N° 1970 tome IV - Avis de M. Jean-Michel Boucheron sur le projet de loi de finances pour 2010 (n°1946)



N
° 1970

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME IV

DÉFENSE

par M. Jean-Michel BOUCHERON,

Député

Voir le numéro 1967 (annexes n° 10 et 11).

INTRODUCTION 5

I – UN CONTEXTE STRATÉGIQUE MARQUÉ PAR LA PERMANENCE DES MENACES 7

A – LE TERRORISME RESTE UN RISQUE POUR L’EUROPE 7

1) Une menace constante, en perpétuelle évolution 7

2) Le rôle clé des services de renseignement 9

B – PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE : QUEL RÔLE POUR LA DISSUASION ? 10

1) Une nouvelle position affichée par les Etats-Unis 10

2) Notre force de dissuasion, garantie de notre sécurité 11

3) Renforcer la protection de la population et du territoire 12

II – LA DÉFENSE FRANCAISE EN MOUVEMENT : QUELLES ACTIONS RÉCENTES ? 15

A – LE RETOUR DANS L’OTAN SANS L’EUROPE DE LA DÉFENSE 15

1) Les premières conséquences du retour dans l’OTAN 15

2) Quel avenir pour l’Europe de la défense et de l’armement ? 18

3) Quelle autonomie technologique pour l’Europe ? 20

B – LES FORCES ARMÉES FRANÇAISES HORS DE NOS FRONTIÈRES 22

1) L’engagement français en Afghanistan à l’heure du changement de stratégie américaine 22

2) Quel redéploiement sur les autres théâtres ? 26

C – PIRATERIE ET ATTAQUES INFORMATIQUES, DES MENACES QUI SE CONFIRMENT 29

1) Le développement de la piraterie : quels moyens mobiliser ? 29

2) Les progrès de la défense cybernétique française 35

D –MODERNISATION DE L’ARMÉE FRANÇAISE : TENIR LES ENGAGEMENTS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 39

1) Quel niveau d’équipement pour nos armées ? 39

2) Améliorer notre renseignement : un effort de grande ampleur 43

3) Les réformes internes : une mise en œuvre conforme au calendrier 46

4) Garantir les ressources pour préserver notre capacité de défense 51

CONCLUSION 57

EXAMEN EN COMMISSION 59

ANNEXE 63

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 63

Mesdames, Messieurs,

La modernisation des armées françaises est un objectif de longue haleine. Elle doit tenir compte de l’évolution des menaces pesant réellement sur la France et sur ses intérêts afin d’élaborer pour le futur des scénarios d’évolution crédibles dans un contexte budgétaire contraint.

Le contexte stratégique dans lequel évoluent les armées françaises reste inchangé. Il est marqué par la persistance des deux grandes menaces contemporaines, principalement le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

Au-delà de ces facteurs de continuité, des évolutions de fond sont à attendre, d’abord au plan international. Le retour de la France dans les structures de commandent intégrées de l’OTAN, décidé lors du sommet des chefs d’Etats de Strasbourg – Kehl en avril dernier, doit ainsi s’accompagner d’un renforcement de l’Europe de la défense, actuellement dans une situation de blocage.

D’autres grandes évolutions sont à venir. En premier lieu, l’engagement principal des forces françaises hors du territoire national, en Afghanistan, va devoir s’adapter au changement de stratégie américaine. En deuxième lieu, le déploiement militaire français à l’étranger, au sein des bases permanentes mais également dans le cadre d’opérations extérieures, est appelé à évoluer, même si certains choix ont été retardés. En troisième lieu, la montée des périls liés à la piraterie maritime, constatée depuis plusieurs années, appelle peut-être une révision de nos efforts contre ce phénomène. En quatrième lieu, la prise de conscience, en France, de la nécessité de se doter d’un système de défense cybernétique efficace, doit être suivie de décisions dans un proche avenir.

Au plan interne, les arbitrages rendus dans le cadre de la loi de programmation militaire doivent maintenant être mis en œuvre. Ils impliquent un mouvement important de réforme du ministère de la défense, dans son organisation au sommet et dans le choix de ses implantations territoriales. Le renforcement des services de renseignement, et les choix à faire dans le domaine des grands équipements de militaires, doivent également être poursuivis.

Ces orientations nécessitent que soit respecté un équilibre complexe. Plusieurs exemples montrent à quel point tous les éléments de la réforme de la défense sont liés, comme la réussite de l’avion de combat Rafale à l’exportation, clé de la modernisation des forces aériennes. Le Parlement doit rester attentif à ce que l’évolution du budget de nos armées leur permette d’assumer les missions que le pouvoir politique leur assigne.

Dans ce cadre, le budget de la mission « Défense » connaît, en 2010, une évolution conforme aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de la loi de programmation militaire pour 2009-2014, avec un total de 39,18 milliards d’euros en crédits de paiement (30,1 milliards d’euros hors pension). Après un exercice 2009 particulier, où le montant des autorisations d’engagement connaissait une augmentation considérable pour lancer les principaux programmes d’équipements prévus par le projet de loi de programmation, les chiffres pour 2010 marquent un certain retour à la normale. Hors pensions, les autorisations d’engagement pour 2010 s’élèvent à 32,2 milliards d’euros.

Annoncés dès 2008, les choix principaux consistent à faire porter l’essentiel des efforts sur les crédits d’équipement, qui augmentent de 11 % en 2010 par rapport à 2008, dans un contexte de forte réduction des effectifs, avec une diminution de 8 006 emplois équivalents temps-plein, légèrement plus importante que le chiffre de 7 926 ETP arrêté par la LPM en son article 4.

Une bonne part de ces mesures est due aux choix d’affectations des ressources du plan de relance de l’économie. Les crédits ainsi dégagés permettent notamment d’augmenter significativement les ressources affectées au programme 146 « Equipements de défense ».

Ces évolutions doivent servir avant tout à améliorer la capacité d’adaptation des armées françaises à un avenir incertain, comme le souligne la loi de programmation militaire. Financièrement, le recours à des recettes exceptionnelles n’apporte pas ces garanties, et il est indispensable de réduire la part de ces dernières dans le financement de la défense. Plus généralement, les dépenses d’avenir, notamment la recherche, doivent continuer à faire l’objet d’une attention particulière, afin de conserver pour notre pays l’autonomie qu’il peut encore revendiquer dans le domaine militaire.

I – UN CONTEXTE STRATÉGIQUE MARQUÉ PAR LA PERMANENCE DES MENACES

La situation internationale à laquelle les armées françaises doivent faire face reste marqué par l’incertitude. La menace terroriste, persistante et difficile à saisir dans un monde de plus en plus ouvert, ainsi que la poursuite du mouvement de prolifération des armes de destruction massive, restent les défis les plus inquiétants. Les forces armées sont mises à contribution pour répondre à ces menaces, notamment par le renforcement de notre outil de renseignement, et le maintien de notre dissuasion nucléaire.

A – Le terrorisme reste un risque pour l’Europe

La protection de la population contre la menace terroriste implique qu’une grande diversité d’actions soient menées, sur notre territoire et au-delà. Les actions menées par les forces armées ont été évaluées à environ 117 millions d’euros en 2009, sans compter l’activité des services de renseignement, cruciale dans ce domaine.

Malgré l’absence d’événements spectaculaires en 2009, la menace terroriste continue de planer sur l’Europe et la France. Plusieurs opérations sont destinées à démanteler les réseaux existants, empêcher les attentats planifiés, et aider les Etats où les terroristes trouvent refuge à combattre ces groupes.

1) Une menace constante, en perpétuelle évolution

En 2008, 515 attentats ou tentatives d’attentats ont eu lieu sur le territoire de 7 Etats, parmi lesquels la France et l’Espagne sont les plus touchées en raison des terrorismes basque et corse. Malgré une baisse d’environ un quart par rapport à 2007, ces chiffres restent inquiétants. La plus forte hausse d’activité terroriste est à mettre sur le compte des groupes anarchistes et d’extrême gauche, avec 30 attentats recensés en 2008.

Toutefois, la menace qui fait l’objet de la plus grande attention reste celle des groupes terroristes liés à des Etats non-européens, en grande partie des réseaux islamistes associés à des zones de conflit ou d’instabilité comme la zone sahélienne, l’Irak, la Somalie, le Yémen, l’Afghanistan, le Pakistan ou l’Inde, en raison de la dangerosité estimée de ces réseaux. En 2009, mille individus ont été arrêtés pour des faits liés au terrorisme, dont la moitié concernait des groupes islamistes.

Les groupes islamistes ont multiplié, ces dernières années, les opérations contre des ressortissants européens à l’étranger : enlèvement de deux touristes autrichiens en Tunisie en février 2008, assassinats de deux touristes belges au Yémen le même mois, attentat à la voiture piégée contre l’ambassade de France en Mauritanie le 8 août 2009. Outre les personnes, les intérêts stratégiques français, notamment les infrastructures énergétiques, sont placées sous la menace terroriste.

L’Europe reste une cible privilégiée pour ces groupes en raison de sa plus grande proximité géographique avec ces territoires instables, comparée aux Etats-Unis. De plus, la liberté de circulation dans l’espace Schengen peut faciliter l’organisation de ces réseaux transnationaux. Enfin, les filières balkaniques contribuent à alimenter en armes les principales filières terroristes en Europe, comme l’a confirmé le procès en France du réseau de trafiquants originaires de Bosnie en 2007.

Aujourd’hui, l’Europe semble servir plutôt de sanctuaire que de zone d’opérations pour les terroristes. Cette situation pourrait changer, sous l’effet de plusieurs facteurs. D’abord, le développement d’une génération de terroristes nés en France ou arrivés de manière légale, dont la surveillance est dès lors plus difficile. En deuxième lieu, le retour des combattants islamistes partis d’Europe vers l’Irak et l’Afghanistan risque de faire apparaître une génération de « combattants » auréolés de la gloire acquise sur ces théâtres, à même de jouer le rôle de cadres d’une mouvance terroriste. En troisième lieu, les cellules d’Al Qaïda au Maghreb islamique, qui considèrent pour le moment la France comme une base pour conduire le combat en Algérie, pourraient changer de stratégie et porter le combat sur le sol national, comme l’avait fait le groupement islamique armé (GIA) avant elles. Enfin, la facilité d’accès aux connaissances et aux discours radicaux offerte par internet ou, dans une certaine mesure, par le milieu carcéral, dispense les terroristes de tout déplacement vers des écoles coraniques (comme certaines madrasas pakistanaises) ou des camps d’entraînement situés à l’étranger, rendant dès lors plus difficile leur détection.

Les modes opératoires de ces nouveaux terroristes pourraient évoluer. Des individus agissant en solitaire, associés dans un réseau virtuel plus lâche, pourraient rechercher un effet maximal à leur action sans organisation trop sophistiquée. Ceci renforce le risque de terrorisme non conventionnel (employant des armes radiologique, chimique ou biologique), même si le niveau de connaissances et les infrastructures requises pour développer ce type d’équipements sont loin d’être partagés par tous.

La France représente une cible de choix pour les terroristes islamistes, à plusieurs titres. Déjà stigmatisée pour son passé colonial et son soutien aux régimes considérés comme « apostats » par les islamistes, son hostilité au port de la burqa dans les espaces publics, sa présence militaire en Afghanistan et sa réintégration dans les structures intégrées de l’OTAN confèrent un caractère symbolique à notre pays.

2) Le rôle clé des services de renseignement

La menace terroriste fait l’objet d’une action de prévention, qui emprunte plusieurs canaux. Les services de renseignement sont un acteur-clé, et tous sont sollicités, y compris la direction de protection et de sécurité de la défense, dont l’augmentation du nombre de dossiers relatifs à la lutte anti-terroriste est sans doute l’évolution la plus marquante de l’activité des services dans ce domaine.

La direction générale de la sécurité extérieure a quant à elle considérablement investi pour disposer d’un environnement technique et humain adapté. Elle a ainsi choisi de doter ses centres extérieurs de nouvelles capacités en Afghanistan et dans les zones de prédilection d’Al Qaïda au Maghreb islamique.

Ce groupe pose un problème particulier, du fait de ses ramifications croissantes dans la zone sahélienne. Deux katibet, que l’on peut traduire par « phalanges », sont particulièrement actives dans les zones frontalières de plusieurs Etats, principalement le Mali, le Niger et la Mauritanie. Regroupant environ 150 hommes armés, ces katibet étendent progressivement leurs activités au Burkina Faço, au Sénégal et au Nigéria. Le renforcement des capacités de renseignement françaises dans cette zone vise à contenir cette menace. Par ailleurs, les gouvernements de la région ont été sensibilisés à cette question, et coopèrent pour lutter contre ces groupes.

De manière plus générale, les services de renseignement ont modernisé et renforcé leurs outils d’exploitation du renseignement d’origine électromagnétique et leurs moyens d’interception des radiocommunications longue distance.

En plus des activités conduites par les services de renseignement, deux opérations extérieures et une opération intérieure sont actuellement menées par les forces armées et visent spécifiquement la menace terroriste.

Présente en Afghanistan, la France y combat ainsi le terrorisme de deux manières. D’abord, en formant l’armée afghane dans le cadre de l’opération Epidote. Ensuite, en participant à l’opération Liberté immuable (Enduring freedom), menée par les Etats-Unis parallèlement à l’intervention de la coalition dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité. Ces deux opérations ont représenté, en 2008, un surcoût de 92 millions d’euros, qui devrait atteindre 104 millions d’euros en 2009.

A l’intérieur de nos frontières, le ministère de la défense contribue à la lutte contre le terrorisme à travers le plan Vigipirate. Celui-ci mobilise en moyenne 1200 hommes par jour en moyenne, près de la moitié étant fournis par l’armée de terre.

B – Prolifération des armes de destruction massive : quel rôle pour la dissuasion ?

La prolifération des armes nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) pose un problème de sécurité auquel la France fait traditionnellement face de deux façons. Elle s’est dotée d’un outil de dissuasion nucléaire efficace, pour décourager toute tentative de frapper son territoire. Ensuite, elle cherche à moderniser ses moyens de protection pour réduire les conséquences d’une frappe par des acteurs n’entrant pas dans la logique de la dissuasion.

En apparence, cette posture pourrait être mise à mal par les discours appelant à la « dénucléarisation » du monde. Il est nécessaire de montrer le caractère rhétorique de ces déclarations pour garantir le maintien de notre posture de défense.

1) Une nouvelle position affichée par les Etats-Unis

Conformément aux engagements pris pendant sa campagne, le Président Obama a choisi de modifier considérablement l’attitude américaine face à la question de la prolifération. Ainsi, après avoir, dans son discours de Prague du 5 avril 2009, laissé entendre que les Etats-Unis s’engageaient en faveur d’un monde « libre d’armes nucléaires », il a beaucoup œuvré pour l’adoption, le 24 septembre 2009 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, de la résolution 1887, appelant à un monde libre d’armes nucléaires.

Par ailleurs, la nouvelle administration américaine s’est engagée à faire ratifier par le Sénat le traité d’interdiction complète des essais nucléaires de 1996. Elle a également affirmé son souhait de voir entamées les négociations d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires. A la suite de ces démarches, la Conférence du désarmement des Nations Unies a décidé, en mai 2009, d’inscrire ce sujet à son ordre du jour.

Enfin, de nouvelles discussions stratégiques ont permis la signature, le 6 juillet 2009, d’un projet d’accord entre les Présidents Obama et Medvedev, qui prévoit la réduction du nombre de têtes nucléaires déployées, ainsi que de leurs vecteurs.

Ces évolutions politiques interviennent alors même que le traité de non prolifération des armes nucléaires (TNP) pourrait connaître une évolution dans le cadre de la conférence d’examen à venir, en mars 2010 à New-York.

2) Notre force de dissuasion, garantie de notre sécurité

Dans ce contexte, il existe un risque diplomatique spécifique pour la France. En effet, elle doit réussir à convaincre les autres Etats que le maintien de son arsenal dissuasif est compatible avec les résolutions les plus récentes du Conseil de sécurité des Nations Unies. La dissuasion est l’un des piliers essentiels de la politique de défense française, et une garantie essentielle de sécurité pour notre territoire et nos intérêts dans le monde.

Par ailleurs, un désarmement nucléaire mondial favoriserait incontestablement les Etats-Unis, auxquels leur domination conventionnelle, qu’aucune puissance ne peut aujourd’hui leur disputer dans le domaine de la projection de forces, confèrerait alors un avantage stratégique sur tous les autres acteurs.

C’est pourquoi le Président de la République, à l’issue de la réunion du Conseil de sécurité portant sur la résolution 1887, a rappelé que la France n’entendait pas renoncer à sa force nucléaire, qui reste la meilleure garantie de son indépendance nationale face à des Etats dotés de forces conventionnelles bien plus importantes. Le texte de la résolution, contrairement à ce que plusieurs commentaires ont laissé entendre, ne formule aucune demande directe de suppression des arsenaux existant, et se contentent de saluer les efforts déjà accomplis, en encourageant leur poursuite.

Aucune des autres puissances dotées d’armes nucléaires n’a d’ailleurs annoncé la suppression de ses arsenaux. Au contraire, les fonds demandés pour les activités « têtes nucléaires » de l’administration nationale de sécurité nucléaire s’élèvent à 6,6 milliards de dollars pour l’année fiscale 2009, alors que seulement 1,2 milliards sont demandés pour la non-prolifération, contre 1,7 en 2008. La position américaine sur l’avenir de son arsenal nucléaire devrait être connue à la fin de l’année, avec la publication de la nouvelle Nuclear Posture Review.

La Russie poursuite également des programmes de modernisation de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) et de ses missiles stratégiques, comme la Chine, qui continue quant à elle d’augmenter le nombre de ses têtes nucléaire. Le Royaume-Uni semble avoir accepté une réduction au niveau minimum de son arsenal, mais, participant au groupe des plans nucléaires de l’OTAN, il bénéficie a priori des moyens américains pour assurer sa défense.

A l’instar de ses équivalents étrangers la dissuasion nucléaire française représente ainsi un poste budgétaire important, et des engagements significatifs ont été pris pour la maintenir au niveau technologique le plus avancé.

D’ici 2018, trois sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) français, Le Vigilant, Le Triomphant, Le Téméraire devront être modernisés pour pouvoir accueillir le nouveau missile nucléaire M51. Le SNLE Le Terrible, devrait pour sa part embarquer le M51 dès sa mise à la mer fin 2010. Le coût de l’ensemble de ses programmes est légèrement supérieur à 1,5 milliards d’euros.

Par ailleurs, les têtes nucléaires des missiles français devraient être remplacées, à l’horizon 2024. Le développement de nouvelles têtes nucléaires océaniques devrait coûter environ 2,5 milliards d’euros, et l’adaptation des vecteurs balistiques, 1,9 milliards.

De plus, la capacité aérienne des forces stratégiques françaises devrait être adaptée au nouveau missile air-sol moyenne portée améliorée (ASMP-A). A l’horizon 2018, les forces aériennes stratégiques (FAS) comporteront deux escadrons de Rafale F3. La modernisation des Mirage 2000N, nécessaire pour assurer l’emport de l’ASMP-A d’ici là, et la qualification des Rafale au standard F3, devraient coûter environ 330 millions d’euros sur toute cette période.

Enfin, le laser mégajoule, principal élément du programme de simulation mené par le Commissariat à l’énergie atomique et destiné à conserver une capacité de tests sans nécessiter d’essais nucléaires, devrait être opérationnel d’ici 2014, pour un montant d’investissement global de 3 milliards d’euros depuis le lancement du projet.

Contre d’éventuelles menaces étatiques, la France maintient donc le niveau technologique de son outil de dissuasion. Pour faire face à des menaces plus diffuses, notamment terroristes, ce sont des actions de protection de la population qui sont privilégiées, afin de faire face à l’hypothèse d’un adversaire ne pouvant pas être dissuadé.

3) Renforcer la protection de la population et du territoire

Contre l’ensemble des menaces liées à la prolifération, les armées se voient assigner un contrat opérationnel de protection, qui cible principalement deux menaces : les risques liés à l’utilisation d’armes NRBC sur le territoire ou contre des ressortissants et le développement d’une capacité d’alerte contre la menace balistique. Afin de parer les menaces contre ses satellites, la France compte sur son démonstrateur radar GRAVES et l’utilisation des moyens de trajectographie allemands du système TIRA.

L’ensemble de ces actions bénéficie, en 2010, d’un budget de 710 millions d’euros, en recul par rapport à 2009, qui avait vu les crédits affectés à la fonction « Protection » atteindre un plafond de 828 millions d’euros.

L’évolution annuelle doit être relativisée. En matière de protection contre la menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique, des efforts budgétaires importants avaient déjà été consentis entre 2003 et 2009, pour un montant global de 500 millions d’euros. Ceux-ci devraient être renforcés à l’avenir, de plusieurs manières :

– Le programme DETECTBIO, qui vise à développer des systèmes de détection biologique dans l’environnement, devrait être développé pour aboutir à la livraison de six systèmes d’ici 2020, pour un coût total de 209 millions d’euros.

– Le programme SAFIR, lancé en 2009, qui doit permettre de coordonner la totalité des moyens du ministère de la défense contre la menace NRBC, et devrait recevoir au total 241 millions d’euros dont 145 millions d’ici 2020.

– Le renforcement des crédits accordés à la recherche, qui devraient avoisiner 23 millions d’euros en exécution en 2009 contre 20 millions les années précédentes.

– La création d’un centre national de formation et d’entraînement commun aux ministères de la défense et de l’intérieur.

En plus de ces initiatives, à la suite des recommandations formulées par le livre blanc sur la sécurité et la défense nationale de juillet 2008, la France a décidé de se doter d’un programme de détection et d’alerte avancée de la menace balistique.

Reposant sur un système associant des radars satellites (inspirés du démonstrateur SPIRALE actuellement en orbite) et des radars de très longue portée, son coût global est estimé à 894 millions d’euros, dont 720 millions pour la partie spatiale et 174 millions pour les radars au sol. Outre ces sommes, 226 millions d’euros devraient être consacrés aux études préparatoires.

II – LA DÉFENSE FRANCAISE EN MOUVEMENT : QUELLES ACTIONS RÉCENTES ?

La France fait face à deux menaces persistantes, le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Afin de renforcer ses alliances traditionnelles, dans ce contexte incertain, notre pays a fait le choix de réintégrer les structures de commandement intégrées de l’OTAN, en s’efforçant malgré tout de poursuivre la construction de l’Europe de la défense.

Par ailleurs, au plan international, de nouveaux risques apparaissent, et les forces françaises doivent s’adapter à un contexte toujours changeant. Répondant à cet enjeu, la réforme des armées vise notamment à rendre l’outil de défense français plus moderne, et plus réactif.

A – Le retour dans l’OTAN sans l’Europe de la défense

La décision de réintégrer les structures de commandement intégrées de l’OTAN, annoncée le 11 mars 2009 par le Président de la République et actée lors du sommet des chefs d’Etats de l’Atlantique Nord de Strasbourg - Kehl en avril, devait permettre de renforcer les deux piliers internationaux traditionnels de notre outils de défense : l’organisation transatlantique et l’Europe.

Force est de constater que ces deux éléments font l’objet de développements très inégaux. La France semble avoir choisi de rejoindre les structures de commandement intégrées de l’OTAN alors que sa vision de l’Europe de la défense n’est toujours pas partagée par ses principaux partenaires européens.

1) Les premières conséquences du retour dans l’OTAN

Officialisé en avril 2009 lors du sommet de Strasbourg Kehl, le retour de la France dans les structures de commandement intégrées de l’OTAN doit permettre, comme l’a indiqué le Président de la République(1), de mettre fin à une situation qui voyait la France jouer son rôle d’allié, en participant à la quasi-totalité des opérations de l’OTAN, sans pouvoir participer pleinement à la définition de la stratégie de l’Alliance Atlantique.

En réintégrant la majeure partie des structures de l’OTAN, exception faite du groupe des plans nucléaires, la France cherche à peser davantage sur les choix effectués au sein de l’Alliance, et à lever toute ambiguïté sur sa volonté de construire l’Europe de la défense, dans l’OTAN et non hors de l’OTAN. Ainsi, « si la France prend toutes ses responsabilités dans l’OTAN, c’est l’Europe qui sera plus influente dans l’OTAN. » (2).

Ce choix politique a des conséquences opérationnelles immédiates. Il implique en effet l’envoi de 1 250 officiers à l’OTAN, ainsi que des personnels de soutien. Ce mouvement devrait être organisé en deux phases, la première en 2009, pour 265 officiers environ, pour un surcoût global d’environ 69 millions d’euros initialement, les autres mobilités devant être organisées de 2010 à 2012. De plus, la France participe désormais à plusieurs budgets civils qu’elle n’abondait pas auparavant, ce qui implique le versement de 30 millions d’euros.

A terme, sur la base d’un flux annuel de l’ordre de 400 personnes et leurs familles, les Français seront présents sur les 25 sites suivants : Espagne (Madrid, Moron) ; Portugal (Lisbonne, Monsanto) ; Norvège (Stavanger) ; Danemark (Finderup); Allemagne (Ramstein, Geilenkirchen, Uedem, Heidelberg); Pays-Bas (Brunssum, Maastricht, Nieuw Millgen); Angleterre (Northwood, Yeovilton); Pologne (Bydgoszcz); Italie (Naples, Poggio, Latina); Grèce (Larissa); Turquie (Izmir); Etats-Unis (Norfolk); Belgique (Mons, Bruxelles, Glons).

La répartition des officiers supérieurs envoyés par la France dans les structures de l’OTAN est organisée comme suit (voir tableau page suivante).

POSTES D’OFFICIERS GÉNÉRAUX ATTRIBUÉS À LA FRANCE

(nombre d'étoiles "OTAN")

HQ SACT SACT

Commandant suprême allié de la Transformation

****

 

JFC Brunssum DCOM

Commandant adjoint du commandement de forces interarmées de Brunssum

***

En alternance avec le Royaume-Uni

JFC Lisbonne COM

Commandant de l’état-major interarmées de Lisbonne

***

En alternance avec l’Italie

CCMar Northwood DCOM

Commandant adjoint du commandement de composante marine de Northwood

***

 

CC Air Izmir DCOM

Commandant adjoint du commandement de composante air d’Izmir

***

En alternance avec la Turquie

SHAPE COS CAP P&P

Sous-chef d’état-major "plans, capacités et prospective" du haut quartier général des forces alliées en Europe

**

En alternance avec le Royaume-Uni

SHAPE COS Force readiness

Sous-chef d’état-major "Entrainement" du haut quartier général des forces alliées en Europe

**

En alternance avec le Royaume-Uni

SACEUR

REP to MC

Représentant du commandant suprême des forces alliées en Europe auprès du Comité militaire de l’OTAN.

**

 

JFC Brunssum

Dir Knowledge Mgt

Directeur "gestion de l’information et du renseignement" du commandement de forces interarmées de Brunssum

**

En alternance avec le Royaume-Uni

JFC Naples

Dir Ressources

Directeur "soutien" du commandement de forces interarmées de Naples

**

 

JWC

COM

Commandant du centre d’entraînement interarmées de Stavanger

**

 

FC Madrid

COS JHQ FWD (DJSE 1)

Chef d’état-major de l’élément de commandement déployable du commandement de forces de Madrid

**

En alternance avec les Etats-Unis

SHAPE

Dir OPS SPT

Directeur « appuis aux opérations » du haut quartier général des forces alliées en Europe

*

 

FC Heidelberg

Dir Joint Coord Centre (DJSE 1)

Directeur du centre de coordination interarmées de l’élément de commandement déployable du commandement de forces de Madrid

*

En alternance avec l’Espagne

CC Mar Northwood COMMARAIR

Commandant de la composante aéronavale du commandement de composante marine de Northwood

*

 

CC Air Ramstein DCOS OPS

Sous chef opérations du commandement de composante air de Ramstein

*

En alternance avec le Canada

JFC Lisbonne Branch Head Joint Plans

Chef de la planification de l’état-major interarmées de Lisbonne

*

En alternance avec l’Allemagne

Le coût de la pleine participation à l’OTAN n’est donc pas négligeable. Elle mobilisera des ressources humaines de très haut niveau, en nombre conséquent. La réintégration de la France intervenant au moment même où l’OTAN entreprend une vaste redéfinition de ses missions et de ses objectifs, notre pays fait le pari, fort de l’obtention du poste de commandant allié à la transformation, qu’il pourra peser davantage dans les choix stratégiques à venir.

Les négociations actuelles sur le futur concept stratégique de l’Alliance montrent que le rôle du commandement allié pour la transformation doit être conforté, face, notamment, à la volonté du secrétaire général de l’OTAN d’imprimer sa marque sur les débats à venir.

Surtout, il n’est pas sûr que les choix doctrinaux de l’OTAN pèsent beaucoup sur les orientations des Etats-Unis, membre le plus puissant de l’Alliance Atlantique. Le risque d’une déconnection entre l’armée américaine et ses alliés européens, déjà certain sur le plan technologique, pourrait difficilement être surmonté en cas de divergences stratégiques. Dans ce cas, la France se trouverait sans doute confrontée à une alternative délicate : revenir à son ancienne position vis-à-vis de l’OTAN, ou suivre les options défendues par les Américains.

Le pari engagé par la France en choisissant de réintégrer l’OTAN reposait sur une accélération de la construction de l’Europe de la défense. Le retour de la France dans l’OTAN devait même faciliter cette évolution, en permettant aux autres Européens de ne pas se sentir obligés de choisir entre une défense européenne à venir et une organisation de défense transatlantique déjà opérationnelle. Or, le renforcement du pilier européen de notre défense n’a pas connu les développements escomptés.

2) Quel avenir pour l’Europe de la défense et de l’armement ?

Incapable de développer des équipements majeurs en commun, l’Europe n’arrive pas non plus à s’imposer comme un acteur autonome dans le domaine stratégique. La politique européenne de sécurité et de défense commune souffre toujours du manque d’enthousiasme des Etats membres, qui refusent d’y allouer des moyens budgétaires ou matériels supplémentaires. Aucun programme nouveau n’a été lancé depuis ceux proposés par la présidence française de l’Union européenne, au deuxième semestre 2008.

Parmi ces projets, la création d’un « Erasmus militaire », reposant sur les échanges de jeunes officiers entre les pays de l’UE, est attendue par les responsables militaires. Pour le moment, seul le cadre juridique des échanges a été défini, et les programmes communs restent concentrés sur les mécanismes de la politique européenne de sécurité et de défense.

L’initiative d’interopérabilité aéronavale européenne, si elle a donné lieu à une première réunion du comité directeur en mars 2009 à Paris, n’est pas vouée à doter l’Europe d’une capacité de projection de puissance autonome, mais à mettre en commun les ressources des neuf Etats participants (3) pour les mettre à disposition de l’UE ou de l’OTAN.

Le programme de déminage maritime, auquel douze Etats (4) ont choisi de participer, ne sera lancé, pour sa part, qu’à l’issue d’une phase préparatoire prévue pour s’achever en 2011. De même, le projet de mise en commun des réseaux de surveillance maritime continue de buter sur des difficultés d’organisation, comme le prouve l’existence de trois programmes européens : MARSUR, développé par l’Agence européenne de Défense (AED), EUROSUR, mis en œuvre par l’agence communautaire de surveille des frontières extérieures FRONTEX, et le projet de la direction générale de la Commission européenne pour les affaires maritimes et la pêche.

L’Europe de la défense n’arrive pas à dépasser le cadre relativement restreint qui lui a été donné il y a un an. La difficulté principale tient à l’argument, avancé notamment par le Royaume-Uni, du risque de duplication des structures européennes avec celles de l’OTAN. Du fait de cette crainte, partagée par d’autres Etats membres, l’Union européenne s’interdit de développer des moyens militaires autonomes, notamment en matière de commandement.

De plus, une majorité d’Etats européens, notamment les dix nouveaux Etats membres, mais également quelques membres fondateurs comme les Pays-Bas, considère que seule l’alliance transatlantique permet de leur offrir une garantie suffisante de sécurité. Le montant moyen des budgets de défense dans l’Union européenne, inférieur à 2 % du produit intérieur brut, incite à penser que cette situation n’évoluera pas à court terme.

En matière d’équipement, les avancées enregistrées au cours des dernières années ne sont pas beaucoup plus importantes. Les institutions gérant les programmes les plus structurants sont soit purement intergouvernementales, comme l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr), qui mène les programmes A400M, Tigre, et les frégates multi-missions, soit dépendantes de l’OTAN, par exemple pour le programme d’hélicoptères NH90. Les quelques progrès de l’Agence européenne de défense (AED), principal organe communautaire dans le domaine de l’armement, ne sont pas suffisants pour la porter au niveau des coopérations menées par l’OCCAr ou l’OTAN.

L’adoption, en juillet 2008, d’un plan de développement capacitaire par l’AED, comprenant douze points prioritaires, a ainsi permis de lancer, à la demande de la présidence française, plusieurs projets d’équipements en lien avec les programmes de coopération dans le domaine de la défense : une capacité de déminage maritime, un drone tactique, un hélicoptère de transport lourd, des équipements de décontamination contre les menaces biologiques, une partie des éléments du système d’observation satellitaire MUSIS.

A l’exception du programme d’hélicoptères lourds, qui reste pour l’instant au stade de la préconception, et du drone tactique, qui ne devrait pas être disponible avant 2018, les programmes confiés à l’AED, bien qu’utiles, restent sans commune mesure avec les coopérations confiées à l’OCCAr ou à l’OTAN.

Dès lors, la question du cadre de la construction d’une Europe de la défense est posée aujourd’hui. En effet, il est toujours possible d’organiser des coopérations bilatérales, ou multilatérales, entre pays européens, comme le montrent les programmes conduits par la France avec les Britanniques (rénovation des missiles Scalp/Storm Shadow, développement de nouveaux missiles anti-navires légers), et ceux qui sont étudiés pour un lancement prochain (coopération franco-britannique dans le domaine des drones de combat et de surveillance, coopération France-Allemagne-Espagne pour le projet de drone de moyenne altitude – longue endurance, coopération franco-italienne pour les torpilles lourdes et les pétroliers ravitailleurs).

L’Europe était censée apporter une plus value en créant des structures de coopération permanente permettant d’économiser des crédits, ce qui ne se vérifie pas pour l’AED, à laquelle trop peu de programmes sont confiés, et d’une importance sans doute moindre par rapport aux projets que les Etats continuent de mener seuls.

Face aux difficultés de l’Europe de la défense, le choix du retour de la France dans l’OTAN pose une difficulté nouvelle, parce qu’il mobilise des ressources importantes, et renforce le sentiment, qui existe quelle que soit sa légitimité, d’un alignement français sur la diplomatie américaine.

3) Quelle autonomie technologique pour l’Europe ?

La domination militaire américaine sur les autres puissances est incontestable, au moins depuis la chute de l’Union soviétique. Tant par son importance que par son niveau technologique, l’armée des Etats-Unis est aujourd’hui un outil de puissance inégalé.

S’il n’a jamais été question, pour l’Europe, de concurrencer son allié transatlantique, la volonté de préserver une autonomie technologique et stratégique est affirmée en permanence par la France. La situation de l’Europe de la défense, et de l’Europe de l’armement, font peser des doutes sur cette posture stratégique.

Le cas des avions de combat est extrêmement parlant. Plusieurs pays européens se sont associés au sein de programmes de coopération, piloté par EADS (Eurofighter Typhoon) ou par Lockheed Martin (Joint Strike Fighter – F35). Ces deux programmes n’ont pas apporté satisfaction à leurs participants.

Le JSF sera sans doute livré avec plusieurs années de retard, et un coût supérieur de 40 % environ aux estimations initiales. Surtout, la participation américaine à ce projet, et le rôle central confié à l’industriel Lockheed Martin, ont conduit les Européens à se trouver en position extrêmement minoritaire (les quatre Etats membres de l’Union européenne qui participent à ce projet (5) financent, avec quatre autres pays (6), environ 10 % du programme F35). Dès lors, aucun transfert de technologie n’a été proposé aux Européens, qui dépendront, pour certaines utilisations du JSF, d’un système au sol entièrement géré par les Américains. De la même manière, Lockheed Martin a refusé de transmettre aux industriels britanniques les codes sources utilisés pour certaines fonctions vitales de l’avion.

Le programme Eurofighter, s’il n’inclut pas les Etats-Unis parmi les participants (7), pèche en revanche par la modestie des ambitions des Etats parties. En effet, les cibles de commandes initiales ont été revues à la baisse, et les exportations envisagées pour cet appareil souffrent du niveau technique du Typhoon, régulièrement éliminé des compétitions auxquelles il participe. Enfin, l’Eurofighter n’a jamais été déployé sur un théâtre d’opérations.

En l’absence d’une base industrielle et technologique de défense structurée (8), l’Europe n’a pas réussi à se doter d’une capacité aéronautique autonome. Le choix de la France, qui s’est retirée du programme Eurofighter au cours des années 1980, a d’ailleurs été jugé positivement par certains experts qui estiment que les choix de coopération européenne en matière d’armement sont dictés par la volonté de lancer à tout prix des projets européens, sans que les éléments d’efficacité et d’opportunité des programmes soient suffisamment examinés (9).

Une telle situation risque de se reproduire dans le domaine de la défense anti-missiles. Bien qu’il ait annoncé, le 17 septembre 2009, qu’il renonçait à l’implantation d’éléments de la défense anti-missiles américaine en Pologne et en République Tchèque, le Président Obama a affirmé qu’il continuerait à étendre la protection contre la menace balistique en Europe.

Or, en relançant les discussions au sein de l’OTAN sur ce thème, les Etats-Unis ont affirmé leur souhait d’envoyer des frégates Aegis, spécialisées dans la lutte anti-aérienne, et dotées de missiles américains SM3, le tout coordonné par des systèmes de commandement également conçus aux Etats-Unis.

S’il devait être décidé dans le cadre de l’OTAN, ce prépositionnement de forces américaines serait largement financé par les Etats européens. Il est d’autant plus difficile de s’opposer aux ambitions américaines que, sans projet de rénovation du missile français ASTER 30, il n’existe aucune proposition alternative aux systèmes américains. Là encore, l’Europe manque d’une infrastructure industrielle suffisamment réactive, et d’une volonté politique réellement affirmée, pour garantir son autonomie.

B – Les forces armées françaises hors de nos frontières

Avec plus de 10 600 soldats participant à des opérations extérieures, et près de 8 000 personnels déployés dans des bases situées à l’étranger, les capacités de projection françaises sont fortement sollicitées.

L’opération conduite en Afghanistan reste la plus importante, tant par le nombre de troupes sollicitées que par le coût moyen qu’elle représente. Par ailleurs, la France participe à d’autres missions, et doit préserver sa capacité d’intervention hors de son territoire pour l’avenir.

1) L’engagement français en Afghanistan à l’heure du changement de stratégie américaine

Le recentrage de l’effort militaire américain sur le théâtre afghan, à la suite de l’annonce du retrait des troupes envoyées en Irak, renforce la pression sur les alliés engagés à leurs côtés dans le cadre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), coalition commandée par l’OTAN.

Les Etats-Unis se sont finalement ralliés à l’idée française d’approche globale pour résoudre le conflit afghan, combinant aide au développement, soutien aux institutions, et action militaire. Dans ce dernier domaine, de nouvelles décisions pourraient être prises prochainement, que la France a anticipées en partie, en redéployant ses troupes sur le terrain et en améliorant leur équipement.

a) Un contexte sécuritaire difficile

Le théâtre d’opération afghan connaît ces derniers temps la poursuite d’activités insurrectionnelles. L'activité insurgée demeure élevée dans les commandements régionaux Sud et Est. La capitale Kaboul et sa périphérie ne sont pas épargnées, et l'insurrection semble reprendre pied dans les parties Nord et Ouest.

Cette dégradation, perceptible depuis 2005, s’explique notamment par l’absence de progrès tangibles au profit de la population après de nombreuses années de guerre, une gouvernance corrompue et l’emprise de réseaux mafieux dans de nombreuses provinces. Cet échec apparent dans les champs aussi bien sécuritaire qu’économique et politique, a favorisé le jeu de la rébellion. Celle-ci a en outre instrumentalisé les pertes subies par la population civile lors des combats, les dénonçant systématiquement comme des dommages dus à la coalition.

Confrontés à des forces de sécurité afghanes toujours en phase de montée en puissance et à une coalition qui, si elle possède la maîtrise des airs, ne peut contrôler la totalité du terrain, les insurgés tirent ainsi partie de leur connaissance de l'environnement et d'une grande mobilité pour mener un combat d'usure combinant actions directes (embuscades, assassinats et attentats-suicides) et indirectes (tirs de roquettes, pose d'engins explosifs improvisés).

Le surcroît d’activités enregistré en 2009 tient plus particulièrement à quatre facteurs :

– l’envoi supplémentaire de troupes américaines et l’offensive menée par l’OTAN dans le Sud, qui ont augmenté la probabilité des contacts avec les insurgés ;

– la pression des opérations récentes menées par les forces de la coalition, notamment dans le Sud et dans l’Est, qui ont poussé les insurgés à se replier en employant massivement des EEI (engins explosifs improvisés) ;

– les élections présidentielles d’août 2009, qui ont vu les insurgés chercher à décrédibiliser la communauté internationale et le gouvernement afghan, et compenser leur incapacité à mener des actions coordonnées et d’envergure dans la capitale et ses environs ;

– la saison estivale, qui conduit comme chaque année à un essor d’activités insurrectionnelles faisant suite à l’accalmie du printemps, qui mobilise les forces insurgées pour assurer la culture du pavot.

Ainsi, l’augmentation des incidents sur le théâtre afghan à l’été 2009 n’est pas liée à une capacité renouvelée des insurgés, qui se situent toujours dans un registre asymétrique. L’évolution de la situation est surtout la conséquence de l’activité croissante et ciblée des forces de la coalition.

Par ailleurs, la nature des opérations conduites par la force internationale d’assistance à la sécurité a induit un changement de posture dans les modes d’action des insurgés, optant par exemple pour des EEI adaptés pour contrer les brouilleurs utilisés par l’OTAN. Toutefois, la rébellion se révèle toujours incapable d'avoir une approche globale. Les insurgés n’ont pas non plus été en mesure de mettre en échec la tenue des élections présidentielles, puisque 95 % des bureaux de vote semblent avoir fonctionné d’après les statistiques de la coalition.

Cependant, outre un climat de violence renforcé, les élections présidentielles afghanes ont été marquées par la désillusion de la part des Afghans comme de la communauté internationale. Hamid Karzai a fait figure de candidat par défaut plutôt que d’une solution d’avenir pour le pays. Attaqué notamment par les Etats-Unis sur le thème de sa mauvaise gouvernance et de la corruption de son administration, Karzai a choisi, en réponse, de dénoncer tout au long de sa campagne les incohérences de l'aide internationale et les dommages collatéraux causés par les opérations de la coalition, accentuant le rejet par la population des actions entreprises jusqu’alors.

Sur le fond, un certain soulagement domine au lendemain du scrutin car, en dépit des menaces des talibans, le taux de participation s'avère supérieur à 40 %. Ce constat mérite néanmoins d'être tempéré, car les taliban n'ont sans doute pas fait de ces élections un objectif stratégique. En effet, le résultat de ces élections leur importe peu, car ils contestent la légitimité du processus électoral, contrairement aux Alliés. En revanche, ils pourraient chercher à s'investir davantage en vue des élections législatives et provinciales de 2010 pour conforter leur emprise régionale. La contestation populaire, qui s’est installée au lendemain du scrutin présidentiel, a été entretenue par les partisans du docteur Abdullah Abdullah, qui dénoncaient une fraude massive.

b) Les effets sur la position des Etats-Unis

La situation en Afghanistan à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle a alimenté de nombreuses controverses au sein de l’administration américaine. Le président Obama avait déjà décidé de renforcer encore son dispositif militaire en Afghanistan, en envoyant 25 000 hommes supplémentaires en mars 2009, pour porter à 65 000 le nombre de soldats américains engagés sur ce théâtre. Malgré cela, le commandant de la FIAS, le général Stanley McChrystal, a remis en septembre un rapport faisant état d’un manque de plusieurs milliers d’hommes pour assurer la sécurité en Afghanistan. Selon les scénarios, les demandes de renforts varient entre 30 000 et 40 000 hommes.

Ces nouvelles exigences interviennent alors même que l’administration en place se trouve confrontée à un contexte politique difficile, dominé par les débats sur la réforme du système de santé américain, dont le président avait fait un engagement central au cours de sa campagne. Les opposants à l’engagement militaire américain en Afghanistan y voient une occasion favorable pour plaider en faveur d’un retrait définitif des troupes de la coalition. Ce mouvement en faveur du retrait affaiblit, au sein même de sa majorité démocrate, le camp présidentiel.

Au cours du mois d’octobre, cinq réunions du Conseil national de sécurité ont été organisées sur le thème de l’engagement américain en Afghanistan. Pour le moment, il est difficile de connaître l’orientation exacte que choisira Barack Obama, mais il est très probable que la stratégie actuellement suivie par la FIAS soit infléchie, sans revenir sur les orientations fondamentales, largement inspirées par la position française sur ce dossier.

Une telle stratégie insisterait donc sur une plus grande présence auprès des populations en termes de reconstruction et de sécurisation. Dans cette optique, le rôle des forces de sécurité afghanes serait déterminant et la capacité de la communauté internationale à les former s'avère cruciale. L'accent devrait être porté sur le rythme de formation de l'Armée Nationale Afghane, ANA (dont les effectifs devraient doubler) et l'appui à la police nationale afghane, ANP.

Sans que la question du nombre de renforts nécessaires n’ait été tranchée pour le moment, il paraît clair que la concentration des efforts américains sur le théâtre afghan va inciter les partenaires de la coalition à accroître leurs efforts. Les gouvernements espagnol et britannique ont fait part de leur intention d’envoyer des renforts, respectivement de 200 et 500 soldats, qui seraient déployés l’an prochain. La France, fidèle à l’engagement du Président de la République de ne pas augmenter le nombre de troupes en Afghanistan, devrait pour sa part réorganiser son dispositif sur place.

c) Les conséquences d’une nouvelle stratégie pour le contingent français

Le reformatage du dispositif américain en Afghanistan fait craindre aux responsables militaires français une « américanisation » de l’opération menée sur place par la coalition. Fournissant pour le moment deux tiers des effectifs présents sur place, les Etats-Unis se trouvent en position de force pour imposer leurs vues.

Pour leur part, les forces françaises en Afghanistan, qui totalisent 3 750 soldats, ont déjà vu leurs missions évoluer au cours des dernières années. Ainsi, la responsabilité de la sécurité dans la province de Kaboul (hors district de Surobi) a été transférée à l’armée nationale afghane début 2009, ce qui a permis de limiter l’objet de la présence française dans cette zone au soutien des forces afghanes.

La France a choisi, dans ce contexte, de regrouper ses moyens militaires dans une zone homogène, en Kapisa et en Surobi (qui sera rattachée, à l’avenir, au commandement régional OTAN de l’Est, comme la Kapisa, alors qu’elle relève encore du commandement de la région Centre). Par ailleurs, les forces françaises participant à l’opération Héraclès, qui arment une frégate croisant dans l’océan indien, ne seront plus comptabilisées parmi les troupes engagées en Afghanistan, ce qui permet d’augmenter le nombre de soldats présents sur le théâtre sans augmenter le plafond global des effectifs. Enfin, des équipes de monitorat et de liaison de police (10) devraient être déployées à terme.

Le dispositif militaire français pourrait donc être adapté à la marge pour correspondre au renouveau attendu de la stratégie de la FIAS en Afghanistan. En se concentrant sur des zones à risque, la Surobi et la Kapisa subissant une importante activité insurgée, la France s’engage également à mettre à disposition de ses forces les équipements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

En 2010, 50 systèmes de drones de reconnaissance au contact, une nouvelle capacité de missiles de moyenne portée en remplacement des Milan (qui pourrait être constituée par du matériel américain), 34 canons Caesar, 5 045 équipements Félin et plusieurs éléments destinés à renforcer les capacités en matière de drones devraient être livrés. Des équipements d’infanterie, des pods de désignation laser pour les Rafale, des véhicules légers et de transport seront commandés en 2010.

Globalement, selon les chiffres fournis par le ministère, les opérations en Afghanistan coûtent plus cher que les autres opérations extérieures. Signe d’un engagement actif de la France sur ce théâtre, le surcoût par personnel, y compris les suppléments de traitement et les frais de transport stratégique, s’élèvent à 107 000 euros par homme et par an, contre 67 000 pour les opérations conduites en Europe. La différence est due en grande partie à la consommation de munitions par les soldats déployés sur le théâtre afghan. En moyenne, un soldat français en opération extérieure représente un surcoût de 80 000 euros par an.

2) Quel redéploiement sur les autres théâtres ?

La loi de programmation militaire pour 2009-2014 prévoit de modifier le format du dispositif militaire français hors des frontières. Tout d’abord, un examen régulier des opérations extérieures doit être conduit, tenant compte des perspectives politique et diplomatique des conflits dans lesquels elles s’insèrent, de leur efficacité militaire et de leurs coûts. En second lieu, le réseau des bases de défense françaises à l’étranger doit être adapté à « l’arc de crise » identifié par le livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2008, entre la Méditerranée et l’Océan Indien.

Ces évolutions ne sont pas encore mises en œuvre. Certaines opérations extérieures continuent de porter le poids du passé, malgré quelques évolutions récentes en Europe. Surtout, des déclarations gouvernementales incitent à penser que la mise en place du nouveau schéma des implantations françaises à l’étranger prendra plus de temps que prévu.

a) Les opérations extérieures : un déploiement qui reste important

Le budget des OPEX pose régulièrement un problème de contrôle parlementaire. Cette année encore, les provisions seront inférieures au montant qui sera vraisemblablement exécuté pour l’année précédente. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit 570 millions d’euros au titre des OPEX, alors que celles-ci coûteront vraisemblablement 873 millions en 2009. Malgré la baisse attendue du nombre d’hommes déployés, il est probable que le budget 2010 restera encore en dessous de la réalité constatée l’an prochain.

Ces considérations mises à part, il faut s’interroger sur la pertinence des OPEX menées par la France. Le tableau suivant fournit quelques chiffres permettant de situer ces évolutions sur le moyen terme.

Théâtres

d'opération

Effectifs

moyens 2007*

Effectifs

moyens 2008*

Effectifs

moyens 2009*

Perspectives

au 01/01/ 2010

Afghanistan

2 270

2 747

3 714

3 748

Liban

1 763

1 766

1 563

1 463

Tchad et Centre Afrique

1 114

2 786

2 521

1 252

Côte d’Ivoire

3 218

2 376

1 400

1 226

Bosnie

334

132

48

11

Kosovo

1 963

2 017

1 459

900

Atalanta

-

2

256

285

Autres

765

181

111

100

Total général

11 427

12 007

11 072

8 699

dont Gendarmerie

439

413

397

378

Total Défense

10 988

11 594

10 675

8 321

* 2007 et 2008 réalisés ; 2009 : effectifs moyen prévisionnels sur l’année. Source : ministère de la défense

Contraintes par l’importance du coût des opérations en Afghanistan, et le lancement d’une opération contre la piraterie maritime, les marges de manœuvre françaises concernant les opérations extérieures sont aujourd’hui restreintes. Sans changement important dans les opérations extérieures menées à l’heure actuelle, les armées françaises pourraient avoir des difficultés à assumer de nouvelles missions, comme, par exemple, la relève de l’OTAN par l’Union européenne au Kosovo.

A nombre et volume d’opérations constants, compte tenu des diminutions d’effectifs prévus par la loi de programmation militaire et de la rareté de certaines spécialités, le taux de projection de l’armée de terre pourrait atteindre 40 % des effectifs d’ici 2014, contre 28 % en 2007 et 17 % en 2001, ce qui réduirait la capacité de projection supplémentaire des armées françaises, et rendrait plus difficile une éventuelle intervention d’urgence.

Plusieurs opérations, d’un coût non négligeable, sont imposées par le droit international. Les estimations pour 2009 font ainsi de la présence au Kosovo et au Liban les troisième et quatrième opérations les plus coûteuses, avec un surcoût total proche de 170 millions d’euros pour ces deux OPEX.

De la même manière, l’engagement français au Tchad reste très conséquent, à la fois au sein de l’opération Epervier, qui dure depuis 1986, et de la mission européenne Tchad/RCA, relevée le 14 janvier 2009 par la mission des Nations Unies en Centrafrique et au Tchad (MINURCAT) au sein de laquelle on trouve 900 soldats français.

Une opportunité de revoir notre dispositif militaire à l’étranger sera prochainement offerte, puisque la présence internationale au Kosovo devrait être réduite d’environ un tiers d’ici 2010, puis d’un quart d’ici 2011, la France souhaitant accompagner ce mouvement en réduisant son investissement dans les mêmes proportions.

Le démantèlement des opérations en Côte d’Ivoire continue d’être retardé. Au titre de l’opération Licorne, plus de 900 soldats français sont mobilisés pour garantir la sécurité de la population en prévision des élections ivoiriennes. En 2009, cette opération représentait encore un surcoût de plus de 70 millions d’euros.

Si la possibilité de réduire le coût des OPEX ne dépend pas que des choix nationaux, la présence permanente de troupes françaises à l’étranger reste une décision souveraine, dépendant seulement de l’accord de l’Etat de résidence. Dans ce domaine, les arbitrages n’ont pas encore été rendus.

b) Les forces prépositionnées : l’impossible restructuration des bases à l’étranger ?

Annoncée par le livre blanc, reprise par la loi de programmation militaire pour 2009-2014, la révision des implantations militaires françaises à l’étranger est inéluctable. Les forces de présence, qui représentent un total de 5 200 hommes dont 55 % de permanents, représentent un coût global de 585 millions d’euros, dont 385 millions sont dus au prépositionnement de forces.

Le schéma retenu est connu : deux bases en Afrique, une pour chaque côte, ainsi qu’une base à proximité du Golfe persique. Or, s’il est certain que la base de Djibouti sera maintenue à l’Est, aucune décision ne semble avoir été prise concernant les bases françaises en Afrique occidentale. Les retards pris dans ce domaine sont dus, selon le ministère, aux délais nécessaires à la renégociation des accords de défense avec les pays d’accueil de nos deux bases situées dans cette zone, au Gabon et au Sénégal. Toutefois, le ministre de la défense, en déclarant le 30 septembre 2009 que les bases de Libreville et de Dakar seraient maintenues jusqu’à nouvel ordre, a renforcé le doute dans ce domaine.

En tout état de cause, la restructuration du dispositif prépositionné en Afrique doit permettre à la France de conserver des capacités de lutte contre le mouvement « Al Qaïda au Maghreb islamique », qui monte en puissance.

La seule décision mise en œuvre en matière d’implantations militaires à l’étranger est la création d’une base aux Emirats arabes unis. Son format définitif devrait être de 266 hommes, répartis en plusieurs services :

– une structure de commandement interarmées

– une base navale à Abou Dabi assurant le soutien de l’implantation et devenant le point d’appui prioritaire des bâtiments français opérant dans le golfe arabo-persique

– une base aérienne à Al Dhafra

– un groupement de l’armée de terre permettant l’aguerrissement au combat urbain moyen-oriental dans un centre adapté.

L’avantage de disposer d’une nouvelle base proche du golfe arabo-persique est indéniable. Proche d’une zone stratégique pour l’approvisionnement en ressources énergétiques, elle permet à la France d’assurer une présence dans une région du monde incluse dans « l’arc de crises » décrit par le livre blanc sur la sécurité et la défense. Toutefois, il faudra organiser une répartition des tâches entre cette base et celle de Djibouti, dont les missions traditionnelles recoupent en partie celles qui ont été dévolues à la nouvelle implantation, afin d’éviter tout doublon.

De plus, dans un article paru dans le quotidien Le Figaro du 15 juin 2009, des sources diplomatiques semblaient indiquer que la France s’était engagée, dans le cadre d’un nouvel accord de défense, à protéger les Emirats arabes unis avec « tous ses moyens militaires », laissant supposer que le parapluie nucléaire français pourrait être proposé en cas de conflit avec un Etat voisin. Parmi d’autres contentieux, l’Iran oppose notamment ses revendications à celles des Emirats concernant la souveraineté sur l’île d’Abou Moussa. Plus généralement, les deux Etats, qui relèvent de sphères culturelles différentes, ont des visions contradictoires sur l’équilibre souhaitable pour la région.

Le Gouvernement a indiqué que les éléments publiés par la presse étaient inexacts. Dans l’attente de la transmission de cet accord au Parlement, conformément aux engagements pris dans la dernière loi de programmation militaire, il convient de rappeler que l’implantation militaire française à Abou Dabi n’est pas tournée contre l’Iran.

C – Piraterie et attaques informatiques, des menaces qui se confirment

Les armées françaises doivent s’adapter à l’intensification récentes de deux phénomènes, la piraterie maritime et les menaces pesant sur les systèmes d’information. De nouveaux instruments sont développés pour faire face à ces risques d’une ampleur nouvelle.

1) Le développement de la piraterie : quels moyens mobiliser ?

Problème ancien, la piraterie est redevenue une menace d’importance depuis quelques années, se manifestant notamment les arraisonnements criminels au large de la Somalie. L’augmentation considérable des incidents au cours de l’année 2008 a poussé les gouvernements à accélérer encore les démarches déjà lancées, tant dans le domaine juridique que sur le front des opérations militaires proprement dites.

a) L’évolution de la menace

Selon le Bureau maritime international, plus de 4 000 actes de piraterie ont été enregistrés durant les vingt dernières années. L’augmentation du phénomène de piraterie est patente depuis dix ans. Ainsi, un rapport de la Rand Corporation (11) estime le nombre d'attaques et de tentatives d'attaques à 209 durant la période 1994-1999 et à 2 463 entre 2000 et fin 2006, soit une augmentation exponentielle de ces pratiques depuis le début du XXIème siècle.

Sur les dix dernières années, la menace pirate est restée à un haut niveau d’intensité :

2001 : 252 attaques

• 2002 : 341 attaques

• 2003 : 445 attaques

• 2004 : 329 attaques

• 2005 : 276 attaques

2006 : 249 attaques

• 2007 : 263 attaques (12)

En 2008, les chiffres concernant la piraterie sont les plus élevés depuis le début du recensement du Bureau maritime international (1991) avec 293 attaques de navires, 49 capturés, 889 marins pris en otage, 11 tués, 21 disparus et présumés morts. Depuis le 1er janvier 2009, le nombre d’attaques effectuées par les pirates s’élève à 140. 27 attaques (soit 19%) ont réussi (26% en 2008). Les pirates détiennent actuellement 10 navires (environ 180 otages).

Les raisons de cette explosion du nombre d’attaques de pirates sont multiples :

- L’incapacité de certains pays à assurer la sécurité de leurs eaux territoriales.

- L’acceptation du versement de rançons.

- La rentabilité de l’activité de piraterie par rapport à une activité légale dans des pays sous-développés

- Le faible nombre des équipages de navires cargos (une vingtaine d'hommes sur un navire de 150 mètres), qui restent non armés.

- La faible vitesse de déplacement des navires marchands (entre 10 et 20 nœuds en moyenne), qui facilite leur abordage.

- La rémunération des équipages, embarquant pour une durée de neuf mois en moyenne, qui proviennent en grande partie des pays émergents et reçoivent la majeure partie de leur salaire à bord et en espèces.

La menace pirate emprunte plusieurs formes. Les « bandits de la mer» agissent en groupes peu nombreux et leurs actions sont souvent improvisées s'apparentant plus à de la rapine13. En revanche, certaines zones connaissent une piraterie « culturelle », liée directement aux flux commerciaux proches des côtes et à la géographie qui permet toutes sortes de trafics et d’activité de contrebande. C’est notamment le cas de la corne africaine. Enfin, quelques gangs internationaux, qui recourent également à la piraterie, dépendent de mafias et de triades asiatiques dirigées par de puissants hommes d'affaires,

Les pirates d'aujourd'hui sévissent essentiellement dans cinq grandes zones géographiques : les régions d'Asie du Sud (Bangladesh, Indonésie) et d’Asie du Sud-Est (en particulier dans la mer de Chine méridionale) ; le long des côtes de l'Amérique du Sud (Brésil, Pérou) ; le long des côtes du golfe d'Aden, de la mer Rouge, de la Somalie et de la Tanzanie ; dans le golfe de Guinée (Nigeria) ; dans la mer des Caraïbes (Venezuela).

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Carte de la répartition des actes de piraterie maritime

Les actions menées par les Etats contre les pirates ont longtemps buté sur l’existence de règles juridiques empêchant la poursuite des criminels au sein des eaux territoriales d’Etats pourtant incapables de combattre efficacement les pirates. La situation est en passe d’évoluer.

b) Une modification des règles juridiques

Le cadre juridique international de la lutte contre la piraterie est posé par la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982. Elle définit la piraterie à l’article 101, comme « …tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l’équipage ou des passagers d’un navire ou aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer… ».

La convention rappelle que la piraterie constitue l’une des rares exceptions à la libre navigation en haute mer. Ainsi, tout Etat peut « en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d’un acte de piraterie aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord ». Cette convention permet aussi de visiter tout navire suspecté de se livrer à des actes de piraterie et attribue compétence aux juridictions de l’État intervenant pour juger les pirates capturés sans qu’un quelconque lien de rattachement ne soit nécessaire.

Ainsi, tout Etat est en droit d’arraisonner, en haute mer, tout navire pirate, de procéder à la capture des individus présents à bord et de les déférer devant ses juridictions pénales.

Toutefois, la recrudescence des actes de pirateries dans certaines zones géographiques, notamment au large de la Somalie et dans le Golfe d’Aden, a entraîné la nécessité d’un complément de réglementation. En effet, les navires pirates, connaissant les faiblesses de l’Etat somalien, utilisaient les eaux territoriales de ce pays comme un véritable havre, à l’abri des forces maritimes occidentales qui n’étaient pas autorisées, au titre de la convention de Montego Bay, à intervenir dans les eaux territoriales sans accord de Mogadiscio.

Cette situation a conduit le Conseil de sécurité des Nations Unies à adopter une succession de résolutions dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui autorise le recours à la force :

– La résolution 1814 du 15 mai 2008 prévoit un renforcement de l’aide apportée aux navires du programme alimentaire mondiale face aux attaques de pirates.

– La résolution 1816 du 2 juin 2008 étend le régime de la convention du droit de la mer aux eaux territoriales somaliennes et permet aux Etats d’agir dans cette zone et d’y utiliser tous les moyens nécessaires pour réprimer les actes de piraterie et de vol à main armée, et ce pour une durée de six mois.

– La résolution 1846 du 2 décembre 2008, reprenant les grandes lignes des précédentes, en prolonge l’action pour douze mois.

– La résolution 1851 du 16 décembre 2008 met l’accent sur les incertitudes quant au traitement à donner aux pirates appréhendés et la nécessité pour les Etats d’y remédier. Elle engage à la création d’un mécanisme de coopération internationale pour servir de point de contact commun et confère un droit d’intervention terrestre et aérienne sous réserve d’autorisation préalable du gouvernement fédéral de transition en Somalie.

Par ailleurs, en vertu de l’article 24 du traité sur l’Union européenne, un accord a été signé, le 6 mars 2009, entre l’Union européenne et le gouvernement du Kenya. Il traite des conditions et modalités du transfert, au Kenya, des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de piraterie ou des vols à main armée dans les eaux territoriales de la Somalie ou du Kenya.

Malgré ces mesures récentes, la présentation devant des autorités judiciaires des pirates appréhendés reste un sujet de préoccupation. Face au risque d’engorgement des juridictions kenyanes, il conviendrait, par exemple, de signer des accords de transfert avec d’autres pays voisins. Dans l’idéal, ceux-ci devraient être accompagnés d’arrangements techniques d’application précisant toutes les modalités pratiques.

Par ailleurs, les Etats qui luttent contre la piraterie et souhaitent juger chez eux les pirates qu’ils appréhendent, doivent mettre leur législation pénale nationale en conformité avec la réglementation internationale. En France, une révision de la loi de 1994 sur l’action de l’Etat en mer est en cours afin de remplir ces obligations.

Dans un contexte juridique clarifié en partie, la France participe à plusieurs opérations, notamment la mission Atalante, lancée fin 2008 par l’Union européenne.

c) Les opérations menées par la France

La marine nationale n’opère pas dans toutes les zones frappées par la piraterie maritime. En effet, dans la plupart des régions, les nations riveraines ont pris en charge la lutte contre la piraterie. Ainsi, grâce à une action coordonnée et vigoureuse de la Malaisie, de l’Indonésie et de Singapour, le détroit de Malacca n'est plus classé route maritime dangereuse par le Lloyd's Register depuis fin 2006.

En revanche, la situation fragile ou anarchique de certains pays rend difficile ou impossible l’action des forces nationales. Deux pays africains sont ainsi dans une situation difficile, le Nigeria et la Somalie.

Au Nigeria, les plateformes pétrolières sont sous la garde de bateaux armés, principalement par des compagnies privées. La France, qui entretient une permanence de navire de la marine nationale dans le Golfe de Guinée, envoie régulièrement des forces pour faire acte de présence dissuasive au large des côtes nigérianes.

Au large de la Somalie, et dans le golfe d’Aden, l'Union européenne a lancé le 8 décembre 2008 une opération militaire dénommée Atalanta (ou Eunavfor). Cette opération sous mandat de l'ONU, regroupe des navires européens et des avions de patrouille maritime, chargés de protéger les bateaux du Programme alimentaire mondial, d’accompagner les navires transportant certaines cargaisons sensibles, et de dissuader les pirates d'attaquer.

Lancée au départ pour un an, elle vient d’être reconduite pour une nouvelle année. Elle est commandée par un amiral britannique (actuellement le Rear-Admiral Hudson) depuis un état-major européen à Northwood.

La contribution française à ces opérations est loin d’être négligeable. La France déploie aujourd’hui plus de 250 hommes pour lutter contre la piraterie, en plus des éléments français prépositionnés, avec, en permanence, deux à trois bateaux et un avion de patrouille ou de surveillance maritime.

Elle assure également la protection de la flottille de thoniers français au large des Seychelles avec des équipes de protection embarquées, et a contribué déjà par trois fois à la libération de compatriotes otages des pirates (Ponant, Carré d’As, Tanit).

Pour la seule participation française à l’opération Atalante, le coût complet constaté au 30 juin 2009, s’élève à 26,9 millions d’euros dont 22,9 millions sont imputés sur l’action 3 « préparation des forces navales » et de 4 millions d’euros sont dépensés au titre des surcoûts liés aux opérations extérieures.

D’autres organisations agissent également contre la piraterie, notamment au large de la Somalie, dans le cadre de la résolution 1816 de l’ONU (14), notamment l’OTAN à travers son opération Allied Protector et la coalition maritime Combined Maritime Forces, dirigée depuis Bahreïn par l’amiral américain commandant la zone centrale et qui regroupe neuf pays à savoir la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, le Pakistan, l’Italie, le Danemark, l’Allemagne et l’Australie.

Enfin, des forces navales de nombreux pays (Chine, Russie, Inde, Japon, Indonésie, Malaisie, Singapour, Arabie Saoudite, Yémen, Oman, Egypte, etc ...) sont présentes dans un effort général face à une menace directe sur des routes maritimes économiquement vitales. Ces pays se concentrent en général sur l’escorte des navires de leur pavillon.

La solution du problème posé par la piraterie ne réside pas dans l’envoi massif de forces occidentales. Le succès de la lutte contre les pirates tient aussi à des actions juridiques nouvelles, mais également à une amélioration de la discipline des navires civils : près de 70 % des navires victimes de piraterie dans la corne africaine en 2008 ont enfreint l’une des règles de sécurité recommandées dans le guide de bonnes pratiques édités dans le cadre de l’opération Atalante.

A plus long terme, le développement des capacités militaires des pays de la région, soit dans le cadre d’organisations internationales comme l’Union africaine, soit par un rétablissement de l’autorité de l’Etat sur son territoire, est la seule réponse viable au développement de la piraterie.

2) Les progrès de la défense cybernétique française

En janvier 2009, plusieurs articles de presse ont laissé entendre que les systèmes opérationnels des Rafale Marine auraient été bloqués à la suite de l’attaque subie par le réseau intranet de la marine, Intramar. Si ce réseau a effectivement été contaminé par le logiciel Conficker, les dommages ont finalement été de faible ampleur. Ceux-ci auraient été bien plus étendus si ce virus avait été équipé de « charges actives », éléments permettant de prendre le contrôle de l’ordinateur visé par l’attaque.

Cet événement est venu rappeler l’importance prise aujourd’hui par la menace cybernétique. Celle-ci est prise en compte depuis longtemps par d’autres Etats. La France, constatant son retard, a adopté plusieurs mesures pour renforcer ses capacités défensives et offensives dans ce domaine.

a) Une menace internationale, prise en compte par les autres Etats

La prise de conscience de la vulnérabilité des réseaux informatiques n’est pas récente. Le piratage informatique est aussi ancien que les réseaux d’ordinateurs, et les problématiques de sécurité ont été prises en compte dès l’origine. Plusieurs types d’attaques cybernétiques doivent ainsi être distinguées.

Le détournement criminel d’un système dans un but crapuleux est ancien, et ne représente pas un enjeu de sécurité nationale. De la même manière, les groupes « hacktivistes »(15) peuvent représenter un élément perturbant. En revanche, l’existence de filières cyberterroristes, dont l’objectif est de désorganiser les sociétés par l’utilisation d’attaques informatiques, et la crainte de voir se développer un « cyberterrorisme d’Etat », ont conduit de nombreux pays à renforcer leurs systèmes de défense.

Cette menace est d’autant plus redoutable que les réseaux informatiques évoluent sans que les considérations de sécurité ne soient toujours mises au premier plan. La permanence de réseaux vétustes, qui sont encore utilisés, en France, pour la gestion de plusieurs activités stratégiques comme la distribution d’électricité par exemple, offre ainsi paradoxalement une protection supplémentaire, du fait de leur faible interconnexion.

Toutefois, la pression technologique tend à faire évoluer cette situation, et provoque dès lors une augmentation des risques. L’Estonie, pays « e-gouverné » et victime, par conséquent, de la plus grave attaque informatique connue (16), reste un cas limite. Les Etats-Unis, bien que plus avancés que la France dans le domaine, sont un point de comparaison plus utile. Or, on constate dans ce pays une amélioration croissante des performances des réseaux informatiques, qui s’accompagne d’une augmentation du risque d’attaques du fait de leur interconnexion croissante, et de leur raccordement à internet.

Conscients de ces risques, la plupart des autres Etats ont déjà considérablement amélioré leur outil de défense cybernétique, et poursuivent les efforts déjà entrepris.

S’inscrivant dans la continuité des travaux entrepris en janvier 2008 par l’administration Bush dans le cadre de la Comprehensive National Cybersecurity Initiative, le Président Obama a commandé en février 2009 une revue stratégique sur ces questions. Rendues publiques le 29 mai 2009, les conclusions de l’étude menée par Mme Melissa Hathaway fixent le cadre des nouvelles mesures américaines dans le domaine de la cyberdéfense. Considérée comme une priorité pour la sécurité nationale des Etats-Unis, la cybersécurité passe, selon ce rapport, par la création d’un haut responsable de ces questions au sein de l’administration présidentiel, afin de coordonner toutes les initiatives existantes. Par ailleurs, l’innovation et la prise de conscience nationale des risques informatiques existants sont encouragées.

En Allemagne, des initiatives visant à rapprocher les ministres de l’intérieur de chaque Land, qui sont les autorités compétentes sur les questions de cybersécurité, ont été lancées au cours de l’année 2009, afin de mettre en place une organisation plus intégrée et plus réactive.

Le Royaume-Uni, qui considère explicitement les cyberattaques comme une menace sur la sécurité nationale, comme le rappelle la National Security Strategy de 2008, devrait également renforcer ses protections dans le domaine, après avoir été victime, en 2009, d’attaques similaires à celles ayant touché les réseaux de la marine française.

La situation de la Russie et de la Chine est plus particulière. La Russie dispose de capacités informatiques de très haut niveau, qui ont pu être utilisées pour capter des informations sensibles à l’étranger. Face aux soupçons pesant contre ses services, le gouvernement russe a indiqué que les manœuvres de 2007 contre l’Estonie, et la vague d’attaques concomitantes à la crise russo-géorgienne d’août 2008, avaient été commises par des groupes de jeunes nationalistes agissant de manière autonomes. Ces événements ont clairement montré que des attaques cybernétiques étaient capables de porter atteinte au fonctionnement des institutions et des administrations d’autres pays.

En Chine, les capacités informatiques militaires font l’objet d’une véritable priorité nationale, comme le rappelle le livre blanc chinois sur la défense de 2008. Les renseignements disponibles tendent à montrer que les spécialistes informatiques chinois remplissent à la fois des missions de protection des réseaux nationaux, et des missions plus offensives, tournées contre des réseaux extérieurs. De plus, le pays dispose d’une protection très particulière, le « bouclier doré » (Golden Shield, parfois appelé « grande muraille numérique »), qui permet aux autorités d’exercer un contrôle important sur l’utilisation d’internet par les citoyens chinois.

La France s’est longtemps caractérisée par une mobilisation timide des moyens dans ce domaine. Jusqu’à récemment, chaque entité était laissée à peu près libre d’organiser sa défense cybernétique, le secrétariat général de la défense nationale, par l’intermédiaire de sa direction nationale de la sécurité des systèmes d’information, veillant à organiser une bonne circulation de l’information et des bonnes pratiques. La situation a changé, sous l’impulsion du livre blanc de 2008 sur la défense et la sécurité nationale.

b) Une nouvelle agence pour organiser la protection de nos réseaux

Créée le 7 juillet 2009, l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) permet de fédérer l’ensemble des services gouvernementaux. Elle reprend donc les missions de l’ancienne DNSSI, organe du SGDN, tout en recevant des moyens renforcés.

Préconisée par le livre blanc, la création de cette agence doit permettre de mieux coordonner l’action des différents services contribuant, en France, à apporter des réponses face à la menace cybernétique. Les missions que lui confie le décret qui l’institue, n°2009-834 du 7 juillet 2009, sont principalement d’organiser la réaction et la protection des réseaux sensibles face à une attaque massive, et d’informer le public sur les menaces existantes.

Un centre opérationnel de la sécurité des systèmes d’information est ainsi chargé de la surveillance permanente des réseaux sensibles et de la mise en œuvre de mécanismes de défense adaptés aux attaques. De plus, le centre d’expertise gouvernementale de réponse et de traitement des attaques informatiques, créé en 1999 et chargé d’assurer la veille et d’offrir des réponses aux attaques informatiques, est désormais rattaché à l’ANSSI.

Enfin, l’ANSSI est chargée d’apporter une expertise pour la sécurité des réseaux des administrations et des opérateurs d’infrastructures vitales. Elle intervient ainsi lors de l’achat de produits visant à améliorer la sécurité des réseaux. Elle délivre des labels de qualité concernant des produits de sécurité. Elle assure la mise en œuvre des systèmes de communication gouvernementaux sécurisés, comme Isis(17) ou Rimbaud (18).

Afin de faire face aux attaques cybernétiques, la constitution d’une capacité informatique offensive est préconisée par la loi de programmation militaire, en plus du développement de la cyberdéfense française que l’ANSSI devrait permettre. En effet, la seule défense des réseaux ne permet pas toujours d’identifier l’agresseur, et elle empêche donc d’adopter d’éventuelles mesures de rétorsion.

c) Les moyens de lutte informatique offensive et la doctrine cybernétique

Il est difficile d’établir, à l’heure actuelle, quels moyens seront affectés à la lutte informatique offensive. Le ministère de la défense a chargé l’état-major des armées de ce domaine, alors que la cyberdéfense relève de la direction générale des systèmes d’information et de communication.

Toutefois, le gouvernement n’a pas encore défini les missions exactes que les capacités informatiques offensives devraient remplir. Lancés en 2008, et s’appuyant sur l’expérience de la direction générale de la sécurité extérieure dans ces domaines, les travaux d’études préalables n’ont pas permis d’élaborer une doctrine précise en matière de « guerre informatique ».

La définition de la stratégie française en matière de lutte dans le cyberespace est importante. L’OTAN s’est également saisie de ce sujet, et a déjà mis en œuvre des mesures concrètes. L’Alliance dispose ainsi d’un service de gestion des capacités de cyberdéfense et d’une cellule de réponse aux attaques informatiques. Un centre d’excellence, qui n’a pas de caractère opérationnel mais vise à organiser la formation des personnels, a été mis en place au début de l’année 2008 par l’Estonie, qui souhaite occuper cette niche capacitaire.

La cyberdéfense devrait constituer un thème majeur des débats dans le cadre des travaux sur le futur concept stratégique. Certains Alliés pourraient vouloir étendre le champ de l’article 5 du Traité de Washington au-delà de la seule « agression armée », alors que cette clause de défense collective n’est pas citée dans la politique actuelle de cyberdéfense. Les Etats-Unis, qui ont fait du cyberespace le cinquième espace de bataille avec l’air, les mers, la terre et l’espace extra-atmosphérique, et ont amélioré leurs capacités de cyberdéfense par la création du cybersecurity center (19) le 2 novembre dernier, ne semblent pas porter des options très différentes des choix français, et il faut espérer que cette proximité de vues sera maintenue.

D –Modernisation de l’armée française : tenir les engagements de la loi de programmation militaire

La loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 fixe un cadre général pour la réforme des armées françaises. Celles-ci connaissent un double mouvement, de réduction des effectifs et de maintien à un niveau suffisant des efforts financiers pour permettre d’améliorer leur niveau technologique.

Les orientations prises dans le domaines de l’équipement des forces, de l’amélioration des capacités du renseignement, de réorganisation du ministère, correspondent à un mouvement de modernisation comparable à celui que connaissent la plupart des grandes forces armées dans le monde. Leur mise en œuvre effective implique que le niveau de ressources affecté à notre défense ne soit pas soumis à trop d’aléas dans les années à venir.

1) Quel niveau d’équipement pour nos armées ?

Dans le budget de la défense pour 2010, les crédits d’équipement, hors études, dissuasion, opérations d’armement, dépenses d’infrastructures et entretien programmé des matériels, s’élèvent à 10,9 milliards d’euros, en repli par rapport à 2009 (12,7 milliards d’euros). En incluant ces catégories de dépenses, le montant total des crédits d’équipement s’élève à 17,02 milliards d’euros, proche de celui dégagé pour 2009 (17,94 milliards d’euros) et en hausse de 11 % par rapport à 2008.

Du point de vue matériel, les principales livraisons attendues en 2010 sont : le SNLE Le Terrible, équipé du missile M51, plusieurs systèmes utilisés pour le commandement dont un centre de commandement d’aérodrome, de nombreux équipements destinés au renseignement, dont le satellite Hélios IIB, 85 stations de télécommunication par satellite Syracuse III, un avion C160 Gabriel adapté au renseignement électromagnétique, deux avions AWACS, plusieurs matériels de combat dont 5 045 équipements d’infanterie Félin, 99 VBCI, 11 Rafale, 7 Tigre, 34 Caesar, des éléments de projection dont 4 hélicoptères de transport NH90 en version marine (NFH), enfin, plusieurs systèmes d’armes destinés à la protection, comme les 2 systèmes sol-air moyenne portée terrestres ou les 80 missiles anti-aériens ASTER 30.

Des commandes devraient également être passées : 3 satellites d’observation optique du système européen MUSIS, 200 missiles air-air Météor, 135 missiles sol-air Mistral rénovés, un lot de missiles de moyenne portée à destination de l’Afghanistan (a priori, un matériel étranger sera retenu, en l’absence de nouvelle version du Milan de MBDA). 4 hélicoptères de transport Cougar devraient être rénovés.

a) Des choix importants qui devront être arbitrés

Les engagements pris dans le cadre du projet loi de finances pour 2010 permettent de respecter globalement le calendrier fixé par la loi de programmation. Des commandes spécifiques doivent permettre de couvrir les besoins urgents des troupes déployées hors des frontières, notamment en Afghanistan, pour des équipements de lutte contre les engins explosifs improvisés, et des missiles sol-sol.

Toutefois, beaucoup de décisions en matière d’équipements restent contraintes par le poids du passé. Les livraisons de Rafale, la finalisation du programme VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie), le développement du canon Caesar sont emblématiques de programmes lourds, pour lesquels les industriels ne peuvent être mobilisés sans garantie quant à l’achèvement des commandes. Les livraisons d’hélicoptères de combat Tigre, autre programme d’importance, semblent aujourd’hui marquées par une baisse de la qualité des produits sortis des chaînes de montage, du fait sans doute d’une insuffisante préparation de l’outil industriel à l’augmentation de la charge de production.

De plus, les programmes de renouvellement de certains équipements, notamment les grands matériels terrestres, voient leur réalisation retardée. Une telle situation se justifie par la volonté de doter les groupements tactiques interarmées, unité de combat de contact des armées françaises, d’équipements plus cohérents, dans le cadre du programme SCORPION. Celui-ci vise, dans un premier temps, au remplacement des véhicules de l’avant blindés (VAB) par des véhicules blindés multi-rôles (VBMR), le traitement des obsolescences du char Leclerc, la rénovation du système d’information et de combat, le remplacement des AMX 10 RC et des ERC 90 Sagaie par des engins blindés de reconnaissance (EBRC). Les premières livraisons d’EBRC ne sont pas attendues avant 2018.

Enfin, les reports de décision prévus par la loi de programmation militaire dans des domaines pourtant stratégiques continuent de faire régner le doute.

En matière de drones, les décisions sont censées être prises en 2010, et les manques comblés, d’ici là, par les programmes existants. La France doit se donner les moyens de garantir son autonomie en la matière. Les armées françaises disposent de trois systèmes de drones spécifiques, dont au moins un, le système intérimaire de drone de moyenne altitude et de longue endurance (SIDM), désormais appelé Harfang, met partiellement la France en position de dépendance technologique (20).

Les décisions concernant les drones sont d’autant plus importantes qu’il faut empêcher des trous capacitaires en cas de retrait du service de l’un des trois systèmes existant actuellement, CL289, SDTI (système de drone tactique intérimaire) et SIDM (système intérimaire de drone de moyenne altitude et de longue endurance).

La prolongation des SDTI et SDIM est à l’étude, mais suscite des difficultés. Le choix entre les différentes options pour les drones moyenne altitude – longue endurance (21) doit intervenir à la fin de l’année, ou au début de 2010. Enfin, les dates de livraison des programmes de remplacement du CL 289, fixées entre 2016 et 2019, doivent être tenues.

Dans d’autres domaines, comme les drones haute altitude longue endurance (HALE), aucun programme spécifique n’a été lancé, dans l’espoir que le programme SIDM évolue de telle manière qu’il puisse remplir des fonctions de drone MALE et HALE. De plus, il semblerait que le drone tactique de l’armée de terre DRAC, produit par EADS, rencontre des difficultés qui l’empêchent de voler temporairement. Enfin, en matière de drones de combat, le programme NEURON, attribué à Dassault, vise à fabriquer un démonstrateur, mais le nombre de systèmes qui pourraient être déployés à l’avenir n’a pas été fixé.

La question de l’acquisition d’un second porte-avions souffre de la même incertitude. La loi de programmation militaire indique qu’une décision devrait être prise en 2011/2012. Pourtant, les avaries décelées en mars 2009 sur le Charles-de-Gaulle ayant prolongé sa période d’inactivité de six mois, l’entraînement des pilotes français a été rendu plus difficile. Ceux-ci avaient déjà été obligés de recourir à un porte-avions américains – l’USS Harry S. Truman – durant la période d’arrêt obligatoire du porte-avions français.

Une telle situation plaide pour qu’une clarification soit faite sur les intentions françaises dans ce domaine. Jusqu’alors, la France s’était engagée avec la Grande-Bretagne pour développer en coopération un programme de second porte-avions à propulsion classique. Selon les déclarations de l’Amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine (22), la France n’est « plus liée » aux Britanniques, et a donc relancé les études d’un second porte-avions à propulsion nucléaire.

Les difficultés concernant les grands programmes terrestres, les drones ou le porte-avions sont des contraintes structurelles bien connues, au sujet desquelles des décisions devraient être prises sans qu’une urgence particulière ne s’impose. En revanche, les problèmes rencontrés pour le transport aérien et l’aéromobilité de théâtre, capacités fortement sollicitées pour la conduite des opérations en Afghanistan, rendent nécessaires l’adoption de mesures palliatives, situation qui ne peut être satisfaisante sur le long terme.

b) Quel transport aérien et quelle aéromobilité pour les troupes françaises ?

Les armées françaises souffrent de deux manques majeurs, identifiés depuis longtemps. D’abord, le transport aérien de troupes, stratégique et tactique. La France a fait le choix de développer, dans un cadre européen, le transporteur A400M, qui peut assurer les deux fonctions. Or, ce programme a accumulé un retard très important.

Le 1er avril 2009, compte tenu du retard de 14 mois sur le jalon contractuel du premier vol, les Etats parties au programme (23) étaient en droit de demander l’annulation du programme et le remboursement des sommes versées. Après une période moratoire de 4 mois, durant laquelle ils se sont assurés de la viabilité du programme, les Etats ont choisi, le 24 juillet 2009, de lancer une renégociation du contrat qui devrait s’achever à la fin de l’année. En tout état de cause, même si un premier vol devait avoir lieu à la fin de l’année 2009, les livraisons ne pourraient commencer avant fin 2012, et plus vraisemblablement en 2013, du fait d’une capacité de production amoindrie par l’étalement du programme.

L’échec du programme A400M poserait un véritable problème capacitaire. En effet, il n’existe pas d’équivalent à l’avion européen, qui cumule les capacités de transport stratégique et tactique, et la capacité d’atterrissage et de décollage en terrain difficile. Il faudrait dès lors revenir à une flotte mixte, composée, par exemple, de C-17 (projection stratégique) et de C130J (appareil tactique) américains, ainsi que des Antonov ukrainiens.

Les Etats parties doivent donc accorder leurs positions. Actuellement, certains semblent hésiter entre se retirer du programme et œuvrer à sa poursuite. Le gouvernement britannique a ainsi indiqué qu’il réexaminerait ses engagements à la fin de l’année, et commanderait un nombre de C17 en fonction de l’analyse qui sera faite alors.

Dans l’attente du nouveau transporteur, il faut trouver des solutions de remplacement. Actuellement, la France loue des Antonov 124-100 russes et ukrainiens, dans le cadre du contrat SALIS, proposé par l’OTAN. Elle a choisi de prolonger la durée de vie des Transall au-delà de la date initialement fixée pour leur retrait de service, désormais repoussée, pour dix d’entre eux, en 2018.

D’autres options doivent être étudiées. En effet, dans le cadre du contrat portant sur les Rafale, le Brésil pourrait également vendre plusieurs de ses avions de transport KC 390 à la France. Toutefois, ces avions ne seront disponibles qu’en 2018 au mieux, et sont plutôt complémentaires de l’A400M. Plusieurs pistes ont été évoquées, sans que l’une d’entre elles ne soit favorisée pour le moment, soit par la location de matériels étrangers, soit l’achat de certains transporteurs sur étagère. Les décisions finales dépendront des marges financières dégagées par la renégociation du contrat A400M entre l’OCCAr et EADS.

Le deuxième manque des armées françaises concerne l’aéromobilité de théâtre, à savoir les hélicoptères de transport. Là encore, la France est engagée dans un programme européen, le NH 90. Du fait d’un nombre important de spécifications nationales, mais, également, à cause des difficultés posées par les industriels, l’entrée en service de cet hélicoptère moderne a été retardée, de dix mois pour la version TTH (transport terrestre) et de plus de 5 ans pour la version marine NFH, dont les premières commandes ont été passées en 2000. Les premiers exemplaires de NH90 TTH ayant été livrés et testés, ils devraient être mis en service en 2011 et rempliront les besoins, notamment en Afghanistan.

Faisant face à l’urgence, la France a commandé cinq Caracal et rénove 24 Cougar, parfois en service depuis plus de vingt ans. Pour un coût d’environ 470 millions d’euros, cette solution peut permettre de combler le délai sur les théâtres d’intervention jusqu’en 2011.

En revanche, l’absence d’hélicoptères adaptés au théâtre maritime est plus problématique. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit la livraison de 4 versions maritimes du NH90, mais leur entrée en service ne pourra intervenir avant 18 mois, soit à la fin de l’année 2011. Les hélicoptères actuellement déployés, de classe Super Frelon, remplissent difficilement l’ensemble des missions qui leur sont demandées, et qui ne devraient pas être réduites, du fait, par exemple, de l’augmentation des actes de piraterie. L’armée étudie donc des mesures de remplacement temporaires, notamment l’achat de deux exemplaires du EC 225, dernier né de la famille Super Puma, mais la situation d’ensemble reste tendue.

2) Améliorer notre renseignement : un effort de grande ampleur

Les nouvelles menaces, notamment le terrorisme, sollicitent l’outil français de renseignement. Des menaces plus nombreuses et le climat d’incertitude qui domine les relations internationales aujourd’hui, obligent les Etats à s’assurer d’un niveau d’information suffisants sur des enjeux politiques parfois très lointains, mais qui peuvent avoir des répercussions directes sur leur territoire.

Depuis 2007, les montants alloués au renseignement, et, de manière plus générale, à la nouvelle fonction des armées de connaissance et d’anticipation fixée par la loi de programmation militaire, ont été accrus. En crédits de paiements, les montants sont passés de 2,6 à 2,8 milliards d’euros. Surtout, des investissements importants ont été consentis, les budgets en autorisation d’engagement pour 2009 et 2010 s’élevant respectivement à 4,3 et 3,3 milliards d’euros, contre 1,9 milliards en 2008.

Une telle augmentation des dépenses permet de soutenir un vaste programme de réorganisation et de rééquipement de l’outil français de renseignement. De nouvelles structures doivent permettre une meilleure collaboration entre des services renforcés, sur les plans humain et matériel.

a) La réorganisation des services autour du Président de la République

Sur le terrain, un bon niveau de coopération était déjà atteint auparavant entre les six services de renseignement français, deux généraux (la direction générale de la sécurité extérieure et la direction centrale du renseignement intérieur) et quatre spécialisés (direction du renseignement militaire, direction de la protection et de la sécurité de la défense, direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, service de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers clandestins TRACFIN).

Par la création du conseil national du renseignement, la France s’est dotée d’un organisme permettant une meilleure collaboration au niveau stratégique. En effet, présidé par le Président de la République, ce conseil permet de fixer les mêmes orientations pour les services, de répartir les objectifs entre chacun, et de rendre les éventuels arbitrages nécessaires. L’assistance d’un coordonnateur national du renseignement, qui sert de « point d’entrée » entre les services et le Président, permet de filtrer les questions nécessitant une prise de décision au plus haut niveau. Le secrétariat général de la défense nationale et de la sécurité intervient désormais en appui de l’intervention du coordonnateur, en animant notamment des groupes de travail interministériels ad hoc.

Premiers résultats de cette nouvelle organisation, un plan national du renseignement a été validé par le Président de la République en juin dernier, sur proposition du coordonnateur national du renseignement. Par ailleurs, plusieurs groupes de travail ont permis aux services de renseignement de faire avancer certains dossiers communs, comme la création d’une académie du renseignement, demandée par la loi de programmation militaire.

Sur ce dernier point, plusieurs pistes ont été lancées, dans le cadre d’un rapport remis au coordonnateur national du renseignement, afin de permettre progressivement un rapprochement des services, sans toutefois chercher à fusionner des entités qui ont apporté la preuve de leur expertise dans certains domaines précis. Ainsi, la création d’un établissement commun, qui pourrait être conçue sur la base des coopérations techniques existant par exemple en matière de formation au traitement du renseignement d’origine électro-magnétique, pourrait permettre d’aboutir in fine à la mise au point d’un tronc commun d’enseignement pour le renseignement français. Les premières initiatives dans ce domaine pourraient être lancées dès février ou mars 2010. A terme, il serait possible de mettre au point un tronc commun de formation et quelques modules pratiques.

b) Des effectifs supplémentaires et des équipements modernisés

Restructurés, les services de renseignement bénéficient, au titre du budget 2010, et dans le cadre des diverses programmations pluriannuelles, de ressources humaines et matérielles plus importantes.

La France s’est ainsi engagée, par la loi de programmation militaire, à recruter 700 personnels supplémentaires pour les services de renseignement. Principale bénéficiaire de cette augmentation, la DGSE devrait pouvoir compter, en 2009, sur 70 personnels supplémentaires, avant une nouvelle augmentation, en 2010, de 130 personnels au titre du plafond d’emplois autorisés. Sur l’ensemble de la période de programmation, environ 2/3 des nouveaux personnels, pour la plupart civils, exploiteront les nouvelles technologies dont bénéficiera le service, le tiers restant venant renforcer les capacités de renseignement humain. Les nouvelles ouvertures de postes devront s’accompagner d’efforts correspondants en termes de masses salariales, afin de permettre que les procédures de recrutement soient correctement conduites.

Pour leur part, la DRM et la DPSP voient leurs effectifs légèrement reculer, au titre de la participation à la réduction d’emplois au sein du ministère de la défense. Bien que leurs capacités ne soient affectées, une attention particulière doit être accordée pour ne pas affecter les ressources humaines de ces services.

S’agissant des crédits de fonctionnement, on observe, de manière générale, des tensions sur le montant des fonds spéciaux pour la conduite des opérations. Ces dernières coûtent de plus en plus cher, et il est nécessaire que les services de renseignement disposent, dans ce domaine également, des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

Ces efforts doivent être accompagnés d’un engagement équivalent dans le domaine des équipements. La loi de finances pour 2009 avait notamment permis de relancer les efforts en matière d’espace militaire, avec une augmentation des autorisations d’engagement de 154 à 480,86 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2010 maintient cette tendance, avec un montant de 426 millions d’euros en crédits de paiement, et 233 millions en autorisations d’engagement.

Les satellites remplissent, pour les services de renseignement, deux fonctions principales : l’observation et l’écoute électromagnétique. La France dispose d’un système d’observation national, fondé sur les satellites Hélios II. Le lancement d’Hélios IIB, deuxième exemplaire de cette série, doit intervenir le 9 décembre 2009, selon les informations d’Arianespace. Cette mise en orbite, initialement prévue au début de l’année, permettrait de pallier toute défaillance du prédécesseur Hélio IIA, lancé en décembre 2004.

Pour compléter les données nationales, des coopérations ont été passées avec l’Italie et l’Allemagne, qui disposent de capacités nationales avancées avec les systèmes SAR-Lupe et Cosmo SkyMed. Afin de réaliser un bond technologique, la France participe activement au projet européen MUSIS, qui vise à mettre en commun plusieurs technologies européennes. Les premiers lancements sont prévus entre 2014 et 2019. Ces délais doivent être respectés, compte tenu du risque qu’Hélios IIB ne soit plus en état de fonctionner dès 2015 (les calculs actuels estiment à 70 % les chances qu’Hélios IIA ou Hélios IIB soit encore actif à cette date).

Le programme MUSIS est d’une importance cruciale pour notre outil de renseignement. Le risque de trou capacitaire en 2015, bien réel si les éléments du nouveau système n’étaient pas en place, doit être évité. Le choix qui a été fait de mettre en œuvre ce programme dans le cadre d’une coopération européenne permet de faire avancer l’Europe de la défense, mais il ne doit pas entraîner de délais supplémentaires pour la modernisation des capacités d’imagerie satellitaire française.

En matière de renseignement électromagnétique, le programme Ceres, fondé sur une association de bases au sol et de quatre satellites, devrait être opérationnel à l’horizon 2016. A l’heure actuelle, la France continue donc d’utiliser le démonstrateur d’essai Essaim. Ses résultats sont jugés satisfaisants, et son utilisation a été prolongée jusqu’en 2010. De plus, un démonstrateur permettant d’organiser un programme de renseignement électromagnétique dans les bandes hautes, baptisé Elisa, devrait être lancé au milieu de l’année 2010.

Enfin, les services de renseignement disposent, dans le cadre du budget 2010, des moyens nécessaires au renforcement de leurs capacités de traitement de l’information, notamment la gestion des flux haut débit, qui nécessitent une adaptation des moyens existants.

3) Les réformes internes : une mise en œuvre conforme au calendrier

L’équilibre de la programmation financière pour la défense repose sur des engagements forts en termes de baisse des effectifs du ministère de la défense, et de réorganisation de son fonctionnement, pour réduire les coûts. Les sommes dégagées doivent être utilisées pour améliorer l’équipement des armées.

L’année 2010 devrait voir la poursuite de plusieurs de ces réformes, notamment celles des bases de défense. Les administrations centrales sont également sollicitées pour clarifier le fonctionnement de certains services.

a) La poursuite de la réduction des effectifs et de la réorganisation des administrations centrales

Initialement fixés à -7 999 en 2009 et -7 926 en 2010, le solde des suppressions et des créations de postes a été revu à la hausse, à -8 006 et -7 930, du fait d’un changement de périmètre de la mission « Défense ». En 2009, 5 962 postes de militaires devraient être supprimés (en équivalents temps plein) contre 2 044 civils. Cette proportion devrait être légèrement infléchie en 2010, avec 6 005 emplois de militaires, contre 1 925 civils, qui ne seront pas reconduits.

Les efforts de diminution de la masse salariale sont accompagnés par des aides attribuées en fonction de l’ancienneté et du type d’emploi occupé. Inscrites dans le statut général des militaires, celles-ci ont connu une hausse marquée entre 2007 et 2008, et devraient continuer à être utilisées pour les suppressions de postes à venir. Parallèlement à la réduction des effectifs, le ministère a confirmé son programme de revalorisation de la condition du personnel, en relevant notamment les indices de certaines catégories de personnels, et en revalorisant certains systèmes d’indemnisation particuliers. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit 99 millions d’euros pour financer ces mesures, dont 81 millions pour la révision triennale des grilles indiciaires.

Enfin, la baisse des effectifs du ministère s’accompagne de mesures visant à mieux utiliser la réserve opérationnelle. En hausse entre 2007 et 2008, le nombre de réservistes a légèrement augmenté, tout en restant en deçà des objectifs fixés par la loi de programmation 2003 – 2008. La dernière LPM a réduit les objectifs de nombres de réservistes, mais en a fixé de nouveaux concernant l’activité de ces derniers. En 2008, la durée d’activité moyenne d’un réserviste était de 21 jours par an, contre plus de 22 jours en 2007. L’objectif de la LPM est d’atteindre un nombre moyen de jours d’activité par an compris entre 25 et 30.

D’autres chantiers sont également mis en œuvre pour améliorer le fonctionnement du ministère de la défense.

Le décret n°2009-869du 15 juillet 2009 a ainsi précisé les fonctions du chef d’état-major des armées, désormais seul responsable, sous l’autorité du ministre de la défense, de l’organisation générale des armées et conseillé par les chefs d’état major des trois armes.

La montée en puissance du commandement interarmées permet de rationaliser l’expression des besoins. Cette orientation est reprise pour la conduite des programmes d’armement. Le décret du 15 juillet 2009 précité fixe ainsi la répartition des responsabilités entre le chef d’état-major des armées et le délégué général à l’armement. Si le délégué général reste responsable de la politique de recherche, de la réalisation des programmes d’équipement, de relations internationales concernant l’armement et de la politique industrielle de défense, le chef d’état-major des armées voit son pouvoir décisionnaire confirmé en matière de choix capacitaires, d’expression des besoins, de planification et de programmation des équipements. De plus, la généralisation des équipes de programme intégrées, qui associent des personnels de la DGA et des armées, doit faciliter la circulation de l’information entre les services, et améliorer la gestion des programmes pour répondre, au meilleur coût, aux besoins réellement exprimés.

Enfin, la création de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), de conception similaire à celles existant pour les matériels aéronautiques (SIAé) et navals (SSF), devrait permettre de rationaliser l’organisation des 18 300 personnels affectés à cette tâche. En effet, participant à la baisse des effectifs programmée d’ici 2014, les services de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres devra supprimer 3 900 postes d’ici là.

b) Une nouvelle organisation territoriale en 2011

Décidée dès 2008, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réforme des bases de défense est en cours. Elle devrait être finalisée en 2011. D’ici là, plusieurs transferts et fermetures d’unités interviendront.

Compte tenu des délais incompressibles liés aux opérations d’infrastructure, l’armée de terre a conçu le plan général de réorganisation en privilégiant pour 2009 des mesures qui ne sont pas conditionnées par de telles opérations et pour 2010 des mesures ayant un faible impact en matière d’infrastructure.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES TRANSFERTS 2009 ET 2010 DE L’ARMÉE DE TERRE

Année

Formation / organisme

Site de départ

Site d’arrivée

2009

Écoles de la logistique et du train (ELT)

Tours

Bourges

Centre de défense NBC (CDNBC)

Draguignan

Saumur

2e régiment de hussards (2e RH)

Sourdun

Haguenau

Commissariat de l’armée de terre – antenne de Paris

Paris

Saint-Germain en Laye

2010

École militaire supérieure d’administration et de management (EMSAM)

Montpellier

Guer

École d’application de l’infanterie (EAI)

Montpellier

Draguignan

Régiment de marche du Tchad (RMT)

Noyon

Colmar

État-major de la brigade de renseignement (EM BRENS)

Metz

Haguenau

28e groupe géographique (28e GG)

Joigny

Haguenau

État-major de la brigade de transmissions et d’appui au commandement (EM BTAC)

Lunéville

Douai

État-major de la 2e brigade blindée

(EM 2e BB)

Orléans

Illkirch-Graffenstaden

291e bataillon de chasseurs (allemand)

Allemagne

Illkirch-Graffenstaden

16e Bataillon de chasseurs (16e BC)

Saarburg

Bitche

La marine nationale a déjà fait un important effort de regroupement sur trois sites principaux : Brest, Toulon et Cherbourg. Les transferts ou dissolutions d’unités découlent essentiellement de fermetures de sites dont elle n’est pas elle-même attributaire ou encore de la création des bases de défense.

TABLEAUX RÉCAPITULATIFS DES MESURES DE LA MARINE NATIONALE

Année

Localisation

Unité et mesure

2009

Houilles

- arrivée de la direction régionale des systèmes d’information (DIRISI) Ile-de-France en 2009.

Brest

- création à titre expérimental d’une base de défense

- fermeture du site du groupe d’études sous-marines (GESMA), en 2009, en liaison avec le retrait de la DGA.

Nîmes-Garons

- transfert à partir de 2009 de la base de Nîmes Garons vers Ploemeur Lann-Bihoué (56) ; transfert du site à l’armée de terre (24).

2010

Plouhinec

- fermeture du centre d’essais (Gâvres), en raison du retrait de la DGA. La marine restera attributaire du site.

Cherbourg (50)

- création d’une base de défense et groupement de soutien de base de défense en 2010.

Enfin, l’armée de l’air est appelée à revoir son schéma d’organisation régionale, afin de mieux faire correspondre ses implantations aux missions qui lui sont confiées.

Année

Base aérienne

Unités transférées

Transfert 2009

2009

BA 101 Toulouse

MEST 01.338

Transfert à Orléans

BA 132 Colmar

 

Transfert d’une partie des moyens de l’escadron de chasse Normandie-Niemen (avions et personnels) à Reims.

L’escadron est dissous (1).

BA 128 Metz

Antenne EES 22.054

Transfert à Orléans

BA 921 Taverny

JFACC Permanent

Transfert à Lyon

CMOE 75.921

Transfert à Toulouse (Centre Interarmées SMF)

BA 217 Brétigny

BPA 28.502

Transfert à Vincennes

BA 118 Mont de Marsan

Escadron de Transport « Ventoux »

Transfert à Creil

BA 702 Avord

Centre de langue CLAS 00.307

Transfert à Tours

2010

BA 101 Toulouse

EETIS 63.560

Transfert à Bourges pour la partie instruction sol et à Montauban pour la partie équipe technique

BA 132 Colmar

 

Dissolution de l’ESTS 2E030. (escadron de soutien technique spécialisé)

Transfert des personnels

BA 921 Taverny

CASPOA 26.542

Transfert à Lyon Mont-Verdun

DIRCAM 14.664

Implantation à l’étude

BA 278 Ambérieu

Centre Militaire de Planeurs

Transfert à Grenoble

EAN de Dugny

DiTAP 10.560

Transfert à Creil

Enfin, tant le service de santé des armées (SSA) que celui des essences (SEA) devront revoir leurs implantations. L’ampleur des mouvements au sein du SSA reste limitée à quelques unités. Pour le SEA, 18 dépôts en métropole seront fermés, soit 30 % du total.

Les chiffres sur les économies attendues ne sont pas encore disponibles, le fonctionnement des nouvelles bases de défense interarmées étant encore au stade de l’expérimentation. Les premiers retours d’expérience, discutés au cours d’un séminaire organisé par l’état-major des armées le 8 juillet 2009, sont positifs.

Par ailleurs, le gouvernement s’est engagé à réduire encore le nombre de bases, pour aboutir à un total de 70 sites (25). Aucune date n’a été avancée pour le moment quant à cette deuxième phase de la réforme territoriale des armées.

Dernier élément de la réforme des implantations territoriales des armées, la création d’un pôle administratif central à Balard devrait être réalisée en 2014. D’ici là, treize sites parisiens devraient être cédés par le ministère. Le choix définitif devrait être arrêté en 2011. Toutefois, bien que trois entreprises aient répondu à l’appel d’offres, le mode de financement retenu, un partenariat public-privé, implique qu’une attention particulière soit accordée aux conditions de financement du projet. En effet, le coût global estimé, d’environ 500 millions d’euros, rend difficile l’obtention par une entreprise des fonds nécessaires dans un contexte de crise financière mondiale.

4) Garantir les ressources pour préserver notre capacité de défense

La mise en œuvre des réformes décidées dans le cadre de la loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 se poursuit à travers le budget de la mission « Défense » pour 2010. Toutefois, certains points particuliers, concernant les ressources budgétaires de la défense, sa politique de recherche et sa contribution aux exportations, doivent être notés, car ils pourraient avoir des répercussions sur l’avenir du financement de la défense française.

a) Financement de la défense : passer des ressources exceptionnelles aux ressources budgétaires

Le budget 2009 avait recouru en partie à des financements dits « exceptionnels », sous la forme de cessions immobilières et de vente de certaines fréquences militaires à des opérateurs commerciaux. Le gouvernement s’est engagé à ce que les montants annoncés, supérieurs à 1,6 milliard au total ne soient pas revus à la baisse, malgré la crise qui a notamment affecté le marché immobilier.

La LPM prévoit une réduction progressive du montant financé par ressources exceptionnelles, de l’ordre de 1,21 milliard d’euros (à prix constants en 2008) pour 2010, 600 millions en 2011 et 200 millions en 2012. Le projet de loi de finances pour 2010 est conforme à ces prévisions, les ressources exceptionnelles représentant 1,26 milliard d’euros courants.

En 2009, le montant des recettes exceptionnelles des produits de cessions parisiens et des produits des cessions réalisées en province devrait être de l'ordre de 700 millions d’euros. Les recettes tirées de la vente d’immeubles parisiens sont globalement garanties, puisque la cession de ces biens est assurée par une société, la SOVAFIM, qui s’engage à verser au ministère une somme convenue au préalable. La liste des sites libérés d’ici à 2014 s’établit comme suit :

– 2010 : Pavillon du Montparnasse, Saint-Charles, caserne Gley.

– 2012 : Casernes Reuilly et Lourcine.

– 2014 : Abbaye de Penthemont, Hôtels du Génie, de Penthemont, de l’Artillerie, caserne de la Pépinière, Ilot Saint-Germain (hors Hôtel de Brienne), Hôtel de la marine, La Tour-Maubourg.

En revanche, pour le moment, aucune recette n’a pu être tirée de la libération des emprises du ministère de la défense en région, plusieurs sites devant faire l’objet de complexes opération de réhabilitation.

De la même manière, la cession de l’usufruit de certains satellites de télécommunications Syracuse a été retardée en 2009. Ce processus fait intervenir plusieurs administrations, notamment les services du Premier ministre et l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui ont choisi de ne lancer le premier marché de cessions qu’après le vente d’une quatrième licence de téléphonie à un nouvel opérateur.

Le montant final des ressources tirées de cette opération reste incertain. Les premières évaluations évoquaient le chiffre de 600 millions d’euros, mais une trop faible compétition entre opérateurs pourrait obliger à le revoir à la baisse. C’est d’ailleurs dans ce but que la cession a été retardée, afin que l’arrivée d’un quatrième opérateur accroisse la concurrence pour les fréquences restantes.

Enfin, la vente de fréquences ne peut intervenir si ces dernières ne sont pas définitivement délaissées par nos armées. Or, certaines sont encore utilisées pour les communications militaires, dans l’attente de la finalisation de certains programmes de modernisation de systèmes télécommunication. En l’état, la réalisation de toutes les ventes prévues risquerait d’obliger les armées à louer les fréquences ainsi cédées afin de continuer à assurer leurs missions.

Les retards pris dans les ventes immobilières et les cessions de fréquences ont obligé, en 2009, à recourir à des mesures de régulation budgétaire pour garantir le montant des ressources de la défense. En plus de ces autorisations de consommations de reports de crédits, le niveau de l’inflation, moindre que celui initialement prévu, a facilité le respect des engagements de la loi de programmation. En tout état de cause, les ressources exceptionnelles devront faire l’objet d’une grande attention pour garantir leur montant.

Ces incertitudes montrent que le rythme prévu de réduction de la part des ressources extra-budgétaires doit être tenu, car les dépenses de défense, expression première de la souveraineté de l’Etat, sont souvent liées à des engagements pluriannuels respectant des équilibres complexes, et ne doivent pas dépendre des aléas du marché.

De la même manière, le montant de ressources apportées par le plan de relance au budget de la défense pour 2010, égal à 770 millions d’euros, après 990 millions d’euros en 2009, devra être remplacé à l’avenir par des ressources budgétaires. Cette question doit être prise en compte dès maintenant, pour éviter que le budget pour 2011 ne doive être élaboré dans un contexte de pénurie de ressources. Des dépenses importantes pour l’avenir de notre défense doivent en effet être engagées dans les prochaines années.

b) Le maintien des dépenses de recherche à un haut niveau

Le maintien des compétences technologiques clés est un enjeu crucial pour l’autonomie de notre défense. Peu de pays sont aujourd’hui capables de fabriquer un avion de combat moderne sans aide extérieure, et le recours à des achats « sur étagère » pour ce type d’équipements est souvent synonyme de perte d’indépendance stratégique et militaire.

Tous les rapports relatifs à l’exécution de la précédente loi de programmation militaire avaient noté la faiblesse des crédits de recherche finalement exécutés, au regard des ambitions affichées. Il est indispensable que la France poursuive son effort dans les domaines prioritaires, notamment les drones et les équipements du futur.

Du fait d’importantes redéfinitions comptables des dépenses correspondant à la recherche de défense, il est difficile d’établir des comparaisons antérieures à 2007. A cette aune, le budget 2010 permet une augmentation substantielle des dépenses dans le domaine des études de défense, qui passent de 1,5 à 1,6 milliards d’euros, en intégrant les dépenses engagées au titre des fonds de concours. Toutefois, le montant des dépenses affectées au développement des recherches baisse légèrement, de 2,2 à 1,9 milliards d’euros.

La France souhaite développer les partenariats européens dans le domaine de la recherche militaire, en proposant par exemple la création d’un fonds hors du cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, pour recueillir les investissements des pays intéressés. Une telle politique ne peut être conçue qu’en complément d’un effort national qui doit être maintenu à un haut niveau, tant en matière de recherches que de développement.

c) Les exportations d’armement, une ressource essentielle pour nos industriels

L’année 2010 pourrait voir la première commande ferme à l’exportation de l’avion de combat Rafale. Une telle évolution est très importante en pratique. En effet, l’équilibre de la loi de programmation militaire concernant la rénovation du parc d’avions de combat français repose, du point de vue financier, sur une réussite du Rafale à l’étranger. Sans la finalisation de contrats à l’exportation, le maintien du plan de charge demandé par l’industriel passerait nécessairement par une augmentation des commandes de l’armée française, ce qui obligerait à réviser toutes les projections financières concernant le programme Rafale.

Au Brésil, la France est bien placée pour un programme portant sur 36 avions polyvalents, ce qui permettrait d’approfondir le partenariat stratégique entre ces deux pays, qui a déjà permis la vente de sous-marins et d’hélicoptères français.

Les Emirats arabes unis pourraient également choisir de se doter d’une soixantaine d’appareils français. A l’heure actuelle, les négociations sont en cours, et portent notamment sur les spécifications techniques des appareils livrés, ainsi que des conditions de la reprise de la flotte émirienne de Mirage2000-9, pour lesquels la France s’efforce de trouver des clients.

En revanche, en Grèce, il semble peu probable que le Rafale soit finalement retenu par un pays qui a souvent fait le choix de s’équiper de matériel américain, et ce malgré le changement de gouvernement intervenu récemment.

Restent ainsi deux compétitions où le Rafale est engagé, en Suisse pour une vingtaine d’avions, et en Inde, où le projet de remplacement de 126 avions de combat a mobilisé tous les grands constructeurs mondiaux, américain, suédois, russe, européen et français.

La possible réussite des ventes de Rafale à l’exportation ne doit pas cacher l’affaiblissement relatif de la position française sur le marché militaire mondial depuis dix ans. Le montant des prises de commande, qui a augmenté par rapport à l’année dernière, a été ramené, en euros constants, de 8,15 milliards d’euros en 2000 à 6,58 milliards en 2008, ce qui fait de la France, avec une part de marché de 7,2 %, le quatrième exportateur mondial, derrière les Etats-Unis (49 % des parts de marché), le Royaume-Uni (15 %), la Russie (8 %) et juste devant Israël (6 %) dont les exportations d’armes ont considérablement augmenté au cours des dernières années.

Les contrats portant sur les équipements de défense dépendent d’un ensemble de facteurs, souvent stratégiques, comme le souligne l’ampleur des transferts de technologies exigés pour la vente de Rafale au Brésil, ce qui fait de ce pays un véritable partenaire, plutôt qu’un simple client de la France dans le domaine militaire. Pour assurer une meilleure coordination entre toutes ces dimensions, la commission interministérielle pour les exportations de défense et de sécurité (CIEDES) a été remplacée, en 2008, par la commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux (CIACI), dont la compétence s’étend aux grands contrats civils. Les principaux acteurs des exportations de défense ont salué cette initiative. Cette mesure, adoptée au plan national, pourrait être accompagnée d’une meilleure organisation des services de soutien aux exportations militaires à l’étranger. Une réflexion est à l’étude pour mieux coordonner l’activité des attachés de l’armement et celle conduite par les attachés de défense.

En matière d’exportations militaires, la France risque de faire face, dans les prochaines années, à une concurrence américaine accrue. En effet, l’évolution du budget de la défense américaine pour 2010, en hausse de 4 % hors dépenses de guerre, rend difficile la poursuite de certains programmes. Le Sénat des Etats-Unis a ainsi décidé, le 22 juillet 2009, d’arrêter la production de l’avion de supériorité aérienne de dernière génération F22 Raptor, ce qui créera un manque à gagner important pour l’entreprise Lockheed Martin (26).

Constatée pour d’autres matériels, la baisse des commandes pourrait conduire les industriels de défense américains à se retourner vers les marchés d’exportation. Déjà, ces derniers font montre d’une agressivité commerciale plus importante que les années précédentes, et pourraient donc menacer les parts de marché que la France a réussi à préserver.

La concurrence des industriels américains est d’autant plus difficile à affronter que leur marché national, qui reste le plus important au monde, est très difficile à pénétrer. Ainsi, l’Airbus A330 MRTT (Multi-role transport tanker, pouvant servir aussi bien d’avion de transport que de ravitailleur) avait remporté, face au KC-767 de Boeing, la compétition dite KC-X, qui prévoyait d’acheter 179 appareils en remplacement de la flotte américaine de KC-135.

Annoncé le 29 février 2008, le choix de l’avionneur européen, qui se voyait allouer un contrat estimé à 40 milliards de dollars, donna lieu à une plainte de Boeing auprès du bureau de contrôle du gouvernement du Congrès américain, le Government accountability office. Celui-ci retint les arguments soulevés par l’entreprise américaine, qui estimait que l’US Air Force avait mal évalué certains éléments des propositions concurrentes. Après plusieurs propositions avortées, le gouvernement américain a récemment totalement revu l’appel d’offres pour le renouvellement de ses ravitailleurs, avec des conditions nettement favorables à l’industriel national (27).

I

CONCLUSION

En 2010, la mission « Défense » bénéficie d’un montant de crédits respectant très exactement les engagements pris au titre de la loi de programmation militaire 2009 – 2014. Toutefois, ce budget fait appel à des ressources extra-budgétaire d’un montant important, ce qui fait peser des incertitudes sur le prochain exercice financier, le plan de relance ne pouvant alors plus servir à abonder les dépenses militaires.

Au-delà de ces questions, le contexte politique de la modernisation de nos armées, qui continuent de s’effectuer au rythme prévu, sera dominé par des événements majeurs dans les mois à venir.

D’abord, la redéfinition probable de l’engagement américain en Afghanistan obligera peut-être la France à revoir les conditions de sa participation à la coalition, bien que des évolutions aient déjà été décidées en 2009. Les capacités de déploiement des forces françaises à l’étranger sont pourtant déjà largement utilisées, et les annonces de redéploiement doivent être mises en œuvre.

De plus, la conférence d’examen du traité de non prolifération nucléaire, en 2010, pourra donner lieu à des clarifications de la part de leaders mondiaux affirmant vouloir construire un monde « libre de toute arme nucléaire ». La France continue, pour sa part, d’affirmer la primauté de son outil de dissuasion nucléaire, et le caractère purement défensif de son arsenal.

Enfin, des leçons devront être tirées de l’échec actuel de l’Europe de la défense. Sans projet majeur, et en l’absence manifeste de volonté politique de la part des partenaires prioritaires dans ce domaine, notamment la Grande-Bretagne, la seule entrée en vigueur du traité de Lisbonne ne saurait faire avancer des projets qui restent largement au point mort.

Des avancées dans ce domaine ont pourtant été annoncées lorsque la France a réintégré les structures de commandements de l’OTAN. Ces progrès sont d’autant plus nécessaires que le coût de ce retour n’est pas négligeable, tant politiquement que du point de vue matériel, et que la France doit dès lors trouver des partenaires pour conserver son autonomie dans le domaine militaire, garantie de son indépendance nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 4 novembre 2009, la commission examine les crédits de la mission Défense pour 2010.

Après l’exposé du rapporteur pour avis, un débat a lieu.

M. le Président Axel Poniatowski. Merci, Monsieur le Rapporteur. Pouvez-vous nous donner votre avis sur l’état de l’Europe de la défense ? Il ne fait guère de doute que d’importants progrès ont été obtenus pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, mais l’effort s’est ensuite relâché. Et jusqu’à aujourd’hui, l’incertitude demeurait quant à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. À présent, quels développements futurs voyez-vous ? Il semble qu’une majorité d’États membres de l’UE ne soient pas disposés à avancer. Réfléchissant sur ce sujet, le groupe UMP a récemment formulé trois préconisations : suggérer l’écriture d’un livre blanc européen, institutionnaliser des réunions formelles régulières des ministres européens de la Défense – il n’existe pour l’instant que des rencontres ponctuelles –, et créer un état-major européen opérationnel, seule lacune du bilan de la présidence française. Plus globalement, pensez-vous que va se prolonger la tendance récente favorable à nos exportations, dans la foulée du succès enregistré à Abou Dabi, qui a une longue tradition de coopération avec la France, mais surtout de la percée réalisée au Brésil ? Enfin, pouvez-vous nous dire quel est l’état d’esprit des militaires que vous avez pu rencontrer au cours de vos auditions ?

Mme Marie-Louise Fort. La France a fait son retour au sein du commandement intégré de l’OTAN et l’Europe de la défense est actuellement au point mort. Dans ce contexte, quelle est la situation de notre défense proprement nationale ? Les moyens sont-ils à niveau ? L’accroissement de notre effort de renseignement face au terrorisme est-il efficace ?

M. Jacques Remiller. Monsieur le Rapporteur, vous avez évoqué 7 930 suppressions de postes ; quel en est le détail par catégorie de personnels ? Vous nous avez apporté un important éclairage sur le renseignement ; qu’en est-il au sein de notre dispositif en Afghanistan ? En particulier, quels développements récents permettent d’affirmer que le drame vécu par nos soldats à l’été 2008 ne surviendrait plus aujourd’hui ? Vous évoquez enfin, dans votre rapport écrit, la situation en Côte d’Ivoire ; quand les prochaines élections y auront-elles lieu ?

M. le Président Axel Poniatowski. Un nouveau report est probable.

M. Jean-Michel Boucheron, Rapporteur. Au sein de l’Europe de la défense, tout ce qui ressortit à une démarche collective est pour l’heure au point mort, l’Agence européenne de défense comme l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement. Les réticences britanniques sont importantes. Il s’agit même d’un veto de leur part à propos du commandement opérationnel permanent. Le Royaume-Uni récuse en effet ce qui s’apparente selon lui à une duplication des structures de l’OTAN. On aurait pu penser que notre place nouvelle dans l’OTAN permettrait de lever ces réticences ; il n’en a rien été et l’esprit de Saint-Malo semble bien loin. Quant à l’écriture d’un livre blanc européen sur la défense, il s’agit d’une idée intéressante mais il est à craindre que le consensus ne soit pas très large… En effet, parmi les États membres, on compte des atlantistes « traditionnels » comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie et le Portugal, mais aussi les « super-atlantistes » que sont les États de l’Est de l’Europe, et enfin des États du Nord de l’Europe, à l’image de la Suède, dont l’effort de défense a été drastiquement réduit avec la disparition de la menace russe. Par conséquent, un livre blanc peut toujours être envisagé mais son contenu sera d’autant plus difficile à déterminer que les visions de départ sont très divergentes. Formaliser les réunions régulières des ministres européens de la défense serait une très bonne chose. Instituer un état-major européen également, mais le veto britannique semble difficilement surmontable. S’agissant de nos exportations, il convient de distinguer les livraisons payées des commandes et projets de commandes. Si les premières ne sont pas très satisfaisantes actuellement, les perspectives à court terme sont bonnes et elles sont même excellentes à moyen terme grâce aux succès remportés à Abou Dabi et au Brésil. Par conséquent, restons vigilants. Enfin, je me garderai de dire que les auditions que je mène auprès des hauts responsables de l’armée reflètent fidèlement l’état d’esprit de nos soldats. Il est certain que ceux-ci sont confrontés à des difficultés dans le cadre de la réorganisation territoriale en cours. La constitution de bases de défense est incontestablement une bonne réforme mais elle entraîne, pour les familles, de nombreux déménagements qui sont autant de déracinements, pour les militaires mais plus encore pour les personnels civils. Le rapport sur le moral des armées n’est pas, de ce point de vue, une source d’information aussi concrète que les témoignages que peuvent recevoir les élus sur le terrain. Des efforts ont été accomplis pour améliorer la condition militaire ; en particulier, le dispositif d’aide au départ fonctionne mieux que prévu, à tel point que l’on peut se demander si la motivation en est seulement pécuniaire ou si elle est plutôt la traduction d’une ferme volonté de quitter le métier.

Notre défense nationale est organisée sur une base territoriale, ce qui suppose un regroupement selon la logique des bases de défense car une importante concentration de moyens administratifs est nécessaire si l’on veut diminuer ces coûts fixes. La lutte contre le terrorisme à l’échelle nationale est pour l’heure couronnée de succès car les trois conditions de sa réussite sont réunies : la déstabilisation d’Al Qaïda en Afghanistan et au Pakistan – l’organisation ne disposant plus réellement de base arrière –, le bon travail accompli par nos services de renseignement dont la connaissance du terrain et la surveillance des menaces potentielles se sont affinées, et enfin le « facteur chance ».

Les 7 930 suppressions de poste programmées en 2010 se décomposent de la manière suivante : 468 officiers, 3 413 sous-officiers, 1 890 militaires du rang, 234 volontaires et 1 925 civils, dont 1 564 ouvriers d’État.

En Côte d’Ivoire, peu de changements politiques se profilent dans l’immédiat. Incidemment, le volume de nos forces prépositionnées est sans doute trop important dans ce pays, de même qu’au Liban.

M. Roland Blum. En matière de défense européenne, le projet de Constitution prévoyait une procédure de coopération structurée ; quelles seront les conséquences en ce domaine de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui vient d’être ratifié par la République tchèque ? Y a-t-il des exemples concrets de ce qu'il permet ou n’apporte-t-il rien de plus par rapport aux textes existants ? Je partage par ailleurs vos inquiétudes sur Eurocopter, notamment. J’espère que nous n’aurons pas de mauvaise surprise. D’une manière générale, quelle est la part des industries d’armement étrangères comme fournisseurs de nos armées ?

M. Michel Terrot. La question de la restructuration de nos bases en Afrique est assez floue. Il devait y avoir une base maintenue à Djibouti, une autre au Gabon ou au Sénégal, mais cela semble devoir être remis en question. Face à la montée de l’intégrisme islamiste dans la bande sahélienne, la question de l’opportunité du maintien de notre base au Tchad ne se pose-t-elle finalement pas ?

M. Jean Roatta. Je félicite le rapporteur pour son excellent travail. Je me pose une question quant aux OPEX et à la limite de nos capacités d’intervention à laquelle vous faites allusion dans votre rapport. On prévoit à ce sujet 570 M€ dans le budget, avec l’idée que cela devrait aller en augmentant. Dans quelle mesure sera-t-il opportun de revoir notre dispositif à l’étranger ?

M. Jean-Claude Guibal. Est-il possible de dresser un premier bilan de la réorganisation de nos services de renseignement ? Interviennent-ils en matière d’intelligence économique ? D’autre part, quant à la force de dissuasion, quelle est aujourd’hui notre doctrine, à l’heure où l’on craint une dissémination de ce type d’armement ?

M. Pierre Cohen. D’autre part, le Livre blanc prévoit un effort massif concernant le spatial. Sur cet aspect, comment le budget pour 2010 traduit-il ce qui était prévu ?

M. Alain Néri. En ce qui concerne l’A 400M, les délais seront-ils tenus et qu’en est-il exactement de nos capacités stratégiques de réponse aux aléas, aux réparations à faire ? Il risque d’y avoir des problèmes industriels locaux, pour y faire face.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. A la dernière question, en forme de boutade, je dirai que plus les avions sont vieux, plus il faut les réparer ! Les capacités industrielles doivent donc être à la hauteur des besoins. En ce qui concerne le Traité de Lisbonne, les coopérations structurées devraient faire l’objet d’un grand débat en 2010, organisé de manière thématique.

Les problèmes institutionnels ne sont pas le frein principal à l’Europe de la défense. Dès lors que la volonté politique est présente, les projets européens peuvent avancer. Les précédents ne manquent pas. Voyez l’exemple de l’avion franco-britannique Jaguar, de l’avion de transport franco-allemand Transall, ou encore du programme de missile également franco-britannique Storm Shadow. Le programme Arianespace est un projet phare dans ce domaine.

Concernant la part de matériels étrangers dans nos armées, il est difficile d’avancer un chiffre. Le montant des achats sur étagère est faible. Je pourrais donc vous répondre que 80 à 90 % des équipements militaires français sont fabriqués par des entreprises européennes.

Mais cette réponse resterait superficielle. De nombreux matériels militaires fabriqués par des sociétés françaises intègrent des pièces conçues et produites à l’étranger. On peut estimer qu’environ 70 % de notre équipement matériel est fait en France. Une telle situation peut poser des problèmes à l’exportation d’armements français qui comportent par exemple des pièces américaines, car le Sénat américain a un pouvoir de veto sur l’exportation de ces éléments, même s’ils sont intégrés à un équipement fabriqué ailleurs.

Sur notre présence au Tchad, je pense qu’elle se justifie par la sécurisation de toute une zone.

Concernant le déploiement de nos armées, une étude estime que le taux de déploiement des forces terrestres hors de notre frontière pourrait passer de 17 % en 2001 à 40 % en 2014, compte tenu du volume de nos OPEX, des diminutions d’effectifs prévues par la loi de programmation et de la rotation nécessaire des soldats hors de nos frontières.

S’agissant de la réorganisation, la création du coordonnateur du renseignement et du conseil national du renseignement constituent des avancées. Le rattachement administratif du CNR, placé sous l’autorité du président de la République, n’est pas un détail. Ce choix a permis de débloquer les choses.

La doctrine française en matière de dissuasion, fondée sur le silence quant aux conditions de sa mise en œuvre, demeure inchangée. Je rappelle que le Président Chirac avait néanmoins précisé que les Etats recourant au terrorisme contre la France s’exposaient à l’application de la dissuasion.

Avec 426 millions d’euros en crédits de paiement, .contre 392 en 2008, le budget de l’espace militaire pour 2010 est d’un bon niveau. Il fait suite à l’augmentation spectaculaire des autorisations d’engagement entre 2008 et 2009, qui étaient passées de 154 à 486 millions d’euros. Celles-ci ont retrouvé une trajectoire normale en 2010, avec 233 millions d’euros.

Le retard sur l’A400M nous oblige à réfléchir à des solutions alternatives dont certaines sont déjà en cours, comme la location d’avions de transport ukrainiens ou la prolongation de la durée de vie de certains Transall.

A l’issue de la réunion, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées

- Général Jean-Louis Georgelin, Chef d’état-major des armées.

- M. Jacques Audibert, Girecteur général des affaires politiques et de sécurité au ministère des affaires étrangères et européennes.

- M. Laurent Collet-Billon, Délégué général à l’armement.

- M. Erard Corbin de Mangoux, Directeur général de la Sécurité extérieure.

- Général Benoît Puga, Directeur du Renseignement militaire.

- M. Charles Edelstenne, Président directeur général de Dassault Aviation

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