N° 3499 - Rapport de M. Philippe Houillon sur le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats (n°3391)



N° 3499

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE (N° 3391), relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats,

PAR M. Philippe Houillon,

Député.

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INTRODUCTION 7

I. —  AMÉLIORER LA FORMATION DES MAGISTRATS 7

A. LES MODALITÉS ACTUELLES DE RECRUTEMENT ET DE FORMATION DE LA MAGISTRATURE 8

1. Un recrutement et une formation qui peinent à s’ouvrir sur l’extérieur 8

a) La diversification du recrutement reste marginale 8

b) La formation initiale demeure trop étroitement juridique 9

c) La formation continue paraît trop souvent inadaptée aux besoins 11

2. La nécessité de mieux valoriser l’expérience professionnelle 12

B. LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE 13

1. Une réforme centrée sur les formations probatoires 13

2. Une réforme qui doit être approfondie 14

a) Une ouverture accrue aux expériences acquises à l’extérieur du corps judiciaire 14

b) Une meilleure gestion des ressources humaines au sein du corps judiciaire 15

II. —  RESPONSABILISER LES MAGISTRATS 16

A. LES INSUFFISANCES DU RÉGIME DISCIPLINAIRE DES MAGISTRATS 16

1. Des règles critiquées 16

2. Des sanctions peu appliquées 18

B. LES PROPOSITIONS DE MODIFICATION DU RÉGIME DISCIPLINAIRE DES MAGISTRATS 20

1. Préciser les devoirs des magistrats 21

2. Mieux détecter les fautes des magistrats 21

3. Revoir les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats 23

4. Modifier la définition de la faute disciplinaire 24

a) L’activité juridictionnelle peut-elle être intégrée dans le champ de l’action disciplinaire ? 24

b) L’existence des voies de recours limite-t-elle l’action disciplinaire ? 27

III. —  ADAPTER LES PARCOURS PROFESSIONNELS 28

A. DE NOUVELLES GARANTIES D’AFFECTATION POUR LES PROCUREURS GÉNÉRAUX 28

B. UNE PROCÉDURE ÉQUILIBRÉE POUR ÉVITER LES COMPORTEMENTS PATHOLOGIQUES DANS L’EXERCICE DES FONCTIONS DE MAGISTRAT 29

C. DES MESURES COMPLÉMENTAIRES PERMETTRAIENT UNE MEILLEURE GESTION DE LA CARRIÈRE DES MAGISTRATS 30

AUDITION DE M. PASCAL CLÉMENT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE 33

EXAMEN DES ARTICLES 51

Chapitre Ier : Dispositions relatives à la formation 51

Articles additionnels avant l’article 1er(art. 14 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Rétablissement de l’obligation de formation continue 51

(art. 18-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Relèvement de la proportion maximale des magistrats recrutés sur titre 51

(art. 19 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Institution d’un stage obligatoire de huit mois en cabinet d’avocat ou auprès d’un barreau pour les auditeurs de justice 52

(art. 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Possibilité pour le jury de classement de formuler des réserves sur la première affectation d’un auditeur de justice 52

(art. 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Versement au dossier du magistrat des recommandations et des réserves du jury de classement sur la première affectation 53

Article 1er (art. 21-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Soumission des candidats reçus au concours complémentaire de l’ENM à une formation probatoire – Suivi d’une formation complémentaire pour les candidats déclarés aptes 54

Articles additionnels après l’article 1er(art. 25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Relèvement de la proportion maximale de magistrats nommés au second grade par la voie de l’intégration directe au corps judiciaire 57

(art. 25-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Relèvement de la proportion maximale de magistrats nommés au premier grade par la voie de l’intégration directe au corps judiciaire 57

Article 2 (art. 25-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Généralisation, sauf dispense exceptionnelle, de la formation probatoire pour les candidats admis à l’intégration directe dans le corps judiciaire 57

Article additionnel après l’article 2(art. 26 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Prise en compte obligatoire des réserves du jury pour la nomination des auditeurs de justice à un premier poste 59

Article 3 (art. 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Suivi, sauf dispense exceptionnelle, d’une formation probatoire avant la nomination des candidats recrutés pour l’exercice temporaire des fonctions de magistrat 60

Article 4 (art. 41-19 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Généralisation de la formation probatoire pour les juges de proximité 63

Après l’article 4 66

Chapitre II : Dispositions relatives à la discipline 66

Articles additionnels avant l’article 5(art. 6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature): Serment des magistrats 66

(art. 43 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Définition de la faute disciplinaire 68

Article 5 (art. 45 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Interdiction de l’exercice des fonctions de juge unique 68

Article 6 (art. 46 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Possibilité d’assortir une sanction disciplinaire d’un déplacement d’office et interdiction de l’honorariat pour les magistrats mis à la retraite d’office 71

Après l’article 6 72

Articles additionnels après l’article 6 (art. 48-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Transmission aux chefs de cour des décisions définitives condamnant l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice 72

(art. 48-2 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Examen des réclamations des justiciables par le Médiateur de la République 73

(art. 20 de l’ordonnance n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) : Élaboration par le Conseil supérieur de la magistrature d’un recueil des obligations déontologiques des magistrats 74

Rapport annuel au Parlement sur les actions en responsabilité engagées contre l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice 75

Chapitre III : Dispositions diverses et transitoires 75

Avant l’article 7 75

Article additionnel avant l’article 7 (art. 13-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Coordination 76

Article 7 (art. 38-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Garanties d’affectation applicables aux procureurs généraux de cour d’appel 76

Article 8 (art. 69 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Suspension d’un magistrat en raison de son état de santé 77

Article additionnel après l’article 8 (art. 70 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Coordination 81

Article 9 (art. 77 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Coordination 81

Article 10 : Applicabilité de l’article 7 aux procureurs généraux nommés avant l’entrée en vigueur de la loi 81

Article additionnel après l’article 10 (art. 83 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) : Abrogation d’une disposition transitoire 82

Article 11 : Entrée en vigueur de la loi 82

Titre 82

TABLEAU COMPARATIF 85

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 103

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 107

ANNEXE 109

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 111

MESDAMES, MESSIEURS,

Parce qu’elle est l’expression directe du suffrage universel, la représentation nationale dispose d’une légitimité particulière pour s’assurer des conditions dans lesquelles la justice est rendue au nom du peuple français. Ce constat avait conduit à constituer au sein de l’Assemblée nationale, le 14 décembre 2005, une commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement. Les travaux de cette commission d’enquête, dont le rapport a été publié au début du mois de juin 2006, ont nourri la réflexion du Gouvernement et complété utilement les réflexions administratives antérieures. Ils conduisent aujourd’hui l’Assemblée nationale à examiner une « réforme de la justice » à travers trois projets de loi, dont l’un concerne la formation et la responsabilité des magistrats.

Assurer le bon fonctionnement de l’autorité judiciaire revient à mieux faire respecter la loi et à garantir à chaque citoyen une justice plus équitable. Cette ambition suppose d’abord de doter la magistrature d’une formation et d’une gestion des carrières adaptées, afin que le service public de la justice soit confié à des agents compétents et motivés. Elle implique également la mise en place de mécanismes de responsabilité spécifiques, compatibles avec l’indépendance des juges, afin que les manquements aux principales règles déontologiques des magistrats puissent être réellement sanctionnés.

I. —  AMÉLIORER LA FORMATION DES MAGISTRATS

Juger ses concitoyens, décider de leur mise en détention provisoire ou de leur libération, ordonner le placement d’un enfant dans une famille, sont des actes graves. Si elles ne sont pas prises avec méthode, dans la sérénité et le respect des personnes, ces décisions peuvent conduire à des situations particulièrement dramatiques, comme en atteste la récente catastrophe judiciaire survenue dans l’affaire dite d’Outreau. L’autorité judiciaire, dont l’article 66 de la Constitution rappelle qu’elle est la « gardienne de la liberté individuelle », doit donc être confiée à des magistrats sérieux et compétents, respectueux d’une déontologie exigeante, capables de faire preuve à la fois d’impartialité et d’humanité. Or, devenir magistrat, cela s’apprend.

La formation des magistrats repose encore largement, en France plus qu’ailleurs, sur des enseignements théoriques qui ne permettent pas d’évaluer concrètement l’aptitude des individus à exercer de telles responsabilités. Aussi le projet de loi organique soumis à la représentation nationale vise-t-il à généraliser la mise en situation professionnelle des futurs magistrats, en subordonnant leur nomination au succès d’une formation probatoire comportant un stage en juridiction.

La grande majorité des magistrats français de l’ordre judiciaire est actuellement recrutée par la voie de l’École nationale de la magistrature (ENM), à l’issue d’une formation juridique reçue à l’université.

Les voies d’accès à l’ENM se sont certes diversifiées depuis une quinzaine d’années, puisqu’aux deux concours (externe pour les étudiants et interne pour les fonctionnaires) ont été ajoutés, en 1992 puis en 2001, un troisième concours et des concours complémentaires pour les personnes ayant acquis une expérience juridique suffisante dans le secteur privé. Par ailleurs, les auditeurs de justice de l’ENM peuvent, depuis 1992, être recrutés sur titre au vu de leur expérience professionnelle et à condition d’être titulaires d’un diplôme dans le domaine juridique. Enfin, les greffiers en chef et les personnes disposant à la fois d’un diplôme juridique et d’une expérience professionnelle plus longue peuvent être directement intégrés à la magistrature.

Toutefois, cet empilement de procédures de recrutement distinctes n’a pas encore produit les résultats attendus, puisque le profil-type du nouveau magistrat demeure celui d’une jeune femme ayant réussi le concours externe de l’ENM à l’issue d’un cursus universitaire en droit. Les statistiques sont à cet égard éloquentes :

– au cours des cinq dernières années, alors que les recrutements sur titre n’ont bénéficié qu’à une trentaine de personnes par an, les trois concours ont permis chaque année à 250 personnes d’accéder à l’ENM, dont près de 80 % en moyenne au titre du seul concours externe ;

– le déséquilibre des sexes s’est fortement accentué au fil du temps pour le concours externe, la proportion des femmes passant de 63,3 % en 1991 à 79,5 % en 2005 (un fort écart existant déjà pour le nombre de candidats) ;

– la moyenne d’âge ne dépasse par 25 ans dans la dernière promotion de l’ENM ;

– le nombre de candidats admis à l’ENM par la voie des concours complémentaires n’a cessé de décroître depuis 2003, aucun concours complémentaire n’ayant été organisé en 2006 ;

– l’intégration directe est également en déclin depuis 2004 et n’a concerné que 12 personnes en 2006.

ÉVOLUTION DU RECRUTEMENT DES MAGISTRATS DE 2002 À 2005

(nombre de personnes admises par les différentes voies d’accès à la magistrature judiciaire)

Année du concours

Concours externe

Concours interne

3ème concours

Concours complémentaires

Recrutement sur titre (1)

Intégration directe

2002

192

45

13

73

32

27

2003

192

45

13

84

30

19

2004

192

45

13

50

30

31

2005

224

19

7

30

36

26

Les comparaisons avec d’autres pays européens montrent que le système français de recrutement des magistrats ne constitue pas une exception – la Belgique, l’Espagne, l’Italie et le Portugal recrutent une majorité de magistrats sur concours, en fonction de critères principalement universitaires. Toutefois, sans qu’il soit question pour la France de « changer de modèle » pour le recrutement des magistrats en renonçant à sélectionner les meilleurs étudiants par concours, il convient de rappeler que la Grande-Bretagne et les Pays-Bas ont opté pour des systèmes différents. Ainsi, les juges britanniques sont choisis parmi les avocats les plus expérimentés (2), tandis que la majorité des magistrats néerlandais est actuellement recrutée par la voie professionnelle (3).

L’ENM, qui emploie 945 personnes, s’est efforcé d’enrichir la formation initiale des magistrats, notamment en diversifiant ses enseignements théoriques et en renforçant le poids des stages dans la scolarité. La qualité de ces enseignements n’est guère contestée, même si le niveau d’expérience professionnelle du corps enseignant permanent a parfois été jugé insuffisant. En outre, des formations spécialisées ont commencé à se développer, par exemple sur la maltraitance et l’inceste, ou encore sur la pédophilie et la parole de l’enfant. Les moyens financiers de l’ENM se sont d’ailleurs considérablement accrus au cours des dix dernières années, la subvention qui lui est accordée par le ministère de la justice passant de 21,8 millions d’euros en 1997 à 30,4 millions d’euros en 2001, avant d’atteindre 44,8 millions d’euros en 2006.

Les auditeurs de justice reçus aux concours de l’ENM bénéficient d’une formation initiale de 25 mois, débutant par un stage de 3 mois dans une entreprise ou une administration et s’achevant par deux stages, l’un de 12 mois en juridiction, l’autre de 2 mois en cabinet d’avocat. Ils sont ensuite affectés, en fonction de leur choix et de leur classement, à un premier poste. Leur nomination comme magistrat n’intervient qu’à l’issue d’une nouvelle période de stage de 6 mois dans la juridiction choisie (4).

Même si l’ENM a mis en place des stages de deux mois en cabinet d’avocat, les jeunes magistrats sont amenés à effectuer leur carrière au sein d’un corps jugé trop fermé par les avocats, alors même qu’une compréhension mutuelle et le partage d’une même culture juridique sont souhaitables. Il serait donc souhaitable de généraliser ces stages et de porter leur durée à huit mois au moins, ce qui permettrait aux futurs magistrats de mieux comprendre les contraintes professionnelles et les méthodes de travail des avocats, ainsi que la détresse humaine de certaines personnes poursuivies.

Par ailleurs, s’ils sont incontestablement bons juristes – ce qui constitue évidemment l’exigence de base pour exercer le métier de magistrat –, les magistrats recrutés par l’ENM ne disposent pas toujours, en raison de leur jeunesse, d’une expérience humaine et d’un recul suffisants, qui sont pourtant essentiels, notamment pour faire face aux situations parfois très douloureuses auxquelles ils sont confrontés. M. Yves Bot, procureur général près la Cour d’appel de Paris, rappelait ainsi, le 8 mars 2006, devant la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire d’Outreau, « ce qui fonde la vraie décision de justice : l’humanité, la prudence, et ce doute qui doit nous animer ». Cette maturité ne peut résulter d’un savoir purement théorique : l’ENM devrait donc, comme le suggérait M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de Cassation, entendu par cette commission le 11 avril 2006, « mieux prendre en compte (…) le rapport aux autres, l’approche de l’épaisseur humaine », afin de « donner aux magistrats un regard sur la vie, sur les souffrances, les pathologies, les difficultés d’autrui ».

Mme Dominique Commaret, avocat général près la Cour de Cassation, entendu le 4 avril dernier par la commission d’enquête précitée, soulignait également que divers rapports administratifs sur la magistrature faisaient apparaître « une faible intériorisation des exigences éthiques de leur profession par certains des auditeurs de justice nommés dans leurs premiers postes ». Par ailleurs, cette commission d’enquête a regretté le « caractère souvent très individualiste de leurs méthodes de travail » (5).

Ce constat devrait conduire à accorder une plus grande place au travail en équipe, ainsi qu’aux questions d’éthique et de déontologie, dans la formation initiale des futurs magistrats. Il conviendrait, en particulier, de mettre en place des modules spécifiquement consacrés aux questions éthiques, dans lesquels seraient présentés des exemples concrets de manquements avérés aux obligations professionnelles ou de décisions de placement en détention provisoire dont il a été montré qu’elles n’étaient pas justifiées. En effet, comme le remarquait devant la commission d’enquête précitée, le 4 avril 2006, M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, « à côté de la formation juridique et d’une expérience avérée, l’éthique du juge constituera toujours un solide rempart contre les erreurs, voire les dérives ».

Les magistrats pourraient ainsi être alertés sur les dangers de certaines situations – en prenant en compte notamment les conséquences d’une forte pression médiatique sur la conduite de certaines affaires. La matière est désormais disponible pour assurer cet enseignement, puisque, depuis cette année, la jurisprudence disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), longtemps couverte par le secret, fait l’objet d’un recueil systématique permettant sa diffusion.

De nombreux magistrats entendus par la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau ont regretté l’insuffisance de la formation continue des magistrats. Certes, l’ENM indique accueillir chaque année un public plus nombreux. En 2005, elle a ainsi formé 4 302 magistrats, représentant 56 % du corps judiciaire, ce qui est considérable. Toutefois, une analyse plus fine conduit à un bilan nuancé.

Il convient, tout d’abord, de rappeler que les magistrats disposent d’un droit à la formation de cinq jours par an, alors qu’ils devaient, jusqu’en 1995, suivre deux semaines de formation continue pendant leurs huit premières années de fonction (6). Parce qu’elle a perdu son caractère obligatoire, cette formation ne bénéficie donc pas nécessairement aux magistrats qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, le catalogue des formations proposées par l’ENM n’est pas forcément en phase avec la spécialisation croissante des magistrats, par exemple en matière de terrorisme ou de délinquance financière. M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, entendu le 4 avril 2006 par la commission d’enquête précitée, jugeait ainsi « urgent d’instaurer des formations de haut niveau pour les magistrats spécialisés, en particulier au profit des membres des pôles économique et financier, de santé publique, antiterroristes, mais aussi de ceux qui traitent de contentieux relatifs à la propriété intellectuelle ou commerciale ».

Enfin, on peut regretter que les magistrats ne soient pas amenés à suivre périodiquement, au titre de la formation continue, des modules de sensibilisation aux problèmes déontologiques, ainsi que des modules consacrés à la gestion des ressources humaines.

La jeunesse d’une majorité de nouveaux magistrats peut sans doute être un handicap pour l’accès à des fonctions à juge unique ou exigeant une maturité particulière, telles que celles de juge pour enfant, de juge aux affaires familiales ou de juge d’application des peines – cette dernière fonction étant, pourtant, de plus en plus fréquemment choisie pour la première affectation (12,7 % des premières affectations en 2006, contre 5,2 % en 1995). M. Guy Canivet, premier président de la Cour de Cassation, entendu le 11 avril 2006 par la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau (7), soulignait ainsi « le paradoxe de l’organisation actuelle qui fait que ce sont les magistrats les plus jeunes, donc les moins expérimentés, qui exercent les fonctions à juge unique ». Cette commission n’a toutefois préconisé l’instauration d’un âge minimum ni pour l’ensemble des voies d’accès à l’ENM, ni pour l’exercice de certaines fonctions spécialisées de la magistrature
– de nombreux exemples montrant que l’ancienneté ne garantit pas l’excellence d’un magistrat.

Plus que l’âge lui-même, c’est en réalité le manque d’expérience professionnelle d’une majorité des nouveaux magistrats qui peut poser un problème. La réforme actuellement étudiée par l’ENM, consistant à exiger des candidats, pour l’admission à concourir, des diplômes correspondant à cinq années d’études après le baccalauréat, contre quatre actuellement, est peut-être en phase avec l’harmonisation européenne des diplômes (reposant sur les trois niveaux licence-mastère-doctorat), mais elle ne permettra pas de rééquilibrer le recrutement des magistrats en valorisant mieux l’expérience pratique.

Comme le remarquait M. Guy Canivet le 11 avril 2006 devant la commission d’enquête précitée, « l’instruction d’une affaire pénale ne se conduit pas à l’instinct, on n’en redécouvre pas la méthode à chaque fois et pour chaque affaire, on agit en fonction d’acquis professionnels et à partir de référentiels existants ». Ce constat doit bien sûr conduire à dispenser au sein de l’ENM des enseignements spécifiques, à caractère obligatoire et non optionnel, portant notamment la pertinence de différents cas de détention provisoire, les abus sexuels et la parole de l’enfant. Toutefois, cette démarche ne saurait remplacer le renforcement de l’expérience pratique acquise sur le terrain par les jeunes magistrats, en particulier lors des stages en juridiction, dont on peut regretter qu’ils n’aient pas toujours un caractère obligatoire et probatoire.

Dans le même esprit, la commission d’enquête précitée a proposé de rompre l’isolement des jeunes magistrats instructeurs en mettant en place la collégialité de l’instruction – proposition reprise dans le projet de loi (n° 3393) tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, par le biais de « pôles de l’instruction ». Elle a également estimé qu’il pourrait être utile de s’inspirer des règles de la magistrature allemande, qui prévoient une période probatoire de trois à cinq ans avant l’entrée en fonction, et que ne soient nommés juges d’instructions que des magistrats ayant passé plusieurs années en juridiction. Elle s’est, enfin, interrogée sur la possibilité de concilier l’indépendance de la justice et la mise en place d’un tutorat des magistrats les plus anciens sur les magistrats les plus jeunes.

D’une manière générale, il est d’autant plus urgent de rééquilibrer le recrutement et d’améliorer la formation des nouveaux magistrats que leur nombre est appelé à augmenter sensiblement au cours des prochaines années, qui revêtent donc une importance stratégique pour l’avenir. En effet, les départs à la retraite prévisibles passeront de 660 sur la période 2006-2010 à 1434 sur la période 2011-2015. L’impact de toute réforme des conditions de recrutement et de formation des magistrats entrant en fonction s’en trouvera donc mécaniquement accru au sein de la magistrature dans son ensemble.

Le projet de loi organique propose de remédier à l’insuffisante prise en compte des aptitudes professionnelles concrètes des magistrats, lors de leur recrutement, en systématisant les formations probatoires, qui comportent un stage en juridiction. La nomination des magistrats serait ainsi subordonnée aux résultats obtenus en situation professionnelle, dans le cadre de cette formation, que les candidats aient été recrutés par le biais d’un concours complémentaire de l’ENM (article 1er), par la voie d’une intégration directe dans le corps judiciaire (article 2), pour l’exercice temporaire des fonctions de magistrat (article 3), ou encore comme juges de proximité (article 4).

Cette mesure répond directement à une attente largement exprimée par la magistrature. Ainsi, le rapport final de la commission de réflexion sur l’éthique dans la magistrature mise en place en 2003 par M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, notait que 89,8 % des magistrats consultés dans le cadre de l’enquête qu’elle avait mené (8) approuvaient l’idée que le stage en juridiction revête à l’avenir « un caractère obligatoire et probatoire, quel que soit le mode de recrutement ». L’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) en date du 20 mai 2005 sur les propositions de ce rapport soutenait également cette évolution, en remarquant que « seul l’exercice effectif du métier de juge, ou de membre du ministère public, permet de mesurer les exigences concrètes de l’éthique et de la déontologie au sein du corps judiciaire ».

De même, M. Bruno Thouzellier, secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM), appelait, le 4 avril dernier, devant la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau, à mener une « politique plus prudente dans les recrutements extérieurs à l’ENM » et proposait que « tout recrutement fasse l’objet d’un stage probatoire de six mois en juridiction avant l’intégration dans la magistrature, et ce pour détecter d’éventuels profils inadaptés aux fonctions judiciaires ».

S’agissant de la formation initiale des magistrats, mettre en place des enseignements communs avec les avocats et faire suivre à tous les futurs magistrats un stage d’un an (ou, à défaut, d’une durée minimale de six mois) dans un cabinet d’avocat permettrait de consacrer une culture juridique commune, ainsi que d’apaiser les relations, parfois tendues, entre ces professions juridiques. Magistrats comme avocats sont en effet tenus de respecter des principes communs dans l’exercice de leur profession, comme le soulignait, le 15 mars 2006, devant la commission d’enquête précitée, M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d’appel de Lyon : parmi ces exigences figurent « le principe de l’égalité des armes », mais aussi « la prévalence de la loi, le contradictoire, le respect du plaideur, l’administration de la preuve ».

Le recrutement de professionnels ayant acquis en dehors de la magistrature une sérieuse expérience juridique devrait également être encouragé, pour permettre notamment à un plus grand nombre d’avocats de devenir magistrats, comme cela existe, par exemple, au Royaume-Uni. Pour ce faire, il serait souhaitable de rééquilibrer l’importance respective des différentes voies d’accès à la magistrature. La commission d’enquête précitée a d’ailleurs préconisé de porter les recrutements sur titre au tiers des promotions de magistrats, alors que l’article 18-1 de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958 prévoit actuellement que le nombre des auditeurs de justice nommés à ce titre ne peut excéder, au sein d’une même promotion de l’ENM, 20 % du nombre des auditeurs issus des premier, deuxième et troisième concours. Votre rapporteur estime que le relèvement de ce plafond devrait être complété par celui de la proportion maximale de magistrats bénéficiant de l’intégration directe au corps judiciaire en vertu des articles 22 et 23 de la même ordonnance, et vous proposera plusieurs amendements en ce sens.

Les imperfections de la gestion des ressources humaines au sein de la magistrature judiciaire ont été soulignées à de multiples reprises au cours des travaux de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau. Les différents interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur rejoignent ce constat, qui appelle la mise en place de nouveaux outils administratifs, tels qu’une véritable direction des ressources humaines au sein du ministère de la justice. En effet, seuls certains aspects ponctuels de cette gestion peuvent faire l’objet de dispositions dans le projet de loi organique.

En ce qui concerne la nomination des nouveaux magistrats, le rapport de la commission de réflexion sur l’éthique dans la magistrature mise en place en 2003 par M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, avait proposé que « les réserves émises par le jury de classement sur l’aptitude de l’auditeur de justice à exercer certaines fonctions (doivent) lier la direction des services judiciaires dans la nomination dans le premier poste et (…) être inscrites au dossier du magistrat ». Si la pratique actuelle consiste déjà à prendre en compte les recommandations du jury pour la première affectation, sa consécration légale supposerait une modification des articles 21 et 26 de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958.

Dans cet esprit, il vous sera proposé une série d’amendements visant à :

- rendre obligatoire la prise en compte des éventuelles réserves du jury pour la première affectation du magistrat concerné ;

- verser au dossier du magistrat lesdites réserves, étant entendu que ce dossier sera ensuite mis a jour et pourra, le cas échéant, faire état de l’expérience acquise pour lever les réserves antérieures. Il convient en effet d’éviter qu’un magistrat dont le jury a considéré qu’il ne possédait pas les qualités attendues pour exercer certaines fonctions lors de sa première affectation, soit néanmoins affecté dans de telles fonctions dès sa seconde affectation, alors même qu’il n’a pas acquis les qualités requises.

La formation initiale pourrait être utilement complétée, une fois la nomination des magistrats intervenue, par la mise en place d’un tutorat souple au sein des juridictions, permettant à un magistrat-référent plus ancien de conseiller les magistrats pendant leurs deux ou trois premières années. Cette proposition, formulée, s’agissant des juges d’instruction, par le rapport du groupe de travail chargé par M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, en juillet 2004, de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l’affaire dite d’Outreau (9), permettrait ainsi de « répondre au besoin de concertation » ressenti par les jeunes magistrats.

Par ailleurs, pour les raisons précédemment évoquées (voir I A 1 c), on ne peut se satisfaire du caractère facultatif de la formation continue des magistrats, car, bien souvent, ceux dont les compétences ne sont plus en phase avec les évolutions de la profession ne se tournent pas spontanément vers les modules proposés par l’ENM. Cette formation devrait, au contraire, redevenir obligatoire, notamment lors du changement de fonction d’un magistrat, comme M. Jean-Olivier Viout l’a suggéré au cours de l’audition du 15 mars 2006 devant la commission d’enquête précitée.

Votre rapporteur vous proposera un amendement visant à soumettre les magistrats de l’ordre judiciaire à une obligation de formation continue, selon une périodicité minimale et des conditions qui pourront être précisées par voie réglementaire.

II. —  RESPONSABILISER LES MAGISTRATS

La responsabilité disciplinaire des magistrats est au centre des questions soulevées par la mise en cause personnelle de certains juges. Le drame d’Outreau a mis en lumière les insuffisances du régime disciplinaire prévu par l’ordonnance statutaire, et de nombreuses voies se sont élevées pour réclamer que les garanties dont bénéficient les magistrats trouvent leur contrepartie dans une sanction effective des fautes qu’ils commettent.

Afin de poser les fondements effectifs de l’indépendance du juge, l’ordonnance du 22 décembre 1958 définit avec précision la procédure disciplinaire, en distinguant les magistrats du siège dont l’inamovibilité est garantie par l’article 64 de la Constitution et les magistrats du parquet placés sous la direction et le contrôle de leur hiérarchie et sous l’autorité du ministre de la justice :

– en application des articles 50-1 et 50-2 du statut, l’action disciplinaire à l’égard des magistrats du siège appartient au ministre de la justice ainsi qu’aux premiers présidents de cour d’appel ou aux présidents de tribunal supérieur d’appel. Le pouvoir disciplinaire est exercé par le Conseil supérieur de la magistrature, réuni sous la présidence du premier président de la Cour de cassation dans la formation compétente à l’égard des magistrats du siège. La procédure disciplinaire respecte les droits de la défense et le principe du débat contradictoire. Les décisions disciplinaires sont motivées et rendues publiquement ;

– en application de l’article 63 du même texte, le ministre de la justice, les procureurs généraux près les cours d’appel et les procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d’appel ont l’initiative de l’action disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet. Le pouvoir disciplinaire appartient au ministre de la justice qui statue sur avis du Conseil supérieur de la magistrature. Celui-ci se réunit, sous la présidence du procureur général près la Cour de cassation, dans la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. Ceux-ci bénéficient des mêmes garanties de procédure que celles prévues pour les magistrats du siège.

L’article 45 du statut prévoit sept sanctions de portée croissante, allant de la réprimande avec inscription au dossier jusqu’à la révocation avec ou sans suspension des droits à pension. Le statut de la magistrature n’établit cependant aucune règle de correspondance entre les fautes et les sanctions. Si aucune voie de recours n’est expressément prévue, le Conseil d’État se reconnaît compétent comme juge de cassation.

Les devoirs de magistrats sont en revanche définis avec moins de précision. Ils sont prévus par des dispositions disparates qui, en outre, ne figurent pas toutes dans le statut :

– le serment est libellé dans des termes généraux par l’article 6 : lors de sa nomination à son premier poste, tout magistrat jure de « bien et fidèlement remplir [ses] fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de se conduire en tout comme un digne et loyal magistrat » ;

– les incompatibilités sont prévues par les articles 8 à 9-1, qui interdisent l’exercice de toutes fonctions publiques et de toute autre activité professionnelle, qu’il s’agisse d’un emploi public ou privé, ou la détention d’un mandat public électif ;

– le devoir de réserve résulte de l’énumération prévue par l’article 10 qui interdit aux magistrats « toute délibération politique », « toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République », « toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions », et « toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ». Les règles applicables à l’honorariat sont définies dans des termes beaucoup plus vagues par l’article 79 qui impose aux magistrats honoraires « la réserve qui s’impose à leur condition » ;

– en dehors des règles d’incompatibilité, aucune disposition organique n’impose explicitement aux magistrats un devoir d’impartialité. Celui-ci résulte de dispositions de nature réglementaire figurant aux articles R. 721-1 et R. 721-3 du code de l’organisation judiciaire et à l’article 341 du nouveau code de procédure civile qui frappent d’incapacité de juger le magistrat qui a, directement ou indirectement, intérêt au procès.

De surcroît, la faute disciplinaire est définie de manière vague et peu cohérente. L’article 43 du statut de la magistrature prévoit en effet que « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire ». Cette définition ne fait pas référence au serment qui comprend pourtant d’importantes obligations déontologiques. Elle utilise même des termes différents, notamment en visant la « délicatesse » et les « devoirs de l’état » – alors que le serment fait référence à la « loyauté » –, notions dont la portée juridique est difficilement cernable. Au total, la définition organique de la faute disciplinaire est peu lisible.

En octobre 2003, le Conseil supérieur de la magistrature décidait de réaliser, sous sa responsabilité, une présentation systématique et synthétique de la jurisprudence disciplinaire des formations du siège et du parquet, complétée par celle du Conseil d’État. Validé par le Conseil supérieur de la magistrature dans sa séance du 6 octobre 2005, un recueil des décisions disciplinaires depuis 1959 a été rendu public au mois de mai 2006.

Ce recueil fait état de 201 décisions. Celles-ci englobent cependant des actes ne relevant pas des sanctions prévues par l’article 45 de l’ordonnance statutaire. Les décisions disciplinaires proprement dites se décomposent comme suit :

– 92 sanctions ont été prononcées à l’égard des magistrats du siège, dont 19 sanctions doubles ;

– s’agissant des magistrats du parquet, 50 avis ont été transmis au garde des Sceaux dans le cadre d’une procédure disciplinaire (10), dont 7 proposant une sanction double.

De 1959 à 2005, le Conseil supérieur de la magistrature a donc prononcé ou proposé des sanctions à l’égard de seulement 113 magistrats, soit en moyenne 2,4 personnes par an, chiffre qui doit être rapporté aux 7 768 magistrats en activité au 1er septembre 2006. La situation française est sans commune mesure avec celle de la plupart des autres pays européens. Une étude de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, éditée en 2002 par le Conseil de l’Europe, recense 10 procédures disciplinaires et 9 sanctions à l’encontre des juges français contre respectivement 33 procédures et 18 sanctions en Autriche, 57 procédures au Danemark, 52 procédures et 17 sanctions en Espagne, 107 procédures et 22 sanctions en Italie. Pour 1 000 juges, le taux de sanction applicable en France est le plus bas avec celui de l’Angleterre et du Pays de Galles. En Italie, pour 8 865 magistrats professionnels, on a recensé en 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004 respectivement 26, 24, 27, 31 et 22 décisions de condamnations prononcées par la section disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature.

En outre, les sanctions ne sont pas d’une extrême sévérité. Depuis 1959, seules 31 mises à la retraite d’office ou révocations ont été décidées par le Conseil supérieur de la magistrature. Les trois quarts des sanctions se situent dans les quatre niveaux les plus faibles de l’échelle.

ACTIVITÉ DISCIPLINAIRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE DE 1959 À 2005

 

Sanctions disciplinaires prononcées à l’égard
des magistrats du siège

Avis transmis au garde des Sceaux
dans le cadre des procédures disciplinaires à l’égard des magistrats
du parquet

Non-lieux

NC

6

Réprimandes avec inscription au dossier

9

7

Déplacements d’office

38

22

Retraits de certaines fonctions

19

4

Abaissements d’échelon

4

2

Exclusions temporaires pour une durée maximale d’un an avec privation totale ou partielle de traitement

0

Rétrogradations

1

2

Mises à la retraite d’office

11

6

Révocations avec ou sans suspension des droits à pension

10

4

Source : Recueil des décisions disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature.

Le rapport de la Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau a démontré l’inadéquation de certaines sanctions :

« On citera également un échantillon de trois exemples ayant débouché sur un simple déplacement d’office :

– le cas d’une magistrate alcoolique à l’origine d’incidents publics graves et répétés au sein de la cour d’appel où elle venait de prendre ses fonctions (13 juillet 2001) ;

– le cas d’un magistrat qui prenait des photos de modèle dévêtu dans la salle d’audience du tribunal de grande instance et faisait de même avec des mineures chez lui (28 février 2002) ;

– le cas d’un magistrat ivre ayant provoqué un accident de la circulation ayant entraîné des blessures, qui s’était rendu coupable de délit de fuite et s’était refusé après à suivre les gendarmes (18 juillet 2003) » (11).

Les conditions exigées par le Conseil supérieur de la magistrature se relèvent particulièrement protectrices pour les magistrats. Pour sanctionner, le Conseil exige en effet que le comportement répréhensible du magistrat ait été réitéré, même en matière pénale. Ainsi, en 2000, le Conseil n’a pas sanctionné le fait pour un magistrat d’avoir été condamné pénalement pour conduite sous l’empire de l’alcool, mais le fait qu’« un tel comportement qui s’inscrit dans une habitude d’intempérance, dont la persistance et le retentissement professionnel sont relevés depuis 1988 [soit depuis 12 ans] dans son dossier administratif » (12). De même, le Conseil s’attache moins à la gravité des faits qu’à l’atteinte portée à l’image de la justice du fait de leur retentissement auprès du public. Ainsi, un magistrat reconnu coupable d’agressions sexuelles sur mineures est sanctionné parce qu’il a eu « un comportement privé incompatible avec l’honneur, la délicatesse et la dignité auxquels son état l’oblige à se conformer et dont la révélation, dans le contexte local a gravement porté atteinte au crédit de la justice » (13). Dans son rapport de 2003, la commission Cabannes relève la prudence du juge disciplinaire : « En l’état des décisions du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil d’État, les défaillances professionnelles doivent présenter une gravité certaine, soit être répétées et ne pas être vénielles, pour revêtir un caractère disciplinaire » (14).

Pour sa part, Mme Laurence Vichnievsky dénonce la frilosité de la hiérarchie judiciaire : « On peut regretter la frilosité de notre hiérarchie qui hésite à stigmatiser l’un des siens et qui préfère, dans la plupart des cas, s’accommoder de situations effarantes – il m’est arrivé de rencontrer des "cas" tel ce membre du parquet n’hésitant pas à faire part à l’audience de ses convictions religieuses extrêmes ou cet autre collègue s’endormant systématiquement à l’audience, de trop de sommeil ou de trop d’alcool... Tout au plus cherchera-t-on à limiter les risques pour une mise à l’écart discrète de l’intéressé qui sera maintenu dans ses fonctions sans avoir nécessairement à les exercer. L’institution s’applique encore à elle-même le principe du "pas de vagues" souvent mis en œuvre dans la gestion des dossiers » (15).

Les règles fixant le régime disciplinaire des magistrats sont critiquées au sein même de la hiérarchie judiciaire.

M. Daniel Ludet, alors Avocat général près la Cour d’appel de Paris, dresse un bilan sévère : « Sur les devoirs des magistrats, les textes sont vagues, généraux ou lorsqu’ils sont précis, partiels, lacunaires » (16).

Dans son rapport de novembre 2003, la Commission de réflexion sur l’éthique dans la magistrature, présidée par M. Jean Cabannes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation, porte la même appréciation en constatant que « [les] dispositions [de l’ordonnance du 22 décembre 1958] n’ont pas eu pour objectif d’établir un corpus de règles déontologiques homogènes et cohérentes » (17). Dans son rapport final, elle s’est prononcée en faveur d’une modification des termes du serment des magistrats et de la définition de la faute disciplinaire.

Les critiques adressées au régime disciplinaire des magistrats sont d’autant plus sévères que, à la différence des professions réglementées (médecins, architectes, commissaires aux comptes), la magistrature ne s’est pas dotée d’un code déontologique susceptible de palier les imprécisions et les incohérences de l’ordonnance statutaire. La commission Cabannes proposait de remédier à cette absence par l’élaboration d’un recueil des principes déontologiques qui s’imposent aux magistrats. À cette fin, la France pourrait s’inspirer des systèmes judiciaires étrangers qui disposent d’ores et déjà d’un code de déontologie (cf. la présentation en annexe du présent rapport).

La Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau est allée plus loin, en préconisant l’introduction dans le statut de la magistrature d’un code de déontologie dont l’application serait contrôlée par le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des Sceaux. Il lui est en effet apparu que les devoirs du magistrat ne peuvent pas être définis par la seule jurisprudence disciplinaire.

La Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau propose d’instaurer une procédure d’examen des plaintes des justiciables par le Médiateur de la République. Cette mesure permettrait d’améliorer la détection des fautes des magistrats. Reprise par le Gouvernement, elle fait l’objet d’un projet de loi distinct modifiant la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

Dans le même objectif, la Commission d’enquête préconise la communication au Conseil supérieur de la magistrature de toute décision ayant définitivement condamné l’État pour fonctionnement défectueux de la justice.

L’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

Entre 1997 à 2005, le nombre d’affaires nouvelles mettant en cause un fonctionnement défectueux du service de la justice a fortement augmenté : les assignations de l’État sur ce fondement passent de 56 en 1997 à 214 en 2005, soit une hausse de 382 % en huit ans. L’analyse des décisions de justice les plus récentes fait apparaître les résultats suivants :

– la Chancellerie compte 51 décisions prononcées entre le 1er juin 2004 et le 1er juin 2005 ; 28 ont conclu à l’absence de faute lourde ou de déni de justice, tandis que 23 ont condamné l’État. L’agent judiciaire du Trésor a pour sa part recensé 23 condamnations de l’État sur 71 jugements rendus en 2000, et 25 condamnations sur 83 jugements en 2001 ;

– parmi ces 23 condamnations, 12 se rapportaient au fonctionnement d’un tribunal de grande instance, 10 au déroulement d’une procédure prud’homale, 1 au dommage subi par un tiers lors d’une opération de police judiciaire ;

– si l’on examine la nature du fonctionnement défectueux motivant ces 23 condamnations, 13 ont pour origine la durée de la procédure, 6 le déroulement de la procédure, et 4 la faute d’un service de police judiciaire. 5 de ces condamnations sont imputables, à des degrés divers, à l’action d’un magistrat (procureur de la République, juge d’instruction, juge des libertés et de la détention, juge des tutelles).

Le montant des indemnités versées au titre de la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement de la justice suit une évolution globalement comparable à celle du nombre d’affaires.

ÉVOLUTION DES INDEMNITÉS VERSÉES PAR L’ÉTAT

Dépenses en euros

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Faute lourde des services judiciaires

276 517,35

1 517 308,68

591 923,71

584 380,08

1 553 539,80

7 074 568,50

Contentieux européen

436 669,68

855 741,17

466 532,93

547 808,99

291 269,31

1 093 653,18

Faute lourde de la police

449 352,61

1 095 080,67

64 101,42

277 539,00

155 870,33

366 960,28

Tutelles

0,00

155 935,05

39 374,48

1 314 103,27

398 221,87

232 687,59

Responsabilité sans faute

52 871,83

63 645,65

277 591,84

496 350,74

279 718,98

416 212,06

Source : ministère de la justice

Malgré l’augmentation du nombre des actions en responsabilité et du montant des indemnités versées, il n’existe aujourd’hui aucune articulation entre la responsabilité civile pour fonctionnement défectueux de la justice et la responsabilité personnelle des magistrats. La Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau proposait donc que, saisi au titre de l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge transmette automatiquement le dossier définitivement jugé au Conseil supérieur de la magistrature qui statuerait éventuellement sur son volet disciplinaire.

Dans son avis du 20 mai 2005 sur les propositions du rapport final de la commission Cabannes, le Conseil supérieur de la magistrature préconise, plutôt qu’une saisine directe, une saisine par l’intermédiaire du garde des Sceaux et des chefs de cour : toute décision définitive ayant condamné l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice serait communiquée au garde des Sceaux et aux chefs de cour intéressés, de manière à permettre l’introduction d’une procédure disciplinaire si elle révèle de la part d’un magistrat un manquement à ses obligations professionnelles.

La responsabilisation des magistrats passe également par une modification de l’échelle des sanctions. C’est la voie retenue par le projet de loi organique qui comprend trois dispositions modifiant le régime des sanctions.

Il est en premier lieu proposé de créer une sanction nouvelle : l’interdiction d’être désigné ou nommé dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximale de cinq ans (article 5 du projet de loi organique). Cette sanction nouvelle s’ajoute aux huit sanctions en vigueur. Elle donne à l’autorité disciplinaire la possibilité de prononcer une peine intermédiaire entre le retrait et l’exclusion temporaire de fonctions.

Il s’agit donc d’imposer, pendant une durée déterminée qui peut aller jusqu’à cinq années, la collégialité aux magistrats qui se sont montrés inaptes aux fonctions de juge unique. Celles-ci concentrent en effet une part importante des critiques adressées au fonctionnement de la justice, en particulier dans la phase de l’instruction. L’interdiction prévue par le projet de loi organique est cohérente avec le développement de la collégialité, proposé par le projet de loi modifiant la procédure pénale.

Par ailleurs, les possibilités d’assortir une sanction disciplinaire d’un déplacement d’office sont élargies (article 6 du projet de loi organique). L’autorité disciplinaire pourra désormais décider, pour une même faute, un déplacement d’office en plus d’une interdiction d’exercice des fonctions de juge unique ou d’une exclusion temporaire. Cette possibilité de cumul de sanctions n’est aujourd’hui prévue que pour un retrait ou un abaissement d’échelon.

Enfin, il est prévu d’interdire à un magistrat mis à la retraite d’office de se prévaloir de l’honorariat (même article). La gravité de cette sanction justifie en effet qu’elle soit automatiquement assortie d’un refus de l’honorariat.

Devant les mises en cause de certains magistrats, plusieurs voix – certaines au sein même de l’institution judiciaire – se sont élevées pour demander une modification de la définition de la faute disciplinaire. Constatant que, définis dans des termes très généraux par l’ordonnance statutaire, les critères de détermination de la faute sont aujourd’hui laissés à l’appréciation du juge disciplinaire, la Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau s’est prononcée en faveur d’une définition légale précise, inscrite à l’article 43 de l’ordonnance statutaire.

Aux pouvoirs des magistrats doit en effet répondre une responsabilité accrue. Les pouvoirs juridictionnels imposent aux magistrats des devoirs particuliers dont la violation doit pouvoir être sanctionnée. Comme l’a déclaré Mme Dominique Commaret, Avocat général près la Cour de cassation, devant la Commission d’enquête, «  juger, c’est disposer de la violence légale à l’égard de ceux qui se présentent devant [le juge] ou sont attraits devant [lui]. C’est donc décider et contraindre, dans les domaines qui touchent à l’essentiel : la liberté individuelle, l’honneur, les relations familiales, le patrimoine, l’emploi » (18). Le juge ne peut contraindre les individus à respecter les valeurs fondamentales de la démocratie que s’il les respecte lui-même, et si l’atteinte qu’il porte à ces principes peut être sanctionnée. La légitimité du magistrat repose sur l’existence d’une possibilité de sanction à son égard en cas de violation des règles qu’il impose aux autres.

En mettant en cause l’indépendance de la magistrature, principe à valeur constitutionnelle, et l’autorité de la chose jugée, principe général du droit, la définition de la faute disciplinaire des magistrats soulève des deux principales difficultés juridiques.

La jurisprudence a sanctuarisé les décisions de justice, en les excluant du champ de la responsabilité.

La Cour de cassation fait découler du principe constitutionnel d’indépendance des magistrats du siège la conséquence que « leurs décisions juridictionnelles ne peuvent être critiquées, tant dans leurs motifs que dans leur dispositif, que par le seul exercice des voies de recours prévu par la loi » (19).

C’est sur le même fondement que le Conseil supérieur de la magistrature s’interdit, de manière constante, d’exercer son pouvoir disciplinaire sur un acte juridictionnel : « Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, ne peut porter une quelconque appréciation sur les actes juridictionnels des juges, lesquels relèvent du seul pouvoir de ceux-ci et ne sauraient être critiqués que par l’exercice des voies de recours prévues par la loi en faveur des parties au litige » (20).

La protection de l’acte juridictionnel est une garantie indispensable à l’indépendance de la justice. Fonder la responsabilité personnelle du juge sur l’acte juridictionnel même pourrait aboutir, par un phénomène d’inhibition du juge, à paralyser l’institution judiciaire et à freiner l’évolution de la jurisprudence que l’on doit souvent à la résistance des magistrats.

Cependant, la nécessité de protéger la décision juridictionnelle proprement dite n’interdit pas au Conseil supérieur de la magistrature de sanctionner les actes répréhensibles, y compris juridictionnels, d’un magistrat. Le Conseil considère en effet que le principe fondamental qui garantit l’indépendance des magistrats du siège « trouve sa limite lorsqu’il résulte de l’autorité même de la chose définitivement jugée qu’un juge a, de façon grossière et systématique, outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu’il n’a accompli, malgré les apparences, qu’un acte étranger à toute activité juridictionnelle » (21).

De fait, le Conseil supérieur de la magistrature s’autorise à contrôler non seulement le comportement privé d’un magistrat, mais aussi son activité professionnelle. Il admet ainsi que la violation des principes de la procédure pénale ou civile puisse justifier une sanction disciplinaire. Cette position a été validée par le Conseil d’État : dans l’affaire du juge Bidalou, la Haute assemblée a considéré que le fait qu’un magistrat de tribunal de grande instance ait prononcé une ordonnance dans une affaire dont il avait été dessaisi par deux arrêts antérieurs de la Cour d’appel constitue une violation des règles de compétence et de saisine justifiant une sanction disciplinaire (22).

Comme l’ont expliqué les plus hautes autorités judiciaires devant la Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, il faut en effet faire la distinction entre la décision juridictionnelle proprement dite et les actes que le magistrat a accomplis pour aboutir à cette décision :

– M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation, a opéré la distinction entre « la décision [juridictionnelle] elle-même, et le mécanisme par lequel on parvient à cette décision ». Il en a déduit que « si un juge rend une décision sans délibérer, en escamotant le débat, je ne vois pas l’inconvénient à ce que cela mette en jeu sa responsabilité, civile ou disciplinaire. En revanche, s’agissant du corps de la décision, dès lors qu’elle ne contient pas une motivation répréhensible, il ne me paraît pas possible, au regard du principe d’indépendance, d’introduire une responsabilité » (23;

– pour sa part, M. Jean-Louis Nadal, Procureur général près la Cour de cassation, a opposé le contenu même de la décision et le comportement du magistrat : « (…) quoi qu’on puisse en dire, et sauf cas très rare où il n’existe qu’une apparence de décision judiciaire, on ne pourra pas rendre la décision judiciaire elle-même constitutive d’une faute disciplinaire sans porter atteinte à l’indépendance de la justice. Il me semble, en revanche, que l’on peut, sans contradiction, protéger la décision et sanctionner son contexte : l’absence de conscience professionnelle, la méconnaissance délibérée des textes élémentaires, la volonté quasi frauduleuse de ne pas appliquer la loi, la paresse, autant d’éléments qui peuvent expliquer une mauvaise décision et donc donner lieu à sanction, même si la décision doit, elle, ne rester attaquable que par l’exercice de voies de recours » (24).

Ainsi, l’indépendance de la justice ne peut pas être utilisée comme un moyen d’assurer l’impunité du juge. Comment pourrait-elle en effet faire obstacle au droit, garanti par l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, de demander compte à tout agent public de son administration ? Comment le juge pourrait-il être soustrait au principe général de responsabilité édicté par l’article 1382 du code civil selon lequel « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ?

Au demeurant, la sanctuarisation de l’acte juridictionnel n’est pas un principe infaillible et, statuant sur le terrain de l’indemnisation des victimes, la jurisprudence y a porté atteinte. Plusieurs juridictions affirment en effet que la responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice prévue par l’article L. 781-1 du code de l’organisation judiciaire peut résulter d’une décision juridictionnelle proprement dite (25). Cette évolution a été consacrée par la Cour de justice des Communautés européenne qui considère que la violation manifeste du droit communautaire par une juridiction nationale statuant en dernier ressort est de nature à obliger l’État membre à réparer les dommages causés aux particuliers (26). Ce faisant, la Cour a admis que l’autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à l’engagement de la responsabilité de l’État du fait de jugements erronés, à condition que les voies de recours aient été épuisées. Rendue en matière de responsabilité civile, cette jurisprudence pourrait avoir des conséquences sur le terrain de la responsabilité disciplinaire.

En outre, on ne peut pas s’interdire de reconnaître la responsabilité personnelle des magistrats au moment où celle des décideurs publics ou privés est de plus en plus mise en cause par l’autorité judiciaire. Comment en effet défendre l’irresponsabilité de ceux qui se prononcent, parfois sans concession, sur la responsabilité des autres ? Il faut garder à l’esprit l’extension de la reconnaissance, par le juge, des droits des victimes, et l’accroissement des responsabilités qui en découle pour certaines professions, et singulièrement pour les professions médicales. Or, l’intérêt général qui pousse à la responsabilisation des magistrats n’est pas moindre que celui qui justifie la mise en cause des médecins. La nécessité – que personne ne conteste – de respecter l’indépendance de la justice ne doit pas aboutir à l’abandon des poursuites disciplinaires contre les comportements répréhensibles des magistrats qui portent non seulement préjudice aux justiciables, mais atteinte à la légitimité de l’autorité judiciaire, et plus largement à l’intérêt général.

Statuant en cassation des décisions du Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil d’État a subordonné la compétence du juge disciplinaire à celles des juges d’appel et de cassation. Ainsi, dans l’affaire du juge Bidalou, si le Conseil d’État a admis que des manquements graves et réitérés aux devoirs des magistrats justifiaient une sanction, c’est après avoir constaté que «  les faits étaient (…) établis dans des décisions rendues sur des recours dirigés contre les décisions litigieuses de M. Bidalou et devenues définitives » (27).

Ainsi, l’action disciplinaire est subordonnée à l’extinction des voies de recours : le juge disciplinaire ne peut pas intervenir tant que les juges d’appel et de cassation n’ont pas statué sur le comportement du magistrat.

Certains vont plus loin, en interprétant la jurisprudence du Conseil d’État comme subordonnant le pouvoir du juge disciplinaire à l’établissement des faits reprochés aux magistrats par des décisions de justice devenues définitives. Ainsi, pour pouvoir être sanctionnés disciplinairement, les manquements d’un magistrat devraient avoir été préalablement établis par une décision du juge d’appel ou de cassation.

Fondée sur un principe d’infaillibilité de l’autorité de la chose jugée (28), cette interprétation a pour effet d’assurer l’impunité des magistrats dont les manquements n’ont pas pu être détectés par le juge d’appel et de cassation.

La jurisprudence de la Cour de cassation va à l’encontre d’une telle interprétation. La Cour a admis en effet le caractère relatif de l’autorité de la chose jugée, en considérant que ne pouvait en bénéficier une décision prise en violation du principe du contradictoire (29). Une décision juridictionnelle prise en méconnaissance d’un principe essentiel de la procédure n’a d’un jugement que le nom, et ne peut pas prétendre à la stabilité. Cette relativité est même reconnue par la loi : l’article 626-1 du code de procédure pénale instaure un réexamen d’une décision pénale suite au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

Il semble donc possible de dissocier les voies de recours de l’action en responsabilité. L’objet est en effet différent : les voies de recours permettent de rejuger une affaire, là où l’action en responsabilité vise seulement à sanctionner la faute d’un magistrat, notamment dans son activité juridictionnelle. L’appel et la cassation ne peuvent pas empêcher l’existence d’un préjudice causé par la faute d’un magistrat, ni a fortiori y remédier. Ils ne sont en outre d’aucun secours dans les cas d’exécution provisoire ou de décisions rendues en premier et dernier ressort.

III. —  ADAPTER LES PARCOURS PROFESSIONNELS

La prévention de nombreux dysfonctionnements de la justice peut être obtenue en recrutant des magistrats plus expérimentés et sensibilisés au respect d’une déontologie exigeante – les manquements à celle-ci appelant des sanctions effectives. Toutefois, pour être pleinement efficace, cette démarche préventive doit être poursuivie dans la durée, tout au long de la carrière des magistrats, en mettant en œuvre une gestion des ressources humaine plus adaptée, qui doit permettre d’orienter les magistrats vers des fonctions correspondant à leurs aptitudes. Même s’il convient de prendre en compte les aspirations individuelles des magistrats – qui peuvent souhaiter réorienter leur carrière en passant, par exemple, du parquet au siège –, cette gestion doit avoir pour principal objectif l’amélioration du service rendu à la société par ces agents publics.

Le projet de loi organique soumis à la représentation nationale comporte, parmi ses dispositions diverses et transitoires, deux articles proposant des avancées dans ce domaine. Il offre ainsi de nouvelles garanties d’affectation aux procureurs généraux de cour d’appel, lorsque ceux-ci sont soumis aux règles de mobilité interne à la magistrature. Il prévoit également la mise en place d’une nouvelle procédure permettant, dans le respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire, d’écarter provisoirement les magistrats qu’un problème de santé empêche d’assumer normalement leurs fonctions. Il vous sera proposé de compléter ces dispositions, encore limitées, par plusieurs amendements visant à adapter les parcours professionnels des magistrats aux attentes de leurs concitoyens.

La gestion des carrières des magistrats obéit à des règles particulières, destinées à protéger l’indépendance de la justice, telles que l’inamovibilité des magistrats du siège ou le formalisme de la nomination des magistrats du parquet. Il est pourtant souhaitable d’y développer la mobilité, à la fois vers d’autres professions pour éviter un fonctionnement trop autarcique (voir C) et, bien entendu, au sein même des institutions judiciaires. Un magistrat ne saurait, en effet, effectuer la majeure partie de sa carrière dans une même juridiction (surtout si elle est de taille réduite) sans risquer de perdre progressivement son recul sur les situations auxquelles il est confronté, et son impartialité vis-à-vis de tous les justiciables.

Ce constat a conduit le législateur à instituer, en 2001 (30), une mobilité minimale pour certaines fonctions importantes de la magistrature. Ainsi, il n’est pas possible de demeurer plus de sept années en fonction en tant que procureur général près une même cour d’appel (31). Il en va de même pour le président ou le procureur de la République d’un même tribunal de grande instance ou de première instance (32). Le projet de loi organique ne modifie pas cette durée mais complète le dispositif pour les magistrats du parquet, en prévoyant que les procureurs généraux pourront, en l’absence de nouvelle affectation à l’issue de la période de sept ans, être affectés de droit à un emploi hors hiérarchie du parquet de la Cour de Cassation. La même garantie professionnelle serait offerte aux procureurs généraux déchargés de leurs fonctions avant la période de sept années (article 7).

Une disposition semblable ayant été adoptée en 2001 au profit des premiers présidents de cour d’appel, l’aménagement proposé rétablit l’équilibre en proposant le même avantage pour leurs homologues du parquet. Cette réforme, bien que ponctuelle, constitue donc une garantie statutaire dans l’application des règles de mobilité auxquelles sont soumis les hauts magistrats. Votre rapporteur vous proposera toutefois des modifications plus ambitieuses pour développer la mobilité de tous les magistrats et, d’une manière plus générale, gérer leurs carrières plus efficacement (voir C).

De nombreux magistrats sont quotidiennement confrontés, dans leur activité professionnelle, à des affaires mettant en lumière des drames humains et des situations violentes, quand ils ne sont pas eux-mêmes agressés ou menacés par les justiciables. Ces tensions peuvent porter atteinte à leur santé, et notamment ébranler leur équilibre psychologique, alors même qu’un juge doit faire preuve de sagesse et de discernement pour accomplir correctement sa mission. Serait-il raisonnable de confier, par exemple, la décision de remettre en liberté une personne incarcérée à un magistrat qui serait devenu alcoolique ?

Or, face aux problèmes de santé rencontrés par un certain nombre de magistrats, le ministère de la justice et le Conseil de la magistrature ne disposent pas actuellement d’une procédure spécifique, ce qui conduit soit à la passivité, soit à engager des procédures disciplinaires souvent inadaptées. M. Jean-Claude Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, déclarait ainsi devant la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau, le 4 avril 2006 : « Il me paraît nécessaire de traiter séparément les cas pathologiques. Des cas dans lesquels un magistrat rencontre des problèmes de santé tels qu’ils nuisent à son activité peuvent se présenter. (…) Il n’est pas supportable qu’il n’existe, pour ces magistrats, qu’un traitement disciplinaire alors que leur situation relève du domaine médical. Il conviendrait d’apporter remède à cette situation ».

De même, M. Bruno Thouzellier, alors secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM), notait à ce propos, le 4 avril dernier, devant cette commission, que « certains cas pathologiques ne sont pas détectés ou traités » et suggérait de mettre en place « un statut hors cadre d’activité, comme cela existe dans certaines administrations publiques ».

M. Bernard Daeschler, premier président de la cour d’appel de Reims, entendu le 5 avril 2006 par la même commission, estime lui aussi que les problèmes médicaux les plus lourds, tels que « les situations proches de la pathologie mentale déclarée, ou proche des addictions », appelant actuellement la saisine du comité médical départemental, devraient être identifiés plus tôt et conduire à la création d’une « instance spécialisée au niveau national ».

Le rapport final de la commission de réflexion sur l’éthique dans la magistrature présidée par M. Jean Cabannes, premier avocat général honoraire à la Cour de cassation, suggérait quant à lui de créer une position de « dispense d’exercice des fonctions », permettant, « hors de toute procédure disciplinaire, dans l’attente d’une décision du comité médical saisi parallèlement, une suspension immédiate », après que le CSM a rendu un avis conforme lorsqu’il s’agit d’un magistrat du siège.

Constatant les lacunes du dispositif existant face à ces situations et s’inspirant de ces propositions, le projet de loi organique prévoit d’autoriser le garde des sceaux, ministre de la justice, à suspendre, sur avis conforme du CSM, tout magistrat qu’un problème de santé semble empêcher d’exercer normalement ses fonctions (article 8). La nouvelle procédure offre au magistrat visé les moyens d’en être informé et de faire valoir son point de vue devant le CSM, ce qui fournit les garanties nécessaires pour préserver l’indépendance des magistrats. Dans le même temps, elle conserve un fondement médical (et non disciplinaire), puisque la suspension prend fin au bout de six mois si le comité médical ne s’est pas prononcé, dans ce délai, sur l’octroi à l’intéressé d’un congé de maladie.

L’idée d’une séparation fonctionnelle plus nette entre les juges du parquet et ceux du siège, exprimée notamment par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de Cassation, peut paraître séduisante et rapprocherait la magistrature française de celle de la majeure partie de l’Union européenne. Toutefois, une telle perspective ne fait pas actuellement l’objet d’un consensus chez les magistrats. Les magistrats du parquet craignent, en particulier, ce que M. Yves Bot a qualifié, devant la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, de « fonctionnarisation du parquet » : séparés des magistrats du siège, leur qualité de magistrat et l’indépendance relative qui s’y attache s’effaceraient progressivement. Cette évolution serait, selon eux, d’autant plus regrettable que leurs fonctions les conduisent à prendre, en principe avec impartialité, des décisions essentielles pour le contrôle de la police et les libertés individuelles – dont ils sont, eux aussi, les gardiens en vertu de leur actuel statut constitutionnel.

Si une telle réforme doit sans doute être écartée, plusieurs aménagements des règles de mobilité auxquelles sont soumis les magistrats permettraient d’éviter certaines dérives individuelles au cours de la carrière des magistrats, qu’elles résultent d’un enracinement local trop durable ou d’un fonctionnement parfois jugé trop autarcique du corps judiciaire.

Pour assurer une diversité minimale des affectations au cours de la carrière d’un magistrat, il semblerait a priori utile de limiter à sept ans la durée d’exercice de la plupart des fonctions spécialisées (juge d’instruction, juge pour enfants, juge d’instance ou juge d’application des peines) au sein d’une même juridiction, comme le préconisait le rapport final de la commission précitée présidée par M. Jean Cabannes. Toutefois, cette évolution pourrait être mal comprise alors que, par ailleurs, une compétence accrue des magistrats est recherchée dans l’exercice des fonctions spécialisées. Elle serait également susceptible de conduire certains magistrats spécialisés, chargés par exemple de l’instruction de dossiers de terrorisme ou de délinquance financière, à changer de fonctions, en privant du même coup les juridictions concernées de compétences rares et précieuses. La mise en place de durées variables selon les spécialités risquant de compliquer fortement la gestion des carrières et des affectations au sein du corps judiciaire, il paraît préférable de ne pas modifier les règles applicables en la matière.

Par ailleurs, une plus grande ouverture de la magistrature sur l’extérieur pourrait être obtenue en instituant une obligation minimale de mobilité externe des magistrats. Tout magistrat pourrait ainsi être tenu, après avoir exercé ses fonctions pendant six années, d’effectuer une mobilité statutaire à l’extérieur de l’institution judiciaire pendant au moins deux ans, comme l’a proposé le rapport de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Cette mobilité, qui ferait l’objet d’un avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) (33), pourrait leur permettre de découvrir et de participer à d’autres activités professionnelles, au sein des administrations publiques françaises, mais aussi auprès d’organisations internationales, d’associations d’intérêt général et d’entreprises (et notamment dans un cabinet d’avocat). Dans ce dernier cas, l’activité devrait évidemment se dérouler à l’extérieur du ressort des juridictions auxquelles le magistrat était précédemment affecté. Une telle ouverture serait évidemment une source d’enrichissement professionnel et humain pour les magistrats de l’ordre judiciaire.

Votre rapporteur vous proposera en séance publique un amendement visant à instaurer une telle obligation, en tenant compte à la fois des capacités de gestion des ressources humaines du ministère de la justice et de la réflexion conduite à ce sujet par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de Cassation.

La Commission a procédé le mercredi 29 novembre 2006 à l’audition de M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et à la discussion générale sur le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats, le projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur et le projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.

Le président Philippe Houillon a souligné que l’ordre du jour de la commission des Lois était particulièrement chargé, avec, outre la réforme de la justice, le projet de loi de prévention de la délinquance et prochainement la réforme des tutelles.

Les textes sur la formation et la responsabilité des magistrats, le rôle du médiateur et l’équilibre de la procédure pénale s’inscrivent tous trois dans la continuité des travaux de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’affaire d’Outreau. Ils en reprennent de nombreuses propositions, comme la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le médiateur, le développement des stages probatoires, la création de pôles de l’instruction, le renforcement du caractère exceptionnel de la détention provisoire ou l’accélération de la procédure.

M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, a témoigné de sa satisfaction de présenter les trois projets de réforme de la justice, un peu plus d’un an après l’onde de choc créée dans l’opinion publique par l’affaire dite d’Outreau. Les travaux de la commission d’enquête, suivis par des milliers de téléspectateurs, ont suscité un intérêt souvent passionné et une réelle attente de la part des Français. Il était inenvisageable de ne pas y répondre et de renvoyer après les échéances électorales l’adoption de solutions de nature à éviter un nouveau drame ; le Gouvernement avait le devoir de présenter une réforme synthétisant cette réflexion et constituant la première étape de la rénovation de la justice. Cette réforme s’appuie très largement sur le rapport de la commission d’enquête puisqu’elle reprend entièrement ou partiellement vingt et une des trente-deux propositions législatives. Comme toute synthèse, elle a suscité des critiques : insuffisamment ambitieuse pour certains, elle est irréaliste et dangereuse pour d’autres. C’est cependant une première étape nécessaire pour que les Français retrouvent la confiance dans leur justice.

Le projet de réforme de la procédure pénale apporte des réponses précises et concrètes aux principaux dysfonctionnements constatés dans l’affaire dite d’Outreau.

Il met fin à la solitude du juge d’instruction en créant des pôles de l’instruction, compétents pour les affaires criminelles et les affaires correctionnelles complexes donnant lieu à une co-saisine. Ces pôles assureront l’effectivité des co-saisines, qui pourront désormais être imposées par le président de la chambre de l’instruction, même sans l’accord du magistrat initialement saisi. Les affaires les plus complexes seront confiées à des magistrats expérimentés, du premier grade, et, à travers la co-saisine, les nouveaux juges d’instruction travailleront en binôme avec les plus anciens. De manière plus générale, il est souhaitable que ces pôles conduisent les juges d’instruction à acquérir la culture du travail en équipe.

En pratique, les pôles auront un ressort départemental. Cependant, compte tenu des particularités locales, certains d’entre eux pourront couvrir plusieurs départements et certains départements pourront posséder plusieurs pôles. Chaque tribunal de grande instance conservera un juge d’instruction, chargé des affaires correctionnelles simples.

Les frais de déplacements supplémentaires supportés par les avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle pour se rendre dans les pôles de l’instruction devront être pris en compte. Par ailleurs, afin d’assurer un accès en temps réel aux dossiers, la numérisation des procédures pénales sera accélérée : d’ici à la fin de l’année, une centaine de tribunaux de grande instance devraient expérimenter cette mesure. Enfin, pour limiter les déplacements, la visioconférence sera utilisée autant que possible : tous les tribunaux de grande instance seront équipés à cet effet d’ici à la fin de l’année.

Ces pôles constituent la première étape vers la collégialité de l’instruction, proposée par la commission d’enquête. La pyramide des âges de la magistrature, avec des départs massifs à la retraite à l’horizon 2010, conjuguée à l’importance des moyens humains nécessaires pour une telle réforme – il faudrait environ 240 magistrats et 400 fonctionnaires supplémentaires –, oblige à la différer et à la limiter, dans un premier temps, aux pôles de l’instruction.

Le projet renforce le caractère exceptionnel de la détention provisoire. Le critère du trouble à l’ordre public ne pourra plus être employé, en matière correctionnelle, que pour le placement initial en détention provisoire. Par ailleurs, comme le proposait la commission d’enquête, le trouble à l’ordre public ne pourra plus résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire.

Le projet de loi prévoit également l’assistance obligatoire du mis en examen par un avocat lors du débat sur la détention provisoire et permet au juge des libertés et de la détention (JLD) de reporter ce débat pour favoriser le recours au contrôle judiciaire.

Enfin, il renforce le contrôle de la chambre de l’instruction sur le déroulement des informations en instituant une audience semestrielle permettant d’examiner publiquement et contradictoirement tous les aspects de la procédure en cours, dès lors qu’une personne est détenue ; avec cette audience, la chambre de l’instruction aura une vue globale sur l’affaire, ce qui a clairement manqué dans l’affaire d’Outreau. Le contrôle des chambres de l’instruction sur les cabinets des juges d’instruction sera aussi renforcé par la mise en place d’assesseurs permanents, à partir de septembre 2007, lorsque l’activité de ces chambres le justifie.

Le projet de loi renforce par ailleurs la transparence de la justice, condition de sa crédibilité, par deux dispositions : la publicité des audiences relatives à la détention provisoire ; l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires de garde à vue et devant le juge d’instruction en matière criminelle. Ces enregistrements permettront de sécuriser les procédures, en prévenant notamment les mises en cause injustifiées dont font parfois l’objet les interrogatoires. En Angleterre et en Italie, ces mesures sont très appréciées, bien qu’elles aient fait l’objet de longs débats au moment de leur adoption.

Le caractère contradictoire de l’instruction, qui a fait défaut dans l’affaire dite d’Outreau, sera renforcé. La mise en examen pourra être contestée à intervalles réguliers, et non pas seulement dans les six premiers mois. Des confrontations individuelles pourront être demandées.

Le caractère contradictoire des expertises sera également renforcé : information des parties de la décision du juge ordonnant une expertise, sauf si cela nuirait à l’efficacité des investigations ; possibilité de désigner un co-expert de leur choix ; suppression du filtre du président de la chambre de l’instruction en cas d’appel du refus d’une contre-expertise.

Le règlement des informations sera plus contradictoire puisque le juge devra statuer au vu des réquisitions du parquet et des observations des parties, chacun pouvant répliquer. L’ordonnance de renvoi devra préciser les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen.

Enfin, disposition essentielle, le projet de loi rend obligatoire l’enregistrement des auditions des mineurs victimes d’infractions sexuelles, qui seront en outre obligatoirement assistés d’un avocat, le cas échéant commis d’office.

Toutefois, la crédibilité de la justice passe aussi par sa célérité et par la nécessité de limiter autant que faire se peut les informations injustifiées, afin que les juges d’instruction n’aient à traiter que les affaires réellement complexes. Reprenant les conclusions du rapport Magendie, le projet de loi supprime l’extension jurisprudentielle de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état », qui n’est maintenue que pour l’action civile engagée en réparation du dommage causé par l’infraction. Ainsi, une plainte avec constitution de partie civile pour vol déposée par l’employeur dans le seul but de paralyser la contestation du licenciement devant les prud’hommes n’aura plus l’effet recherché, ce qui devrait limiter le nombre de plaintes avec constitution de partie civile, et donc d’informations. En matière délictuelle, la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile sera subordonnée au refus de poursuites ou à l’inaction du parquet pendant trois mois et, avec l’accord du juge d’instruction et de la victime, le parquet pourra poursuivre l’auteur des faits devant le tribunal correctionnel après une brève enquête.

Le coût de l’ensemble de la réforme a été estimé à 30 millions d’euros pour le ministère de la justice. Elle nécessitera en particulier la création de 70 postes de magistrats et 102 emplois de fonctionnaires de greffe. Les magistrats seront pourvus par redéploiement et un recrutement supplémentaire de fonctionnaires devra être organisé. Ce financement ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2007 car le chiffrage précis de la réforme dépend du périmètre définitif de la loi et du calendrier de sa mise en œuvre. Dès que la loi sera promulguée, le Gouvernement abondera en tant que de besoin les crédits du ministère.

Le moment est venu de procéder à une véritable modernisation de la formation et du régime disciplinaire des magistrats, comme l’a souhaité la commission d’enquête. La formation et la discipline des magistrats telle qu’elle avait été prévue il y a près de cinquante ans n’est plus appropriée à la société française de 2006. L’on peut être tenté de faire table rase du système actuel et d’en construire un nouveau. À quelques mois d’une échéance électorale majeure, cette révolution paraît néanmoins difficilement envisageable. Néanmoins, il est de la responsabilité du Gouvernement de proposer aux Français les mesures susceptibles d’être immédiatement appliquées et de modifier concrètement le fonctionnement des juridictions.

Un bon magistrat, avant de décider, doit douter, écouter et examiner tous les arguments qui lui sont soumis, en accordant la même importance à la parole de la victime et à celle du mis en examen. Le seul moyen de vérifier qu’un futur magistrat est capable de s’obliger à cette méthode consiste à le soumettre à un stage préalable obligatoire avant sa nomination dans ses premières fonctions. Or, tous les magistrats en poste n’ont pas été soumis à ce véritable test. C’est pourquoi il est proposé, pour toutes les voies d’accès à la magistrature, de donner à la formation préalable un caractère probatoire obligatoire.

Adapter le statut de la magistrature de 1958 à la France de 2006, suppose également d’adapter le régime disciplinaire des magistrats aux exigences de la société. Mais toucher à la discipline des magistrats revient à toucher à une question extrêmement sensible car liée à l’indépendance du pouvoir judiciaire, et l’efficacité impose de proposer des modifications pouvant entrer effectivement en vigueur sans encourir la censure du Conseil constitutionnel.

La commission d’enquête a proposé de faire sanctionner par le Conseil supérieur de la magistrature la méconnaissance des principes directeurs de la procédure civile et pénale, et cette mesure doit être mise en œuvre. Mais, pour cela, il faut se conformer aux observations émises par le Conseil d’État dans son avis du 19 octobre dernier ; ne pas le faire serait à coup sûr encourir la censure du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement propose donc l’amendement suivant : « Constitue notamment un manquement aux devoirs de son état la violation grave et intentionnelle par un magistrat des règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d’une instance close par une décision de justice devenue définitive ».

Pourquoi une « violation intentionnelle » ? Parce qu’il faut signifier que c’est en toute conscience que le magistrat n’a pas respecté les règles de procédure.

Pourquoi une « violation grave » ? Parce que les conditions matérielles actuelles contraignent parfois les magistrats, en toute conscience, à ne pas respecter certaines règles procédurales. Par exemple, lorsqu’il statue dans son cabinet en matière civile, le juge des enfants n’est généralement pas assisté d’un greffier, et ce n’est pas un choix de sa part ; malgré tous les efforts, le nombre de greffiers, au sein des juridictions, reste insuffisant. La présence du greffier est une garantie essentielle, surtout lorsqu’est examinée une question aussi difficile que le placement d’un enfant en danger. Il s’agit donc d’une violation intentionnelle d’une garantie essentielle des droits des parties. Est-elle pour autant grave ? Ce n’est pas certain. Une violation grave fait grief à une partie, la prive d’un moyen de défense et nuit à 1’impartialité du juge.

Pourquoi les « garanties essentielles des parties » ? Parce qu’il faut éviter la paralysie de la justice. Parce que convoquer l’avocat d’une partie en lui envoyant une lettre recommandée est une garantie prévue par le code, qui pour autant n’est pas essentielle, il faut éviter d’engager une action disciplinaire contre un magistrat qui aurait convoqué un avocat avec une lettre simple.

Pourquoi cette violation doit-elle intervenir « dans le cadre d’une instance close par une décision de justice devenue définitive » ? Parce que le Conseil d’État a considéré que l’absence de cette mention introduisait un risque de confusion entre, d’une part, l’office des juges d’appel et de cassation, et, d’autre part, celui du juge disciplinaire. Il a clairement indiqué que le CSM ne pourrait statuer en matière disciplinaire qu’une fois la procédure judiciaire close. Il s’agit d’éviter que la voie disciplinaire puisse être utilisée dans le cadre d’une instance en cours pour déstabiliser un magistrat.

La rédaction proposée par le Gouvernement s’inscrit dans le respect des principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire. Elle paraît de nature à éviter la censure du Conseil constitutionnel tout en précisant les termes de la faute disciplinaire.

Les événements récents ont démontré que tous les magistrats ne sont pas aptes à exercer toutes les fonctions. Lorsqu’une faute disciplinaire établit la nécessité d’encadrer un magistrat, il faut rendre possible, pour une durée déterminée, l’interdiction d’exercice de fonctions à juge unique, notamment les fonctions spécialisées (juge d’instruction, juge de l’application des peines, juge des enfants, juge d’instance), mais aussi juge aux affaires familiales ou juge présidant une audience correctionnelle à juge unique. Le Gouvernement propose donc d’élargir la gamme des sanctions disciplinaires en créant une nouvelle sanction : l’interdiction d’exercer des fonctions à juge unique pour une durée maximale de cinq ans.

Il convient enfin de mettre un terme à une situation scandaleuse : lorsque le comportement d’un magistrat révèle des problèmes pathologiques, il est indispensable de l’écarter de l’exercice de toutes fonctions juridictionnelles ; or, il est actuellement impossible d’apporter une réponse immédiate à ce dysfonctionnement majeur puisque, dans l’attente de la suspension décidée par une commission médicale, seule la voie disciplinaire est prévue. Cette procédure n’est pas adaptée, et n’aboutit que rarement au résultat recherché : écarter le magistrat de l’exercice des fonctions juridictionnelles. Le Gouvernement propose donc de donner au garde des Sceaux la faculté – sur avis conforme du CSM, car les garanties statutaires doivent être respectées – de suspendre de ses fonctions un magistrat dont l’état de santé justifie la saisine du comité médical, lequel sera tenu de statuer dans un délai de six mois.

La commission d’enquête a mis en lumière la nécessité de développer les contrôles externes à la justice. Il n’existe pas aujourd’hui d’autorité extérieure à l’institution judiciaire, habilitée à recueillir, examiner et donner suite aux réclamations des justiciables sur les dysfonctionnements de la justice liés au comportement des magistrats. Aussi est-il proposé de conférer au médiateur de la République la possibilité d’être saisi de réclamations émanant de toute personne mettant en cause le comportement d’un magistrat. Le médiateur pourra, s’il estime cette réclamation sérieuse, la transmettre au garde des Sceaux, et celui-ci lui fera connaître les suites qu’il lui réserve. L’intervention du médiateur de la République donnera un caractère public et officiel à une éventuelle saisine du garde des Sceaux. Le Gouvernement est d’ailleurs prêt à examiner avec bienveillance les amendements permettant de donner une plus grande publicité aux suites réservées par le garde des Sceaux aux transmissions du médiateur. Cette publicité garantira que chaque transmission du médiateur donnera lieu à un examen approfondi de la part de la chancellerie.

Certains s’interrogent sur la possibilité de permettre au médiateur de saisir directement le CSM lorsqu’il estime qu’une faute disciplinaire est caractérisée. Toutefois cette proposition soulève des difficultés.

Sur le plan des principes, elle présente un risque constitutionnel certain. Confier au médiateur de la République le pouvoir d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre d’un magistrat pourrait être considéré comme portant atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire : cette extension de la saisine du CSM à une autorité administrative, fût-elle indépendante, risque en effet d’accroître le nombre de contestations des décisions de justice en dehors des voies de recours légalement prévues à cet effet. Il convient au contraire d’éviter de multiplier les autorités compétentes pour saisir l’organe disciplinaire, afin que la procédure disciplinaire ne soit pas utilisée pour déstabiliser les magistrats dans leur activité juridictionnelle. Cela signifie également qu’il serait donné au médiateur, autorité administrative indépendante, un pouvoir concurrent, voire supérieur à celui du garde des Sceaux, puisqu’il pourrait passer outre le refus du ministre de la justice de saisir le CSM. Cela modifierait donc en profondeur le système institutionnel. Cette analyse rejoint d’ailleurs celle qui avait conduit un ancien garde des Sceaux à ne pas confier la possibilité de saisir directement le CSM à la commission nationale d’examen des plaintes des justiciables qu’il proposait de créer.

Sur le plan pratique, cette saisine du CSM supposerait que le médiateur dispose de moyens d’investigations permettant d’instruire complètement le dossier qui lui est soumis. On ne peut envisager qu’un magistrat puisse être traduit devant le CSM sur la seule base du dossier du justiciable. Or seule l’inspection générale des services judiciaires dispose des moyens nécessaires pour mener à bien ces investigations, et elle doit rester rattachée directement au garde des Sceaux, responsable du bon fonctionnement des juridictions.

Il semble cependant nécessaire de renforcer l’information du médiateur pour lui permettre un examen plus approfondi des réclamations qui lui sont transmises et identifier les réclamations sérieuses. Le Conseil d’État a fait valoir que tout ce qui pourrait conduire le médiateur à intervenir dans la procédure disciplinaire, par exemple en demandant des éléments d’information aux chefs de cour, relevait de la loi organique et nécessitait la mise en place d’un certain nombre de garanties procédurales : information du magistrat, possibilité pour ce dernier de faire valoir devant le médiateur ses moyens de défense, communication du dossier. Toute disposition en ce sens devra donc figurer dans la loi organique.

La réforme proposée n’est pas une révolution mais un premier pas fondamental. Ces textes constituent une avancée majeure dans le rééquilibrage de la procédure pénale et dans l’approfondissement de la responsabilité des magistrats. Ils permettront à l’institution judiciaire d’intervenir de façon plus transparente et d’être mieux comprise des justiciables, dans un plus grand respect des droits des parties.

M. Guy Geoffroy, rapporteur du projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, a observé que la portée importante de la réforme était largement reconnue. Elle reprend les deux tiers des conclusions tracées unanimement par la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau. Ceux qui parlent de « réformette » sont au demeurant ceux qui repoussent avec vigueur certains volets de la réforme, ce qui peut sembler paradoxal.

Dans un récent rapport, le sénateur Jean-Patrick Courtois a estimé le coût de l’enregistrement audiovisuel des gardes à vue à plus de 70 millions d’euros en investissement et près de 6 millions d’euros en fonctionnement. Ce coût paraît très élevé compte tenu des matériels déjà en service. Peut-on estimer l’investissement initial complémentaire nécessaire ainsi que le budget annuel de fonctionnement, sachant que les équipements doivent être conséquents et en état de marche permanent ? Les difficultés techniques ne doivent pas conduire à ce que le texte soit vidé de sa substance.

Quelle place peut-on envisager de conférer à l’enregistrement audiovisuel par rapport au procès-verbal ?

Le visionnage de l’enregistrement devant les assises pourrait-il être exclu, ou bien faut-il laisser le texte en l’état ?

Le projet de loi tend à cantonner la détention provisoire ainsi qu’à privilégier le contrôle judiciaire. Lorsqu’une personne s’attend à être condamnée, elle considère la détention provisoire comme le début de l’accomplissement de sa peine. Elle risque donc de refuser le port d’un bracelet électronique, véritable emprisonnement à domicile, mais dont la durée ne peut être déduite de celle de la peine qui sera prononcée en définitive. L’objectif étant de limiter la détention provisoire, est-il envisageable que, sous certaines conditions, le placement sous bracelet électronique dans le cadre d’un contrôle judiciaire soit décompté de la peine totale ?

L’article 13 du titre IV confie au premier président de la cour d’appel le soin de trancher un différend entre le procureur général et le président de la cour d’assises pour l’établissement du rôle des sessions d’assises. Afin que le recours du premier président ne soit pas la traduction d’un conflit, ne pourrait-on prévoir que l’établissement du rôle relève du premier président de la cour d’appel, après consultation du procureur général et du président de la cour d’assises ? La réforme serait ainsi plus positive et, peut-être, plus lisible.

Le garde des Sceaux a apporté les réponses suivantes :

—  Concernant le coût de l’enregistrement, que certaines évaluations peuvent faire apparaître comme inquiétant, il convient d’abord d’observer que le sénateur Courtois n’a pas consulté la Chancellerie. Les 8 700 affaires criminelles instruites chaque année impliquent en moyenne 1,4 personne et entraînent 2,5 auditions dans le cabinet du juge d’instruction. L’enregistrement des interrogatoires représentera un coût de 1,2 million d’euros en équipement et 62 000 euros en fonctionnement annuel. Les services de police procèdent à 40 000 interrogatoires de garde à vue dans les procédures criminelles et bon nombre de commissariats sont déjà équipés, ce qui réduit d’autant l’investissement nécessaire. Le ministère de la Défense a indiqué être en mesure d’équiper à bref délai l’ensemble des unités de gendarmerie pour un coût d’investissement de 3,35 millions d’euros et un coût de fonctionnement annuel de 800 000 euros. Les gendarmes ayant la responsabilité d’une garde à vue sur quatre, on peut en déduire qu’il suffit de multiplier ces chiffres par quatre pour obtenir le total à prévoir.

—  L’enregistrement ne se substitue pas au procès-verbal du greffier, qui a prêté serment et authentifie ses actes. Pour autant, en cas de contestation, seul fait foi aujourd’hui le procès-verbal du greffier, qui est un résumé des propos du justiciable et qui peut, pour cette raison, donner matière à discussion. Il sera donc possible, le cas échéant, de consulter l’enregistrement de la garde à vue ou de l’interrogatoire par le juge d’instruction. Le bilan des mesures équivalentes instaurées en Angleterre et en Italie est très satisfaisant. On ne peut lutter contre les progrès des performances technologiques, surtout quand celles-ci peuvent sécuriser une procédure et aider à la décision, contribuer à la manifestation de la vérité.

—  La commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau s’est étonnée de la charge de travail des chambres de l’instruction. Il est souhaitable de recentrer les magistrats instructeurs sur leur métier – établir la vérité dans des affaires graves ou complexes – au lieu de les « engluer » dans des tombereaux de dossiers qui pourraient pour la plupart faire l’objet d’une enquête préliminaire du parquet. La réflexion, depuis la remise du rapport Magendie, s’est d’ailleurs poursuivie et toutes ses propositions n’ont pas été reprises à la lettre. Ainsi, la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » n’est pas abrogée, mais précisée et atténuée.

—  Le co-audiencement, déjà en vigueur en matière de justice des enfants, est une voie d’avenir pour l’ensemble des affaires. Le parquet étant informé d’éléments inconnus du siège, l’établissement d’une synthèse s’avère extrêmement utile.

—  Le bracelet électronique fixe, dont l’utilisation est permise dans le cadre du contrôle judiciaire depuis la loi Perben du 9 septembre 2002, n’est utilisé que pour 1 % des personnes placées sous contrôle judiciaire ; depuis 2002, 86 mesures ont été prononcées. Compte tenu de ses contraintes, il n’est pas vraiment adapté au contrôle judiciaire. Le bracelet électronique mobile, en revanche, expérimenté à la satisfaction générale dans quelques cours d’appel, convient parfaitement, et la mesure sera généralisée l’année prochaine.

M. Xavier de Roux, rapporteur du projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, a demandé en quoi le projet de loi améliorera le traitement des plaintes des justiciables et pourquoi le Gouvernement n’a pas pris le parti d’inscrire la procédure d’examen de celles-ci dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Le garde des Sceaux a exposé que, lorsque des justiciables se plaignent par écrit au ministre de la Justice, leurs courriers, traités par la direction des services judiciaires, restent sans effet juridique. Ils pourront désormais exprimer leur mécontentement auprès d’une autorité indépendante que personne au demeurant ne saurait soupçonner de parti pris. Le médiateur examinera ces affaires sans se pencher sur la décision juridictionnelle, faute de quoi il mettrait en cause l’indépendance du juge. L’inscrire dans la loi organique lui conférerait des pouvoirs disciplinaires sur les magistrats, ce qui ne manquerait pas de soulever des difficultés de nature constitutionnelle. Le Gouvernement n’est pas opposé à ce que le médiateur puisse demander au chef de cour des éléments complémentaires nécessaires pour procéder à l’examen approfondi des plaintes qui lui sont transmises, mais cela nécessiterait d’amender le projet de loi organique. Quoi qu’il en soit le dispositif prévu par le projet de loi constitue un premier pas qui sera ressenti très positivement par l’opinion publique.

S’agissant de la formation et des carrières des magistrats, le président Philippe Houillon, rapporteur du projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats, a approuvé la généralisation de stages probatoires, mais a rappelé que la commission d’enquête avait formulé plusieurs propositions visant à ouvrir davantage la magistrature sur l’extérieur pour l’« oxygéner » et diversifier les profils. Le Gouvernement serait-il favorable à des dispositions allant dans ce sens, comme l’obligation, pour les auditeurs de justice, d’effectuer un stage d’une année en cabinet d’avocat, le renforcement de la proportion maximale de magistrats recrutés sur titre ou bénéficiant d’une intégration directe au corps judiciaire et l’institution d’une mobilité obligatoire en dehors de la magistrature ?

S’agissant de la responsabilité disciplinaire des magistrats, il n’existe pas de véritable code de déontologie de la magistrature mais seulement un recueil de la jurisprudence du CSM. Le Gouvernement serait-il favorable à une modification du serment, afin de faire apparaître clairement les obligations déontologiques des magistrats, et à la précision de leurs droits et devoirs dans un code de déontologie, dont la rédaction serait confiée au CSM ?

L’interdiction d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant cinq ans, nouvelle sanction disciplinaire, signifie que le magistrat sanctionné siègera dans une formation collégiale. Peut-être conviendrait-il de prévoir que les formations collégiales ne doivent pas être composées exclusivement de magistrats sanctionnés…

Le garde des Sceaux a apporté les précisions suivantes :

—  Un décret d’octobre 1994 interdit aux auditeurs de justice, fonctionnaires stagiaires, d’exercer une autre activité professionnelle, ce qui pose une véritable difficulté pour exercer les fonctions d’avocat. Au demeurant, ce statut d’auditeur de justice rend très difficile de refuser à quelqu’un de devenir magistrat au terme de son cursus. Dans d’autres pays, les futurs magistrats subissent un examen psychologique. Mais si les jeunes hommes et jeunes femmes sortant de l’École nationale de la magistrature (ENM) sont des « champions » de la procédure et du code, très bons techniquement, personne ne se demande le jour du concours, s’ils sont faits pour devenir magistrats ni n’évalue leur maturité et leurs qualités humaines. Le concours devrait ainsi être davantage orienté vers leurs capacités concrètes à exercer les fonctions de juge. Cela étant, porter la durée de la formation de trente et un à quarante et un mois ramènerait à zéro le nombre des sorties de l’ENM pendant un an, ce qui désorganiserait durablement les services judiciaires. La durée totale des études pour devenir magistrat approcherait les dix ans, ce qui serait excessif. En revanche, cette année, l’ENM a proposé une formation à quarante avocats d’une année complète afin de procéder à un « échange de cultures » avec les magistrats, ce qui constitue déjà un progrès.

—  Pour les voies parallèles de recrutement, les candidats manquent. Tous les concours existants ont un point commun : le nombre de candidats est toujours inférieur au quota ouvert. Certains trouvent la rémunération trop faible ; d’autres candidats, avocats n’ayant pas réussi au barreau, ne sauraient voir leurs candidatures retenues. Ceux qui accèdent au premier grade de la magistrature sont mieux rémunérés, mais la commission d’avancement fait preuve de réticences et se montre très sévère s’agissant de leur niveau. De même, pour les juges de proximité, le CSM se montre particulièrement exigeant : il est arrivé qu’un magistrat à la retraite soit récusé.

L’idée d’instaurer une mobilité obligatoire au bout de six ans est également excellente, mais sa mise en pratique serait compliquée. Au bout de six ou sept ans, 250 magistrats sur 7 000 seraient concernés, soit 500 sur deux ans. Comment trouver 500 postes extérieurs ou connexes à la magistrature, alors qu’il n’y en a que 220 actuellement, notamment auprès du médiateur de la République, de la Défenseure des enfants, des juridictions internationales ou en qualité de magistrats de liaison ? Or, l’institution judiciaire ne saurait être privée de 500 magistrats, sachant que l’ENM ne peut actuellement accueillir que 240 élèves par promotion, davantage en raison de sa taille que pour des motifs budgétaires. En outre, compte tenu de l’évolution de la pyramide des âges de 2006 à 2010, les départs à la retraite seront nombreux. Il faudra par conséquent que le ministère chargé du budget consente à un recrutement massif de magistrats, afin de maintenir l’effectif, qui, depuis cette année, correspond exactement à l’effectif théorique des juridictions.

—  Un code de déontologie consiste à dresser une liste de comportements considérés comme fautifs, tout le reste étant autorisé. La police nationale s’est dotée d’un code de dix-neuf articles très généraux ; prévoir que le policier respecte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la Constitution et les conventions internationales est louable, mais de portée limitée. La commission de réflexion sur l’éthique dans la magistrature dite « commission Cabanes » avait préconisé la publication d’un recueil de principes déontologiques recoupant les textes en vigueur et la jurisprudence commentée du CSM. Ce document a été validé et tous les magistrats de France ont ainsi reçu cette année un CD-rom contenant l’intégralité de la jurisprudence du CSM. Cela remplace avantageusement un code de déontologie.

—  « La commission Cabanes » avait proposé de modifier le serment, en retenant notamment un devoir d’impartialité et de diligence. Le mot « diligence » ayant suscité de vives réactions chez les magistrats, on pourrait alors s’inspirer de la rédaction qu’avait proposée Mme Elisabeth Guigou : « Je jure de remplir mes fonctions avec impartialité et intégrité, dans le respect de la loi et des droits de toutes les parties, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. ».

Le président Philippe Houillon a fait observer que, si l’opposition des magistrats suffit pour renoncer à une réforme, aucune évolution n’est possible, les services de la Chancellerie étant composés de magistrats.

Il a par ailleurs rappelé que les juges d’instruction et les magistrats en général réclament depuis longtemps la suppression de la plainte avec constitution de partie civile, qui est pourtant le pendant mécanique du principe de l’opportunité des poursuites. La victime doit cependant pouvoir déposer une plainte avec constitution de partie civile, dans la mesure où le parquet dispose de la possibilité de classer. Toutefois, comme il arrive qu’un certain nombre de ces plaintes soient destinées à bloquer l’issue de la procédure civile, il convient de réfléchir à l’application de la règle selon laquelle le pénal tient le civil en l’état. La jurisprudence actuelle, qui prévoit qu’une décision au pénal susceptible d’avoir une influence directe sur un procès civil doit conduire le juge civil à surseoir à statuer, semble équilibrée. La rédaction proposée ne risque-t-elle pas de remettre en cause cet équilibre et d’avoir comme conséquence une multiplication des jugements en révision ?

Se référant à l’esprit constructif de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau, M. André Vallini a reconnu que les trois textes comportaient des avancées, mais a déploré que le Gouvernement soit resté « au milieu du gué ». La collégialité est seulement esquissée, avec la création des pôles de l’instruction. Le critère du trouble à l’ordre public n’est pas supprimé. Les mesures concernant la procédure pénale, la garde à vue et la détention provisoire sont insuffisantes. Le Gouvernement a cependant écouté les membres du groupe socialiste puisqu’il ne supprime pas le juge des libertés et de la détention (JLD), contrairement à l’avis de la majorité de la commission d’enquête.

Le garde des Sceaux ayant répondu que le maintien du JLD n’était pas un choix idéologique mais une nécessité, compte tenu de l’impossibilité de former les 300 magistrats supplémentaires nécessaires à la collégialité de l’instruction, M. André Vallini a fait observer qu’à long terme, rien n’était impossible.

Puis il a contesté que le médiateur de la République ne puisse saisir directement le CSM et a considéré que le véritable problème était celui de l’instruction des dossiers. Faut-il envisager la création d’une autorité de poursuite ? Quel rôle donner à la direction des services judiciaires et à l’inspection générale des services judiciaires ?

En tout état de cause, la grande réforme reste à venir, avec la création d’un vrai Conseil supérieur de la justice et la séparation des carrières du siège et du parquet après dix années d’exercice des fonctions de magistrat, comme l’avait souhaité la commission d’enquête.

Il a ensuite souhaité savoir, lorsque le coût des mesures aura été chiffré, comment et à quel moment de l’année le Gouvernement abondera le budget de la justice.

Il a enfin demandé s’il était certain que, pour éviter une nouvelle affaire d’Outreau, les projets de loi arriveraient au terme de la procédure législative d’ici à la suspension des travaux parlementaires, en février 2007, et s’ils entreraient effectivement en vigueur avant les prochaines élections législatives. Il n’y avait en effet pas urgence à légiférer partiellement et il aurait été préférable d’attendre les échéances de 2007 pour entreprendre une grande réforme de la justice.

M. Georges Fenech a salué la modération et l’honnêteté intellectuelle de M. André Vallini.

Les travaux de la commission d’enquête ont été suivis non par des milliers, mais par des millions de téléspectateurs et restent à l’esprit des membres de cette commission. Les Français attendent une grande réforme de la justice et la commission d’enquête a suscité un espoir légitime. En réalité, les citoyens veulent simplement que les magistrats les écoutent, les jugent dans un délai raisonnable, le mieux possible, et qu’ils rendent compte de leur activité.

Sans détention provisoire, il n’y aurait peut-être pas eu d’affaire d’Outreau. Les prisons de France comptent un tiers environ de détenus provisoires. Ne convient-il pas de fixer un objectif de réduction de ce taux, l’un des plus élevés d’Europe, en dressant une liste limitative des cas pouvant donner lieu à détention provisoire ? Le réexamen public au bout de six mois de détention provisoire est une avancée, mais le problème n’est pas réglé pour les six premiers mois, suffisants pour briser un individu.

La perte de confiance envers l’institution judiciaire est due au secret de l’instruction, qui est préjudiciable aux personnes incarcérées, lesquelles sont incapables de se défendre. À cet égard, le travail parlementaire devrait permettre d’enrichir le projet, notamment en ce qui concerne le rôle de la presse, qui fut l’un des grands acteurs du procès d’Outreau. Il importe de mieux faire respecter la présomption d’innocence.

Il existe trois contraintes : les moyens budgétaires, le calendrier électoral mais aussi le refus de toute réforme de la part des magistrats, difficilement acceptable par les élus du peuple, seuls chargés, en France, de « faire la loi ». Une réforme doit certes être comprise, acceptée, mise en œuvre, mais il est inacceptable que les juges, par l’intermédiaire de leurs syndicats, dictent la loi au peuple français, alors qu’ils doivent appliquer les textes que celui-ci a voulus.

Pourquoi le serment des magistrats ne pourrait-il pas être modifié, alors que cela ne coûterait rien ? Pourquoi ne pas y faire référence au souci d’humanité ? De même, il serait dans l’intérêt des juges de rendre compte de leur activité, et ils sont d’accord avec l’approfondissement de la notion de responsabilité. Néanmoins, sanctionner uniquement la violation grave et intentionnelle ne couvrira pas l’ensemble du champ de la responsabilité. Et comment sera-t-il possible de démontrer qu’un juge a violé des principes directeurs intentionnellement ? Par des témoignages ? Des preuves écrites ? Des écoutes téléphoniques ? Ce texte, en l’état, risque même de réduire la responsabilité des magistrats ; s’il avait été en vigueur, le juge Fabrice Burgaud aurait échappé à toute mise en cause.

La commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau a rêvé d’une justice idéale et la grande réforme unanimement attendue est inévitable : séparer le parquet et le siège afin de clarifier les rôles de l’accusation et du jugement, quelle que soit la réticence qu’elle suscite chez de nombreux magistrats, accrochés à leurs « vieilles lunes ». L’indépendance des juges, à laquelle chacun est très attaché, ne doit pas être paravent de l’irresponsabilité.

Enfin, il faut créer un corps d’assistants de justice afin de soutenir d’aider dans leur travail les juges et les procureurs. Les magistrats doivent bénéficier d’une aide à la décision qui ne peut leur être apportée par les greffiers. Les assistants de justice actuels, qui complètent leurs études en conduisant quelques travaux dans les cours d’appel, ne répondent pas à cet objectif ; il s’agit plutôt de s’inspirer du système applicable dans les chambres régionales des comptes, où chaque magistrat dispose d’un assistant avec lequel il travaille en binôme.

Après s’être déclaré favorable aux enregistrements, que ce soit dans le cabinet du juge ou dans les services de police, mais s’être inquiété du coût de maintenance et de conservation des matériels, M. Jean-Christophe Lagarde a présenté les observations suivantes :

—  Lorsqu’un parlementaire saisit le médiateur de la République, il arrive que le temps de réponse soit très long et il faudra s’assurer que les délais, en l’espèce, soient les plus brefs possibles.

—  La bulle dans laquelle ont été confinés les magistrats doit être percée. M. Fabrice Burgaud est sans doute responsable de dysfonctionnements mais sans en être coupable : le drame de l’institution judiciaire est que cet homme, formé pour appliquer mécaniquement la loi, pense avoir bien fait son travail. Passer toute sa vie à juger les autres est un métier très difficile, qui requiert de grandes qualités humaines. Or, le volet humain est celui qui manque le plus dans ces textes pour éviter une nouvelle affaire d’Outreau. Il importera – en d’autres circonstances, car la fin de législature n’est pas un moment propice – de mettre progressivement en œuvre une réforme en refusant de se laisser paralyser par les magistrats du ministère de la justice. Avant d’entrer en fonctions et tout au long de leur carrière, les magistrats devraient notamment suivre des stages à l’extérieur du corps judiciaire, et pas seulement en cabinet d’avocat. En outre, il est indispensable que tous les juges alternent entre les fonctions du parquet et celles du siège, afin de percevoir les deux aspects du métier.

—  La création d’un corps d’assistants de justice est effectivement indispensable car les conditions de travail des magistrats les empêchent de s’intéresser aux individus, victimes ou présumés coupables, ce qui n’est pas sain.

—  Le groupe UDF veillera à ce que la victime, si le procureur de la République ne poursuit pas, puisse conserver la possibilité de se constituer partie civile dans tous les cas de figure.

Le président Philippe Houillon a indiqué que le projet de loi ne remettait pas ce droit en cause.

M. Léonce Deprez s’est ému du drame « sociétal » et judiciaire vécu par le Pas-de-Calais et ressenti à la base, dans toute la France, lors de l’affaire d’Outreau. Certains problèmes dépassent les clivages politiques partisans et imposent aux pouvoirs publics d’entreprendre des réformes consensuelles. Le président et le rapporteur de la commission d’enquête ont répondu à cette exigence populaire. Si le Gouvernement n’y donne pas suite, ce sera au détriment des formations politiques représentatives.

Des contraintes existent, mais la politique consiste précisément à les surmonter. Premièrement, les Français sont prêts à consentir un effort budgétaire en faveur de la justice et ne comprendraient pas que l’État renonce à la réformer pour ce motif. Deuxièmement, une mobilisation des énergies, des compétences et des capacités est nécessaire pour former les jeunes générations à la profession de magistrat, insuffisamment pourvue. L’autorité de toute l’Assemblée nationale est requise pour dépasser les réflexes corporatistes qui ont fait échouer le dispositif des juges de proximité. Le Gouvernement devrait s’appuyer sur les conseils du président et du rapporteur de la commission d’enquête pour répondre aux attentes des Français, en plusieurs étapes s’il le faut.

M. Jacques-Alain Bénisti a souligné que le JLD n’est pas intégré dans le processus institutionnel puisqu’il n’entretient aucun contact avec le juge d’instruction ni avec la chambre de l’instruction, ces deux entités étant pour leur part en liaison constante. Si ce mode de fonctionnement ne change pas, créer un pôle de l’instruction et instituer une saisine systématique, tous les six mois, de la chambre de l’instruction serait totalement contre-productif car cela isolerait davantage encore le JLD, qui continuerait de travailler dans l’urgence. Il serait préférable de supprimer totalement la fonction de JLD au profit d’un pôle de l’instruction collégial, à moins d’envisager, en attendant cette dernière réforme, la création de pôles de JLD qui pourraient décider de statuer collégialement s’ils l’estiment nécessaire.

Une autre difficulté doit être soulignée. Les JLD motivent leurs décisions en résumant les faits et la situation de la personne mise en examen. Un tel résumé pourrait être considéré comme une brèche dans le secret de l’instruction, car il dévoile le contenu du dossier et les investigations à entreprendre. Cette pratique va à l’encontre d’une lecture stricte des textes. Cependant, la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau a montré que ne pas aborder le fond des dossiers posait problème ; il est donc absolument indispensable que chaque décision soit motivée.

En réponse aux intervenants, le garde des Sceaux a apporté les précisions suivantes :

—  les projets de loi soumis à l’Assemblée nationale n’ont pas la portée que certains attendaient mais une grande réforme ne se conduit pas dans l’émotion, d’autant que les Français ne disposent pas des compétences juridiques pour juger de la pertinence de la procédure pénale. Il faut se souvenir que l’élaboration du nouveau code pénal a pris dix ans ! La réflexion doit mûrir, reposer et peut-être aboutir durant la prochaine législature. Par exemple, à l’opposé de la thèse de la séparation entre le siège et le parquet, certains plaident au contraire en faveur de la double expérience. Il serait en tout cas regrettable que les procureurs se transforment en fonctionnaires, alors que l’unicité du corps judiciaire est la grande richesse du système français, lequel n’est pas mauvais, loin de là, même s’il est imparfait. Le moment venu, il conviendra d’élaborer une grande réforme, mais elle ne reprendra sûrement pas toutes les conclusions adoptées à l’unanimité par la commission d’enquête.

M. André Vallini ayant suggéré qu’un texte soit adopté pour planifier l’instauration de la collégialité de l’instruction d’ici cinq à dix ans, le garde des Sceaux a jugé cette idée intéressante, et le président Philippe Houillon a regretté qu’un tel délai d’application n’ait pas été prévu en 1985.

—  Les projets de lois soumis au Parlement apportent en revanche des réponses techniques aux principaux problèmes qui préoccupent les Français. La création d’un pôle de l’instruction est un pas vers la collégialité, qui ne pourrait être instaurée qu’avec 240 magistrats supplémentaires. La difficulté n’est pas d’ordre budgétaire, mais procède de l’impossibilité de recruter et de former immédiatement de nouveaux magistrats. Le Gouvernement n’est donc pas resté au « milieu du gué » et serait prêt à accepter un amendement instaurant la collégialité de l’instruction si le Parlement trouvait une solution opérationnelle.

—  Grâce aux enregistrements, qui reposeront sur des moyens techniques très performants, les procédures seront rendues plus sûres.

—  Les Français éprouvaient aussi de fortes attentes au sujet de la réforme de la détention provisoire. Si le réexamen semestriel, malgré les voies de recours possibles durant ces six mois, parait trop tardif, le Parlement pourra retenir un délai différent. Mais il convient de souligner que la disposition présentée vient en complément d’autres modifications et que le nombre de personnes détenues préventivement a déjà diminué depuis l’affaire dite d’Outreau.

—  La loi s’appliquera intégralement dans les trois mois suivant sa promulgation, hormis les dispositions concernant les pôles de l’instruction et les enregistrements audiovisuels, qui entreront respectivement en vigueur dans des délais de neuf et quinze mois.

—  L’idée d’instaurer des assistants de justice est excellente et souhaitée par les magistrats. Il conviendra toutefois de veiller au déroulement de carrière de ces assistants, et aux conditions de leur éventuelle promotion dans la magistrature.

—  Les syndicats de magistrats refusent que le droit de la responsabilité évolue. Toutefois, sur bien d’autres points, ils sont favorables au changement. L’empilement de textes législatifs est certes excessif mais, d’un autre côté, ne rien faire reviendrait à négliger les interrogations des Français à l’égard de cette responsabilité.

—  Le refus d’une confrontation, par exemple, pourrait être considéré comme une violation intentionnelle des règles de procédure mais le débat reste ouvert.

—  Les audiences de placement en détention provisoire seront publiques.

—  Une évaluation précise des coûts de maintenance du matériel d’enregistrement devra être assurée.

—  Une grande école d’application pourrait être créée pour renforcer l’expérience et la formation des chefs de cour et de juridiction, sur le modèle de l’École de guerre. Par ailleurs, il est regrettable que certains magistrats répugnent à changer de juridiction ou même de poste. La commission des Lois pourrait utilement réfléchir à cette question.

—  Les contraintes de temps pesant sur les JLD seront assouplies, puisqu’ils disposeront quatre jours pour décider du placement sous contrôle judiciaire.

—  La fonction de JLD est maintenue, non par conservatisme mais parce qu’elle est nécessaire, en l’absence de collégialité de l’instruction, le projet de loi n’en proposant que la préfiguration.

—  Les attentes des Français doivent être satisfaites, mais la réflexion devra se prolonger sur plusieurs années – sans doute sur cinq ans – avant de mettre en œuvre une grande réforme.

Le président Philippe Houillon a remercié le garde des Sceaux pour ses réponses et lui a fait part de sa satisfaction, ainsi que de sa détermination à poursuivre le travail entrepris.

* *

*

Au cours de sa première réunion du mercredi 6 décembre 2006, la Commission a examiné le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats. Elle est immédiatement passée à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la formation

Le projet de loi organique vise d’abord à faire bénéficier les futurs magistrats d’une formation initiale plus adaptée aux exigences pratiques et éthiques qui s’attachent à l’exercice de leurs fonctions. Il s’efforce ainsi de prendre en compte les critiques et les propositions formulées par plusieurs rapports et avis officiels (34) et, surtout, par la récente commission d’enquête sur les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau (35). Les dispositions du chapitre Ier du projet de loi organique visent essentiellement à subordonner la nomination de la quasi-totalité des magistrats à l’accomplissement réussi d’une formation probatoire, laquelle permet, mieux qu’une formation purement théorique, d’apprécier concrètement leurs aptitudes professionnelles.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur étendant l’intitulé du chapitre au recrutement des magistrats (amendement n° 1).

Articles additionnels avant l’article 1er

(art. 14 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Rétablissement de l’obligation de formation continue

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 2) rétablissant l’obligation de formation continue pour les magistrats, qui avait été supprimée en 1995.

(art. 18-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Relèvement de la proportion maximale des magistrats recrutés sur titre

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 3) élevant, conformément à une proposition de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau, d’un cinquième au tiers la proportion maximale des candidats à l’École nationale de la magistrature (ENM) recrutés sur titre.

(art. 19 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Institution d’un stage obligatoire de huit mois en cabinet d’avocat ou auprès d’un barreau pour les auditeurs de justice

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur prévoyant que les auditeurs de justice devront, pendant leur scolarité, effectuer un stage d’une durée minimale de huit mois auprès d’un avocat ou auprès d’un barreau.

M. Alain Marsaud a estimé que l’incompatibilité entre le statut d’auditeur de justice et l’exercice d’une activité libérale devait être réaffirmée sans ambiguïté.

Le rapporteur a indiqué que ce type de stage existait déjà pour une durée de deux mois et que l’amendement se bornait à faire figurer cette obligation dans la loi organique, tout en étendant la durée et le champ du stage. La possibilité d’effectuer les stages auprès des barreaux et non pas seulement d’un avocat permettra en effet de familiariser les magistrats avec les différentes facettes de l’aide légale. L’allongement à huit mois de sa durée paraît nécessaire pour répondre à ses objectifs même s’il est susceptible d’être modifié en fonction des impératifs de la scolarité.

La Commission a alors adopté cet amendement (amendement n° 4).

(art. 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Possibilité pour le jury de classement de formuler des réserves sur la première affectation d’un auditeur de justice

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 5) précisant que le jury, lors de la déclaration d’aptitude d’un auditeur de justice à exercer les fonctions judiciaires, pourra formuler non seulement des recommandations, comme cela est déjà prévu dans l’état du droit, mais également des réserves sur la capacité des auditeurs à exercer certaines fonctions lors de leur première affectation.

(art. 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Versement au dossier du magistrat des recommandations et des réserves du jury de classement sur la première affectation

La Commission a été saisie d’un amendement présenté par le rapporteur prévoyant que les réserves et recommandations susmentionnées seront versées au dossier du magistrat lors de sa nomination.

M. Jacques Floch s’est inquiété de voir peser sur le magistrat, tout au long de sa carrière, les réserves inscrites à son dossier par le jury avant son entrée dans son premier poste. Il a, par ailleurs, estimé que, s’il était dans la tradition des écoles professionnelles de signaler les aptitudes à certaines fonctions, les inaptitudes étaient généralement passées sous silence, seule l’expérience acquise permettant d’évaluer effectivement les capacités et les faiblesses de l’impétrant.

M. Michel Vaxès s’est interrogé sur l’intérêt d’inscrire dans la loi la possibilité pour un jury de faire part, éventuellement, de réserves et de porter ensuite ces mentions dans le dossier personnel du magistrat.

Mme Anne-Marie Comparini a fait observer combien, dans le contexte du projet de loi de modernisation de la fonction publique actuellement en discussion, il était important d’étendre à la magistrature toute mesure qui permettrait de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des carrières.

Le rapporteur a souligné que, si le texte en vigueur faisait déjà mention des recommandations sur les premiers postes que le magistrat serait le plus à même d’occuper, dans la pratique, ces recommandations prenaient souvent la forme de réserves et qu’en conséquence il n’était pas interdit à la loi de donner un fondement explicite à cette pratique. En outre, il a fait remarquer qu’il serait toujours loisible au magistrat, par ses capacités dûment constatées par les chefs de cour, de faire montre au cours de son expérience de progrès qui permettent de surmonter sans conteste les réserves émises à son encontre avant même son entrée en fonction, ce dont son dossier pourrait ensuite faire état. Il a ajouté que cette démarche s’inscrivait parfaitement dans une logique d’évaluation, indispensable à toute politique de gestion des ressources humaines, comme l’avait reconnu la commission d’enquête sur l’affaire dite « d’Outreau ».

La Commission a alors adopté cet amendement (amendement n° 6).

Article 1er

(art. 21-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Soumission des candidats reçus au concours complémentaire de l’ENM à une formation probatoire – Suivi d’une formation complémentaire pour les candidats déclarés aptes

Cet article vise à modifier l’article 21-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin, d’une part, d’imposer une formation probatoire aux candidats reçus au concours complémentaire de l’École nationale de la magistrature (ENM) et, d’autre part, de rendre obligatoire le suivi d’une formation supplémentaire pour les candidats de cette catégorie lorsqu’ils sont déclarés aptes.

Il convient de rappeler que le recrutement des magistrats, s’il repose essentiellement sur des concours d’accès à l’ENM qui concernent une majorité d’étudiants, s’est considérablement diversifié au fil du temps. Il est aujourd’hui possible de rejoindre la magistrature, non seulement par le biais du concours externe réservé aux plus jeunes (36) et du concours interne prévu pour les fonctionnaires de moins de 41 ans, mais aussi par les voies suivantes :

—  depuis la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 modifiant l’ordonnance précitée, par le biais d’un troisième concours réservé aux personnes âgées de moins de 41 ans et justifiant de huit années d’activité professionnelle ;

—  depuis cette même loi, sur titre à la double condition de disposer d’un diplôme sanctionnant une formation juridique d’au moins quatre années après le baccalauréat et d’une expérience professionnelle de 4 ans « qualifi(ant) pour l’exercice des fonctions judiciaires » ;

—  depuis la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, par le biais du concours complémentaire, ouvert, selon le grade concerné, aux personnes âgées de 35 ou 50 ans au moins et disposant d’une expérience de 10 ou 15 ans « qualifi(ant) pour l’exercice des fonctions judiciaires » (37) ;

—  enfin, depuis la loi organique précitée du 25 février 1992, par le biais de l’intégration directe pour les greffiers en chef, ainsi que pour les personnes disposant d’un diplôme qui sanctionne une formation juridique d’au moins quatre années après le baccalauréat et d’une expérience professionnelle, de 7 ou 17 années minimum selon le grade concerné, « qualifi(ant) pour l’exercice des fonctions judiciaires » (38).

Par ailleurs, les fonctionnaires issus de l’École nationale d’administration (ENA) et les professeurs et maîtres de conférence des universités peuvent, en vertu de l’article 41 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, bénéficier du détachement judiciaire et exercer ainsi, pendant quelques années, les fonctions de magistrat. Cette forme de mobilité reste quantitativement limitée, puisque la commission d’avancement n’a été saisie que de 10 demandes de détachement dans le corps judiciaire pour la période 2004-2005 (contre 4 demandes pour la période 2003-2004), dont 5 ont fait l’objet d’avis favorables (39).

Le recrutement des magistrats par le biais des concours complémentaires reste marginal, alors que, depuis cinq ans, 250 élèves sont admis chaque année à l’ENM par le biais des trois autres concours. Surtout, il tend à diminuer : le nombre de personnes admises à l’ENM à ce titre est passé de 84 en 2003 à 48 en 2004 et 30 en 2005, tandis qu’aucun concours complémentaire n’a été organisé en 2006.

Le de cet article a pour objet de préciser que la formation suivie par les candidats admis par la voie du concours complémentaire présente un caractère probatoire, alors que le sixième alinéa de l’article 21-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 évoque seulement une période de « formation à l’ENM (qui) comprend des stages » en juridiction, sans indiquer comment le succès de cette formation est pris en compte.

La nouvelle rédaction proposée supprime par ailleurs le renvoi à l’article 20 de l’ordonnance précitée, qui précise que les auditeurs de justice, amenés à participer à l’activité juridictionnelle, sont « astreints au secret professionnel » et « prêtent serment devant les cours d’appel ». Ce renvoi apparaît effectivement inutile, dans la mesure où le septième alinéa de l’article 21-1 de l’ordonnance précise que les candidats admis doivent, avant « toute activité », prêter le serment suivant, dont ils ne peuvent être relevés : « Je jure de conserver le secret des actes du parquet, des juridictions d’instruction et de jugement dont j’aurai eu connaissance au cours de mon stage ». Le respect de cette règle fondamentale de la déontologie des magistrats demeurera donc en principe assuré, avant comme après la nomination des intéressés.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement de précision présentés par le rapporteur (amendements n° 7 et 8).

Le de cet article propose de confier au directeur de l’ENM la rédaction d’un rapport effectuant un bilan de la formation probatoire suivie par chaque candidat. Ce rapport serait transmis au jury chargé, en vertu de l’article 21 de l’ordonnance précitée, de se prononcer sur l’aptitude des auditeurs de justice (40) à devenir magistrats. Il permettrait ainsi d’éclairer cette instance en appréciant les qualités ou les insuffisances professionnelles dont le candidat aura fait la preuve au cours de sa formation probatoire.

Ce bilan devrait être de même nature que celui effectué pour les magistrats candidats à l’intégration directe dans le corps judiciaire (voir article 2). Aux termes de l’article 49-1 du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’École nationale de la magistrature, ledit bilan, remis au jury dans le mois suivant la fin du stage, « comprend le rapport de synthèse du magistrat délégué à la formation de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le stage s’est déroulé, rédigé sur la base des appréciations portées par les maîtres de stage et le directeur de centre de stage, auquel le directeur de l’école joint son avis motivé ».

Parce que l’information du jury doit être complète et équilibrée et pour parer à tout risque d’appréciation arbitraire, le projet de loi organique prévoit que le jury ne pourra se prononcer sur l’aptitude du candidat qu’après l’avoir entendu. Ce dernier pourra donc faire valoir son point de vue, par exemple pour expliquer un comportement contestable (tel que la violation du secret des délibérations, des absences injustifiées ou la perte de dossiers) ou faire état de circonstances particulières (telles qu’une maladie, un divorce ou le décès d’un proche). En sens inverse, cet entretien pourra aussi, le cas échéant, mettre en évidence des faiblesses ou des lacunes importantes d’un candidat ayant pourtant accompli une formation jugée satisfaisante.

La Commission a adopté deux amendements présentés par le rapporteur, le premier rédactionnel et de précision (amendement n° 9), le second de précision (amendement n° 10).

Enfin, le de cet article vise à soumettre, avant leur nomination, à une « formation complémentaire » les candidats reçus au concours complémentaire de l’ENM, une fois que le jury les a déclarés (au vu du bilan de leur formation probatoire) aptes à devenir magistrats. Il s’agit bien ici d’ajouter une nouvelle étape dans le cursus de formation suivi par ces candidats, car le huitième alinéa de l’article 21-1 de l’ordonnance précitée prévoit actuellement que la nomination intervient dès la fin de la formation à l’ENM. Selon les informations transmises à votre rapporteur, cette formation complémentaire prendra la forme d’un stage de pré-affectation dans la fonction choisie par le candidat à l’issue des épreuves du concours.

Même si la formation complémentaire ainsi instituée n’aura pas de caractère probatoire, elle permettra, là encore, de renforcer les compétences professionnelles des futurs magistrats avant qu’ils n’exercent effectivement leurs fonctions.

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 11), puis l’article 1er ainsi modifié.

Articles additionnels après l’article 1er

(art. 25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Relèvement de la proportion maximale de magistrats nommés au second grade par la voie de l’intégration directe au corps judiciaire

Sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement relevant de 20 % à 25 % la proportion maximale de magistrats nommés au second grade par la voie de l’intégration directe au corps judiciaire (amendement n° 12).

(art. 25-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Relèvement de la proportion maximale de magistrats nommés au premier grade par la voie de l’intégration directe au corps judiciaire

Selon la même logique et également sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté un amendement relevant du quinzième au dixième la proportion maximale de magistrats nommés au premier grade par la voie de l’intégration directe au corps judiciaire (amendement n° 13).

Article 2

(art. 25-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Généralisation, sauf dispense exceptionnelle, de la formation probatoire pour les candidats admis à l’intégration directe dans le corps judiciaire

Cet article vise à rendre obligatoire le suivi d’une formation probatoire, actuellement facultatif, pour la quasi-totalité des candidats admis à l’intégration directe dans le corps judiciaire en vertu des articles 22 et 23 de l’ordon-nance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (voir article 1er). La pratique actuelle tend d’ores et déjà à généraliser les stages probatoires pour cette filière de recrutement, puisque seuls 3 candidats sur 29 en ont été dispensés en 2005 (et 1 sur 34 en 2004). La durée de ces stages est limitée à six mois en vertu de l’article 34 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 (41).

Il convient de rappeler que 237 personnes ont bénéficié d’une telle intégration à la magistrature au cours des dix dernières années, ce qui reste toutefois relativement modeste comparé au nombre de magistrats recrutés par le biais des concours d’accès à l’ENM (2 100 personnes de 1996 à 2005, dont 250 par an depuis 2001). Les avocats sont majoritaires dans cette voie d’accès à la magistrature, puisqu’ils ont représenté 60,8 % des candidats admis pour les années 2000 à 2004, ainsi que 53,8 % des candidats admis en 2005.

ORIGINE PROFESSIONNELLE DES CANDIDATS À L’INTÉGRATION DIRECTE
DANS LA MAGISTRATURE EN 2004 ET 2005

Profession

Nombre de candidats en 2004

Nombre d’admis en 2004

Nombre de candidats en 2005

Nombre d’admis en 2005

Avocats

92

17

36

14

Officiers ministériels

16

0

5

0

Greffiers en chef

5

0

6

1

Fonctionnaires et agents de justice

7

2

5

2

Fonctionnaires et agents de l’État

38

10

20

5

Fonctionnaires territoriaux

6

0

3

1

Secteur privé

76

2

34

3

Maîtres de conférences

1

0

0

0

Magistrats étrangers

2

0

0

0

Total

243

31

109

26

Source : Rapport d’activité de la commission d’avancement 2004-2005

Le propose de donner une nouvelle rédaction au premier alinéa de l’article 25-3 de ladite ordonnance, qui dispose actuellement que la commission d’avancement « peut décider de subordonner la nomination du candidat (…) à l’accomplissement d’un stage probatoire en juridiction ». Il sera désormais prévu que tour candidat recruté par la voie de l’intégration directe suit « une formation probatoire organisée par l’ENM comportant notamment un stage en juridiction », cette formulation étant, logiquement, identique à celle retenu à l’article 1er pour les candidats reçus au concours complémentaire. Ainsi, non seulement l’évaluation des candidats dans ce cadre de la procédure probatoire sera systématisée, mais en outre elle portera non plus sur le seul stage en juridiction, mais sur la formation dans son ensemble, c’est-à-dire également sur l’assimilation d’enseignements plus théoriques (actuellement regroupés au cours d’une « semaine de présentation » à l’ENM (42)).

Au vu de l’avis du jury, lui-même éclairé par le bilan de la formation probatoire établi par le directeur de l’ENM, la commission d’avancement pourra refuser la nomination d’un candidat, comme c’est le cas actuellement pour le stage
– 10 candidats ont fait l’objet d’un avis de rejet après leur stage en 2005, contre 7 en 2004.

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 14) permettant, dans la rédaction de cet article, de distinguer clairement l’étape de l’admission des candidats de celle du recrutement et de la nomination des magistrats.

Le de cet article apporte toutefois, par l’insertion d’un nouvel alinéa au sein de l’article 25-3 de l’ordonnance, un assouplissement au caractère impératif de cette formation probatoire : certains candidats pourront, en raison de leur expérience professionnelle, en être dispensés par la commission d’avancement « à titre exceptionnel ». Il s’agit ici d’éviter que ne soit artificiellement imposée une procédure longue et contraignante à un candidat qui, ayant par exemple longtemps travaillé au contact de magistrats en juridiction, n’apprendrait rien de nouveau lors d’un stage et pourrait, au contraire, être immédiatement employable dans la magistrature. De telles dérogations devraient toutefois rester très rares, sauf à vider de son sens l’objectif de généralisation des formations probatoires dans la magistrature.

Le de cet article effectue une simple coordination au deuxième alinéa de l’article 25-3 de l’ordonnance, l’astreinte au secret professionnel et à la prestation de serment devant désormais concerner tout candidat, et pas uniquement « le candidat admis en stage probatoire ».

Les etde cet article proposent également, aux troisième et dernier alinéas de l’article 25-3 de l’ordonnance, d’effectuer deux coordinations, destinées cette fois à prendre en compte le fait que le caractère probatoire ne concernera plus seulement le stage en juridiction, mais la formation, dont ce stage n’est qu’une des composantes.

La Commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 2

(art. 26 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Prise en compte obligatoire des réserves du jury pour la nomination des auditeurs de justice à un premier poste

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 15) prévoyant que l’auditeur de justice ne pourra pas être nommé à des fonctions ayant fait l’objet des réserves mentionnées par le jury de classement lors de la déclaration d’aptitude. Il a indiqué qu’il s’agissait ainsi de tirer les conséquences d’un précédent amendement permettant de formuler des réserves lors de la déclaration d’aptitude d’un auditeur de justice.

Article 3

(art. 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Suivi, sauf dispense exceptionnelle, d’une formation probatoire avant la nomination des candidats recrutés pour l’exercice temporaire des fonctions de magistrat

Cet article vise à préciser les modalités selon lesquelles les candidats recrutés pour exercer à titre temporaire les fonctions de magistrat verront leur nomination subordonnée au succès de la formation qu’ils doivent accomplir. Celle-ci, qui comporte d’ores et déjà un stage en juridiction, prendra donc, comme pour les autres catégories de magistrats, un caractère probatoire, ce qui permettra d’éviter le recrutement de magistrats n’ayant pas démontré en pratique leur capacité à assumer leurs fonctions.

Le chapitre V quater de l’ordonnance du 22 décembre 1958 (comprenant les articles 41-10 à 41-16) regroupe les dispositions relatives au recrutement, à la discipline et à la cessation des fonctions des magistrats exerçant ces dernières à titre temporaire. Ces personnes, affectées à des postes de juge d’instance ou d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, doivent disposer d’une expérience professionnelle d’au moins 7 ans dans le domaine juridique et sont choisies en raison de leur compétence et de leur expérience qui les « qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions ».

Il convient de rappeler que cette voie d’accès à la magistrature reste marginale, car la commission d’avancement prévue à l’article 34 de l’ordonnance précitée n’a examiné dans ce cadre, pour la période 2004-2005, qu’une seule candidature, pour laquelle elle n’a pas rendu d’avis favorable (en revanche, deux candidatures avaient reçu un avis favorable de la commission pour la période 2003-2004). Seuls 13 magistrats exerçant leurs fonctions à titre temporaire ont été recrutés depuis 1999.

ÉVOLUTION DU RECRUTEMENT DES MAGISTRATS À TITRE TEMPORAIRE

Année

Nombre de magistrats recrutés à titre temporaire

1999

5

2000

0

2001

1

2002

1

2003

2

2004

2

2005

0

2006

2

Source : ministère de la justice, novembre 2006

Le projet de loi organique propose de donner une nouvelle rédaction à l’article 41-12 de cette ordonnance, qui concerne les conditions selon lesquelles ces magistrats sont formés et nommés. L’architecture n’en sera pas bouleversée, si ce n’est que la formation des magistrats précédera leur nomination – ce qui est logique puisque la seconde découlera du résultat de la première.

Le premier alinéa de l’article 41-12 dans sa nouvelle rédaction charge la commission d’avancement d’établir la liste des candidats admis à exercer à titre temporaire les fonctions de magistrat, parmi ceux qui sont proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel. La formulation proposée reprend en partie celle de l’actuel deuxième alinéa de l’article 41-12, qui vise toutefois la nomination des magistrats parmi les candidats proposés, alors qu’il ne serait plus question, à ce stade de la procédure, que de l’admission des candidats. Dans le cadre actuel, où les nominations ne peuvent intervenir qu’après avis conforme de la commission d’avancement, la proportion d’avis négatifs sur ces candidatures est très variable d’une année sur l’autre (0 % en 2005, 100 % en 2004, 50 % en 2003), ce qui s’explique par le très faible nombre de candidats.

Le deuxième alinéa de l’article 41-12, inspiré de l’actuel premier alinéa dudit article, précise désormais que la nomination, pour une durée de 7 ans non renouvelable, des magistrats recrutés par cette voie, n’aura lieu qu’après que les candidats admis aient suivi la formation probatoire prévue, à l’article 21-1 de la même ordonnance, pour les magistrats recrutés par la voie du concours complémentaire. L’objectif du projet de loi organique est bien, en effet, de subordonner ces nominations au succès de la formation probatoire.

Il convient par ailleurs de noter que le renvoi à l’article 21-1 de l’ordonnance dispense désormais de préciser, comme c’est actuellement le cas au troisième alinéa de l’article 41-12, que la formation est organisée par l’ENM et que le stage en juridiction est effectué dans les conditions fixées par l’article 19 de l’ordonnance.

Le troisième alinéa de l’article 41-12, dont le contenu est nouveau, vise à rendre applicables aux magistrats recrutés pour exercer, s’ils réussissent leur formation probatoire, les fonctions de magistrat à titre temporaire, les deuxième et troisième alinéas de l’article 25-3 de l’ordonnance. Compte tenu des modifications résultant de l’article 2 du projet de loi organique, les dispositions visées auront trait :

– au respect du secret professionnel et à la prestation de serment pour les candidats en formation probatoire ;

– à la possibilité pour la commission d’avancement de dispenser exceptionnellement de cette formation un candidat en raison de son expérience professionnelle particulière.

Le renvoi à ces dispositions permettra d’aligner sur ce point les différentes voies d’accès à la magistrature, en évitant les formations inutiles et en garantissant en principe le respect d’obligations déontologiques fondamentales pendant la durée de la formation probatoire – une nouvelle prestation de serment étant prévue à l’avant-dernier l’alinéa de l’article 41-12 lors de la nomination des magistrats.

Le quatrième alinéa de l’article 41-12, innovant lui aussi, prévoit la transmission à la commission d’avancement d’un rapport du directeur de l’ENM dressant le bilan de la formation probatoire suivie par le candidat. Il met ainsi en place un outil d’évaluation donnant tout son sens à la formation probatoire et, en particulier, au stage en juridiction : permettre de vérifier concrètement l’aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrats avec efficacité et dans le strict respect de l’éthique s’attachant à cette haute responsabilité.

Toutefois, par parallélisme avec la procédure d’entretien du candidat avec le jury prévue aux articles 21-1 et 25-3 de l’ordonnance, il semblerait légitime de prévoir, en complément de l’évaluation par le directeur de l’ENM, un entretien du candidat avec la commission d’avancement, permettant de confirmer ou de nuancer – voire, exceptionnellement, de réviser – l’appréciation, positive ou négative, formulée sur le candidat dans le rapport établi sur la formation probatoire.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 16).

Le cinquième alinéa de l’article 41-12 reprend le contenu de l’actuel deuxième alinéa dudit article, s’agissant, d’une part, de l’exigence d’un avis conforme de la commission d’avancement préalablement à toute nomination et, d’autre part, de la dispense de communication au CSM des projets de nomination (obligation résultant de l’article 27-1 de l’ordonnance). En revanche, il est devenu inutile de préciser que seuls les candidats proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel peuvent être nommés, puisque l’intervention de ces instances aura eu lieu en amont, au stade de l’admission des candidats.

L’avant-dernier alinéa de l’article 41-12 continue, comme actuellement, à renvoyer à l’article 6 de l’ordonnance s’agissant des conditions selon lesquelles les magistrats nommés doivent prêter serment. Cet article précise que tout magistrat doit prêter, devant la cour d’appel ou la Cour de cassation selon le cas, le serment suivant, avant d’entrer en fonction et sans pouvoir en être relever par la suite : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».

Toutefois, ce serment n’interviendra plus avant la formation des magistrats nommés pour exercer leurs fonctions à titre temporaire, mais « lors de leur installation », c’est-à-dire dans la foulée de leur nomination, après qu’ils auront suivi la formation probatoire et obtenu l’avis conforme de la commission d’avancement.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 41-12, qui renvoie à un décret en Conseil d’État l’essentiel des conditions d’application de cet article, ne sera pas modifié, à l’exception de deux coordinations ponctuelles – visant à faire référence à la « formation » plutôt qu’au « stage » suivi par les futurs magistrats, lesquels ont donc, avant leur nomination, le statut de « candidats » plutôt que de « stagiaires ». Il n’en demeure pas moins que les dispositions des articles 35-1 à 35-4 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance du 22 décembre 1958 devront être adaptées ponctuellement, par coordination avec les modifications proposées à cet article.

La Commission a adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article 4

(art. 41-19 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Généralisation de la formation probatoire pour les juges de proximité

Cet article vise à modifier ponctuellement l’article 41-19 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, afin d’étendre la nouvelle obligation de suivi d’une formation probatoire aux candidats à une nomination comme juge de proximité en application de l’article 41-17 de la même ordonnance.

En vertu des dispositions du chapitre V quinquies de cette ordonnance, telles qu’elles résultent de la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité, peuvent être nommés juges de proximité dans les juridictions judiciaires de première instance, pour une durée de 7 ans non renouvelable, les citoyens français satisfaisant aux conditions habituelles de bonne moralité, de jouissance des droits civiques, de situation militaire régulière, ainsi que d’aptitude physique et médicale, qui remplissent également l’une des conditions suivantes :

– avoir été juge administratif ou judiciaire ;

– être âgées d’au moins 35 ans et avoir travaillé au moins quatre ans dans le domaine juridique, soit en acquérant de ce fait une compétence et une expérience les qualifiant pour la magistrature judiciaire, tout en disposant de l’un des diplômes requis pour devenir auditeur de justice, soit en ayant exercé une profession libérale réglementée ;

– avoir exercé pendant au moins 25 ans des fonctions « de direction ou d’encadrement dans le domaine juridique » ;

– avoir exercé comme fonctionnaire de catégorie A ou B dans les services judiciaires en ayant acquis une expérience les qualifiant pour la magistrature judiciaire ;

– avoir exercé pendant au moins cinq ans les fonctions de conciliateur de justice.

Il convient de rappeler que ces magistrats, qui exercent leurs fonctions à temps partiel – et sont donc autorisés à « exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires » (article 41-22) (43), ce qui est le cas pour 41,7 % d’entre eux –, ne peuvent être membres ni du CSM, ni de la commission d’avancement, et qu’il peut être mis fin à leurs fonctions à titre de sanction disciplinaire.

Au 15 octobre 2006, le nombre de juges de proximité en fonction s’élevait à 585 – les besoins réels des juridictions sont estimés à 1 000 juges de proximité (contre 3 300 selon les évaluations initiales du ministère de la Justice). Le recrutement a tendance à diminuer : le nombre de candidats retenus est passé de 339 en 2004 à 197 en 2005 et, au 31 octobre 2006, seules 68 personnes avaient fait l’objet d’un décret de nomination.

Ce dispositif connaît un important développement, puisque le nombre d’affaires nouvelles soumises aux juridictions de proximité est passé de 18 518 en 2004 à 77 550 en 2005. Ces juridictions sont compétentes pour la plupart des contraventions des quatre premières classes, tandis que celles de la cinquième classe relèvent du tribunal de police.

Il existe une sur-représentation des professions libérales, juridiques ou judiciaires, ainsi que des anciens magistrats de l’ordre judiciaire parmi les juges de proximité, qui sont âgés en moyenne de 55,7 ans. Ces magistrats sont recrutés selon une procédure très sélective, puisque seul un candidat sur six est finalement nommé juge de proximité.

Après avoir suivi une semaine de formation théorique à l’ENM, les futurs juges de proximité effectuent un stage en juridiction, d’une durée de 16 jours – ou de 24 jours si celui-ci revêt un caractère probatoire. La proportion de candidats auxquels le Conseil national de la magistrature (CSM) demande de se soumettre à un stage probatoire n’a cessé de croître au fil du temps – ces candidats sont majoritaires depuis la fin de l’année 2004.

PROPORTION DE CANDIDATS AUX FONCTION DE JUGE DE PROXIMITÉ
SOUMIS À UN STAGE PROBATOIRE

Date de la réunion du CSM

Nombre de candidats soumis à un stage probatoire

Proportion des candidats soumis à un stage probatoire

22 juillet 2003

13

38,2 %

17 décembre 2003

62

37,8 %

3 mars 2004

65

41,7 %

3 juin 2004

79

45,1 %

3 novembre 2004

98

62,4 %

26 janvier 2005

111

68,9 %

20 juillet 2005

39

61,9 %

24 novembre 2005

40

72,7 %

Source : Ministère de la Justice, novembre 2006

Le stage probatoire permet un « filtrage » utile pour cette voie d’accès à la magistrature, puisque le CSM rend un avis défavorable sur environ 30 % des candidats qui y sont soumis.

Le de cet article prévoit de modifier le troisième alinéa de l’article 41-19 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, afin que l’ensemble des candidats à ces fonctions doivent suivre, avant que le CSM ne se prononce sur leur nomination, une formation probatoire comparable à celle à laquelle précédemment évoquée pour les autres catégories de magistrats de l’ordre judiciaire. Il s’agit, pour les juges de proximité comme pour les autres catégories de magistrats, d’écarter les candidats qui n’ont pas démontré en pratique, notamment pendant le stage en juridiction, leur capacité à exercer de telles responsabilités et, ce faisant, de prévenir certains dysfonctionnements judiciaires dus à des comportements individuels inadaptés.

Le quatrième alinéa de l’article 41-19, qui ne sera pas modifié, prévoit que ce stage probatoire donne lieu à un rapport transmis par le directeur de l’ENM à la « formation compétente du CSM », ainsi qu’au ministre de la justice. Il est donc possible d’établir un parallèle entre cette procédure d’évaluation et celles existant pour d’autres catégories de magistrats, même si l’autorité destinataire du rapport dressant le bilan de la formation probatoire diffère (44).

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 17).

Le de cet article tempère toutefois la nouvelle obligation de formation probatoire en l’assortissant d’une exception, semblable à celle prévue pour les candidats à l’intégration directe dans le corps judiciaire ou à l’exercice temporaire des fonctions de magistrat : « l’expérience professionnelle du candidat » pourra, exceptionnellement, ouvrir le droit à une dispense. Cette dernière pourra être accordée non par la commission d’avancement, mais par la formation compétente du CSM, ce qui semble logique puisqu’elle est chargée de rendre un avis sur le projet de nomination des intéressés.

Tout en soulignant à nouveau qu’il conviendra de n’user qu’avec parcimonie de telles dérogations, votre rapporteur note que les juges de proximité ayant été dispensés de formation probatoire auront toutefois été contraints, en vertu de l’actuel sixième alinéa de l’article 41-19, de suivre une formation de même nature organisée par l’ENM – l’absence de caractère probatoire constituant donc ici la seule différence.

La Commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Après l’article 4

M. Michel Vaxès a présenté un amendement ayant pour objet de prévoir, parmi les épreuves d’admissibilité à l’École Nationale de la Magistrature, une épreuve portant sur la criminologie, en précisant que cet amendement permettrait de s’assurer que les candidats n’ont pas reçu uniquement une formation juridique mais également une formation en sciences humaines.

Après avoir reconnu l’intention louable de l’amendement, le rapporteur s’y est déclaré opposé, en soulignant que la disposition proposée était de nature réglementaire, qu’elle devrait logiquement conduire à énumérer dans la loi l’ensemble des matières des épreuves de ces concours, et que la criminologie pourrait difficilement faire l’objet d’une épreuve obligatoire car le contenu même de cette matière ne fait pas l’objet d’un consensus universitaire. Le rapporteur a toutefois invité M. Michel Vaxès à présenter à nouveau son amendement en séance publique, afin que la question du programme des concours d’entrée à l’ENM puisse y être évoquée.

Mme Anne-Marie Comparini a rappelé que la dimension sociale et humaine était essentielle dans la formation des magistrats. Elle a estimé que les dysfonctionnements relatifs au recueil de la parole de l’enfant avaient joué un rôle majeur dans l’affaire d’Outreau, et elle a par conséquent regretté que le projet de loi sur la formation des magistrats n’aborde pas cette question.

La Commission a alors rejeté l’amendement de M. Michel Vaxès.

Chapitre II

Dispositions relatives à la discipline

Articles additionnels avant l’article 5

(art.  6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Serment des magistrats

Le rapporteur a présenté un amendement proposant une nouvelle rédaction du serment des magistrats. Rappelant que le serment est le texte à partir duquel les règles de déontologie sont déclinées par le CSM, il a appelé l’attention des commissaires sur le caractère tout à la fois général et lacunaire de son actuelle rédaction, puisque plusieurs obligations déontologiques prévues par le statut de la magistrature n’y figurent pas, telles que le devoir d’impartialité ou le devoir de réserve, et qu’il n’est fait aucune référence précise à l’obligation de respecter les droits des parties et donc aux règles de procédure qui garantissent ces droits. Il a indiqué que la rédaction proposée reprenait celle de l’avant-projet de loi préparé par Mme Élisabeth Guigou lorsqu’elle était garde des Sceaux, en 1999, ainsi que les propositions formulées en 2005 par la « commission Cabannes » sur l’éthique de la magistrature. Après avoir rappelé que la mention de la diligence avait soulevé des critiques, il a précisé qu’était seule concernée la diligence personnelle du magistrat, qui ne saurait être mis en cause lorsque le retard d’une procédure est dû à une insuffisance de moyens.

Après avoir estimé que la mention de la diligence dans le serment était importante, M. Alain Marsaud a souhaité savoir dans quelle mesure le devoir de réserve devrait s’appliquer aux magistrats syndicalistes, qui n’hésitent pas à faire preuve d’une grande liberté de ton et de propos.

M. Georges Fenech a regretté que l’amendement proposé par le rapporteur ne fasse pas figurer dans le serment la notion de dignité humaine, dont la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau avait pourtant permis de révéler toute l’importance. Il a par conséquent proposé que le serment mentionne le respect non seulement des droits, mais également de la dignité humaine de toutes les parties.

M. André Vallini a exprimé ses réticences à l’égard de cette proposition en soulignant son imperfection rédactionnelle, puisqu’il ne saurait être question du respect de la dignité humaine d’une partie qui est une personne morale. Il a par ailleurs souhaité avoir confirmation du fait que les syndicalistes seraient bien exemptés du devoir de réserve mentionné dans le serment.

M. Michel Hunault a exprimé ses réserves à l’égard de l’amendement du rapporteur, et son opposition à la mention de la diligence et du devoir de réserve. Il a souhaité connaître la position des magistrats sur la rédaction proposée. Il s’est enfin interrogé sur l’opportunité d’une modification du serment des magistrats.

En réponse aux questions sur l’application du devoir de réserve aux syndicalistes, le rapporteur a d’abord rappelé qu’un syndicat de magistrats n’est pas, en tant que tel, justiciable du serment individuel. Il a cependant rappelé que l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature interdit déjà aux magistrats « toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du Gouvernement de la République […] de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions [et] toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ».

Concernant la proposition de M. Georges Fenech, il s’est demandé si la mention du respect des droits de la défense n’inclut pas déjà le respect de la dignité humaine.

En réponse à M. Michel Hunault, il a d’abord rappelé que le serment est la pierre angulaire du régime disciplinaire des magistrats et qu’une modification du texte de ce serment, qui figure dans le statut de la magistrature, relève bien des compétences du législateur organique et entre dans l’objet du projet de loi, celui-ci comprenant un volet disciplinaire. Il a ensuite souligné qu’il a reçu les représentants des magistrats et que le texte de l’amendement reprend les propositions formulées par la « commission Cabannes » qui ont fait l’objet d’une large concertation.

M. Michel Hunault a alors réitéré ses réticences concernant les notions de diligence et de devoir de réserve, et il a estimé souhaitable de faire l’économie de mises en causes inutiles des magistrats.

M. Michel Piron s’est déclaré favorable à ce que le respect de la dignité humaine constitue un devoir du magistrat. Il s’est toutefois demandé si l’obligation de loyauté du magistrat n’impliquait pas déjà une obligation de dignité.

M. Xavier de Roux a, en revanche, approuvé la proposition de M. Georges Fenech.

Après avoir estimé que la dignité de la personne humaine était inhérente à la notion de justice, M. Georges Fenech a proposé que les magistrats s’engagent à être « normalement diligents » pour éviter que les juges ne soient mis en cause quand le manque de diligence résulte de contraintes matérielles.

En réponse à ces interventions, le rapporteur a distingué la dignité que le magistrat doit observer personnellement, qui figure déjà dans le serment, et l’obligation de respecter la dignité humaine des parties.

Après que le rapporteur se fut engagé à étudier, avant l’examen du texte en séance publique, la possibilité d’inclure le respect de la dignité humaine dans le serment, la Commission a adopté l’amendement (amendement n° 18).

(art.  43 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Définition de la faute disciplinaire

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur définissant la faute disciplinaire du magistrat comme la violation des devoirs nés du serment (amendement n° 19).

Article 5

(art. 45 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Interdiction de l’exercice des fonctions de juge unique

Cet article donne à l’autorité disciplinaire la possibilité d’interdire à un magistrat d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique. Il complète ainsi l’échelle des sanctions disciplinaires, en instaurant une nouvelle peine.

L’article 45 de l’ordonnance statutaire fixe actuellement une échelle de sanctions croissantes qui en comprend huit depuis la loi organique du 25 juin 2001 :

– la réprimande avec inscription au dossier ;

– le déplacement d’office ;

– le retrait de certaines fonctions ;

– l’abaissement d’échelon ;

– l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d’un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;

– la rétrogradation ;

– la mise à la retraite d’office ou l’admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n’a pas le droit à une pension de retraite ;

– la révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

Ces sanctions sont proches de celles applicables aux fonctionnaires de l’État, prévues à l’article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Appliquées à des magistrats dont l’indépendance est garantie par la Constitution, elles ont cependant une portée différente. En particulier, le déplacement d’office est une atteinte portée à l’inamovibilité des magistrats du siège.

L’interdiction d’être désigné ou nommé dans des fonctions de juge unique que le projet de loi propose d’introduire constituera une sanction spécifique à la magistrature. Dans l’échelle des peines prévues par l’article 45, elle se situera à un niveau intermédiaire entre le retrait de certaines fonctions et l’abaissement d’échelon.

L’effet de cette nouvelle sanction est double :

– elle s’opposera à ce que le magistrat sanctionné soit nommé dans un tribunal statuant à juge unique (tribunal d’instance, tribunal pour enfants) ou dans des fonctions exercées à juge unique (instruction et application des peines) ;

– elle s’opposera également à ce que le magistrat sanctionné soit désigné par le président du tribunal de grande instance pour exercer les compétences que ce tribunal exerce à juge unique. En effet, si le tribunal de grande instance statue en principe en formation collégiale, il connaît à juge unique un certain nombre de litiges, énumérés aux articles L. 311-10-1 à L. 331-12 du code de l’organisation judiciaire. En outre, l’article L. 311-10 du même code donne la possibilité au président du tribunal de grande instance de décider qu’une affaire sera jugée à juge unique.

Ainsi, lorsque le Conseil supérieur de la magistrature prononcera à l’égard d’un magistrat une interdiction d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique, il appartiendra au chef de la juridiction concernée d’en tirer toutes les conséquences, notamment en modifiant son ordonnance de roulement qui répartit les magistrats du siège dans les différents services de la juridiction.

Le rapport de la Commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau a démontré la part jouée par l’exercice des fonctions de juge unique dans les dysfonctionnements de la justice, tant au stade de l’instruction qu’au niveau de l’application des peines.

À la solitude fonctionnelle du juge s’ajoute souvent son inexpérience. Les tableaux ci-dessous retracent l’évolution du nombre d’auditeurs directement affectés dans les fonctions de juge unique à la sortie de l’École nationale de la magistrature, ainsi que la proportion des magistrats exerçant ces fonctions dès leur première affectation. On constate que, certaines années, plus de la moitié des auditeurs ont été nommés dans des postes de juge unique. Au 1er septembre 2006, la moitié des postes de juge de l’application des peines était occupée par des magistrats directement sortis de l’École. Pour les juges d’instruction et les juges des enfants, la proportion atteignait respectivement 35,3 et 36,4 %. En conséquence, les magistrats exerçant des fonctions de juge unique sont relativement jeunes : leur moyenne d’âge se situe, selon la fonction exercée, entre 32 ans et 4 mois et 35 ans.

ÉVOLUTION DES NOMINATIONS DES AUDITEURS DE JUSTICE
DANS DES FONCTIONS DE JUGE UNIQUE

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Nombre d’auditeurs nommés

155

114

106

147

154

161

196

200

224

266

268

275

Juge d’instance

40

14

21

23

32

34

34

31

24

33

18

21

Juge d’instruction

18

15

9

24

14

22

23

25

25

18

36

13

Juge des enfants

16

12

10

13

22

21

14

17

23

13

26

23

Juge de l’application des peines

8

5

4

13

7

8

8

14

13

27

15

35

% d’auditeurs nommés dans une fonction de juge unique

52,9

40,3

41,5

49,6

48,7

52,8

40,3

43,5

37,9

38

35,4

33,4

Source : ministère de la justice.

PROFIL DES MAGISTRATS OCCUPANT DES FONCTIONS DE JUGE UNIQUE
AU 1ER SEPTEMBRE 2006

FONCTION

PROPORTION DE PREMIER POSTE

MOYENNE D’ÂGE

DURÉE MOYENNE DE L’AFFECTATION

Juge des enfants

36,40 %

35 ans

2 ans 10 mois

Juge d’instance

21,91 %

38 ans 9 mois

4 ans 1 mois

Juge d’instruction

35,33 %

35 ans 9 mois

2 ans 1 mois

Juge de l’application des peines

50,00 %

32 ans 4 mois

2 ans 2 mois

Source : ministère de la justice.

L’instauration d’une interdiction d’être désigné ou nommé dans des fonctions de juge unique est, sur le terrain de la responsabilité disciplinaire des magistrats, le corollaire du renforcement de la collégialité que le Gouvernement propose d’introduire par le projet de loi modifiant la procédure pénale. Elle permettra de soumettre à la collégialité les magistrats qui se sont montrés inaptes aux fonctions de juge unique. Comme pour l’exclusion temporaire de fonctions, il appartiendra à l’autorité disciplinaire de fixer la durée de la sanction qui ne pourra cependant pas excéder cinq ans.

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 6

(art. 46 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Possibilité d’assortir une sanction disciplinaire d’un déplacement d’office et interdiction de l’honorariat pour les magistrats mis à la retraite d’office

L’article 46 de l’ordonnance statutaire interdit d’aggraver les peines disciplinaires en cumulant plusieurs sanctions pour une même faute : à une faute disciplinaire doit correspondre une seule sanction. L’instance disciplinaire est cependant autorisée à passer outre cette interdiction en utilisant le déplacement d’office qui, de manière dérogatoire, peut être assorti à un retrait de fonctions, à un abaissement d’échelon ou à une rétrogradation.

Le projet de loi élargit cette possibilité d’aggraver une sanction : il autorise l’instance disciplinaire à assortir d’un déplacement d’office une interdiction d’exercer les fonctions de juge unique ou une exclusion temporaire de fonctions. Ainsi, un magistrat qui se verra interdire une fonction de juge unique ou exclu temporairement de certaines de ses fonctions pourra également être déplacé d’office.

Par ailleurs, la mise à la retraite d’office sera obligatoirement assortie d’une interdiction de se prévaloir de l’honorariat. Actuellement, en application de l’article 77 de l’ordonnance statutaire, un magistrat mis d’office à la retraite est traité de la même manière qu’un magistrat qui demande à faire valoir ses droits à pension : l’honorariat ne peut lui être refusé que sur décision motivée de l’autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Désormais, en cas de mise à la retraite d’office, la privation de l’honorariat sera automatique. La gravité que présente une telle sanction justifie en effet pleinement de se dispenser d’un examen par le Conseil supérieur de la magistrature.

La Commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur (amendements n°s 20 à 22), puis l’article 6 ainsi modifié.

Après l’article 6

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Michel Vaxès soumettant l’exercice de l’action récursoire à un avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), conformément à la Charte européenne sur le statut des juges. Le rapporteur a jugé le droit en vigueur plus satisfaisant, puisque la décision est prise par une chambre civile de la Cour de cassation. Subordonner sa décision à un avis du CSM, qui n’est pas une juridiction de jugement mais un organe disciplinaire, porterait atteinte à l’indépendance de cette juridiction. M. Jacques Floch ayant déclaré que la Charte européenne sur le statut des juges est un document écrit par des juges à la suite d’un colloque européen, et non un document officiel signé par des États, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement du même auteur prévoyant le plafonnement des sommes recouvrées dans le cadre de l’action récursoire, afin d’éviter de réclamer à un juge des sommes qu’il ne peut pas verser. Le rapporteur a expliqué que cette idée lui avait paru intéressante dans un premier temps, mais qu’il était peu justifié de prévoir un plafonnement pour les seuls magistrats alors que l’action récursoire existe pour tous les fonctionnaires. En conséquence, la Commission a rejeté cet amendement.

Articles additionnels après l’article 6

(art. 48-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Transmission aux chefs de cour des décisions définitives condamnant l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur prévoyant la transmission aux chefs de cour concernés des décisions condamnant l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice. Son auteur a expliqué que cette transmission crée une passerelle entre responsabilité civile et responsabilité disciplinaire, en permettant aux chefs de cour de donner des suites disciplinaires aux condamnations de l’État lorsque le mauvais fonctionnement de la justice est lié à un manquement aux obligations professionnelles des magistrats.

M. Georges Fenech a remarqué, d’une part, qu’il n’est pas nécessaire de préciser que des poursuites disciplinaires peuvent être engagées, puisque le droit en vigueur le prévoit déjà et, d’autre part, qu’il est difficile d’identifier les chefs de cour concernés, car les juges ayant travaillé sur l’affaire en question auront probablement été mutés au moment de la condamnation de l’État. Il a demandé si cela implique que le garde des Sceaux identifie les magistrats dont la responsabilité peut être engagée.

Le rapporteur a précisé que les chefs de cour concernés sont ceux dont, au moment de la transmission de la décision, dépendent les magistrats mis en cause. Ainsi, la décision sera portée à la connaissance des diverses autorités qui peuvent engager des poursuites disciplinaires, c’est-à-dire le garde des Sceaux et les chefs de cour.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 23).

(art. 48-2 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Examen des réclamations des justiciables par le Médiateur de la République

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur et de M. Xavier de Roux proposant d’introduire dans la loi organique la procédure d’examen des plaintes des justiciables par le Médiateur de la République, prévue par le projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur.

M. Xavier de Roux a expliqué que l’insertion de cette procédure dans le statut de la magistrature permettra de prévoir de manière précise les modalités d’instruction des réclamations. Le Médiateur pourra ainsi recueillir toutes informations utiles auprès des chefs de cour, puis transmettre la plainte au ministre de la justice. Celui-ci sera obligé de saisir les services compétents, c’est-à-dire l’inspection générale des services judiciaires ou la direction des services judiciaires, qui instruira le dossier. Ensuite, le ministre informera le Médiateur des résultats de l’enquête et des suites qui lui sont réservées, et devra rendre une décision motivée s’il n’engage pas de poursuites. Ce système permettra un véritable examen des plaintes grâce à leur instruction par le Médiateur, puis par les services du ministère de la justice.

En réponse à M. Guy Geoffroy, président, qui a estimé que la saisine du Médiateur par un parlementaire implique qu’un élu politique examine si la plainte est fondée, M. Xavier de Roux a rappelé qu’il en est de même pour toutes les autres plaintes transmises au Médiateur.

M. André Vallini a jugé la procédure proposée trop compliquée et trop éloignée des propositions de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, qui préconisait une saisine directe du CSM par le Médiateur. Il a estimé que le filtre du garde des Sceaux, qui pourra seul saisir le CSM, ne permettra pas la mise en œuvre d’une véritable réforme et a proposé la création d’une sorte de « chambre des requêtes » au sein du CSM, chargée d’examiner ces plaintes.

M. Alain Marsaud a jugé la modification du rôle du Médiateur de la République considérable, car le projet du Gouvernement lie son intervention aux cas de fonctionnement défectueux du service public de la justice, alors que l’amendement instaure un dispositif de mise en œuvre de la procédure disciplinaire. Il a également souhaité que le Médiateur puisse saisir directement le CSM.

M. Patrick Delnatte a rappelé le risque de confusions entre les voies de recours normales et la plainte visant un dysfonctionnement du service de la justice. Il a demandé si le Médiateur de la République disposait déjà de la possibilité de saisir des instances disciplinaires dans d’autres domaines.

M. Xavier de Roux a répondu que l’intervention du Médiateur constitue un dispositif satisfaisant pour le justiciable, qui tient surtout à ce que sa plainte soit instruite, sans nécessiter une réforme de la saisine du CSM. Le dispositif proposé donne plus de pouvoirs au Médiateur que ne le prévoyait le projet du Gouvernement. Ainsi, la possibilité pour le Médiateur de s’adresser directement aux chefs de cour, qui peuvent saisir le CSM, ainsi que l’obligation faite au garde des Sceaux de faire examiner la plainte par ses services et de motiver son refus d’engager des poursuites disciplinaires permettront au justiciable d’obtenir des réponses.

M. Xavier de Roux a en outre précisé que, en application de la loi du 3 janvier 1973, le Médiateur peut saisir tous les organes de contrôle de l’État et se substituer aux instances disciplinaires défaillantes, mais qu’il lui est interdit d’intervenir dans une procédure judiciaire.

Le rapporteur a expliqué qu’une saisine du CSM par le Médiateur de la République risquerait de porter atteinte à l’indépendance de la magistrature. On pourrait imaginer d’instaurer une chambre des requêtes sur le modèle de la Commission des requêtes placée auprès de la Cour de justice de la République. Mais, une chambre des requêtes rattachée au CSM ou au Médiateur de la République, qui ne sont pas des juridictions, ne pourrait pas disposer de pouvoirs d’investigation. C’est pourquoi le projet de loi propose que le Médiateur de la République saisisse le garde des Sceaux, qui donnera à cette saisine les suites qu’il souhaite. L’amendement va plus loin en contraignant le garde des Sceaux à diligenter une enquête et à en communiquer les résultats au Médiateur. Il ne l’oblige cependant pas à engager des poursuites, ce qui donnerait au Médiateur de la République un pouvoir d’injonction au ministre, mais prévoit, en contrepartie, que le Médiateur pourra établir un rapport spécial publié au Journal Officiel.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 24).

(art. 20 de l’ordonnance n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature)

Élaboration par le Conseil supérieur de la magistrature d’un recueil des obligations déontologiques des magistrats

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur confiant au Conseil supérieur de la magistrature le soin d’élaborer un recueil des obligations déontologiques des magistrats, recueil qui devra présenter les principes directeurs en la matière, issus tant du serment des magistrats que de la jurisprudence du CSM, instance disciplinaire. L’élaboration de ce document permettra de porter ces principes à la connaissance de tous les justiciables et de leurs avocats, mais aussi des magistrats eux-mêmes, dont les comportements devront être guidés par ces principes.

Le rapporteur a expliqué que l’élaboration d’un tel recueil constitue à ses yeux une première étape. Elle ne fera pas obstacle à ce que le législateur se saisisse, à l’avenir, de l’élaboration d’un véritable code de déontologie, partie intégrante du statut des magistrats.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 25).

Rapport annuel au Parlement sur les actions en responsabilité engagées contre l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement prévoyant la remise annuelle au Parlement d’un rapport faisant état des actions en responsabilité engagées contre l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice, des décisions de condamnation définitives de l’État et des suites réservées à ces décisions. Ce rapport permettra notamment au Parlement de savoir si des poursuites ont été engagées contre les magistrats concernés. Cet amendement, moins anodin qu’il pourrait sembler de prime abord, apportera un éclairage utile sur la mise en oeuvre de la responsabilité civile et disciplinaire des magistrats.

À la demande de MM. André Vallini et Georges Fenech, le rapporteur a rectifié son amendement afin de préciser que le rapport, déposé avant le 30 juin de chaque année, portera sur l’année civile écoulée.

La Commission a adopté cet amendement ainsi rectifié (amendement n° 26).

Chapitre III

Dispositions diverses et transitoires

Le troisième chapitre du projet de loi organique regroupe des dispositions ayant trait aux règles de gestion de la carrière des magistrats et aux conditions d’entrée en vigueur de cette loi, ainsi qu’une disposition de simple coordination. Certes, l’adaptation des parcours professionnels aux besoins de la magistrature apparaît ici assez limitée au regard de la diversité des propositions formulées à ce sujet par les instances déjà citées. Les aménagements proposés devraient toutefois répondre aux attentes de certaines catégories de magistrats en matière de mobilité, tout en dégageant, dans le respect de l’indépendance de justice, de nouvelles solutions pour prévenir les dysfonctionnements judiciaires imputables au mauvais état de santé d’un magistrat.

Avant l’article 7

La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Vaxès disposant que les nominations en Conseil des ministres aux emplois de procureurs généraux doivent être soumises à un avis préalable du CSM.

Article additionnel avant l’article 7

(art. 13-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Coordination

La Commission a adopté un amendement présenté par le rapporteur (amendement n° 27) opérant un « toilettage » du texte de l’ordonnance du 22 décembre 1958 en substituant, s’agissant de l’outre-mer, le terme de « collectivités » à celui de « territoires », pour tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Article 7

(art. 38-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Garanties d’affectation applicables aux procureurs généraux de cour d’appel

Cet article vise à compléter l’article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 pour compléter les règles de mobilité applicables aux procureurs généraux de cours d’appel.

L’article 38-1 limite actuellement à sept années maximum la durée des fonctions qu’ils peuvent exercer auprès d’une même cour d’appel. Cette règle permet d’assurer la diversité des parcours professionnels au sein du parquet et d’éviter qu’un enracinement local trop durable n’amène progressivement un magistrat à perdre la juste distance nécessaire à l’exercice impartial de ses fonctions. Selon les informations communiquées par le ministère de la Justice, le 10 novembre 2006, l’ancienneté moyenne dans une même cour d’appel des 35 procureurs généraux concernés s’élevait à 4 années et 4 mois.

Le bon fonctionnement de l’institution judiciaire suppose non pas des changements d’affectation trop fréquents au sein de la magistrature – la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau a souligné les graves dangers du manque d’expérience de jeunes magistrats exerçant leurs fonctions de manière solitaire –, mais une périodicité raisonnable dans la mobilité. À cet égard, le plafond de sept années demeure pertinent.

Le projet de loi organique propose, à la suite des réflexions menées par le ministère de la Justice depuis 2001 en lien avec la conférence des procureurs généraux, de préciser la portée de la règle posée par l’actuel article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Ainsi, il devrait dorénavant être proposé aux intéressés, à l’issue de la période de sept années – ou s’ils ont été, dans un délai plus court, déchargés de leurs fonctions, le cas échéant à leur demande – une affectation de droit au parquet de la Cour de cassation, à moins qu’ils aient été nommés dans une autre affectation (par exemple comme procureur général près une autre cour d’appel).

Ce nouveau dispositif est inspiré de celui mis en place au profit des premiers présidents de cour d’appel par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : depuis cette date, aux termes de l’article 37 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, ces magistrats peuvent être nommés de droit comme inspecteur général adjoint des services judiciaires ou comme magistrat hors hiérarchie du siège de la Cour de cassation, s’ils ont passé sept années au sein d’une même cour d’appel et n’ont pas reçu de nouvelle affectation.

Il convient de rappeler que les modalités de nomination de ces deux catégories de magistrats diffèrent sensiblement, puisque les procureurs généraux sont sommés par le Président de la République en Conseil des ministres, sans avis du CSM, alors que les premiers présidents de cour d’appel et magistrats du siège à la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur proposition de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège, en vertu de l’article 65 de la Constitution. Toutefois, dans les deux cas, l’accès à la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire est, pour les magistrats du siège comme pour ceux du parquet, une perspective professionnelle engageante.

Sur le plan pratique, la limitation des effectifs de la Cour de cassation (45) ne serait pas opposable à la nomination des procureurs généraux, qui pourrait donc être prononcée en surnombre, dans l’attente de la vacance d’un poste adéquat. La rédaction proposée par le projet de loi organique est ici similaire à celle retenue pour les premiers présidents de cour d’appel au troisième alinéa de l’article 37 de l’ordonnance du 22 décembre 1958.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier apportant une précision rédactionnelle (amendement n° 28) et le second assurant une coordination rédactionnelle avec les articles 28-1 à 28-3 et 38-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 (amendement n° 29).

Puis, elle a adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article 8

(art. 69 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Suspension d’un magistrat en raison de son état de santé

Cet article, en rétablissant au sein de l’ordonnance du 22 décembre 1958 un article 69, précise les modalités selon lesquelles il deviendrait possible de suspendre provisoirement un magistrat ne semblant plus capable d’exercer correctement ses fonctions du fait de son état de santé. Il s’agit donc avant tout d’un dispositif préventif : plus encore que la jeunesse et le manque d’expérience, la santé très dégradée d’un magistrat peut conduire à des manquements déontologiques ou à des décisions judiciaires erratiques. Comment un magistrat souffrant, par exemple, de toxicomanie ou de graves troubles de la mémoire pourrait-il sérieusement diriger et organiser l’instruction d’une affaire complexe ?

Or, la saisine du comité médical constituant une procédure longue, aucune solution ne permet actuellement de suspendre un magistrat dont l’état de santé défaillant compromet gravement le fonctionnement du service, sans pour autant s’accompagner de comportements entrant dans le champ disciplinaire. Par ailleurs, lorsque de tels comportements existent, mais qu’ils sont à l’évidence liés à l’état de santé du magistrat, l’interdiction temporaire d’exercice des fonctions, prononcée par l’instance disciplinaire comme ce fut le cas pour deux magistrats en 2005 et 2006, ne constitue pas non plus une solution réellement appropriée (46).

Bien que de telles situations restent relativement rares – leur nombre peut être évalué à environ 3 par an selon le ministère de la Justice –, elles sont d’autant plus gênantes que les prérogatives du magistrat sont importantes. En outre, la gravité du dysfonctionnement ne peut être amoindrie par un changement de fonctions de l’intéressé, car aucun poste ne permet de cantonner un magistrat dans des tâches sans responsabilité ni contact avec l’extérieur, dans des conditions qui seraient sans risque pour les justiciables et le fonctionnement du service public de la justice.

Le premier alinéa de ce nouvel article fixe le point de départ de la procédure de suspension pour raison sanitaire.

Il fait obligation au ministre de la justice, averti de l’état de santé problématique d’un magistrat, de saisir le comité médical compétent (47), afin que celui-ci octroie éventuellement un congé de maladie à l’intéressé. Si ce congé est accordé, le magistrat doit cesser d’exercer ses fonctions et ne pourra reprendre son activité qu’après un nouvel avis du comité médical (48) – le congé pourra donc être prolongé même si le magistrat souhaite exercer à nouveau ses fonctions judiciaires.

Il convient de s’interroger dès cette première étape sur l’origine et la nature de l’information relative à l’état de santé du magistrat.

L’origine d’abord : il est probable que le ministre soit informé par voie hiérarchique des difficultés causées dans une juridiction par le comportement d’un magistrat (absences récurrentes, sautes d’humeur incessantes ou propos incohérents entravant l’accomplissement du travail habituellement effectué par un magistrat). Selon les informations communiquées à votre rapporteur par le ministère de la Justice, les chefs de cour pourraient aussi, par exemple, disposer d’éléments tels que des bulletins d’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers, des conclusions du médecin de prévention, ou encore la connaissance d’un contexte médical préexistant. Les informations à caractère directement médical étant couvertes par le secret professionnel, l’origine de l’information devrait également provenir de perturbations visibles des activités professionnelles, pouvant vraisemblablement s’expliquer par un état de santé défaillant.

La nature de l’information ensuite : l’état de santé du magistrat doit être « incompatible avec l’exercice de ses fonctions ». Cela suppose l’existence d’un blocage professionnel manifeste, ce qui ne concerne évidemment pas toutes les situations où un magistrat est confronté à des handicaps ou à des difficultés médicales sérieuses (par exemple la paralysie ou l’amputation d’un membre, la séropositivité au virus du sida ou le traitement contraignant d’un diabète). Comme le remarquait une responsable syndicale entendue par votre rapporteur, cette disposition ne devrait pas, par exemple, conduire à la suspension d’un magistrat traité par chimiothérapie pour un cancer, dès lors que cette maladie ne l’empêche pas d’exercer ses fonctions – à cet égard, la rédaction du projet de loi semble dépourvue d’ambiguïté.

On remarquera enfin que la portée de cette première mesure prise par le ministre de la justice est incertaine : le comité médical peut ne pas juger nécessaire d’accorder un congé de maladie ou accorder un congé de courte durée, et surtout se prononcer très tardivement. En pratique, les délais d’examen des dossiers par les comités médicaux départementaux, qui se réunissent une fois par mois, sont rarement inférieurs à 2 mois et peuvent parfois excéder 6 mois (49).

Aussi cette première obligation du ministre est-elle complétée par une faculté, valable tant que le comité médical ne s’est pas prononcé : celle de suspendre immédiatement le magistrat concerné. Afin d’éviter toute mesure arbitraire et de tenir compte des garanties constitutionnelles dont bénéficient les magistrats, il est toutefois prévu que cette suspension ne pourra intervenir que si la formation compétente du CSM l’a approuvé. Les conditions d’information de cette instance sont donc déterminantes.

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur (amendement n° 30).

Le deuxième alinéa de ce nouvel article précise la procédure par laquelle le magistrat concerné pourra faire valoir son point de vue et le CSM se forger une opinion par lui-même. Bien que la suspension pour raison de santé ne constitue pas une sanction disciplinaire prise à l’encontre du magistrat, le projet de loi organique impose ici le respect d’une procédure contradictoire et équilibrée, en mettant à la charge du CSM la transmission au magistrat d’une série d’informations. L’intéressé devra ainsi connaître la date d’examen de son dossier par cette instance, mais aussi savoir qu’il peut recevoir son dossier à sa demande, qu’il peut rencontrer la commission compétente et lui faire entendre un médecin et une autre personne librement choisis. Ces obligations alourdissent une procédure qui doit être rapide pour demeurer efficace – tel est le sens d’une mesure provisoire –, mais ces précautions sont pleinement justifiées par la gravité de la mesure, ainsi que par le statut et le haut niveau de responsabilité des magistrats.

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 31).

Les troisième et quatrième alinéas de ce même article prévoient respectivement la transmission au magistrat de l’avis conforme de la formation compétente du CSM et l’absence de publicité de la décision de suspension ainsi rendue possible. Cette discrétion permettrait de limiter opportunément l’atteinte à la réputation du magistrat, dans la perspective d’une reprise d’activité ultérieure. Il serait également précisé que la décision de suspension est prise dans l’intérêt du service, le bon fonctionnement des juridictions concernées étant la raison d’être de cette nouvelle procédure. Il pourra par exemple être préférable de ne pas suspendre immédiatement le magistrat en cause en l’absence de remplaçant.

L’avant-dernier alinéa dispose que le magistrat suspendu conserve l’intégralité de son traitement, ce qui confirme le caractère médical et non disciplinaire de la mesure. Compte tenu des interrogations exprimées par une organisation syndicale entendue par votre rapporteur, il semblerait préférable de faire référence, d’une manière plus générale, au maintien de la « rémunération » du magistrat, plutôt qu’à celui du seul traitement, car les indemnités représentent près de la moitié de la rémunération des magistrats. Il reviendrait alors au pouvoir réglementaire d’établir la liste des primes ou indemnités maintenues pendant la suspension.

La Commission a adopté un amendement de précision présenté par le rapporteur (amendement n° 32).

Le dernier alinéa s’inscrit dans cette même logique médicale, en limitant à six mois la durée des effets de la suspension en l’absence de décision du comité médical sur l’obtention d’un congé de maladie. On peut en effet penser qu’à l’expiration de ce délai, l’absence d’avis du comité médical peut refléter l’existence d’incertitudes sur l’état de santé du magistrat ; dans de telles circonstances, le fondement médical de la mesure administrative n’étant pas assuré, le magistrat doit pouvoir reprendre ses activités. Il convient ici de rappeler que, indépendamment du contexte médical, d’éventuels manquements aux obligations professionnelles peuvent toujours donner lieu à des sanctions disciplinaires.

La Commission a adopté l’article 8 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 8

(art. 70 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Coordination

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 33) supprimant le dernier alinéa de l’article 70 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, devenu sans objet du fait de la suppression, en 1967, de la disposition à laquelle il renvoie.

Article 9

(art. 77 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Coordination

Cet article modifie l’article 77 de l’ordonnance statutaire, afin de préciser que le droit de tout magistrat admis à faire valoir ses droits à la retraite de se prévaloir de l’honorariat ne s’exercera pas en cas de mise à la retraite d’office. Il s’agit d’une mesure de coordination avec les dispositions de l’article 6.

La Commission a adopté l’article 9 sans modification.

Article 10

Applicabilité de l’article 7 aux procureurs généraux nommés avant l’entrée en vigueur de la loi

Cet article vise à rendre applicable à l’ensemble des procureurs généraux, dès l’expiration du délai prévu à l’article 11 pour l’entrée en vigueur de la loi organique (voir infra), la nouvelle disposition issue de l’article 7 du projet de loi concernant leur nomination de droit à la Cour de Cassation.

En effet, faire porter cette réforme sur les seuls procureurs généraux nommés à compter de l’entrée en vigueur de la loi organique priverait de son bénéfice les magistrats de cette catégorie occupant déjà de telles fonctions. Cette situation serait tout à fait contraire à l’objectif recherché, qui est d’apporter à l’ensemble de ces magistrats une nouvelle garantie de carrière – l’accès de droit à la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire – tout en favorisant la mobilité dans cette catégorie. En étendant un droit avantageux pour les agents publics concernés, la disposition proposée ne soulève donc aucune difficulté d’ordre juridique ou politique, malgré son effet rétroactif.

La Commission a adopté l’article 10 sans modification.

Article additionnel après l’article 10

(art. 83 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)


Abrogation d’une disposition transitoire

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 34) qui abroge l’article 83 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 contenant des dispositions transitoires liées à la décolonisation et devenues sans objet.

Article 11

Entrée en vigueur de la loi

Cet article reporte l’entrée en vigueur des dispositions de la loi organique au début du troisième mois suivant la date de sa publication.

En effet, bien que leur rédaction soit d’ores et déjà précise, certaines dispositions des articles 1 à 4 du projet, ayant trait à la généralisation des formations probatoires, devraient nécessiter la publication de textes réglementaires pour être pleinement applicables. Il sera, en particulier, nécessaire de modifier le décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l’application de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, ainsi que le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l’ENM.

À cet égard, le délai proposé, relativement court, permettra d’éviter toute prolongation inutile de la grande attente des citoyens vis-à-vis de la réforme de la justice.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 35), la Commission a adopté l’article 11 ainsi modifié.

Titre

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 36) modifiant le titre du projet de loi, par coordination avec l’adoption au chapitre Ier d’amendements visant à diversifier davantage le recrutement des magistrats.

Répondant à M. Georges Fenech qui s’interrogeait sur l’absence d’amendement précisant la définition de la faute disciplinaire pour violation des règles de procédure, le rapporteur a rappelé que de telles dispositions, présentes dans l’avant-projet gouvernemental, ont été disjointes à la demande du Conseil d’État. Le Gouvernement devrait déposer un amendement que la Commission pourra examiner lors de la réunion qu’elle tiendra au titre de l’article 88 du Règlement.

Le rapporteur a par ailleurs indiqué qu’il avait lui-même l’intention de déposer un amendement tendant à soumettre les magistrats à une mobilité statutaire – réforme qui avait été suggérée aux parlementaires membres de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau par le directeur de l’ENM, M. Michel Dobkine – mais qu’il attendait encore une précision devant lui être fournie tout prochainement par le ministère de la Justice sur ce sujet.

Puis, la Commission a adopté l’ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats, modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte du projet de loi organique

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Propositions de la Commission

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Projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats

Projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats

(amendement n° 36)

 

CHAPITRE IER

CHAPITRE IER

 

Dispositions relatives à la formation

Dispositions relatives à la formation et au recrutement des magistrats

(amendement n° 1)

Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

 



Article additionnel

Art. 14. —  La formation professionnelle des auditeurs de justice est assurée par l’École nationale de la magistrature.

 

La première phrase du deuxième alinéa de l’article 14 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi rédigée :

Le droit à la formation continue est reconnu aux magistrats. La formation continue est organisée par l’École nationale de la magistrature dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

 

« Les magistrats sont soumis à une obligation de formation continue. »

(amendement n° 2)

L’école peut, en outre, contribuer soit à la formation des futurs magistrats d’États étrangers et, en particulier, des États auxquels la France est liée par des accords de coopération technique en matière judiciaire, soit à l’information et au perfectionnement des magistrats de ces États.

   

L’organisation et les conditions de fonctionnement de l’École nationale de la magistrature sont fixées par un décret en Conseil d’État.

   

Art. 18-1. —  Peuvent être nommées directement auditeurs de justice, si elles sont titulaires d’une maîtrise en droit et si elles remplissent les autres conditions fixées à l’article 16, les personnes que quatre années d’activité dans le domaine juridique, économique ou social qualifient pour l’exercice des fonctions judiciaires.

   

Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d’études supérieures, ainsi que les personnes ayant exercé des fonctions d’enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans après l’obtention de la maîtrise en droit et possédant un diplôme d’études supérieures dans une discipline juridique.

Le nombre des auditeurs nommés au titre du présent article ne peut dépasser le cinquième du nombre des auditeurs issus des concours prévus à l’article 17 et figurant dans la promotion à laquelle ils seront intégrés.

 









Article additionnel

Dans l’avant-dernier alinéa de l’article 18-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « le cinquième du nombre des auditeurs issus des concours prévus à l’article 17 et figurant dans la promotion » sont remplacés par les mots : « le tiers de l’effectif total de la promotion de l’École nationale de la magistrature ».

(amendement n° 3)

Les candidats visés au présent article sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur avis conforme de la commission prévue à l’article 34.

   
   

Article additionnel

Art. 19. —  Les auditeurs participent sous la responsabilité des magistrats à l’activité juridictionnelle, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature.

 

Le dernier alinéa de l’article 19 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi rédigé :

Ils peuvent notamment :

Assister le juge d’instruction dans tous les actes d’information ;

   

Assister les magistrats du ministère public dans l’exercice de l’action publique ;

   

Siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles et correctionnelles ;

   

Présenter oralement devant celles-ci des réquisitions ou des conclusions ;

   

Assister aux délibérés des cours d’assises.

   

Les auditeurs peuvent, en leur seule qualité, effectuer un stage, pour une partie de la durée de la scolarité à l’École nationale de la magistrature, comme collaborateur d’un avocat inscrit au barreau. Leur activité à ce titre est bénévole.

 

« Sous réserve des dispositions de l’article 18-2, les auditeurs de justice effectuent, pendant la scolarité à l’École nationale de la magistrature, un stage d’une durée minimale de huit mois comme collaborateur d’un avocat inscrit au barreau ou auprès d’un barreau. Leur activité à ce titre est bénévole. »

(amendement n° 4)

   

Article additionnel

Art. 21. —  Un jury procède au classement des auditeurs de justice qu’il juge aptes, à la sortie de l’école, à exercer les fonctions judiciaires. Le jury assortit la déclaration d’aptitude de chaque auditeur d’une recommandation sur les fonctions que cet auditeur lui paraît le mieux à même d’exercer lors de sa nomination à son premier poste.

 

Dans la dernière phrase du premier alinéa de l’article 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, après les mots : « d’une recommandation », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, de réserves ».

(amendement n° 5)

   

Article additionnel

   

Le premier alinéa de l’article 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est complété par une phrase ainsi rédigée :

   

« Cette recommandation et ces réserves sont versées au dossier du magistrat lors de sa nomination. »

(amendement n° 6)

Il peut écarter un auditeur de l’accès à ces fonctions ou lui imposer le renouvellement d’une année d’études.

   

La liste de classement est portée à la connaissance du garde des sceaux, ministre de la justice, qui en assure la publication au Journal officiel.

   
 

Article 1er

Article 1er

Art. 21-1. —  Deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire.

L’article 21-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 est ainsi modifié :

(Alinéa sans modification)

Les candidats doivent remplir les conditions prévues à l’article 16.

   

Ils doivent en outre :

   

1° Pour les candidats aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, être âgés de trente-cinq ans au moins au 1er janvier de l’année d’ouverture du concours et justifier d’au moins dix ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

   

2° Pour les candidats aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire, être âgés de cinquante ans au moins au 1er janvier de l’année d’ouverture du concours et justifier d’au moins quinze ans d’activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.

1° Le sixième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

1° (Alinéa sans modification)

Les candidats admis reçoivent une formation à l’École nationale de la magistrature. Ils sont rémunérés pendant cette période, qui comprend des stages accomplis dans les conditions prévues à l’article 19 et au premier alinéa de l’article 20.

« Les candidats admis suivent une formation probatoire organisée par l’École nationale de la magistrature comportant notamment un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19. Ils sont rémunérés pendant cette période. » ;



... comportant un stage ...

... pendant cette formation. » ;

(amendements nos 7 et 8)

Préalablement à toute activité, ils prêtent serment devant la cour d’appel en ces termes : « Je jure de conserver le secret des actes du parquet, des juridictions d’instruction et de jugement dont j’aurai eu connaissance au cours de mon stage. » Ils ne peuvent en aucun cas être relevés de ce serment.

2° Sont insérés, après le septième alinéa, deux alinéas ainsi rédigés :

2° (Alinéa sans modification)

 

« Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit sous la forme d’un rapport un bilan de la formation probatoire de chaque candidat qu’il adresse au jury prévu à l’article 21.


... établit, sous la forme d’un rapport, le bilan ...
... candidat et adresse celui-ci au jury ...

(amendement n° 9)

 

« Après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son aptitude à exercer des fonctions judiciaires. » ;



... exercer les fonctions ...

(amendement n° 10)

 

3° Au huitième alinéa, la première phrase est remplacée par les dispositions suivantes :

3° (Alinéa sans modification)

À l’issue de cette période de formation, ils sont nommés, dans les formes prévues à l’article 28, aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés. Les dispositions de l’article 27-1 ne sont pas applicables.

« Les candidats déclarés aptes suivent une formation complémentaire jusqu’à leur nomination, dans les formes prévues à l’article 28, aux emplois pour lesquels ils ont été recrutés. »


... complémentaire, jusqu’à leur nomination dans ...

(amendement n° 11)

Les années d’activité professionnelle accomplies par les magistrats recrutés au titre du présent article sont prises en compte pour leur classement indiciaire dans leur grade et pour leur avancement.

   

Les dispositions de l’article 25-4 sont applicables aux magistrats recrutés au titre du présent article.

   

Le nombre total des postes offerts au concours pour une année déterminée ne peut excéder :

   

1° Pour les concours de recrutement au second grade de la hiérarchie judiciaire, le cinquième du nombre total des recrutements intervenus au second grade au cours de l’année civile précédente, cette proportion pouvant toutefois être augmentée à concurrence de la part non utilisée au cours de la même année civile des possibilités de nomination déterminées par l’article 25 ;

   

2° Pour les concours de recrutement au premier grade de la hiérarchie judiciaire, le dixième du nombre total de nominations en avancement au premier grade prononcées au cours de l’année précédente.

   

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.

Art. 19 et 21. —  Cf. supra article additionnel avant l’article 1er.

   

Art. 28. —  Cf. annexe.

   
   

Article additionnel

Art. 25. —  Au cours d’une année civile déterminée, les nominations au titre de l’article 22 ne peuvent excéder un cinquième de la totalité des recrutements intervenus au second grade au cours de l’année civile précédente.

 


Dans l’article 25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « quart ».

(amendement n° 12)

   

Article additionnel

Art. 25-1. —  Au cours d’une année civile déterminée, les nominations prononcées au titre de l’article 23 ne peuvent excéder le quinzième des promotions intervenues au cours de l’année civile précédente au premier grade.

 


Dans l’article 25-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, le mot : « quinzième » est remplacé par le mot : « dixième ».

(amendement n° 13)

 

Article 2

Article 2

 

L’article 25-3 de la même ordonnance est ainsi modifié :

(Alinéa sans modification)

 

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

1° (Alinéa sans modification)

Art. 25-3. —  Avant de se prononcer, la commission peut décider de subordonner la nomination du candidat à une intégration au titre des articles 22 et 23 à l’accomplissement d’un stage probatoire en juridiction, organisé par l’École nationale de la magistrature, selon les modalités prévues à l’article 19.

« Les candidats recrutés au titre des articles 22 et 23 suivent une formation probatoire organisée par l’École nationale de la magistrature comportant notamment un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19. » ;

« Les candidats admis au ...

(amendement n° 14)

 

2° Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

2° (Sans modification)

 

« La commission prévue à l’article 34 peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, le dispenser de la formation probatoire prévue à l’alinéa premier. » ;

 

Le candidat admis en stage probatoire est astreint au secret professionnel et prête serment au début de son stage, devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle le stage se déroule, en ces termes : « Je jure de conserver le secret des actes du parquet, des juridictions d’instruction et de jugement dont j’aurai eu connaissance au cours de mon stage ».

3° Au deuxième alinéa devenu le troisième, les mots : « Le candidat admis en stage probatoire » sont remplacés par les mots : « Pendant la formation probatoire, le candidat » ;

3° (Sans modification)

Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit, sous la forme d’un rapport, le bilan du stage probatoire de chaque candidat qu’il adresse au jury prévu à l’article 21.

4° Au troisième alinéa devenu le quatrième, les mots : « du stage » sont remplacés par les mots : « de la formation » ;


4° (Sans modification)

Après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son aptitude à exercer des fonctions judiciaires et transmet son avis à la commission prévue à l’article 34.

   

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de l’article 25-2 et du présent article, notamment les conditions dans lesquelles sont assurées la rémunération et la protection sociale des personnes accomplissant un stage probatoire.

5° Au dernier alinéa, les mots : « un stage »  sont remplacés par les mots : « une formation ».






5° (Sans modification)

Art. 19. —  Cf. supra article additionnel avant l’article 1er.

   

Art. 22, 23 et 34. —  Cf. annexe.

   

Art. 26. —  Le Président de la République nomme les auditeurs de justice aux postes du second grade de la hiérarchie judiciaire sur les propositions du garde des sceaux, ministre de la justice.

Suivant leur rang de classement et en fonction de la liste qui leur est proposée, les auditeurs font connaître au garde des sceaux, ministre de la justice, le poste auquel ils souhaitent être nommés.

 

Article additionnel

Dans le deuxième alinéa de l’article 26 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, après les mots : « rang de classement », sont insérés les mots : « , à l’exclusion des fonctions visées par les réserves du jury prévues à l’article 21 ».

(amendement n° 15)

Un auditeur de justice qui n’a pas exprimé de choix fait d’office l’objet d’une proposition de nomination et, s’il refuse cette proposition, il est considéré comme démissionnaire.

   

Au vu de ces choix, le garde des sceaux, ministre de la justice, saisit pour avis la formation compétente du Conseil supérieur.

   

En cas d’avis défavorable pour la nomination d’un auditeur à un emploi du siège, une nouvelle proposition de nomination est faite après consultation de l’intéressé et soumise pour avis à la formation compétente du Conseil supérieur. En cas d’avis défavorable pour la nomination d’un auditeur à un emploi du parquet, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut passer outre ou faire une nouvelle proposition après consultation de l’intéressé qui est soumise pour avis à la formation compétente du Conseil supérieur.

   

Si l’auditeur refuse la nouvelle proposition, il est considéré comme démissionnaire.

   

Les années d’activité professionnelle accomplies par les magistrats recrutés par les voies du deuxième et du troisième concours d’accès à l’École nationale de la magistrature ainsi que par ceux recrutés au titre de l’article 18-1 de la présente ordonnance sont prises en compte pour leur classement indiciaire dans leur grade et pour leur avancement. Ces dispositions sont applicables aux magistrats concernés qui ont été nommés dans les dix années qui précèdent la date d’entrée en vigueur de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 précitée.

   

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.

   

Art. 21. —  Cf. supra article additionnel avant l’article 1er.

   
 

Article 3

Article 3

 

L’article 41-12 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 41-12. —  La commission prévue à l’article 34 arrête la liste des candidats admis parmi ceux proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel.

« Art. 41-12. —  (Alinéa sans modification)

Art. 41-12. —  Les magistrats recrutés dans le cadre du présent chapitre sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable dans les formes prévues pour les magistrats du siège.

« Les magistrats recrutés au titre de l’article 41-10 sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable dans les formes prévues pour les magistrats du siège après avoir suivi la formation probatoire prévue à l’article 21-1.

(Alinéa sans modification)

 

« Les deuxième et troisième alinéas de l’article 25-3 sont applicables aux magistrats mentionnés au deuxième alinéa du présent article.

(Alinéa sans modification)

 

« Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit, sous la forme d’un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat, qu’il adresse à la commission.





... commission prévue à l’ar-ticle 34.

(amendement n° 16)

Les nominations interviennent, après avis conforme de la commission prévue à l’article 34, parmi les candidats proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d’appel. L’article 27-1 ne leur est pas applicable.

« Les nominations interviennent après avis conforme de la commission prévue à l’article 34. L’article 27-1 ne leur est pas applicable.

(Alinéa sans modification)

Les magistrats nommés suivent une formation organisée par l’École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19.

   

Préalablement à cette formation, les magistrats prêtent serment dans les conditions prévues à l’article 6.

« Lors de leur installation, les magistrats prêtent serment dans les conditions prévues à l’article 6.

(Alinéa sans modification)

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée du stage, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des stagiaires mentionnés au présent article.

Art. 6. —  Cf. infra article additionnel avant l’article 5.

Art. 27-1, 34 et 41-10. —  Cf. annexe.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des candidats mentionnés au présent article. »

(Alinéa sans modification)

Art. 21-1. —  Cf. supra art. 1er du projet de loi organique.

Art. 25-3. —  Cf. supra art. 2 du projet de loi organique.

   
 

Article 4

Article 4

Art. 41-19. —  Les juges de proximité sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, dans les formes prévues pour les magistrats du siège.

L’article 41-19 de la même ordonnance est ainsi modifié :

(Alinéa sans modification)

L’article 27-1 ne leur est pas applicable.

   

Avant de rendre son avis, la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut décider de soumettre l’intéressé à une formation probatoire organisée par l’École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19. Le deuxième alinéa de l’article 25-3 est applicable aux stagiaires.

1° Au troisième alinéa, les mots : « peut décider de soumettre » sont remplacés par le mot : « soumet » ;




... « soumet » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

(amendement n° 17)

 

2° Il est inséré, après le troisième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

2° (Sans modification)

 

« La formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, le dispenser de la formation probatoire prévue au troisième alinéa. »

 

Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit, sous forme d’un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu’il adresse à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.

   

Préalablement à leur entrée en fonction, les juges de proximité prêtent serment dans les conditions prévues à l’article 6.

   

Les juges de proximité n’ayant pas été soumis à la formation probatoire prévue dans le troisième alinéa suivent une formation organisée par l’École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19.

   

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des stagiaires mentionnés au présent article.

   
 

CHAPITRE II

CHAPITRE II

 

Dispositions relatives à la discipline

Dispositions relatives à la discipline

   

Article additionnel

Art. 6. —  Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, et avant d’entrer en fonctions, prête serment en ces termes :

 

Le deuxième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi rédigé :

« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

 

« "Je jure de me comporter en tout comme un digne et loyal magistrat, impartial, libre, intègre, diligent, respectueux de la loi, des droits de toutes les parties, du secret professionnel et du devoir de réserve. " »

(amendement n° 18)

Il ne peut, en aucun cas, être relevé de ce serment.

   

Le serment est prêté devant la cour d’appel. Toutefois, pour les magistrats directement nommés à la Cour de cassation, il est prêté devant cette juridiction.

   

L’ancien magistrat prête à nouveau serment lorsqu’il est réintégré.

   
   

Article additionnel

   

Le premier alinéa de l’article 43 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi rédigé :

Art. 43. —  Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire.

Cette faute s’apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l’administration centrale du ministère de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique.

 

« Tout manquement du magistrat aux devoirs nés de son serment constitue une faute disciplinaire. »

(amendement n° 19)

 

Article 5

Article 5

Art. 45. —  Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont :

À l’article 45 de la même ordonnance est inséré, après le 3° un 3° bis ainsi rédigé :

(Sans modification)

1° La réprimande avec inscription au dossier ;

   

2° Le déplacement d’office ;

   

3° Le retrait de certaines fonctions ;

   
 

« 3° bis L’interdiction d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans ; ».

 

4° L’abaissement d’échelon ;

   

4° bis L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d’un an, avec privation totale ou partielle du traitement ;

   

5° La rétrogradation ;

   

6° La mise à la retraite d’office ou l’admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n’a pas le droit à une pension de retraite ;

   

7° La révocation avec ou sans suspension des droits à pension.

   
 

Article 6

Article 6


Art. 46
. —  Si un magistrat est poursuivi en même temps pour plusieurs faits, il ne pourra être prononcé contre lui que l’une des sanctions prévues à l’article précédent.

 

I. —  Dans le premier alinéa de l’article 46 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, le mot : « pourra » est remplacé par le mot : « peut ».

(amendement n° 20)

 

Le second alinéa de l’article 46 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

II. —  Le second ...

Une faute disciplinaire ne pourra donner lieu qu’à une seule desdites peines. Toutefois, les sanctions prévues aux 3°, 4° et 5° de l’article précédent, pourront être assorties du déplacement d’office.

Art. 45. —  Cf. supra art. 5 du projet de loi organique.

Art. 77. —  Cf. infra art. 9 du projet de loi organique.

« Une faute disciplinaire ne pourra donner lieu qu’à une seule de ces peines. Toutefois, les sanctions prévues aux 3°, 3° bis, 4°, 4° bis et 5° de l’article 45, pourront être assorties du déplacement d’office. La mise à la retraite d’office emporte interdiction de se prévaloir de l’honorariat des fonctions prévu à l’article 77. »

... ne peut donner ...

... l’article 45, peuvent être ...

(amendements nos 21 et 22)

   

Article additionnel

   

Après l’article 48 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 48-1 ainsi rédigé :

   

« Art. 48-1. —  Toute décision définitive condamnant l’État pour fonctionnement défectueux du service de la justice est communiquée aux chefs de cour concernés par le garde des sceaux, ministre de la justice, à toutes fins qu’il appartiendra.

   

« Le ou les magistrats en cause sont avisés dans les mêmes conditions.





Art. 50-1, 50-2 et 63. —  Cf. annexe.

 

« Des poursuites disciplinaires peuvent être engagées par le ministre de la justice et les chefs de cour concernés dans les conditions prévues aux articles 50-1, 50-2 et 63. »

(amendement n° 23)

   

Article additionnel

   

Après l’article 48 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré un article 48-2 ainsi rédigé :

« Art. 48-2. —  Toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, que le comportement d’un magistrat n’a pas été conforme aux devoirs nés de son serment peut adresser une réclamation à un membre du Parlement. Celui-ci la transmet directement au Médiateur de la République si elle lui paraît entrer dans sa compétence et mériter son intervention.

   

« Le Médiateur sollicite tous éléments d’information utiles des premiers présidents de cour d’appel et des procureurs généraux près lesdites cours, ou des présidents des tribunaux supérieurs d’appel et des procureurs de la République près lesdits tribunaux.

   

« S’il l’estime susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, le Médiateur transmet la réclamation au garde des sceaux, ministre de la justice. Il avise l’auteur de la réclamation et tout magistrat visé par celle-ci de la suite qu’il lui a réservée.

   

« Copie des pièces transmises par le Médiateur au ministre de la justice est adressée à tout magistrat visé.






Art. 50-1 et 63. —  Cf. annexe.

 

« Le ministre de la justice demande une enquête aux services compétents. Des poursuites disciplinaires peuvent être engagées par le ministre de la justice dans les conditions prévues à l’article 50-1 et au premier alinéa de l’article 63. Le ministre de la justice avise le Médiateur des résultats de l’enquête et des suites qu’il lui a réservées.

   

« Lorsque le ministre de la justice décide de ne pas engager des poursuites disciplinaires, il en informe le Médiateur par une décision motivée. Celui-ci peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel de la République française. »

(amendement n° 24)

Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature

 

Article additionnel

Art. 20. —  Chaque formation du Conseil supérieur peut charger un ou plusieurs de ses membres de missions d’information auprès de la Cour de cassation, des cours d’appel, des tribunaux et de l’École nationale de la magistrature.

 

L’article 20 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Tous les ans, le Conseil supérieur de la magistrature publie le rapport d’activité de chacune de ses formations.

   
   

« Il élabore et rend public un recueil des obligations déontologiques des magistrats. »

(amendement n° 25)

   

Article additionnel

   

Avant le 30 juin de chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état, pour l’année civile écoulée, des actions en responsabilité engagées contre l’État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice, des décisions définitives condamnant l’État à ce titre et du versement des indemnités qui en découlent, ainsi que des suites réservées à ces décisions.

(amendement n° 26)

 

CHAPITRE III

CHAPITRE III

 

Dispositions diverses et transitoires

Dispositions diverses et transitoires

Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée

   

Art. 13-2. —  Dans chaque ressort de cour d’appel, les magistrats, à l’exception des premiers présidents et des procureurs généraux, sont inscrits sur une liste unique.

Les magistrats du premier et du second grade de la Cour de cassation sont inscrits sur la liste des magistrats du ressort de la Cour d’appel de Paris.

   

Les magistrats en service à l’administration centrale du ministère de la justice et les magistrats placés en position de détachement sont inscrits sur une liste particulière.

Il en est de même des magistrats en service dans les territoires d’outre-mer.

 


Article additionnel

Dans l’avant-dernier alinéa de l’article 13-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, le mot : « territoires » est remplacé par le mot : « collectivités ».

(amendement n° 27)

Les magistrats en position de disponibilité, en congé spécial, en congé de longue durée, se trouvant sous les drapeaux ou accomplissant le service national, ainsi que les magistrats provisoirement suspendus de leurs fonctions ne peuvent être inscrits sur les listes pendant le temps où ils se trouvent dans une de ces situations.

   
 

Article 7

Article 7

Art. 38-1. —  Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de procureur général près une même cour d’appel.

Il est ajouté à l’article 38-1 de la même ordonnance un alinéa ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« À l’expiration de cette période, s’il n’a pas reçu une autre affectation, le procureur général est nommé de droit à un emploi hors hiérarchie du parquet de la Cour de cassation. Il en est de même dans le cas où il est déchargé de cette fonction avant ce terme. Cette nomination est prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif de la Cour de cassation. Ce surnombre est résorbé à la première vacance utile dans cette juridiction. »







... avant l’expiration de cette période. Cette nomination ...
... l’effectif organique de la ...

(amendements nos 28 et 29)

 

Article 8

Article 8

 

Après l’article 68 de la même ordonnance, il est rétabli un article 69 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 69. —  Lorsque l’état de santé d’un magistrat apparaît incompatible avec l’exercice de ses fonctions, le garde des sceaux, ministre de la justice, saisit le comité médical compétent en vue de l’octroi d’un congé de maladie. Dans l’attente de cet avis, il peut suspendre l’intéressé, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

« Art. 69. —  





... l’attente de l’avis du comité médical, il peut ...

(amendement n° 30)

 

« Le Conseil informe le magistrat de la date à laquelle la formation compétente du Conseil examinera son dossier, du droit à la communication de son dossier, de la possibilité d’être entendu par la formation compétente ainsi que de faire entendre le médecin et la personne de son choix.







... entendre par celle-ci le médecin ...

(amendement n° 31)

 

« L’avis de la formation compétente du Conseil est transmis au magistrat.

(Alinéa sans modification)

 

« La décision de suspension, prise dans l’intérêt du service, n’est pas rendue publique.

(Alinéa sans modification)

 

« Le magistrat conserve l’intégralité de son traitement.

... l’intégralité de sa rémunération pendant la suspension.

(amendement n° 32)

 

« Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la suspension, le comité médical ne s’est pas prononcé, cette mesure cesse de plein droit de produire ses effets. »

(Alinéa sans modification)

     

Art. 70. —  Le nombre total des magistrats placés en position de détachement ne peut dépasser 20 % de l’effectif du corps judiciaire.

 



Article additionnel

Cette limitation n’est pas applicable aux magistrats visés au deuxième alinéa de l’article 69 ci-dessus.

 

Le dernier alinéa de l’article 70 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est supprimé.

(amendement n° 33)

 

Article 9

Article 9

Art. 77. —  Tout magistrat admis à la retraite est autorisé à se prévaloir de l’honorariat de ses fonctions. Toutefois, l’honorariat peut être refusé au moment du départ du magistrat par une décision motivée de l’autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

À la première phrase du premier alinéa de l’article 77 de la même ordonnance, après les mots : « est autorisé », sont insérés les mots : « , sous réserve des dispositions de l’article 46, ».

(Sans modification)

Si, lors de son départ à la retraite, le magistrat fait l’objet d’une poursuite disciplinaire, il ne peut pas se prévaloir de l’honorariat avant le terme de la procédure disciplinaire et l’honorariat peut lui être refusé, dans les conditions prévues au premier alinéa, au plus tard deux mois après la fin de cette procédure.

   

Art. 46. —  Cf. supra art. 6 du projet de loi organique.

   
 

Article 10

Article 10

Art. 38-1. —  Cf. supra art. 7 du projet de loi organique.

Les dispositions du second alinéa de l’article 38-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée sont applicables aux procureurs généraux nommés antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi organique.

(Sans modification)

   

Article additionnel

Art. 83. —  Pendant une période de cinq ans à compter du 1er janvier 1960, les citoyens français musulmans originaires des départements algériens, des Oasis et de la Saoura admis à prendre part au concours ouvert en application de l’article 17 ci-dessus pour le recrutement d’auditeurs de justice aux mêmes conditions que les autres candidats seront soumis soit aux épreuves normales de ce concours, soit à des épreuves facultatives dans les conditions prévues par le décret en Conseil d’État visé à l’article 23 de la présente ordonnance.

 

L’article 83 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est abrogé.

(amendement n° 34)

En outre, les limites d’âge qui seront précisées par ledit décret en Conseil d’État seront reculées de cinq ans en faveur des candidats français musulmans.

   

Les dispositions de l’alinéa précédent auront effet jusqu’au 1er janvier 1966.

   
 

Article 11

Article 11

 

Les dispositions de la présente loi organique entreront en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la date de sa publication.


... organique entrent en vigueur ...

(amendement n° 35)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature

Art. 22. —  Peuvent être nommés directement aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire, à condition d’être âgés de trente-cinq ans au moins :

1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l’article 16 et justifiant de sept années au moins d’exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

2° Les greffiers en chef des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes justifiant de sept années de services effectifs dans leur corps ;

3° Les fonctionnaires de catégorie A du ministère de la justice ne remplissant pas les conditions prévues au 1° de l’article 16 et justifiant de sept années de services effectifs au moins en cette qualité.

Art. 23. —  Peuvent être nommés directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire :

1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l’article 16 et justifiant de dix-sept années au moins d’exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ;

2° Les greffiers en chef des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes qui remplissent des conditions de grade et d’emploi définies par décret en Conseil d’État et que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires visées au présent article.

Art. 27-1. —  Le projet de nomination à une fonction du premier ou du second grade et la liste des candidats à cette fonction sont communiqués pour les postes du siège ou pour ceux du parquet à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

Ce projet de nomination est adressé aux chefs de la Cour de cassation, aux chefs des cours d’appel et des tribunaux supérieurs d’appel, à l’inspecteur général des services judiciaires ainsi qu’aux directeurs et chefs de service de l’administration centrale du ministère de la justice, qui en assurent la diffusion auprès des magistrats en activité dans leur juridiction, dans le ressort de leur juridiction ou de leurs services. Ce document est adressé aux syndicats et organisations professionnelles représentatifs de magistrats et, sur leur demande, aux magistrats placés dans une autre position que celle de l’activité.

Toute observation d’un candidat relative à un projet de nomination est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Conseil supérieur de la magistrature.

Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux projets de nomination de substitut chargé du secrétariat général d’une juridiction. Elles ne s’appliquent pas aux propositions de nomination prévues à l’article 26, ni aux projets de nomination pris pour l’exécution des décisions prévues aux 2°, 3° et 5° de l’article 45 et au second alinéa de l’article 46.

Art. 28. —  Les décrets de nomination aux fonctions de président d’un tribunal de grande instance ou de conseiller référendaire à la Cour de cassation sont pris par le Président de la République sur proposition de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature.

Les décrets portant promotion de grade ou nomination aux fonctions de magistrat autres que celles mentionnées à l’alinéa précédent sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège et après avis de la formation compétente du Conseil supérieur pour ce qui concerne les magistrats du parquet. Les règles de nomination des magistrats du parquet s’appliquent aux magistrats du cadre de l’administration centrale du ministère de la justice.

La durée d’exercice des fonctions de conseiller référendaire est de dix années ; elle ne peut être ni renouvelée, ni prorogée.

Art. 34. —  Il est institué une commission chargée de dresser et d’arrêter le tableau d’avancement ainsi que les listes d’aptitude aux fonctions. Cette commission est commune aux magistrats du siège et du parquet.

Le tableau d’avancement est communiqué à chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature avant d’être signé par le Président de la République.

La commission d’avancement peut demander à l’autorité chargée d’évaluer l’activité professionnelle du magistrat candidat à l’inscription sur une des listes d’aptitude ou au tableau d’avancement des précisions sur le contenu de son dossier. Ces précisions et les observations du magistrat concerné sont versées dans son dossier. La commission peut également adresser aux autorités chargées d’évaluer l’activité professionnelle des magistrats les observations qu’elle estime utiles sur le contenu des dossiers examinés.

La commission d’avancement établit chaque année un rapport d’activité rendu public.

Art. 41-10. —  Peuvent être nommées, pour exercer des fonctions de juge d’instance ou d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, les personnes âgées de moins de soixante-cinq ans révolus que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions.

Elles doivent soit remplir les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° de l’article 22, soit être membre ou ancien membre des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et justifier de sept années au moins d’exercice professionnel.

Art. 50-1. —  Le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux, ministre de la justice.

Art. 50-2. —  Le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d’appel ou les présidents de tribunal supérieur d’appel.

Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui peut demander une enquête à l’inspection générale des services judiciaires.

Art. 63. —  Le garde des sceaux, ministre de la justice, saisit le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur compétente pour la discipline des magistrats du parquet, des faits motivant une poursuite disciplinaire contre un magistrat du parquet.

Le procureur général près la Cour de cassation est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les procureurs généraux près les cours d’appel ou les procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d’appel.

Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui peut demander une enquête à l’inspection générale des services judiciaires.

Dès cette saisine, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces de l’enquête préliminaire, s’il y a été procédé.

Le président de la formation du Conseil supérieur compétente pour la discipline des magistrats du parquet désigne, en qualité de rapporteur, un membre de cette formation. Il le charge, s’il y a lieu, de procéder à une enquête. Les dispositions de l’article 52 sont applicables.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Après l’article 4

Amendement présenté par M. Michel Vaxès et les commissaires membres du groupe des député-e-s communistes et républicains :

Insérer l’article suivant :

« Les trois concours d’accès à l’École nationale de la magistrature doivent comprendre une épreuve d’admissibilité portant sur la criminologie. »

Après l’article 6

Amendements présentés par M. Michel Vaxès et les commissaires membres du groupe des député-e-s communistes et républicains :

•  Insérer l’article suivant :

« Le dernier alinéa de l’article 11-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est complété par les mots : “, après avis du Conseil supérieur de la magistrature”. »

•  Insérer l’article suivant :

« L’article 11-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« “Le montant des sommes recouvrées est soumis à un plafond dont le montant est déterminé par décret en Conseil d’État.” »

Avant l’article 7

Amendement présenté par M. Michel Vaxès et les commissaires membres du groupe des député-e-s communistes et républicains :

•  Insérer l’article suivant :

« Le deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État est complété par les mots : “, après avis du Conseil supérieur de la magistrature”. »

ANNEXE

LA DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS DANS LES SYSTÈMES JUDICIAIRES ÉTRANGERS

(Présentation extraite du rapport de la Commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement)

Des principes d’éthique distincts des règles disciplinaires ont été publiés au Canada en 1998, à l’initiative de l’Association des juges des cours supérieures et du Conseil canadien de la magistrature. Ces principes ne constituent pas véritablement un code de déontologie pour les juges mais un cadre de référence de normes que les juges doivent respecter.

Ces principes sont répartis en cinq catégories :

– l’indépendance : les juges doivent être libres de juger sans pression extérieure ;

– l’intégrité : les juges doivent s’appliquer à avoir une attitude intègre pour promouvoir la confiance du public dans l’administration de la justice ;

– la diligence : celle-ci doit caractériser toutes leurs activités professionnelles et traduit l’adhésion des juges au fonctionnement et aux valeurs de l’institution ;

– l’égalité de traitement entre les justiciables et l’absence de discrimination ;

– l’impartialité, droit constitutionnellement garanti aux justiciables, elle exclut notamment toute activité partisane de la part des magistrats et oblige ces derniers à se récuser en cas de conflit d’intérêts.

La publication de ces principes a été accompagnée de la création d’un Comité consultatif, chargé de conseiller les magistrats sur leur application. Celui-ci réunit dix juges représentant chaque province du Canada et fonctionne de façon informelle. Ses membres sont nommés par un comité conjoint du Conseil canadien de la magistrature et de l’Association canadienne des juges des Cours supérieures et sont donc uniquement des juges professionnels. Le comité n’est responsable devant aucun de ces organismes ; il agit de façon indépendante.

Il remplit une fonction d’organe consultatif sur des questions déontologiques. L’une de ses activités essentielles est de fournir, sur une base confidentielle, des avis ponctuels sur des questions déontologiques soulevées individuellement par des juges. Ces avis sont ensuite rendus anonymes puis mis à la disposition de tous les juges, qui peuvent les consulter pour se renseigner sur des questions particulières. C’est ainsi que peu à peu s’est élaborée une jurisprudence. Les membres du comité fournissent ainsi des références à leurs collègues sur toutes les questions portant sur la déontologie. En revanche, les procédures de plaintes contre les juges relèvent exclusivement de la compétence du Conseil canadien de la magistrature, que l’on évoquera plus loin.

L’Italie s’est engagée aussi sur cette voie en 1994. Le gouvernement ayant par décret en 1993 imposé à toutes les branches de l’administration de l’État de se doter de codes d’éthique ayant pour but « d’assurer des standards de haut niveau pour les services rendus aux citoyens », l’Association nationale des magistrats, créée en 1909 et qui regroupe pratiquement tous les magistrats a alors adopté un « Code éthique des magistrats ».

Celui-ci comprend trois parties articulées d’abord autour de principes généraux puis de l’indépendance, de l’impartialité et de la correction et traite enfin de la conduite des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. Il traduit la tentative de définir le profil d’un bon magistrat et a influencé la loi du 20 juillet 2005, qui définit de façon précise les fautes devant donner lieu à sanction disciplinaire.

La loi italienne décline les comportements dans l’exercice des fonctions et à l’extérieur de celles-ci. Sans en reprendre la liste exhaustive, on peut citer quelques-uns de ces comportements dans l’exercice des fonctions, qui sont particulièrement saillants : attitudes habituellement incorrectes à l’égard des parties, de leurs défenseurs, des témoins ; grave violation de la loi par ignorance ou négligence inexcusable ; relations avec des organes de presse en dehors des modalités prévues par la loi ; omission de communication de la part des chefs de juridiction de faits relevant du disciplinaire commis par des magistrats placés sous leur autorité ; adoption par négligence grave et inexcusable d’une mesure restrictive de la liberté personnelle en dehors des cas prévus par la loi.

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

–  M. Guy CANIVET, Premier président de la Cour de cassation

–  M. Jean-Louis NADAL, Procureur général près la Cour de cassation

–  M. Alain NUÉE, Président de la Conférence nationale des premiers présidents, accompagné de M. Hubert DALLE, Premier président de la Cour d’appel de Caen et de M. Bertrand LOUVEL, Premier président de la Cour d’appel de Limoges

–  M. Jean-Paul DELEVOYE, Médiateur de la République

–  Mme Gracieuse LACOSTE, M. Dominique LATOURNERIE, Mme Marie-Jane ODY et M. Jean-Claude VUILLEMIN, membres du Conseil supérieur de la magistrature

–  M. Côme JACQMIN, secrétaire général du Syndicat de la magistrature accompagné de Mme Laurence MOLLARET

–  M. Bruno THOUZELLIER, président de l’Union syndicale des magistrats, accompagné de M. Christophe REGNARD

–  Mme Naïma RUDLOFF, secrétaire générale du Syndicat national FO des magistrats

–  M. Alexis BOUROZ, sous-directeur des stages de l’École nationale de la magistrature et M. Éric VEYSSIÈRE, sous-directeur des études

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