N° 3667 - Rapport de M. Jean-Paul Bacquet sur le projet de loi autorisant l'approbation des amendements à la constitution et à la convention de l'Union internationale des télécommunications, adoptés à Marrakech le 18 octobre 2002 (n°3463)




N
° 3667

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 3463, autorisant l’approbation des amendements à la constitution et à la convention de l’Union internationale des télécommunications, adoptés à Marrakech le 18 octobre 2002,

PAR M. JEAN-PAUL BACQUET,

Député

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INTRODUCTION 5

I – L’INDISPENSABLE RÉFORME DE L’UNION INTERNATIONALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS 7

A – LA PLUS ANCIENNE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES AU SERVICE DES TECHNOLOGIES LES PLUS MODERNES : DES CHAMPS D’INTERVENTION TOUJOURS PLUS DIVERSIFIÉS 7

B – UNE STRUCTURE COMPLEXE 8

II – LA RÉFORME : DE NOUVELLES METHODES DE TRAVAIL POUR DE NOUVELLES MISSIONS 13

A – L’ENJEU DE LA RÉFORME : S’ADAPTER À LA MONDIALISATION DES MARCHÉS DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET À L’ACCÉLÉRATION DES CHANGEMENTS TECHNOLOGIQUES 13

B – LA RÉFORME : LE FRUIT D’UN LONG PROCESSUS 15

C – LES RÉSERVES DÉPOSÉES PAR LA FRANCE 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis, visant à approuver les amendements à la constitution et à la convention de l’Union internationale des télécommunications (UIT) qui ont été adoptés à Marrakech le 18 octobre 2002 frappe par sa complexité. Plus de cent vingt modifications, suppressions, ajouts aux textes initiaux sont proposés, qui touchent le fonctionnement de la plus ancienne institution internationale, créée à Paris le 17 mai 1865 sous le nom d’Union télégraphique internationale.

Ne nous y trompons pas cependant. Chaque fois que quelqu’un dans le monde prend le bateau ou l’avion, écoute la radio, regarde un programme de télévision, décroche un téléphone et compose un numéro, répond à un appel sur un téléphone mobile, envoie une télécopie ou reçoit un message électronique, il se sert des travaux de l’UIT.

Bien que cette organisation ait été créée au siècle dernier, bien qu’elle ait joué un rôle essentiel dans la coopération internationale en matière de télécommunications – c’est sous son égide que le signal de détresse SOS a été adopté comme norme universelle à Berlin, en 1906 –, elle reste pourtant relativement inconnue du grand public.

Alors que l’utilisation des technologies de télécommunication et des systèmes de radiocommunication s’étend à un nombre croissant d’activités, alors que la préservation des grands équilibres internationaux se joue aussi sur notre capacité à ne pas laisser s’instaurer une fracture numérique irréversible entre les pays développés et les Etats les plus pauvres, il est essentiel que l’UIT conserve un rôle prééminent. Organisation neutre, elle est la seule enceinte où les représentants de 191 Etats côtoient plus de 650 représentants du secteur privé et dont l’objectif est de faire prévaloir la coopération et le partenariat dans un secteur très concurrentiel, où les enjeux financiers sont énormes. Aussi doit-elle s’adapter aux mutations considérables qui se jouent dans le domaine des télécommunications – mutations technologiques, industrielles. Tel est l’objet des amendements aujourd’hui soumis à notre approbation.

I – L’INDISPENSABLE RÉFORME DE L’UNION INTERNATIONALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

A – La plus ancienne des organisations internationales au service des technologies les plus modernes : des champs d’intervention toujours plus diversifiés

L’UIT est née de l’impératif besoin de normalisation apparu avec la naissance des télécommunications. Au tournant du XIXè siècle, alors que Samuel Morse venait d’inventer le télégraphe, les lignes télégraphiques s’arrêtaient aux frontières nationales. Comme chaque pays utilisait un système différent, les messages devaient être transmis, traduits et remis de la main à la main d’un côté à l’autre de la frontière, avant d’être retransmis sur le réseau télégraphique du pays voisin. Du fait de la lenteur et de la rigidité de ce système, de nombreux pays ont fini par décider de conclure des accords bilatéraux d’abord, régionaux ensuite, multilatéraux enfin, avec la naissance de l’UIT.

Depuis plus de 135 ans, le mandat de l’Union n’a cessé de s’élargir pour englober d’abord l’invention de la téléphonie – Graham Bell fait breveter son invention du téléphone en 1876 –, le développement des radiocommunications
– les premières transmissions radioélectriques de la voix humaine ont lieu en 1902 –, le lancement des premiers satellites de télécommunication (1963) et, depuis peu, la convergence des technologies qui annonce le début de la nouvelle ère de l’information fondée sur les télécommunications.

Organisation internationale neutre, institution spécialisée des Nations Unies depuis 1947, l’UIT veille à ce que les gouvernements et le secteur privé puissent coordonner l’exploitation des réseaux et services de télécommunication et encourager le développement des techniques de communication. Les travaux qu’elle effectue depuis plus d’un siècle ont contribué à la construction d’un réseau mondial de communication qui, même s’il associe aujourd’hui de multiples technologies, reste l’un des systèmes les plus fiables jamais inventés par l’homme. Elles continuent aujourd’hui de s’employer sans relâche à faire en sorte que les réseaux de télécommunication de tous les pays assimilent les plus récents progrès technologiques.

A ce stade de sa déjà longue histoire, l’UIT est aujourd’hui chargée des missions suivantes, aux termes mêmes de la constitution qui la fonde :

– maintenir et étendre la coopération internationale entre tous ses Etats membres pour l’amélioration et l’emploi rationnel des télécommunications de toutes sortes ;

– encourager et élargir la participation d’entités et d’organisations aux activités de l’Union et assurer une coopération et un partenariat fructueux entre elles et les Etats membres en vue de répondre aux objectifs généraux énoncés dans l’objet de l’Union ;

– promouvoir et d’offrir l’assistance technique aux pays en développement dans le domaine des télécommunications, et de promouvoir également la mobilisation des ressources matérielles, humaines et financières nécessaires à sa mise en œuvre, ainsi que l’accès à l’information dans ces pays ;

– favoriser le développement de moyens techniques et leur exploitation la plus efficace, en vue d’augmenter le rendement des services de télécommunication, d’accroître leur utilité et de généraliser le plus possible leur utilisation par le public ;

– s’efforcer d’étendre les avantages des nouvelles technologies de télécommunication à tous les habitants de la planète ;

– promouvoir l’utilisation des services de télécommunication en vue de faciliter les relations pacifiques ;

– harmoniser les efforts des Etats membres et favoriser une coopération et un partenariat fructueux et constructifs entre les Etats membres et les membres du secteur privé vers ces fins ;

– promouvoir, au niveau international, l’adoption d’une approche plus générale des questions de télécommunication, en raison de la mondialisation de l’économie et de la société de l’information, en collaborant avec d’autres organisations intergouvernementales régionales et internationales ainsi qu’avec les organisations non gouvernementales qui s’occupent de télécommunications.

B – Une structure complexe

L’Union internationale des télécommunications se distingue des autres organisations internationales en ce sens qu’elle repose sur le principe de la coopération entre pouvoirs publics et secteur privé. Ses membres sont aussi bien des décideurs et des représentants des organismes de réglementation du secteur que des opérateurs de réseaux, des équipementiers, des concepteurs de matériels et de logiciels, des organisations régionales de normalisation ou encore des institutions de financement.

Les activités, stratégies et orientations de l’UIT doivent donc être déterminées et conçues par ceux qu’elle a pour mission de servir. Nécessairement, la pluralité de ses membres, leurs cultures professionnelles et institutionnelles très diverses, conjuguées à l’ancienneté de l’institution ont conduit peu à peu à l’émergence d’une structure institutionnelle complexe.

• L’autorité suprême de l’Union est la conférence de plénipotentiaires, composée de délégations des Etats membres de l’Union, qui se réunit tous les quatre ans pour définir les grandes orientations stratégiques de l’organisation et déterminer sa structure et ses activités.

La conférence de plénipotentiaires détermine les orientations générales de l’Union et ses activités et décide de la structure de l’organisation dans un traité appelé constitution et convention de l’Union internationale des télécommunications, qu’elle peut modifier tous les quatre ans.

La constitution et la convention
de l’Union internationale des télécommunications

Adoptées par la Conférence plénipotentiaires de Genève en 1992 et entrées en vigueur le 1er juillet 1994, elles constituent les instruments fondamentaux de l’Union.

Ces textes fixent les dispositions de base : objet de l’Union, composition, droits et obligations des Etats membres et des membres de droit privé, instruments, structure de l’Union, élections, fonctions et structure des différents organes.

Ils précisent les règles relatives au fonctionnement de l’Union : finances, langues, siège, capacité juridique de l’Union, règles générales régissant les conférences et assemblées.

Ils énoncent des dispositions tant générales, relatives aux télécommunications, que spéciales, relatives aux radiocommunications.

Ils comportent des dispositions finales concernant la ratification, l’acceptation ou l’approbation, l’adhésion, les règlements administratifs, les modalités d’amendement, le règlement des différends et la dénonciation de la constitution et de la convention.

Enfin, ils définissent en annexe un certain nombre de termes employés dans la constitution et la convention ainsi que dans les Règlements administratifs.

Elles ont depuis été amendées par les Conférences de plénipotentiaires (Kyoto,1994), (Minneapolis, 1998) et Marrakech (2002). La dernière conférence s’est réunie en Turquie à l’automne 2006.

• Dans l’intervalle qui sépare les conférences de plénipotentiaires, le conseil de l’UIT, créé en 1947 sous le nom de Conseil d’administration, fait fonction d’organe directeur de l’Union et se réunit chaque année.

Il se compose de représentants d’au maximum 25 % du nombre total des Etats membres, élus par la Conférence de plénipotentiaires, compte dûment tenu de la nécessité d’une répartition équitable des sièges entre les cinq régions du monde (Amériques, Europe occidentale, Europe orientale, Afrique, Asie et Australasie). Dans sa composition actuelle, le conseil compte 46 membres.

Entre les conférences de plénipotentiaires, cet organe a pour rôle d’examiner les grandes questions de politique des télécommunications, afin que les orientations politiques, les activités et la stratégie de l’Union soient parfaitement adaptées à l’environnement dynamique et en perpétuelle mutation qui est aujourd’hui celui des télécommunications. Il établit également le plan stratégique de l’UIT.

Le conseil est en outre chargé d’assurer le bon fonctionnement courant de l’Union, de coordonner les programmes de travail, d’approuver les budgets et de contrôler les finances et les dépenses.

Enfin, le conseil prend toutes mesures propres à faciliter la mise à exécution des dispositions de la constitution de l’UIT, de la convention de l’UIT, des Règlements administratifs (Règlement des télécommunications internationales et Règlement des radiocommunications), des décisions des conférences de plénipotentiaires et, si nécessaire, des décisions prises par d’autres conférences et réunions de l’Union.

• En termes opérationnels, l’UIT est divisée en trois secteurs depuis 1989 :

– le secteur des radiocommunications (UIT-R).

L’UIT-R élabore les caractéristiques techniques des services et systèmes hertziens de Terre et spatiaux et met au point des méthodes d’exploitation. Il effectue les études techniques sur lesquelles sont fondées les décisions d’ordre réglementaire prises par les conférences des radiocommunications.

Ce secteur peut organiser des conférences mondiales habilitées à conclure des traités touchant les seules radiocommunications. Les participants à ces conférences révisent et mettent à jour le Règlement des radiocommunications qui régit l’utilisation qui est faite du spectre par un nombre croissant de services dans le monde.

– le secteur de la normalisation des télécommunications (UIT-T).

Les experts de l’UIT-T élaborent les spécifications techniques des systèmes, réseaux et services de télécommunication, y compris en ce qui concerne l’exploitation, la qualité de fonctionnement et la maintenance. Leurs travaux englobent aussi les principes de tarification et les méthodes de comptabilité utilisées pour la fourniture du service international.

– le secteur du développement des télécommunications (UIT-D).

Les experts de l’UIT-D axent leurs travaux sur la rédaction de recommandations, d’avis, de directives, de manuels et de rapports indiquant aux décideurs des pays en développement les « meilleures pratiques » applicables à divers domaines, qu’il s’agisse de stratégies et de politique générale en matière de développement ou de gestion du réseau.

Les travaux de chacun des trois secteurs de l’UIT sont menés, à la base, au sein de groupes consultatifs et de commissions d’études. Dans le cadre de ces commissions d’études, des experts des grandes organisations de télécommunication mènent à bien les travaux techniques de l’Union et préparent les études détaillées qui conduisent à l’établissement de recommandations faisant autorité. Ces travaux trouvent leur aboutissement dans des conférences ou réunions au cours desquelles les membres négocient les accords qui servent de base à l’exploitation des services de télécommunication dans le monde.

On compte actuellement 22 commissions d’études actives dans les trois secteurs de l’Union (7 pour l’UIT-R, 13 pour l’UIT-T et 2 pour l’UIT-D). A elles toutes, elles publient chaque année environ 550 recommandations nouvelles ou révisées. Les recommandations de l’UIT sont des accords librement consentis et n’ont pas de caractère obligatoire.

Les fonctions décisionnelles de l’Union relèvent de la compétence des Etats membres qui les exercent lors des conférences, assemblées, commissions d’études ou sessions du conseil.

II – LA RÉFORME : DE NOUVELLES METHODES DE TRAVAIL
POUR DE NOUVELLES MISSIONS

L’UIT face aux mutations profondes dans le domaine des communications

Le contexte dans lequel l’UIT fonctionne aujourd’hui est très différent de celui qui a présidé à sa fondation il y a quelque 135 ans. Au cours des vingt dernières années, les télécommunications, qui servaient auparavant à favoriser la communication d’une personne à l’autre, sont devenues la trame d’une multitude d’activités humaines dans différents domaines: échanges et commerce internationaux, santé et, de plus en plus fréquemment, enseignement. L’existence de réseaux de télécommunication rapides et fiables est aujourd’hui une composante clé de la fourniture transfrontière de services dans différents secteurs (banque, transports, tourisme, information en ligne et téléachat).

Parallèlement, la clientèle de l’Union évolue, elle aussi, à mesure que se modifient les méthodes d’acheminement des services de télécommunication et que convergent les secteurs des télécommunications, de l’informatique et des loisirs audiovisuels. Dans de nombreux pays, la libéralisation et la déréglementation des télécommunications ont amené des membres de longue date de l’UIT à demander à celle-ci de leur fournir de nouveaux services qui mettent davantage l’accent sur l’élaboration de stratégies et sur les conseils en matière de réglementation.

En outre, de plus en plus d’organisations et d’entreprises travaillant dans divers domaines (conception de logiciels informatiques, loisirs et radiodiffusion) constatent que leurs activités sont de plus en plus tributaires des services de télécommunication et qu’il est donc dans leur intérêt de participer aux travaux de l’Union.

Alors que nous devenons de plus en plus tributaires des technologies de télécommunication pour faire du commerce, communiquer et accéder à l’information, l’UIT sera amenée à jouer un rôle plus crucial que jamais, consistant à normaliser de tout nouveaux systèmes et à encourager des politiques communes sur le plan mondial. Les activités de normalisation de l’Union, qui ont déjà favorisé l’expansion de nouvelles techniques telles que la téléphonie mobile et l’Internet, servent maintenant à définir les modules de la toute nouvelle infrastructure mondiale de l’information et à concevoir des systèmes multimédias évolués combinant signaux téléphoniques, audio, vidéo et de données

Source : site internet de l’UIT

A – L’enjeu de la réforme : s’adapter à la mondialisation des marchés des télécommunications et à l’accélération des changements technologiques

Depuis la conférence de plénipotentiaires de Nice, en 1989, l’UIT est engagée dans un processus de réforme qui touche aussi bien ses structures que son fonctionnement et ses méthodes de travail. L’évolution de ses missions, et notamment l’élargissement de leur spectre, nécessite en effet de profondes modifications.

Ainsi, à Nice, la conférence des plénipotentiaires a reconnu que l’UIT devait placer l’assistance technique fournie aux pays en développement à égalité avec les activités classiques de normalisation et de gestion du spectre. Elle a créé à cette fin le bureau de développement des télécommunications (BDT) chargé de soutenir les initiatives prises pour améliorer les communications dans les pays en développement.

Parallèlement, la conférence a pris acte de la mondialisation croissante et de la libéralisation progressive des marchés mondiaux des télécommunications et entrepris de réévaluer les structures, le fonctionnement et les méthodes de travail de l’Union, ainsi que les ressources qui lui étaient attribuées, pour lui permettre d’atteindre ses objectifs.

Ce nouveau contexte représente un changement majeur, auquel l’UIT doit impérativement s’adapter : son efficacité étant conditionnée à son universalité, elle ne saurait rater son adaptation au nouveau contexte caractérisé par l’émergence de multiples acteurs privés dans le secteur des télécommunications, au fur et à mesure que la libéralisation de ces marchés s’opère dans le monde entier.

Une commission d’experts fut nommée, chargée de formuler des recommandations sur les changements nécessaires pour que l’Union continue à servir efficacement ses membres. La désignation de cette commission fut aussi un aveu d’impuissance. Les conditions de révision des textes fondamentaux de l’UIT sont telles qu’elles supposent un lourd travail de préparation préalable. Ainsi, les amendements à la constitution, texte le plus élevé dans la hiérarchie des normes émises par l’UIT, doivent être adoptés par au moins deux tiers des délégations accréditées à la conférence de plénipotentiaires et ayant le droit de vote. Les amendements à la convention doivent l’être par plus de la moitié des délégations accréditées à la conférence de plénipotentiaires et ayant le droit de vote. Or la conférence de Nice ne put mener à bien son programme par suite d’un blocage persistant entre pays du Nord et du Sud.

Les travaux des experts ont néanmoins abouti et conduit à la tenue d’une nouvelle conférence de plénipotentiaires à Genève, en 1992. Afin de permettre à l’UIT de s’adapter à un paysage technologique, institutionnel et industriel en constante mutation, cette conférence a profondément remanié l’organisation interne de l’UIT. C’est d’ailleurs sur la base de la constitution et de la convention adoptées lors de cette conférence que travaille l’UIT depuis, même si elles ont été plusieurs fois amendées. Outre la réforme institutionnelle qui a conduit à l’élaboration de l’organigramme présenté en première partie, cette conférence a adopté le principe d’un cycle quadriennal de conférences, notamment des conférences de plénipotentiaires, introduit la rationalisation systématique des pratiques de gestion et des méthodes de travail de l’Union, et fixé les modalités d’une meilleure participation des entités autres que les administrations.

L’ensemble des conséquences liées aux changements dans le paysage international des télécommunications n’a pu être pris en compte à Genève et, dès la conférence de plénipotentiaires de Kyoto, en 1994, il est apparu évident qu’un réexamen global s’imposait des droits et obligations de tous les membres des secteurs de l’Union, de même qu’un renforcement des bases financières de l’UIT.

Cette réflexion s’est traduite à la conférence de plénipotentiaires de Minneapolis en 1998 par la présentation d’amendements importants à la constitution et à la convention. Les pays européens, soit par la voix des organisations régionales spécialisées compétentes (organisation européenne régionale pour les télécommunications, conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications), soit à titre national – ce fut le cas de la France, chargée de défendre les positions européennes au cours des débats – s’étaient tout particulièrement investis dans ce dossier.

Les propositions relatives à la stabilisation des finances de l’Union furent adoptées dans leur grande majorité. Cependant, les amendements adoptés en matière de droits des membres des secteurs n’allèrent pas aussi loin que le souhaitaient les organisations européennes et la France, même s’ils marquèrent le début de la reconnaissance des membres du secteur de la normalisation. C’est encore le clivage Nord-Sud qui fut la cause du blocage. Les pays en développement se montrèrent en effet réticents à ouvrir de nouveaux droits aux représentants du secteur privé des différents départements de l’UIT, notamment des radiocommunications et du développement. Cette réticence s’explique essentiellement par leur incapacité à participer à ces instances pour des questions de coût financier, et par leur crainte de n’avoir, de ce fait, aucun moyen de contrôle.

B – La réforme : le fruit d’un long processus

Dans le monde en développement, cette attitude n’était toutefois pas unanime, certains pays étant prêts à suivre les initiatives européennes. Les amendements refusés à Minneapolis furent donc acceptés quatre ans plus tard, lors de la conférence des plénipotentiaires de Marrakech. Cette conférence consacra le succès des positions européennes.

Les amendements apportés aux textes fondamentaux de l’UIT permettent à l’organisation de progresser dans quatre directions :

– Ils confortent la capacité de l’UIT à préserver son rôle prééminent.

De ce point de vue, la reconnaissance du rôle du secteur privé est un élément indispensable pour maintenir sa participation aux travaux d’une organisation intergouvernementale technique largement dépendante de l’apport intellectuel de partenaires non gouvernementaux, et, par là même, pérenniser la prééminence de l’UIT dans un secteur en évolution constante marqué par l’émergence de concurrents sérieux, en particulier dans le domaine de la normalisation.

Les amendements relatifs aux méthodes de travail des secteurs sont à cet égard essentiels. Ils prévoient notamment que les compétences des groupes consultatifs des radiocommunications et du développement des télécommunications sont alignées sur celles du groupe consultatif de la normalisation des télécommunications, l’assemblée des radiocommunications et la conférence mondiale du développement des télécommunications pouvant leur déléguer des questions spécifiques relevant de leur compétence. En outre, de nouvelles dispositions dans la constitution et la convention prévoient que les assemblées des radiocommunications et de la normalisation des télécommunications ainsi que la conférence mondiale de développement des télécommunications peuvent établir et adopter des méthodes et des procédures de travail applicables à la gestion de leur secteur respectif. Elles reconnaissent la possibilité de travailler dans un cadre différent de celui des commissions d’études, les « autres groupes » qui n’adoptent ni questions, ni recommandations.

– Ils ont des incidences financières notables.

Les dispositions introduites en 1998 ne modifient pas le principe du libre choix de la contribution financière aux dépenses de l’Union. Elles encadrent néanmoins la détermination du montant de l’unité contributive et du plan financier pendant la conférence de plénipotentiaires. Elles donnent une visibilité plus grande et un état des finances fiable aux Etats membres au moment où ils doivent annoncer leur classe de contribution et décider des grandes lignes financières pour quatre ans. En outre, elles limitent les risques d’évolution drastique à la baisse des contributions financières ainsi que leurs conséquences tant sur les finances de l’Union que sur le montant de l’unité contributive et donc du niveau de la contribution des Etats membres.

– Ils ouvrent la voie à une meilleure gestion et à une plus grande adaptabilité de l’institution.

Les membres de l’UIT, tant gouvernementaux que privés, sont confrontés à des contraintes économiques croissantes auxquelles ils doivent s’adapter très rapidement. Les amendements introduits en termes de planification stratégique, financière et opérationnelle leur permettront d’avoir une plus grande visibilité sur l’ensemble des activités de l’Union, de les définir avec plus d’acuité et de les orienter en fonction des évolutions économiques, financières et technologiques.

– Ils conduisent à une simplification des textes.

Un véritable effort de simplification des textes a été entrepris par les Etats membres depuis le début des années 1990, à la fois en précisant certaines dispositions et en expurgeant de la convention des dispositions qui trouvaient davantage leur place dans un règlement intérieur. Ces simplifications contribuent en premier lieu à faciliter la lisibilité de la constitution et de la convention. Elles renforcent également la stabilité de textes qui, par leur nature, devraient se limiter à fixer les dispositions fondamentales et faire l’objet de modifications à la marge aux conférences de plénipotentiaires.

C – Les réserves déposées par la France

Au moment de la signature des actes finals de la conférence de Marrakech, la France a déposé, seule ou avec ses partenaires de l’Union européenne, des réserves.

En premier lieu, elle rappelle ses obligations dans le cadre de l’Union européenne.

En deuxième lieu, elle réaffirme son droit à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts dans le cas où certains Etats membres manqueraient à leurs devoirs vis-à-vis de l’Union.

Enfin, plusieurs réserves spécifiques ont été déposées dans le domaine des radiocommunications, destinées à préserver les intérêts de la France, en réponse à plusieurs déclarations présentées par d’autres Etats membres.

CONCLUSION

Les amendements successifs apportés aux textes fondamentaux de l’UIT par les conférences de plénipotentiaires de Kyoto (1994), Minneapolis (1998) et Marrakech (2002) ont eu pour objectifs de traduire l’effort de réforme de l’UIT engagé au début des années 1990 en reconnaissant le rôle du secteur privé dans le fonctionnement de l’Union et des structures auxquelles il participe, de renforcer la stabilité financière de l’UIT et la transparence de sa gestion, de clarifier certaines dispositions complexes et d’alléger la convention de dispositions relatives au règlement intérieur de l’Union. Ils ont facilité la participation des Etats membres, notamment de la France et de ses partenaires européens à une organisation dont ils assurent le financement à près de 50 %.

La France, membre de l’Union depuis sa création en 1865, étant l’un des quatre plus gros contributeurs financiers de l’Union, au même rang que l’Allemagne, les Etats-Unis et le Japon, attache une très grande importance à cet effort constant d’adaptation et l’accompagne pleinement à chaque conférence de plénipotentiaires.

Aussi une approbation rapide par la France des amendements à la constitution et à la convention de l’Union internationale des télécommunications adoptés à Marrakech est-elle souhaitable, compte tenu du retard déjà pris en la matière et de l’intérêt pour la France d’être à jour de ses obligations vis-à-vis de l’Union. Retard qu’il faut d’ailleurs regretter et qui ne cadre guère avec notre volontarisme dans les négociations de ces amendements.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 février 2007.

Après l’exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 3463).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte des amendements figure en annexe au projet de loi (n° 3463).

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