'intérêts entre eux, ou encore la complexité de la situation successorale (article 813-2). Elle est laissée à l'appréciation du juge.
En revanche, dans le cas particulier d'une succession acceptée à concurrence de l'actif net, l'héritier acceptant peut demander au juge de désigner un mandataire sans justifier de motif particulier (article 814-1).
Le projet de loi prévoyait explicitement la possibilité pour le juge de confier un mandat successoral au notaire commis pour préparer les opérations de partage (article 813-10). Cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale au motif qu'elle risquerait de créer des conflits d'intérêts, le notaire exerçant deux fonctions.
Dans tous les cas, la désignation du mandataire doit être enregistrée, et faire l'objet d'une publicité (article 813-3), et le juge peut demander d'office au mandataire successoral de faire établir un inventaire (article 813-4), s'il estime que celui-ci lui permettra de disposer d'une vue plus claire sur l'administration de la succession.
Enfin, le projet de loi fixe les conditions de dessaisissement par le juge du mandataire successoral en cas de manquement caractérisé de celui-ci dans l'exercice de sa mission. L'Assemblée nationale a précisé les personnes autorisées à demander ce dessaisissement - à savoir toute personne intéressée ou le ministère public -, et a fait obligation au juge prononçant cette décision de désigner un autre mandataire (article 813-7).
b) Les pouvoirs du mandataire successoral
La durée de la mission du mandataire successoral est fixée par le juge, sans limite supérieure ni inférieure (article 813-9). L'Assemblée nationale a introduit la possibilité pour le juge de proroger le mandat successoral pour une durée qu'il détermine. La demande de prorogation pourra être faite par les mêmes personnes habilitées à demander la désignation du mandataire dont, précision apportée par le Sénat, la rémunération sera fixée par le juge.
Les pouvoirs du mandataire successoral sont pour leur part déterminés par la loi, et diffèrent selon qu'un ou plusieurs héritiers ont accepté ou non la succession.
Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, les pouvoirs du mandataire successoral s'inspirent des dispositions définissant les actes que le successible peut accomplir sans emporter acceptation tacite de la succession. Sur ce point, l'Assemblée nationale a supprimé les différences de rédaction que le projet de loi introduisait entre les deux situations : le mandataire successoral pourra accomplir les actes conservatoires, d'administration ou de disposition que le successible pourrait effectuer sans prendre le titre d'héritier (articles 813-4). Il pourra également demander au juge, comme le successible souhaitant éviter une acceptation tacite, de l'autoriser à procéder à tout autre acte requis dans l'intérêt de la succession. En outre, le juge pourra, le cas échéant d'office, l'autoriser à faire établir un inventaire.
Lorsque l'un au moins des héritiers a accepté la succession - que, comme l'a précisé l'Assemblée nationale, cette acceptation soit pure et simple ou à concurrence de l'actif -, la mission du mandataire est sensiblement élargie : le juge peut l'autoriser à exercer la totalité des actes d'administration de la succession sans autorisation spécifique, ainsi que, « à tout moment », de procéder à la vente de l'actif pour régler le passif, et même, plus généralement, de réaliser « des actes de disposition rendus nécessaires pour la bonne administration de la succession » (article 814). L'Assemblée nationale a ajouté la possibilité pour le mandataire, sur autorisation du juge, de déterminer « les prix et stipulations » de l'administration de la succession.
Dans le cas particulier où c'est un héritier ayant accepté à concurrence de l'actif qui demande la désignation d'un mandataire, le juge désigne ce mandataire pour administrer et liquider la succession en lieu et place de l'héritier (article 814-1), et le mandataire n'aura pas à saisir le juge à chaque acte de disposition, la succession ayant été acceptée à concurrence de l'actif.
En toute hypothèse, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et pour ester en justice, exerce ses pouvoirs même en ce qui concerne les héritiers incapables, mineurs ou majeurs, et peut recevoir valablement les paiements au profit de la succession (article 813-5).
Le projet de loi prévoit néanmoins plusieurs limites aux pouvoirs du mandataire successoral.
La désignation d'un mandataire successoral peut en effet intervenir après que le défunt a nommé un mandataire à effet posthume ou un exécuteur testamentaire, et elle n'empêche pas la désignation d'un administrateur judiciaire de la succession indivise. Dans ces trois hypothèses, les pouvoirs du mandataire successoral restent subsidiaires par rapport à ceux dont disposent le mandataire à effet posthume, l'exécuteur testamentaire ou l'administrateur judiciaire (article 813-2).
Par ailleurs, le mandataire doit rendre des comptes au juge qui l'a désigné et aux héritiers (article 813-8). De manière permanente et inconditionnelle, chaque héritier peut exercer un droit d'accès à l'information en demandant à consulter les documents relatifs à l'exécution du mandat. En outre, une fois par an, le mandataire remettra à tous les héritiers qui le lui demandent, et systématiquement au juge, un rapport sur cette exécution.
c) La fin du mandat successoral
Le projet de loi prévoyait, dans sa rédaction initiale, trois hypothèses mettant fin au mandat successoral (article 813-9) :
- l'arrivée à terme de la durée de la mission fixée par le juge ;
- la conclusion d'une convention d'indivision qui, par nature, témoigne d'une bonne entente entre les héritiers ;
- la désignation d'un notaire pour préparer les opérations de partage.
L'Assemblée nationale a ajouté que l'exécution complète de la mission du mandataire, même si elle intervient avant le terme de la durée du mandat, entraîne la fin de celui-ci. Elle a en outre jugé préférable de lier la cessation du mandat, non plus à la désignation du notaire chargé de préparer le partage, mais à la signature de l'acte de partage lui-même.
La Commission a adopté l'article 1er sans modification.
Article 4
(art. 816 à 842 du code civil)
Partage
L'article 4 réforme substantiellement les opérations de partage qui sont l'objet des dispositions de la section 1 du chapitre VIII relatif au partage. Il fixe les règles communes aux opérations de partage (demandes en partage, parts et lots, attributions préférentielles) et précise les dispositions particulières applicables, d'une part, au partage amiable, et, d'autre part, au partage judiciaire.
Outre plusieurs amendements rédactionnels et de coordination, l'Assemblée nationale, sur la proposition de la Commission, a apporté trois modifications principales prévoyant de :
- tenir compte, lors de l'estimation des biens en vue du partage, des charges pouvant éventuellement les grever (art. 829) ;
- réaliser par acte extrajudiciaire la mise en demeure de l'indivisaire défaillant lors d'un partage amiable (art. 837) ou de l'indivisaire inerte lors d'un partage judiciaire (art. 841-1) ;
- permettre la réalisation d'un partage judiciaire unique lorsque plusieurs indivisions existent entre les mêmes personnes (art. 840-1).
Le Sénat n'a pas remis en cause les modifications apportées par l'Assemblée nationale. Il n'a corrigé ni les règles particulières applicables au partage amiable, ni celles relatives au partage judiciaire, à l'exception d'un amendement rédactionnel. En revanche, plusieurs dispositions relatives aux opérations de partage ont été améliorées.
À l'initiative de la Commission des lois, le Sénat a, d'abord, élargi le champ du sursis au partage (art. 820) et du maintien de l'indivision (art. 821) aux droits sociaux. Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, la demande de sursis au partage ou de maintien de l'indivision peut désormais porter sur toute entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale afin de faciliter la transmission d'entreprise. Dans le même souci de continuité de l'entreprise, l'attribution préférentielle (art. 831) peut porter sur toute entreprise mais également sur des droits sociaux. Le Sénat, par cohérence, ouvre donc cette faculté en matière de sursis au partage et de maintien de l'indivision.
Le Sénat a, ensuite, supprimé, dans les articles relatifs au maintien de l'indivision (art. 821) et à l'attribution préférentielle de droit commun (art. 831), la référence à l'unité économique par coordination avec l'extension du champ d'application de ces deux mécanismes à toute entreprise. L'exigence d'une unité économique s'appliquait aux exploitations agricoles. Dès lors que le texte leur substitue le terme d'« entreprise agricole », cette exigence est par nature satisfaite.
Puis, il a adopté une modification rédactionnelle de l'article 827 afin d'améliorer la compréhension de la règle de détermination du nombre de lots.
Le Sénat a, enfin, assoupli la condition de participation à l'exploitation de l'entreprise transmise posée pour bénéficier de l'attribution préférentielle en permettant que les descendants de l'héritier puissent la remplir. Cette disposition nouvelle s'applique aux attributions préférentielles de droit commun (art. 831), en vue de la constitution d'un groupement foncier agricole (art. 832-1) ou en vue de poursuivre l'exploitation (art. 832-2).
La Commission a adopté l'article 4 sans modification.
Article 5
(art. 843 à 846, 851, 852, 856, 858 et 860 du code civil)
Rapport des libéralités
Cet article modifie le régime du rapport des libéralités afin de mieux respecter la volonté du disposant et de renforcer l'égalité entre héritiers.
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture deux amendements rédactionnels sur cet article. Le Sénat a apporté deux modifications :
- en premier lieu, le texte adopté par le Sénat complète l'article 845 qui prévoit la dispense de rapport d'une libéralité en faveur de l'héritier renonçant, à condition que celle-ci n'excède pas la quotité disponible. Cette disposition soulève, en effet, une difficulté d'application : comment imputer cette libéralité puisque le renonçant ne participe pas au partage ? Comment déterminer le caractère éventuellement excessif de la libéralité donnant lieu à rapport ? Afin de résoudre ce problème complexe, l'amendement de la Commission adopté propose de traiter fictivement l'héritier réservataire renonçant astreint au rapport comme un héritier acceptant pour réaliser l'imputation. Lorsque la valeur rapportée excède les droits que l'héritier renonçant aurait dû avoir dans le partage s'il y avait participé, cette solution conduit ce dernier à indemniser les héritiers acceptants à concurrence de cet excédent.
- en second lieu, le texte issu du Sénat revient sur la rédaction de l'article 860 adoptée par l'Assemblée nationale. Cet article définit les modalités d'évaluation d'un bien rapporté. Le projet de loi précisait la règle en cas d'aliénation du bien avec subrogation : d'une part, l'estimation de la valeur du nouveau bien, appréciée à l'époque du partage, doit tenir compte de l'état du bien à l'époque de l'acquisition, d'autre part, si la dépréciation du nouveau bien était inéluctable au jour de son acquisition, la subrogation n'a pas lieu.
Considérant la formulation ambiguë, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement rédactionnel afin de préciser que le caractère inéluctable de la dépréciation découle de la nature du bien et d'indiquer que la valeur du bien est appréciée à l'époque de la subrogation.
À son tour, le Sénat a modifié la rédaction en prévoyant qu'il n'est pas tenu compte de la subrogation dans l'évaluation du bien lorsque la dépréciation du nouveau bien résultant de celle-ci était inéluctable.
La Commission a adopté l'article 5 sans modification.
Article 6
(art. 864 à 867, 873 à 875 et 877 à 881 du code civil)
Paiement des dettes
Cet article précise les règles du rapport des dettes entre copartageants et améliore la protection des créanciers personnels de l'héritier.
À l'instar de l'Assemblée nationale qui n'avait procédé qu'à des modifications marginales, le Sénat a corrigé l'article 6 sur deux points seulement :
- le premier pour préciser l'intitulé du paragraphe 2 de la section 3 qui traite des dettes autres que celles des copartageants ;
- le second pour substituer à la notion de biens fongibles celle de sommes d'argent afin d'harmoniser la rédaction de l'article 878 avec l'ensemble du texte.
La Commission a adopté l'article 6 sans modification.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX LIBÉRALITÉS
Article 10
(art. 893, 895 à 897, 901, 910 et 911 du code civil)
Définition des libéralités - Suppression de la prohibition des substitutions
fideicommissaires - Assouplissement des règles relatives aux interpositions
Cet article se bornait, dans le projet de loi initial, à définir les libéralités et à assouplir les règles encadrant les substitutions fideicommissaires et les interpositions. En effet, la loi interdit actuellement :
- la substitution, procédé par lequel une personne est gratifiée à charge de conserver et de remettre, à son décès, le bien à un tiers déterminé par le disposant, sauf entre parents et enfants ou frères et sœurs, pour une seule génération. Le projet de loi initial visait seulement à prendre en compte la légalisation des libéralités résiduelles (voir article 17), en prévoyant qu'elles ne constituaient pas des substitutions au sens de l'article 896 du code civil.
- à une personne d'être gratifiée par une personne placée son influence, ce qui concerne notamment les tuteurs vis-à-vis de leurs pupilles, les médecins et pharmaciens vis-à-vis de leurs malades, les ministres du culte ou les personnels des établissements sociaux et médico-sociaux. Surtout, l'article 911 du code civil prévoit que les pères et mères, enfants et descendants, ou encore l'époux d'une personne incapable sont « réputées personnes interposées », ce qui entraîne la nullité des dispositions faites à leur profit par cette personne. Le projet de loi initial étendait explicitement le mécanisme de l'interposition aux personnes morales, tout en prévoyant que les personnes visées à l'article 911 du code civil seraient « présumées » et non plus « réputées » personnes interposées (permettant ainsi d'apporter une preuve contraire).
En première lecture, l'Assemblée nationale a complété la définition donnée des libéralités à l'article 893 du code civil, en précisant à l'article 901 du même code les vices du consentement traditionnels (erreur, dol et violence) permettant d'obtenir du juge l'annulation de libéralités, préoccupation justifiée notamment par le fait que les testaments, contrairement aux donations, sont des actes à caractère unilatéral plutôt que contractuel. Le Sénat a jugé préférable, par parallélisme avec la rédaction retenue dans d'autres articles du code civil (notamment à son article 1109 s'agissant des contrats), de supprimer la précision selon laquelle la violence peut être « physique ou morale », estimant que cette interprétation évidente. Bien qu'il lui semblait utile, là encore, de lever toute ambiguïté à cet égard compte tenu du contexte affectif particulier dans lequel les libéralités sont en général consenties, le rapporteur vous propose de retenir la rédaction proposée par le Sénat, l'essentiel étant que l'intention du législateur soit à cet égard clairement établie.
S'agissant des substitutions, l'Assemblée nationale avait, par coordination avec la légalisation des libéralités graduelles (voir article 17), préféré supprimer purement et simplement - et non plus assouplir - les articles 896 et 897. Le Sénat a toutefois jugé plus prudent de maintenir un article 896 prévoyant un principe général d'interdiction des substitutions, auquel il ne pourrait être dérogé que « dans le cas où (la substitution) est autorisée par la loi ». Cette précaution ne paraît pas inutile et s'inscrit, en tout état de cause, dans la logique des modifications votées en première lecture par l'Assemblée nationale.
S'agissant des interpositions, le Sénat, tout en souscrivant à la réécriture complète de l'article 911 du code civil décidée par l'Assemblée nationale, a estimé préférable de faire référence aux « libéralité(s) » plutôt qu'aux « disposition(s) » et de préciser que la présomption d'interposition ne joue que « jusqu'à preuve contraire ». Le rapporteur approuve ces précisions, le second alinéa de l'article 1352 du code civil précisant effectivement que « nulle preuve n'est admise contre la présomption de la loi (...) à moins qu'elle n'ait préservé la preuve contraire ».
Enfin, de manière plus ponctuelle, le Sénat a modifié l'article 895 du code civil, qui concerne les testaments, par coordination avec la possibilité, reconnue à l'article 893 du même code, de disposer par libéralité de ses biens ou de ses droits, et a poursuivi, à juste titre, la modernisation de la rédaction de l'article 910 du code civil.
La Commission a adopté l'article 10 sans modification.
Article 12
(art. 912 [nouveau], 913 à 914-1 et 916 du code civil, art. L. 123-6 du code de la propriété intellectuelle)
Définition de la réserve héréditaire et de la quotité disponible - Conséquences de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession sur le calcul de la quotité disponible - Suppression de la réserve des ascendants
Cet article ne traitait, dans le projet de loi initial, que des conséquences devant être tirées, lors du calcul de la quotité disponible du défunt, de la renonciation d'un héritier réservataire à la succession.
L'Assemblée nationale a approuvé, en première lecture, la modification proposée aux articles 913 et 914 du code civil, consistant à mettre fin à la prise en compte, pour ce calcul, des enfants (sauf s'ils sont représentés) et ascendants du défunt ayant renoncé à la succession. L'esprit de ces renonciations est, en effet, davantage d'accroître la quotité disponible du défunt que les droits réservataires des autres héritiers.
Le Sénat a également approuvé cette modification, tout en précisant, par coordination avec l'article 845 du code civil, que l'enfant renonçant devrait tout de même être pris en compte pour ce calcul lorsqu'il est tenu au rapport d'une libéralité. Il est vrai qu'on ne peut exclure le cas d'une donation faite antérieurement par le défunt à l'un de ses enfants et susceptible d'être réduite si elle porte atteinte aux droits réservataires des autres enfants ; dans une telle situation, la renonciation à la succession ne doit pas permettre au bénéficiaire de la libéralité excessive d'échapper à ses obligations, qui ne peuvent être connues qu'à l'ouverture de la succession.
L'Assemblée nationale a par ailleurs apporté deux compléments d'importance à cet article :
- elle a défini les notions, essentielles en droit successoral, de réserve héréditaire et de quotité disponible. En effet, la loi se borne aujourd'hui à déterminer l'importance de la portion de biens disponible en fonction de la composition de la famille du défunt, la réserve étant implicitement constituée du reste de la masse successorale.
- elle a supprimé la réserve dont disposent aujourd'hui les ascendants du défunt, pour les biens acquis par celui-ci, les successions « ascendantes » résultant de cette règle n'étant en phase ni avec l'évolution de la société - dans laquelle les familles « recomposées » sont de plus en plus nombreuses -, ni avec les exigences du développement économique. Il convient également de rappeler qu'en l'absence de disposition spécifique prise par le défunt (par exemple au profit de son conjoint), les ascendants de celui-ci bénéficieront d'une part inchangée de ses biens en leur qualité d'héritiers légaux.
Ces modifications ont été approuvées par le Sénat, qui a seulement souhaité faire référence, dans la définition de la réserve et de la quotité disponible, tant aux biens qu'aux droits successoraux. Ce complément est bien en phase avec la définition donnée des libéralités à l'article 893 du code civil, dans sa rédaction issue de l'article 10 du projet de loi.
La Commission a adopté l'article 12 sans modification.
Article 13
(art. 868, 918, 919, 919-1 et 919-2 [nouveaux], 920 à 922, 924, 924-1 à 924-4 [nouveaux]
et 928 du code civil, art. L. 321-17 du code rural)
Délais et modalités d'exercice de l'action en réduction des libéralités
excessives
a) Le projet de loi initial
Cet article fixe les délais dont disposent les héritiers réservataires pour demander en justice la réduction des libéralités excessives, ainsi que les modalités selon lesquelles cette action en réduction peut être exercée. Conformément au principe consistant à faire prévaloir une égalité en valeur sur l'égalité en nature, retenu par les articles précédents du projet de loi s'agissant des successions, cet article prévoit que les libéralités seront réduites en valeur (article 924 du code civil), à moins que le bénéficiaire de la libéralité excessive n'opte pour une réduction en nature (article 924-1 du code civil). Par ailleurs, afin là encore de limiter l'insécurité juridique pesant sur les transferts de propriété et de mieux respecter la volonté du défunt, le délai pendant lequel l'action en réduction peut être exercée est ramené de 30 à 5 ans à compter de l'ouverture de la succession (2) (article 921 du code civil).
b) Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté divers amendements rédactionnels ou de coordination à cet article, dont elle a en outre modifié le fond sur trois aspects :
- elle a, dans un 4° bis, modifié la rédaction de l'article 920 du code civil afin de consacrer l'unité de la notion de libéralité et de donner un fondement légal explicite à la jurisprudence selon laquelle les avantages indirects consentis par le défunt constituent des libéralités réductibles à l'ouverture de la succession (lorsqu'il a été porté atteinte à la réserve de l'un des héritiers).
- elle a précisé que, pour l'évaluation des biens reçus du défunt lors de leur réunion fictive à la masse successorale (étape qui précède une éventuelle réduction des libéralités excessives), les charges les grevant pourraient être déduites, afin, par exemple, d'éviter que l'héritier ayant reçu du défunt un immeuble classé monument historique, avec l'obligation de le conserver, ne soit financièrement pénalisé par les dépenses que cela implique.
- elle a déterminé, aux articles 922 et 924-2 du code civil, selon quel critère devait être apprécié, en cas de subrogation des biens donnés par le défunt, le caractère « inéluctable » de la dépréciation des nouveaux biens acquis par le donataire : ce n'est que dans le cas où la nature même des biens (véhicule automobile ou matériel informatique, par exemple) rendait leur dépréciation inéluctable au jour de leur acquisition qu'il n'est pas tenu compte de la variation de leur valeur entre cette date et l'ouverture de la succession (3).
c) Les modifications apportées par le Sénat
En sus de divers amendements rédactionnels, de coordination ou de cohérence, le Sénat a adopté plusieurs modifications limitées à cet article :
- il a explicité le sens du renvoi à l'article 845 du code civil, effectué à l'article 919-1 du même code, s'agissant des modalités de réunion fictive, d'imputation et de réduction des donations faites en avancement de part successorale (4) à un héritier réservataire renonçant à la succession. La rédaction retenue en première lecture par l'Assemblée nationale prévoyait que ces donations devaient dans ce cas être traitées pour ces opérations comme des donations faites hors part successorale (5), sauf lorsque leur bénéficiaire « est astreint au rapport en application des dispositions de l'article 845 du code civil ». Il serait désormais précisé que cet héritier est « traité comme un héritier acceptant pour la réunion fictive, l'imputation et, le cas échéant, la réduction de la libéralité qui lui a été consentie ». Le rapporteur, soucieux d'éviter toute ambiguïté dans l'application de ces dispositions relativement complexes, vous propose de retenir la rédaction proposée par le Sénat, qui s'inscrit bien dans la logique de la disposition votée en première lecture par l'Assemblée nationale.
- s'agissant du cas de subrogation précédemment mentionné aux articles 922 et 924-2 du code civil (nouveaux biens dont la dépréciation était inéluctable), il a retenu une rédaction selon laquelle « il n'est pas tenu compte de la subrogation », en considérant que la formule retenue par l'Assemblée nationale, selon laquelle « il est tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de la subrogation » pourrait conduire à une solution injuste lorsqu'il s'est écoulé plusieurs années entre l'aliénation et le remploi (6). Le rapporteur comprend cette critique, mais estime qu'elle aurait pu être surmontée en employant une formule plus explicite que celle proposée par le Sénat : il devrait être tenu compte de la valeur des biens reçus par donation à l'époque de leur cession par le donataire.
- il a abrogé l'article 925 du code civil, prévoyant actuellement que « lorsque la valeur des donations entre vifs excèdera ou égalera la quotité disponible, toutes les dispositions testamentaires seront caduques », cette sanction portant effectivement une atteinte disproportionnée à la volonté du défunt, sans que cela soit véritablement utile, dès lors que les héritiers éventuellement lésés peuvent demander la réduction des libéralités excessives.
La Commission a adopté l'article 13 sans modification.
Article 14
(art. 929 et 930, 930-1 à 930-5 [nouveaux] du code civil)
Possibilité de passer des actes de renonciation anticipée à l'action
en réduction (RAAR)
a) La philosophie générale du nouveau dispositif
Cet article apporte une modification très substantielle au droit successorale, dont la réserve héréditaire est depuis 1804 l'un des piliers, en permettant à ceux qui en bénéficient de renoncer par avance à s'en prévaloir lorsque la succession sera ouverte, si des libéralités excessives ont alors été effectuées. Par ce biais, il permettra au disposant, avec l'accord de chacun, de préparer sereinement la transmission d'un patrimoine plus important à une ou plusieurs personnes déterminées, par exemple pour venir en aide à un enfant handicapé ou assurer la gestion d'une entreprise par un membre de la famille, sans craindre que les donations effectuées de son vivant donnent lieu à des litiges après son décès.
Ces décisions prendront la forme d'actes de renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR) qui, bien qu'ils ne constituent pas eux-mêmes des « pactes de famille » puisqu'ils résultent d'actes plus unilatéraux que contractuels (7), pourront être l'expression de ce type d'ententes lorsqu'il existera un réel consensus familial - le disposant pourra d'ailleurs faire au profit du renonçant une donation par acte séparé. La possibilité d'établir des RAAR est juridiquement très novatrice, puisqu'elle revient sur le principe selon lequel il est interdit de conclure des pactes sur succession future, résultant actuellement des articles 1130 et 791 du code civil (8).
Cet engagement constituant pour le renonçant un acte grave, l'Assemblée nationale comme le Sénat ont souhaité encadrer plus nettement son régime juridique, de façon à permettre au renonçant d'exprimer un réel consentement, compte tenu du risque, souvent jugé important, de pressions familiales sur sa personne, notamment s'il s'agit d'un jeune majeur.
b) Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
En première lecture, l'Assemblée nationale, tout en écartant l'exigence d'une majorité renforcée du renonçant et celle d'une homologation judiciaire des RAAR - solution coûteuse et faussement protectrice pour le renonçant -, a retenu les principaux aménagements qui suivent :
- sous peine de nullité, la RAAR doit être établie par un acte authentique solennel spécifique, c'est-à-dire ayant pour seul objet la renonciation, et être signée séparément par chaque renonçant en présence du seul notaire, précaution destinée à limiter à ce moment d'éventuelles pressions du disposant ou d'autres membres de la famille sur le renonçant (article 930 du code civil) ;
- l'acte doit mentionner précisément les conséquences juridiques que la renonciation anticipée aura pour le renonçant - notamment son caractère définitif, en dehors des cas de révocations très limités prévus à l'article 930-3, le rôle du notaire étant évidemment de sensibiliser le renonçant à l'évolution future de son patrimoine (article 930 du code civil) ;
- en cas d'erreur, de dol ou de violence - que cette dernière soit physique ou morale -, le consentement du renonçant est vicié, ouvrant droit à l'annulation de la RAAR. En effet, l'application de la théorie traditionnelle des vices du consentement valable en droit des contrats n'est pas assurée (article 930 du code civil) ;
- le renonçant devra dans tous les cas être au moins majeur : bien que toute personne capable de consentir une donation ait en principe la capacité requise pour l'établissement d'une RAAR, il est expressément précisé que les mineurs émancipés ne peuvent en aucun cas renoncer dans ce cadre (article 930-1 du code civil) ;
- le renonçant pourra demander la révocation de la RAAR si le bénéficiaire de celle-ci a commis un délit ou un crime à son encontre, cette exigence morale minimale apparaissant d'autant plus légitime qu'en pratique, le bénéficiaire devra plutôt témoigner au renonçant de sa gratitude (article 930-3 du code civil) ;
- la révocation de la RAAR pour état de besoin du renonçant ne pourra être prononcée par le juge qu'à concurrence des besoins de celui-ci, ce qui permettra d'éviter certains effets pervers du nouveau dispositif (article 930-4 du code civil).
c) Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a souscrit à cette logique d'encadrement de l'établissement et de la révocation des RAAR, guidée par le souci de protection du renonçant et des considérations de sécurité juridique, en apportant plusieurs compléments ou précisions aux modifications retenues par l'Assemblée nationale :
- l'acte authentique établissant la RAAR sera reçu par deux notaires, présents lors de la signature de l'acte par chaque renonçant, de façon à éviter que le renonçant ne puisse recevoir d'informations que du seul notaire choisi par le « disposant » (article 930 du code civil). Il convient de noter que le Sénat a prévu, en insérant dans le projet de loi un nouvel article 23 quinquies A (voir article correspondant), que ce second notaire serait désigné par le président de la chambre des notaires - ce qui permettra de faire échapper le choix au cercle familial, dans un souci d'impartialité. Dès lors que le coût de la procédure demeure inchangé pour les intéressés (les notaires pourront se partager les frais liés à l'établissement de l'acte authentique), le rapporteur accepte cette initiative, même si elle peut apparaître désuète. Elle peut en effet éclairer mieux encore le consentement du renonçant et accroître le caractère solennel de la signature de ces actes lourds de conséquences juridiques ;
- il n'est plus précisé que la violence susceptible de vicier le consentement du renonçant peut être « physique ou morale », au motif que la jurisprudence actuelle accepte le cas de la violence morale (article 930 du code civil). Jurisprudence n'est pas loi et le rapporteur n'est pas ici convaincu de l'opportunité de la suppression de cette précision, compte tenu du risque spécifiquement important de violence morale sur le renonçant, en particulier du fait de pressions affectives ou d'une dépendance économique du renonçant vis-à-vis du disposant. Toutefois, en l'absence de divergence de fond avec le Sénat, l'intention du législateur de viser ce type de situation par la référence à la violence, est bien établie ; il vous sera donc proposé d'accepter la rédaction adoptée par le Sénat ;
- il serait bien précisé que le renonçant ne peut obtenir la révocation de sa renonciation que s'il l'a demandé (article 930-3 du code civil), de manière à exclure de façon plus explicite l'idée que cette révocation pourrait s'effectuer de plein droit dès lors que l'une des situations prévues à l'article 930-3 du code civil est rencontrée (non-respect des obligations alimentaires du disposant envers le renonçant, état de besoin du renonçant, ou encore crime ou délit contre sa personne). L'article 930-4 indiquant bien que « la révocation n'a jamais lieu de plein droit » et précisant les modalités selon lesquelles une « demande de révocation » peut être formée, la rédaction proposée paraît cohérente.
La Commission a adopté l'article 14 sans modification.
Article 15
(art. 952 et 960 à 966 du code civil)
Non automaticité de la révocation des donations entre vifs
pour cause de survenance d'enfant
Cet article vise à rendre facultative la révocation d'une donation lorsque, après celle-ci, un enfant est né du donateur (même après la mort de ce dernier) ou a été adopté par lui. L'article 960 du code civil prévoit en effet actuellement une révocation de plein droit de ces donations - sauf s'il s'agit de donations entre époux, ou entre futurs époux à l'occasion du mariage -, contraignant le donataire à restituer les biens et les fruits perçus à compter du jour où il a eu connaissance de la survenance de l'enfant. Cette situation étant pour les familles une source d'insécurité juridique d'autant plus grande que le nombre de donations tend à augmenter, le projet de loi vise à transformer cette révocation en simple faculté offerte au donateur s'il l'avait prévue dans l'acte de donation.
L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, divers amendements destinés à clarifier la rédaction de cet article ou à corriger des erreurs matérielles, sans en modifier le fond.
Le Sénat a, quant à lui, précisé à juste titre, aux articles 952 et 963 du code civil, comme dans d'autres articles ayant trait aux libéralités, que les donations concernées peuvent concerner tant des biens que des droits. Cela est effectivement prévu dans la définition donnée des libéralités dans la nouvelle rédaction de l'article 893 du code civil, résultant de l'article 10 du projet de loi.
Il a par ailleurs porté de deux à cinq ans à compter de la naissance ou de l'adoption du dernier enfant le délai de prescription de l'action en révocation (article 966 du code civil). En effet, si la durée de trente ans actuellement applicable constitue un facteur d'insécurité juridique en risquant de conduire à une remise en cause de donations très anciennes, une durée de deux ans peut, à l'inverse, sembler un peu courte. Le rapporteur considère que le délai de cinq ans retenu par le Sénat constitue un bon point d'équilibre, d'autant que cette même durée est retenue à l'article 921 du code civil (dans sa rédaction résultant de l'article 13 du projet de loi) s'agissant du délai de prescription de l'action en réduction des libéralités excessives (9).
La Commission a adopté l'article 15 sans modification.
Article 16
(art. 1025 à 1034 du code civil)
Extension du champ et de la durée des pouvoirs reconnus à l'exécuteur
testamentaire
Cet article vise à étendre le champ et la durée des pouvoirs dont peuvent être investies les personnes désignées par l'auteur d'un testament comme exécuteur testamentaire. Aux termes du projet de loi initial, le rôle de ce dernier est de veiller à l'exécution des volontés du défunt - cette définition de leur mission n'était jusqu'alors qu'implicite dans le code civil. Par ailleurs, ils pourront dorénavant être habilités par le testateur à procéder à des actes de gestion et de disposition plus importants, notamment en l'absence d'héritier réservataire acceptant la succession, ce qui permettra de gérer plus efficacement les biens compris dans la succession dans l'attente de son règlement. Enfin, le projet de loi porte d'un à deux ans le délai laissé à l'exécuteur testamentaire pour accomplir sa mission, l'actuel délai d'un an étant fréquemment prolongé par le juge du fait de la complexité des successions. Dans tous les cas, le fil conducteur de ces modifications est d'assurer, avec efficacité, le respect de la volonté du défunt, sans bien sûr porter atteinte aux droits des héritiers réservataires.
En première lecture, l'Assemblée nationale a poursuivi cette démarche visant à conforter le rôle des exécuteurs testamentaires. Elle a ainsi prévu, à l'initiative de M. Alain Vidalies, qu'ils ont, dans tous les cas - et pas seulement, comme le prévoyait le projet de loi initial, lorsque le testament l'a prévu -, pour mission non seulement de veiller à l'exécution des volontés du défunt, mais également de procéder eux-mêmes à cette exécution (article 1025 du code civil).
Le Sénat a apporté trois compléments ponctuels à ces dispositions :
- il a précisé que, lorsque l'exécuteur testamentaire fait procéder à l'inventaire de la succession (obligation que le projet de loi transforme en simple faculté) après avoir appelé les héritiers, cette opération doit être effectuée « dans les formes prévues à l'article 789 » (article 1029 du code civil). L'article 789 dispose que « l'inventaire est établi par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un notaire » et doit comporter une estimation des éléments d'actif et de passif. Ce formalisme est effectivement opportun, car il permettra d'éviter que la responsabilité de l'exécuteur testamentaire ne soit directement mise en cause lorsqu'une erreur a été commise pour l'inventaire d'une succession complexe.
- il a souhaité mieux protéger les droits des héritiers dans le cas particulier où, en l'absence d'héritier réservataire acceptant la succession, l'exécuteur testamentaire spécialement habilité par le testament est autorisé à disposer des immeubles inclus dans la succession (article 1030-2 du code civil). Le Sénat a ainsi mis à la charge de l'exécuteur testamentaire, pour l'accomplissement de toute vente d'immeuble dans ce cadre, une obligation d'en informer préalablement les héritiers, faute de quoi la vente de ces biens ne pourra leur être opposée aux héritiers. Il est vrai que l'importance de ces actes de disposition pour les héritiers - qui sont parfois sentimentalement attachés à un bien immobilier - justifie qu'ils en aient connaissance, même si l'exécuteur testamentaire, dans ce cas particulier, ne sera pas tenu par leur avis éventuel.
- enfin, le Sénat a souhaité rapprocher les règles de calcul de la durée des habilitations spécifiques (10) données par le testateur à l'exécuteur testamentaire de celles qui sont prévues pour la durée de la mission de ce dernier. Ainsi, alors que le projet de loi prévoyait que ces pouvoirs étendus ne pourraient être accordés à l'exécuteur testamentaire pour une durée supérieure à deux ans à compter du décès du testateur (sauf en cas de prolongation par le juge, pour une période inférieure ou égale à un an), ce délai commencerait désormais à courir à l'ouverture du testament (article 1031 du code civil). Il convient en effet de rappeler qu'aux termes de l'article 1032, « la mission de l'exécuteur testamentaire prend fin au plus tard deux ans après l'ouverture du testament sauf prorogation par le juge ». Le rapporteur approuve cette idée d'harmoniser la règle applicable dans ces deux cas s'agissant du point de départ du délai, tout en remarquant qu'à l'inverse, l'alignement des règles n'est pas souhaitable s'agissant de la prorogation des délais par le juge (11).
La Commission a adopté l'article 16 sans modification.
Article 17
(art. 1048 à 1061 et 2506 du code civil)
Possibilité de consentir des libéralités graduelles ou résiduelles
a) Le projet de loi initial
Cet article visait, dans le projet de loi initial, à donner un fondement légal au legs de residuo, pratique (admise depuis longtemps par la jurisprudence) par laquelle le disposant gratifie une première personne en précisant dans l'acte qu'à la mort de celle-ci, un second gratifié recueillera le reliquat des biens concernés. Il étendait par ailleurs cette possibilité aux donations. Cette modalité de transmission des biens a l'avantage de ne pas entamer la liberté de jouissance - et, s'il est héritier réservataire, de disposition - reconnue au premier gratifié, tout en permettant au second gratifié de bénéficier d'un régime fiscal souvent plus avantageux. En effet, le second gratifié est réputé tenir ses droits directement du disposant, et non du premier gratifié (dont il peut ne pas être parent).
b) Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Tout en approuvant cette consécration législative des libéralités résiduelles, l'Assemblée nationale a, sur la proposition de votre Commission, souhaité aller plus loin en autorisant également les libéralités graduelles, comme le préconisaient, en 2003, MM. Jean Carbonnier, Pierre Catala, Jean de Saint-Affrique et Georges Morin dans leur ouvrage « Des libéralités - une offre de loi », rédigé dans la perspective du projet de loi. Elle a donc, avec l'accord du Gouvernement, entièrement réécrit cet article, qui fixe désormais le régime juridique respectif des libéralités graduelles et des libéralités résiduelles.
Elle a défini la libéralité graduelle comme une libéralité grevée d'une charge obligeant le gratifié à conserver les biens ou droits reçus du disposant et à « les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l'acte » (12), l'obligation de conservation constituant le trait distinguant fondamentalement libéralités graduelles et résiduelles (13).
L'Assemblée nationale a souhaité encadrer ce nouveau dispositif afin d'éviter de restreindre à l'excès la circulation des biens, comme cela avait, à juste titre, été reproché aux libéralités graduelles dont profitaient les lignées familiales sous l'Ancien régime. Il a donc été prévu que les biens ou droits devraient être clairement identifiables lors de leur transmission (article 1049 du code civil) et que la charge reposant sur le gratifié ne pourrait pas être valable au-delà du premier degré - ce qui signifie que la clause par laquelle le disposant ferait obligation au second gratifié de conserver un bien pour le rendre à un troisième gratifié serait nulle (article 1053 du code civil). Par ailleurs, afin de concilier le souhait de donner plus de liberté au disposant pour transmettre son patrimoine avec le respect de l'ordre public successoral, il a été prévu que la charge ne pourrait grever la réserve du premier gratifié qu'avec l'accord de ce dernier (article 1054 du code civil).
c) Les modifications apportées par le Sénat
Le Sénat a souscrit aux nouvelles dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, tout en effectuant diverses coordinations techniques et en y apportant plusieurs compléments ou précisions :
- il a, comme pour d'autres articles relatifs aux libéralités, prévu à juste titre que le disposant pourrait faire des libéralités graduelles ou résiduelles aussi bien sur ses biens que sur ses droits (articles 1049, 1050 et 1056 du code civil) ;
- il a précisé que l'obligation d'identification des biens ou droits à la date de leur transmission au premier gratifié ne s'opposait pas à ce que la libéralité graduelle ou résiduelle portant sur des valeurs mobilières produise son effet lorsque d'autres titres de même nature y ont été subrogés (article 1049 du code civil). Il convient effectivement d'éviter qu'une interprétation trop stricte par la jurisprudence des dispositions de cet article du code civil n'empêche le premier gratifié de gérer un portefeuille de valeurs mobilières avec souplesse et efficacité, en cédant au besoin certaines valeurs pour en racheter d'autres ;
- il a souhaité mieux distinguer, pour l'application de la règle selon laquelle la charge d'une libéralité graduelle ne peut grever la réserve du premier gratifié sans son accord, le cas des donations et celui des testaments (article 1054 du code civil). Le rapporteur approuve la précision selon laquelle, pour les donations, l'accord du premier gratifié doit être recueilli dans des conditions analogues à celles prévues pour la RAAR (14), compte tenu de l'atteinte qui serait ici portée au principe traditionnel du droit successoral selon lequel la réserve héréditaire s'apprécie en pleine propriété et libre de charge. Il est également préférable de laisser au légataire, pour demander à être libéré de la charge pesant sur part de réserve, un délai d'un an à compter de sa connaissance du testament, plutôt que de préciser seulement que cette demande pourra être formulée « au décès du disposant ».
En revanche, la rédaction proposée par le Sénat pour le dernier alinéa de cet article laisse le rapporteur plus dubitatif, l'idée que la « charge (acceptée par le grevé) bénéficie de plein droit, dans cette mesure, à l'ensemble des enfants nés ou à naître », apparaissant à la fois contradictoire dans son expression - les enfants ne bénéficient évidemment pas d'une charge mais d'une libéralité - et peu explicite. À défaut d'en proposer la réécriture, il convient de bien en préciser l'interprétation : l'accord du premier gratifié à voir sa réserve grevée d'une charge, pour toute libéralité graduelle (15), ne peut être valablement donné que si l'acte prévoit de gratifier en second l'ensemble de ses propres enfants (qu'ils soient nés ou non lors de la signature de l'acte) ;
- il a ouvert la possibilité d'une acceptation d'une donation graduelle ou résiduelle par le second gratifié après la mort du disposant, alors que l'article 932 prévoit en principe que les donations entre vifs ne peuvent avoir d'effet que si elles ont été acceptées « du vivant du donateur » (article 1055 du code civil). Cette dérogation au droit commun des donations est justifiée par le contexte familial particulier dans lequel certaines libéralités graduelles ou résiduelles peuvent être établies : il est possible que le disposant souhaite gratifier successivement ses descendants sur deux degrés, l'écart d'âge pouvant alors conduire, dans la plus jeune génération, à des naissances postérieures au décès du disposant (16).
- il a prévu l'application aux libéralités résiduelles des dispositions de l'article 1056 du code civil, précisant qu'en l'absence de dispositions spécifiques dans l'acte, une libéralité graduelle bénéficie, au décès du premier gratifié, aux héritiers de celui-ci lorsqu'elle ne peut bénéficier au second gratifié - que ce dernier y ait renoncé ou soit décédé avant le premier gratifié (article 1061 du code civil).
La Commission a adopté l'article 17 sans modification.
Article 19
(art. 1075 à 1075-3, art. 1075-4 et 1075-5 [nouveaux] du code civil)
Règles générales applicables aux donations-partages
et aux testaments-partages
Cet article, dont l'Assemblée nationale n'a pas, en première lecture, modifié le fond, procède à trois changements importants dans le régime général des libéralités-partages (17) :
- il étend les libéralités-partages à tous les héritiers présomptifs du disposant (18), alors que seuls les enfants et descendants du disposant peuvent actuellement bénéficier de tels actes (article 1075 du code civil) ;
- il procède à la même extension au profit des descendants des enfants du disposant. Cette mesure très attendue permettra, dans bien des familles, aux petits-enfants de bénéficier d'une donation trans-générationnelle en participant à de tels actes aux côtés d'héritiers de générations différentes (article 1075-1 du code civil) ;
- il permet au disposant de distribuer par ce biais aux héritiers présomptifs et à d'autres personnes les droits sociaux représentatifs d'une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, alors que cela n'est actuellement possible que pour les entreprises individuelles (article 1075-2 du code civil).
Le Sénat a fort justement, par coordination avec les modifications apportées aux articles précédents, précisé à plusieurs reprises que les libéralités-partages peuvent concerner tant les biens que les droits du disposant.
Par ailleurs, il a souhaité que la possibilité de céder, par une libéralité-partage, tout ou partie d'une entreprise (19) aux héritiers présomptifs et à d'autres personnes, soit réservée au disposant qui « exerce une fonction dirigeante » dans celle-ci. Cette modification vise à limiter le risque que le disposant ne cède à des tiers les parts sociales d'une entreprise dans laquelle il ne s'est pas investi professionnellement. L'esprit de ces donations-partages et testaments-partages doit effectivement être de faciliter, avec l'aide de tiers, la poursuite de l'activité d'entreprises familiales. Aussi le rapporteur approuve-t-il la restriction proposée par le Sénat, bien que la notion de « fonction dirigeante » semble peu précise en droit commercial - il pourrait sans doute s'agir d'un membre du conseil d'administration mais pas d'un membre du conseil de surveillance.
La Commission a adopté l'article 19 sans modification.
Article 20
(art. 1076, 1076-1 [nouveau], 1077 à 1077-2, 1078-4 à 1078-10, 1079 et 1080 du code civil)
Règles particulières applicables aux donations-partages
et aux testaments-partages
Cet article complète le précédent s'agissant des règles particulières applicables aux donations-partages. Ainsi, il clarifie les modalités selon lesquelles un enfant né d'une union antérieure pourra participer à une libéralité-partages aux côtés des enfants des époux, et tire surtout les conséquences juridiques :
- de l'élargissement des libéralités-partages à l'ensemble des héritiers présomptifs :
- de la possibilité d'effectuer des donations-partages à des héritiers de générations différentes.
L'Assemblée nationale a clarifié la rédaction de ces dispositions très techniques, tout en apportant deux modifications de fond s'agissant de l'article 1078-5 du code civil, relatif à la donation-partage trans-générationnelle :
- l'enfant qui renonce à être gratifié au profit de ses propres descendants doit exprimer son consentement dans l'acte de donation-partage. Dès lors que ce dernier prend toujours la forme d'un acte authentique, cette exigence constitue une garantie de sécurité juridique pour toutes les parties ;
- la donation-partage peut être annulée par le juge lorsque ce consentement a été vicié. Par coordination avec la solution retenue s'agissant de la RAAR et compte tenu, là encore, à la fois des conséquences graves et définitives de la renonciation pour le patrimoine de l'enfant et du risque de pression de son entourage, l'Assemblée nationale a tenu a précisé que le consentement serait vicié en cas d'erreur, de dol ou de violence, physique ou morale.
Outre divers amendements rédactionnels, de précision ou de coordination, le Sénat a procédé à plusieurs aménagements ponctuels :
- il a limité au seul enfant non commun aux deux époux la possibilité de participer à une donation-partage faite par ceux-ci en étant gratifié par son seul auteur, alors que le projet de loi visait jusque là, plus généralement, « l'enfant qui n'est pas issu de leur mariage » - c'est-à-dire aussi l'enfant commun né avant ledit mariage (article 1076-1 du code civil). Cette modification est pertinente, car il n'existe aucune raison successorale d'interdire aux époux de donner conjointement des biens à leur enfant commun, quelle qu'ait été leur situation matrimoniale à l'époque de sa naissance ;
- il a, là encore, jugé inutile de préciser que la violence ouvrant droit à la l'annulation des libéralités-partages pouvait être tant physique que morale (article 1078-5 du code civil). Par coordination avec la position qu'il a déjà exprimée à ce sujet, le rapporteur vous suggère d'accepter la rédaction proposée par le Sénat, l'intention du législateur étant clairement établie ;
- il a jugé plus clair de disposer que, dans la succession de l'enfant ayant renoncé à une donation-partage au profit de chacun de ses propres descendants (20), les biens donnés par cet acte à ces derniers seraient « traités comme s'ils les avaient reçus de leur auteur par donation-partage » (article 1078-9 du code civil). L'article 1078 du code civil, auquel renvoyait dans ce cas la rédaction initiale du projet de loi, prévoit une évaluation de ces biens « au jour de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve » (21). La solution proposée par le Sénat est donc, à cet égard, de même nature que celle adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale.
Cette dernière avait, en revanche, jugé plus prudent de préciser que, dans ce cas particulier, « le rapport n'est pas dû » par les donataires, alors que le Sénat a jugé cela évident dans le cas d'une donation-partage. Or, le deuxième alinéa de l'article 1078-9 du code civil prévoit, par exception aux règles applicables aux donations-partages ordinaires, de soumettre ces biens aux règles dont relèvent les donations entre vifs y compris pour le rapport (donc à une évaluation à l'ouverture de la succession). Toutefois, le rapporteur souscrit à l'analyse sénatoriale, dès lors que la nouvelle rédaction déroge explicitement à ladite exception en renvoyant au droit commun des donations-partages.
La Commission a adopté l'article 20 sans modification.
Article 21
(art. 1094-1, 1096 et 1098 du code civil)
Assouplissement des règles relatives aux libéralités entre époux
Cet article visait, dans le projet initial, à adapter aux évolutions de la société certaines des dispositions du chapitre IX du titre II du livre III du code civil, qui concernent les règles applicables aux libéralités entre époux. Il s'agissait ainsi, afin de mieux préserver les droits patrimoniaux des enfants vis-à-vis de libéralités faites par le disposant à son conjoint, en particulier dans le cas de certaines familles « recomposées », de procéder à deux aménagements :
- permettre au conjoint survivant gratifié par le défunt d'accepter de ne recevoir qu'une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur, ce qui pourra augmenter la part perçue par les enfants du défunt (sans que cela soit pour autant considéré comme une libéralité faite par le conjoint aux enfants du défunt) ;
- réduire l'importance de la quotité disponible spéciale dont peut disposer le conjoint survivant lorsque tous les enfants du défunt « ne sont pas issus des deux époux », afin d'éviter que les enfants d'un premier lit ne soient privés de la réalité de leur réserve par l'usufruit accordé sur l'ensemble des biens successoraux par le défunt à un jeune conjoint. Il convient en effet de rappeler que l'article 1094-1 du code civil permet actuellement de déroger à la règle selon laquelle la réserve héréditaire s'apprécie en pleine propriété, en permettant au disposant de gratifier son conjoint au-delà de quotité disponible ordinaire (fixée à l'article 913 du code civil en fonction du nombre d'enfants). Ainsi, le conjoint survivant peut recevoir un quart des biens du défunt en pleine propriété et le reste de son patrimoine en usufruit seulement, ou encore la totalité de ses biens en usufruit seulement. Le projet de loi prévoyait d'y substituer une quotité limitée, dans le premier cas, à un quart des biens du défunt en pleine propriété et un autre quart en usufruit seulement et, dans le second cas, à la moitié de ses biens en usufruit seulement.
Tout en jugeant légitime le premier aspect de la réforme proposée, l'Assemblée nationale a constaté l'existence d'appréciations divergentes sur l'opportunité du second aspect, relatif à la quotité disponible spéciale entre époux. Elle a donc amendé cet article sur cet aspect, afin de permettre de gratifier plus largement le nouveau conjoint sans porter une atteinte excessive aux droits réservataires des enfants d'un premier lit : elle a, en particulier, prévu que le conjoint survivant pourrait également se voir attribuer un usufruit portant sur l'ensemble des biens couverts par la réserve des enfants communs (situation parfois plus avantageuse qu'un usufruit limité à la moitié des biens du défunt, par exemple lorsqu'il existe un seul enfant non commun et trois ou quatre enfants communs).
Le Sénat a jugé cette solution complexe et a, surtout, souhaité maintenir à son niveau actuel la quotité disponible spéciale entre époux. Il a donc opté, plus radicalement, pour une suppression pure et simple de cet aspect controversé de la réforme. Le rapporteur prend acte de cette approche différente et vous propose, faute d'un consensus suffisant pour mener à bien cette réforme, d'en rester sur ce point au droit actuel, comme le propose le Sénat.
Par ailleurs, le Sénat a approuvé une modification apportée par l'Assemblée nationale relative à l'irrévocabilité des donations de biens présents entre époux. Cette irrévocabilité ne concernera plus les donations prenant effet après le décès du conjoint, mais seulement celles qui ont pris effet pendant le mariage. Cela permettra au disposant, par exemple en cas de divorce, de révoquer des actes de donations comportant une clause attribuant, en cas de décès, au conjoint survivant une réserve d'usufruit sur ses propres biens. Une telle modification est bien conforme à la philosophie générale du projet de loi, qui consiste notamment à accroître la liberté du disposant.
La Commission a adopté l'article 21 sans modification.
Article 21 bis
(art. 515-3, 515-3-1 [nouveau], 515-7 du code civil)
Formalités du PACS
Sur la proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a, en première lecture, modifié les conditions d'enregistrement et de publicité du pacte civil de solidarité (PACS).
Reprenant une proposition de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants de l'Assemblée nationale et conformément aux conclusions du groupe de travail sur le PACS, le texte adopté par l'Assemblée nationale précise les conditions d'enregistrement, de modification et de dissolution du PACS ainsi que les modalités d'opposabilité à l'égard des tiers. La principale innovation réside dans la publicité du PACS à l'état civil par la mention en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires.
- L'enregistrement du PACS
En vertu de l'article 515-3, les partenaires déclarent toujours conjointement le PACS au greffe du tribunal d'instance du lieu de leur résidence commune. À cette fin, ils produisent la convention passée entre eux par acte authentique ou par acte sous seing privé et non plus en double original. Le greffier fait procéder aux formalités de publicité et reçoit les éventuelles conventions modificatives.
- La publicité du PACS
Le nouvel article 515-3-1 remplace le registre tenu au greffe du tribunal de leurs lieux de naissance par un registre unique tenu au greffe du tribunal d'instance du lieu de résidence commune des partenaires. La publicité du PACS est désormais assurée par une mention en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire.
Cette simplification était très attendue par les greffiers confrontés à près d'un million de demandes de certificats de non-PACS chaque année en raison d'un accès limité aux registres du greffe. Les tiers pourront ainsi être avisés de l'existence du PACS par la production d'un simple extrait d'acte de naissance.
Le débat a porté au Sénat sur la mention portée en marge de l'acte de naissance. Le texte adopté par l'Assemblée nationale préserve l'anonymat du partenaire du PACS. Cette discrétion vise à protéger la vie privée des partenaires et à prémunir les partenaires de même sexe contre des réactions homophobes. Elle est soutenue par une délibération en ce sens de la CNIL du 25 novembre 1999.
Par l'adoption de deux amendements identiques de M. Badinter et de Mme Troendle, le Sénat, contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur, a imposé l'indication de l'identité de l'autre partenaire dans la mention portée en marge de l'acte de naissance.
Deux arguments ont été avancés en faveur de l'indication du partenaire : l'information des tiers et l'incohérence à inscrire le PACS à l'état civil sans faire apparaître l'état civil des partenaires.
Le rapporteur comme le Gouvernement ont fait valoir que la mention prévue par l'article 515-3-1 constitue d'abord une mesure pratique allégeant les formalités et que l'anonymat permet de distinguer le PACS du mariage. Abondant dans ce sens, le président de la commission des Lois a également indiqué que la mention du nom du co-PACSé modifie le caractère du PACS en le rapprochant d'un acte d'état civil alors qu'il s'agit d'un contrat.
À l'issue d'un débat long et animé, les sénateurs ont voté en faveur de l'indication du nom du partenaire dans la mention en marge de l'acte de naissance.
Les dates de prise d'effet du PACS entre les partenaires et vis-à-vis des tiers sont également précisées par l'article 515-3-1 afin de renforcer la sécurité juridique du dispositif. Ainsi, le PACS prend effet entre les parties à compter de son enregistrement mais n'est opposable aux tiers qu'une fois les formalités de publicité accomplies.
- La dissolution du PACS
La dissolution du PACS (art. 515-7) fait également l'objet d'une mention en marge de l'acte de naissance de chacun des partenaires.
Lorsque la dissolution est consécutive au décès ou au mariage de l'un des partenaires, il incombe désormais à l'officier de l'état civil ayant dressé l'acte de décès ou de mariage d'informer le greffier du tribunal d'instance du lieu d'enregistrement du PACS de cet évènement, afin que ce dernier fasse procéder à la publication de la dissolution du PACS. La dissolution prend alors effet à la date de l'événement qui l'a provoquée.
Par ailleurs, lorsque la dissolution du PACS a lieu par déclaration conjointe des partenaires ou décision unilatérale de l'un d'eux, la dissolution prend effet entre les partenaires à compter de son enregistrement au greffe mais ne sera opposable aux tiers qu'à compter du jour où les formalités de publicité auront été accomplies.
Tirant les conséquences du nouveau régime patrimonial du PACS, le Sénat a, en outre, adopté un amendement précisant les modalités de liquidation des créances entre partenaires.
En effet, le partenaire ayant fourni les deniers nécessaires à l'acquisition, à la conservation ou à l'amélioration d'un bien personnel de l'autre partenaire, ou qui a contribué lors de l'acquisition, de la conservation ou de l'amélioration d'un bien indivis dans des proportions excédant sa part sur les biens, est titulaire d'une créance. Le texte adopté par le Sénat propose d'appliquer la règle du valorisme, prévue par l'article 1469 en vertu de laquelle le paiement de la créance, qui s'effectue normalement par le versement d'une somme d'argent, peut se compenser avec une dette résultant de la contribution des partenaires aux charges de la vie courante commune.
La Commission a adopté l'article 21 bis sans modification.
Article 21 ter
(art. 515-4, 515-5 et 515-5-1 à 515-5-3 [nouveaux] du code civil)
Droits et devoirs des partenaires d'un PACS - Régime patrimonial
L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la Commission, un amendement du Gouvernement tendant, d'une part, à préciser les droits et devoirs des partenaires d'un PACS, et, d'autre part, à instaurer un régime des biens nouveau, fondé sur la séparation des patrimoines.
Cette réforme s'inspire à nouveau des propositions de la mission d'information et du groupe de travail précités.
En premier lieu, le texte adopté par l'Assemblée nationale (art. 515-4) précise les devoirs des partenaires d'un PACS en rappelant dans la loi la réserve du Conseil constitutionnel sur l'obligation de vie commune des partenaires d'un PACS. Il complète, en outre, l'obligation d'aide matérielle, en précisant que celle-ci est proportionnelle aux facultés respectives des partenaires, par un devoir d'assistance réciproque.
En second lieu, le régime patrimonial du PACS est profondément modifié. Le régime actuel fondé sur deux présomptions d'indivision différentes selon le type de biens fait l'objet de nombreuses critiques. L'article 515-5 prévoit, en effet, deux régimes différents selon la nature des biens acquis :
- les meubles meublants dont les partenaires feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du PACS sont présumés indivis par moitié, sauf déclaration contraire dans la convention initiale. Il en est de même lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie ;
- les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié sauf si l'acte d'acquisition ou de souscription en dispose autrement.
Il n'est donc pas possible d'écarter dans le pacte initial la présomption d'indivision pour les biens autres que les meubles meublants. Seule une convention modificative peut le prévoir. En outre, les contours de l'indivision sont imprécis, la rédaction actuelle ne traitant pas clairement des revenus, deniers et biens créés après la signature du PACS.
Les partenaires ignorent souvent que les biens acquis au cours du PACS sont soumis à l'indivision ce qui provoque de nombreux conflits lors de la séparation.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que le régime de séparation des biens devient la règle, sauf pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante. Les partenaires pourront toutefois opter par convention pour un régime d'indivision organisé, certains biens limitativement énumérés restant néanmoins la propriété de chaque partenaire.
Selon l'article 515-5 modifié, le nouveau régime de séparation des patrimoines prévoit que chaque partenaire conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sauf dispositions contraires dans la convention de PACS.
Chacun reste donc seul propriétaire des biens qu'il a acquis avant ou pendant le PACS. De même, chacun est seul tenu de ses dettes personnelles. Toutefois, cette règle ne s'applique pas aux dépenses de la vie courante visées à l'article 515-4.
Chaque partenaire peut prouver par tous moyens qu'il est propriétaire d'un bien. À défaut, les biens sur lesquels aucun d'eux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés appartenir en indivision, à chacun pour la moitié.
Les nouveaux articles 515-5-1 à 515-5-3 permettent aux partenaires qui le souhaitent d'opter pour un régime d'indivision organisé.
Selon l'article 515-5-1, ce choix peut être fait soit dans la convention initiale de PACS, soit dans une convention modificative adoptée à tout moment de la vie du partenariat.
Les biens acquis par l'un ou l'autre des partenaires, à compter de l'enregistrement de la convention initiale ou modificative, appartiennent pour moitié indivise à chaque partenaire.
Toutefois, seuls les biens acquis avec des fonds perçus pendant la durée du PACS sont soumis à l'indivision. Les biens acquis avec des deniers perçus avant le PACS ou reçus par donation ou succession demeurent des biens personnels (art. 515-5-2). En outre, les deniers perçus pendant le PACS et qui n'ont pas servi à faire des acquisitions restent la propriété exclusive de celui qui les a perçus.
Enfin, la modification des règles de gestion des biens indivis (art. 515-5-3) permet plus de souplesse : sauf dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est considéré comme gérant de l'indivision et peut donc exercer les pouvoirs prévus par les articles 1873-6 à 1873-8. Les partenaires peuvent également conclure une convention relative à l'exercice de leurs droits indivis.
Outre des amendements rédactionnels et de précision, le Sénat a adopté un amendement complétant la liste des biens qui demeurent la propriété exclusive de l'un des partenaires par ceux résultant d'une donation.
La Commission a adopté l'article 21 ter sans modification.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 22
(art. 55, 62, 116, 368-1, 389-5, 461, 462, 465, 466, 504, 505, 515-6, 621, 723, 730-5, 732, 738-1, 738-2, 751, 754, 755, 757-3, 758-6, 763, 914-1, 916, 937, 1130, 1251, 1390, 1392, 1873-14, 2103, 2109, 2111, 2147, 2258 et 2259 du code civil)
Dispositions diverses et de coordination
Cet article regroupe diverses dispositions modifiant le code civil, ainsi que des mesures de coordination.
Dans le texte initial du projet de loi, cet article comprenait 20 dispositions. L'Assemblée nationale l'a sensiblement enrichi, notamment en ajoutant 17 dispositions nouvelles. Sur les 37 dispositions que contenait le texte adopté par l'Assemblée, 28 ont été adoptées par le Sénat sans modification, et 9 ont été modifiées ; les sénateurs ont par ailleurs ajouté deux dispositions nouvelles.
Afin de faciliter le recensement des enfants susceptibles d'hériter, le projet de loi prévoyait d'inscrire, en marge de l'acte de naissance de chacun des parents, la mention de la déclaration de naissance des enfants (article 55), et, en marge de l'acte de naissance de l'auteur d'une reconnaissance de paternité, la mention de l'acte de reconnaissance. Ces dispositions se situaient dans le droit fil de la suppression de la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels, parachevée par l'ordonnance du 4 juillet 2005. Si les premiers sont facilement identifiables, les seconds risquent en effet de ne pas être appelés au règlement de la succession de leur père lorsque leur reconnaissance par celui-ci n'est pas connue.
Contre l'avis du Gouvernement, le Sénat a supprimé ces dispositions, ne laissant subsister aux 1° et 2° de l'article 22 que les améliorations formelles prévues par le projet de loi ou ajoutées en première lecture par l'Assemblée nationale.
Le Sénat a considéré que, en mentionnant sur l'état civil d'une personne l'existence de ses enfants, le cas échéant conçus en dehors du mariage, le dispositif proposé porterait une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée, et que certains enfants naturels risqueraient de n'être plus reconnus du fait de cette publicité. En outre, il ne permettrait pas de sécuriser véritablement les dévolutions successorales, puisqu'il ne jouerait que pour les naissances à venir, et ne s'appliquerait ni aux enfants nés à l'étranger de parents étrangers, ni aux Français résidant à l'étranger qui ne déclarent pas leurs enfants aux agents diplomatiques.
L'article 504 du code civil prévoit actuellement que le testament fait par le majeur après l'ouverture de la tutelle est nul de droit, le testament fait antérieurement restant valable, à moins qu'il ne soit établi que, depuis l'ouverture de la tutelle, la cause qui a déterminé le testateur à disposer a disparu.
En première lecture, l'Assemblée nationale a réécrit cet article, afin de permettre aux majeurs en tutelle de tester à condition d'y avoir été préalablement autorisés par le conseil de famille. Ces majeurs pourront ainsi faire un testament avec l'accord du conseil de famille, ou, à défaut, du juge des tutelles (22).
Le Sénat a amélioré la rédaction de l'Assemblée nationale :
- il a précisé que l'autorisation du conseil de famille porte sur le droit de tester, et non pas sur le testament lui-même. En effet, l'objectif est de permettre au majeur d'établir un testament, et non d'autoriser le conseil de famille à exercer un contrôle sur son contenu ;
- le tuteur devra assister le majeur en tutelle dans la rédaction de son testament, afin d'éviter tout risque de pression ou de manipulation par un tiers ;
- conformément au principe de la libre révocabilité des testaments, le majeur en tutelle pourra seul, c'est-à-dire sans l'assistance de son tuteur, révoquer son testament, que celui-ci ait été fait avant ou après l'ouverture de la tutelle.
Le rapporteur accepte la solution proposée par le Sénat, même s'il considère qu'il aurait été préférable que, pour assurer la pleine protection du majeur en tutelle, le testament soit fait en la forme authentique avec l'assistance du tuteur.
L'article 505 du code civil prévoit que, avec autorisation du conseil de famille, des donations peuvent être faites au nom du majeur en tutelle, mais seulement au profit de ses descendants ou de son conjoint. En outre, la donation au profit d'un descendant ne peut être faite qu'en avance d'hoirie.
Le projet de loi prévoyait, par coordination avec la terminologie prévue dans le reste du texte, de faire référence aux donations en avance de part successorale et non plus en avance d'hoirie (7° de l'article 22).
En première lecture, l'Assemblée nationale a inséré une disposition nouvelle autorisant le majeur sous tutelle à faire également des donations à ses collatéraux privilégiés, à savoir à ses frères, sœurs, neveux et nièces (6° ter de l'article). La rédaction adoptée avait cependant pour effet de supprimer la possibilité d'une donation au conjoint.
Afin de corriger cette erreur matérielle et de renforcer la protection du majeur en tutelle, le Sénat propose une rédaction globale de l'article 505 du code civil, qui autorise le majeur en tutelle à faire des donations à ses frères et sœurs ou à leurs descendants, la possibilité d'une donation au profit du conjoint étant maintenue.
L'article 723 du code civil prévoit que les successeurs universels ou à titre universel sont tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession.
Par coordination avec la terminologie employée dans le reste du texte, le projet de loi prévoyait de viser les « héritiers » universels ou à titre universel, et non plus les « successeurs » placés dans de telles situations. Est en effet héritier toute personne qui vient à la succession du fait de la loi ou d'un testament.
Le Sénat a opté pour une solution encore plus radicale, en abrogeant l'article 723. Les obligations de l'héritier universel ou à titre universel seront en effet désormais fixées par l'article 786 du code civil qui, dans la rédaction issue de l'article premier du projet de loi, prévoit une responsabilité indéfinie des charges et des dettes de la succession, à l'exclusion des legs de sommes d'argent dont l'héritier ne sera tenu qu'à concurrence de l'actif net.
Le 12° bis de cet article, inséré en première lecture par l'Assemblée nationale, vise à créer, grâce à un nouvel article 738-2 du code civil, un droit de retour automatique des biens donnés en faveur des parents d'un enfant prédécédé sans avoir laissé de descendance. Il s'agit ici de maintenir au profit de ces ascendants un équilibre dans la répartition des biens du défunt, l'Assemblée nationale ayant décidé de supprimer la réserve héréditaire dont peuvent actuellement se prévaloir les ascendants dans un tel cas. En outre, du fait de la complexité du droit des successions, on ne peut supposer que les parents se soient prémunis du risque qu'un bien « sorte de la famille », en prévoyant dans l'acte de donation à l'enfant un droit de retour à leur profit s'il décède avant eux. Il a donc été jugé plus simple de leur permettre d'exercer « dans tous les cas (...) un droit de retour » sur ces biens, même sans l'avoir stipulé dans l'acte de donation.
Par coordination avec les dispositions de l'article 738 du code civil, relatives aux règles de dévolution légale applicables en cas de prédécès d'un enfant sans descendance, ce droit de retour est limité, pour chaque parent vivant, au quart de la succession. En outre, pour tenir compte de la complexité des transferts de propriété requis (23), le droit de retour peut s'exercer en valeur, avec imputation de cette dernière sur les droits successoraux des parents.
Afin d'éviter que la personne que le défunt souhaitait gratifier (son conjoint survivant par exemple), lors de la succession, ne devienne débiteur envers les parents du défunt du simple fait de ce droit de retour, ce qui serait excessif, le Sénat a limité l'exercice de ce droit de retour à l'actif successoral. Le rapporteur approuve cette solution, plus juste et conforme à la volonté du défunt.
Le 13° de cet article visait, dans le projet de loi initial, à modifier l'article 754 du code civil pour autoriser les descendants du successible renonçant à le représenter dans une succession en ligne directe, afin qu'ils ne soient pas lésés par sa décision.
En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin en permettant de représenter le renonçant dans une succession en ligne collatérale (c'est-à-dire au profit des frères et sœurs). Elle a par ailleurs précisé le régime de rapport et d'imputation, dans la succession de l'ascendant donateur, des libéralités qui auraient dû revenir au renonçant, par coordination avec les règles générales du partage telles qu'elles résultent du projet de loi.
Le Sénat n'a pas modifié le fond de cette disposition.
g) Coordination relative aux droits du conjoint successible sur les biens de famille du défunt (13° ter)
Le 13° ter de cet article, inséré par le Sénat, modifie ponctuellement l'article 757-3 du code civil, qui limite les droits du conjoint successible vis-à-vis des biens de famille du défunt lorsque celui-ci n'a laissé ni parent ni descendant (24). Ainsi, pour tenir compte des assouplissements résultant des articles 19 et 20 du projet de loi en matière de donations trans-générationnelles, il prévoit que la dévolution pour moitié aux frères et sœurs du défunt (ou à leurs descendants) des biens de famille reçus par le défunt concernera non plus les seuls biens qu'il tenait de ses père et mère, mais tous ceux « reçus de ses ascendants ». Cela permettra donc à la famille d'origine du défunt de conserver une part des biens que celui-ci aurait pu recevoir, par exemple, d'un grand-parent.
Le 14° de cet article vise à clarifier les règles de calcul de la quotité disponible entre époux, afin de mettre fin au débat doctrinal qu'avait fait naître la modification des règles d'imputation de l'usufruit légal du conjoint, issue de la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant (25). Il précise ainsi que les libéralités reçues par le conjoint ne s'ajoutent pas à sa vocation légale et sont réductibles si elles dépassent la quotité disponible spéciale entre époux, définie à l'article 1094-1 du code civil (voir article 21). La quotité disponible spéciale entre époux, qui permet de gratifier plus largement le conjoint que la quotité disponible ordinaire, constitue donc un plafond et ne saurait être cumulée avec la quotité disponible ordinaire - sauf, bien sûr, si les héritiers réservataires renoncent à leurs droits en établissant au profit du conjoint une RAAR (voir article 14). L'Assemblée nationale, jugeant nécessaire que la loi maintienne les droits des héritiers réservataires, déjà amoindris dans cette configuration, a retiré au disposant la possibilité de prévoir un tel cumul sans leur consentement, car cela serait contraire à l'ordre public successoral.
À l'inverse, le projet de loi précise que le conjoint ayant reçu des libéralités inférieures à sa vocation légale (26) peut en demander le complément, ce qui constitue pour lui une avancée.
Adhérant à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale, le Sénat a effectué une simple coordination, qui concerne la référence aux articles précisant la règle de calcul de la quotité disponible spéciale entre époux. Cette modification, destinée à tenir compte de la suppression par le Sénat du nouvel article 1094-2 du code civil (que l'article 21 du projet de loi introduisait afin de réduire l'importance de la quotité disponible spéciale lorsqu'il existe des enfants non communs), est effectivement nécessaire.
Le Sénat a inséré une disposition modernisant la rédaction de l'article 937 du code civil. Cet article soumet les donations faites au profit des « hospices » à l'acceptation de leurs administrateurs. Les sénateurs proposent de viser les établissements de santé et les « établissements sociaux et médico-sociaux » qui exercent aujourd'hui les missions dévolues aux anciens hospices. La même modification rédactionnelle est apportée à l'article 910 du code civil par l'article 10 du projet de loi.
M. Alain Vidalies a présenté un amendement visant à accorder au partenaire survivant d'un pacte civil de solidarité (PACS) le droit de bénéficier de l'attribution préférentielle de la propriété du logement du défunt. Il a rappelé que cet amendement avait déjà été présenté en première lecture et visait à donner une traduction à une proposition de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants, dont le rapport a été adopté le 25 janvier dernier.
Le rapporteur a souligné que cet amendement avait été rejeté en première lecture au bénéfice d'un amendement gouvernemental. Il a fait valoir qu'à la différence du conjoint survivant, le partenaire d'un PACS n'a pas de vocation successorale en l'absence de disposition testamentaire. Il a donc jugé logique qu'aux termes de la disposition introduite en première lecture par amendement gouvernemental, seul le testament puisse prévoir une attribution préférentielle de droit au profit du partenaire survivant.
La Commission a alors rejeté cet amendement.
M. Alain Vidalies a ensuite présenté un amendement visant à permettre l'attribution au partenaire survivant d'un PACS, par testament, d'un droit viager sur le logement et d'un droit d'usage de son mobilier, conformément à une proposition de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants.
Le rapporteur a déclaré comprendre, à titre personnel, la finalité de cet amendement mais a estimé que, celui-ci ayant été rejeté en première lecture tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat, il lui semblait aujourd'hui préférable de ne pas l'adopter.
La Commission a rejeté cet amendement.
Puis, elle a adopté l'article 22 sans modification.
M. Alain Vidalies a présenté un amendement tendant à créer un fichier national des assurances sur la vie, pour les raisons précédemment exposées.
Le rapporteur a rappelé avoir lui-même, en première lecture, déposé un amendement similaire, puis l'avoir retiré, parce que la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance prévoyait déjà que les bénéficiaires de tels contrats pourraient être informés de leur existence. Il a, par conséquent, jugé plus sage d'attendre que cette loi ait produit ses premiers effets pour juger de son efficacité.
M. Xavier de Roux s'est interrogé, compte tenu des craintes qui avaient justifié en première lecture le dépôt d'un amendement, sur l'efficacité de cette loi récente et a souhaité savoir comment elle permettait à un héritier d'être correctement informé de l'existence d'une assurance sur la vie à son profit.
Le rapporteur a considéré qu'il était encore trop tôt pour disposer du recul nécessaire et juger de l'efficacité de cette loi, qui n'est applicable que depuis six mois. Il a indiqué que l'amendement qu'il avait déposé en première lecture sur le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités n'était pas directement lié à la loi du 15 décembre 2005. Il a rappelé que cette dernière permettait à un particulier d'écrire aux mutuelles, sociétés d'assurance ou établissements bancaires pour savoir s'ils avaient connaissance de l'existence d'un contrat d'assurance sur la vie établi à son bénéfice.
La Commission a alors rejeté cet amendement.
Article 23 quinquies A (nouveau)
(art. 11 [nouveau] de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat)
Modalités de désignation du second notaire requis pour la passation d'une renonciation anticipée à l'action en réduction (RAAR)
Ce nouvel article, inséré par le Sénat, vise à rétablir dans la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat un article 11 (27), afin de préciser la procédure par laquelle sera choisi le second notaire, dont l'article 930 du code civil rendrait désormais la présence obligatoire lors de la signature d'une RAAR pour mieux sécuriser le consentement du renonçant (voir article 14). Il est proposé que ce notaire soit « désigné par le président de la chambre des notaires », ce qui est conforme à la volonté de placer celui-ci hors du cercle familial, afin qu'il soit en mesure d'informer et de conseiller de manière impartiale l'héritier réservataire avant qu'il ne signe la RAAR.
Même si une désignation du second notaire à l'échelon régional plutôt que départemental aurait eu sa préférence, le rapporteur partage la démarche générale du Sénat, consistant à mieux encadrer la RAAR, et vous propose donc d'adopter cet article dans la rédaction du Sénat.
La Commission a adopté l'article 23 quinquies A sans modification.
Article 23 quinquies
(art. L. 321-2 du code de commerce, art. 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 et art. 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945)
Interdiction faite aux huissiers de justice et notaires de procéder
à des ventes volontaires dans les communes où est établi
un commissaire-priseur judiciaire
Inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, cet article réserve aux seuls commissaires-priseurs judiciaires la possibilité d'organiser des ventes volontaires dans la commune où ils sont établis.
La loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a modifié l'organisation de ces ventes :
- le monopole des commissaires-priseurs a été limité aux ventes judiciaires, concurremment avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres personnes légalement habilitées, et notamment avec les notaires et les huissiers de justice ;
- l'organisation et la réalisation des ventes volontaires ont en revanche été ouvertes à la concurrence et confiées à des sociétés de forme commerciale ; néanmoins, les notaires et les huissiers de justice ont été habilités à organiser et réaliser des ventes volontaires à titre accessoire.
Ont par ailleurs été maintenues les dispositions faisant interdiction aux officiers publics ou ministériels d'effectuer des ventes aux enchères publiques dans les communes où sont installés des commissaires-priseurs judiciaires, prévues à l'article premier de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et à l'article 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 18 juin 1816, des commissaires-priseurs. Ces deux ordonnances font néanmoins référence aux « ventes publiques », sans distinguer les ventes volontaires et les ventes judiciaires, et la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 29 novembre 2005, que « l'interdiction faite aux huissiers de justice de procéder à des ventes dans les lieux où sont établis des commissaires-priseurs ne concerne que les ventes judiciaires » et pas les ventes volontaires.
Le présent article interdit donc expressément aux huissiers de justice et aux notaires de procéder à des ventes volontaires dans les communes où est établi un commissaire-priseur judiciaire.
Le Sénat a modifié le III de cet article afin d'apporter une précision supplémentaire. À la différence du code de commerce et de l'ordonnance du 26 juin 1816, l'ordonnance du 2 novembre 1945 fait référence aux communes où est établi un commissaire-priseur, sans préciser qu'il doit s'agir d'un commissaire-priseur judiciaire. La rédaction du Sénat répare cette omission.
La Commission a adopté l'article 23 quinquies sans modification.
Article 23 sexies
Encadrement de l'activité des généalogistes successoraux
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté cet article additionnel afin d'encadrer la profession de généalogiste.
Sans créer une profession réglementée, il s'agit d'éviter les excès et les spoliations en s'inspirant des dispositions prévues pour les agents immobiliers par la loi dite Hoguet du 2 janvier 1970.
Le texte de l'Assemblée nationale soumettait la recherche d'un héritier à la signature préalable d'un mandat qui n'aurait pu être donné que par un des co-héritiers ou par le notaire chargé de la succession. Toute personne se livrant à une activité de recherche sans être mandatée par le notaire ou un héritier n'aurait pas pu être rémunérée.
Le Sénat a considéré que le dispositif prévu par l'Assemblée aurait pour effet de mettre les généalogistes sous la tutelle des notaires, et empêcherait certaines recherches d'héritier, notamment en cas de successions vacantes.
Les sénateurs proposent donc une nouvelle rédaction de cet article :
- toute personne qui a un « intérêt direct et légitime » à l'identification des héritiers ou au règlement de la succession pourra donner mandat pour rechercher un héritier. Cette rédaction vise à encadrer l'activité de recherche d'héritiers afin d'éviter les abus, sans pour autant empêcher les généalogistes de vivre de leur profession. Le garde de Sceaux a précisé que « ont un intérêt direct et légitime à demander une recherche d'héritiers : les créanciers, les cohéritiers, le notaire en charge de la succession. En revanche, n'ont pas d'intérêt direct et légitime à demander une telle recherche : le gérant de tutelle, les infirmières, les concierges et, c'est important, les services de pompes funèbres » ;
- la recherche d'héritier sera possible pour les successions liquidées mais dont un bien a été omis dans le partage ;
- l'obligation d'un mandat préalable ne jouera pas pour les successions vacantes ou en déshérence.
La Commission a adopté l'article 23 sexies sans modification.
Article 23 septies (nouveau)
(art. L. 621-29-7 [nouveau] du code du patrimoine)
Évaluation de la valeur d'un monument historique
Cet article a été introduit par le Sénat afin de compléter le dispositif prévu par l'Assemblée nationale en matière d'évaluation des biens lors du partage (art. 829) ou de la réunion fictive des biens, préalable à la réduction des libéralités excessives (art. 922).
En première lecture, l'Assemblée nationale a, sur proposition de la commission, complété les articles 829 et 922 afin de prendre en compte, dans leur estimation, les charges qui peuvent grever les biens faisant l'objet du partage ou de la réunion fictive. L'exposé sommaire des amendements indiquait que cette disposition nouvelle permettra « de prendre en compte les dépenses d'entretien requises pour assurer le maintien en l'état d'un immeuble classé monument historique, lorsque l'acte de donation ou le testament soumet le bénéficiaire à cette charge (...) notamment l'obligation de conservation d'un immeuble classé monument historique. »
Adopté à l'initiative de la commission des Lois, le présent article additionnel vise donc à préciser les modalités d'évaluation d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques.
La Commission a adopté l'article 23 septies sans modification.
Article 26 ter (nouveau)
Création d'une agence foncière pour la Corse
Adopté par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, cet article additionnel dote la Corse d'une agence foncière.
La création de cette agence vise à remédier à l'incertitude qui pèse sur certains titres de propriété des terrains et immeubles du territoire corse. Ces titres sont en effet souvent mal connus, et le cadastre n'est pas toujours à jour. Ainsi, lors des déclarations de succession, il est parfois très difficile de déterminer la propriété d'un bien immobilier.
Cette incertitude résulte des règles successorales particulières applicables en Corse. Les successions comportant des immeubles situés sur l'île bénéficient en effet d'un régime fiscal de faveur :
- l'article 641 bis du code général des impôts accorde un délai de 24 mois pour déposer les déclarations de succession ;
- l'article 1135 bis du même code exonère, sous certaines conditions, des droits de mutation par décès, en totalité puis à concurrence de la moitié de leur valeur, les immeubles et droits immobiliers autres que ceux acquis à titre onéreux à compter du 23 janvier 2002.
Le paragraphe I du présent article fixe le statut et la mission de l'agence foncière.
Celle-ci sera constituée sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L 341-4 du code de la recherche (qui ont codifié l'article 21 de la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de la programmation pour la recherche et le développement technologique en France). C'est sur cette même base législative qu'a été créé le groupement chargé de l'informatisation du livre foncier d'Alsace-Moselle.
Le GIP sera chargé de « rassembler tous les éléments propres à reconstituer les titres de propriété en Corse pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus », et pourra « prendre toute mesure permettant de définir ces biens et d'en identifier leurs propriétaires et créer ou gérer l'ensemble des équipements ou services d'intérêt commun rendus nécessaires pour la réalisation de son objet ». La mission du groupement est ainsi circonscrite à la reconstitution des titres de propriété pour les biens immobiliers qui en sont dépourvus, à l'exclusion des autres. Le groupement n'a pas compétence pour régler les litiges du droit de la propriété qui restent du ressort exclusif des juridictions.
Le paragraphe II précise la composition du GIP.
Seront membres de droit : l'État, la collectivité territoriale de Corse, les associations des maires de la Haute-Corse et de la Corse du Sud, et le conseil régional des notaires de Corse.
La convention constitutive du groupement pourra prévoir de lui adjoindre toute autre personne morale de droit public ou privé.
Les conditions de la représentation de chacun des membres au conseil d'administration du groupement seront déterminées par la convention constitutive, à condition de laisser à l'État la majorité des voix.
Le paragraphe III confie la présidence du conseil d'administration à un magistrat de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, à un inspecteur des finances, à un préfet ou à un administrateur civil (en fonctions ou honoraire). Le président sera désigné par le ministre de l'intérieur, le ministre chargé des finances et le garde des Sceaux, après avis du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-3 du code de la recherche, il assurera la direction des services du GIP.
Pour lui permettre de mener à bien sa mission, le paragraphe IV autorise le groupement à recruter des agents contractuels de droit public ou de droit privé. Le GIP pourra ainsi faire appel notamment à des généalogistes ou des géomètres. Les membres du groupement pourront également mettre à sa disposition leurs propres agents.
Afin de permettre au GIP d'avoir accès à des données personnelles, le paragraphe V prévoit que le secret professionnel ne pourra pas lui être opposé : ses agents, ainsi que toute personne missionnée par lui, pourront se faire communiquer de toute personne, physique ou morale, de droit public ou de droit privé, tous documents et informations nécessaires à la réalisation de la mission du groupement, y compris ceux contenus dans un système informatique ou de traitement de données à caractère personnel. En contrepartie, ces agents et personnes missionnées seront eux-mêmes tenus au secret professionnel, sauf à l'égard des officiers publics ministériels auxquels les informations pourront être communiquées quand elles sont nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Le paragraphe VI autorise le groupement à créer un fichier de données à caractère personnel dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le paragraphe VII renvoie les conditions d'application du présent article à un décret en Conseil d'État, et soumet les dispositions de ce décret relatives au secret professionnel et à la création du fichier de données personnelles à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
La Commission a adopté l'article 26 ter sans modification.
Article 26 quater (nouveau)
(art. 265 du code civil)
Clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce
Le Sénat a adopté cet article additionnel afin de confirmer l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce (dite « clause alsacienne »), figurant dans un contrat de mariage.
Principalement utilisée lors des changements de régime matrimonial, cette clause se heurte à la législation du divorce. L'article 265 du code civil prévoit en effet que le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents. En principe, l'époux conserve donc après le divorce les avantages matrimoniaux qui lui ont été consentis. C'est sur le fondement de cette disposition que la première chambre civile de la Cour de cassation a, le 17 janvier 2006, jugé inapplicable la clause de reprise des apports.
Le Sénat propose de valider cette clause, en prévoyant que, par dérogation au principe du maintien des avantages matrimoniaux après le divorce, les époux pourront, si le contrat de mariage le prévoit, reprendre les biens qu'ils ont apportés à la communauté.
La Commission a adopté l'article 26 quater sans modification.
Article 26 quinquies (nouveau)
(art. 1396 et 1397 du code civil)
Déjudiciarisation du changement de régime matrimonial
Adopté par le Sénat, cet article additionnel vise à déjudiciariser le changement de régime matrimonial lorsque les enfants des époux ont atteint leur majorité.
En application des articles 1396 et 1397 du code civil, le changement de régime matrimonial est actuellement soumis à l'homologation du tribunal de grande instance. Cette exigence, qui ne s'applique pas au choix du régime matrimonial au moment du mariage même en présence d'enfants, s'avère inutile dans la plupart des cas (la quasi-totalité des actes sont homologués), et ne permet pas toujours la consultation des enfants. Cette consultation n'est en effet pas explicitement prévue par la loi, et certains tribunaux ne la réclament pas. Le Sénat propose donc de supprimer le recours systématique au juge.
Le paragraphe I supprime l'obligation d'homologation de l'acte notarié modifiant le régime matrimonial.
Le paragraphe II modifie la forme et les effets de la modification.
Comme aujourd'hui, le régime matrimonial ne pourra être modifié qu'après deux ans d'application et dans l'intérêt de la famille. La forme de la modification dépendra désormais de l'âge des enfants :
- en présence d'enfants mineurs (communs ou nés d'un des époux), l'exigence d'homologation par le juge est maintenue, afin de vérifier que les enfants ne sont pas lésés ;
- en absence d'enfants mineurs, l'homologation judiciaire est remplacée par une action en opposition ouverte aux créanciers et aux enfants. Ces derniers devront être personnellement informés de la modification envisagée et auront trois mois pour s'y opposer. La rédaction du Sénat prévoit en outre, de manière quelque peu surprenante, la même information aux personnes parties au contrat. De plus, la modification sera publiée dans un journal d'annonces légales afin d'informer les créanciers qui auront trois mois pour faire opposition. En cas d'opposition d'un enfant ou d'un créancier, la modification sera soumise à l'obligation d'homologation judiciaire. En outre, les créanciers qui n'auraient pas fait opposition dans le délai de trois mois garderont la possibilité de former tierce opposition contre le changement de régime, s'il a été fait fraude de leurs droits.
En conséquence, le changement de régime prendra effet entre les parties, selon le cas, à la date de l'acte notarié ou à celle du jugement. Son effet à l'égard des tiers reste soumis à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de sa mention en marge de l'acte de mariage.
Par ailleurs, il est fait obligation au notaire chargé d'établir l'acte de liquider le régime matrimonial modifié et de faire mention de la modification sur la minute du contrat de mariage et, si l'un des époux est commerçant, au registre du commerce et des sociétés.
M. Alain Vidalies a présenté un amendement visant à supprimer cet article, qu'il a jugé d'autant moins opportun que le reste du projet de loi ne soulève pas de polémique et apparaît plutôt équilibré. Il a estimé que le maintien de cet article conduirait à des difficultés inutiles et a jugé inacceptable le procédé consistant à rendre, sur ce sujet important, l'Assemblée nationale prisonnière d'une décision du Sénat.
Le rapporteur a rappelé qu'il avait lui-même, en première lecture, déposé, puis retiré en séance publique, un amendement visant à supprimer toute homologation judiciaire du changement de régime matrimonial. Il a noté que la proposition sénatoriale semblait plus équilibrée, puisqu'elle prévoit la notification de ce changement aux enfants et maintient l'exigence d'une homologation judiciaire en présence d'enfants mineurs. Il a remarqué que cette modification législative était soutenue par de nombreux professeurs de droit, la pratique montrant que, dans l'immense majorité des cas, l'homologation ne soulève aucune difficulté et semble fonctionner comme une « chambre d'enregistrement ». Il a enfin estimé que le fait de laisser aux enfants majeurs un délai de trois mois, à compter de la notification du changement, pour s'opposer à celui-ci, permettrait de disposer d'une protection suffisante, y compris pour leurs créanciers.
Le Président Philippe Houillon s'est inquiété du risque que le projet de loi ne reporte sur les parties lésées la charge de la contestation, alors qu'il semblerait plus légitime de faire peser celle-ci sur la partie à l'origine du changement.
Il a souligné que ces changements de régimes matrimoniaux sont dans la plupart des cas le fait de personnes âgées d'une soixantaine d'années, ce qui peut conduire à des situations complexes, notamment dans le cadre des familles « recomposées ». Il a jugé normal que, dans ce cadre, le tribunal n'homologue actuellement le changement de régime que s'il a préalablement fait l'objet d'un accord éclairé des enfants, qui sont généralement majeurs.
M. Xavier de Roux a jugé la proposition sénatoriale équilibrée et a souscrit à la démarche consistant à distinguer dans la procédure une première phase conventionnelle chez le notaire et une seconde phase contentieuse devant le tribunal. Il a appelé à éviter toute complexité inutile pendant la phase conventionnelle de la procédure.
Le rapporteur a considéré qu'il ne fallait pas supposer a priori que le changement de régime matrimonial contreviendrait aux droits des enfants. Il a noté que cette disposition était en phase avec le reste du projet de loi et notamment le maintien à son niveau actuel de la quotité disponible entre époux, visant à accroître la liberté des époux de disposer de leur patrimoine, les enfants dont les droits seraient menacés restant en tout état de cause libres d'exercer une action en justice.
La Commission a alors rejeté cet amendement.
Elle a ensuite adopté l'article 26 quinquies sans modification.
Article 26 sexies (nouveau)
(art. 1527 du code civil)
Possibilité pour les enfants d'un autre lit de renoncer par anticipation
à exercer l'action en retranchement à l'encontre d'un avantage
matrimonial excessif
Ce nouvel article, inséré par le Sénat, vise à permettre à l'enfant d'un autre lit de renoncer par anticipation à demander la réduction d'un avantage matrimonial excessif accordé par leur auteur à son conjoint, par parallélisme avec la RAAR instituée par l'article 14 du projet de loi s'agissant des libéralités.
Pour ce faire, il est proposé d'apporter un complément à l'article 1527 du code civil, qui autorise actuellement l'enfant qui n'est pas issu des deux époux à demander le retranchement de l'excédent résultant de « toute convention (matrimoniale) qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1 », c'est-à-dire davantage que le plafond autorisé au titre de la quotité disponible spéciale entre époux (voir article 21). La démarche retenue par le Sénat consiste à permettre aux enfants le souhaitant de renoncer par avance, dans les formes prévues pour la RAAR, à la protection de tout ou partie de leur réserve héréditaire au profit de leur beau-parent, lorsque les époux se sont accordés de tels avantages - par exemple en optant pour le régime matrimonial de la communauté universelle avec clause d'attribution au survivant. Le renvoi au formalisme très exigeant requis pour la RAAR constitue assurément une garantie importante afin que le consentement du renonçant soit réellement libre et éclairé, d'autant que les relations entre enfants et beaux-parents peuvent être complexes, voire tendues, dans certaines familles « recomposées ».
Toutefois, le rapporteur s'interroge sur le choix de ne renvoyer qu'aux articles 929 à 930-1 du code civil, qui semble, de prime abord, exclure l'application d'autres dispositions encadrant les RAAR et, notamment, celles qui en permettent la révocation, par exemple pour état de besoin du renonçant. L'intention des sénateurs était pourtant bien, au vu de leurs débats, de renvoyer, dans la mesure du possible, au régime général des RAAR et non au seul formalisme exigé pour leur établissement. Ainsi, selon les termes employés par M. Henri de Richemont, tant dans son rapport que lors de l'examen du projet de loi en séance publique le 17 mai 2006, « la renonciation à l'exercice de l'action en retranchement (...) obéirait à la même logique que la renonciation anticipée à l'action en réduction contre une libéralité excessive » (28).
Le Sénat a, par ailleurs, souhaité conforter les droits de ces héritiers réservataires ayant renoncé :
- en leur permettant d'accéder à une information rigoureuse sur la situation patrimoniale des époux, puisqu'ils pourront demander un inventaire des meubles ainsi qu'un état des immeubles ;
- en disposant que, dans tous les cas, ils bénéficieront de plein droit du privilège sur les immeubles résultant du 3° du nouvel article 2374 du code civil, inséré par l'article 14 de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés. Cet article précise ainsi que les cohéritiers sont des « créanciers privilégiés (...) sur les immeubles de la succession » - une erreur matérielle ayant conduit le Sénat à viser les meubles, dont il n'est pas question ici.
Sous réserve de ces observations, le rapporteur approuve la rédaction proposée par le Sénat pour ce nouvel article.
La Commission a adopté l'article 26 sexies sans modification.
Article 26 septies (nouveau)
Modalités de révocation des donations de biens présents ne prenant pas effet au cours du mariage
Ce nouvel article, inséré par le Sénat, vise à rétablir le principe de la révocabilité des donations de biens présents pour les donations entre époux consenties entre le 1er janvier 2005 et la date d'entrée en vigueur de la loi portant réforme des successions et des libéralités.
En effet, l'article 21 de la loi relative au divorce du 26 mai 2004 (29), entrée en vigueur au 1er janvier 2005, a conduit à une modification de l'article 1096 du code civil, rattachant au régime ordinaire des donations entre vifs (30) les donations de biens présents faites entre époux, alors que celles-ci étaient jusque-là toujours révocables - révocation qui peut être souhaitée en cas de séparation des époux. L'article 21 du projet de loi (voir supra) rétablissant l'ancienne faculté de révocation de ces donations, les changements successifs de règles risquent de conduire à une pluralité de régimes pour ces donations (en fonction de la date à laquelle les actes auraient été établis), ce qui serait peu conforme à l'objectif d'intelligibilité de la loi et pourrait conduire à de nombreuses confusions juridiques. Il est donc proposé d'appliquer rétroactivement la nouvelle règle aux donations faites pendant cette période transitoire.
Le Sénat a toutefois apporté des limites à cette rétroactivité, dans un souci de sécurité juridique que partage pleinement le rapporteur :
- afin de ne pas revenir sur les transferts de propriété déjà opérés entre les époux pendant cette période, la révocation des donations de biens présents prenant effet au cours du mariage resterait soumise au régime des donations entre vifs si elles ont été consenties pendant la période transitoire ;
- afin de ne pas porter une atteinte excessive à la liberté du disposant, il est prévu que ces donations, même si elles ne prennent pas effet au cours du mariage, pourront rester révocables dans les seules conditions prévues pour les donations entre vifs si l'acte comportait une clause en ce sens.
La Commission a adopté l'article 26 septies sans modification.
Article 27
Entrée en vigueur et dispositions interprétatives
Cet article, auquel le Sénat n'a apporté qu'une modification de forme, prévoit les dispositions nécessaires à l'entrée en vigueur de la réforme des successions et des libéralités.
Le paragraphe I prévoyait, dans la rédaction initiale du projet de loi, une entrée en vigueur globalement différée de douze mois, sauf pour ce qui concerne le régime des successions vacantes. L'Assemblée nationale a fixé au 1er janvier 2007 la date d'entrée en vigueur de l'ensemble du projet de loi, à l'exception de ses dispositions abrogeant des articles du code de procédure civile qui ne prendront effet qu'à compter de l'entrée en vigueur des textes d'application de la nouvelle loi.
Le paragraphe II, que ni l'Assemblée nationale ni le Sénat n'ont modifié, prévoit un principe de semi-rétroactivité, avec l'applicabilité du nouveau texte aux procédures de successions ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la future loi, mais l'application du nouveau régime aux libéralités éventuellement déjà consenties.
Le paragraphe III prévoit une disposition interprétative de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, destinée à exclure l'application de l'irrévocabilité de la donation entre époux, s'agissant des donations consenties antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau texte.
Inséré par l'Assemblée nationale en première lecture, le paragraphe IV précise que le 12° de l'article 22 du projet de loi constitue une disposition interprétative de la loi du 3 décembre 2001 relative au conjoint survivant.
Enfin, le paragraphe V fixe l'entrée en vigueur des dispositions du projet de loi relatives au PACS, en prévoyant une application immédiate aux pactes en cours, à l'exception des nouvelles règles de publicité dont l'entrée en vigueur, pour les pactes conclus antérieurement à la présente loi, est différée d'une année. En outre, le nouveau régime patrimonial du PACS - séparation de biens avec la possibilité d'opter pour un régime d'indivision - ne s'appliquera de plein droit qu'aux PACS conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi. Toutefois, les partenaires ayant conclu un pacte sous l'empire de la loi ancienne auront la faculté de soumettre celui-ci aux dispositions de la loi nouvelle par convention modificative.
La Commission a adopté l'article 27 sans modification.
Elle a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.
* *
*
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter sans modification le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités, modifié en première lecture par le Sénat.
___
AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
Article premier
Amendement présenté par M. Alain Vidalies et les commissaires membres du groupe socialiste :
Rédiger ainsi l'alinéa 14 de cet article :
« À défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai d'un mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier pourra être déclaré renonçant par le tribunal, sauf à celui-ci à accorder un nouveau délai suivant les circonstances. »
Article 22
Amendements présentés par M. Alain Vidalies et les commissaires membres du groupe socialiste :
· Rédiger ainsi l'alinéa 47 de cet article :
« Le partenaire survivant légataire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant. En ce cas, l'attribution est de droit. »
· Après l'alinéa 48 de cet article, insérer l'alinéa suivant :
« Les dispositions des articles 764 à 766 sont applicables au partenaire survivant lorsque le défunt l'a expressément prévu par testament et à condition que, lorsque la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle de ses droits successoraux, le partenaire survivant récompense la succession à raison de l'excédent. »
Après l'article 22
Amendement présenté par M. Alain Vidalies et les commissaires membres du groupe socialiste :
Après l'article L. 132-26 du code des assurances, il est inséré un article L. 132-27 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-27. - Il est créé un fichier national des assurances sur la vie, accessible aux seules fins de connaître l'existence de toute assurance sur la vie après l'ouverture de la succession du défunt qui l'avait souscrite. Ce fichier ne mentionne que les caractéristiques principales, à l'exception de l'identité du bénéficiaire, de l'assurance souscrite. La déclaration de ces caractéristiques incombe à la société d'assurance auprès de laquelle le contrat a été souscrit.
« Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Article 26 quinquies
Amendement présenté par M. Alain Vidalies et les commissaires membres du groupe socialiste :
Supprimer cet article.
------------------------
N° 3122 Rapport de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois, sur le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités
1 () Aux termes de la définition introduite en première lecture par l'Assemblée nationale à l'article 912 du code civil, la quotité disponible est, à l'inverse de la réserve héréditaire, « la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités ». En vertu de l'article 1094-1 du code civil, les libéralités entre époux ne sont pas soumises à la quotité disponible ordinaire mais à une quotité disponible spéciale, permettant des gratifications plus importantes.
2 () Ce dernier délai peut atteindre au plus 10 ans à compter du décès lorsque les héritiers ont eu une connaissance tardive de l'atteinte portée à leur réserve.
3 () À l'inverse, dans les autres cas de subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens à l'ouverture de la succession.
4 () Donations « en avancement d'hoirie » dans la dénomination actuelle.
5 () Donations « à titre préciputaire » dans la dénomination actuelle.
6 () C'est-à-dire entre la date où le bien reçu a été vendu par le donataire et celle où il a acquis le nouveau bien.
7 () La RAAR est l'acte par lequel l'héritier réservataire s'engage, personnellement et définitivement, à ne pas demander la réduction de libéralités susceptibles de porter atteinte ultérieurement à ses droits réservataires, le disposant se bornant à accepter la renonciation, qui n'est pas signée par son ou ses bénéficiaires (bien que ces derniers doivent être mentionnés comme tels dans l'acte).
8 () Ces articles disposent respectivement qu'« on ne peut (...) renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession » et qu'« on ne peut (...) renoncer à la succession d'un homme vivant, ni aliéner les droits éventuels qu'on peut avoir à cette succession ».
9 () Ce délai court alors à compter de l'ouverture de la succession.
10 () Habilitations à gérer les biens de la succession, et dans certaines limites, à en disposer, dans le cadre des nouveaux articles 1030-1 et 1030-2 du code civil.
11 () La prorogation est limitée à un an pour les pouvoirs prévus à l'article 1031, afin de protéger les droits des héritiers. En revanche, elle n'est pas limitée dans le cas de l'article 1032, l'exécuteur testamentaire devant être en mesure d'exécuter l'intégralité de sa mission, si le juge l'estime nécessaire.
12 () Article 1048 du code civil dans sa nouvelle rédaction.
13 () Il est également fort probable que l'administration fiscale considère que les libéralités graduelles, à la différence des libéralités résiduelles, doivent donner lieu à une double imposition.
14 () L'article 930 du code civil, auquel il est renvoyé, impose ainsi la présence de deux notaires dont l'un n'est pas choisi par la famille et la signature de l'acte par le renonçant sans la présence de son entourage. En outre, il prévoit explicitement la nullité de l'acte pour les vices du consentement traditionnels (cf. supra p. 51).
15 () C'est-à-dire aussi bien pour une donation graduelle que pour un legs graduel.
16 () Or, les droits réservataires de ces nouveaux descendants dans la souche seraient égaux à ceux des descendants du même degré nés avant le décès du disposant et, par conséquent, appelleraient un partage égal entre eux des biens ou des droits.
17 () Notion unitaire que l'Assemblée nationale a souhaité, en première lecture, consacrer dans le code civil, par parallélisme avec le choix analogue effectué pour la notion de libéralité : constituent des libéralités-partages tant les donations-partages que les testaments-partages.
18 () C'est-à-dire l'ensemble des personnes pouvant être appelées en cas de successions ab intestat, telles que les frères et sœurs ou les ascendants du disposant.
19 () Entreprise individuelle à caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral, ou droits sociaux d'une société exerçant ce type d'activité.
20 () Sans qu'ait été prévu un usufruit portant sur une somme d'argent.
21 () Il convient de rappeler que la règle ordinaire pour les donations entre vifs est l'évaluation des biens à l'ouverture de la succession.
22 () En application des articles 389-6, 497 et 500 du code civil, si la tutelle est ouverte sans conseil de famille, tous les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille sont soumis à l'autorisation du juge des tutelles.
23 () Voire de l'impossibilité de restituer en nature les biens donnés, par exemple lorsqu'ils ont ensuite été aliénés.
24 () Il convient de souligner que la dévolution de ces biens déroge donc explicitement aux dispositions de l'article 757-2 du code civil, qui prévoit que lorsque les père et mère du défunt étaient décédés avant lui, et qu'il n'avait pas laissé d'enfants ou de descendants, « le conjoint survivant recueille toute la succession » en l'absence de dispositions testamentaires contraires.
25 () Loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral.
26 () Définie aux articles 757 et suivants du code civil.
27 () Les articles 11 à 18 de cette loi, intervenue dans un domaine relevant aujourd'hui du pouvoir réglementaire, ont été abrogés par le décret 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires.
28 () Journal officiel Sénat, 17 mai 2006.
29 () Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.
30 () Articles 953 à 958 du code civil, qui limitent fortement les possibilités de révocation.
© Assemblée nationale