N° 1971 tome VI - Avis de M. Francis Vercamer sur le projet de loi de finances pour 2010 (n°1946)


N° 1971

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME VI

TRAVAIL ET EMPLOI

TRAVAIL

Par M. Francis VERCAMER,

Député.

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Voir le numéro : 1967 (annexe n° 45).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » RELEVANT DU MINISTÈRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE, DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA VILLE 7

A. LE PROGRAMME N° 111 « AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L’EMPLOI ET DES RELATIONS DE TRAVAIL » 8

1. La santé et la sécurité au travail 9

2. La qualité et l’effectivité du droit du travail 9

3. Le dialogue social et la démocratie sociale 10

B. LE PROGRAMME N° 155 « CONCEPTION, GESTION ET ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DU TRAVAIL » 10

1. La poursuite de la réforme des services du travail et de l’emploi 11

2. La gestion et le soutien des programmes de la mission interministérielle « Travail et emploi » 12

3. L’évaluation, les études et les statistiques 12

II.- LE PLAN SANTÉ AU TRAVAIL 2005-2009 : BILAN ET PERSPECTIVES 13

A. UN PREMIER BILAN DU PLAN SANTÉ AU TRAVAIL 2005-2009 14

1. Le développement de la recherche et de la connaissance sur les risques professionnels 14

a) La création d’une agence publique indépendante et tête de réseau sur la santé au travail 15

b) Les efforts réussis de sensibilisation du monde du travail 16

2. La réforme des instances de pilotage et de contrôle de la santé au travail 17

a) Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) 17

b) Une nouvelle organisation régionale de la santé au travail 18

3. L’impact du Plan santé au travail 2005-2009 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles 20

a) L’évolution des accidents du travail et maladies professionnelles 20

b) Les objectifs quantifiés du premier Plan santé au travail et leurs limites 21

B. AMÉLIORER LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME DE PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS 22

1. Lier l’action des structures nationales de santé au travail 24

a) Donner des objectifs communs aux structures nationales 24

b) Rassembler les moyens et mieux diffuser les résultats de la recherche en santé au travail 26

2. Coordonner les acteurs territoriaux de santé au travail 27

a) De nombreux acteurs sur le terrain 28

b) Pour un interlocuteur intégré en région 28

C. L’URGENCE DE TRAITER ET PRÉVENIR LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX 29

1. Les risques psychosociaux aujourd’hui 29

a. L’exposition des salariés français au « jobstrain » 29

b. Une connaissance encore parcellaire 30

2. Un système de prévention à construire 31

a. Un arsenal limité de lutte contre les risques psychosociaux 31

b. Évaluer, informer et négocier : trois axes stratégiques de prévention des risques psychosociaux 32

D. L’AVENIR DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL 33

1. De la médecine du travail aux services de santé au travail 33

1. Une réforme positive mais inachevée 34

2. Une situation critique face aux défis du marché du travail à venir 34

2. Rénover le dispositif de santé en entreprise autour de la prévention des risques professionnels 35

1. Moderniser les missions et l’organisation des services de santé au travail 35

2. Renforcer l’efficacité des services de santé au travail en développant une action en réseau 36

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 37

ANNEXES 41

ANNEXE 1 : La structure du plan Santé au travail 2005-2009 41

ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 42

INTRODUCTION

La mission « Travail et emploi » constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État : ses crédits de paiement s’élèvent à 11,41 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010. Elle dispose d’une structure interministérielle, exprimant le lien étroit entre les politiques du travail et de l’emploi : deux des quatre programmes de la mission relèvent du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (1), et les deux autres dépendent du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Il s’agit des programmes n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail » et n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », fondements du présent avis.

La priorité de la politique du travail demeure l’amélioration des conditions d’emploi et de travail des salariés, grâce à une action accrue en matière de santé et de sécurité au travail, à la garantie de la qualité et de l’effectivité du droit du travail et au développement du dialogue social.

Le présent avis n’a pas pour objectif l’analyse détaillée de l’ensemble des crédits des programmes n° 111 et 155, cet objet étant imparti prioritairement au rapport spécial établi au nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Après un rappel des principales actions de ces deux programmes de la mission « Travail et emploi », votre rapporteur pour avis souhaite proposer une étude sur la santé au travail, le premier Plan santé au travail 2005-2009, arrivant à échéance à la fin de l’année.

Dans cette perspective, un bilan de ce plan a semblé nécessaire à votre rapporteur pour avis, qui a choisi de mettre l’accent sur trois enjeux essentiels de la santé au travail et du futur deuxième Plan santé au travail 2010-2014, en cours d’élaboration : la gouvernance de la santé au travail, le traitement et la prévention des risques psychosociaux et l’avenir des services de santé au travail.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Votre rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 1er octobre 2009.

À cette date, 0 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 100 %. Votre rapporteur pour avis souhaite remercier l’ensemble des services du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville de ce résultat remarquable.

I.- LES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » RELEVANT DU MINISTÈRE DU TRAVAIL, DES RELATIONS SOCIALES, DE LA FAMILLE, DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA VILLE

Dans le projet de loi de finances pour 2010, le montant des crédits des programmes n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail » et n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », relevant du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, s’élève à 890,8 millions d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 14,3 millions d’euros par rapport à loi de finances initiale pour 2009. Plus précisément, le programme n° 111 se voit doté de 78,2 millions d’euros de crédits de paiement et de 60,5 millions d’euros d’autorisations d’engagement, et le programme n° 155 dispose de 812,5 millions d’euros de crédits de paiement et de 822,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement (2).

Cette année, l’architecture de ces deux programmes ne connaît pas d’inflexion majeure par rapport à l’année dernière : ils comptent les dix mêmes actions et aucun changement de périmètre n’est à signaler. La structure des emplois se trouve toutefois ponctuellement modifiée en raison du transfert de 17 emplois du programme n° 155 vers d’autres programmes extérieurs à la mission « Travail et emploi ». Le graphique qui suit permet d’apprécier le poids comparé et l’évolution des deux programmes sous cette réserve.

Montants comparés pour 2009 et 2010 en crédits de paiement
des programmes n° 111 et 155 de la mission « Travail et emploi » et prévisions pour 2011

Source : projet annuel de performances pour 2010.

Comme l’indiquent le graphique ci-dessus et le tableau ci-dessous, si les crédits de paiement du programme n° 111 ont diminué de 7,8 millions d’euros, ceux du programme n° 155 ont augmenté de plus de 22,1 millions d’euros.

Le montant des crédits de paiement demandés pour 2010 correspond à celui prévu par la programmation pluriannuelle 2009-2011 (3), qui permet ainsi une anticipation meilleure de l’évolution de la mission : étaient attendus pour l’année 2010, 78,4 millions d’euros pour le programme n° 111, et 808,5 millions d’euros pour le programme n° 155. Pour 2011, ont été annoncés 84,9 millions d’euros de crédits de paiement pour le programme n° 111, et 822,2 millions d’euros de crédits de paiement pour le programme n° 155, soit une nette augmentation du budget des deux programmes (+ 16,4 millions d’euros). Le tableau ci-après récapitule l’ensemble des données chiffrées présentées.

Évolution 2009-2010 des crédits des programmes n° 111 et 155 et prévisions pour 2011

(en euros)

 

Loi de finances initiale pour 2009

Montants annoncés pour 2010 par la programmation pluriannuelle 2009-2011

Projet de loi de finances pour 2010

Montants annoncés pour 2011 par la programmation pluriannuelle 2009-2011

Programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail »

CP

86 107 336

78 490 000

78 260 000

84 964 148

AE

48 687 336

60 565 409

60 565 409

151 820 000

Programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail »

CP

790 418 401

808 532 346

812 596 760

822 224 619

AE

803 218 401

821 332 346

822 968 157

835 024 619

Source : projets annuels de performances pour 2009 et pour 2010.

Le programme n° 111, placé sous la responsabilité du Directeur général du travail, se voit doté de 78,2 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2010, représentant 0,68 % de l’ensemble des crédits de la mission « Travail et emploi ». Il a pour but d’améliorer la qualité de l’emploi et des relations de travail, c’est-à-dire de garantir aux 15,9 millions de salariés des conditions de travail conformes aux normes collectives et contrôlées, protégeant leur santé et leur sécurité et reposant sur une négociation sociale dynamique.

La composition du programme n° 111 reflète ces objectifs. Il compte quatre actions : « Santé et sécurité au travail », « Qualité et effectivité du droit », « Dialogue social et démocratie sociale » et « Lutte contre le travail illégal ». Cette dernière action ne se voit pas attribuer de crédits au titre du programme n° 111, car elle est financée par les crédits des programmes n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » et n° 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière ». Elle constitue cependant l’une des priorités de la politique du travail, ce qui justifie qu’une action lui soit consacrée dans le programme n° 111 : 10 % de l’ensemble des contrôles effectués par l’inspection du travail a ainsi porté sur le travail illégal en 2009.

L’action « Santé et sécurité au travail » bénéficie de 30,41 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2010, contre 25,41 dans la loi de finances initiale pour 2009, soit une augmentation de 19,63 % des crédits alloués. Il s’agit de la principale action du programme n° 111 : elle représente 53,05 % des crédits du programme pour 2010 en autorisations d’engagement.

Dans cette enveloppe budgétaire, les deux opérateurs du programme, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), reçoivent une subvention pour charges de service public accrue en 2010 à hauteur de 9,72 millions d’euros de crédits de paiement pour le premier (+ 25,91 %), et de 12,49 millions d’euros de crédits de paiement pour le second (+ 13,65 %). Les crédits d’intervention, finançant notamment les études liées à la connaissance des risques professionnels, augmentent également de 1,2 million d’euros : ils atteignent 8,2 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2010.

La santé et la sécurité au travail seront au cœur de l’agenda social en 2010, avec l’élaboration et la mise en œuvre du deuxième Plan santé au travail (2010-2014), l’annonce d’un plan d’urgence de lutte contre les risques psychosociaux, la fusion entre l’AFSSET et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) prévue par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, et la réforme attendue des services de santé au travail, sans que toutefois les partenaires sociaux aient pu trouver un accord en ce domaine.

Les crédits de paiement de l’action « Qualité et effectivité du droit » s’élèvent à 10,9 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010, soit une diminution de 60,74 %. Il convient, en effet, de rappeler que ces crédits avaient temporairement augmenté en 2008 et 2009 pour financer les dépenses liées aux élections prud’homales du 3 décembre 2008. Cette action vise à assurer la qualité et l’accessibilité du droit du travail. À ce titre, sont attribués 9,11 millions d’euros de crédits de paiement à la formation des quelque 14 600 conseillers prud’hommes, qui devraient permettre de financer environ 47 000 jours de formation.

Il s’agit aussi de veiller à l’effectivité du droit du travail en facilitant l’accès des salariés et des employeurs aux renseignements juridiques, notamment grâce aux actions d’information menées par l’inspection du travail. En 2008, le taux de satisfaction des usagers des services d’inspection du travail a atteint 77 %.

L’action « Dialogue social et démocratie sociale » se voit dotée de 36,89 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2010, soit une augmentation de 24,63 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Cette évolution notable révèle l’importance désormais donnée à la négociation sociale dans l’élaboration et la mise en œuvre du droit du travail. Afin de garantir des conditions optimales de dialogue social, 26,6 millions d’euros de crédits de paiement sont consacrés à l’aide à la formation syndicale. Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit, de plus, 3,1 millions d’euros de crédits de paiement destinés à financer des actions de développement de la négociation collective au niveau local ou territorial.

Les principaux enjeux de ce domaine en 2010 résident dans l’information et la mise en application des règles rénovées de représentativité et de validité des accords, issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui auront des répercussions sur la négociation collective tant au niveau des entreprises et des branches qu’au plan national interprofessionnel. Sont affectés 14,37 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7,1 millions d’euros en crédits de paiement à la mise en place d’un outil de mesure de l’audience de la représentativité syndicale, le projet « MARS », qui permettra d’arrêter en 2013 la liste nouvelle des organisations représentatives.

Le programme n° 155, placé sous la responsabilité du Directeur de l’administration générale et de la modernisation des services, constitue le programme support des politiques publiques de la mission « Travail et emploi », regroupant l’essentiel des moyens en personnel (10 680 équivalents temps plein), fonctionnement, investissement et études de ces politiques interministérielles. Le projet de loi de finances pour 2010 lui attribue 812,5 millions d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 2,81 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Les crédits de paiement du programme n° 155 représentent 7,1 % de l’ensemble des crédits de la mission.

Les objectifs du programme n° 155, s’inscrivant dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), demeurent : l’amélioration de la qualité du pilotage régional et des opérateurs ; l’optimisation de la gestion des moyens ; la rénovation de la gestion des ressources humaines, la mission interministérielle disposant d’un schéma stratégique de gestion de celles-ci ; et l’élaboration de statistiques et d’évaluations à destination des responsables institutionnels. À ces fins, seront poursuivies en 2010 deux réformes majeures du réseau, composé de plusieurs milliers d’agents de l’État, chargé de mettre en œuvre les politiques du travail et de l’emploi sur l’ensemble du territoire national.

Il s’agit, tout d’abord, de la réorganisation des services de l’inspection du travail qui s’achèvera l’an prochain. En effet, d’une part, le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, lancé en 2006, dans le but de renforcer l’efficacité collective des services, et d’accroître les effectifs alors insuffisants au regard des indicateurs internationaux, prend fin en 2010, avec la création de 160 emplois supplémentaires d’inspecteurs, de contrôleurs, d’ingénieurs et de médecins du travail. Au total, ce sont près de 700 emplois qui ont été créés entre 2006 et 2010. Les fonctions de pilotage et d’animation des services de l’inspection du travail ont été structurées, en août 2006, par la création de la Direction générale du travail (4), qui remplit désormais le rôle d’autorité centrale d’élaboration et de coordination de la politique du travail.

D’autre part, la fusion des services de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricole, de l’inspection du travail des transports et de l’inspection du travail, en une inspection du travail unique, décidée par le conseil de modernisation des politiques publiques en décembre 2007, a été réalisée en décembre 2008 (5). La réorganisation des services au niveau territorial, impliquée par l’unification, a progressivement été mise en œuvre en 2009, par l’intermédiaire des projets régionaux communs établis par les responsables des services préexistants. En 2010, seront conduites les dernières opérations d’homogénéisation des systèmes d’information et de regroupements immobiliers.

La deuxième réforme majeure des services du travail et de l’emploi réside dans la mise en place, au 1er janvier 2010, des directions régionales de l’entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) qui regrouperont les unités départementales du travail et de l’emploi et celles de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Participant de la logique de développement de guichets unifiés pour les usagers, la création de ces nouvelles directions régionales permet l’instauration d’un seul interlocuteur économique et social unique de l’État pour les entreprises et les acteurs socio-économiques. Les préfigurations menées dans cinq régions (6) ont donné des résultats positifs : le taux de satisfaction des usagers, suite à un contact de moins d’un an avec les directions, atteindrait 80 % en 2009.

Le programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » porte les activités mutualisées d’encadrement et de soutien des politiques publiques du travail et de l’emploi. Les trois actions de gestion des programmes n° 102 « Accès et retour à l’emploi », n° 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » (7) et n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail » représentent le principal poste du programme n° 155 : le projet de loi de finances pour 2010 les dote de 445,6 millions d’euros de crédits de paiement, soit près de 55 % des crédits du programme. Elles regroupent les dépenses de personnels chargés de la mise en application de chacun des programmes.

Les fonctions d’état-major et de soutien de la mission budgétaire, comprenant les crédits de personnels dédiés, de fonctionnement et d’investissement, reçoivent en outre 329,6 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de plus de 13 millions d’euros par rapport à 2009. cette augmentation se trouve notamment due à la budgétisation et à l’accroissement de la subvention versée par l’État aux maisons départementales des personnes handicapées, qui s’élève à 16,9 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010 (+ 13,3 millions d’euros). Cette évolution donne suite à une recommandation de la Cour des comptes qui avait souhaité, dans son analyse de l’exécution du budget 2008,une inscription claire en loi de finances de cette subvention, auparavant financée par des redéploiements.

Le projet de loi de finances pour 2010 consacre 37,3 millions d’euros de crédits de paiement (– 1,4 million d’euros), dans le seul cadre du programme n° 155, à l’évaluation des politiques, au développement d’études et à la production régulière de statistiques dans le domaine du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Pour mener ces missions, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) se voit attribuer 6,75 millions d’euros (– 2,2 %), le Centre d’études de l’emploi (CEE) 5,6 millions d’euros
(– 8 %), et le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) d’une même subvention de 2,8 millions d’euros.

II.- LE PLAN SANTÉ AU TRAVAIL 2005-2009 :
BILAN ET PERSPECTIVES

Le Plan santé au travail 2005-2009, a été adopté le 23 février 2005 en Conseil des ministres, sous l’impulsion de M. Gérard Larcher, alors ministre délégué aux relations du travail, dont l’implication personnelle a été soulignée par nombre des 43 personnes, d’horizons et de professions divers, qui ont été auditionnées par votre rapporteur pour préparer le présent avis (8). Ce plan arrivant à terme à la fin de l’année, votre rapporteur pour avis a souhaité dresser un premier bilan de ses principales mesures et s’intéresser aux trois défis du futur deuxième Plan santé au travail 2010-2014, attendu pour février 2010 : l’amélioration de la gouvernance du système de prévention des risques professionnels, l’urgence du traitement et de la prévention des risques psychosociaux et l’avenir des services de santé au travail.

La santé au travail constitue un défi central de l’avenir proche du marché du travail français, au vu notamment du phénomène de vieillissement de la population, qui implique le maintien en activité d’une part croissante de seniors. Elle affecte directement la qualité de vie des quelque 15,9 millions de salariés et a des répercussions importantes, bien que méconnues et plus difficilement quantifiables, sur la compétitivité des entreprises. Tant les accidents du travail et les maladies professionnelles, que le mal-être physique et psychologique au travail représentent de réels coûts pour les entreprises. En 2008, les accidents du travail ont occasionné plus de 37 millions de journées perdues et les maladies professionnelles plus de 8 millions, selon les calculs de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

Au-delà de la France, l’Union européenne a construit un socle normatif commun aux vingt-cinq États membres, sur la santé et la sécurité au travail, démontrant le caractère d’enjeu social et économique fondamental de cette matière. L’acquis communautaire repose principalement sur la directive cadre sur la santé et la sécurité des travailleurs du 12 juin 1989, qui fixe les principes directeurs, et les très nombreuses directives techniques qui en ont dérivé. Dans le domaine majeur de la prévention des risques chimiques, le règlement européen REACH (enRegistrement, Évaluation et Autorisation des substances Chimiques), entré en vigueur le 1er juin 2007, s’est donné l’objectif ambitieux d’analyser et d’enregistrer, sur onze ans, plus de 30 000 substances. L’Union européenne a complété cette approche juridique par l’adoption, depuis 2002 (9), de stratégies communautaires pluriannuelles de santé et de sécurité au travail, et par le développement de réseaux de recherche (agence européenne pour la santé et la sécurité au travail de Bilbao, fondation européenne de Dublin pour l’amélioration des conditions de vie et de travail), dans une logique proche de celle retenue par le premier plan français de santé au travail.

Le Plan santé au travail 2005-2009 a constitué une innovation majeure et a accompli un changement d’échelle dans la prise en compte de la santé au travail comme priorité de la politique du travail : il s’agit du premier plan d’action, d’envergure nationale, proposant une démarche globale et intégrée (10). Inscrivant résolument la France dans la stratégie européenne de santé et de sécurité au travail, il enrichit l’approche traditionnelle de la matière plutôt centrée sur la réglementation des accidents du travail et des maladies professionnelles, et la question de l’aptitude médicale à exercer un emploi.

Le Plan santé au travail 2005-2009 a lancé une véritable dynamique de réflexion sur l’amélioration des conditions de travail : ont ainsi été organisées deux conférences sociales tripartites sur les conditions de travail, réunissant l’ensemble des acteurs de la santé au travail sous la présidence du ministre en charge du travail, le 4 octobre 2007 et le 27 juin 2008. Dans le but d’établir un diagnostic partagé, ces conférences ont traité en particulier de la prévention des troubles musculo-squelettiques, des risques différés (substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) et psychosociaux ainsi que des missions des acteurs de la prévention à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Le premier Plan santé au travail a, en outre, fait l’objet d’un suivi approfondi par le ministère du travail : deux évaluations à mi-parcours ont été réalisées, l’une par un bureau d’études privé en janvier 2009, et l’autre par la Direction générale du travail en juin 2009 (11).

Cette dynamique a été complétée par l’inclusion de volets professionnels dans d’autres plans nationaux, comme le Plan national santé – environnement 2009-2013 qui intègre l’objectif de réduction des expositions aux substances CMR en milieu de travail, et par une réelle augmentation depuis 2005 des crédits de paiement de l’action « Santé et sécurité au travail » du programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail ». En 2005, cette action disposait de 23,6 millions d’euros. Dans le projet de loi de finances pour 2010, ce sont 30,4 millions d’euros qui lui sont attribués.

De l’avis général des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis, la création de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), dès septembre 2005 (12), constitue le plus grand apport du Plan santé au travail. Cette agence, dont la nouvelle organisation a été arrêtée par le décret n° 2006-676 du 8 juin 2006 (13), a le statut d’établissement public de l’État, placé sous la tutelle des ministères en charge du travail, de l’environnement et de la santé, qui en assurent principalement le financement. En 2008, le budget de l’AFSSET s’élevait à 22,2 millions d’euros, dont 19,2 millions accordés par l’État, provenant à 50 % du ministère du travail, à 35 % du ministère de l’environnement et à 15 % du ministère de la santé. L’agence employait 123 collaborateurs.

Dans le champ des risques professionnels, l’AFSSET a pour mission d’évaluer les risques sanitaires liés au travail, notamment ceux liés à l’exposition des travailleurs à certains produits et substances susceptibles de comporter un danger pour l’homme. Elle fournit aux pouvoirs publics toutes les informations sur ces risques, une expertise scientifique indépendante et pluridisciplinaire et l’appui technique nécessaires à l’élaboration des dispositions législatives et réglementaires et des mesures de gestion de ces risques. L’agence est aussi chargée d’assurer une veille scientifique et d’organiser l’expertise nécessaire à la fixation des valeurs limites d’exposition professionnelle à des substances dangereuses, et la substitution des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.

L’AFSSET assure enfin une fonction d’animation stratégique, de tête de réseau : elle coordonne un réseau de 21 organismes publics scientifiques, dont l’Institut de veille sanitaire (InVS) ou l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), par un système de conventions cadres et de conventions d’application thématiques. Au total, ce sont près de 500 scientifiques de haut niveau qui participent aux travaux de l’agence. Elle gère également le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles, un réseau national d’experts qui recense de façon systématique et standardisée l’ensemble des problèmes de santé au travail, à l’occasion des consultations de pathologies professionnelles en centre hospitalier universitaire. Ce réseau, opérationnel depuis janvier 2001, permet une connaissance approfondie des maladies professionnelles et la détection de risques émergents, qui peuvent guider le choix d’actions prioritaires régionales ou nationales à mettre en œuvre.

L’AFSSET observe un niveau d’activité élevé. En 2008, l’agence a rendu 50 avis dans le cadre de la directive européenne sur les biocides (14), 16 avis suite à des saisines et 4 avis dans le cadre de la mission permanente sur les valeurs limites d’exposition professionnelle. Ses études portent sur des sujets de premier ordre comme les nanomatériaux ou les fibres courtes d’amiante. En 2008 l’agence a enfin retenu 32 projets dans le cadre de l’appel à projets de recherche.

Selon l’ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis, la deuxième grande réussite du Plan santé au travail 2005-2009 réside dans une réelle sensibilisation du monde du travail à cette thématique. Un sondage européen de juin 2009 (15) affirme ainsi que 15 % des Français se considèrent comme très bien informés sur les risques liés à la santé et à la sécurité sur leurs lieux de travail, 54 % comme plutôt bien informés. La sensibilisation de la population aux questions de santé au travail passe par la communication et l’information sur les risques professionnels sous divers supports, matériels ou dématérialisés. Dans ce domaine, le premier Plan santé au travail a contribué à un saut quantitatif et qualitatif.

L’exemple du développement de l’information en ligne est éclairant à cet égard : de nombreux sites Internet sur les risques professionnels ont vu le jour ou connaissent une fréquentation importante. Le ministère du travail a lancé, en janvier 2009, le « travailler-mieux.gouv.fr », visant à diffuser une information claire aux acteurs de l’entreprise sur les risques professionnels, leur évaluation et les mesures de nature à les prévenir. Il avait reçu plus de 200 000 visites au 30 juillet 2009. L’AFSSET anime également pas moins de six sites Internet à vocation générale (portail santé-environnement-travail) ou spéciale (les pesticides) qui ont été visités en 2008 par plus de 2 millions de personnes. L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a construit une véritable base de données en ligne sur son site qui a reçu en 2008 plus de 24 000 visites par jour pour un total de 7,6 millions de visiteurs qui ont téléchargé plus de 25 millions de documents.

Néanmoins, il convient de distinguer une sensibilisation réussie de l’application et de la mise en œuvre concrète d’actions de prévention des risques professionnels dans les entreprises. Ainsi, la campagne nationale de contrôle, menée en 2008, sur le risque cancérogène lié à l’exposition aux poussières de bois a, par exemple, conclu à l’insuffisante application de la réglementation relative à la prévention de ce risque. Au cours de ses nombreuses auditions, votre rapporteur pour avis a également noté que l’augmentation des financements dédiés à la recherche en santé au travail, et le nombre accru de champs étudiés ne s’étaient pas non plus traduits par le transfert d’outils opérationnels aux entreprises, permettant d’appréhender en pratique et de diminuer l’exposition des salariés aux risques professionnels.

Face à ce constat, on peut regretter que, ni le chantier de l’harmonisation et de la simplification des différentes réglementations techniques relatives à la prévention des risques professionnels, ni celui de l’incitation du développement de la recherche appliquée en entreprise, pourtant prévus par le Plan santé au travail 2005-2009, n’aient pas encore débuté, selon le document de suivi du plan établi par la Direction générale du travail en juin 2009. Ces deux actions majeures pour l’amélioration des conditions de travail devraient être reprises et rapidement mises en œuvre dans le futur Plan santé au travail 2010-2014.

Au niveau national, le Plan santé au travail 2005-2009 préconisait la création d’une instance consultative de concertation et de réflexion en matière de santé et de sécurité au travail, qui articule l’action des différents acteurs de la prévention, en particulier celle de l’État et celle des partenaires sociaux. À cette fin, l’ancien Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP) a été remplacé par le Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT), créé en novembre 2008 (16) et installé en avril 2009.

Ce conseil d’orientation, placé auprès du ministre en charge du travail, a pour mission principale de participer à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail. À ce titre, il est consulté sur tout projet de texte, législatif ou réglementaire, ou d’orientation des politiques publiques (plans nationaux) dans ses domaines de compétence, et formule des recommandations en matière de conditions de travail et de prévention des risques professionnels. Il a vocation à jouer un rôle semblable à celui du Conseil d’orientation des retraites (COR) ou du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) dans leurs champs respectifs. Le COCT rassemble, au sein de chacune de ses formations (17), des représentants de l’ensemble des départements ministériels intéressés, des organisations syndicales de salariés et d’employeurs, des organismes nationaux d’expertise et de prévention, des associations de victimes des risques professionnels et des personnalités qualifiées, soit plus de cinquante acteurs de la santé au travail au niveau national.

Cette réforme devrait permettre quatre avancées. Tout d’abord la capacité d’expertise du conseil devrait s’accroître, la nouvelle composition de l’institution intégrant davantage de disciplines scientifiques et diversifiant la représentation des administrations. Devrait ensuite se poursuivre un mouvement de décloisonnement des problématiques traitées et d’élargissement des thématiques étudiées au sein du COCT, puisqu’une commission spécialisée en charge des questions agricoles a été créée, en lieu et place de la Commission nationale d’hygiène et de sécurité du travail en agriculture, et que les compétences du Conseil ont été étendues au domaine des études et de la recherche. Celui-ci a été par ailleurs doté d’un droit d’initiative : il peut émettre des avis et des propositions dans son champ de compétences sans être obligatoirement saisi. Enfin il assurera une véritable évaluation de la mise en œuvre de la déclinaison régionale de la politique de la santé et sécurité au travail, conduite par les comités régionaux de prévention des risques professionnels.

En 2009, le COCT a choisi de centrer son activité sur la préparation du deuxième Plan santé au travail 2010-2014 : sont actuellement examinées par trois groupes de travail, les problématiques d’amélioration de la connaissance en santé au travail, de développement de démarches de prévention dans les très petites, petites et moyennes entreprises, ainsi que les modalités de pilotage, de suivi et d’évaluation du prochain plan. Cela permettra d’élaborer le nouveau plan et d’en déterminer les objectifs principaux selon une méthode participative, par une concertation réunissant le plus grand nombre possible d’intervenants dans le domaine de la santé au travail, fédérés autour du COCT.

Au niveau régional, le Plan santé au travail 2005-2009 recommandait deux réformes : la création d’une instance consultative régionale de concertation, le Comité régional de prévention des risques professionnels, relayant et complétant la politique nationale de prévention des risques professionnels, impulsée par le COCT, et la mise en place de cellules régionales d’appui pluridisciplinaires au sein des directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, afin de renforcer l’effectivité du contrôle territorial du travail.

Les comités régionaux de prévention des risques professionnels créés en mai 2007 (18) et aujourd’hui mis en place dans toutes les régions, constituent le « miroir », au niveau régional de l’ancien conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, devenu COCT. Placés auprès des préfets de région, ils réunissent les acteurs territoriaux de la prévention : les administrations régionales de l’État, les partenaires sociaux, les organismes régionaux d’expertise et de prévention, et des personnes qualifiées, tels que les représentants d’associations de victimes. Il s’agit d’instituer un pilotage régional de la santé au travail rénové. Les comités régionaux ont pour mission première d’élaborer un diagnostic territorial en matière de conditions de travail et de prévention des risques professionnels, souvent difficile à établir en raison de la complexité ou de l’absence de données. Ils sont également consultés sur les plans régionaux de santé, qui fixent à l’échelon régional des objectifs, des actions et des moyens en matière d’amélioration de la santé et de la sécurité en entreprise. Ils peuvent enfin formuler toute proposition ou recommandation.

La seconde réforme du pilotage régional de la santé au travail préconisée par le premier Plan santé au travail, réside dans la création de cellules régionales d’appui pluridisciplinaires, au sein des directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. La mise en place de ces cellules a été accomplie entre 2005 et 2008. Elles ont pour mission d’apporter un concours technique à l’inspection du travail. En effet, à la différence de la plupart des pays européens, la France n’a pas confié le contrôle des règles de santé et de sécurité au travail à un corps technique spécialisé, mais a choisi de conserver un corps d’inspection du travail généraliste, en raison de l’imbrication des règles de santé et de sécurité dans l’entreprise avec les autres règles de droit du travail, comme celles relatives à la durée du travail. Composées notamment d’ingénieurs de prévention, spécialisés dans des domaines techniques (chimie ou électricité par exemple), et de médecins inspecteurs du travail, chargés de veiller à l’application de la législation relative à la protection de la santé des salariés et de contrôler le fonctionnement des services de santé au travail, les cellules régionales d’appui pluridisciplinaires exercent une fonction d’expertise et de conseil sur les questions de santé en milieu de travail.

Le Plan santé au travail 2005-2009 prévoyait, en parallèle, un renforcement de la formation initiale et continue des inspecteurs et des contrôleurs du travail en matière de santé en entreprise et la mise en place d’un recrutement diversifié, pour que l’inspection du travail bénéficie en son sein de profils plus scientifiques, deux actions encore à l’étude. En revanche, des actions de formation ont été développées en faveur des ingénieurs de prévention et des médecins inspecteurs du travail. Par exemple, quarante-huit médecins inspecteurs du travail ont bénéficié d’une formation à l’École des hautes études en santé publique sur la santé publique et la santé au travail sur trois ans.

S’il demeure difficile de mesurer directement l’impact du Plan santé au travail sur l’évolution des accidents du travail et des maladies professionnelles, compte tenu notamment de la multiplicité des acteurs intervenant dans ce champ, et des phénomènes liés aux systèmes de maladies professionnelles, la création d’un nouveau tableau entraînant par exemple mécaniquement une augmentation du nombre de déclarations, quelques constats peuvent être dressés.

Le Plan santé au travail a tout d’abord permis de renforcer les moyens d’intervention de l’inspection du travail et de donner de la visibilité à cette thématique. Ainsi le nombre d’enquêtes conduites par l’inspection du travail a été multiplié par deux entre 2006 et 2008, passant de 142 enquêtes au titre des maladies professionnelles en 2006 à 319 en 2008, et de 3 006 enquêtes suite à un accident du travail en 2006 à 6 130 en 2008.

En ce qui concerne l’évolution des accidents du travail entre 2005 et 2008, les statistiques de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) indiquent une diminution du nombre d’accidents du travail avec arrêt, qui s’accompagne d’un recul des accidents graves et d’une reprise de la baisse des décès après les augmentations de 2006 et 2007, comme le démontre le tableau ci-dessous. L’indice de fréquence des accidents du travail, qui représente le nombre d’accidents de travail pour mille salariés, dénote une baisse de 3,5 % en 2008 de la fréquence des accidents du travail (38 accidents pour 1000 salariés).

Évolution des accidents du travail depuis 2005

 

2005

2006

2007

2008

Nombre d’accidents avec arrêt

699 217 (1 %)

700 772 (0,2 %)

720 150 (2,8 %)

703 976 (– 2,2 %)

Nombre d’accidents graves

51 938 (0,3 %)

46 596 (– 10,3 %)

46 426 (– 0,4 %)

44 037 (– 5,1 %)

Nombre de décès

474 (– 24,3 %)

537 (13,3 %)

622 (15,8 %)

569 (– 8,5 %)

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

Si le nombre global de maladies professionnelles a crû entre 2005 et 2008, comme le montre le tableau ci-après, cette évolution ne doit pas être analysée comme traduisant une dégradation brutale de la santé des salariés au travail, car l’augmentation du nombre de pathologies reconnues est pour l’essentiel due à une meilleure connaissance de leurs droits par les travailleurs, à laquelle a contribué le Plan santé au travail. Elle rappelle, toutefois, que d’importantes marges de progrès subsistent, au regard notamment du phénomène de sous-déclaration des accidents et maladies professionnels. Dans cet ensemble, les troubles musculo-squelettiques (19) représentaient en 2007 81 % des maladies professionnelles. Certaines évolutions sont tout de même positives : le nombre de décès consécutifs à une maladie professionnelle connaît par exemple une diminution significative et constante depuis 2005. Si en 2004, on comptabilisait 581 décès, dès 2005 ce nombre était réduit à 493, puis à 467 en 2006, à 420 en 2007 et à 425 en 2008.

Évolution globale du nombre de maladies professionnelles

 

2005

2006

2007 a

Variation % (2007/2006)

Nombre de maladies déclarées, constatées, reconnues

52 862

52 020

54 815

+ 5,4 %

a : dénombrement provisoire arrêté à la fin du premier trimestre 2009

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

Le Plan santé au travail 2005-2009 intègre huit objectifs quantifiés relatifs aux principaux risques professionnels. Ils visent en particulier à réduire le nombre d’accidents routiers mortels liés au travail et les accidents du travail avec incapacité permanente, à baisser de 20 % le nombre de troubles musculo-squelettiques déclarés et à diminuer les niveaux d’expositions des travailleurs aux agents cancérogènes. La réalisation de la plupart de ces objectifs se trouve subordonnée à l’accomplissement d’un « objectif préalable » d’amélioration de la connaissance statistique des risques professionnels. À cette fin, conformément aux prescriptions du plan, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a engagé des travaux d’élaboration d’un outil de centralisation et d’analyse des données sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) a produit de nouveaux indicateurs. Les employeurs peuvent, en outre, déclarer les accidents du travail sur Internet depuis septembre 2008, ce qui facilite tant les démarches des entreprises que la collecte des informations.

L’amélioration de la connaissance statistique des accidents du travail et des maladies professionnelles constitue un enjeu fondamental, au regard tout d’abord du mode de financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale, assis sur des cotisations fixées selon la sinistralité et la taille des entreprises, mais aussi au regard du phénomène de sous-évaluation des accidents et maladies professionnels. En effet, à ce titre, la branche accidents du travail et maladies professionnelles verse tous les ans une compensation financière à la branche maladie en contrepartie des dépenses supportées par cette dernière, du fait des sous-déclarations des accidents de travail et des maladies professionnelles (710 millions d’euros pour 2009 et 2010).

À ce sujet, l’un des objectifs du premier Plan santé au travail visait à refaire de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles une incitation à la prévention pour les entreprises. Actuellement, trois types de tarification sont en vigueur : les entreprises de plus de 200 salariés se voient appliquer un taux individuel évalué selon la sinistralité de chaque établissement, les entreprises de moins de 10 salariés un taux collectif forfaitaire par secteur d’activité, et les entreprises de 10 à 199 salariés un taux mixte combinant taux collectif de l’activité et taux individuel. Or ce dispositif manque de lisibilité et n’est pas suffisamment incitatif : par exemple, il ne répercute pas de manière adéquate la fréquence des accidents dans les établissements. Pour y remédier, une réforme de la tarification a été votée à l’unanimité le 22 octobre dernier par la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP) : elle prévoit notamment que le taux collectif forfaitaire sera désormais appliqué aux entreprises de moins de 20 salariés et que les cotisations seront calculées selon un coût moyen représentant l’intégralité de la sinistralité par secteur, ce qui permet d’intégrer la fréquence des accidents dans la tarification.

Néanmoins, la logique comptable, au cœur d’un système de gestion des risques professionnels centré sur la réparation, ne doit pas constituer l’alpha et l’oméga et nuire au final au développement de la prévention. Comme l’a constaté votre rapporteur pour avis, la prévention de nouveaux risques professionnels peut se trouver freinée par l’appréhension de la création d’un nouveau poste d’indemnisation, la crainte de faire jurisprudence, dans l’idée que prévenir induit en soi la reconnaissance du caractère réparable d’un risque. L’un des enjeux majeurs du futur Plan santé au travail 2010-2014 résidera donc dans la poursuite de la diffusion d’une culture de prévention, pour éviter la répétition de drames nationaux comme l’amiante, et, au premier chef, grâce à l’amélioration de la gouvernance du système de prévention.

Si le Plan santé au travail 2005-2009 a conduit à la création de nouvelles instances nationales et régionales, la réforme institutionnelle du système de prévention des risques professionnels n’a pas été complètement accomplie. La coordination des acteurs nationaux et régionaux, et la délimitation de leurs compétences respectives doivent être améliorées, pour développer une politique unifiée de prévention. De surcroît, la révision des missions et actions des organismes de prévention des risques professionnels dans les entreprises n’a pas été menée, alors même que la médecine du travail se trouve aujourd’hui dans une situation critique, comme l’explique le présent avis dans sa dernière partie.

Au final, au terme du premier Plan santé au travail, le système français de prévention semble encore trop complexe notamment en raison de la multiplicité des acteurs en présence (cf. encadré ci-après), ce qui ne permet pas une diffusion suffisante des politiques de prévention jusqu’aux entreprises, qui sont pourtant le niveau concret d’application des mesures visant à réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nota : le schéma ne présente que les organismes de prévention des risques professionnels à vocation générale, l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, par exemple, n’y figure pas.

Source : Bilan 2008 des conditions de travail

En 2009, de nombreux organismes nationaux généraux se consacrent ou participent à la prévention des risques professionnels, et disposent pour la plupart de leurs propres réseaux territoriaux. Il s’agit tout d’abord de deux directions d’administrations centrales : la Direction générale du travail, qui élabore la politique et la législation sur la santé et la sécurité au travail, et la Direction de la sécurité sociale, qui joue le même rôle en matière d’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles. Il s’agit ensuite du COCT, puis de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale, qui remplit trois missions : prévenir les risques, indemniser les victimes et tarifer les entreprises. Au sein de cette dernière, la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT-MP) de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) prend les orientations relatives à la politique de prévention et d’assurance des risques professionnels. Elle est assistée dans cette mission par neuf comités techniques nationaux, représentant les différents secteurs d’activité. Enfin cinq principales agences ou organismes sont positionnés sur la recherche en matière de santé au travail.

Chacun de ces acteurs a produit des efforts de structuration et de définition de priorités d’actions en interne, et dispose de son document d’orientation dans le domaine de la santé au travail. La Direction générale du travail s’appuie par exemple sur le Plan santé au travail, dont elle pilote l’élaboration et l’animation, tout comme le COCT. Retracé dans sa convention d’objectifs et de gestion 2009-2012, la branche AT-MP a accompli également, en son sein, un très important travail de définition de priorités nationales communes de prévention et de coordination de l’action de ses instances. En 2008, chacun des neuf comités techniques nationaux a réfléchi à des priorités de prévention : au final, dans les quelque 700 secteurs d’activités qu’ils couvrent, les comités ont sélectionné une cinquantaine de cibles (risques et activités). À partir de ces préconisations, un plan national d’actions coordonnées pour la période 2009-2012 a été élaboré par les partenaires sociaux : il sera déployé dans toutes les régions de façon simultanée et selon des méthodologies communes. Le Plan national se concentre sur quatre risques prioritaires – les troubles musculo-squelettiques, les cancers d’origine professionnelle, le risque routier, les risques psychosociaux – et trois secteurs d’activité à forte sinistralité : le bâtiment et les travaux publics, la grande distribution et l’intérim.

Des passerelles ont toutefois été créées par la signature de contrats ou de partenariats entre les différents acteurs de la santé au travail. Ainsi l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) a signé un premier contrat d’objectif et de moyens pour 2008-2011 avec l’État. De même, depuis 2004, la branche AT-MP et l’État se sont engagés dans une démarche de contractualisation et ont signé deux conventions d’objectifs et de gestion pour 2004-2008 et 2009-2012. Un travail global d’établissement de cibles communes de prévention devrait néanmoins être accompli : c’est tout l’enjeu du deuxième Plan santé au travail 2010-2014 qui pourrait arrêter des priorités pour l’ensemble des acteurs, par exemple par risques, par publics ou secteurs. Une élaboration concertée du nouveau Plan est actuellement menée pour permettre l’émergence d’un consensus, les partenaires sociaux s’étant déjà accordés au sein de la branche AT-MP sur des priorités (plan national d’actions coordonnées 2009-2012).

Une autre difficulté, constatée par votre rapporteur pour avis au cours de ses auditions, mérite d’être signalée : alors qu’il a été présenté comme l’une des réformes majeures du premier Plan santé au travail, le COCT s’est vu attribuer des moyens humains et financiers très limités. Ses moyens de fonctionnement courant sont assurés par la Direction générale du travail, sur son budget, sans spécialisation des crédits. À ce jour, trois personnes ont été mises à disposition, mais pas à temps plein, par le ministère du travail et un droit de tirage de 200 000 euros a été accordé pour réaliser des études. Face à cette situation, alors même que le COCT est déjà considéré comme un organisme central (20), votre rapporteur pour avis propose que le projet annuel de performances indique la dotation qui lui est attribuée.

Deux autres éléments ont attiré l’attention de votre rapporteur pour avis : le COCT n’a pas encore établi de contact avec le réseau des comités régionaux de prévention des risques professionnels et l’Observatoire de la pénibilité, chargé, en son sein, d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur privé et public, et de proposer toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail de ces salariés, n’a pas été mis en place. Or, il paraît impératif à votre rapporteur pour avis que cet observatoire soit très rapidement installé, au plus tard en janvier 2010, au vu du rendez-vous mi-2010 sur les retraites, annoncé par le Président de la République lors de son discours devant le Parlement réuni en congrès le 22 juin 2009. En effet la question de la pénibilité ne concerne pas seulement les retraites mais touche d’une manière globale les conditions de travail. Limiter la prise en compte de la pénibilité et l’élaboration de compensations au seul domaine des retraites semble à votre rapporteur pour avis une démarche trop restrictive. Le COCT doit d’abord définir la notion de pénibilité, avant que celle-ci soit abordée dans les discussions sur la réforme de l’assurance vieillesse. Cette approche permettrait de plus de réfléchir à d’autres formes de compensations, et à la mise en œuvre d’une politique de prévention de l’usure professionnelle.

Le Plan santé au travail 2005-2009 a contribué au développement de la recherche et de l’observation dans ce domaine, en premier lieu grâce à la création de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). De nombreux organismes sont dédiés ou consacrent des programmes à l’observation et à la recherche sur les risques professionnels, avec des moyens humains et budgétaires très variables : l’AFSSET, l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui a financé 30 projets en 2005-2007 sur la santé au travail pour 4,96 millions d’euros, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), l’organisme de recherche de la branche AT-MP doté de 80,6 millions d’euros pour réaliser ses études et assurer le fonctionnement de 30 laboratoires, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), qui a pour vocation d’aider les entreprises à concevoir et mettre en œuvre des démarches destinées à améliorer les conditions de travail, ou encore l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui exerce une mission de veille sanitaire permanente en matière de risques professionnels à travers plusieurs programmes de surveillance dans le cadre du Plan santé au travail pour lequel elle a investi plus 9,5 millions d’euros de 2005 à 2009.

Au terme des auditions, votre rapporteur pour avis a observé que la délimitation des compétences respectives et des champs d’étude des différentes institutions n’était pas clairement établie, ce qui pouvait desservir la diffusion des importants travaux effectués notamment en direction des entreprises, qui représentent le niveau concret où les salariés peuvent bénéficier de la vitalité de la recherche en matière de santé au travail.

Des efforts de structuration de la recherche en santé au travail ont cependant été accomplis. Au niveau régional, des pôles scientifiques pluridisciplinaires ont été constitués à Paris, Bordeaux, Lille et Marseille, afin de favoriser les collaborations entre les différents organismes de recherche et de développer le potentiel de recherche en matière de risques professionnels. Davantage de contacts avec les professionnels pourraient être développés au niveau territorial, ce qui favoriserait peut-être une transmission accrue d’outils opérationnels aux entreprises issus des travaux de la recherche. À cet égard, les services de santé au travail pourraient servir de relais. Certains organismes mettent déjà en œuvre des actions en ce sens. L’INRS mène une activité conséquente de formation et d’assistance techniques, juridiques, médicales et documentaires des professionnels. En 2008, l’institut a organisé 160 sessions de formation et a répondu à plus de 20 000 sollicitations émanant aussi bien des organismes de l’État, des caisses de sécurité sociale, d’entreprises, de services de santé au travail que de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de salariés.

Au niveau national, le ministère du travail a conclu des conventions et des partenariats avec plusieurs organismes cités pour des missions et enquêtes ponctuelles, ou pour établir des cadres pluriannuels d’actions, et surtout l’AFSSET joue le rôle de tête de réseau en coordonnant 21 organismes publics scientifiques. À ce titre, la fusion programmée de l’AFSSET avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) (21) appelle quelques commentaires. Ce regroupement est principalement motivé par le recoupement des thèmes de recherches des deux institutions, par exemple l’évaluation des risques sanitaires liés à l’eau ou aux pesticides, par le caractère transversal des problématiques relatives aux expositions aux produits, quel que soit le milieu de contact avec les agents, qui nécessitent une appréhension globale, et par la volonté d’opérer un changement d’échelle dans l’expertise en matière de sécurité sanitaire.

Dans cette fusion, il semble impératif à votre rapporteur pour avis, relayant les préoccupations de nombre des personnes qu’il a reçues en audition, que soient préservés le principe d’indépendance de l’expertise, la place des partenaires sociaux dans la gouvernance, et la recherche sur des sujets de santé au travail, un domaine qu’il a été difficile de faire émerger, et qui ne représentera plus qu’une partie limitée des compétences de la nouvelle agence. Un fléchage des crédits dédiés aux investigations sur les risques professionnels paraît nécessaire. Si les motivations du regroupement répondent à une logique compréhensible, votre rapporteur pour avis regrette que cette fusion ait été décidée sans une réflexion préalable sur le rapprochement des institutions de recherche en matière de santé au travail, qui auraient pu aussi être regroupées, sous une autre forme, pour créer un pôle national de recherche sur la santé au travail, comme il en existe au niveau régional. En effet, des inquiétudes demeurent sur la capacité de la nouvelle agence à traiter de problématiques spécifiques au milieu du travail, tels que les risques psychosociaux ou les troubles musculo-squelettiques, qui n’ont qu’un lien circonscrit avec la sécurité sanitaire. Il est donc essentiel que la fusion entre l’AFSSET et l’AFSSA s’opère en garantissant pour l’avenir l’effort de recherche dans le domaine de la santé au travail.

Reflet du niveau national, l’organisation territoriale de la santé au travail recèle de multiples acteurs qui déploient chacun un programme d’actions prioritaires, défini par leurs organismes de tutelle. Ainsi les services déconcentrés de l’État, les directions régionales et départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle et les services de l’inspection du travail, et les comités régionaux de prévention des risques professionnels, animent les plans régionaux de santé au travail, déclinaisons du plan national de santé au travail. Les caisses régionales d’assurance maladie mettent en œuvre les plans régionaux d’actions qu’elles établissent en concertation avec les comités techniques régionaux, et qui sont inspirés des priorités retenues par le plan national d’actions coordonnées de la branche AT-MP. De même les agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) développent des projets d’initiative régionale, à l’intérieur des thèmes prioritaires contenus dans le contrat de progrès signé entre l’État et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Enfin les Observatoires régionaux de santé au travail, créés par l’accord national interprofessionnel du 13 septembre 2000 sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, ont pour mission d’améliorer l’information, par la réalisation d’études sur la santé au travail, et d’accroître la coordination entre les différents acteurs de la prévention des risques professionnels.

Selon votre rapporteur pour avis, une coordination renforcée serait nécessaire : c’est tout l’objectif de l’institution des comités régionaux de prévention des risques professionnels, qui regroupent les principaux acteurs territoriaux de la santé au travail. Une réflexion sur le regroupement des Comités régionaux et des Observatoires régionaux de santé au travail qui préserverait la place et le rôle des partenaires sociaux, pourrait être utilement menée, l’ensemble des personnes auditionnées pour préparer le présent avis ayant porté une appréciation mitigée sur le bilan des observatoires régionaux. De plus, selon le document de suivi du premier Plan santé au travail par la Direction générale du travail, les comités régionaux de coordination n’avaient pas été intégrés en juin 2009 aux comités régionaux de prévention des risques professionnels, alors que ces derniers sont chargés de la même mission de coordination des acteurs régionaux. Les services de santé au travail devraient, en outre, être davantage associés à cette instance régionale de concertation. Enfin la formalisation de partenariats entre les services de l’inspection du travail (inspecteurs, contrôleurs, médecins, ingénieurs) et les services de prévention des Caisses régionales d’assurance maladie (ingénieurs-conseil, contrôleurs de sécurité) pourrait accroître la visibilité du dispositif de santé au travail pour les entreprises. Des campagnes communes de contrôle et de sensibilisation ont déjà été menées, notamment celle sur le risque cancérogène lié à l’exposition aux poussières de bois en 2008.

Outre l’amélioration de la gouvernance du système de prévention des risques professionnels, l’un des défis majeurs du futur Plan santé au travail 2010-2014 réside, selon votre rapporteur pour avis, dans le traitement et la prévention des risques psychosociaux. Il s’agit d’un réel impératif sociétal qui a conduit le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à présenter le 9 octobre 2009 un plan d’urgence pour lutter contre le stress au travail, l’actualité ayant rappelé les conséquences dramatiques que peut engendrer le mal-être au travail.

L’une des actions du premier Plan santé au travail 2005-2009 préconisait de mobiliser les services de santé au travail, en partenariat avec l’État, pour mieux prévenir les risques psychosociaux. À l’issue de la conférence sur les conditions de travail du 4 octobre 2007, une mission sur les risques psychosociaux a donc été confiée à MM. Nasse et Légeron, en vue d’identifier des indicateurs et des actions en cette matière. Leur rapport a été remis le 12 mars 2008. Une véritable dynamique a été lancée : la majorité des acteurs auditionnés par le rapporteur pour avis a inclus, dans son programme de travail, une réflexion sur ces risques émergents.

Les risques psychosociaux recouvrent des risques professionnels d’origine et de nature variées qui se situent à l’interface entre l’individu et ses conditions de travail. Le modèle de M. Karasek, psychologue néerlandais, identifie trois facteurs de risques. Il s’agit tout d’abord de la charge mentale au travail (ou « demande psychologique ») qui rend compte de la quantité et de l’intensité du travail et de la pression temporelle. Cependant une forte charge mentale ne constitue un risque pour la santé que si elle est accompagnée d’un deuxième facteur de risque : le manque de marges de manœuvre (« latitude décisionnelle ») pour faire face aux exigences du travail, c’est-à-dire des possibilités restreintes de choisir sa manière de travailler. Les situations qui comportent un risque pour la santé, ou « jobstrain », résultent de la combinaison de ces deux éléments : une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle. Enfin la faiblesse du « soutien social », technique ou émotionnel, sur lequel le salarié peut compter au travail en cas de problème, de la part de sa hiérarchie et de ses collègues, constitue le troisième facteur aggravant de ces risques : un salarié sur six estime être l’objet de comportements hostiles dans le cadre de son travail.

Selon les résultats de l’enquête Sumer de 2003 (22), 23 % des salariés français se trouvent dans une situation de « jobstrain » mais l’exposition aux risques psychosociaux est inégalement répartie entre les sexes, les catégories socioprofessionnelles ou les métiers. Ainsi plus de 28 % des femmes sont en situation de « jobstrain » contre moins de 20 % des hommes. La soumission aux risques psychosociaux dépend aussi fortement du niveau de qualification : hommes ou femmes, les cadres et les professions intermédiaires sont plus souvent dans une situation de travail dite « active » (58 % et 36 %, contre 27 % en moyenne). En revanche, l’exposition au « jobstrain » ne dépend guère du statut d’emploi du salarié, qu’il soit en contrat à durée indéterminée, déterminée ou intérimaire. Parmi les secteurs d’activité, l’hôtellerie-restauration, les transports, et les activités financières connaissent les proportions les plus élevées de salariés soumis au « jobstrain ». Les métiers les plus exposés sont les ouvriers non qualifiés des industries de process (40 %), du textile et du cuir (39 %), les caissiers et employés de libre-service (36 %), les opérateurs informatiques (39 %) ainsi que les employés et la maîtrise de l’hôtellerie-restauration (33 %).

Les risques psychosociaux mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés : ils accroissent les risques de troubles cardio-vasculaires, dépressifs et musculo-squelettiques, parfois à hauteur de 50 à 100 %. Impactant le bon fonctionnement des entreprises, ils représenteraient, selon le bureau international du travail, un coût s’élevant à 3 ou 4 % du produit intérieur brut dans les pays industrialisés.

Le modèle de M. Karasek, s’il fait autorité en matière de risques psychosociaux, ne rend pas totalement compte du ressenti des salariés : seuls 23 % des salariés sont considérés en situation de « jobstrain » alors que 34 % jugent que leur travail est « très stressant ». D’autres éléments jouent en effet sur le développement de ces risques : la crainte de la perte d’emploi, les horaires atypiques de travail ou la taille de l’entreprise, les salariés des petites structures étant moins soumis au stress selon les intervenants auditionnés par votre rapporteur pour avis.

De fait, la connaissance des risques psychosociaux demeure encore parcellaire : les indicateurs restent peu nombreux et insuffisamment fiables. Il n’existe pas de données globales sur les dépressions d’origine professionnelle ni sur les suicides ou tentatives de suicide liés au travail. De nouveaux outils d’analyse sont cependant en cours de développement. L’Institut de veille sanitaire (InVS) a par exemple mis en place un programme de surveillance de la santé mentale au travail (SAMOTRACE), actuellement en phase pilote dans trois régions et deux départements. Une nouvelle enquête, « Santé et itinéraires professionnels » a été créée grâce à un partenariat entre les directions de recherches du ministère du travail et de la santé : son objectif est de mettre en évidence les interactions entre les itinéraires professionnels et la santé.

Le rapport commis par MM. Nasse et Légeron sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail, préconise la construction d’un indicateur national global du stress au travail qui pourrait prendre la forme d’une enquête périodique obligatoire, suffisamment large pour autoriser une exploitation croisant, entre autres, les principales caractéristiques socioprofessionnelles des travailleurs, les tailles d’établissement et les secteurs. Le rapport recommande également l’organisation d’un recensement des suicides au travail. Il insiste, enfin, sur la nécessité d’une formation accrue aux risques psychosociaux des principaux acteurs intervenant dans le champ de la prévention. À cet égard, il rejoint les conclusions du rapport de M. Dab sur la formation des managers et ingénieurs en santé au travail (mai 2008). À l’issue du rapport de MM. Nasse et Légeron, un collège d’expertise, présidé par M. Gollac, a été mis en place avec la mission de formuler des propositions sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail. Il a rendu, en octobre 2009, un rapport proposant une série de quarante indicateurs provisoires, immédiatement disponibles, compte tenu des sources statistiques existantes, qui retracent six dimensions de risques à caractère psychosocial : les exigences du travail (quantité, complexité, conciliation vie professionnelle/vie privée), la charge émotionnelle (peur au travail), l’autonomie et les marges de manœuvre, les rapports sociaux et les relations de travail (violence, reconnaissance), les conflits de valeur et l’insécurité socio-économique.

Parmi ses obligations en matière de prévention des risques professionnels, l’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du code du travail). Les délégués du personnel disposent dans ce domaine d’un droit d’alerte en vertu de l’article L. 2313-2 du code du travail : si un délégué du personnel constate qu’il existe une atteinte à la santé mentale des salariés dans l’entreprise, il peut en saisir immédiatement l’employeur qui doit alors procéder, sans délai, à une enquête avec le délégué, et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le délégué, ou le salarié concerné, peut saisir en référé le bureau de jugement du conseil de prud’hommes. Tant le code pénal que le code du travail répriment, de surcroît, spécifiquement le harcèlement moral ou sexuel, qui constitue des délits, et protègent le salarié qui réagit à des faits de harcèlement ou celui qui en témoigne. Le règlement intérieur de l’entreprise doit rappeler ces dispositions.

Les partenaires sociaux européens ont également élaboré un dispositif négocié de lutte contre les risques psychosociaux, au travers de deux accords cadres : l’accord-cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004, qui a été transposé en France par l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008, et l’accord-cadre européen sur le harcèlement et les violences au travail du 26 avril 2007. La négociation sur la transposition de ce dernier accord devrait commencer en France avant la fin de l’année 2009.

Le système de prévention des risques psychosociaux pourrait s’articuler autour de trois axes. Tout d’abord des indicateurs qualitatifs et quantitatifs, permettant une meilleure évaluation de ces risques, doivent être mis au point. Ensuite l’information et la formation tant des professionnels de la prévention dans et hors de l’entreprise que des ingénieurs concepteurs de procédés de travail et des directions de ressources humaines doivent être améliorées.

Le développement de la négociation sur les risques psychosociaux doit être encouragé tant au niveau interprofessionnel, par la poursuite de la transposition du cadre social européen, qu’au niveau des entreprises, par une intégration accrue des problématiques psychosociales dans les plans de prévention, et par la déclinaison de l’accord sur le stress au travail. C’est l’objet essentiel du plan d’urgence présenté par le ministre en charge du travail qui invite les entreprises de plus de 1 000 salariés à ouvrir des négociations d’ici le 1er février 2010 sur le stress au travail. Ces négociations feront l’objet d’un suivi par les services déconcentrés de l’État et d’un bilan public. Envers les petites et moyennes entreprises, seront menées des actions d’information sur les risques psychosociaux, les outils de diagnostic et les indicateurs d’action avec l’appui de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et des services de santé au travail. Pour les entreprises engagées dans une restructuration, les services déconcentrés du ministère du travail devront veiller à la prise en compte de la prévention des risques psychosociaux dans tous ces processus. Enfin, une cellule sera placée auprès du directeur général du travail pour coordonner et impulser les actions de prévention du stress au travail. L’ensemble de ces dispositions seront reprises par le deuxième Plan santé au travail 2010-2014, en cours d’élaboration.

La question de l’éventuelle création d’un nouveau tableau de maladies professionnelles consacré aux risques psychosociaux a été soulevée lors des auditions réalisées par votre rapporteur pour avis. Cette démarche paraît complexe, principalement en raison de la multiplicité des causes à l’origine des pathologies psychosociales, et de la difficulté à définir ces dernières. Or, l’institution d’un tableau signifie l’instauration d’une réparation forfaitaire automatique, si le salarié répond aux critères arrêtés, fondée sur une présomption d’imputabilité de l’employeur. Et cette logique, issue d’un compromis centenaire, trouve ses limites face à la plurifactorialité.

Le troisième axe majeur de réforme, selon votre rapporteur pour avis, réside dans l’avenir des services de santé au travail, surtout après l’échec de la négociation menée par les partenaires sociaux sur ce sujet, le projet d’accord sur la modernisation de la médecine du travail du 10 septembre 2009 n’ayant pas été signé par les organisations syndicales de salariés. Cette concertation s’inscrivait dans le cadre du Plan santé au travail 2005-2009, qui préconisait de moderniser et de conforter l’action des services de santé au travail. Un rapport sur le bilan de la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail, publié en octobre 2007, avait donc été commandé dès 2006 par le Gouvernement, pour établir un état des lieux, et il a été suivi d’un rapport du Conseil économique et social sur l’avenir de la médecine du travail (février 2008). Sur ces fondements, un document d’orientation, proposant des thèmes de négociation, a été transmis aux partenaires sociaux en juillet 2008.

Selon le jugement partagé des personnes auditionnées pour préparer le présent avis, le premier Plan santé au travail a manqué d’opérationnalité en direction des entreprises, alors même que l’un de ses objectifs centraux était d’encourager les entreprises à être acteurs de la santé au travail, car ce plan ne contenait pas de mesures concrètes nouvelles à appliquer en milieu de travail. Face à ce constat, votre rapporteur pour avis recommande que le deuxième Plan santé au travail se donne pour but d’atteindre les entreprises et notamment les petits et moyens établissements, dans lesquels la mise en œuvre de politiques de prévention est plus difficile. À cet égard, il se félicite de l’augmentation de près de 58 % des crédits de paiement du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT), destinés prioritairement à financer des actions d’amélioration des conditions de travail dans les petites et moyennes entreprises, et qui s’élèvent à 3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010.

La médecine du travail a connu une première réforme de fond depuis 2000 (23), qui a amorcé une dynamique positive de modernisation. Sa mise en application semble toutefois insuffisante, la médecine du travail se trouvant confrontée, de surcroît, à des problèmes critiques, en particulier en termes d’effectifs, pour accomplir ses fonctions.

La refonte du système de prévention en entreprise a apporté deux avancées notables. Elle a tout d’abord introduit une pluridisciplinarité des équipes, en transformant le dispositif de médecine du travail en services de santé au travail, qui se divisent entre services autonomes, propres aux grandes sociétés, et services interentreprises (93 % des salariés). Les médecins du travail peuvent désormais recevoir le concours d’intervenants en prévention des risques professionnels, experts spécialisés dans l’approche technique et organisationnelle. En 2008, l’on dénombrait 544 intervenants pour toute la France. Ensuite un rééquilibrage des missions des médecins du travail a été opéré : les activités de prévention en milieu de travail ont été réévaluées grâce à un nouveau mode de calcul du temps médical. L’obligation imposée dès 1969 aux médecins du travail de réserver un tiers de leur temps de travail à des tâches autres que la visite d’aptitude, a été relancée : le temps mensuel consacré par les médecins aux actions en milieu de travail serait passé de 18,1 % en moyenne en 2004 à 25,7 % en 2005.

Selon le bilan de la réforme de la médecine du travail établi en 2007, la pénétration des réformes apparaît cependant inégale, selon les régions et les services, et le temps médical demeure insuffisant pour assurer l’ensemble des missions confiées, en raison de la montée en charge des fiches d’entreprises, étendue aux entreprises de moins de 10 salariés depuis 2006, et de l’allongement des visites médicales, devenues bisannuelles. Le mouvement de rénovation n’est enfin pas allé au bout de sa logique. L’absence de modification de la procédure d’aptitude maintient en effet la prédominance d’une approche de suivi individuel, au détriment du développement d’actions de prévention collectives. Le « tiers temps » est également encore trop souvent considéré comme une fin en soi, sans garantie de contenu ni de suivi des résultats.

La médecine du travail se trouve, en outre, dans une situation critique à plusieurs titres. L’ensemble des personnes auditionnées a alerté votre rapporteur pour avis sur le problème urgent de la démographie médicale. En 2008, la diminution du nombre de médecins du travail se poursuit : on en recensait 6 915 pour toute la France, contre plus de 7 300 en 2004. Cette tendance devrait s’accentuer dans les prochaines années à cause des nombreux départs en retraite attendus : en 2008, 17,5 % des médecins du travail ont plus de 60 ans, 51 % ont plus de 55 ans, et 75 % ont plus de 50 ans. Or, dans le même temps, le nombre de places ouvertes pour la médecine du travail n’a pas été spécialement relevé : entre 2008 et 2012 seront formés 370 nouveaux médecins. Face à ce constat, une révision rapide du numerus clausus peut sembler nécessaire, même si votre rapporteur pour avis a conscience que cette seule et unique mesure n’est pas une réponse au déficit d’attractivité dont peut aujourd’hui souffrir la profession de médecin du travail.

Les médecins du travail suivent en moyenne, en 2007, 1 486 salariés dans les services autonomes, et 2 989 salariés dans les services interentreprises. Ces chiffres ne traduisent cependant pas les fortes disparités entre les régions. Selon les personnes auditionnées, certains médecins du travail suivraient près de 7 000 salariés. Les récentes évolutions économiques et sociales complexifient ce suivi, qu’il s’agisse de l’expansion des formes atypiques d’emploi, du développement de risques à effets différés et psychosociaux, dans un contexte de mobilité professionnelle croissante, ou du vieillissement de la population active. Les médecins du travail éprouvent donc un besoin de formation, que les effectifs en baisse des enseignants médecins ne permettent pas de satisfaire.

L’évolution du statut des personnels des services de santé au travail pourrait tout d’abord être étudiée. Un système davantage fondé sur la mutualisation permettrait de garantir une indépendance accrue des médecins du travail, dans un modèle général plus proche de celui des services interentreprises. Le lien de subordination, découlant du contrat de travail signé entre le médecin et l’employeur et du mode de financement des services, est, en effet, plus présent dans les services autonomes. L’on pourrait imaginer ainsi des structures indépendantes qui collecteraient les fonds versés par les entreprises pour les services santé au travail, et rémunéreraient les médecins et infirmiers du travail. Ces organismes pourraient se développer à une échelle territoriale ou par secteurs d’activité. La solution d’une fonctionnarisation de la médecine du travail, évoquée lors des auditions, ne semble pas pertinente à votre rapporteur pour avis. Les services de santé au travail doivent demeurer de la responsabilité des entreprises, ce qui n’impose pas en soi un rattachement juridique à l’employeur.

L’orientation des missions des médecins du travail vers la prévention collective des risques professionnels en entreprise doit être renforcée, selon votre rapporteur pour avis. Pour y parvenir, se pose la question de la réforme de la procédure d’aptitude au poste de travail, face à l’état critique de la démographie médicale. La diminution prévisible du nombre de médecins du travail implique un poids croissant des visites médicales d’aptitude, ce qui ne contribue pas à l’attractivité de ce métier. Comme l’a résumé un médecin du travail reçu par votre rapporteur pour avis, accomplir douze ans d’études pour tamponner des documents n’attire pas les étudiants. En matière d’évolution de la procédure d’aptitude, deux thèses s’affrontent. Certains proposent de décharger les médecins du travail de cette tâche en la confiant aux médecins généralistes pour qu’ils puissent se consacrer principalement à l’élaboration et à la mise en œuvre d’actions en milieu de travail. Cela supposerait de former les médecins généralistes tant au droit du travail qu’aux problématiques de santé en milieu professionnel. D’autres préconisent d’espacer les visites médicales obligatoires effectuées par le médecin du travail, pour les publics ne nécessitant pas un suivi spécifique, et d’instaurer des visites intermédiaires assurées par le personnel infirmier. En 2008, le nombre d’infirmiers du travail s’élevait à 4 029 personnes, il s’agit donc d’une ressource importante qui pourrait utilement compléter l’action des médecins. Les salariés, tout comme l’employeur, conserveraient le droit de voir le médecin à leur demande. Le suivi individuel serait ainsi adapté aux besoins, sans préjudicier l’action collective.

Un troisième élément central pour l’avenir des services de santé au travail, selon votre rapporteur pour avis, repose dans une coordination accrue de leur action avec celle des autres acteurs de la prévention présents au niveau de l’entreprise. Les services de santé au travail doivent développer une action en réseau pour accroître l’efficacité de la politique de protection de la santé des salariés, et permettre que les objectifs définis au niveau national par les instances de concertation, et les résultats de la recherche, trouvent une application concrète en milieu professionnel et améliorent les conditions quotidiennes de travail.

L’articulation entre les actions et les compétences de l’inspection du travail et des médecins du travail a particulièrement attiré l’attention du rapporteur. Actuellement, le médecin du travail est tenu d’établir et de mettre à jour une fiche d’entreprise, sur laquelle sont consignés notamment les risques professionnels et les effectifs des salariés qui y sont exposés. Elle comporte trois types de renseignements : des informations d’ordre général, une appréciation des risques et des actions tendant à leur réduction. Elle est transmise à l’employeur et peut être consultée par l’inspecteur du travail ainsi que par les agents du service prévention des caisses régionales d’assurance maladie. L’employeur s’appuie en partie sur la fiche d’entreprise pour élaborer et mettre à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels de son établissement, une obligation dont la violation est sanctionnée par une peine d’amende en vertu de l’article R. 4741-1 du code du travail. L’on pourrait envisager de regrouper ces documents dans un registre unique obligatoire de santé dans l’entreprise, qui retracerait l’analyse et les préconisations du médecin du travail et les actions menées en retour par l’employeur. Ce registre se trouverait à la disposition des représentants du personnel et surtout de l’inspection du travail qui en contrôlerait la mise en œuvre. Il pourrait également indiquer les données relatives aux accidents du travail et maladies professionnelles. Cette réforme, non coûteuse, garantirait une meilleure visibilité et continuité des recommandations des médecins du travail et apporterait une pierre supplémentaire à la construction de projets préventifs de santé au travail au niveau de l’entreprise.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires sociales examine pour avis, les crédits de la mission « Travail et emploi » sur le rapport de M. Francis Vercamer, sur les crédits du Travail, au cours de sa séance du mercredi 28 octobre 2009.

Après l’exposé du rapporteur pour avis, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion.

M. Bernard Perrut. Comme le montre le très intéressant rapport de notre collègue, qui traite de l’inquiétant sujet des troubles psychosociaux, la question de la santé au travail est centrale. Elle concerne la vie quotidienne de l’ensemble des salariés. J’aurais deux questions. Le rapporteur pour avis vient d’évoquer la médecine du travail : au vu de la situation critique de la démographie médicale, qui vient d’être rappelée, quelles solutions immédiates peut-on mettre en œuvre pour remédier à cette difficulté ? Il ne s’agit pas uniquement de poser le problème, mais de proposer des actions concrètes. Ma deuxième question porte sur le plan d’urgence pour la prévention des risques psychosociaux, récemment présenté par M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Ce plan vise à inciter les entreprises à négocier sur le stress au travail. Dispose-t-on déjà de premiers éléments de résultats sur les entreprises prêtes à s’engager ? C’est sans doute encore trop tôt. Quelles sont les réflexions des organisations syndicales sur la méthodologie retenue ?

Mme Marisol Touraine. Je suis toujours frappée par le véritable maquis que représente l’architecture des différents organismes chargés de la santé au travail. J’ignorais, par exemple, l’existence du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) et de ses déclinaisons locales. Il y a peut-être eu un défaut de communication. Si l’on veut en faire l’équivalent du Conseil d’orientation des retraites (COR), il faut lui donner de réels moyens d’actions et de la visibilité. En outre, comme le souligne aussi Bernard Perrut, la forte baisse à venir du nombre de médecins du travail est très préoccupante. Il faut se garder, en réformant la médecine du travail, d’aboutir à une confrontation du médecin des caisses de sécurité sociale et du médecin du travail. Il ne faut pas que ce dernier devienne le « médecin du patron », un rôle que ne veulent pas jouer les médecins du travail, à travers par exemple les modalités et les conséquences de la contre-visite en cas de demande d’arrêt de travail, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, et que les interlocuteurs médicaux soient remis en cause dans l’entreprise. C’est déjà partiellement le cas sur le terrain, selon les organisations syndicales. Enfin, la place du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, n’a pas été évoquée. Cette institution a trop tendance à être contournée en pratique, voire dévaluée, alors que son rôle devrait pourtant être central en matière de santé au travail.

M. Georges Colombier. La mission d’information sur les risques psychosociaux, créée ce matin par la Commission des affaires sociales, pourra utilement prendre en compte les intéressants travaux du rapporteur, qui a choisi, avant l’heure, d’étudier ces risques émergents.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Bernard Perrut a tout à fait raison : le problème de la médecine du travail est crucial. Les médecins du travail sont chargés de conseiller les chefs d’entreprise pour qu’ils mettent en œuvre des actions de prévention au sein de leur établissement. Mais bien souvent, ils sont cantonnés aux visites médicales d’aptitude et à tamponner des documents. Or, depuis la réforme de la médecine du travail, entreprise depuis 2000, la mission principale des médecins du travail réside dans la prévention et l’action en milieu professionnel. Il est fondamental de revaloriser ce métier, notamment en développant la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail, qui doivent comporter des ergonomes et des infirmiers du travail, et en confiant un rôle de pivot au médecin du travail au sein des services de santé au travail. Il faut également réfléchir au relèvement du numerus clausus. Pour pouvoir exercer la profession de médecin du travail, il faut suivre le cursus classique de médecine et accomplir une spécialité, ce qui représente près de douze ans d’études. Si le nombre de médecins du travail doit rapidement augmenter, au vu de cette longue période de formation encore faut-il des candidats, qui manquent aujourd’hui à l’appel. C’est pourquoi il est fondamental d’accroître l’attractivité de ce métier.

M. Georges Colombier. Il existe parfois une contradiction entre les conseils délivrés par le médecin du travail et les positions de l’employeur, ce qui place les salariés dans une situation difficile.

Mme Marisol Touraine. Tout à fait, c’était le sens de l’une de mes questions.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Comme mesure immédiate, je propose d’espacer les visites. Les visites individuelles des salariés ont déjà été espacées de deux ans. On pourrait imaginer un système de visite individuelle accomplie par le médecin du travail tous les cinq ans, rythmé de visites de contrôle de mi-parcours, réalisées par les infirmiers du travail par exemple, qui permettrait de s’assurer de la bonne santé des salariés. Le salarié conserverait le droit de voir le médecin du travail à sa demande. C’est l’une des solutions envisagées au vu de la pénurie de médecins du travail.

Le deuxième Plan santé au travail 2010-2014 est en cours d’élaboration. Le COCT vient de se réunir pour proposer des orientations. Les partenaires sociaux en font partie, ils sont donc associés à l’élaboration de ce plan.

Marisol Touraine a évoqué le maquis institutionnel de la prévention des risques professionnels en France. Il s’agit certes d’un maquis, mais en cours d’organisation. Le premier Plan santé au travail 2005-2009 a tenté de réorganiser la gouvernance du système de prévention. Mais, on ne peut réformer en quatre ans un siècle de santé au travail, on est encore en plein chantier. Il faut délimiter les compétences des nombreux organismes existants, je propose qu’on rassemble des structures. J’ai noté au cours de mes auditions les très grandes passion et motivation des acteurs de la santé au travail, mais j’ai pu observer aussi qu’ils manquaient de coordination. Cela préjudicie à l’efficacité de leur action, qui n’atteint pas suffisamment les entreprises. Le domaine et le paysage institutionnel de la santé au travail ont beaucoup changé avec le premier plan santé au travail. À l’instar de Marisol Touraine, j’ai moi aussi découvert de nombreuses structures pendant les travaux préparatoires de l’avis. Le futur Plan va compléter la gouvernance actuelle, pour la simplifier et la rendre plus opérationnelle.

Sur les médecins du travail, s’ils sont autonomes, ils demeurent des salariés, certes protégés, et se trouvent donc dans un lien de subordination par rapport à l’employeur. Afin de garantir leur indépendance, je propose qu’ils soient recrutés par des structures mutualisées, dans un modèle proche de celui des services interentreprises pour les petites et moyennes entreprises. Le système de cotisation des employeurs resterait inchangé, mais l’indépendance des personnels des services de santé au travail serait mieux garantie. Ils pourraient proposer des actions de prévention dans les établissements, sans craindre de subir une pression de leurs employeurs.

Quant aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, leur création n’est obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Leur fonctionnement semble plutôt positif, mais il varie selon l’implication des partenaires sociaux et des représentants du personnel.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous en venons à l’avis sur les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis et de M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis pour la partie « Emploi », la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Travail et emploi », Travail.

ANNEXES

ANNEXE 1 :

LA STRUCTURE DU PLAN SANTÉ AU TRAVAIL 2005-2009

Le tableau présenté ci-dessous récapitule les quatre objectifs généraux du plan et les vingt-trois actions qui les déclinent, tout en précisant leur articulation.

 

Les quatre objectifs du Plan santé au travail

Les vingt-trois actions du Plan santé au travail

1

Développer les connaissances des dangers, des risques et des expositions en milieu professionnel

–  Introduire la santé au travail dans le dispositif de sécurité sanitaire

–  Structurer et développer la recherche publique en santé et sécurité au travail

–  Organiser l’accès à la connaissance

–  Développer et coordonner les appels à projet de recherche en santé au travail

–  Développer la formation des professionnels de santé en matière de santé au travail

2

Renforcer l’effectivité du contrôle

–  Créer des cellules régionales pluridisciplinaires

–  Adapter les ressources du contrôle aux dominantes territoriales

–  Développer la connaissance des territoires et renforcer le système de contrôle

–  Renforcer la formation des corps de contrôle en santé et sécurité au travail

3

Reformer les instances de pilotages et décloisonner les approches des administrations

–  Structurer la coopération interministérielle sur la prévention des risques professionnels

–  Réformer le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels

–  Créer des instances régionales de concertation

–  Améliorer et harmoniser la réglementation technique

4

Encourager les entreprises à être acteur de la santé au travail

–  Moderniser et conforter l’action de prévention des services de santé au travail

–  Mobiliser les services de santé au travail pour mieux prévenir les risques psychosociaux

–  Repenser l’aptitude et le maintien dans l’emploi

–  Refaire la tarification des cotisations AT-MP une incitation à la prévention

–  Encourager le développement de la recherche appliquée en entreprise

–  Aider les entreprises dans leur démarche d’évaluation a priori des risques

–  Promouvoir le rôle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans tous les établissements

–  Développer la prévention des accidents routiers au travail

–  Promouvoir le principe de substitution des substances chimiques les plus dangereuses

–  Développer, dans les écoles et par la formation continue, la sensibilisation des ingénieurs et des techniciens aux questions de santé au travail

Source : Plan santé au travail 2005-2009, p. 17.

ANNEXE 2 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – M. Stéphane Seiller, directeur de la direction des risques professionnels

Ø Eurogip – M. Raphaël Haeflinger, directeur

Ø Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) – M. Stéphane Pimbert, directeur général

Ø Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) – M. Bernard Krynen, vice-président

Ø Agence nationale de la recherche (ANR) – Mme Jacqueline Lecourtier, directrice générale, et M. Patrick Chaussepied, responsable du département biologie Santé

Ø FNATH, association des accidentés de la vie – M. Arnaud de Broca, secrétaire général, et M. Karim Felissy, conseiller national

Ø Commission Accidents du travail-Maladies professionnelles (C.A.T.-M.P.) – M. Frank Gambelli, président

Ø M. Paul Frimat, professeur de médecine du travail à l’université de Lille 2, président du Conseil scientifique de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), et président de la section « Médecine et santé au travail » du Conseil national des universités (CNU)

Ø Direction générale du travail (DGT) M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, Mme Mireille Jarry, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail, et M. Laurent Grangeret, chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion

Ø Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) – M. Jean-Baptiste Obéniche, directeur général

Ø Table ronde réunissant des syndicats de salariés et d’employeurs (par ordre alphabétique des organisations) :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Henri Forest et M. Philippe Maussion, secrétaires confédéraux chargés de la santé au travail

– Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) M. Bernard Salengro, secrétaire national, Dr. Christian Expert et Mme Valérie Dauna, conseillère technique

– Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-François Veysset, vice-président, chargé des affaires sociales

– Confédération générale du travail (CGT) – M. Yves Bonjiorno, conseiller confédéral chargé de la santé au travail

– Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – M. François Joliclerc, secrétaire national, Mme Elisabeth Charin, secrétaire nationale, et M. Sébastien Crozier, délégué UNSA France Télécom

– Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) Mme Mireille Chevalier, secrétaire générale, et M. Gilles Arnaud, secrétaire général adjoint

Ø Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) M. Antoine Magnier, directeur du service, et M. Norbert Holcblat, sous-directeur de la sous-direction des salaires, du travail et des relations professionnelles

Ø Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) – M. Martin Guespereau, directeur général, Mme Nathalie Pasteau, secrétaire général, et M. Gérard Lasfargues, directeur général adjoint scientifique

Ø Cabinet de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville – M. Nicolas Ragache, conseiller (budget), M. Vincent Divry, conseiller technique (budget, comptes sociaux), Mme Laëtitia Mirjol, conseiller technique (relation avec le Parlement), et M. Bruno Dupuis, conseiller (santé)

Ø Fédération française de santé au travail (FFST) – M. Daniel Duminger, président du bureau

Ø Institut de veille sanitaire (InVS) Mme Ellen Imbernon, directrice du département santé travail

Ø Direction de la sécurité sociale (DSS) Mme Marie Daudé, sous-directrice de l’accès aux soins, prestations familiales et accidents du travail, et Mme Aude de Vivies, chef du bureau des accidents du travail et des maladies professionnelles

Ø Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) – M. Marc Mortureux, directeur général

Ø Conseil d’État – M. Thierry Tuot, conseiller d’État

Ø Centre Interservices de Santé et de Médecine du travail en Entreprise (CISME) – M. Jacques Texier, président du Conseil d’administration, et M. Martial Brun, directeur

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