N° 3587 - Rapport de M. Marc Bernier sur la proposition de loi de M. Charles Cova relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale "Les Médaillés Militaires" (3482)




N° 3587

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 janvier 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 3482) de M. CHARLES COVA relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés Militaires »,

PAR M.  Marc BERNIER,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. LES MÉDAILLÉS MILITAIRES ONT MIS EN PLACE UN GRAND RÉSEAU DE SOLIDARITÉ S’APPUYANT SUR LA SOCIÉTÉ NATIONALE « LES MÉDAILLÉS MILITAIRES » 9

A. JOUANT UN RÔLE DE PROTECTION SOCIALE DE SES MEMBRES JUSQU’À LA CRÉATION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 1945, LA SOCIÉTÉ NATIONALE A ÉTÉ INSTITUÉE SOUS LA FORME D’UNE MUTUELLE 9

B. L’ÉVOLUTION RÉCENTE DU DROIT DE LA MUTUALITÉ A ENGENDRÉ UNE PROFONDE RÉORGANISATION DU SECTEUR 10

II. LA PÉRENNISATION DES ACTIVITÉS DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE EXIGE UN CHANGEMENT DE STATUT 13

A. LA STATUT DE MUTUELLE N'EST PLUS ADAPTÉ A LA RÉALITÉ DE SES ACTIVITÉS 13

B. LA PROPOSITION DE LOI VISE À LUI PERMETTRE DE POURSUIVRE SA MISSION D’ENTRAIDE SOUS LA FORME ASSOCIATIVE, TOUT EN CONSERVANT SON PATRIMOINE 14

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 19

INTRODUCTION

Si l’Ancien régime avait prévu d’honorer les sous-officiers et les hommes de troupes pour leurs actes de bravoures et leurs faits d’armes, notamment avec la médaille de la Vétérance, la Révolution et les différents régimes successifs, qui donnèrent naissance à l’Ordre national de la Légion d’honneur et qui en confirmèrent l’existence, n’envisagèrent aucune décoration spécifique pour les non officiers.

Aussi, étant donné que beaucoup d’actions héroïques restèrent sans récompenses sous l’Empire et que le phénomène s’accrut avec la conquête de l’Algérie sous le règne de Louis-Philippe, Napoléon III – huit jours après la promulgation de la nouvelle constitution qui donna naissance au Second Empire – institua la Médaille militaire par un décret du 22 janvier 1852.

La première remise de la Médaille militaire eut lieu le 21 mars 1852 au Carrousel. Louis-Napoléon Bonaparte proclama devant la troupe figée au garde-à-vous :

« Soldats, (...) combien de fois ai-je regretté de voir des soldats et des sous-officiers rentrer dans leurs foyers sans récompense, quoique, par la durée de leurs service, par des blessures, par des actions dignes d'éloges, ils eussent mérité un témoignage de satisfaction de la patrie !

« C'est pour le leur accorder que j'ai institué cette médaille (...). Elle assurera 100 francs de rente viagère ; c'est peu, certainement ; mais ce qui est beaucoup, c'est le ruban que vous porterez sur la poitrine et qui dira à vos camarades, à vos familles, à vos concitoyens que celui qui la porte est un brave (...)  »

Rapidement surnommée le « bijou de l’armée », cette décoration spécifiquement militaire est – depuis l’origine – exclusivement réservée à la troupe et aux sous-officiers. En revanche, elle peut être exceptionnellement concédée, par décret pris en Conseil des ministres, aux maréchaux de France et aux officiers généraux, grand'croix de la Légion d'honneur, qui, en temps de guerre, ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale (depuis un décret présidentiel du 5 mai 1950).

À la chute de l’Empire, la République conserva ce système qui honorait la « valeur » et la « discipline » militaire, comme le rappelle la devise de cette décoration si estimée et considérée au sein des Armées.

Sur le million de médaillés depuis cent cinquante-cinq ans, on compte 156 généraux et maréchaux – parmi lesquels Joffre, Foch, Lyautey, Juin, de Lattre de Tassigny, Leclerc – mais aussi Jean Moulin, Winston Churchill, le général Eisenhower ou encore, à titre posthume, le président Franklin D. Roosevelt. Décoration dépourvue de grades, deux images pourraient symboliser son histoire : le général Lyautey décoré au Maroc par un sous-officier, l'adjudant Caviglioli, lui-même médaillé ou le maréchal Canrobert décorant un caporal-chef et déclarant : « Et maintenant tu es autant que moi, nous sommes égaux ».

Aujourd'hui, avec 3 500 récompenses concédées annuellement, la Médaille militaire continue à honorer les services exceptionnels rendus par les militaires – hommes ou femmes – ayant servi au moins huit années dans les trois Armées (dont fait partie la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris ainsi que celle des marins-pompiers de Marseille) ou la Gendarmerie nationale, de sorte qu’on compte actuellement près de 200 000 titulaires vivants.

Cette distinction, dont l’histoire se confond désormais avec l’histoire militaire de la France, est la troisième décoration dans l’ordre de préséance, puisque son port et sa disposition réglementaire la placent immédiatement après la croix de Compagnon de la Libération (en seconde position par rapport à la Légion d’honneur) et avant l’Ordre national du Mérite.

Pour ce qui est de son organisation, alors que la création de la Légion d’honneur s’était accompagnée de celle d’un ordre, l’administration de la Médaille militaire et sa discipline furent confiées dès sa création à la grande chancellerie de la Légion d'honneur. Aussi, la conséquence de l’égalité des porteurs de la Médaille militaire fut qu’aucune organisation n’était chargée de les soutenir et de cultiver leur solidarité.

Les médaillés militaires s'organisèrent donc eux-mêmes en créant, en 1904, une société de secours mutuel qui devint la Société nationale « Les médaillés militaires », reconnue d'utilité publique en 1931. Elle avait pour vocation d'apporter un soutien matériel et financier aux médaillés et à leurs familles, à une époque où les assurances sociales n'existaient pas et les conflits meurtriers se succédaient, tout en cultivant également une fraternité et une solidarité entre tous les médaillés.

Aujourd'hui, après plus d'un siècle d'action, la Société nationale des médaillés militaires compte plus de 70 500 adhérents répartis dans le monde entier et poursuit son œuvre de solidarité, en gérant notamment la maison de retraite qu'elle possède à Hyères.

Alors que son rôle initial d'assurance sociale a progressivement disparu, la Société nationale est toujours régie par le code de la mutualité. Or, suite à la transposition en droit français de directives européennes, le secteur mutualiste a profondément évolué ces dernières années, des règles propres aux assurances commerciales ayant été introduites. Entre les mutuelles réalisant des opérations d'assurance et les mutuelles gestionnaires de réalisations sanitaires et sociales, la Société nationale a eu du mal à trouver sa place.

C'est pourquoi la Société nationale souhaiterait modifier son statut et continuer son action sous la forme associative, cadre qui semble plus adapté aux objectifs qu'elle poursuit et qui est déjà utilisé par les membres de l’Ordre national de la Légion d'honneur ou de l'Ordre national du Mérite. Elle pourrait pour cela transférer ses activités à une association reconnue d'utilité publique placée sous son patronage, l'Association de l'orphelinat et des œuvres des médaillés militaires.

Les médaillés militaires exercent en effet aujourd'hui leurs activités par le biais de deux structures juridiques distinctes : la Société nationale « Les médaillés militaires » et l'Association de l’orphelinat et des œuvres des médaillés militaires. Cette association est chargée d'apporter son aide aux médaillés militaires mais dispose pour cela de ressources relativement faibles compte tenu du nombre de ses membres (un peu plus de 14 000) alors que la Société nationale, qui dispose de ressources plus importantes et gère la maison de retraite, n’a pas, en vertu des dispositions du code de la mutualité, l’entière liberté de distribuer des aides à l’ensemble des médaillés.

L'objet de la proposition de loi présentée par M. Charles Cova, inscrite à l’ordre du jour de la séance mensuelle réservée au groupe UMP le jeudi 25 janvier 2007, est de faciliter la fusion de ces deux entités pour que ce vaste réseau de solidarité puisse perdurer.

I. LES MÉDAILLÉS MILITAIRES ONT MIS EN PLACE UN GRAND RÉSEAU DE SOLIDARITÉ S’APPUYANT SUR LA SOCIÉTÉ NATIONALE « LES MÉDAILLÉS MILITAIRES »

Les médaillés militaires parisiens, ayant pris l’habitude de se rencontrer amicalement, décidèrent, le 10 mars 1904, de fonder « Les Médaillés Militaires de France », organisme inédit dont les statuts furent déposés quelques jours plus tard auprès de la préfecture de la Seine, puis approuvés par Émile Combes, alors ministre de l’Intérieur. Dès le début, les militaires d’active, médaillés militaires, furent autorisés par le ministre de la Guerre à intégrer cette nouvelle entité, ce qui constituait une nouveauté car toute appartenance à un groupement avait toujours été interdite à la « Grande muette ».

En pleine effervescence du mouvement mutualiste français suite à la loi de du 1er avril 1898, la « charte de la mutualité », qui libéralisait le dispositif mis en place par Napoléon III en 1852 et à la création de la Fédération nationale de la mutualité française (FNFM) en 1902, la société fut créée sous la forme d’une société de secours mutuels. Les valeurs mutualistes, liberté, solidarité, démocratie et indépendance à l'égard des pouvoirs publics, répondaient bien aux buts poursuivis par ses fondateurs. En outre, en l’absence de système de protection sociale généralisée, les sociétés de secours mutuels jouaient, depuis le milieu du XIXe siècle, un rôle officieux d’assurance volontaire contre la maladie, devenue une question sociale et politique majeure.

Après cinq années de fonctionnement, la Société nationale accentua son effort social en créant l’Association de l’orphelinat et des œuvres, chargée de prendre en charge les familles de médaillés militaires en difficulté. L’action ainsi entreprise donna sa pleine mesure au cours de la Grande Guerre qui laissa plus d'un million de veuves et d’orphelins, période au cours de laquelle la Société reçut de nombreuses adhésions puisque 230 000 médailles militaires furent attribuées au cours de la période 1914-1918.

La mise en place du système de sécurité sociale obligatoire par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, avec pour objectifs l’unité du système, la généralisation de la couverture à toute la population et l’extension des risques couverts, ne rendit plus nécessaire la poursuite, par la Société nationale, de son rôle initial d’assurance sociale. Si la Fédération nationale de la mutualité française, initialement opposée au principe de la caisse unique car redoutant l’étatisme et la disparition de ses œuvres, reconnut la sécurité sociale et participa à la gestion de certains de ses organismes, la Société nationale se concentra désormais sur ses œuvres.

Elle décida ainsi de créer, en 1972, un établissement d’accueil des médaillés militaires âgés. Ce projet fut porté par son président d’alors, Marc Riché, grand invalide de la Seconde Guerre mondiale et membre de la Résistance, qui mena avec énergie les démarches nécessaires à l’acquisition d’un lieu à aménager, à Hyères. L’établissement fut inauguré par Henri Duvillard, ministre des anciens combattants. Marc Riché déclara alors : « L’oriflamme aux couleurs de la médaille militaire flotte au côté de nos trois couleurs, rappelant aux passants qu’ici des anciens vivent le crépuscule de leur vie et que sous ce toit vivent heureux des hommes qui, pendant une partie de leur vie, furent des hommes braves et qui toute leur vie n’auront cessé d’être des braves gens ».

Le secteur mutualiste français a profondément évolué ces dernières années suite à la transposition de directives européennes. Déjà, la réforme du code de la mutualité opérée le 25 juillet 1985 avait conduit à effacer toute trace de défiance étatique par un allégement sensible des tutelles administratives et, surtout, à normaliser les conditions de concurrence avec les institutions à but lucratif dans le cadre de la construction de l’Europe.

L’ordonnance du 19 avril 2001, qui transposait dans la sphère de la mutualité, les directives européennes « assurances » des 18 juin et 10 novembre 1992, a procédé à une refonte complète du code de la mutualité. Cette transposition visait à réaliser pleinement le marché commun des assurances en soumettant les activités assurantielles de la mutualité aux lois du marché, ce qui eut pour effet immédiat d’entraîner une séparation entre les mutuelles pratiquant des opérations d’assurance, relevant désormais du livre II du code de la mutualité, et les mutuelles gestionnaires de réalisations sanitaires et sociales, relevant du livre III. Elle tendait aussi à renforcer les règles classiques relatives aux droits des membres des mutuelles et à leur participation à la direction et au fonctionnement de ces organismes.

Suite à la transposition de ces directives, le secteur mutualiste s'est complètement restructuré et considérablement concentré. L'ordonnance laissait un délai d'un an aux mutuelles pour se mettre en conformité avec les exigences du nouveau code de la mutualité et procéder ainsi, le cas échéant, à la séparation juridique de leurs activités. Afin d'accompagner ce mouvement et assurer le respect de la nouvelle réglementation, la loi n° 2003-76 du 1er août 2003 de sécurité financière a mis en place une autorité indépendante, l'ACAM (Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, résultant de la fusion de la Commission de contrôle des assurances et de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance), disposant de larges pouvoirs d'investigations. Ainsi, alors que 5 780 groupements mutualistes étaient recensés en 1995, l'ACAM a comptabilisé, en juin 2006, 2 088 mutuelles actives inscrites au registre national des mutuelles : 1 270 pratiquaient des opérations d'assurance et 748 géraient des réalisations sanitaires et sociales.

La Société nationale n'a naturellement pas échappé à cette restructuration. Suite à l'enquête menée pendant plus d'un an par l'ACAM en son sein, elle a dû se mettre en conformité avec les exigences nouvelles du code de la mutualité. Le congrès de Blois du 6 juin 2006 a ainsi permis à l’assemblée générale de la Société nationale de procéder à une refonte complète de ses statuts et de son règlement intérieur.

L’article 4 de ses statuts dispose désormais que la Société nationale a pour objet d’assurer la gestion de la maison de retraite de Hyères dite Maison des médaillés militaires. Cela signifie bien que la Société nationale est une mutuelle qui gère une action sociale et relève, à ce titre, du livre III du code de la mutualité. Elle est inscrite au Registre national des mutuelles, au même titre que les 747 autres organismes relevant du livre III recensés par l'ACAM.

II. LA PÉRENNISATION DES ACTIVITÉS DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE EXIGE UN CHANGEMENT DE STATUT

Les exigences du code de la mutualité sont très nombreuses et sont difficiles à satisfaire pour une mutuelle qui compte, certes, plus de 70 000 adhérents, mais ne gère qu'une seule œuvre sociale. Trois exemples suffisent à en témoigner.

Tout d'abord, les règles de fixation des cotisations sont strictement encadrées par l'article L. 112-1. Les mutuelles gérant des activités du livre III ne peuvent ainsi moduler les cotisations qu’en fonction de six critères limitativement énumérés par le code : revenu, durée d’appartenance à la mutuelle, régime de sécurité sociale d’affiliation, lieu de résidence, nombre d’ayants droit ou âge des participants. En outre, les prestations ne peuvent être modulées qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille. Ces nouvelles dispositions répondent assez mal à la volonté de la Société nationale d'accorder des secours exceptionnels à ses membres en cas de besoins urgents, sans tenir compte de critères trop rigides.

Ensuite, le chapitre IV du livre I du nouveau code de la mutualité, relatif au fonctionnement des mutuelles, renforce sensiblement la primauté de l'assemblée générale qui est l'organe souverain de la mutuelle pour statuer sur toutes les questions intéressant le fonctionnement et la gestion. Si l'assemblée générale est bien l'expression du principe démocratique, ce qui constitue l'un des fondements de la mutualité, il n'en demeure pas moins qu'il est difficile pour une organisation au fonctionnement décentralisé, composée de plus de 1 000 sections locales, dont certaines à l'autre bout du monde, de faire pleinement jouer son rôle à cette assemblée générale.

Enfin, outre la gestion de la maison de retraite d'Hyères, les buts que la Société nationale se propose de poursuivre – resserrer les liens de solidarité et de camaraderie entre les médaillés militaires, aider ses membres dans la défense de leurs droits d'anciens combattants, promouvoir le devoir de mémoire et le transmettre aux jeunes générations – n'entrent pas dans les prévisions du nouveau code, élaboré pour des organismes intervenant plus particulièrement dans le domaine de la santé : gestion de centres d'optique ou dentaires, gestion de centres hospitaliers, de pharmacies ou encore de laboratoires.

Le choix de la forme mutualiste, opéré il y a plus d'un siècle ne répond donc plus pleinement aux activités de la Société nationale. Le statut associatif serait plus approprié à la réalité de ses activités.

En effet, la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association fournit un cadre qui permettrait à la Société nationale des médaillés militaires de poursuivre ses activités sans être soumise aux contraintes du code de la mutualité. Reconnue d'utilité publique, elle ne pourrait se soustraire au contrôle des pouvoirs publics et procéder à un partage de bénéfices, mais elle pourrait disposer plus librement de son patrimoine dans le but qu'elle poursuit, fixer des règles de démocratie interne mieux adaptées à son organisation et son histoire et surtout distribuer les aides en tenant compte plus précisément des besoins de chacun. L'esprit qui guide depuis toujours son action, créer une communauté solidaire et vivante, serait donc pleinement préservé.

Preuve supplémentaire que la forme associative serait plus appropriée aux activités d'entraide, cette formule a été choisie par la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur ou encore l'Association nationale des membres de l'Ordre national du Mérite, qui poursuivent des buts tout à fait comparables à ceux de la Société nationale des médaillés militaires.

La Société nationale a préparé cette transformation : les statuts de l’Association de l'orphelinat et des œuvres ont été complètement refondus lors de l’assemblée générale extraordinaire tenue le 11 décembre 2006 à l’Ecole militaire, à Paris. L’objet de l’association, défini par l’article 3 de ses statuts, est de procurer aux médaillés militaires le concours matériel dont ils peuvent avoir besoin à travers différentes aides : aides à l’éducation et aux conditions de vie des pupilles et orphelins de la nation dont les parents ou tuteurs sont médaillés militaires, attribution de bourses d’études annuelles, aides ponctuelles aux enfants handicapés et aux sinistrés de catastrophes naturelles. Il suffirait, en cas de dissolution de la Société nationale, d'ajouter à cette liste la gestion de la maison de retraite d'Hyères.

La fusion de la Société nationale et de l’Association de l’orphelinat et des œuvres se heurte à une disposition du code de la mutualité qui prévoit qu'en cas de dissolution d'une mutuelle l'excédent de celle-ci est nécessairement affecté à une autre structure mutualiste ou au fonds national de garantie des mutuelles. Ce principe, établi par l’article L. 113-4 du code, est consubstantiel à la vocation de solidarité de la mutualité car l'excédent d’une mutuelle appartenant à « la collectivité indivise et intemporelle des sociétaires », il ne saurait donner lieu à un partage de bénéfices. Il est la garantie du caractère non lucratif des activités de la mutualité.

Mais, appliqué à la Société nationale, ce principe aurait pour effet de la priver, et donc l'ensemble de ses sociétaires, de son patrimoine, constitué notamment de son siège du 36, rue de la Bienfaisance à Paris et de la maison de retraite d’Hyères, patrimoine qui, dans le cadre d’une association reconnue d’utilité publique, ne saurait servir à d’autres buts que ceux poursuivis par l’association. Il serait donc pour le moins paradoxal que, suite à ce transfert, l’association des Médaillés militaires ne dispose pas des moyens nécessaires à la poursuite de son action, et que les biens constitués par la générosité de ses sociétaires dont les mérites ont été honorés par la Patrie leur soient tout simplement confisqués en raison d’une application restrictive et inappropriée du code de la mutualité.

Le dispositif proposé est donc simple : par un article unique, autoriser la Société nationale à déroger à l'article L. 113-4 du code de la mutualité afin que, après sa dissolution et le transfert de ses activités à l'Association de l’orphelinat et des œuvres, elle puisse lui transmettre le patrimoine accumulé depuis plus d'un siècle par ses sociétaires et poursuivre ainsi son travail de solidarité et de mémoire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Bernier, la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 17 janvier 2007.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Pierre-Louis Fagniez a indiqué que les anciens combattants sont évidemment très sensibles à ce que les médaillés militaires puissent continuer leurs activités. M. Charles Cova est un des rares députés à être titulaire de la médaille militaire ; il est en outre officier de l’Ordre national du mérite. Il faut lui savoir gré, au nom de tous les titulaires de la médaille militaire, pour lesquels il faut avoir de la reconnaissance, d’avoir su trouver une formule qui contourne une disposition du code de la mutualité qui se retournait en définitive contre l’ensemble des médaillés militaires. On ne peut donc que souscrire à cette proposition de loi, même si elle introduit une dérogation législative car la dérogation est en l’espèce utile.

M. Bernard Perrut, président, a souhaité rendre un hommage particulier à tous les médaillés militaires et a indiqué qu’il avait récemment participé à l’assemblée générale des médaillés militaires de sa circonscription. Ceux-ci sont particulièrement intéressés par les questions de défense nationale, qu’il s’agisse des moyens engagés, de la programmation militaire ou de la présence française dans le monde entier là où il faut maintenir la paix. Les associations de décorés de la médaille militaire sont très impliquées dans la vie civique et politique, ont également une dimension sociale indéniable et défendent des valeurs de solidarité en proposant notamment des aides aux veuves. Cette défense des valeurs est un thème fort de leur action qui transmet ainsi un message aux populations les plus jeunes. En outre, la médaille militaire permet de récompenser les gendarmes et les sapeurs-pompiers et constitue ainsi une reconnaissance de la Nation à tous ceux qui prennent des risques et se dévouent pour leurs concitoyens. Au-delà de l’aspect administratif et financier de ce texte, c’est donc aussi un véritable hommage qui leur est rendu.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a rappelé qu’il avait été rapporteur pour avis du budget des anciens combattants et qu’il avait auditionné à cette occasion M. Micislas Orlowski, ancien président général de la Société nationale « Les Médaillés Militaires », qui est malheureusement décédé récemment. Celui-ci avait insisté à l’époque sur l’importance que les médaillés militaires attachaient à la question des modalités de dissolution de la Société nationale. Après la dissolution de la mutuelle, les biens seront toujours utilisés dans un but non lucratif puisque l’Association de l’orphelinat et des veuves des médaillés militaires est reconnue d’utilité publique et ne peut utiliser ses biens que pour le but qu’elle poursuit. Il s’agit donc d’une proposition de loi juste qui récompense tant des personnes qui ont donné beaucoup d’elles-mêmes que leurs veuves et leurs descendants. Il s’agit en outre d’un texte très simple, qui est donc un modèle de loi.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission a adopté l’article unique de la proposition sans modification.

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En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX MODALITÉS DE DISSOLUTION DE
LA MUTUELLE DÉNOMMÉE SOCIÉTÉ NATIONALE « LES MÉDAILLÉS MILITAIRES »

Article unique

Lors de la dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés Militaires », l’excédent de l’actif net sur le passif peut, par dérogation aux dispositions de l’article L. 113-4 du code de la mutualité, être dévolu à une association reconnue d’utilité publique.

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