N° 3510 - Rapport de M. Jean-Marc Roubaud sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar relatif à l'établissement à Paris d'une délégation de l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) et de l'avenant n°1 à cet accord (n°3351)




N
° 3510

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 décembre 2006.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar relatif à l’établissement à Paris d’une délégation de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) et de l’avenant n° 1 à cet accord,

par M. Jean-Marc ROUBAUD,

Député

——

Voir les numéros :

Sénat : 361, 488 et T.A. 3 (2006-2007)

Assemblée nationale : 3351

INTRODUCTION 5

I – MISSIONS ET FONCTIONNEMENT D’UNE AGENCE UNIQUE EN AFRIQUE 7

A – LES MISSIONS DE L’AGENCE POUR LA SÉCURITÉ DE LA NAVIGATION EN AFRIQUE ET À MADAGASCAR 7

B – SON FONCTIONNEMENT ET SON FINANCEMENT 8

II – UNE DÉLÉGATION PARISIENNE ANCIENNE, QUI BÉNÉFICIERA DÉSORMAIS DE PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS 11

A – UNE IMPLANTATION PARISIENNE ANCIENNE 11

B – LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS RECONNUS PAR L’ACCORD 11

1) Des garanties relatives à l’accomplissement des missions de la délégation 12

2) Les privilèges et immunités au bénéfice de ses personnels 13

CONCLUSION 15

EXAMEN EN COMMISSION 17

Mesdames, Messieurs,

Alors que le trafic aérien ne cesse de s’intensifier sur tous les continents, la question de la sécurité aérienne devient particulièrement cruciale, surtout dans les régions du monde encore en développement. L’Afrique de l’Ouest constitue à cet égard un modèle puisqu’elle s’est organisée, dès son indépendance, pour que les nouveaux Etats veillent ensemble à la sécurité de la navigation aérienne.

C’est ainsi qu’a été créée en 1959, sous l’égide de la France, l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA). Depuis lors, sa vocation, ses statuts et son organisation ont été redéfinis et l’Agence s’est adaptée au nouveau contexte politique et économique. Elle est même devenue l’un des leaders du développement en Afrique des technologies de navigation par satellites et de gestion du trafic aérien.

Progressivement, le rôle de la France et des Français au sein de l’Agence s’est réduit, mais, après le déplacement de son siège à Dakar, l’ASECNA a conservé sa délégation de Paris. Celle-ci n’a encore qu’un statut de fait. Le présent accord vise à reconnaître à l’Agence un statut d’organisation intergouvernementale et à accorder en conséquence à sa délégation un certain nombre de privilèges et immunités qui faciliteront son fonctionnement.

Votre Rapporteur présentera d’abord les missions et le fonctionnement de l’Agence, avant de préciser quels privilèges et immunités sont accordés à sa délégation de Paris par le présent accord d’établissement.

I – MISSIONS ET FONCTIONNEMENT
D’UNE AGENCE UNIQUE EN AFRIQUE

Créée par la « Convention de Saint-Louis » signée le 12 décembre 1959, l’Agence pour la sécurité de la navigation en Afrique et à Madagascar (ASECNA), désormais régie par la « Convention de Dakar » du 25 octobre 1974, est chargée d’un espace aérien d’une superficie de 16,1 millions de km2 relevant de six régions d’information en vol définies par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), et de dix-sept Etats (1).

A – Les missions de l’Agence pour la sécurité de la navigation en Afrique et à Madagascar

Afin de garantir un bon niveau de sécurité dans un espace aérien fréquenté par une communauté française importante, la France a souhaité conserver une certaine maîtrise du contrôle de l’espace aérien de ses anciennes colonies africaines. C’est pourquoi elle a mis en place, avec, à l’origine, quatorze pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, un établissement public international à caractère industriel et commercial, l’Agence pour la sécurité de la navigation en Afrique et à Madagascar.

En application de la « Convention de Dakar », l’Agence exerce à tire principal des activités dites « communautaires », prévues à l’article 2 de la convention, et, à titre subsidiaire, gère des activités nationales au titre des Etats membres pris individuellement (articles 10 et 12), ainsi que des Etats et organismes tiers (articles 11 et 12).

Dans tout l’espace dont elle a la charge, l’Agence est chargée, au titre de ses activités « communautaires », de la conception, de la réalisation et de la gestion des installations et services ayant pour objet la transmission des messages techniques et de trafic, le contrôle de la circulation aérienne, le guidage des avions, l’information de vol, le recueil des données, la prévision et la transmission des informations météorologiques. Ces prestations couvrent la circulation en route, l’approche et l’atterrissage. Elles sont assurées dans les vingt-sept aéroports principaux des Etats membres.

L’Agence peut aussi se voir confier par chacun des Etats signataires la gestion ou l’entretien de toute exploitation d’utilité aéronautique ou météorologique, l’exécution d’études et le contrôle de travaux d’aéroports ou d’installations techniques, ainsi que leur maintenance. En 2005, elle a ainsi assuré la gestion des activités nationales de neuf Etats membres (2), qui ont signé des contrats particuliers avec elle. Elle exécute enfin des missions d’ingénierie.

L’ASECNA est la seule organisation de ce type en Afrique. Les Etats de la SADC (South African development commission) ou ceux de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est étudient la possibilité de mettre également en commun l’organisation du contrôle aérien, mais ces tentatives n’ont pas encore abouti.

Mis à part Eurocontrol, il existe une organisation similaire à l’ASECNA et créée seulement quelques mois après elle, qui regroupe six Etats d’Amérique centrale (3), la COSESNA. Celle-ci a récemment étendu ses compétences, au-delà de la gestion du contrôle aérien, aux questions de sécurité de l’aviation civile.

B – Son fonctionnement et son financement

L’ASECNA est administrée par un Conseil d’administration, placé sous la tutelle d’un Comité des ministres ; pour la partie française, la tutelle est confiée au ministre délégué chargé de la coopération.

Les activités « communautaires » de l’Agence sont assurées par 5 700 agents, parmi lesquels 650 sont employés au siège de Dakar (4).

Dans chaque État membre, les missions de l’Agence sont remplies par une représentation ayant à sa tête un représentant nommé par le directeur général de l’Agence, en accord avec le ministre de tutelle concerné ; cet agent est responsable des activités de l’Agence dans son Etat d’affectation.

Toutes les représentations sont organisées selon un schéma identique. Leurs effectifs constituent environ 80 % des effectifs totaux de l’Agence, avec 4 532 agents présents en 2002. Une représentation emploie 300 personnes en moyenne, un chiffre variant notamment selon l’importance de l’activité aérienne.

En 2004, les dotations budgétaires des seize représentations s’élevaient au total à 49,9 milliards de francs CFA (74,85 millions d’euros).

Il faut ajouter à l’effectif de l’Agence proprement dite les 1 800 agents employés au titre des contrats particuliers qui la lient aux neuf Etats membres qui lui ont confié la gestion de leurs activités aéronautiques.

Le budget de l’Agence a naturellement considérablement évolué depuis sa création. Son montant est passé de 2,6 milliards de francs CFA en 1961 à 123,95 milliards de francs CFA (185,5 millions d’euros) (5) en 2005.

Surtout, ses recettes ne sont plus les mêmes : jusqu’en 1974, le budget était alimenté par des redevances (à hauteur d’environ la moitié du total), mais aussi par les contributions des Etats africains membres (pour 20 %) et une contribution française (pour 30 %) ; la contribution française a alors été supprimée, tandis que les contributions des Etats africains, maintenues, sont restées d’un faible montant, qui ne représentait plus que 4 % du total des recettes en 1995.

Depuis 1996, les redevances, payées par les bénéficiaires des services rendues par l’Agence (les compagnies aériennes, principalement), constituent ses seules ressources.

La France continue néanmoins à lui apporter un soutien financier. Dans un premier temps, elle a pris en charge le personnel français travaillant à l’Agence sous la forme d’un contrat avec la société SOFREAVIA, l’Agence ne contribuant à leur rémunération qu’à hauteur d’un neuvième, sous forme de fonds de concours. Depuis 1995, l’ASECNA a repris ce contrat, au financement duquel la France participe en accordant une subvention. Cette dernière s’élevait à 1,5 million d’euros en 2005.

II – UNE DÉLÉGATION PARISIENNE ANCIENNE, QUI BÉNÉFICIERA DÉSORMAIS DE PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS

L’ASECNA dispose d’une implantation parisienne depuis son origine. L’accord lui reconnaît un statut d’organisme intergouvernemental, qui se traduit par l’octroi de privilèges et immunités visant à faciliter le fonctionnement de la délégation de l’Agence.

A – Une implantation parisienne ancienne

En plus de ses seize représentations situées chacune dans l’un des Etats membres de l’Agence, celle-ci possède deux délégations : l’une d’elle, ouverte en 1990, est située à Montréal, auprès de l’OACI, l’autre, plus ancienne, se trouve à Paris.

Cette délégation de Paris existe depuis que, en 1974, le siège de l’ASECNA a été transféré de la capitale française à Dakar. Elle a conservé jusqu’ici un simple statut de fait.

Elle remplit principalement deux fonctions :

– elle est le centre de recouvrement des redevances en route, ce qui permet à l’Agence d’établir et de recouvrer cette redevance en euros, et de se mettre ainsi à l’abri des dévaluations éventuelles ; les dépôts de trésorerie de l’ASECNA sont faits dans des banques françaises ;

– elle sert d’interface entre l’Agence et ses fournisseurs, pour tous les achats relatifs aux investissements et à la maintenance des équipements, qui représentent de l’ordre de 50 millions d’euros par an.

Cette délégation fonctionne grâce à six agents sous statut de l’ASECNA, auxquels s’ajoutent vingt-huit agents français employés par la société SOFRAEVIA, mis à la disposition de l’Agence.

Le fait que la délégation soit dépourvue de tout statut officiel est aujourd’hui source d’importants problèmes administratifs et juridiques, auxquels le présent accord d’établissement vise à apporter une réponse.

B – Les privilèges et immunités reconnus par l’accord

Fruit d’un long processus de négociation, le présent accord d’établissement conforte l’existence de la délégation de l’ASECNA à Paris, qualifiée d’« indispensable pour lui permettre de remplir efficacement le rôle dont elle est chargée », et reconnaît l’Agence comme un organisme intergouvernemental. Il lui confère ainsi les mêmes privilèges, immunités et facilités que ceux dont jouissent les organisations internationales établies en France. L’immunité de juridiction reconnue aux responsables de la délégation de Paris est néanmoins plus limitée que celle dont bénéficient les diplomates.

Conclu pour une durée illimitée, l’accord, dont les problèmes d’application ou d’interprétation seront réglés par la négociation (article 8), pourra néanmoins être dénoncé après un préavis d’un an (article 10).

1) Des garanties relatives à l’accomplissement des missions de la délégation

Selon l’article 1er de l’accord, la délégation de l’ASECNA à Paris « exerce notamment des fonctions d’intervention et d’information pour le compte du siège de Dakar ainsi que des fonctions d’information à l’égard de celui-ci ». Son établissement est autorisé et la personnalité juridique est accordée à l’ASECNA sur le territoire français, ce qui lui permet, entre autres choses, d’occuper des locaux, voire d’en acquérir, de recruter du personnel, d’ester en justice auprès des juridictions françaises, dont la compétence est affirmée, sauf stipulation contraire prévue par l’accord lui-même.

L’intégrité des locaux occupés par la délégation est assurée par l’article 2 : ils sont inviolables, même si, en cas de sinistre, il est présumé que son directeur a autorisé les services compétents à accéder à ses locaux pour intervenir en urgence.

L’article 3 garantit la correspondance sans entrave de la délégation, quelle que soit la forme prise par les informations communiquées. La correspondance entre la délégation et le siège de l’ASECNA (et réciproquement) est reconnue inviolable et la délégation peut recourir à des courriers spéciaux ou des valises scellées pour sa correspondance officielle. La détention et les mouvements de fonds, effectués dans le cadre de ses activités, sont libres.

Si ces immunités gênent l’action de la justice, l’Agence devra accepter leur levée, à condition que celle-ci ne porte pas préjudice aux intérêts de la délégation (article 4).

L’article 5 organise le régime fiscal auquel la délégation est soumise. Elle est exonérée de tout impôt direct dans le cadre de ses activités officielles, mais cette exonération ne porte pas sur les taxes perçues en rémunération de services rendus, et ne s’applique pas aux éventuelles activités commerciales de la délégation. Les acquisitions ou locations d’immeubles nécessaires au fonctionnement de la délégation sont en outre exonérées de droit d’enregistrement et de taxe de publicité foncière.

Pour ce qui est des taxes sur le chiffre d’affaires, au premier rang desquelles la taxe sur la valeur ajoutée, la délégation les supporte dans les conditions de droit commun, mais une partie (6) pourra faire l’objet d’un remboursement par les autorités françaises.

2) Les privilèges et immunités au bénéfice de ses personnels

L’article 6 régit le statut des personnels de la délégation : alors que les personnels recrutés en France – qu’ils soient français ou résidents permanents en France – sont soumis au droit commun, il est accordé des privilèges et immunités aux membres du personnel de la délégation appartenant aux catégories I et II définies par l’annexe de l’accord, c’est-à-dire aux agents du siège qui assurent les fonctions d’encadrement de la délégation, dans la limite de six personnes (7).

L’immunité judiciaire dont ils bénéficient se limite aux actes accomplis dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions et ne s’applique ni aux infractions aux règles de la circulation routière, ni en cas d’accident causé par un véhicule leur appartenant ou conduit par l’un d’eux ; elle est donc moins large que celle accordée aux diplomates, laquelle s’étend à leurs actes personnels. De même, les membres de leur famille proche ne bénéficient d’aucune immunité, contrairement aux familles de diplomates, mais ils recevront aussi un titre de séjour spécial.

Ces mêmes personnels, qui, dans la mesure où ils sont affiliés au système de prévoyance sociale de l’ASECNA, ne sont pas affiliés à la sécurité sociale française, et ne peuvent donc prétendre à aucune de ses prestations, se voient octroyer une exonération d’impôt sur le revenu pour les traitements qu’ils perçoivent de l’Agence, sous réserve que celle-ci mette en place un système d’imposition interne effectif. L’avenant n° 1 à l’accord, signé le 6 décembre 2004, y ajoute une condition supplémentaire, à la demande du ministère français de l’économie, des finances et de l’industrie : les rémunérations versées par l’Agence, bien qu’exonérées, devront être prises en compte pour appliquer le barème de l’impôt sur le revenu aux autres revenus perçus par la personne concernée suivant la règle du taux effectif. Ce mécanisme est destiné à maintenir le juste niveau de progressivité de l’impôt sur le revenu ; il participe au principe d’égalité des citoyens devant l’impôt.

Par ailleurs, les véhicules à moteur des personnels bénéficiant des immunités seront placés, lors de leur importation, sous le régime douanier de l’admission temporaire pour la durée de leur mission en France, afin que les droits et taxes normalement exigibles soient suspendus.

Ces privilèges et immunités pourront être levés dans les mêmes conditions que ceux accordés aux articles 2 et 3 pour permettre l’action de la justice. Sous réserve qu’il en informe l’ASECNA, le gouvernement français peut refuser d’accorder ces privilèges et immunités à un agent dont le nom est proposé et les retirer à un agent déclaré persona non grata, et ce, sans avoir à motiver sa décision.

A côté de ce statut, réservé au personnel dirigeant de la délégation de l’Agence installé en France, notre pays s’engage par l’article 7 à autoriser, sans frais de visa ni délai, l’entrée et le séjour de personnes en mission auprès d’elle, qu’il s’agisse des membres du Comité des ministres ou du Conseil d’administration de l’Agence, de son directeur général ou de conseillers ou experts qu’elle aurait désignés. Seul un motif d’ordre public, ou des règles sanitaires, pourrait y faire obstacle.

CONCLUSION

L’ASECNA remplit des fonctions essentielles à la sécurité aérienne en Afrique de l’Ouest et à Madagascar. Sa délégation de Paris contribue incontestablement à son efficacité.

La nature intergouvernementale de l’Agence permet d’accorder à sa délégation des privilèges et immunités. Ceux-ci, limités strictement aux activités officielles de l’Agence et à l’exercice des fonctions de son personnel de direction, sont justifiés.

Aussi votre Rapporteur est-il favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 12 décembre 2006.

Après l’exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 3351).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3351).

© Assemblée nationale