N° 1972 tome VII - Avis de M. François Cornut-Gentille sur le projet de loi de finances pour 2010 (n°1946)


N° 1972

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

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Voir le numéro : 1967 (annexe n° 10)

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS PARLEMENTAIRES 11

I. —  LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2009 11

1. RENFORCER LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR LES ACQUISITIONS POUR URGENCE OPÉRATIONNELLE 11

2. MODERNISER LES PROCÉDURES DE VALIDATION OPÉRATIONNELLE 11

3. INTÉGRER L’IMPACT DE LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE 12

4. CLARIFIER LE FINANCEMENT DES OPEX 13

5. MODERNISER LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 13

6. REPENSER LA GOUVERNANCE DU PROGRAMME 146 13

7. MIEUX IDENTIFIER LES RESPONSABILITÉS DE L’AED ET DE L’OCCAR 14

8. LE RETEX ÉQUIPEMENT 14

II. —  LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE PORTANT SUR LES ÉQUIPEMENTS 16

A. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT D’INFORMATION SUR L’AÉROMOBILITÉ 16

B. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT D’INFORMATION SUR LES ENJEUX STRATÉGIQUES ET INDUSTRIELS DU SECTEUR SPATIAL 17

C. LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE SUR LE FINANCEMENT DES PROJETS D’ÉQUIPEMENT NAVAL MILITAIRE 18

DEUXIÈME PARTIE : LES GRANDS AXES DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2010 19

I. —  LES CRÉDITS DISPONIBLES 19

A. L’ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS 19

1. Un budget 2010 légèrement en retrait 19

2. Un écart persistant entre les AE et les CP 19

B. LES COMMANDES ET LES LIVRAISONS 20

C. LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE 24

1. Les ressources disponibles en 2010 24

2. De nouvelles structures industrielles 25

3. Retour sur l’IPER du porte-avions 26

a) Cadre général de l’IPER 26

b) L’apparition d’avaries 26

c) Une mobilisation générale 27

d) Le cadre financier 28

e) Les enseignements à tirer 28

II. —  L’ANALYSE DES PRINCIPAUX PROGRAMMES PAR ACTIONS ET SOUS-ACTIONS 29

A. LA DISSUASION, PIERRE ANGULAIRE DU DISPOSITIF FRANÇAIS 29

1. Un contexte international difficile 29

a) Le cadre juridique international 29

b) Les pays officiellement dotés 30

c) Le retour de la prolifération ? 31

2. L’achèvement de la modernisation du dispositif français 32

3. Un avenir à préserver 35

a) La recherche et le développement 35

b) Anticiper les équipements du futur 35

B. LA CRISE DURABLE DE L’AÉROMOBILITÉ 37

1. Retour sur le programme A 400M 37

a) La genèse et l’organisation industrielle du programme 38

b) Une ambition technologique incompatible avec un calendrier restreint et un budget fixe 38

c) Un problème majeur de gouvernance 40

d) Une situation normalisée ? 41

e) L’enjeu financier 41

f) L’absence d’alternative 42

2. Un choix urgent pour les MRTT 43

3. Les hélicoptères de manœuvre 43

a) NH 90 43

b) Le futur hélicoptère lourd 46

C. COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION 49

1. Syracuse 49

2. Hélios II et Musis 49

3. SPOT 50

4. Nanosats et microsats, l’autre capacité globale 50

D. PROJECTION-MOBILITÉ-SOUTIEN 51

1. Le porteur polyvalent terrestre 51

2. Bâtiment de projection et de commandement 51

E. ENGAGEMENT ET COMBAT 53

1. Rafale 53

2. VBCI 54

3. FREMM 54

4. Scorpion 55

5. Caesar 57

6. Tigre 57

7. Munitions 59

8. Les parachutes de l’armée de terre 59

9. Le second porte-avions 60

TROISIÈME PARTIE : LE PROGRAMME 146 À UN TOURNANT ? 61

I. —  LE PROGRAMME S’INSCRIT DANS UN CONTEXTE MOUVANT 61

A. UNE DEMANDE DE SÉCURITÉ CROISSANTE ET VARIÉE 61

1. Un environnement mondial de plus en plus instable 61

2. Les missions intérieures des armées 65

B. DES MOYENS BUDGÉTAIRES CONTRAINTS 66

1. La fin de l’illusion de la sanctuarisation des crédits de la défense 66

2. Apprendre à justifier les besoins budgétaires 68

a) La faiblesse structurelle des objectifs et indicateurs de performances du programme 146 68

b) Les critiques de la Cour des comptes 70

3. Du coût d’acquisition au coût de possession 71

C. L’EUROPE DE LA DÉFENSE ENTRE AVANCÉES ET STATU QUO 74

1. La directive transfert 74

2. Le marché européen de la défense 77

3. Les freins à l’Europe de la défense 79

a) Le juste retour industriel 79

b) La disparité des efforts de défense 79

c) Les faiblesses institutionnelles et l’absence de livre blanc européen 79

d) L’exemple de la surveillance de l’espace 80

4. Le retour de la France dans l’OTAN 82

II. —  DE LA NÉCESSITÉ DE RÉVISER L’APPROCHE DU PROGRAMME 146 83

A. UNE PROBLÉMATIQUE PARTAGÉE PAR LES GRANDES PUISSANCES MILITAIRES 83

1. L’impact de l’engagement afghan sur les politiques d’acquisition 84

2. L’impact de la faible résilience de la société sur les équipements de défense 84

B. LES DIFFICULTÉS DE GRANDS PROGRAMMES EMBLÉMATIQUES FRAGILISENT LE PROGRAMME 146 85

1. Les limites des programmes tunnels 86

2. L’A400M 87

3. SIC Terre 88

III —  POUR UNE CONDUITE DES PROGRAMMES D’ARMEMENT PLUS RÉACTIVE 92

A. UNE RÉFORME DES PRATIQUES D’ACQUISITION DÉJÀ ENGAGÉE 92

1. Les acquisitions pour urgence opérationnelle 92

2. Le plan de relance a divisé par deux les délais de contractualisation 94

B. LA RÉFORME DE LA DGA 98

1. De la délégation à la direction 100

2. Prochaine étape : le devenir des centres d’essais 103

B. LA DÉMARCHE INCRÉMENTALE, NOUVELLE DOCTRINE DE CONDUITE DES PROGRAMMES 109

1. L’impulsion décisive du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale 109

2. La place des autorités politiques dans la démarche incrémentale 113

3. Considérer le montage industriel comme un facteur de réussite majeur 115

C. CONSOLIDER L’INDUSTRIE DE DÉFENSE FRANÇAISE 116

1. Panorama de l’industrie de défense française 116

2. Un secteur d’activité dépendant de l’export 126

3. L’indispensable diversification 129

a) Le MCO 129

b) Le démantèlement : un modèle économique à définir 130

c) La dualité 133

d) Les externalisations et les PPP 133

e) La R&D 136

f) Quel avenir pour les alliances industrielles ? 137

RAPPEL DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR 141

TRAVAUX DE LA COMMISSION 143

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE 143

II. —  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-LOUIS GEORGELIN, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 160

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 171

IV —  EXAMEN DES CRÉDITS 187

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES DÉPLACEMENTS 189

AUDITIONS 189

DÉPLACEMENTS 191

INTRODUCTION

La session parlementaire ordinaire 2008–2009 et les deux sessions extraordinaires de l’été 2009 ont été particulièrement riches en matière de défense que ce soit en termes de contrôle ou sur le plan normatif.

Concernant le contrôle parlementaire, la nouvelle rédaction de l’article 35 de la Constitution a permis la tenue de deux votes autorisant la prolongation des interventions des forces armées à l’étranger : le 22 septembre 2008 pour l’Afghanistan ; le 28 janvier 2009, pour la Côte d’Ivoire, le Kosovo, le Liban, le Tchad et la République centrafricaine.

Sur le plan normatif, le bilan de la session ordinaire 2008-2009 et des deux sessions extraordinaires juillet et septembre 2009 recense des textes majeurs portant sur les questions de défense. La loi du 29 juillet 2009 de programmation militaire 2009-2014 définit le cadre des prochaines années en matière d’équipement des forces. La loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale consacre le rapprochement avec le ministère de l’intérieur sur les missions de sécurité. D’autres textes sont en instance : le projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires devrait être prochainement examiné en commission mixte paritaire. Est également déposé le projet de loi relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

La commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée Nationale a mené ou mène par ailleurs un nombre important de missions d’information dont plusieurs concernent les équipements et l’emploi des forces : drones ; piraterie maritime ; exécution de la loi de programmation militaire 2003 – 2008 ou suivi de la réorganisation du ministère de la défense.

Ce bilan est la traduction de la volonté du Président de la République de revaloriser le Parlement, notamment sur un domaine, la défense, traditionnellement qualifié de domaine réservé. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 souligne que « l’implication de la représentation nationale dans la stratégie de sécurité nationale est l’une des clés de l’adhésion du pays à cette stratégie. Elle est indispensable pour étayer le sentiment de cohésion avec la nation de ceux qui s’engagent à son service. La France rejoindra le concert des grandes démocraties en renforçant le rôle des assemblées, aussi bien en termes d’information et de proposition, que de décision et de contrôle dans tout le champ de la sécurité nationale ».

Les débats et rapports budgétaires doivent s’inscrire dans cette dynamique et sortir de l’exercice convenu et policé dans lequel certains souhaitent les enfermer. Ils participent au contrôle parlementaire en analysant rétrospectivement les dépenses réalisées et au pouvoir budgétaire en procédant à des recommandations sur les orientations futures de ces dépenses, sans se substituer au pouvoir exécutif dans la définition des priorités politiques.

Avec un budget de plus de 11 milliards d’euros pour 2010, le programme 146 est au cœur des enjeux. L’analyse de ces crédits doit se faire dans le nouveau cadre institutionnel avec des relations rénovées entre les assemblées et les différents ministères.

L’avis budgétaire sur le programme 146 pour 2009 ainsi que plusieurs rapports d’information de la commission de la défense et des forces armées ont formulé des recommandations concernant l’équipement des forces. À l’instar des rapports de la Cour des Comptes, le présent rapport dresse un bilan des suites données par le ministère de la défense.

Le rapporteur a souhaité procéder à un examen attentif des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2010 par systèmes de force, déclinés ensuite par équipement afin d’informer l’opinion publique du bon usage des crédits alloués au programme 146.

Ce programme s’inscrit dans un environnement complexe, porteur d’enjeux budgétaires et opérationnels majeurs, ce qui oblige les acteurs en charge des équipements des forces à s’interroger sur la pertinence de leur organisation et sur leurs procédures de travail.

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Sur le plan formel, le présent avis formule de nouvelles recommandations qui feront l’objet d’un suivi dans l’avis budgétaire de l’année prochaine.

Le rapporteur a par ailleurs décidé de rendre public un certain nombre de réponses du ministère de la défense au questionnaire budgétaire. Ces questionnaires étaient jusqu’à présent incompris dans leur finalité et dans leur usage par celles et ceux qui s’astreignent à y répondre. Les réponses apportées, jamais publiées, étaient ignorées des lecteurs alors qu’elles engagent la responsabilité politique du ministère de la défense. En publiant les réponses les plus significatives, le rapporteur entend mettre un terme à cette situation insatisfaisante qui ne permet pas de saisir les enjeux ni d’ouvrir un véritable débat sur les crédits du programme 146.

Il convient enfin de souligner l’usage fait sans discernement des mesures de classification de certaines réponses. S’il est parfaitement compréhensible que certains éléments portant sur la dissuasion ou certains domaines de recherche soient protégés afin de préserver des intérêts majeurs, l’incompréhension prévaut lorsque la classification est utilisée pour des informations dont la presse ou le site internet du ministère de la défense ont fait état ou lorsque le sujet s’avère particulièrement ancien.

C’est ainsi que les réponses portant sur la quasi-totalité des programmes d’armement ont été classifiées. Entre notamment dans cette catégorie le Char Leclerc dont le programme a été clôturé le 24 juillet 2008. De même, certaines réponses sont classifiées alors que, dans le même temps, d’autres reprenant à la lettre les mêmes termes ne le sont pas.

Il n’appartient pas à ce rapport de juger la procédure interne du ministère de la défense en matière de classification des réponses aux questions parlementaires. En revanche, l’incohérence et l’absence de discernement dans son application laisse perplexe.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2009, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 58 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %. Il convient toutefois de noter que 13 réponses ont fait l’objet de mesures de classification, ce qui en empêche leur exploitation. Au final, le rapporteur ne dispose que de 45 réponses publiables, soit un taux de 77,5 %.

PREMIÈRE PARTIE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS PARLEMENTAIRES

En préparation des débats budgétaires, de nombreux rapports spéciaux et avis analysent la situation des missions et programmes du budget de l’État. Ces documents demeurent encore trop confidentiels, même s’ils sont accessibles sur internet. Pour sortir de l’exercice de style contraint et redonner à ces documents leur véritable finalité politique, il importe de mettre en place un véritable suivi des recommandations. Avec cette procédure, directement inspirée des rapports de la Cour des comptes, les responsables de programme seront appelés à mieux expliquer leur choix.

Le rapporteur a souhaité développer cette nouvelle logique de contrôle dans son précédent avis budgétaire en formulant sept recommandations principales. Dans le questionnaire adressé en juillet au ministère (1), il a demandé au ministère d’indiquer le degré de prise en compte de ces propositions et les mesures adoptées en conséquence.

Leur suivi donne des résultats inégaux, certaines préconisations n’ayant pas débouché. Les réponses du ministère ont néanmoins le mérite d’exister, validant en cela la pertinence de la démarche. Le rapporteur a donc étendu cette logique à trois rapports d’information récents abordant sous des angles particuliers la question des équipements des armées.

Le rapporteur a considéré en 2008 qu’il fallait « renforcer le contrôle du Parlement dans le recours à la procédure dérogatoire d’acquisition pour urgence opérationnelle, notamment dans le cadre d’une évaluation de l’adéquation des programmes engagés aux réalités du terrain ».

Le ministère de la défense n’a pas communiqué de réponse à la demande de suivi de cette recommandation.

Cette préconisation visait à « garantir à la fois la rigueur de l’évaluation [des procédures de validation opérationnelle] mais aussi leur plus grande réactivité lorsque le besoin de l’équipement se fait pressant dans le cadre d’opérations majeures ».

Le ministère de la défense n’a pas communiqué de réponse à la demande de suivi de cette recommandation.

Le rapporteur souhaitait connaître l’impact de la crise sur l’équilibre général de la réforme du ministère de la défense et donc sur les ressources budgétaires mises à sa disposition pour équiper les forces.

Réponse (2) : L’impact de la crise économique et financière sur les ressources budgétaires mises à disposition pour équiper les forces peut s’analyser sous deux aspects :

– d’une part, la prise en compte des conditions économiques nouvelles, notamment sur l’évolution des ressources et des besoins. En effet, le PLF 2010 correspond à une actualisation du plafond inscrit dans la LPM pour 2010 en €2008 selon les nouveaux taux d’inflation constatés pour 2009 (0,4 % au lieu de 2 %), prévus pour 2010 (1,4 % contre 1,75 %), soit une augmentation de 540 millions d’euros du plafond inscrit dans la LPM. Il tient également compte du remboursement de la mesure de trésorerie décidée dans le cadre du plan de relance de l’économie relative à la majoration des avances forfaitaires consenties aux entreprises attributaires de marchés publics et transférée en 2009 (- 272 millions d’euros).

– d’autre part, le plan de relance de l’économie. Le plan de relance de l’économie prévoit pour la défense 1,7 milliards d’euros de paiements supplémentaires sur 2009 et 2010 selon la répartition suivante : Les opérations d’armement (+ 1,2 milliards d’euros) ; l’entretien programmé des matériels (+ 0,2 milliards d’euros) ; l’infrastructure (+ 0,2 milliards d’euros) ; les études de défense (+ 0,1 milliards d’euros).

Ce dossier est piloté par le ministre chargé de la relance. Les crédits sont mis en place sur la mission « Plan de relance de l’économie » créée pour l’occasion et mis à disposition du ministère de la défense en court de gestion par décret de transfert. Les engagements sont prévus en totalité sur 2009 alors que les paiements s’effectueront sur 2009 et 2010.

Le rapporteur faisait valoir que le financement des opérations extérieures ne doit pas se faire au détriment des crédits d’équipement, traditionnellement ponctionnés.

Réponse : La prévision des surcoûts des OPEX (hors gendarmerie) pour 2009 est actuellement de 873 millions d’euros. Cette augmentation par rapport à 2008 (+ 43 millions d’euros soit 5 %) résulte essentiellement du lancement de l’opération de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes déclenchée par l’UE ainsi que du surcoût du théâtre afghan (consolidation en année pleine des renforts actés en 2008, travaux d’infrastructure lourds, transport stratégique et maintien en condition opérationnelle des nouveaux moyens déployés).

Le financement des OPEX dès la construction budgétaire sera encore augmenté en 2010 puisque la provision s’établira à 570 millions d’euros, soit 60 millions d’euros de plus qu’en 2009, dont 30 millions d’euros seront prélevés sur la réserve de budgétisation, au-delà de l’enveloppe prévue en LPM. Rapportée au montant du surcoût OPEX 2009, c’est plus de 65 % de la dépense qui devrait être financé dès le budget initial. En 2010, comme en 2009, et conformément à la LPM, le financement résiduel des surcoûts des Opex ne reposera pas sur les crédits d’équipement de la défense mais sur la réserve de précaution ministérielle. En effet, le rapport annexé à la LPM prévoit que le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 millions d’euros en 2009, sera augmenté de 60 millions d’euros en 2010 puis de 60 millions d’euros en 2011.

Le rapporteur soulignait l’importance du maintien de certaines compétences rares dans le domaine crucial du maintien en condition opérationnelle (MCO). Il s’inquiète en effet du risque de perte de compétences en la matière.

Le ministère de la défense n’a pas communiqué de réponse à la demande de suivi de cette recommandation. Il est extrêmement difficile d’interpréter ce silence assez décevant, notamment pour les personnels travaillant dans les différents services liés au MCO.

Cette réflexion ne devait pas écarter la possibilité de revenir sur le copilotage du programme par le chef d’état-major des armées et le délégué général pour l’armement, sans pour autant préconiser cette solution.

Réponse : La gouvernance du programme 146 a fait l’objet de travaux au sein du ministère et plusieurs audits externes ont étudié la pertinence du copilotage du programme 146. La mise en place du CMI s’accompagnera d’un retour d’expérience prévu à la fin de l’année 2009 :

- la mission IGF-CGA"ne considère pas la question du copilotage comme un sujet majeur de la gouvernance des programmes d’armement ni comme un facteur de dérive de ces opérations […]" ;

- la Cour des comptes estime que "la direction bicéphale du programme 146 est aujourd’hui le meilleur garant de l’adéquation des programmes […] au besoin militaire défini par les armées et validé par l’EMA".

Dans cette optique la refonte fin 2009 de l’instruction relative à la conduite des opérations d’armement confirme bien cette complémentarité en prévoyant cependant une responsabilité alternée du CEMA et du DGA, en fonction du stade dans lequel se situe l’opération durant son cycle de vie.

Le rapporteur soulignait que la conduite de programmes d’équipement en coopération semble souffrir d’une mauvaise répartition des rôles entre l’organisation conjointe en matière d’armement (OCCAR) et l’agence européenne de défense (AED), appelant à une clarification de leurs responsabilités respectives.

Réponse : L’agence européenne de défense (AED) est avant tout un organe d’impulsion politique et de préparation de l’avenir, et non une entité exécutive de gestion de programmes en coopération. Sa vocation est de rechercher, préparer et impulser la génération de programmes en commun, programmes qui peuvent ensuite être confiés à des entités de maîtrise d’ouvrage telles que l’OCCAR ou à des agences nationales d’acquisition. Des travaux sont actuellement menés pour améliorer la mise en œuvre de programmes d’équipements en coopération. Il est envisagé de mieux définir les modalités de coopération entre l’OCCAR et l’AED via un arrangement administratif en cours de négociation.

L’avis budgétaire sur les crédits d’équipements des forces pour 2009 appelait à un renforcement du retour d’expérience (RETEX) sur les équipements, sans pour autant en faire une recommandation principale.

La réponse ministérielle ne fait pas mention de l’initiative prise par le bureau « facteur humain » de la section technique de l’armée de terre (STAT) qui, après lecture du rapport, s’est saisie de la question et a développé un logiciel expérimental de recueil des données. Cette initiative est à saluer et démontre que, dans les forces, le potentiel de modernisation et d’innovation est réel.

Question : Fournir une note détaillée sur le RETEX équipement au sein du ministère de la défense. Préciser les services en charge de recueillir et analyser ce retour d’expérience, les principaux enseignements recueillis en 2008 et 2009 et les suites données.

Réponse : Le RETEX évalue l’outil de défense au contact des réalités (opérations extérieures, théâtre national et exercices) en consolidant les points positifs et en proposant des solutions aux lacunes constatées. Il participe à son évaluation, contribue à son amélioration et éclaire aussi les capacités futures en cours de conception.

Le réseau RETEX implique l’ensemble des armées en dehors de toute chaîne spécialisée. Le RETEX est intégré à la chaîne de commandement opérationnel par les cellules ou correspondants RETEX et par ses contacts avec les autorités en situation de commandement.

Il permet d’agir sur les acteurs chargés de :

– la préparation de l’avenir (chaîne PLANS de l’EMA et des armées, directions et services) ;

– les concepts, doctrines et expérimentations (EMA/EMPLOI, CICDE (1), etc.) ;

– la conduite et le soutien des opérations (EMA/CPCO, EMA/ORG, EMA SLI) ;

– la formation, l’entraînement et la mise en condition opérationnelle (armées, directions et services) ;

– l’influence française dans le cadre des échanges multinationaux (EMA/RI).

Au sein de l’EMA, la fonction RETEX est assurée par la division Emploi qui :

– fixe le cadre du RETEX des forces armées et au sein de l’EMA ;

- conduit le RETEX interarmées et coordonne l’action du réseau.

Dans le domaine des équipements, le RETEX est alimenté par :

– les comptes rendus hebdomadaires des théâtres d’opérations ;

– les comptes rendus d’évaluation de situation des commandements permanents ;

– les rapports de fin de mission ;

– le bilan RETEX à six mois pour les commandements permanents ;

– les comptes rendus d’opportunité « URGENT RETEX ».

Ces documents sont adressés à l’état-major des armées et aux états-majors opérationnels d’armée. L’autorité du théâtre y ajoute ses avis et recommandations.

Le RETEX d’intérêt immédiat irrigue l’ensemble des états-majors qui élaborent des propositions d’acquisition d’équipements pour pallier les lacunes constatées. Ces propositions, une fois validées par l’état-major des armées, aboutissent, sur décision du CEMA, au lancement d’une procédure d’acquisition en urgence opérationnelle (UO).

Cette procédure exceptionnelle, appelée généralement « urgence opérations », permet de répondre dans des délais restreints (quelques mois) à des besoins nouveaux et immédiats au profit des unités en opérations.

Dans le cas de programmes déjà lancés sur le point d’équiper les forces, le recours à une « procédure accélérée » initiée par l’EMA permet aussi de réduire les délais d’acquisition.

Les retours d’expérience, en 2008, des « Operational Mentoring and Liaison Teams » (OMLT) en Afghanistan illustrent l’efficacité de cette chaîne RETEX en matière d’acquisition d’équipements pour fournir aux soldats sur le terrain une protection plus complète.

(1) Centres interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations.

Dans son questionnaire, le rapporteur a interrogé le ministère sur la portée des recommandations des autres rapports de la commission de la défense portant sur les équipements. Le rapport sur la loi de programmation militaire proposait également plusieurs pistes, mais il était difficile aux armées d’en tirer d’ores et déjà des conséquences puisqu’il n’a été publié qu’en juin dernier.

Le rapport d’information de MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet porte sur l’aéromobilité (3). Lors de sa publication, ce document a eu un retentissement important au sein des armées et des industriels qui notaient la précision de l’analyse et la justesse des interrogations.

On peut regretter que le compte rendu de suivi donné par le ministère soit particulièrement bref au regard des nombreuses interrogations que ce rapport soulevait.

Question : Suivi des recommandations parlementaires « Rapport d’information déposé par la commission de la défense nationale et des forces armées sur l’aéromobilité et présenté par MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet ».

Réponse : Ce rapport pointait principalement le déficit capacitaire programmé pour les hélicoptères et la situation préoccupante des avions de transport et des ravitailleurs tout en soulignant les possibilités offertes par les partenariats publics privés (PPP).

Les premières livraisons d’équipements permettant le renouvellement des parcs doivent intervenir dans le cadre de la LPM 2009-2014.

En ce qui concerne la mise à disposition de l’armée de l’air d’une flotte d’avions de ravitaillement en vol et de transport à longue distance (MRTT), une analyse préliminaire a permis de montrer que le recours à un contrat de partenariat pouvait constituer une alternative intéressante par rapport à une approche classique. Un sondage de la communauté financière sur la faisabilité de l’opération en contrat de partenariat a été lancé malgré une situation économique non favorable à cette hypothèse. Une décision sur la procédure d’acquisition (achat patrimonial ou financement innovant) sera mise à l’ordre du jour d’un comité ministériel d’investissement fin 2009 - début 2010.

Le rapport d’information de M. Serge Grouard et de Mme Odile Saugues porte sur les questions spatiales et marque l’intérêt porté par la commission de la défense et des forces armées à un sujet devenu stratégique (4).

Question : Suivi des recommandations parlementaires « Rapport d’information déposé par la commission de la défense nationale et des forces armées sur les enjeux stratégiques et industriels du secteur spatial présenté par M Serge Grouard et Mme Odile Saugues »

Réponse : Le rapport a souligné principalement la faiblesse des investissements à caractère récurrent et l’aspect non prioritaire pour la défense du secteur spatial, les problèmes de coopération européenne où la France semble isolée et l’importance de la détection avancée.

En cohérence avec les orientations fixées par le Livre blanc et sur la base d’une augmentation sensible des crédits consacrés aux investissements, la LPM 2009-2014 a été construite dans un objectif de renforcement du domaine « connaissance et anticipation ». Il est prévu, en particulier, le lancement de programmes d’imagerie spatiale (MUSIS), de renseignement spatial d’origine électromagnétique (CERES), de télécommunication satellitaire (COMCEPT) et d’alerte avancée spatiale.

Le système d’observation spatiale MUSIS (Multinational Space-based Imaging System) est destiné à remplacer, à terme, l’ensemble des composantes européennes militaires ou duales en service ou en cours de réalisation : les systèmes français HELIOS et PLEIADES, allemand SAR-Lupe et italien COSMO-SkyMed. Une LoI (letter of intention) exprimant l’intention des pays de lancer le programme a été signée lors de la réunion ministérielle de l’agence européenne de défense (AED) du 10 novembre 2008 par l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce et l’Italie.

Dans le domaine de l’alerte avancée, les financements prévus permettront à la France de disposer en 2019 d’une capacité opérationnelle initiale (composée d’un radar TLP, d’un satellite géostationnaire et du système de commandement et de contrôle associé). Une réponse optimale au besoin opérationnel nécessiterait des moyens complémentaires qui pourraient être financés par nos partenaires dans le cadre d’une mutualisation de moyens mais un travail de convergence des besoins militaires est à réaliser en préalable.

Le rapport de MM. Jean-Michel Fourgous et Bernard Cazeneuve (5), établi dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, porte sur le financement des projets d’équipement naval militaire. Organe de contrôle créé récemment, la mission d’évaluation et de contrôle associe un député de la commission des finances et un député issu de la commission permanente concernée par le fond, en l’espèce la commission de la défense. Pour l’exercice de leur mission, les députés disposent de pouvoirs élargis par rapport aux missions d’information classiques décidées par les commissions permanentes, ce qui donne encore plus d’impact aux conclusions et recommandations qui sont formulées dans les rapports ainsi produits. Toutefois, comme pour le rapport sur l’aéromobilité, on peut regretter la brièveté du compte rendu de suivi.

Question : Suivi des recommandations parlementaires « Rapport d’information rédigé par MM. Jean-Michel Fourgous et Bernard Cazeneuve en conclusion de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur le financement des projets d’équipement naval militaire »

Réponse : Le rapport portait principalement sur les programmes FREMM, BARRACUDA et PA2 et notamment sur l’importance du calendrier de réalisation des sous-marins nucléaires d’attaque BARRACUDA. Ces recommandations ont été prises en compte dans le cadre de la construction de la LPM 2009-2014, en respectant la trajectoire des ressources.

S’agissant de la sous-estimation initiale des besoins financiers de certains programmes d’armement, des dispositions méthodologiques ont été prises afin d’améliorer la maîtrise des devis en particulier grâce à la mise en place d’un comité des devis. La contractualisation de commandes globales a également permis de réaliser des économies d’échelle.

Concernant la dérive du coût des facteurs lorsque ceux-ci évoluent au-delà du taux de croissance du PIB, un groupe de travail a été lancé pour mener une réflexion globale sur le problème de la révision des prix. Des actions sont également prises pour présenter dans les documents de suivi de programme le coût global de possession jusqu’à l’extinction complète de celui-ci et pour normaliser les modes de calculs.

DEUXIÈME PARTIE : LES GRANDS AXES DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2010

En 2010, les crédits du programme 146 connaissent une baisse relativement nette par rapport à 2009, l’écart apparaissant significatif pour les autorisations d’engagement qui diminuent de près de 45 % quand les CP n’enregistrent qu’une baisse de 7,08 %. Le tableau suivant présente l’évolution des crédits du programme depuis 2008.

évolution des crédits du programme 146

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Action

2008

2009

2010

évolution

2008

2009

2010

évolution

Dissuasion

1 814

2 918

3 075

5,39%

2 893

3 297

3 053

-7,40%

commandement et maîtrise de l’information

672

2 087

1 345

-35,55%

1 324

883

774

-12,33%

projection - mobilité - soutien

801

1 335

799

-40,12%

882

900

1 097

21,91%

engagement et combat

5 167

11 918

3 327

-72,08%

3 415

4 101

3 649

-11,00%

dont Rafale

846

4 709

1 697

-63,97%

1 295

1 515

1 116

-26,34%

protection et sauvegarde

298

474

1 026

116,36%

724

868

688

-20,77%

préparation et conduite des programmes d’armement

2 019

2 213

2 067

-6,61%

2 099

2 160

2 082

-3,59%

Total

11 616

20 946

11 639

-44,43%

12 632

12 208

11 344

-7,08%

total hors Rafale

10 771

16 236

9 943

-38,76%

11 337

10 694

10 228

-4,35%

source : PAP 2010.

Il convient toutefois de tempérer cette première approche même si les ressources sont réduites en 2010, elles restent en effet à un niveau comparable à celui de 2008. Des commandes très importantes prévues en 2009 expliquent que les ressources aient très fortement augmenté. En isolant la commande de la 4e tranche de Rafale, on constate par exemple que les CP ne baissent que de 4,35 %.

Il n’est pas anormal que les AE restent supérieures aux CP dans la mesure où les premières années de la programmation militaire sont marquées par un niveau élevé de commandes, le rattrapage devant se faire en fin d’exécution. Toutefois, comme le montre le graphique ci-après, depuis 2006, l’écart entre les AE et les CP ne fait que se creuser depuis de nombreuses années.

Évolution des dépenses de titre 5 du ministère de la défense

(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performance 2006 et 2007, lois de finances initiales 2008 et 2009 et PAP 2010.

Compte tenu de la spécificité des programmes d’équipement, il est normal de constater un décalage temporaire entre les AE et les CP, la durée de fabrication de la plupart des équipements demandant du temps avant qu’ils ne soient effectivement livrés.

Cette explication ne suffit cependant pas à garantir le caractère soutenable de cette programmation. La tendance globale est préoccupante : depuis 2006, l’écart s’est constamment creusé exception faite du léger rattrapage de 2008. Il convient de rappeler que l’écart cumulé des AE et CP devrait atteindre 28,35 milliards d’euros en 2010, soit près de trois fois le budget annuel du programme 146. Si le ministère de la défense veut pouvoir honorer les contrats déjà signés, il devrait ainsi renoncer à la moindre commande dans les trois prochaines années et se contenter de payer effectivement les dépenses déjà engagées.

L’écart croissant entre les AE et les CP est d’autant moins justifié que les livraisons prévues en 2009 et 2010 apparaissent relativement conséquentes avec notamment le SNLE Le Terrible, 25 Rafale, 195 VBCI et 14 Tigre. Le rapporteur a adressé deux questions sur ce sujet au ministère de la défense (documents ci-après). Il est surprenant que les réponses ne concordent pas pour plusieurs programmes.

Question n° 2 : Dresser un récapitulatif calendaire des principaux événements liés au programme 146 qui ont marqué 2008 et 2009.

Réponse : Les décisions prises en 2008, notamment la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale soulignant l’importance stratégique de l’investissement de défense et la préparation de la loi de programmation militaire qui couvre la première étape de la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie, ont tracé les grandes priorités pour 2009 : l’accent est mis sur la modernisation des forces, avec une priorité marquée à la fonction connaissance et anticipation, à la dissuasion et à la protection des forces terrestres.

L’année 2009 est caractérisée par le début de la LPM 2009-2014 avec un cadre budgétaire de 185,9 milliards d’euros PIB08 (représentant 65,5 milliards d’euros PIB08 pour le programme 146 hors titre 2 et hors BOP DGA) et par la mise en œuvre du plan de relance, conçu pour réactiver l’économie française et soutenir certains secteurs industriels, en particulier dans le domaine de la défense. L’enveloppe relance du ministère de la défense a été fixée à 1,7 milliards d’euros dont 1,2 milliards d’euros sont dédiés au programme 146 sur la période 2009-2010.

Il est également prévu, pour les engagements 2009, un niveau record de notification de contrats (de l’ordre de 18,3 milliards d’euros), incluant notamment la négociation de commandes globales pour environ 50 % de l’annuité et offrant à l’industrie une meilleure visibilité.

Dans le cadre de la gouvernance du programme, il faut signaler la mise en place du comité ministériel d’investissement (CMI), permettant au ministre d’arbitrer en matière d’investissement et de programmation militaire. Son fonctionnement est effectif depuis le début de l’année.

En termes de commandes et de livraisons d’équipements, les évènements majeurs liés au programme 146 sont indiqués ci-dessous :

o Principales commandes 2008

- 8 avions Rafale

- 116 véhicules blindés de combat d’infanterie

- 5 045 équipements FELIN

- 36 stations Syracuse III

- 22 hélicoptères NH90 TTH

- commandes d’urgences opérationnelles pour un montant de 104 millions d’euros.

- rénovation du système de communication du SDCA (4 aéronefs)

o Principales livraisons 2008

- 14 avions Rafale (7 Air et 7 Marine)

- 4 hélicoptères TIGRE

- la 1ère frégate HORIZON (Forbin)

- 50 torpilles MU 90

- 1 550 postes radio PR4G VS4-IP

- 55 stations SYRACUSE III

- 148 AASM en version décamétrique

- 41 VBCI

- 358 équipements FELIN

o Principales commandes prévues en 2009

- 60 avions RAFALE

- 3 FREMM

- 332 VBCI

- 4 canons CAESAR

- 150 MdCN

- le 2e SNA Barracuda

- 16 454 FELIN

- le 1er système de détection d’agents biologiques pour les troupes déployées

- 53 véhicules à haute mobilité

- 680 armements air-sol modulaires (AASM)

- commandes d’urgences opérationnelles pour un montant de 175 millions d’euros

- première mise à niveau des Hawkeye (traitement des obsolescences)

- rénovation mi-vie des SDCA (AWACS)

- transformation SURMAR de 2 Falcon 50

- 5000 hélicoptères CARACAL

- 3ème et dernier lot missile M 51

- 5 rénovations d’hélicoptères COUGAR

- 50 porteurs polyvalents terrestres (PPT)

- 200 petits véhicules protégés (PVP)

o Principales livraisons prévues 2009

- 8 hélicoptères TIGRE

- 14 avions Rafale

- 75 torpilles MU 90

- 96 VBCI

- 731 FELIN

- 32 canons d’artillerie de 155 mm (CAESAR)

- la 2e frégate HORIZON (Chevalier Paul)

- 103 missiles anti-aériens ASTER 30

- 3 systèmes SAMP/T

- 2 C160 Gabriel (rénovation avionique)

- 1 Falcon 7X

Question n° 019 : Fournir une fiche de synthèse pour chaque programme engagé avant 2009 et qui fait l’objet d’une livraison en 2009 ou en 2010. Indiquer comment sont financées ces opérations (année de rattachement, mission, programme, action…).

Réponse : Les programmes majeurs engagés avant 2009 et faisant l’objet de livraison en 2009 ou 2010 sont précisés dans le tableau ci-dessous :

Livraisons 2009

Livraisons 2010

153 stations SYRACUSE III

Sous marin « Le Terrible » SNLE NG

1600 postes PR4G VS4 IP

Première dotation de missiles M51

30 systèmes pour la marine SIC 21

1 C160 Gabriel (rénovation avionique + ELINT)

56 systèmes pour l’armée de terre SIR

45 stations DNG 3D

7 hélicoptères TIGRE

6 nacelles RECO NG

75 torpilles MU 90

1 centre de contrôle local d’aérodrome CLA/SCCOA

14 avions RAFALE

2 SDCA (rénovation COM)

198 armements AASM

33 systèmes pour la marine SIC 21

96 blindés VBCI

37 systèmes pour l’armée de terre SIR

44 blindés légers VBL

2 systèmes sol pour l’observation spatiale SSO

731 équipements FELIN

85 stations SYRACUSE III

32 canons d’artillerie CAESAR

1 satellite (HELIOS IIB)

220 véhicules protégés PVP

274 armements AASM

2ème Frégate HORIZON Chevalier Paul

34 canons d’artillerie CAESAR

2 systèmes SAMP/T FSAF

4 missiles (EXOCET)

2 missiles ASTER 15 et 32 ASTER 30 pour FSAF

5045 équipements FELIN

30 missiles air-air MICA

75 torpilles MU 90

1 centre de contrôle local CLA/SCCOA

11 avions RAFALE

1 système sol pour l’observation spatiale SSO

7 hélicoptères TIGRE

Première unité Mirage 2000N K3 opérationnelle

99 blindés VBCI

60% du premier lot de vecteurs ASMPA

44 blindés légers VBL

1 satellite HELIOS IIB

1 Falcon 7X AUG

1 C160 Gabriel (rénovation avionique)

1 A330 AUG

1 Falcon 7X AUG

4 hélicoptères marine NH 90 NFH

340 véhicules protégés PVP

2 systèmes de franchissement SPRAT

110 missiles air-air MICA

2 systèmes SAMP/T FSAF

80 missiles ASTER 30 FSAF

Les informations relatives au financement de ces opérations (mission, programme, action, sous-action…) sont incluses dans les fiches de synthèse en réponse à la question n° 033.

Les programmes d’armement majeurs sont financés au titre de la LPM comprenant leur année de rattachement.

Le tableau ci-après récapitule quelques exemples d’incohérence entre les deux réponses du ministère.

Livraisons d’équipements en 2009

 

question n° 2

question n° 19

Tigre

8

7

Missile Aster 30

103

32

C160 Gabriel

2

1

Source : ministère de la défense.

Le satellite HELIOS IIB mentionné dans la réponse à la question n° 19 n’est par ailleurs pas retenu comme programme important dans la question n° 2.

Les commandes devraient être beaucoup moins importantes en 2010 avec la réalisation de la première adaptation d’un SNLE type Le Triomphant au missile M51, un satellite de communication Athena, trois satellites d’observation optique Musis, quatre Cougar rénovés, 200 porteurs polyvalents terrestres ainsi que le lancement du développement de la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D.

Le PLF prévoit de consacrer plus de 3,5 milliards d’euros en AE pour l’entretien programmé du matériel (EPM) et près de 2,7 milliards d’euros en CP. Le tableau ci-après détaille l’évolution et la répartition de ces ressources.

évolution des crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels du ministère de défense

(en millions d’euros)

 

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

PLF 2009

PLF 2010

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Armée de l’air

879,8

1028,2

1037

1167,5

1033,1

1123

1579

1203

1 632

1 040

Armée de terre

672,1

563

516

551

630,1

571,6

697,6

614,5

841

553

Marine nationale

1120,8

967,6

1057,2

1110,3

1078,3

1117,4

1305

1209,1

1 123

1 104

Total

2987,2

2872

2624.3

2841,2

2744

2815

3583

3031

3 596

2 697

source : ministère de la défense et PAP 2010.

La baisse des crédits en 2010 n’est pas inquiétante dans la mesure où il est notamment pris acte de l’achèvement de l’IPER du porte-avions. L’armée de l’air et la marine nationale consomment l’essentiel des crédits, même en isolant les dépenses liées à l’entretien des équipements concourrant à la force de dissuasion. L’EPM des avions de combat représente par exemple près de 400 millions d’euros dont 160 millions d’euros pour le seul Rafale de l’armée de l’air. Le Rafale de la marine nationale demande pour sa part plus de 65 millions d’euros en 2010 en CP et 82,3 millions d’euros en AE. La maintenance des sous-marins nucléaires d’attaque constitue une dépense de 305 millions d’euros.

Pour l’armée de terre, l’EPM des hélicoptères et des chars Leclerc consomment près de 60 % des crédits disponibles. Pour les seuls Leclerc, il faudra dépenser 82 millions d’euros en CP en 2010, soit 15 % des ressources de l’armée de terre pour l’EPM.

Les équipements de la dissuasion bénéficient d’une enveloppe isolée à hauteur de 170 millions d’euros en CP et de 338,3 millions d’euros en AE pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Les avions Mirage 2000N disposeront quant à eux d’une enveloppe de 72 millions d’euros en 2010.

La modernisation de l’organisation du maintien en condition opérationnelle se poursuit en 2010. La maîtrise d’ouvrage reste du ressort de l’état-major de chaque armée qui pourra désormais s’appuyer sur un maître d’ouvrage délégué. Depuis 2000, la marine et l’armée de l’air ont respectivement créé le service de soutien de la flotte (SSF) et la structure interarmées de maintenance des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD). Compte tenu des résultats très positifs de ces deux organismes, le ministère a décidé de généraliser cette organisation en créant en 2010 le service interarmées de maintenance des matériels terrestres (SIMMT).

La maîtrise d’ouvrage peut s’appuyer sur des maîtres d’œuvre étatiques (MOE) qui sont soit spécifiquement adaptés à la projection opérationnelle et à l’intervention militaire, soit organisés sur un mode clairement industriel. Dans le premier cas, ces MOE sont intégrés aux formations d’emploi ou constitués en unités propres comme par exemple les régiments du matériels ou les escadrons de soutien technique aéronautique. Pour les opérations plus lourdes, il est fait appel aux MOE industriels qu’il s’agisse du service de la maintenance industrielle terrestre (SMITER) ou du service industriel de l’aéronautique (SIAé).

Pour certains équipements, le ministère a mis en place des procédures originales de MCO. L’exemple le plus marquant est bien évidemment celui du porte-avions.

Six années après son admission au service actif, le porte-avions Charles-de-Gaulle est entré au bassin Vauban de Toulon pour son premier arrêt technique majeur d’une durée totale de 15 mois. Il s’agit de redonner toute sa puissance au bâtiment en modernisant le cœur nucléaire et les systèmes d’information et de commande. Cette indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) devait s’achever fin 2008 pour permettre un retour opérationnel au printemps 2009.

Le service de soutien de la flotte (SSF) est en charge de la maîtrise d’ouvrage de cette IPER avec le soutien de très nombreux acteurs étatiques, qu’il s’agisse de la délégation générale pour l’armement (DGA), du service des infrastructures de la défense pour la mise à jour des infrastructures, du commissariat à l’énergie atomique (CEA) pour le cœur nucléaire ou de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (Dirisi). Sur le plan industriel, conformément au contrat de MCO passé par le SSF, DCNS assure la coordination générale des travaux à bord. Au final, l’IPER représente 2,6 millions d’heures de travail et mobilise 1 700 personnes et 120 entreprises.

En février 2008, lors de la réalisation d’un contrôle, l’accouplement assurant la liaison entre la turbine avant et le réducteur a été trouvé très détérioré. Son remplacement par l’unique rechange détenu par l’État a été nécessaire. Les autres pièces similaires ont fait l’objet d’un contrôle immédiat qui n’a révélé aucune anomalie.

Le remplacement a été effectué et les investigations techniques menées par DCNS l’ont conduit, selon le SSF, « à recommander l’utilisation normale du navire associée à un suivi renforcé en service ». Cependant, lors des sorties à la mer de janvier 2009, il est apparu que les pièces vibraient de façon élevée, mais sans que cela soit jugé inacceptable. Les contrôles réalisés début mars sur la première ligne d’arbre de la propulsion ont révélé que les pièces de rechange s’étaient très rapidement dégradées et ne pouvaient supporter une utilisation normale. Une nouvelle expertise réalisée le 11 mars a abouti à des conclusions similaires pour la seconde ligne d’arbre.

Le chef d’état-major de la marine a alors décidé l’arrêt du porte-avions, qui a été placé en indisponibilité pour entretien (IE) de façon anticipée par rapport à l’été 2009, afin de faire expertiser l’avarie et de remettre à niveau les lignes propulsives du bâtiment.

L’ensemble des acteurs ont réagi rapidement. Dès le 10 mars, c’est-à-dire avant même le constat d’avarie sur la seconde ligne d’arbre, DCNS a diligenté une commission d’enquête interne qui a remis un premier rapport dès le 20 mars, suivi d’un deuxième le 14 avril, d’un troisième le 29 avril et d’un rapport final le 30 juin. Le SSF a procédé dans le même temps à ses propres contrôles.

Il ressort des investigations que les dégradations constatées n’ont pas de lien avec l’IPER. Elles sont liées à des problèmes de fabrication et de conception. La conception du bâtiment dans les années 1990 s’appuie sur des données scientifiques et industrielles fondées sur les retours d’expérience des autres bâtiments de la marine nationale à propulsion vapeur. Or la technologie utilisée a atteint ses limites à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle. En effet, les performances demandées en couple et en vitesse sont significativement plus élevées que celles des accouplements conçus auparavant. Il apparaît aujourd’hui que la durée cumulée du fonctionnement des accouplements du Charles-de-Gaulle ne peut excéder une vingtaine de milliers d’heures et non 100 000 heures comme initialement prévu.

Cette explication, valable pour les accouplements en place depuis la livraison du bâtiment, ne s’applique pas au cas particulier de la pièce de rechange qui ne comptabilisait qu’un peu plus de mille heures de fonctionnement. Les investigations ont mis en évidence un défaut de fabrication entraînant un frottement trois fois plus important que la normale et provoquant donc une usure accélérée de cette pièce. Ce défaut ne pouvait pas être décelé en amont, les contrôles prévus au moment de la fabrication n’étant pas particulièrement attentifs à cette spécification.

L’arrêt du porte-avions ne pouvait être évité compte tenu de la nature du problème et du délai nécessaire à la réalisation de nouveaux accouplements. Par ailleurs, près de trois mois d’investigations intensives à bord et en laboratoire ont été nécessaires pour examiner toutes les causes possibles et identifier le problème.

Une fois l’origine de l’avarie identifiée, les travaux de remise en état ont été lancés pour mettre en place des accouplements neufs mais exempts des défauts constatés sur les pièces de rechange. Toutefois, pour éviter de devoir trop fréquemment remplacer ces accouplements de manière préventive, DCNS a proposé de leur substituer un accouplement de technologie différente. Cette technologie est déjà largement utilisée sur d’autres navires tels que les sous-marins nucléaires et ses contraintes d’utilisation propres devraient être compatibles avec le besoin opérationnel du porte-avions. L’offre de DCNS a été adressée au SSF et à la DGA ; les négociations sur ce sujet devraient prochainement débuter. Si cette solution était retenue, le remplacement des pièces pourrait intervenir dès l’été 2010.

Sur le plan financier, DCNS a pris à sa charge les dépenses liées à l’avarie qui sont évaluées à 10 millions d’euros. La réparation comprend en effet l’expertise initiale, l’approvisionnement d’accouplements de rechange, le montage de quatre accouplements à bord du navire, les essais à la mer, et un an de suivi en service. Le SSF considère quant à lui que ces travaux ont « fait l’objet d’appels à garantie du SSF et de la DGA au titre de la réalisation du porte-avions et de ses rechanges initiaux », ce que conteste DCNS.

Ce point devra être examiné sur la base des responsabilités contractuelles en termes de conception et de réalisation, en prenant en compte le traité des apports définissant les conditions dans lesquelles s’est opéré le changement de statut de DCNS en 2003 et en particulier la convention de garantie de passif.

Cette difficulté ne révèle aucun dysfonctionnement majeur d’organisation du MCO naval. Elle met surtout en évidence l’importance des contrôles ; c’est grâce à eux qu’un incident a pu être évité. Si les pièces avaient cédé alors que le porte-avions était en opérations, elles auraient pu causer des dégâts irrémédiables et auraient certainement blessé de très nombreux marins.

En revanche, il convient de s’interroger sur les mécanismes de conception de programmes d’armement de très grande ampleur : le porte-avions était certes un prototype mais il cherchait à combiner des contraintes difficilement conciliables compte tenu des technologies alors disponibles. Il serait sans doute plus pertinent de construire des bâtiments plus robustes, peut-être initialement moins sophistiqués, mais avec des capacités d’évolution dans la durée.

Le programme 146 est organisé en sept actions, elles-mêmes subdivisées en sous-actions correspondant aux programmes d’armement.

Parmi elles, le rapporteur a choisi d’isoler la dissuasion et l’aéromobilité ; les autres programmes font l’objet d’une analyse qui respecte scrupuleusement la nomenclature budgétaire. S’inspirant des travaux menés par d’autres parlements, en plus des éléments d’appréciation, le rapport publie les questions du rapporteur et les réponses du ministère.

Dans son discours de Prague du 5 avril 2009, le président Barack Obama relevait que « la menace d’une guerre nucléaire globale a diminué mais que le risque d’une attaque nucléaire a [paradoxalement] crû » (6). Il observait en effet que de nouveaux pays se sont dotés d’armements nucléaires et les essais n’ont pas cessé. Partant de ce constat, il a appelé à un nouvel effort en faveur du désarmement. Cette position modifie substantiellement l’environnement international d’autant que, dans le même temps, de nouveaux pays cherchent à s’affirmer comme acteur nucléaire.

Le traité de non-prolifération (TNP) est entré en vigueur le 5 mars 1970, pour une durée initiale de 25 ans. Tous les cinq ans, il fait l’objet d’une conférence d’examen portant sur son contenu et sur sa durée. Lors de la conférence de 1995, le traité ayant été prorogé pour une durée indéfinie, les nouvelles conférences ne traitent plus que de son contenu. La prochaine conférence qui doit se tenir en 2010 à New York est très attendue par l’ensemble de la communauté internationale, elle devrait permettre de relancer le désarmement.

Le TNP distingue les États dotés d’armes nucléaires des États non dotés. Les premiers sont ceux qui ont fait exploser une arme nucléaire ou un autre dispositif explosif nucléaire avant le 1er janvier 1967. Il s’agit de la Chine, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de l’Union soviétique (aujourd’hui la Fédération de Russie). Plusieurs anciennes républiques soviétiques détenaient des matières nucléaires héritées de l’URSS ; depuis elles ont toutes renoncé volontairement à ces armes. Sont absents de cette liste l’Inde et le Pakistan qui ont pourtant fait la « démonstration de leur capacité à fabriquer des armes nucléaires en procédant l’un et l’autre à une série d’explosions nucléaires expérimentales » (7). La situation d’Israël est ambiguë, ce pays n’ayant jamais reconnu posséder d’armement nucléaire.

Le traité repose sur quatre mesures principales :

– les États dotés s’engagent à ne pas transférer d’armes nucléaires ni à aider un État non doté à acquérir des armes nucléaires, des technologies connexes ou le contrôle de telles armes et dispositifs ; les États non dotés s’engagent quant à eux à ne pas accepter le transfert d’armes nucléaires et à ne pas en fabriquer ;

– les coopérations dans le domaine du nucléaire civil sont en revanche autorisées, y compris avec des transferts de technologies entre États dotés et non dotés dès lors qu’ils n’ont que des fins pacifiques ;

– l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est chargée de s’assurer que les produits fissiles spéciaux fabriqués ou utilisés dans les installations nucléaires des États non dotés servent uniquement des fins pacifiques ;

– les États acceptent les contrôles menés par l’AIEA, l’agence pouvant le cas échéant faire état de ses difficultés au secrétaire général de l’ONU ainsi qu’au conseil de sécurité.

En juillet 2009, l’agence internationale de l’énergie atomique fait état de 150 membres signataires. La Corée du Nord qui avait rejoint l’AIEA en 1974 s’est en effet retiré en 1994, après s’être retiré du TNP en 1993.

D’autres accords ont complété le TNP et contribuent à l’effort global de désarmement. Le plus important est sans doute le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ouvert à la signature en 1996 (8). Certains États s’engagent par ailleurs dans des initiatives régionales pour lutter contre la prolifération ou pour prévenir un incident nucléaire. Les États-Unis et l’URSS avait par exemple signé en 1973 un accord visant à empêcher l’exacerbation de leurs relations, à éviter tout affrontement militaire et à éviter qu’une guerre nucléaire n’éclate entre eux ou entre eux et un autre pays.

Les États dotés d’armes nucléaires maintiennent leur effort en matière de dissuasion malgré la demande américaine de réduction des arsenaux.

Malgré ses difficultés économiques et même si l’effort de défense reste un sujet sensible, la Russie a choisi de remettre à niveau son dispositif nucléaire, ne serait-ce que parce qu’il lui permet de dialoguer à jeu égal avec les États-Unis. Les patrouilles aériennes, tout comme les patrouilles de sous-marins lanceurs d’engins ont pour cela repris. Pour autant, la modernisation des équipements apparaît difficile, faute d’avoir maintenu un niveau technologique et industriel suffisant. Le développement du nouveau missile Bulava semble par exemple se heurter à des difficultés techniques récurrentes.

Le Royaume-Uni a annoncé vouloir étudier la réduction de sa force océanique, décidant de passer de quatre à trois sous-marins lanceurs d’engins. Pour autant, il ne semble pas que ce choix s’accompagne d’une réduction du nombre de têtes disponibles. Par ailleurs, il faut analyser cette position au vu de l’appui que les États-Unis peuvent apporter au Royaume-Uni, en raison de leur collaboration étroite en matière nucléaire.

La Chine manifeste sa volonté d’accéder à une capacité de frappe en second, c’est-à-dire qu’elle veut se doter d’une force océanique stratégique. Ses missiles mer-sol n’ayant pour le moment qu’une portée réduite (environ 1 800 kilomètres), il lui faut d’abord se doter de missiles intercontinentaux d’une portée d’environ 8 000 kilomètres. Ce pays pourrait disposer de cinq à six sous-marins lanceurs d’engins d’ici à 2025.

Parmi les États dotés mais non reconnus comme tels par le TNP, on retiendra l’exemple de l’Inde. Comme la Chine, l’Inde veut s’imposer comme une nation nucléaire de premier plan et fait donc des efforts financiers conséquents pour arriver à ses fins. Elle souffre toutefois d’handicaps plus importants que la Chine puisque ses missiles mer-sol n’ont pour le moment qu’une portée d’environ 700 kilomètres et qu’elle vient tout juste de mettre en service son premier sous-marin nucléaire. Pour autant, il est actuellement crédible de penser que l’Inde disposera d’une force sous-marine permanente d’ici à 2025.

La situation de la Corée du Nord est relativement confuse faute d’informations précises. Le dernier essai semble avoir été identifié comme une explosion de l’ordre de deux à trois kilotonnes, mais sans qu’il soit possible d’apprécier la réalité, la réussite et l’intérêt de ce test.

Quant à l’Iran, il apparaît clairement que le pays viole ses obligations internationales, au point que le Président de la République a estimé qu’il faut avoir « le courage d’affirmer des sanctions […] contre des pays qui violent les résolutions du Conseil de Sécurité », de façon à donner « de la crédibilité à notre engagement pour un monde avec à l’avenir moins d’armes nucléaires et peut-être, un jour, sans arme nucléaire » (9). Le haut représentant de l’Union européenne, Javier Solana, accompagné des directeurs politiques des Six (10), a rencontré le 1er octobre dernier à Genève le négociateur iranien. Cette réunion a permis de s’entendre sur trois points :

– l’Iran a indiqué son intention de coopérer pleinement avec l’AIEA sur le site de Qom avec une inspection de l’AIEA sur place à brève échéance ;

– l’uranium faiblement enrichi en Iran serait exporté en dehors de ce pays, pour y être enrichi et transformé en combustible destiné au réacteur de recherche de Téhéran sous le contrôle et les garanties de l’AIEA ;

– une nouvelle réunion consacrée au programme nucléaire iranien entre l’Iran et les six se tiendra prochainement.

Les négociations sont toujours en cause, achoppant sur la question du nucléaire civil. Les stipulations du TNP ne définissant pas de façon suffisamment restrictive ce qui relève du nucléaire civil, les Six peinent à parvenir à un accord avec l’Iran sur ce dossier (11). Chaque partie défend en effet une lecture différente du traité. Toutefois, ces avancées sont positives même s’il faut rester extrêmement vigilant sur l’évolution de ce dossier qui peut facilement déstabiliser l’équilibre international mis en place depuis près de 25 ans.

Dans un contexte international mouvant, la France dispose d’un outil dissuasif solide dont la crédibilité repose sur trois piliers :

– la volonté politique avec une doctrine définie directement par le Président de la République, légitimant l’ensemble des actions militaires et diplomatiques des différents services ; les Britanniques souffrent dans ce domaine d’un déficit de ligne de conduite de la part des plus hautes instances politiques;

– la crédibilité technique, la France ayant préservé son expertise dans tous les domaines, y compris dans la production industrielle de sous-marins, ce qui implique un effort budgétaire constant ;

– la crédibilité opérationnelle garantie par la formation et l’entraînement des unités qui participent en outre à de nombreux exercices.

La France consacre par ailleurs un budget conséquent à sa dissuasion comme le montre le graphique suivant.

Évolution des crédits de paiement consacrés à la dissuasion

(en milliers d’euros)

Source : ministère de la défense.

Il apparaît que les crédits de la dissuasion se maintiennent à un niveau élevé, représentant encore 21 % du budget total d’équipement de la défense. Le tableau ci-après détaille l’organisation et les crédits consacrés à la dissuasion en 2009 et 2010.

L’organisation et le poids budgétaire de la dissuasion en 2009 et 2010

(en millions d’euros)

Programme

Action

Sous-action

Libellé

AE

CP

Évolution

2009

2010

2009

2010

AE

CP

144

2

Prospective des systèmes de forces

2,7

2,9

2,7

2,9

7,4%

7,4%

4

42

Études amont nucléaire

104,3

100,5

77,0

94,4

-3,6%

22,6%

43

Études amont autres

 

65,0

 

59,7

nc

nc

Total programme 144 - Environnement et prospective de la politique de défense

107,0

168,4

79,7

157,0

57,4%

97,0%

146

6

13

SNLE-NG

110,7

33,2

304,7

117,3

-70,0%

-61,5%

14

M51

848,2

409,8

748,5

685,5

-51,7%

-8,4%

15

Adaptation des SNLE-NG au M51

235,4

231,5

151,6

164,1

-1,7%

8,2%

16

Mirage 2000N K3

36,7

25,1

46,1

47,2

-31,6%

2,4%

17

ASMP-A

100,2

44,1

273,0

210,7

-56,0%

-22,8%

18

Simulation

544,2

636,1

527,4

585,5

16,9%

11,0%

19

Autres opérations

505,5

462,0

591,1

501,9

-8,6%

-15,1%

22

Soutien et mise en œuvre des forces toutes opérations

334,9

1 025,4

559,5

542,3

206,2%

-3,1%

23

Crédibilité technique de la posture toutes opérations

248,9

207,4

155,3

197,1

-16,7%

26,9%

7

28

Commander et conduire - autres opérations

0,0

0,0

1,8

0,9

nc

-50,0%

9

59

Frapper à distance - Rafale

0,0

0,0

9,3

0,0

nc

-100,0%

Total programme 146 - Équipement des forces

2 964,7

3 074,6

3 368,3

3 052,5

3,7%

-9,4%

178

1

12

Posture de dissuasion nucléaire

3,9

4,3

3,9

4,3

10,0%

10,0%

3

49

Soutien de la force sous-marine

293,1

338,3

204,1

170,0

15,4%

-16,7%

4

62

Activité des forces aériennes stratégiques

120,2

102,8

100,4

98,1

-14,5%

-2,3%

Total programme 178 - Préparation et emploi des forces

417,2

445,4

308,4

272,4

6,8%

-11,7%

212

1

10

Direction et pilotage

3,2

3,8

3,6

3,8

18,8%

5,6%

4

2

Infrastructure

70,3

65,3

69,5

65,3

-7,1%

-6,0%

Total programme 212 - Soutien de la politique de défense

73,5

69,1

73,1

69,1

-6,0%

-5,5%

TOTAL DISSUASION NUCLÉAIRE

3 562,4

3 757,5

3 829,5

3 551,0

5,5%

-7,3%

Source : PAP 2010 et ministère de la défense.

Les CP enregistrent une légère baisse, essentiellement parce que certains programmes d’équipement arrivent à leur terme comme par exemple l’ASMP-A. Il convient par ailleurs de noter que les ressources des études amont comptabilisées au titre de la dissuasion progressent nettement, passant de 77 millions d’euros en 2009 à 154 millions d’euros en 2010.

Les AE progressent de 5,5 %, la hausse se concentrant sur les opérations de soutien. La mise en service du M51 et de l’ASMP-A nécessite en effet de développer les chaînes logistiques adaptées. Par ailleurs, pour responsabiliser les industriels, les contrats de soutien deviennent de plus en plus pluriannuels, ce qui explique ce pic d’engagement d’AE en 2010.

Pour maintenir notre crédibilité, il faut que la France soit en mesure de pallier l’arrêt des essais par une capacité de simulation qui repose aujourd’hui sur des modèles, alimentés par le résultat des essais nucléaires passés, des études scientifiques complémentaires ainsi que la mise en œuvre de trois installations importantes :

– le laser mégajoule (LMJ) permettra de valider le fonctionnement thermo-nucléaire des armes ; les premières expériences sont toujours prévues en 2014 et seront suivies d’une montée en énergie progressive ;

– la machine radiographique Airix pour les amorces fissiles ;

– des calculateurs extrêmement puissants qui peuvent reconstituer en trois dimensions le déroulement d’une explosion.

L’ensemble de ces travaux, dont les expérimentations menées sur le laser mégajoule, participe en outre au transfert de connaissances des anciens concepteurs d’armes formés sur les essais réels vers la nouvelle génération de concepteurs.

Outre ces outils de pointe, la France doit maintenir sa capacité d’innovation afin de conserver son avance. Le délégué général pour l’armement soulignait en effet lors de son audition devant la commission (12) que seule notre capacité d’innovation nous permettra de faire face à la concurrence naturelle de nouveaux pays.

La France a engagé un programme de modernisation de ses composantes océaniques et aériennes. L’entrée en service du SNLE Le Terrible est conforme aux prévisions ; il faut désormais s’assurer que les trois autres SNLE-NG seront modernisés dans les délais pour accueillir le M51 lors de leurs prochaines IPER. Pour ce qui concerne les forces aériennes stratégiques (FAS), il n’y a aucune difficulté pour les avions de chasse. Toutefois, la baisse du nombre de têtes ne saurait être poursuivie, sauf à remettre en cause la composante aéroportée et la souplesse de réaction apportée par cette composante. Cette mesure serait d’autant plus délicate qu’elle ne dégagerait que des économies très modestes.

Le problème majeur concerne les ravitailleurs, aujourd’hui en fin de vie. Ces appareils sont déterminants puisqu’ils augmentent le rayon d’action des chasseurs. Lors des exercices internationaux, ce sont d’ailleurs ces équipements qui sont les plus recherchés, peu de pays pouvant les mettre à la disposition de coalitions. Pour que la France conserve sa place, il apparaît donc urgent soit de remplacer les appareils existants, soit de trouver des solutions intermédiaires, étant entendu que les contraintes de disponibilité et de réactivité imposées aux FAS ne sauraient se satisfaire de clauses ordinaires.

À la suite des annonces successives de retards et compte tenu des inquiétudes manifestées par les armées devant le déficit capacitaire en matière de transport tactique, le rapporteur a souhaité revenir précisément sur le programme A400M en adressant des questions spécifiques au ministère.

Question n° 030 : Programme A400M. a) Faire le point détaillé sur l’état d’avancement du programme en rappelant le calendrier initial. ; b) Justifier les éventuels retard à toutes les étapes du projet. Préciser le montant des pénalités encourues par l’industriel pour chacun des retards constatés ou envisagés.

Réponse :

a) Le programme A400M a franchi un jalon majeur en juin 2008 avec le roulage du premier aéronef assemblé à Séville. Fin 2008, le moteur TP400 effectuait ses premiers essais en vol à bord d’un avion banc d’essais. Confronté, entre autres, à des défis techniques importants, dont le développement d’un turbopropulseur de 11 000 chevaux et de son logiciel de gestion numérique (FADEC), le programme accuse un retard conséquent. Le premier vol de l’A400M, initialement prévu en 2008, interviendra désormais au plus tôt fin 2009 et la première livraison à la France avec de l’ordre de trois ans de retard (fin 2012 au plus tôt(1).

b) Les retards du programme sont essentiellement dus à une sous-estimation, par le maître d’œuvre, de la complexité du projet. Par ailleurs, le maître d’œuvre a eu du mal à mettre en place une organisation industrielle efficace, au sein même du groupe EADS, et n’a sans doute pas toujours su maîtriser ses sous-traitants et fournisseurs. Par ailleurs le choix par EADS d’opter pour un processus de certification civile, à l’identique de ce qu’AIRBUS réalise pour ses productions d’avions de ligne, a grandement pénalisé le programme.

Le retard excessif de franchissement de certains jalons du programme autorise les États partenaires à appliquer des mesures financières. En particulier, des Liquidated damages peuvent être exigés, suivant le droit britannique. Cette forme de « pénalités » est réputée refléter le préjudice financier subi par le client en raison du retard et reste dans le cas présent, limitée.

Si le chiffre de 5,7 milliards d’euros d’avances consenties à l’industriel a été évoqué comme montant des pénalités encourues, celui-ci a demandé une renégociation du contrat avec notamment la non application des pénalités prévues.

A l’issue d’un moratoire de 3 mois(2), accepté par les États engagés dans le programme et Airbus Military, période(3) durant laquelle les paiements anticipés sur la production ont été partiellement suspendus(4) et les droits des nations à appliquer l’ensemble des clauses du contrat ont été préservés. Dans le cadre d’un nouveau moratoire, une renégociation globale du contrat a été engagée entre les nations et l’industriel, avec la volonté d’aboutir à la fin de l’année 2009.

(1) Source EADS

(2) du 1er avril au 30 juin 2009

(3) Accord signé le 20 avril 2009

(4) À l’issue de ce moratoire, ces paiements seront libérés au profit de l’industriel.

Pour aller au-delà de ces éléments, il s’est rendu en Espagne sur les sites d’assemblage de l’appareil ; il y a rencontré les responsables d’EADS en charge du projet, ses homologues de la chambre des députés ainsi que les industriels espagnols impliqués dans la production.

Le rapport sénatorial de Jean-Pierre Masseret et Jacques Gautier (13) retrace très précisément la genèse du programme. Le rapporteur souhaite pour sa part insister sur quelques éléments qui montrent bien que le programme souffre depuis le départ d’un nombre conséquent d’ambiguïtés voire d’incongruités.

Au moment où émerge un besoin commun pour un avion de transport militaire, remplaçant annoncé des Transall, les États partenaires (Allemagne, France, Royaume-Uni, Espagne, Turquie, Belgique et Portugal) décident de développer ce projet en commun, aucun d’entre eux n’ayant les moyens de le faire isolément. Les travaux menés entre 1985 et 1997 permettent de définir assez précisément les besoins, mais sans qu’aucune étude amont valable ne soit réalisée. Contrairement à la plupart des programmes d’armement, aucune phase de développements préparatoires financée par les États n’a été réalisée.

Le programme est en effet conçu comme un programme commercial, c'est-à-dire que les États confient à l’industriel l’ensemble des charges de conception, de développement et de production. Ils s’engagent simplement à acheter un nombre déterminé d’appareils. Les États estiment qu’un fabricant d’avions civils comme Airbus est en mesure de répondre à ces exigences, mais sans que le défi technologique que cela représente ait été véritablement évalué, faute d’étude amont.

La signature de l’accord de principe en 1997 ouvre la porte des négociations industrielles, techniques et financières. Le premier dérapage conséquent intervient alors puisque l’Italie décide de se retirer du programme, ce qui implique une rédéfinition de l’équilibre industriel. Dans le même temps, l’Allemagne pose de nouvelles conditions financières doublées de nouvelles exigences techniques. Pour ne pas renoncer à ce projet, dont la réalisation est devenue urgente, les États parties acceptent alors de signer un compromis improbable.

Les spécifications techniques imposées à l’appareil apparaissent rapidement incompatibles entre elles et surtout irréalisables dans le délai imparti. Trois exemples illustrent parfaitement cette difficulté : la certification par des organismes civils, le moteur et les logiciels de bord.

• Pour être autorisé à voler, tout appareil doit obtenir une certification délivrée soit par une instance internationale soit par une autorité nationale. Les appareils civils européens sont généralement certifiés par l’agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), ce qui évite de repasser par la procédure propre à chaque État. Il n’existe pas d’équivalent européen pour les appareils militaires, chaque État ayant sa propre structure qui applique les normes retenues par les armées en fonction de leurs besoins opérationnels. Pour globaliser les opérations de certification, il a été décidé que l’A400M serait certifié par l’EASA, c'est-à-dire selon des normes civiles alors qu’il s’agit d’un appareil militaire. Or les exigences de l’EASA sont difficilement compatibles avec des contraintes opérationnelles.

L’Allemagne a par exemple souhaité que l’A400M soit équipé du même système de guidage automatique que celui qui équipe les missiles. Ce système très performant va permettre à l’appareil de voler à grande vitesse à basse altitude en conditions de vol sans visibilité grâce à un guidage par GPS et à une cartographie très précise des reliefs. Cependant, le guidage par GPS peut être brouillé ou indisponible, et dans ce cas il faut déterminer la position de l’avion par corrélation par rapport à une base de donnée numérique du relief. La fiabilité de ce positionnement ne pas être garantie au niveau requis par la certification civile. Faut-il alors renoncer à ce système pour obtenir la certification ? En d’autres termes, faut-il que les exigences opérationnelles soient revues à la baisse pour satisfaire aux exigences civiles de certification ? L’A400M est-il un appareil militaire ou un avion civil ?

Les réponses transmises par le ministère rejettent la responsabilité de l’incohérence de la certification sur l’industriel. La situation n’est pas aussi simple. Le rapporteur souhaite souligner les conditions difficiles dans lesquelles le programme a été négocié, le nombre de spécifications opérationnelles ajoutées après le choix de la certification civile, autant d'éléments subis et non décidés par l'industriel, imputables aux décideurs publics.

• Quant au moteur, il résume parfaitement les aléas du programme. À l’origine, Airbus envisage d’acheter le moteur à un fabricant canadien mais se heurte à une opposition formelle des États qui veulent que toutes les composantes de l’appareil soient fabriquées en Europe. En 2005, il a donc fallu modifier l’architecture industrielle et confier le moteur à un consortium baptisé EPI qui rassemble le français Snecma, le britannique Rolls Royce, l’allemand MTU et l’espagnol ITP. Or, au sein du consortium, la répartition des tâches obéit non à une logique industrielle consistant à s’appuyer sur les compétences existantes, mais à une contrainte politique, chaque État voulant bénéficier d’un retour industriel important.

Il convient par ailleurs de rappeler que le moteur de l’A400M est le plus puissant jamais conçu en Occident pour un turbopropulseur avec quatre moteurs de 11 000 chevaux chacun, soit un total de 44 000 chevaux. Faute de disposer d’un retour d’expérience, il est impossible d’assurer à l’avance que l’appareil arrivera effectivement à atteindre la vitesse de 0,76 Mach en croisière (0,82 Mach en pointe) comme cela est prévu. Il a en outre fallu concevoir la carlingue de telle sorte qu’elle puisse absorber cette puissance sans détérioration au décollage. La question de la puissance est d’autant plus importante que la multiplication des spécificités a progressivement alourdi l’appareil, ce qui pourrait impacter ses capacités finales. Seul le vol réel pourra confirmer les calculs et les simulations.

• Le développement et la conception du logiciel central ont subi le même type de problèmes puisque le spécialiste américain Smith n’a pas répondu à l’appel d’offre en raison des limitations américaines à l’exportation. C’est donc Thales qui a été sélectionné bien qu’il ne dispose pas de la même expertise en la matière. De ce fait, le développement a été beaucoup plus long et incertain, Thales ayant une expérience limitée dans ce domaine.

Ces trois exemples révèlent des incohérences technologiques et industrielles majeures qui ne sauraient être imputées aux seuls industriels. Ces modifications sont d’autant plus lourdes de conséquences que les États ont refusé que les termes du contrat initial puissent être rediscutés : tous les changements se donc faits sans inflexion ni du calendrier ni du montant global du contrat.

Les difficultés industrielles et technologiques ont été aggravées par des difficultés de gouvernance du programme : ni les organisations étatiques ni les industriels n’ont été en mesure de prendre à temps les mesures nécessaires.

• Sur le plan industriel, l’exemple du consortium EPI est révélateur : la responsabilité du développement et de la production du moteur ont été confiés à EPI qui sous-traite les travaux à ses actionnaires (RR, SAFRAN, ITP, MTU) sans avoir l’autorité ni la visibilité pour les diriger efficacement. En particulier, EPI s’est révélé incapable de faire face à MTU à qui a été confié le développement du logiciel de la régulation du moteur en dépit de son inexpérience en la matière. Les autres actionnaires lui sont venus en aide tardivement et le problème semble désormais résolu, mais il a fallu attendre la non-livraison ou l’échec des tests pour prendre conscience de ce retard, le maître d’œuvre n’ayant aucune visibilité sur le calendrier des sous-traitants.

• Sur le plan institutionnel, les États ont choisi de confier la gestion du contrat commercial à l’OCCAR ; c'est-à-dire que les clients ont renoncé à avoir un contrat direct avec l’industriel. Ce dernier n’a pas pu négocier des modifications de spécifications contractuelles directement avec les utilisateurs, l’OCCAR faisant écran. Ce mode de fonctionnement pose problème pour un programme militaire où le dialogue doit être permanent entre l’utilisateur final et l’industriel. Cette situation aurait néanmoins pu être supportable si l’OCCAR disposait de l’autorité suffisante pour accepter ou non des évolutions du programme. Or, elle a été cantonnée à un simple rôle d’exécuteur des clauses contractuelles, sans jamais pouvoir s’en écarter. Même si en cours de développement, il apparaissait que deux clauses étaient évidemment incompatibles et que tout le monde s’accordait informellement, l’OCCAR était tenue d’exiger la réalisation des deux. Cette situation ubuesque impose de clarifier définitivement le rôle et les pouvoirs de l’OCCAR : les États acceptent-ils de lui déléguer leurs pouvoirs ou souhaitent-ils conserver la main sur les évolutions des programmes ? Dans le premier cas, il pourrait être possible de redonner compétence pleine et entière à l’OCCAR pour piloter un programme, dans le second cas, l’agence devra se contenter d’assurer un suivi administratif et contractuel, en retrait des représentants nationaux.

L’ensemble des difficultés a conduit la direction d’EADS a annoncer un retard d’au moins trois ans, le premier vol devant intervenir avant la fin de l’année 2009 et la première livraison à la fin de l’année 2012 ou au début de 2013 Pour autant, il ressort des entretiens menés par le rapporteur que la situation est désormais maîtrisée et permet d’envisager avec sérénité l’avenir du programme, sous réserve d’un accord financier entre les parties.

Sur le plan technique, les incertitudes sur les logiciels sont en passe d’être résolues, ce qui reste à confirmer avec les livraisons de logiciel attendues en octobre, une fois qu’elles auront passé avec succès tous les tests d’aptitude. Une fois le logiciel validé, le moteur devrait être pleinement opérationnel.

Sur le plan de la gouvernance, EADS a modifié fortement ses structures et a mis en place une équipe solide, dotée des pouvoirs adéquats. Le délégué général pour l’armement a d’ailleurs relevé que cette nouvelle équipe est « rodée à nos méthodes de conduite de programmes d’armement » (14). Le rapporteur tient néanmoins à déplorer que cette réorganisation ait été présentée à tort comme résultant de l’échec espagnol dans la conduite du programme. L’Espagne a montré sur ce programme sa fiabilité, tant sur le plan industriel qu’institutionnel. Il serait injuste de lui faire porter la responsabilité d’un ensemble de dérapages ; la responsabilité est bien collective.

Il convient toutefois de rester très prudent sur l’avancement du programme. Une fois le premier vol réalisé, il faudra s’assurer que la chaîne de production sera en mesure de respecter le calendrier et de produire des appareils sûrs, sans renouveler les difficultés de développement des premiers matériels.

Malgré des éléments très positifs, les États et les industriels doivent désormais trouver un terrain d’entente sur le plan financier, le contrat actuel ne pouvant pas être poursuivi en l’état.

Fin juillet, les ministres de la défense des États partenaires ont décidé d’une nouvelle phase de négociation avec Airbus Military. S’étendant jusqu’à la fin de l’année, elle est couverte par un moratoire, afin de préserver les droits contractuels des États. Le Royaume-Uni a déjà envisagé, dans le cas où le coût du programme devrait augmenter, d’étaler ses livraisons ou de réduire sa cible. Cette dernière solution ne peut cependant pas se généraliser, sauf à remettre en question tout l’équilibre industriel du programme.

Airbus Military indique avoir engagé 3,3 milliards d’euros de plus que ce que le contrat prévoit. Cette donnée doit être vérifiée et si elle est confirmée, il appartiendra aux partenaires de décider, avec responsabilité et mesure, d’éventuelles mesures compensatrices.

Interrogée sur l’éventuel abandon du programme, la direction générale pour l’armement, indique que « cette solution n’est pas l’hypothèse privilégiée ». Elle relève toutefois que « si les négociations avec le maître d’œuvre devaient échouer, l’abandon du programme aurait les conséquences suivantes :

– l’industriel devrait rembourser les sommes déjà perçues ; il est probable toutefois que l’industriel engagerait un contentieux ;

– l’A400M étant à ce jour le seul avion doté à la fois de capacités stratégiques et tactiques, son remplacement en cas d’arrêt du programme passerait vraisemblablement par une solution mixte reposant à la fois sur des avions tactiques et des avions stratégiques.

Il est probable que les solutions alternatives possibles ne permettent pas, dans un financement raisonnable, d’atteindre 100 % du contrat opérationnel stratégique » (15).

Dans l’intervalle, le ministère a décidé de poursuivre la location d’heures de vols avec le contrat SALIS, de prolonger la durée de vie des Transall jusqu’en 2018 et d’acheter huit CASA 235.

Outre ces voies, d’autres solutions éventuelles ont été étudiées ou continuent à l’être :

– avancement du programme MRTT (prévu pour 2015) ;

– achat ou location d’A330 en version cargo en anticipation du programme MRTT ;

– achat ou la location de cargos légers supplémentaires ;

– entrée de la France dans le consortium OTAN SAC (Strategic Airlift Capability), ce qui lui donnerait accès à des C17.

D’autres mesures, comme l’acquisition de C17 (via l’US Air Force), ou l’acquisition de C-130J auprès de Lockheed Martin sont également possibles mais nécessiteraient des financements beaucoup plus importants.

La situation des appareils de transport est d’autant plus préoccupante que les ravitailleurs des forces sont dans une situation tout aussi délicate. Alors qu’ils conditionnent notamment le rayon d’action des FAS, leur remplacement n’est toujours pas décidé. Le ministère envisage en effet d’acheter des avions multirôles de transport et de ravitaillement en vol (MRTT pour Multi-Role Transport Tanker), mais sans que le mode d’acquisition n’ait été défini.

En attendant que la décision soit validée par le comité ministériel d’investissement, il est urgent de maintenir la capacité de ravitaillement et de fret. EADS a proposé au ministère de louer trois MRRT A330 assurant à la fois des missions de ravitaillement et des missions de transport de marchandises ou de fret. À l’issue des huit années de location pendant lesquelles l’entreprise prend à sa charge tous les frais de maintenance, l’État pourra acquérir les appareils à leur prix résiduel. Cette solution apparaît comme un compromis de bon sens, d’autant qu’elle ne représenterait qu’un effort de l’ordre de 40 à 50 millions d’euros par an.

Le NH 90 est un hélicoptère de 10 tonnes de transport tactique et de lutte anti-sous-marine. Programme mené dans le cadre de l’OTAN, le NH90 est produit par le consortium, NHIndustries, réunissant Eurocopter (62,5 %), Agusta Westland (32 %) et Stork Fokker (5,5 %). L’organisation du consortium surprend dans la mesure où il associe deux concurrents traditionnels à la fois sur les marchés civils et les marchés militaires. Si le programme NH 90 donne de bons résultats, Augusta Westland en tire profit ; à l’inverse en cas de retard, les États se tournent naturellement vers les seuls hélicoptères équivalents sur le marché européen, c’est-à-dire ceux d’Augusta Westland.

Question : Fournir une note détaillée pour le NH90.

Réponse : Le développement du programme NH90 a été lancé en 1992. La production a été lancée en 2000.

Coût global estimé du programme

Le coût global estimé du programme est de 7 636,4 millions d’euros CE01.08, soit 952,3 millions d’euros pour la part développement et 6 683,4 millions d’euros pour la part production, pour une cible totale de 27 NFH(1) et 133 TTH(2) pour la France.

Coopération et export

Les perspectives d’exportation sont au moins égales aux commandes prévues par les États participants au programme (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Belgique), soit au total plus de 600 machines commandées.

Commandes des pays participants:

France avec une commande de 27 NFH et 133 TTH

Allemagne avec une commande de 122 TTH affermie (+ 12 optionnels) et décalage de la commande de 30 NFH de 2007 à 2010.

Italie : 71 TTH + 46 NFH ;

Pays-Bas : 20 NFH ;

Portugal : 10 TTH ;

Belgique : 6 TTH (dont 2 options) + 4 NFH ;

Perspective d’exportations :

Suède : 13 TTH + 5 NFH (plus 7 NFH en option) ;

Norvège : 14 NFH (mais a renoncé à 10 options) ;

Finlande : 20 TTH ;

Grèce : 28 TTH (plus 6 en option) ;

Sultanat d’Oman : 20 TTH ;

Australie : 46 MRH90 (plus 12 options) ;

Nouvelle-Zélande : 9 TTH  ;

Espagne : 45 TTH.

D’autres pays ont montré un intérêt pour cet hélicoptère, notamment l’Arabie Saoudite, le Qatar et le Japon.

Actualité du programme

Les principaux faits marquants récents sont :

– l’affermissement de la tranche de 22 TTH le 23 décembre 2008,

– accord réciproque pour limiter la cadence de livraison à 8 TTH / an conformément à la loi de programmation militaire, dont la notification reste à faire ;

– la livraison à l’Allemagne en mai 2009 du premier TTH en configuration intermédiaire, dite IOC+ ;

– l’achèvement de la revue critique de définition du TTH français ;

– l’achèvement des essais de qualification de la version intermédiaire (MOC) du NFH ;

– la poursuite des travaux de qualification de la version finale (FOC) du TTH et de la version intermédiaire (MOC) du NFH ;

– la notification du contrat de formation pour les équipages et les mécaniciens de la marine, ainsi que l’avancée d’une partie des formations de l’armée de terre ;

– la poursuite de la mise en place du soutien initial.

(1) NFH (Nato Frigate Helicopter) : version navalisée du NH90.

(2) TTH (Tactical transport Helicopter) : version terrestre du NH90.

Les chiffres du programme doivent être précisés : 529 NH 90 ont d’ores et déjà fait l’objet d’une commande ferme. Un doute persiste quant à la volonté française d’acquérir 133 NH 90 dans leur version terrestre. Contrairement à ce que laisse transparaître la réponse budgétaire, la France n’a passé qu’une commande ferme portant sur 34 TTH dans le cadre d’une commande globale de 68, comme le montre le tableau ci-après.

Livraisons et commandes des hélicoptères NH90

   

avant 2009

2009

2010

2011

2012

2013

2014

total LPM

après 2014

total

NFH (1)

commande

27

 

 

 

 

 

 

0

 

27

livraison

 

 

4

4

2

2

2

14

13

27

TTH (2)

commande

34

 

 

 

34

 

 

34

65

133

livraison

 

 

 

1

6

8

8

23

110

133

(1) version marine.

(2) version terrestre.

Source : ministère de la défense.

Pour les TTH, la commande a été réalisée en deux temps : 12 TTH en décembre 2007 et 22 hélicoptères le 23 décembre 2008. Pour atteindre la cible de 133, restent 65 appareils dont le statut est incertain.

On peut s’étonner de l’imprécision de la réponse au questionnaire budgétaire d’autant plus que le communiqué de presse mis en ligne par le ministère de la défense sur son site internet lors de l’annonce de la commande de décembre 2008 détaillait avec précision la réalité des commandes françaises. La presse a également fait de longs développements sur le sujet (16) .

Des interrogations ont également surgi concernant la version marine du NH90. Le décalage mentionné dans la réponse concernant l’Allemagne est en réalité un nouvel appel d’offres ouvert, remettant en question les cibles du programme.

Concernant la France, la réponse détonne par rapport aux critiques souvent fortes portées par la marine nationale à l’encontre du programme. Compte tenu de leur vétusté et des risques d’accident, la marine a décidé de retirer du service actif les Super Frelon. Pour autant, elle ne saurait abandonner ses missions de secours en mer et doit donc trouver des solutions palliatives dans l’attente du NH 90 NFH. Il est par exemple envisagé d’acquérir des appareils civils. Dans ce cas, il est plus que probable que la société Augusta Westland introduira un recours, considérant que cet achat déroge aux règles communautaires de concurrence. Aux termes de l’article 296 du traité de l’Union européenne (TUE), seuls les appareils militaires peuvent en effet déroger aux procédures ordinaires de mise en concurrence.

La location pourrait permettre de répondre au besoin. Le ministère de la défense a par exemple signé un contrat avec la société belge Noordzee helikopters vlaanderen (NHV) portant sur la location de deux hélicoptères Dauphin. Le partenaire fournit, outre le matériel, une prestation de maintenance directement sur la base aéronavale de Hyères. Le rapporteur ne dispose cependant d’aucun élément financier à ce sujet ; il n’est par ailleurs pas certain que le marché soit en mesure de proposer à la location les appareils dont les forces ont besoin.

Au final, un contraste saisissant apparaît entre les difficultés françaises et le succès à l’export du NH90 avec l’enregistrement de 300 commandes de plus que les prévisions initiales. À la fin du mois de juillet 2009, 29 NH 90 TTH avaient déjà été livrés à cinq pays, mais aucun à la France, le premier ne devant être livré qu’en 2011.

Ce programme est encore limité aux phases amont ; il n’apparaît donc pas dans la nomenclature budgétaire du programme. Pour autant, la réflexion sur ce sujet semble lentement prendre corps, le délégué général pour l’armement indiquant qu’il appartient à l’AED de proposer des solutions à ce sujet (17).

En janvier 2008, le rapport d’information sur l’aéromobilité (18) se montrait réservé sur le lancement d’un tel projet. Même s’il notait que les retards sur le programme NH 90 combinés aux incertitudes sur la durée de vie des Puma « pourraient justifier le recours à des hélicoptères lourds qui maintiendraient les capacités de transport et de projection des armées », il considérait «  préférable de concentrer les crédits disponibles sur les programmes existants. Par ailleurs, l’entrée en service de ce type d’appareil supposerait la mise en place concomitante d’une structure de soutien assez lourde et coûteuse. Elle contribuerait également à la spécialisation du parc alors que tous les éléments indiquent qu’il convient au contraire de privilégier la polyvalence des appareils. Dans la mesure où ces appareils assureraient certaines des missions qui auraient dû être confiées aux hélicoptères de manoeuvre, leur arrivée pourrait marquer une forme de renoncement de la France à voir ses NH 90 livrés dans les temps et pourrait conduire à terme à un abaissement de la commande d’hélicoptères de manoeuvre, ne faisant ainsi que repousser le problème ».

Le recours à l’hélicoptère lourd ne se conçoit qu’hors d’Europe sur des territoires où le recours à l’avion est impossible. Le besoin semble limité, le ministère l’estimant à 20 appareils. Le développement d’un programme strictement français apparaît dès lors industriellement et financièrement irréaliste. Des alliances ou achat sur étagère s’imposent.

C’est vers le partenaire traditionnel, l’Allemagne, que les autorités françaises se sont tournées. Or, la coopération apparaît déséquilibrée à plusieurs titres : l’Allemagne a une tradition ancienne et forte de recours à des hélicoptères lourds. Elle en compte aujourd’hui près d’une centaine en service quand la France n’en compte aucun. Les estimations de la coopération porte sur 100 appareils : 80 pour l’Allemagne et 20 pour la France. Si décision est prise de développer un appareil en coopération, notre pays ne pourra pas se permettre, comme pour le NH 90, d’avoir ses propres exigences techniques et opérationnelles, elle devra s’aligner sur les spécifications allemandes.

La France pourrait envisager une alliance avec les États-Unis, d’autant que le marché américain porte sur 250 appareils. Malheureusement les récentes alliances avec ce pays se sont révélées négatives comme le montre bien l’exemple britannique. Afin de moderniser ses Chinook (CH 47) produits par Boeing, le Royaume-Uni a passé un contrat avec Westland, son industriel national. Malheureusement, Boeing oppose son veto à tout vol de CH 47 rectifié, considérant que les modifications techniques exposent les équipages à un danger certain. L’entreprise exige de procéder elle-même à la remise à niveau de la flotte, ce qui représente une dépense de 600 millions de livres.

Le cas britannique montre bien que si le besoin opérationnel est avéré et qu’il n’est pas possible de développer une fabrication nationale, il faut s’assurer des conditions de la coopération et du choix du partenaire. L’accord doit être total et intégrer tous les coûts, y compris ceux de la maintenance à long terme, sauf à ce que la France se voit au final contrainte d’engager des sommes considérables pour maintenir ses parcs à niveau.

Question : Fournir une note détaillée sur les études de faisabilité d’un hélicoptère gros porteur européen et mettre en perspective avec l’A400M.

Réponse :

Besoin militaire : L’hélicoptère de transport lourd doit transporter des charges lourdes ou volumineuses (véhicules de combat en particulier) pour des zones d’opérations ou des missions inaccessibles aux avions de transport tactiques (zones escarpées sans pistes d’atterrissage, même sommaire, accompagnement des forces amphibies, etc.).

Un objectif d’état major a été émis en janvier 2006. La capacité d’emport envisagée en cabine est de l’ordre de 13 tonnes maximum à 1 000 km. L’objectif calendaire est de disposer d’une telle capacité à l’horizon 2020.

La France reste l’un des seuls pays européens à ne pas encore disposer d’une telle composante, les autres nations étant déjà équipées d’hélicoptères lourds américains type Chinook de Boeing (CH-47) pour le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Grèce, ou Sikorsky (CH-53) pour l’Allemagne.

Coopération : L’Allemagne envisage également à l’horizon 2020 une pérennisation de son parc d’hélicoptères lourds en service. Dans ce cadre, notre pays se coordonne avec elle sur les travaux d’étude et évalue conjointement aussi bien les solutions existantes comme le CH-47F « Chinook » de Boeing et le Mi-26T de MIL (Russie), que les projets envisagés comme le CH-53K de Sikorsky en cours de développement au profit de l’US Marine Corps (USMC).

Les deux nations ont confirmé leur volonté de coopérer pour un futur hélicoptère de transport lourd dans un stade de préparation confié à l’Agence européenne de défense (AED) et souhaitent ouvrir les travaux aux autres pays européens. Le steering board de l’AED a approuvé le lancement du stade de préparation le 18 mai dernier, sur la base du besoin militaire franco-allemand harmonisé.

Les cibles envisagées sont de 80 machines pour l’Allemagne (parc de taille comparable à celui de leurs CH-53 actuels) et de 20 machines pour la France.

L’OTAN recherche une capacité de transport par hélicoptère lourd à l’horizon 2015. Les travaux sont moins avancés que ceux lancés dans le cadre de l’AED. La France travaille donc afin que l’OTAN puisse adopter la solution développée dans le cadre de l’AED.

Industrie : Les industriels américains, Boeing et Sikorsky, et russe, MIL, disposent de compétences et de produits sur le segment des hélicoptères lourds. En première analyse, aucun de ces produits dans leur définition actuelle ne répond toutefois au besoin militaire franco-allemand. En Europe, ni Eurocopter, ni Agusta-Westland n’ont d’offres dans cette gamme de produit. Eurocopter se dit intéressé par le projet HTL et s’est rapproché de Boeing pour étudier le développement et la production d’un hélicoptère commun à l’horizon 2020.

L’absence de machine "sur étagère", l’étroitesse du marché mondial et le coût de développement de l’hélicoptère de transport lourd rendent très difficile l’émergence d’une solution européenne autonome. Une coopération industrielle et des compromis sur le besoin seront donc nécessaires.

Mise en perspective avec l’A400M et les autres avions de transport à capacité tactique

L’A400M est un avion de transport à capacités stratégique et tactique (transport intra-théâtre y compris en zones de menace), pour des charges allant jusqu’à 32 tonnes.

Dans ce cadre, l’hélicoptère de transport lourd constitue un moyen complémentaire à l’A400M, pour les zones et les missions inaccessibles aux avions. Le retour d’expérience des opérations en cours, particulièrement en zones montagneuses, montre l’intérêt de disposer d’hélicoptère de transport lourd pour assurer la continuité des flux logistiques et tactiques sur tous les théâtres d’opérations.

Trois équipements se distinguent au sein de l’action « Commandement et maîtrise de l’information » : Syracuse, Hélios II et SPOT. Le rapporteur s’est également intéressé au cas particulier des petits satellites.

L’article 29 du projet de loi de finances pour 2010 prévoit la cession de l’usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellites SYRACUSE, l’objectif étant de passer d’une logique d’acquisition de moyens à une logique d’acquisition de services. N’ayant pas usage de l’intégralité des capacités satellitaires, l’État privilégie donc le transfert de l’équipement à un opérateur privé et la location des systèmes, laissant à l’opérateur la liberté de louer le reliquat à d’autres clients. Le montant de la vente est estimé à 400 millions d’euros. EADS Astrium et Thalès Alenia Space se sont portés candidats au rachat. Sur le principe, ce mécanisme ne pose pas de difficulté mais il convient de veiller, dans la durée, à sa viabilité opérationnelle et à sa rentabilité.

Cette session à une entreprise privée est déjà à l’œuvre au Royaume-Uni avec les satellites Skynet, gérés par EADS Astrium qui fournit ainsi des communications sécurisées au ministère de la défense britannique.

Le programme Hélios II comprend la construction et la mise en orbite de deux satellites en orbite héliosynchrone quasi-polaire à 700 kilomètres d’altitude, la création d’un centre de mise et maintien à poste à Toulouse ainsi que la réalisation de la composante sol utilisateur avec des fonctions de programmation, de réception, de production et d’exploitation des images. Le premier satellite Hélios IIA a été mis en orbite en 2005 et Hélios IIB devrait être lancé avant la fin de l’année 2009, soit près d’un an après la date initialement prévue en raison d’une difficulté technique sur le lanceur. Le programme semble aujourd’hui stabilisé, la DGA travaillant activement à sa succession.

Le programme MUSIS (Multinational Spacebased Imaging System for Surveillance, Reconnaissance and Observation) devrait comprendre trois satellites optiques, un segment sol ainsi que des système électro-magnétiques. Des satellites radar pourraient compléter le système, leur nombre étant à définir avec nos partenaires. Le délégué général pour l’armement a marqué sa détermination à lancer le programme, même en l’absence de nos partenaires traditionnels. En effet, comme l’a montré le rapport sur la LPM, le moindre retard risque de générer un déficit capacitaire préoccupant. Après avoir engagé 37,5 millions d’euros pour MUSIS en 2009, la France va débloquer 90 millions d’euros en 2010. Les sommes restent relativement modestes par rapport à d’autres programmes, mais il ne faudrait pas que cela conduise à négliger ces équipements stratégiques et déterminants pour notre capacité d’action et de renseignement.

Le renouvellement de la flotte des satellites d’observation de la Terre SPOT devient de plus en plus sensible. Les images SPOT sont utilisées par la défense pour la préparation et conduite de missions mais aussi pour la cartographie intégrée dans les systèmes d’armes. Ces données sont utilisées par l’institut national géographique (IGN) pour un usage civil, mais elles ont aussi un usage militaire déterminant. Ces éléments sont par exemple précieux pour les pilotes qui opèrent actuellement en Afghanistan.

En 2012, le satellite SPOT 5 sera en fin de vie et son remplacement par SPOT 6 sera indispensable pour ne pas faire appel aux images satellites américaines. La loi de programmation militaire 2009-2014 est restée silencieuse sur ce point malgré l’impératif calendaire. Une réflexion doit être engagée sur ce point dans les meilleurs délais pour maintenir les capacités françaises et surtout éviter toute dépendance vis-à-vis de nos partenaires.

La capacité militaire spatiale française repose actuellement sur des gros satellites ou des constellations satellitaires de surveillance et de télécommunication, ces équipements permettant incontestablement des prouesses technologiques. Pourtant, ces systèmes sont relativement coûteux, ne serait-ce que parce qu’ils ont besoin d’un lanceur conséquent, et donc plus cher. Ils souffrent par ailleurs d’un risque d’obsolescence technologique relativement élevé compte tenu des délais entre le lancement du programme et la mise en orbite. Au final, les forces et services en charge de missions de sécurité doivent patienter avant de disposer des capacités spatiales dont ils ont pourtant un besoin pourtant urgent. Les satellites commerciaux peuvent pallier certaines lacunes capacitaires mais n’offrent pas toutes les garanties de disponibilité et de confidentialité.

Face à ce défi, certains pays ont fait le pari des petits satellites. Il s’agit non pas de miniaturiser les composants des gros satellites mais de concevoir des satellites à emport et donc à capacités limités. Les nanosats (moins de 10 kg) et les small microsats (moins de 80 kg) peuvent par exemple embarquer un plan focal d’appareil photo de 12,5 mégapixel permettant de réaliser des images avec une résolution d’environ 7 mètres. Ces petits satellites n’ont pas de valeur ajoutée technologique importante et leur durée de vie est limitée. Ils donnent en revanche une réactivité forte pour des missions urgentes à coût maîtrisé.

Plusieurs pays ont saisi l’intérêt de ce type d’équipement ; les États-Unis ambitionnent par exemple de lancer des « satellite plug and play » avec un délai d’une semaine. D’autres pays comme le Nigéria, le Maroc, l’Afrique du Sud ou la Malaisie,ont mis au point des micro-satellites placés en orbite grâce notamment aux lanceurs chinois.

L’Europe semble être en retard dans ce domaine. L’agence spatiale européenne essaie de sensibiliser ses États membres à cette problématique, convaincue que l’Europe ne peut pas ignorer cette niche capacitaire, d’autant que les industriels occupent d’ores et déjà le créneau. EADS Astrium a par exemple fait l’acquisition de la société britannique SSTL spécialisée dans les microsatellites, se dotant ainsi d’un outil souple et performant sur un secteur jusqu’ici ignoré. Reste à convaincre les États et leurs agences respectives, tant spatiales que militaires. Ceci passe par une véritable révolution culturelle dans les milieux de la recherche et du développement en matière spatiale.

La souplesse d’emploi que permettent les nanosats et microsats dépend toutefois d’une forte réactivité du lanceur. Ariane, Soyouz ou Titan ne répondent pas à cette exigence. Des avions de chasse pourraient mettre en orbite ces microsatellites, un micro lanceur aéroporté avec des capacités d’emport pour orbite basse allant jusqu’à 100 kilogrammes étant désormais envisageable. En France, Dassault Aviation évalue actuellement le potentiel du Rafale en la matière.

L’essentiel des programmes relèvent du champ de l’aéromobilité (cf. supra), à l’exception du bâtiment de projection et de commandement (BPC) et du porteur polyvalent terrestre (PPT).

L’année 2010 va consacrer le programme de modernisation des PPT qui assurent le ravitaillement logistique des forces sur les théâtres et le transport de personnels. Ils participent également à l’évacuation de véhicules immobilisés, à l’appui direct des forces (aide à la mobilité) et assurent la mobilité de certains systèmes d’armes. La conception de ce programme a été engagée en 2007, la réalisation étant prévue pour 2010. Pour mener à bien ce projet, le projet de loi de finances prévoit 194 millions d’euros en AE et 17,9 millions d’euros en CP. Ces crédits permettront de commander 200 camions en 2010 sur un montant total de 1 800, avec une livraison étalée entre 2011 et 2019.

Ces matériels ont bénéficié du plan de relance et de commandes en urgence opérationnelle pour renforcer leurs moyens de protection avec notamment le blindage de leurs cabines.

Actuellement, la marine nationale dispose de  deux bâtiments de projection et de commandement (BPC). Dans le cadre du plan de relance, un troisième navire a été commandé.

Question n° 35 : Fournir une note détaillée sur le troisième bâtiment de projection et de commandement. Préciser le dispositif industriel retenu.

Réponse :

1) Introduction

Le troisième bâtiment de projection et de commandement s’inscrit dans le cadre du plan de relance de l’économie décidé fin 2008. Ce troisième BPC est identique aux deux premiers, BPC Mistral et Tonnerre respectivement admis au service actif en 2006 et 2007, à l’exception de certains équipements remplacés pour raison d’obsolescence et de quelques évolutions techniques apportées après prise en compte du retour d’expérience en service des deux premiers.

2) Coût total du programme

Le coût total prévisionnel du programme est de 423 millions d’euros CF 2008. Il comprend le BPC entièrement équipé et sa logistique initiale.

3) Calendrier du programme

Notification du contrat de réalisation

16 avril 2009

Essais de bon fonctionnement

à partir de mai 2011

Réception

Mars 2012

Admission au service actif

courant 2012

4) Dispositif industriel retenu

La réalisation du bâtiment armé a été confiée au titre d’un marché en cotraitance à STX France (ex Chantiers de l’Atlantique), mandataire, et DCNS. STX France qui réalise la plateforme propulsée et installe le système de combat réalisé par DCNS. Le principal sous-traitant est Thales qui fournit à DCNS le système de communications intégré et le radar de veille 3D. Le bâtiment est entièrement réalisé et équipé à St Nazaire. Les essais de la plateforme propulsée seront effectués à St Nazaire et le système de combat sera mis en route et testé à Toulon avant livraison à la Marine.

5) Missions, performances et caractéristiques des BPC

Les BPC remplissent les missions suivantes :

• projeter des forces par voie aérienne ou maritime ;

• conduire des opérations de projection de forces par voie aéroportée et/ou maritime depuis un poste de commandement de niveau opératif embarqué (PC NOE) ;

• soutenir les forces déployées : santé, transport de fret et soutien aux populations civiles.

Caractéristiques techniques et militaires :

• Déplacement : 21 500 tonnes.

• Équipage : 160 personnes.

• Propulsion électrique par 2 propulseurs orientables en POD de 7 MW chacun.

• Pont d’envol : 6 spots, capacité hangar : de 10 à 16 hélicoptères.

• Emport de 4 chalands de transports de matériel ; accueil pour de longues périodes (jusqu’à 6 mois) de 450 combattants, de 60 véhicules blindés de l’armée de terre et des munitions associées.

• Installations de commandement : locaux, moyens informatiques et de communications permettant d’accueillir un poste de commandement de niveau opératif embarqué (PC NOE)

• Système d’armes : missiles antiaériens Mistral, canons de 30 mm, mitrailleuses 12,7 mm, Radars navigation et veille 3D, Liaisons de données tactiques L11, communications satellite SYRACUSE.

• Soutien santé : plateau technique de 900 m², 69 lits, 2 blocs opératoires, moyens d’imagerie et de télé-médecine.

6) Possibilités d’exportation

Les BPC détiennent un potentiel à l’exportation compte tenu de l’importance croissante des opérations amphibies et des missions de transport stratégique. La Russie, l’Afrique du Sud, la Malaisie et la Suède ont marqué leur intérêt pour ce type de bâtiments.

Le BPC est un bâtiment à la conjonction des missions de défense et de sécurité. Sa conception multimodale permet de remplir un large spectre de missions. Comme le précise la réponse ministérielle, son potentiel à l’exportation est réel. La Russie dont les chantiers navals ont vieilli, a manifesté un vif intérêt pour le BPC. Pour les chantiers navals français, cela conforterait un carnet de commandes extrêmement sensible à la conjoncture.

L’action « Engagement et combat » concentre 28,5 % des AE et 32,2 % des CP du programme. Quatre programmes représentent près de 63 % des CP de l’action : le Rafale, le VBCI, le SNA Barracuda et les FREMM. Le rapporteur a par ailleurs souhaité mettre l’accent sur six autres programmes moins consommateurs de crédits mais révélateurs soit de dysfonctionnements soit de réussites industrielles et opérationnelles.

En 2009, le ministère de la défense devait passer commande de la quatrième tranche du Rafale par le biais d’une commande globale de 60 appareils. Le contrat n’est pas encore signé à ce stade ; il importe qu’il soit effectivement conclu avant le 31 décembre car le report des AE risque d’être particulièrement difficile compte tenu des montants en jeu.

La LPM avait prévu un étalement du programme avec une réduction de cible de huit appareils, passant de 294 à 286 appareils. Sans revenir sur cette inflexion, le plan de relance a toutefois permis de ne pas procéder à l’étalement de livraisons prévu, ce qui se traduit par une augmentation des paiements en 2009 et 2010. Le ministère aura ainsi versé plus de 1,5 milliard d’euros en 2009 et devra payer 835 millions d’euros en 2010.

Le programme VBCI a été lancé en 2000 et les premières commandes passées en 2007. Il comprend deux versions : le véhicule de combat de l’infanterie (VBI) et le véhicule poste de commandement (VPC). Après des difficultés très importantes, le premier véhicule a été livré aux forces en juillet 2008. Le tableau suivant récapitule l’échéancier du programme avec le calendrier des commandes et des livraisons.

commandes et livraisons du VBCI

   

avant 2009

2009

2010

après 2010

total

VBI

commande

235

285

0

0

520

livraison

33

77

77

333

520

VPC

commande

63

47

0

0

110

livraison

8

19

22

61

110

source : PAP 2010.

Les premiers retours des unités dotés du VBCI sont très positifs et confirment les prospects à l’exportation. Ces matériels apparaissent parfaitement adaptés aux nouveaux engagements et donnent aux forces terrestres la souplesse et la sécurité dont elles ont besoin.

En 2010, le PLF prévoit 180 millions d’AE et 165 millions d’euros en CP pour d’une part couvrir les travaux de maîtrise technique et de soutien et d’autre part payer la livraison des véhicules précédemment commandés.

La FREMM est une frégate multi-mission construite en coopération avec l’Italie. Le 8 octobre 2009, le ministère de la défense a passé commande à DCNS de trois FREMM, portant le total à 11, respectant en cela les objectifs donnés par la loi de programmation militaire. Une première livraison est prévue en 2012.

Contrairement à ce qui avait été initialement annoncé, les deux dernières frégates seront des bâtiments de défense antiaérienne.

Pour que ce programme soit financièrement encadré, son exportation pour au moins six unités est indispensable. Le Maroc en a déjà acquis une et la Grèce envisage d’en acheter six autres.

La direction générale pour l’armement a établi une analyse scrupuleuse du programme qui montre que le coût unitaire moyen de production est désormais de 485 millions d’euros, soit une augmentation de 65 millions d’euros par rapport au coût initial. Cet écart de 14 % est dû, pour 3 %, à l’évolution de configuration des frégates, et pour 11 %, à la réduction de cadence de production.

Le programme Scorpion vise à assurer la mise en cohérence et l’interopérabilité des différents équipements de l’armée de terre. Il n’apparaît pas encore dans le budget, la décision de lancement devant intervenir seulement en fin d’année 2009. Même si le rapporteur adhère à la volonté d’intégration globale, il tient à ce que ce projet ne vienne pas en redondance des programmes existants. Il faudra bien insister sur la valeur ajoutée de Scorpion lors de son engagement budgétaire.

Question : Fournir une note détaillée sur le programme SCORPION, notamment en définissant avec précision le concept et les moyens financiers et humains qui y sont accordés. Préciser les programmes similaires menés par nos principaux alliés.

Réponse :

1. Point de situation du programme SCORPION

Les groupements tactiques interarmes (GTIA) constituent les unités du combat de contact, au cœur de l’engagement au sol. Assurant l’ossature des brigades interarmes, formés à partir des régiments de l’infanterie, de la cavalerie blindée, du génie ainsi que de détachements de l’artillerie, ils sont structurants pour les forces terrestres.

Leur capacité opérationnelle est déterminée par leurs moyens principaux de combat : plateformes, systèmes d’information et la qualité des équipements individuels. Cette transformation des unités capables d’opérer au contact constitue un enjeu majeur pour les armées. Elle est une des grandes priorités du Livre blanc.

SCORPION assurera le renouvellement des moyens des GTIA de manière cohérente et optimisera, sur les plans opérationnel, technique et financier, ce système de systèmes. Des gains capacitaires importants sont ainsi attendus en termes de protection, de mobilité, d’agression et de maintenance. Le programme de renouvellement des moyens de communications « CONTACT » et les évolutions du système d’information et de combat de SCORPION (SICS (19)) permettront également d’augmenter les échanges d’informations et les synergies entre combattants et systèmes. Techniquement, ceci impose que les moyens de combat et d’information soient d’emblée conçus dans cette perspective.

L’efficacité d’une plateforme ne sera désormais plus seulement jugée à l’aune de ses performances intrinsèques mais aussi en fonction de son aptitude à tirer profit des autres capacités du GTIA. Cet objectif fort qui dépasse la responsabilité du maître d’œuvre de chaque plateforme ne sera garanti que par une structure de gouvernance clairement identifiée et responsable. Elle assurera la conception d’ensemble et garantira ultérieurement la performance technique globale des GTIA.

Le programme incrémental SCORPION sera réalisé par étapes successives. Le stade de préparation de la première étape a été soutenu par les études amont et technico-opérationnelles BOA (bulle opérationnelle aéroterrestre) et Phoenix qui ont permis d’examiner les évolutions techniques et opérationnelles envisageables pour le combat de contact.

Le programme sera réalisé selon une démarche structurée par étapes et niveaux capacitaires :

Étape 1 (de 2010 à 2016) :

§ développement et réalisation du système d’information et de commandement SCORPION (SICS) ;

§ développement et réalisation du véhicule blindé multi-rôles (VBMR) porteur blindé successeur du VAB (20) ;

§ développement de l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) (réalisation en étape 2) ;

§ développement et réalisation du traitement des obsolescences du char LECLERC.

Étape 2 (à compter de 2016) :

§ réalisation de l’EBRC ;

§ réalisation de la rénovation du char LECLERC ;

§ développement et réalisation de FELIN V2, arme individuelle future, robots ;

§ intégration au sein du programme d’opérations en cours (VBCI (21), MMP (22), etc.).

Il est envisagé de commander dès 2010 les premiers travaux d’architecture.

Les évaluations financières sont en cours de finalisation pour présenter le dossier de lancement de la conception en CMI en décembre 2009 ; l’investissement nécessaire pour couvrir les besoins de ce programme sur la période 2010-2014 est estimé à 571 millions d’euros.

L’équipe de programme intégrée (DGA-EMA-armée de terre), d’une dizaine de personnes en 2009, en comprendra une vingtaine en 2010 pour conduire le stade de conception. Cette équipe participera aux travaux conduits par les équipes industrielles de l’architecte.

2. Éléments de comparaison avec nos alliés majeurs

Les pays ayant une approche intégrée de type « SCORPION » sont :

Les États-Unis avec le programme FCS (Future Combat System) qui est en cours de profonde redéfinition. Ce programme visait à délivrer de nouvelles « brigades multirôles » clé en main avec un maître d’œuvre d’ensemble unique. Les critiques ont porté sur la nécessité de pouvoir déployer les technologies FCS aux autres brigades existantes (lourde, infanterie et parachutiste) et sur le coût du maître d’œuvre d’ensemble (Boeing – SAIC). Les orientations actuellement prises visent à étendre les travaux d’infovalorisation conduits dans le cadre de FCS à l’ensemble des brigades de l’Army et à retarder le développement des nouveaux véhicules.

Le Royaume-Uni avec le programme BOWMAN pour la partie radio et système d’information et le programme FRES (Future Rapid Effect System) pour une famille de plateformes. La séparation des aspects systèmes d’information et plateformes limitant fortement l’intérêt de la démarche FRES, ce dernier programme a été fortement remis en question lors des derniers arbitrages financiers.

L’Italie qui a lancé son projet Forza NEC pour une première brigade multirôle. Forza NEC est organisée de manière incrémentale avec une structure industrielle de type « architecte intégrateur ». Elle est dans son concept assez proche de l’approche SCORPION. En dépit de systèmes existants différents, des discussions entre la France et l’Italie sont en cours pour identifier d’éventuelles synergies.

Il est à noter que l’Allemagne, pays pourtant important dans le domaine terrestre, n’a pas manifesté d’intérêt pour une démarche intégrée.

Le camion autotracteur équipé d’un système d’artillerie (Caesar) fournit des feux d’appui directs et indirects au combat en tirant des munitions de 155 mm à des portées pouvant atteindre 40 kilomètres. Le Caesar est en mesure d’être mis en batterie en moins d’une minute et de sortir de batterie en moins de deux minutes. Il peut par ailleurs tirer six coups en une minute. Ces capacités lui permettent d’intervenir et de détruire la cible avant que les forces ennemies n’aient le temps de répliquer pour faire cesser l’attaque.

Le programme a été lancé en 2004 avec un objectif de 77 équipements livrés avant la fin de l’année 2010 pour un budget total de 167 millions d’euros. Les premiers systèmes ont été engagés en Afghanistan et donnent des résultats extrêmement positifs, confirmant l’ensemble des spécifications.

L’engagement de trois hélicoptères Tigre en Afghanistan depuis l’été 2009 a permis de mesurer l’extraordinaire apport de cet appareil pour les forces. Il assure une protection et un appui remarquables, permettant aux hélicoptères de manœuvre d’intervenir dans un environnement beaucoup plus sécurisé.

Question n° 044 - a : Fournir une note détaillée pour le programme TIGRE. Préciser et justifier la procédure et les délais de mise en service opérationnel du TIGRE.

Réponse :

Avancement du programme : Les 12 derniers mois ont été marqués par les événements suivants :

- la qualification le 17 décembre 2008, pour la France, de la version finale du Tigre HAP (23) (standard 1) et, pour l’Allemagne, de la version finale (step 2/3) du Tigre UHT ;

- la poursuite des livraisons du Tigre HAP (20 hélicoptères livrés à la France au 15 juillet 2009), 9 machines déployées au 5e régiment d’hélicoptères de combat de Pau dont 4 en version standard 1 aptes à une projection en opération extérieure ;

- la poursuite à un rythme élevé des activités de montée en puissance du Tigre dans les forces (expérimentations technico-opérationnelles temps froid/temps chaud, expérimentations tactiques, campagne de tir Mistral, première campagne opérationnelle à bord du BPC Mistral, etc.) en prélude au premier déploiement opérationnel ; depuis la première livraison en mars 2005, plus de 5 000 heures de vol ont été réalisées par l’armée de terre, 2 000 heures de simulateur, 18 000 obus et 2 500 roquettes ont été tirés durant 20 campagnes de tir ;

- la poursuite de la mise en place du soutien, dans un contexte budgétaire contraint ;

- la poursuite du développement du Tigre HAD (24) ;

- qualification de l’AIA de Bordeaux en décembre 2008 pour effectuer les révisions et réparations NTI3 du moteur MTR 390-2C ;

- la signature du MoU trilatéral confiant à l’OCCAR, au nom de l’Espagne, l’Allemagne et de la France, les principales activités de soutien en service Tigre.

L’armée de terre a prononcé le 18 mai 2009 la première capacité opérationnelle du système d’armes Tigre, validant ainsi la capacité à projeter un premier module de 3 Tigre sur n’importe quel théâtre d’opération. Le premier module opérationnel de 3 Tigre a été projeté le 26 juillet 2009 sur le théâtre d’opération afghan où il donne entière satisfaction.

Coopération :

Le 21 février 2003, l’Allemagne a annoncé la limitation du nombre de ses appareils à 80 UH, confirmée, lors du comité directeur trilatéral le 5 octobre 2004.

Le 5 septembre 2003, l’Espagne a annoncé son intention d’acquérir 24 hélicoptères (6 HAP et 18 HAD, les 6 HAP devant être ultérieurement modifiés en HAD).

L’Allemagne et la France ont signé le 21 décembre 2006 un accord relatif au soutien en service de l’hélicoptère Tigre. Cet accord, d’une durée de 7 ans, a permis de confier à l’OCCAR un rôle central pour l’acquisition de rechanges, la révision et la réparation de l’hélicoptère.

L’Espagne a rejoint le 20 juillet 2009 la France et l’Allemagne au sein de cet accord, permettant ainsi à la division Tigre de l’OCCAR d’assurer ses responsabilités d’agence contractante pour le développement, la production en série, la mise en place du soutien initial et le soutien en service sur la totalité du périmètre technique qui lui a été confié par les nations.

Export : Un contrat d’acquisition pour 22 appareils a été signé avec l’Australie le 21 décembre 2001. Le Tigre a été exclu d’un appel d’offre turc en 2006 au profit de l’hélicoptère de combat A-129 fabriqué par l’italien Augusta. Des discussions préliminaires sont en cours avec plusieurs pays (Inde, Jordanie, etc.) ; le contexte économique mondial actuel ainsi que l’attente par les principaux prospects des premiers retours d’expérience du Tigre en opération ont pour conséquence d’allonger le traitement de ces dossiers.

Coût global estimé du programme : Le coût global estimé du programme est de 5 904,10 millions d’euros CE01.09, soit 1 836,6 millions d’euros pour la part développement et 4 067,5 millions d’euros pour la part production, pour une cible totale de 80 machines (40 HAP et 40 HAD pour la France).

Au-delà de ces éléments très encourageants, il convient de veiller au coût de MCO de cet appareil, son degré de sophistication augmentant en effet significativement le coût de l’heure de vol.

La France ayant renoncé à disposer d’une industrie nationale pour fabriquer ses munitions et ses armes de petits calibres, il a fallu procéder à des achats sur étagères à l’étranger. Pour autant, les forces sont toujours équipées des FAMAS qui ne sont pas nécessairement parfaitement compatibles avec les munitions ordinaires qui sont sur le marché. Avec le changement de fournisseur, il semble que le nombre d’incidents de tir a suffisamment augmenté pour que la DGA et les armées décident de lancer une expertise technique complète. Ces travaux ont pour objet d’une part de vérifier la compatibilité des munitions avec les armes en dotation et d’autre part de formuler des propositions d’amélioration pour éviter la reproduction des incidents.

Il convient de souligner que les FAMAS de l’équipement FELIN ne connaissent pas ces difficultés. Pour autant, ce problème montre qu’il faut rapidement que la France décide du remplacement de ses armes de petit calibre, soit en relançant une production nationale, étant entendu que les fabricants nationaux ont perdu l’essentiel de leur savoir-faire, soit en achetant sur étagère à l’étranger. Cette dernière solution a été retenue pour les forces spéciales sans que cela ne pose la moindre difficulté.

La dotation en parachutes de l’armée de terre a connu un incident majeur au cours de l’année dernière. Comme l’indique la réponse à la question écrite du rapporteur publiée en mars dernier, soucieux d’exemplarité en matière de développement durable, le ministère de la défense a décidé de recourir à des matériaux biodégradables, en l’occurrence l’amidon de maïs, pour les colliers autoserrant.

Question écrite n°44807, publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 24 mars 2009

M. François Cornut-Gentille appelle l’attention de M. le ministre de la défense sur la dotation en parachutes de l’armée de terre. Dans un souci de préservation de l’environnement, les nouveaux parachutes dont doit être équipée l’armée de terre, intègrent des composants biodégradables. Or, la fiabilité de ces composants s’est révélée faible par rapport aux exigences opérationnelles, obligeant l’armée de terre à revoir sa commande initiale et à faire appel à l’armée de l’air pour équiper ses hommes en parachutes. Afin d’éviter qu’un tel incident ne se reproduise, il lui demande de préciser le surcoût occasionné par l’introduction puis le retrait des composants biodégradables des parachutes de l’armée de terre et d’indiquer à quelle étape du développement du nouvel équipement la mauvaise qualité du composant a été repérée.

Réponse du Ministre de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 19 mai 2009

L’ensemble de parachutage individuel (EPI) équipant les militaires de l’armée de terre nécessite deux colliers pour le pliage du parachute. L’un sert à relier une sangle à ouverture automatique avec le parachute, l’autre permet de fermer le sac contenant la voile. Dans le cadre de la politique générale du ministère de la défense en matière de développement durable, il a été décidé d’utiliser à partir de 2008 un collier autoserrant, fabriqué à partir de matériaux biodégradables tels que l’amidon de maïs. Toutefois, à la suite d’une série d’ouvertures très brutales des parachutes EPI constatées en janvier et février 2009, une étude menée par la section technique de l’armée de terre (STAT) et la délégation générale pour l’armement (DGA) a identifié qu’une des causes probables de ce problème était le durcissement avec le froid de ce collier biodégradable. Cette anomalie n’avait pas été décelée durant le développement de ce matériel. Dans l’attente des conclusions définitives de la STAT et de la DGA, ce collier a été remplacé temporairement par de la drisse à casser en textile, qui était utilisée systématiquement avant 2005. 150 000 euros ont été dépensés pour acquérir le premier lot de colliers autoserrants biodégradables, développement inclus (ces colliers coûtent 0,35 euro la paire). La consommation d’une année est détenue en stock.

Les essais de ces parachutes certifiés développement durable se révélant particulièrement dangereux pour les hommes, il a été décidé de remplacer les nouveaux colliers autoserrant par d’anciennes drisses à casser. Au final, 150 000 euros ont ainsi été dépensés en vain.

Ce programme a disparu de l’architecture budgétaire. Cette suppression est d’autant plus regrettable que le niveau d’expertise des bureaux d’études risque de disparaître si la France ne maintient pas un niveau minimal d’investissement sur ce dossier. Il convient par ailleurs de sortir du report permanent de la décision qui empêche les armées, comme les industriels, de planifier leur développement et leur plan de charge. Cette question est particulièrement déterminante pour les bureaux d’études déjà durement touchés par la crise économique.

TROISIÈME PARTIE : LE PROGRAMME 146 À UN TOURNANT ?

La demande de sécurité croissante et variée conduit à ce que les équipements soient de plus en plus sollicités malgré un contexte budgétaire contraint. Elle intervient en outre au moment où l’environnement européen de la défense est en pleine mutation. Ce nouvel environnement rend d’autant plus nécessaires la réforme de la conduite des programmes d’armement et la promotion d’une approche nouvelle autour de la démarche incrémentale.

La mission première des armées est d’assurer la sécurité des Français et la préservation des intérêts de la France. Elle s’opère dans et hors du territoire, confirmant en cela l’absence de frontières nettes entre les concepts de défense et de sécurité, comme en a pris acte le Livre blanc de 2008.

Cet objectif s’inscrit dans un environnement de plus en plus instable et dangereux sur le plan extérieur et se traduit dans le même temps par des sollicitations de plus en plus fréquentes et diverses sur le plan intérieur.

La paix dans le monde est un objectif unanimement partagé mais encore loin d’être atteint. Les crises persistent : l’intervention des forces internationales en Afghanistan entre dans sa 9e année ; le Proche-Orient n’est pas sorti de son instabilité chronique ; le Caucase demeure une source d’inquiétude et les ambitions nucléaires iraniennes et nord-coréennes nous rappellent à notre devoir de vigilance. En Amérique Latine, une course aux armements conventionnels semble être engagée et l’Afrique souffre encore de guerres civiles meurtrières. Les attaques terroristes visant des occidentaux se sont poursuivies en 2009, que ce soit au Caire le 22 février ou à Jakarta le 17 juillet. Il convient de ne pas oublier la terreur quotidienne des Irakiens et Afghans à la merci d’attentats extrêmement meurtriers.

Jusqu’alors épargnée de toutes tensions, la zone arctique est également devenue un enjeu majeur. Avec la fonte de la banquise, cette région du globe est désormais une voie de transit et une réserve prometteuse de matières premières, ce qui en fait le théâtre de rivalités territoriales croissantes des pays frontaliers les amenant à renforcer leur capacité militaire dans cet environnement particulier.

De l’équateur aux pôles, les armées peuvent être appelées à intervenir à tout moment pour défendre les intérêts vitaux de la France, dépassant largement l’arc de crise que décrit le Livre blanc et qui va de la façade Atlantique de l’Afrique à l’océan Indien. Cette extension des zones d’intervention soulève des questions majeures pour les équipements de défense : doivent-ils être adaptés à une zone spécifique ou à toutes les zones d’intervention ? Difficile de définir une doctrine simple en la matière comme l’atteste la réponse du ministre de la défense à une question écrite sur la problématique polaire.

Question écrite n° 43770, publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 10 mars 2009

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur l’enjeu stratégique que constitue l’Océan arctique. Avec l’ouverture de nouvelles voies de navigation septentrionales et la possibilité désormais donnée d’exploiter les ressources, l’Arctique est devenu un enjeu stratégique majeur. Plusieurs États ont renforcé leur capacité militaire opérationnelle afin d’affirmer leur souveraineté sur cette zone neutre. L’Assemblée de l’Union européenne occidentale a consacré un rapport publié à l’automne 2008 à la dimension septentrionale de la sécurité européenne. Compte tenu de ses engagements internationaux et de ses intérêts propres, la France ne peut ignorer ce nouvel enjeu, notamment en termes de capacités militaires et d’équipements. En conséquence, il lui demande d’indiquer les orientations prises en matière d’équipements des forces face à l’enjeu stratégique arctique.

Réponse du Ministre de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 19 mai 2009

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a défini un arc de crise prioritaire sur lequel les moyens de la France doivent être concentrés pour prendre en compte les risques et les menaces futures jugés les plus probables au cours des quinze prochaines années. Cet arc de crise, qui s’étend de l’Atlantique à l’Asie centrale, n’intègre pas explicitement les régions arctiques. Les espaces sous souveraineté nationale terrestre ou maritime ne couvrent d’ailleurs pas cette zone où la France n’exerce pas de revendication sur les ressources naturelles. Toutefois, dans la mesure où les tensions potentielles dans la région arctique intéressent des pays de l’Alliance atlantique ou de l’Union européenne (États-Unis, Canada, Danemark, Norvège), ainsi que la Russie, la France peut être indirectement associée à des crises dans cette zone. De plus, pour la France et ses alliés, le passage maritime du « nord-ouest » dans l’Arctique constituera à l’avenir un enjeu de sécurité et de sûreté, à l’instar des autres lignes de communications maritimes dans les approches littorales, même si l’environnement géopolitique, économique et humain de la région arctique est actuellement peu propice au développement de trafics illicites ou de menaces envers la libre circulation des biens et des personnes. Si le Livre blanc ne prévoit pas l’acquisition de matériels spécialement développés pour des opérations en zone arctique, il convient néanmoins de souligner que la France dispose d’ores et déjà de capacités militaires répondant aux exigences de fonctionnement dans les zones climatiques extrêmes. Ces exigences sont validées in situ lors des campagnes de vérification des capacités militaires. C’est notamment le cas des navires de combat, dont le fonctionnement et les performances spécifiées sont systématiquement vérifiées en zones froides et chaudes sur les premiers bâtiments de série. De même, les aéronefs doivent pouvoir, sur tout type de zone, maîtriser les conditions givrantes qui surviennent à haute altitude. De plus, le retour d’expérience des opérations hivernales en Afghanistan, ainsi que les déploiements dans le nord de l’Atlantique, la mer du Nord ou les pays nordiques (dans un cadre national, bilatéral ou dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord), sont autant d’occasions de valider le fonctionnement de nos matériels et de nos unités dans des conditions de grand froid.

Avec la raréfaction des ressources aquatiques, énergétiques et minières, le pessimisme est de rigueur pour la décennie à venir. Ce pronostic est largement partagé comme le démontre la croissance constante des budgets militaires dans le monde. Selon le rapport annuel de l’institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 1 464 milliards de dollars en 2008, soit une hausse de 4 % par rapport à 2007 et de 45 % sur la décennie comme le montre le tableau suivant. Sous l’impact des conflits irakien et afghan, le budget américain demeure le premier budget militaire mondial, devant celui de la Chine.

Évolution des dépenses militaires mondiales

(en millions de dollars 2005)

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

États-Unis

342 167

344 927

387 297

440 806

480 444

503 353

511 171

524 591

548 531

Chine *

23,767

28,515

33,436

36,405

40,631

44,911

52,199

57,861

63,643

Royaume-Uni

47 778

49 417

52 423

55 347

55 112

55 152

55 043

55 746

57 392

France

50 205

50 036

51 063

52 615

54 059

52 917

53 198

53 403

52 565

Japon

43 803

44 276

44 725

44 818

44 476

44 165

43 666

43 460

42 751

Russie *

19 138

21 242

23 601

25 107

26 120

28 488

31 176

33 821

38 238

Allemagne

41 147

40 474

40 604

40 044

38 816

38 060

37 133

37 233

37 237

Italie

34 102

33 543

34 459

34 739

34 853

33 531

32 445

32 988

32 103

* estimations

Source : Sipiri.

Toutes les régions du globe s’inscrivent dans cette hausse des dépenses militaires, même si le classement mondial des dépenses militaires a fortement évolué entre 2000 et 2008, révélant un recul européen :

Classement des pays par ordre décroissant
de leurs dépenses militaires

2000

2008

États-Unis

États-Unis

France

Chine

Royaume-Uni

Royaume-Uni

Japon

France

Allemagne

Japon

Italie

Russie

Chine

Allemagne

Russie

Italie

Source : Sipiri.

Cette tendance inflationniste ne semble pas vouloir faiblir en 2010, malgré le contexte de crise économique et financière. Le gouvernement russe a ainsi annoncé vouloir augmenter ses commandes militaires en 2010 de 8 % par rapport à 2009.

Les nouvelles grandes puissances régionales que sont le Brésil, l’Inde ou encore l’Afrique du Sud se donnent pour ambition de peser militairement et investissent en conséquence. Des États jusqu’alors relativement discrets renforcent également leur outil de défense : le livre blanc de la défense australienne, adopté en 2009, prévoit de consacrer plus de 70 milliards de dollars américains à l’amélioration des capacités militaires d’ici 2030. Sur la même période, le Canada investira près de 490 milliards de dollars canadiens, soit 310 milliards d’euros, pour « permettre aux forces canadiennes de compter sur le personnel, l’équipement et le soutien pour exécuter leurs principales missions au Canada, en Amérique du Nord et à l’étranger » (25). En mars 2009, le Japon a mis en service son plus grand porte-hélicoptères (14 000 tonnes, 197 mètres de long pour un équipage de 340 personnes). Corollaire de ce courant inflationniste des dépenses militaires, le marché international de l’armement reste dynamique, tant sur l’offre avec l’émergence d’ambitions industrielles nouvelles que sur la demande.

Pour les forces armées françaises, la persistance des crises et des tensions se traduit par une sollicitation toujours importante hors des frontières. Toutes les forces armées, y compris la gendarmerie, participent à des opérations extérieures (OPEX). Chaque jour de l’année, la France est présente, par le biais de ses militaires, sur tous les continents et les mers du monde : Afghanistan, Liban, Tchad, Côte-d’Ivoire, Kosovo, océan Indien … Au total, 10 000 hommes sont engagés sur des théâtres extérieurs.

Les opérations extérieures relève de la décision du chef de l’État, confirmée par la représentation nationale. Leur financement est toujours sujet à débat. Le chef d’état-major des armées souligne à ce sujet que « la provision OPEX pour 2010 s’élève à 570 millions d’euros, en hausse de 60 millions. Cette provision couvrirait 65 % des besoins estimés pour l’année 2009. Cet effort de financement s’avère indispensable car nous constatons une augmentation des dépenses lorsque le degré de violence s’accroît. Au-delà de cette provision, il sera encore nécessaire de recourir à un décret d’avances pour couvrir intégralement le financement des OPEX » (26).

Certaines opérations suscitent d’avantage d’interrogations. Il en va ainsi de la présence de militaires français à bord de navires de pêche croisant dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie, afin de les protéger d’actes de piraterie.

Assurer la liberté de navigation est assurément une mission que seul l’État ou une coalition peut endosser ; assurer la sécurité de navires privés prête en revanche à discussion. On peut rapprocher ce deuxième cas de figure du sauvetage en mer ou en montagne. La question de la facturation du service demeure : est-ce à l’État de payer ?

Question écrite n° 55134, publiée au journal officiel Assemblée Nationale du 14 juillet 2009

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur la présence de militaires français à bord de navires thoniers français dans le cadre de la lutte contre la piraterie. Afin de sécuriser l’activité de pêche, l’état-major des armées a annoncé l’embarquement de fusiliers-marins français à bord de navires thoniers français croisant au large de la Somalie. Cette présence militaire à bord de navires civils pose un certain nombre d’interrogations sur les conditions de prise en charge et sur la responsabilité de l’engagement. Aussi, il lui demande de préciser les conditions financières et juridiques qui encadrent l’embarquement de fusiliers-marins français à bord de navires thoniers français croisant au large de la Somalie.

Réponse du ministre de la défense, publiée au journal officiel Assemblée Nationale du 8 septembre 2009

Depuis 2007, la France est à l’avant-garde de la lutte contre la piraterie maritime autour de la Corne de l’Afrique. Premier pays à avoir assuré par des moyens militaires la protection des convois du programme alimentaire mondial (PAM) au profit de la Somalie, la France est également la première à avoir engagé des opérations de libération de navires sous pavillon français pris par des pirates, montrant ainsi toute sa détermination. En décembre 2008, sous la présidence française de l’Union européenne (UE), a été lancée l’opération navale européenne de lutte contre la piraterie ATALANTA qui regroupe des navires de guerre, des avions de patrouille maritime, ainsi que des équipes d’intervention. Elle a suscité des initiatives similaires de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ou des forces maritimes de la coalition opérant déjà dans la zone. Depuis mars 2009, les pirates somaliens ont étendu leurs actions jusqu’aux Seychelles, menaçant les zones habituelles de pêche des thoniers senneurs français. Compte tenu de la vulnérabilité de ces navires (manoeuvrabilité quasi nulle hors des opérations de pêche, faible réserve de vitesse, isolement...) et à la demande du groupement Orthongel, le Premier ministre a autorisé en juin 2009 le déploiement d’un dispositif militaire aux Seychelles afin de pouvoir embarquer des équipes de protection sur les thoniers français opérant en océan Indien. Le cadre juridique de cette protection militaire est fixé par une convention entre l’État et l’armateur. Ce type de convention prévoit les conditions de la mise en place, à bord des thoniers battants pavillons français, d’une équipe de protection composée de trois militaires de la marine nationale et d’un chef de mission. Elle expose et définit la nature de la mission assignée à l’équipe de protection embarquée, l’ordonnancement de la chaîne de commandement et la délimitation géographique de l’action. Sont ensuite précisées les obligations des deux parties, ainsi que le régime de responsabilité régissant cette action, la durée et les conditions de cessation de la prestation. S’agissant des conditions financières de cette protection, le bénéficiaire prend généralement à sa charge : les frais d’hébergement et de restauration des militaires ; les frais d’utilisation par l’équipe des moyens de communications du bord dans le cadre de sa mission de protection ; les dépenses supplémentaires résultant directement de la mission de l’équipe (majorations de solde, de traitement ou d’indemnité prévues par la réglementation ; frais de déplacement, de transport et de soutien, sur facture ; dépenses de transmissions, sur facture ; quote-part de 50 % des dépenses d’entretien et de réparation éventuelles des matériels mis en oeuvre, sur facture). À l’issue de la prestation, les sommes dues à la marine nationale par le bénéficiaire sont recouvrées par le Trésor public au vu d’un titre de perception émis par l’état-major de la marine.

L’action des forces armées françaises ne se résume pas uniquement aux opérations extérieures pour prévenir ou répondre à des situations de crise. Le ministère de la défense est sollicité sur le plan intérieur pour remplir des missions de service public, parfois éloignées de son cœur de métier.

Depuis le 7 septembre 1995, les armées participent avec un millier d’hommes au plan Vigipirate, dispositif de renforcement de la sécurité face aux menaces terroristes, notamment dans les gares et aéroports. Les armées peuvent également être appelées en renfort des formations militaires de la sécurité civile lors d’incendies de forêt ou de catastrophes naturelles. Un millier de militaires de l’armée de terre a par exemple complété les effectifs de la sécurité civile, à la suite de la tempête Klaus qui a ravagé le Sud-Ouest de la France le 24 janvier 2009. Au cours de l’été, 300 militaires disposant de 140 véhicules et de trois hélicoptères sont venus en renfort en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Languedoc-Roussillon et en Corse pour lutter contre les incendies.

Cette année, les armées ont également été sollicitées à la suite de plusieurs catastrophes aériennes pour retrouver les survivants, leur porter secours et ensuite récupérer les corps et des éléments d’avion à des fins d’enquête. Le 1er juin 2009, le vol AF 447 reliant Rio de Janeiro à Paris disparaît au-dessus de l’Atlantique ; à la demande du Président de la République, d’importants moyens militaires ont été mis en œuvre pour retrouver les corps et débris : deux Atlantique 2, un Falcon 50M, un AWACS, un CASA 235, la Frégate Ventôse, le BPC Mistral et le sous-marin nucléaire d’attaque Émeraude. Sur la même zone, le Brésil a déployé également d’importants moyens aériens (trois avions C130, quatre Bandeirantes, deux C105, un avion radar, deux hélicoptères) et maritimes (deux frégates, une corvette, un navire de patrouille et un navire citerne). Des moyens équivalents ont été mobilisés aux Comores à la suite du crash du vol Yemenia IY626 le 30 juin 2009.

Pour répondre à cette demande croissante de sécurité extérieure et intérieure, le ministère de la défense ne dispose cependant pas de ressources extensibles.

Il ne peut ignorer l’environnement économique et financier dans lequel son budget s’inscrit. Confronté à de moindres recettes fiscales liées à la crise économique, à de nouvelles missions demandées par les citoyens, l’État ne dispose pas de ressources illimitées, lui permettant de garantir à chacun de ses départements ministériels des moyens financiers croissants. Le montant de la dette et du déficit des comptes publics impose des mesures de rationalisation et d’économies.

La revue générale des politiques publiques (RGPP) participe à cet effort de bonne gestion et de rationalisation des moyens publics. Toutes les administrations sont mises à contribution, y compris le ministère de la défense, dans toutes ses composantes. L’effort consenti par les armées et les grands services du ministère est d’ailleurs considérable, au regard de ceux effectués par d’autres départements ministériels, démontrant une fois de plus leur grande capacité à se réformer.

Héritage historique, la sanctuarisation des crédits budgétaires de la défense pose le principe qu’une fois votés, ces crédits ne peuvent être remis en question non seulement au cours de l’exécution budgétaire mais aussi lors des exercices budgétaires suivants. Consécration du « domaine réservé », expression du lien fort unissant les Français à leurs armées, la sanctuarisation protège les armées des régulations budgétaires intervenant en cours d’année et garantit le financement des programmes pluriannuels d’équipement. Un simple regard posé sur les pratiques budgétaires de la Ve République révèle sans difficulté que la sanctuarisation n’est qu’illusion rhétorique.

Pourtant, encore aujourd’hui, que ce soit parmi les forces ou encore parmi certains responsables politiques, on persiste à se référer à la sanctuarisation pour refuser tout débat sur la nécessité de la dépense, pour rejeter toute réflexion autour des priorités et pour laisser les militaires s’autogérer. Peut-on aujourd’hui se permettre d’investir plusieurs milliards d’euros sans un véritable débat public de fond ? Le réalisme budgétaire et politique doit inciter l’ensemble des acteurs de la défense à prendre acte qu’il n’y a plus de sanctuarisation de leurs crédits.

Recommandation : prendre acte de la fin de la sanctuarisation budgétaire du ministère de la défense

Chaque année, les crédits de la défense font l’objet d’annulations et de reports. L’exécution budgétaire 2009 n’y échappe pas. Ainsi, la commande globale de 60 Rafales, prévue dans la loi de finances pour 2009, respectant ainsi les recommandations du Livre blanc et anticipant les dispositions de la nouvelle loi de programmation militaire, reste à ce jour lettre morte malgré l’accord conclu entre les états-majors concernés, la DGA et les industriels, après d’âpres mais productives négociations. Aucune explication logique ne permet de justifier cet atermoiement qui constitue un signal négatif pour les forces françaises mais aussi pour les forces aériennes étrangères susceptibles d’acquérir cet appareil. Il serait incompréhensible que cette commande n’intervienne pas rapidement.

Outre les lois de finances, les lois de programmation militaire, plan quinquennal d’investissements militaires, n’ont jamais été respectées dans leur exécution. Le volume de dépenses initialement programmé est systématiquement revu à la baisse, sous le poids des contraintes financières. De reports en annulations, les armées subissent des retards dans leurs équipements. Au-delà des difficultés technologiques et industrielles, les contraintes budgétaires participent à l’allongement de la durée de développement des programmes faisant qu’un équipement souhaité à la fin des années 1980 était livré au début des années 2000, dans un contexte stratégique totalement bouleversé.

La loi de programmation militaire 2009-2014 prévoit en outre pour l’exercice budgétaire 2009 1,6 milliard de recettes exceptionnelles provenant de la cession de biens immobiliers de la défense et de fréquences. En octobre 2009, ces recettes exceptionnelles ne sont pas au rendez-vous. Le plan de relance de l’économie est venu opportunément compenser ce retard mais des doutes subsistent quant à la réalité de ces recettes et à leur calendrier, compte tenu des difficultés du marché immobilier et des incertitudes planant sur les besoins civils en fréquences supplémentaires. Comme le précise le chef d’état-major des armées, « ces difficultés en matière de ressources ont été atténuées par l’autorisation de consommer 900 millions d’euros de crédits reportés de la gestion 2008 ainsi que par la mise en œuvre d’avances au titre du plan de relance. Il est à noter que ces avances ont été remboursées en construction budgétaire 2010 » (27).

Plutôt que de défendre à tout prix une sanctuarisation des crédits, il conviendrait de démontrer que les besoins budgétaires de la défense, notamment en ce qui concerne les équipements, permettent effectivement aux armées de remplir leurs contrats opérationnels. Cela impose un changement d’approche budgétaire

Une demande de justification de crédits ou de dépenses n’est pas une attaque en règle contre l’institution mais une volonté de mieux comprendre les besoins et les réponses apportées ; elle vise à éviter que les armées ne s’enferment dans une citadelle budgétaire. Or, l’histoire militaire a toujours démontré que celui qui se trouve à l’intérieur de la citadelle était rarement vainqueur à l’issue du siège.

La loi organique relative aux lois finances du 1er août 2001 introduit des objectifs et indicateurs de performances regroupés dans les rapports et projets annuels de performances pour faire apparaître l’efficacité de la dépense publique. Or, pour le programme 146, comme pour beaucoup d’autres programmes civils, ces données ne répondent pas à cette exigence de clarté, d’autant plus que leur périmètre et leurs objets sont modifiés chaque année, empêchant toute comparaison pluriannuelle.

Le ministère de la défense a conscience de la faiblesse de ses indicateurs puisque le contrôle général des armées a mené en 2009 un audit des indicateurs de performances du programme 146. Le rapporteur a d’ailleurs été auditionné dans ce cadre. Seul un bref résumé des conclusions de cet audit a été transmis par le biais du questionnaire budgétaire.

Si la formulation de l’objectif 1, « mettre à la disposition des armées les armements et matériels nécessaires au succès des opérations des forces armées », semble correspondre aux objectifs de la LOLF, sa déclinaison par indicateurs de performance se concentre sur la réalisation des équipements, non sur son adéquation aux besoins opérationnels, comme le montre le tableau ci-après

Indicateurs de performance pour l’objectif 1
« Mettre à la disposition des armées les armements et matériels nécessaires au succès des opérations des forces armées »

Indicateur 1.1

Taux de réalisation des équipements (du point de vue du citoyen) (libellé modifié)

Indicateur 1.2

Indice de préservation des opérations autres que principales (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1.3

Évolution annuelle moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1.4

Taux moyen de réalisation des performances techniques des opérations d’armement principales (du point de vue du citoyen)

Indicateur 1.5

Taux de réalisation des livraisons valorisées (du point de vue du contribuable) (nouveau)

Source : PAP 2010.

Il serait par exemple pertinent de généraliser le retour d’expérience sur les équipements déployés en opérations extérieures.

Par ailleurs, dans la mesure où les indicateurs visent à éclairer les débats budgétaires, est-il pertinent que le ministère de la défense les définisse unilatéralement ? L’esprit de la réforme budgétaire issue de la LOLF voudrait que ces indicateurs répondent non pas à ce que veulent démontrer les responsables de programme mais à ce que souhaitent savoir les élus en charge de voter les crédits.

La réponse reproduite ci-après montre l’importance du chemin à accomplir pour convertir certains services du ministère de la défense à une communication budgétaire sortant des seuls indicateurs statistiques.

Question n° 052 :

a) Dresser un bilan actualisé de la contribution du budget du ministère de la défense au Budget civil de Recherche-Développement (BCRD).

b) Exposer les modalités d’utilisation de cette contribution, en précisant les activités de recherche couvertes par celle-ci.

Réponse :

a) Evolution des crédits 2010 par rapport à 2009

La contribution de la défense à la recherche duale est portée par le programme 191 « Recherche duale » de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur. La répartition des crédits par action et par organisme bénéficiaire est détaillée dans le PAP 2010.

b) Modalités de pilotage et thèmes de recherche :

Voir le PAP 2010, rubrique, « Présentation du programme ».

Thèmes de recherche financés en 2008, voir RAP 2008, pages 18 à 23.

Thèmes de recherche financés en 2009, voir PAP 2009, pages 16 à 21.

Thèmes de recherche prévus : voir PAP 2010, rubrique « Présentation des actions ».

Gageons que l’effort de recherche du ministère de la défense ne porte pas uniquement sur l’obtention de crédits.

À la lecture de l’acte de certification des comptes de l’État effectué par la Cour des Comptes pour l’exercice 2008, on peut douter que le ministère de la défense soit en mesure de présenter un état exhaustif de ses équipements.

Conformément à ses missions constitutionnelles et organiques (28), la Cour des comptes doit en effet garantir la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État et accompagner cette certification du compte rendu des vérifications opérées.

L’enjeu de la certification

(extrait de l’acte de certification des comptes de l’État 2008, Cour des Comptes)

La comptabilité des dépenses et des recettes budgétaires, la seule qui existait avant la LOLF, est une comptabilité ne décrivant que les encaissements et les décaissements de l’exercice. Elle ne permet pas de saisir l’ensemble des événements qui affectent la gestion et le patrimoine de l’État.

La comptabilité générale de l’ensemble des opérations de l’État, qui s’y ajoute depuis l’entrée en vigueur de la LOLF au 1er janvier 2006, a une portée plus large. Elle reflète ainsi la position de l’État face aux tiers (par exemple ses dettes), l’état de son patrimoine (son inventaire, sa valorisation), l’évolution de ses stocks, la couverture de risques identifiés par des provisions, le rattachement des opérations à l’exercice au cours duquel elles sont intervenues, quand bien même celles-ci ne se seraient pas traduites par un décaissement ou un encaissement.

Elle doit à présent être utilisée pour piloter la gestion des administrations. Elle doit aussi servir à apprécier la soutenabilité des finances publiques et à assurer plus efficacement la préparation des lois de programmation des finances publiques, des lois de programmation sectorielles et des lois de finances. Elle est enfin la condition d’une

mesure adéquate et d’une analyse du coût complet des actions et politiques mises en oeuvre par l’État.

Le retraitement rétrospectif des états financiers suite à des changements de méthode ou d’estimation ou à des corrections d’erreur, qui interviendra à compter de 2009 conformément à la norme comptable n° 14, favorisera leur comparabilité avec les exercices précédents et, par voie de conséquence, l’analyse de l’évolution de la situation financière et patrimoniale de l’État.

Dans son acte de certification des comptes 2008 de l’État, la Cour émet 12 réserves dont 9 estimées substantielles ; l’une de ces dernières concerne la valorisation des actifs du ministère de la défense.

Hors immobilier, ces actifs s’élèvent à 177 milliards d’euros en valeur brute dans le bilan de l’État au 31 décembre 2008 et à 110 milliards d’euros en valeur nette. Les actifs du ministère de la défense sont composés d’équipements en service (96 milliards d’euros en valeur brute et 45 milliards d’euros en valeur nette), de développements en service (20 milliards d’euros en valeur brute et 10 milliards d’euros en valeur nette), d’équipements en cours de production pour 16 milliards d’euros, de développements en cours pour 12 milliards d’euros, ainsi que de stocks pour 32 milliards d’euros.

La Cour des comptes remarque que « le ministère de la défense s’est engagé, début 2007, à réaliser, sur une période de trois ans s’achevant à la clôture 2009, un ensemble d’actions destinées à créer un référentiel comptable adapté à la spécificité des matériels militaires et à améliorer la qualité des restitutions comptables. Au 31 décembre 2008, aux deux tiers de la trajectoire, d’incontestables avancées peuvent être relevées. L’impact des efforts déployés à ce stade sur la qualité des comptes demeure toutefois modeste compte tenu de l’importance des lacunes dont continuent de souffrir la plupart des processus comptables liés aux actifs du ministère de la défense. ».

Il est notamment observé que « les acteurs de la comptabilité des actifs de la défense ne communiquent pas suffisamment entre eux pour assurer la cohérence d’ensemble du dispositif. Ainsi, les dates de sortie des encours à la DGA et d’entrée en service dans les armées ne sont pas harmonisées. […] L’absence de correspondance des nomenclatures comptables entre la DGA et les armées crée des difficultés lors de la prise en charge des équipements dans les inventaires. ».

Selon la Cour des comptes, le projet CHORUS, outil de gestion financière commun à tous les services de l’État, « ne constituera ainsi une réponse adaptée aux difficultés relevées par la Cour que s’il intègre les besoins propres au suivi des actifs du ministère et s’accompagne d’un plan de contrôle adapté. L’harmonisation des traitements comptables entre les différents acteurs au sein du ministère est une priorité. Elle conditionne notamment la fiabilisation des nouvelles acquisitions et opérations d’armement. ».

Les réserves de la Cour démontrent que le ministère de la défense dans son ensemble et notamment la DGA et les états-majors n’ont pas encore à leur disposition les outils comptables leur permettant de maîtriser pleinement la gestion des équipements des forces. Dès lors, sans ces outils de comptabilité, il est difficile d’exiger une information claire et fiable pour justifier des besoins budgétaires du programme 146.

Un net progrès toutefois doit être souligné dans les opérations d’armement. Le ministère s’est converti, dans son approche des nouveaux programmes d’armement, à une analyse par coût de possession et non plus seulement d’acquisition. Cette conversion apporte des informations utiles en raison de l’engagement budgétaire pluriannuel que constituent les équipements de défense.

Le coût de possession (extrait du Livre blanc sur la défense et la sécurité)

L’acquisition d’équipements de sécurité engage l’État sur le long terme. Les coûts supportés par l’État sur la durée de vie, souvent très longue, d’un équipement ne se limitent pas au seul coût d’acquisition de celui-ci.

S’y ajoutent en effet :

– le coût d’exploitation : rémunérations et charges sociales des opérateurs de l’équipement, consommables tels que le carburant ;

– le coût de soutien en service : entretien et réparation de l’équipement, formation des opérateurs ;

– le coût de mise à niveau et de modernisation de l’équipement ;

– le coût de démantèlement : déconstruction et recyclage dans le respect des normes environnementales.

À titre d’illustration, le coût de soutien d’un bâtiment de combat, dont la durée de vie peut dépasser une trentaine d’années, peut atteindre un montant comparable à son coût d’acquisition. Il en est de même de son coût d’exploitation. Sur la durée de vie du bâtiment, sans compter le coût du démantèlement, c’est donc globalement une dépense correspondant à plusieurs fois le coût d’acquisition du navire que l’État devra planifier. La maîtrise du coût de possession nécessite que la conception du matériel soit optimisée non seulement en fonction de son coût d’acquisition, mais aussi en fonction de l’ensemble des postes qui constituent le coût de possession.

Cette nouvelle approche ne doit cependant pas aboutir à des comparaisons réductrices. Ainsi, le coût de possession des hélicoptères Tigre est, selon les sources, dix fois supérieur à celui des hélicoptères Gazelle. Mais compare-t-on réellement deux équipements de même nature ? Faudrait-il conclure de ces données comptables qu’il faut continuer à équiper nos forces de Gazelle alors que les autres armées font l’acquisition d’hélicoptères d’attaque modernes ? En matière d’équipement de défense, tout comme en matière de santé, le progrès technologique n’est pas source d’économies financières. Il constitue une réelle charge, notamment en MCO, qui se traduit par un coût de possession élevé. La comparaison n’est pertinente que pour des équipements d’égales capacités et lorsque existent plusieurs alternatives : développement national, développement européen ou achat sur étagère. Le coût de possession est alors un élément décisif dans la stratégie d’acquisition du ministère de la défense et participe à la bonne gestion des crédits du programme 146.

Compte tenu des cycles de vie très longs de la plupart des équipements de défense, le passage du coût d’acquisition au coût de possession pose la question de sa mise en œuvre aux équipements déjà en service au sein des forces. Cela revient à préciser le volume budgétaire exigé en terme de maintien en condition opérationnelle de ces équipements pour qu’ils remplissent les exigences de disponibilités telles que définies par la loi de programmation militaire ou par l’OTAN. L’exercice est particulièrement complexe mais permet de souligner le rôle éminemment crucial du MCO militaire.

Question : Estimer le volume budgétaire nécessaire au MCO pour atteindre les objectifs annuels d’activité définis par la LPM pour répondre aux contrats opérationnels et aux normes de qualifications nationales et de certification de l’OTAN.

Réponse : Le coût du MCO est évalué dès la phase de conception du matériel (soutien logistique initial, plan de maintenance, système de soutien) et évolue en phase d’utilisation jusqu’au retrait de service, avec le souci constant de réduire le coût global du système.

Le MCO permet de maintenir les systèmes en état de fonctionnement en corrigeant :

• les effets de l’emploi (pannes, remplacement de ce qui se consomme). Ces effets sont la conséquence directe du taux d’emploi et des conditions d’emploi (un VAB en Afghanistan « s’use » 4 fois plus à durée d’utilisation égale que s’il est employé en manœuvre en France).

• les effets du vieillissement (corrosion, obsolescences techniques,…). Ces effets sont « patrimoniaux ». Par exemple, compte tenu de l’agressivité du milieu salin, les bâtiments de la marine nationale doivent subir une grande visite dans un délai maximum de 5 ou 6 ans, faute de quoi les dommages causés à la coque augmenteront de manière telle que la rentabilité d’une opération ultérieure de maintien en condition sera à re-considérer. Des solutions existent pour maîtriser ce coût dans les milieux aérien et terrestre (mise de l’équipement sous enceinte à hygrométrie contrôlée, par exemple).

• les défauts constatés (mises à jour, en particulier lors d’évolutions de la réglementation, correctifs de fiabilité, …). L’évolution de la réglementation touchant l’amiante, les gaz fluorés, ou encore l’évolution de la réglementation relative aux rétroviseurs des poids-lourds sont autant d’exemples significatifs. Le ministère de la défense qui se caractérise par une durée d’utilisation particulièrement longue de ses équipements est donc beaucoup plus touché que les autres ministères. Ces besoins sont par nature difficilement prévisibles et la planification de leur coût mal aisée.

Compte tenu des limites indiquées ci-dessus, ce coût estimé ne peut être fiabilisé qu’à l’extérieur d’une épure. Le ministère de la défense a engagé une démarche forte pour maîtriser davantage cette problématique. Au sein de l’EMA, l’initiative EsPACS « Estimation, Prévision et Analyse des Coûts de Soutien » a été lancée en ce sens. Elle a été en phase d’expérimentation sur trois parcs : les frégates type « La Fayette », le char de combat « Leclerc » et l’avion ravitailleur KC-135. Ce premier retour d’expérience permettra, grâce à une meilleure visibilité sur les coûts, d’éclairer de manière pratique certains choix d’options de soutien (externalisation, …).

Aux réserves près évoquées ci-dessus, la loi de programmation militaire couvre les besoins estimés pour la période 2009-2014.

Cette réponse demeure très approximative. Sans vouloir une quantification à l’euro près, une meilleure maîtrise des besoins budgétaires en termes de MCO au regard des exigences opérationnelles est indispensable. L’initiative EsPACS va dans le bon sens, mais on ne peut que rapprocher l’approximation de cette réponse de l’absence de suivi de la recommandation formulée par le rapporteur en 2008 et portant sur la valorisation des carrières liées au MCO.

Le passage du coût d’acquisition au coût de possession ne doit pas présenter le MCO comme une charge mais comme un élément stratégique de la conduite des programmes. Aux armées d’en tirer toutes les conséquences, en termes budgétaires et en termes de ressources humaines.

La présidence française de l’Union européenne a indéniablement permis à l’Europe de la défense d’avancer. Le retour de la France dans le commandement militaire de l’OTAN à compter du sommet de Strasbourg-Kehl des 3 et 4 avril 2009 marque également une étape cruciale pour la sécurité collective européenne.

Ces deux événements sont indissociables : informant le président des États-Unis de sa décision concernant l’OTAN, le Président de la République précisait que « c’est aussi le choix en faveur d’une Europe qui s’affirme dans le monde et dans l’Alliance atlantique. Les Européens doivent y jouer un rôle croissant et développer leurs capacités militaires, au service de l’Union Européenne comme de l’Alliance atlantique. La Politique européenne de sécurité et de défense et l’Alliance atlantique sont complémentaires et constituent les deux faces d’une même politique » (29). Pour le haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité, Javier Solana, « la clarification de la position de la France à l’égard de l’Alliance est […] un acte de confiance qui nous permettra d’aller vers la construction d’une politique européenne de défense »(30).

Les 11 et 12 décembre 2008, le conseil européen a adopté une déclaration sur le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense avec des objectifs capacitaires chiffrés : déploiement de 60 000 hommes en 60 jours pour une opération majeure ; capacité à conduire simultanément plusieurs opérations et missions s’appuyant sur les moyens et capacités des États membres (31). Le conseil européen de décembre 2008 a fait de la restructuration de la base industrielle et technologique de défense européenne « une nécessité stratégique et économique ». Dans ce cadre, deux directives majeures ont été adoptées au début de 2009 : l’une sur le transfert intracommunautaire des biens de défense ; l’autre sur les marchés publics de défense.

La directive n° 2009/43/CE du 6 mai 2009(32) simplifiant les conditions des transferts des produits liés à la défense vise à faciliter la circulation des équipements de défense sur le territoire de l’Union. Jusqu’à présent, les États définissaient les règles de sortie du territoire des équipements de défense, que leur destination soit un pays membre de l’Union ou non. Cette situation dictée par des impératifs compréhensibles de souveraineté et de sécurité a fait obstacle à la constitution de véritables entreprises européennes de l’armement et à la réussite de programmes menés en coopération. Ainsi, pour le transfert de ses systèmes et sous-systèmes de missiles entre la France et le Royaume-Uni, MBDA, filiale franco-britannique d’EADS, doit remplir un nombre conséquent de formulaires administratifs et obtenir les autorisations nationales indispensables pour franchir la frontière.

La nouvelle directive simplifie considérablement la situation en demandant aux États membres de privilégier les licences générales ou globales aux licences individuelles, chaque État gardant cependant la maîtrise de catégorisation des matériels entre ces deux licences. Cette directive doit rentrer en application le 30 juin 2012, après transposition en droit interne par les États membres.

La licence générale de transfert autorise son titulaire à effectuer des transferts des produits mentionnés dans la licence à une catégorie ou plusieurs catégories de destinataires situés dans un autre État membre. La licence globale de transfert permet à son titulaire pendant trois ans de transférer des produits ou des catégories de produits à des destinataires situés dans un ou plusieurs autres États membres. La licence individuelle, la plus restrictive, autorise le transfert par un fournisseur d’une quantité précise de produits précisés, en raison d’impératifs de sécurité ou d’ordre public.

Extrait de la directive 2009/43/CE simplifiant les conditions des transferts des produits liés à la défense

(16) Tout transfert de produits liés à la défense dans la Communauté devrait faire l’objet d’une autorisation préalable par le biais d’une licence générale, globale ou individuelle de transfert délivrée ou publiée par l’État membre à partir duquel le fournisseur souhaite transférer des produits liés à la défense. Les États membres devraient pouvoir exempter les transferts de produits liés à la défense de l’obligation d’autorisation préalable, dans des cas spécifiques énumérés dans la présente directive.

(17) Les États membres devraient être libres de refuser ou d’accorder une autorisation préalable. Conformément aux principes fondateurs du marché intérieur, l’autorisation devrait être valable sur l’ensemble du territoire communautaire sans qu’aucune autre autorisation ne soit requise pour le transit des produits par d’autres États membres ou pour leur entrée sur le territoire d’autres États membres.

(18) Il convient que les États membres déterminent le type approprié de licence de transfert pour les produits ou catégories de produits liés à la défense, pour chaque type de transfert, et les conditions dont il convient d’assortir chacune des licences de transfert, compte tenu de la sensibilité des transferts.

(19) En ce qui concerne les composants, les États membres devraient s’abstenir, dans la mesure du possible, d’imposer des restrictions à l’exportation, en acceptant des destinataires une déclaration d’utilisation tenant compte du degré d’intégration de ces composants dans les propres produits des destinataires.

(20) Les États membres devraient déterminer les destinataires des licences de transfert de manière non discriminatoire, à moins que cela ne soit nécessaire pour des raisons de protection des intérêts essentiels de leur sécurité.

(21) Afin de faciliter les transferts de produits liés à la défense, les licences générales de transfert devraient être publiées par les États membres, autorisant toute entreprise qui respecte les conditions spécifiées dans chaque licence générale de transfert à transférer de tels produits.

(22) Une licence générale de transfert devrait être publiée pour les transferts de produits liés à la défense destinés aux forces armées, de manière à augmenter considérablement la sécurité d’approvisionnement pour tous les États membres qui choisissent d’acheter de tels produits dans la Communauté.

(23) Une licence générale de transfert devrait être publiée pour les transferts de composants destinés à des entreprises européennes certifiées du secteur de la défense, de manière à encourager la coopération et l’intégration de ces entreprises, notamment en facilitant l’optimisation des chaînes d’approvisionnement et les économies d’échelle.

(24) Les États membres qui participent à un programme de coopération intergouvernementale devraient pouvoir publier une licence générale de transfert pour ces transferts de produits liés à la défense à des destinataires situés dans d’autres États membres participants lorsque ces transferts sont nécessaires à l’accomplissement dudit programme. Les conditions de la participation aux programmes de coopération intergouvernementale, pour les entreprises établies dans les États membres concernés, s’en trouveraient ainsi améliorées.

(25) Les États membres devraient avoir la possibilité de publier d’autres licences générales de transfert applicables aux transferts qui, du fait de la nature des produits et des destinataires concernés, ne présentent qu’un très faible risque pour la sauvegarde des droits de l’homme, de la paix, de la sécurité et de la stabilité.

(26) Lorsque la publication d’une licence générale n’est pas possible, il convient que les États membres délivrent, sur demande, des licences globales de transfert aux entreprises individuelles, sauf dans les cas visés par la présente directive. Les États membres devraient pouvoir octroyer des licences globales de transfert renouvelables.

(27) Les entreprises devraient informer les autorités compétentes de l’utilisation de licences générales de transfert, de manière à assurer la sauvegarde des droits de l’homme, de la paix, de la sécurité et de la stabilité, de même que pour permettre une information transparente sur les transferts de produits liés à la défense, aux fins de l’exercice du contrôle démocratique.

(28) La marge de manoeuvre des États membres concernant la définition des conditions des licences de transfert générales, globales et individuelles devrait être suffisamment flexible pour permettre de poursuivre les efforts de coopération dans le cadre international existant en matière de contrôle des exportations. Dans la mesure où la décision d’autoriser ou de refuser une exportation est et devrait demeurer une prérogative de chaque État membre, une telle coopération devrait résulter uniquement de la coordination volontaire des politiques d’exportation.

(29) Afin d’équilibrer le remplacement progressif du système de vérification individuelle préalable par des contrôles généraux a posteriori dans l’État membre d’origine des produits liés à la défense, il convient de mettre en place les conditions de la confiance mutuelle en prévoyant des garanties assurant que les produits liés à la défense ne sont pas exportés vers des pays tiers en violation des restrictions à l’exportation. Ce principe devrait également être respecté dans les cas où les produits liés à la défense font l’objet de plusieurs transferts entre États membres avant d’être exportés vers un pays tiers.

Afin de donner tous les atouts à l’industrie européenne de défense dans un environnement concurrentiel intense, la France se doit de donner l’exemple en transposant rapidement la directive en droit interne.

Recommandation : inscrire rapidement à l’ordre du jour du Parlement la transposition de la directive 2009/43/CE simplifiant les conditions des transferts des produits liés à la défense.

La directive relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés publics dans les domaines de la défense et de la sécurité vise à lutter contre l’usage abusif fait par les États membres de l’article 296 du Traité qui les autorise à déroger aux règles européennes lorsque la protection de leurs intérêts essentiels l’exige.

Article 296 du Traité (marché et sécurité nationale)

1) Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle aux règles ci-après:

a) aucun État membre n’est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité;

b) tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.

2) Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut apporter des modifications à la liste, qu’il a fixée le 15 avril 1958, des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b) s’appliquent.

L’article 296 place la défense hors du champ du droit communautaire. Plusieurs affaires dont la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) et la Commission européenne ont été ou sont saisies, montrent que les États membres utilisaient abusivement cette disposition notamment pour soutenir leur industrie duale produisant des équipements à usage à la fois civil et militaire, comme le montre l’affaire AgustaWestland.

Le 8 avril 2008, la CJCE, saisie par la Commission, a condamné l’Italie pour avoir fait un usage dévoyé de l’article 296. Depuis les années 1990, l’Italie fait de la production d’hélicoptères une industrie stratégique nationale dont l’acteur principal doit être la société AgustaWestland. Pour ce faire, depuis 1997, le gouvernement italien a passé des marchés sans mise en concurrence avec le constructeur pour l’achat d’hélicoptères dans le but de couvrir les besoins de différents corps civils et militaires : pompiers, carabiniers, gardes forestiers, garde-côtes, douanes, police et protection civile. Aucune mise en concurrence au niveau communautaire n’a été faite, malgré le montant élevé des marchés estimés à 2,5 milliards d’euros. Pour se justifier, l’Italie invoque l’article 296, expliquant que certains destinataires relèvent de la défense. Or, dans sa décision, la Cour de Justice des communautés européennes constate que « les hélicoptères en cause ont une vocation civile certaine et une finalité militaire éventuelle » (33) ; elle refuse donc l’application de l’article 296 et condamne l’Italie pour manquement à ses obligations découlant des directives relatives aux marchés publics.

En mai 2009, soit un an après le jugement, la commission européenne a, par un avis motivé, demandé officiellement à l’Italie de se conformer à la décision précitée car les pratiques illégales s’élevant à plusieurs dizaines de millions d’euros continuaient. La distorsion de concurrence engendrée par les pratiques du gouvernement italien porte en effet un grave préjudice aux autres constructeurs européens dont Eurocopter. Cette société est notamment mis en danger sur les segments majeurs des hélicoptères de 4 et 8 tonnes.

La jurisprudence européenne autour de l’article 296 incite les autorités françaises à la plus grande prudence pour fusionner les besoins de la défense avec ceux des ministères civils. Les hélicoptères sont l’archétype de ces hésitations, tout comme les drones même si les montants en jeu sont moins importants dans ce dernier cas. Certains hélicoptères présentent des capacités nécessaires à toutes ou parties des forces armées et des services de l’État. Pourtant, aucun marché interministériel n’est établi pour regrouper les commandes et pour mieux négocier avec les industriels. D’aucuns y verraient la manifestation éclatante de la rivalité des services. Donne caution à cette analyse l’incapacité de l’armée de terre à intégrer les impératifs de la sécurité civile dans sa commande de NH90 ce qui aboutira à attribuer aux sauveteurs français un hélicoptère non conforme aux normes européennes de protection civile.

L’absence de commandes interministérielles trouve son origine dans la disparité des régimes juridiques auxquels sont soumises ces entités militaires et civiles, notamment du fait de l’article 296. On ne peut pas attaquer l’Italie sur ses pratiques protectionnistes et vouloir, dans le même temps, les reproduire en France sous couvert de bonne gestion des deniers publics.

La mise en œuvre de la nouvelle directive sur les marchés publics de défense, non encore publiée en octobre 2009, mettra un terme aux agissements protectionnistes italiens et facilitera les rapprochements interministériels français, en limitant le champ de l’article 296. L’industrie française, les finances publiques et sans doute les armées ont beaucoup à gagner dans cette évolution.

L’Europe de la défense a indéniablement progressé en 2009 même si des freins ou des obstacles demeurent.

En période de crise économique, les gouvernements auront toujours la tentation de défendre leur industrie nationale au détriment de l’intérêt communautaire. L’OCCAR n’applique pas le principe du juste retour selon lequel les États participant à un programme bénéficient de retours industriels à hauteur de leur quote-part dans le programme. Le schéma industriel du programme A400M, sous l’égide de l’OCCAR, démontre pourtant qu’il est difficile de renoncer à cette pratique ancienne.

La disparité des efforts de défense constitue un autre frein à l’esprit européen de défense. Toute comparaison de l’effort de défense européen avec l’effort de défense américain est un non-sens car, en ce qui concerne l’Union européenne, il n’existe ni budget ni politique de défense unique. Chaque État a encore conservé ses prérogatives en matière de priorités capacitaires, d’investissements de recherche, d’équipements de ses forces… Beaucoup reste à faire, même si le pragmatisme de l’approche française au second semestre 2008 a permis de poser les premiers jalons d’une coopération renforcée.

Rarement évoquées mais pourtant cruciales, les disparités des procédures budgétaires en Europe constituent un réel frein au développement des programmes en coopération. Lors des phases de négociation entre partenaires, l’engagement budgétaire des États fluctue. Si, dans la plupart des pays membres de l’Union, l’année budgétaire correspond à l’année civile, le Royaume-Uni se distingue notamment avec une année budgétaire débutant le 1er avril et s’achevant le 30 mars. De même, la programmation budgétaire pluriannuelle, récemment introduite en France, se révèle plus ou moins contraignante selon les législations nationales. Ce contexte hétéroclite complique les négociations autour des engagements financiers. Ainsi, réunis autour d’une volonté commune de développer un programme, tous les partenaires ne peuvent pas s’engager aussi fermement à long terme.

L’absence de livre blanc européen de la défense est un autre obstacle dans la définition d’une stratégie commune de défense. Sans cet exercice de réflexion sur les menaces, les besoins capacitaires et les efforts budgétaires à entreprendre, plusieurs questions restent sans réponse. Mais le sujet aujourd’hui central est la place et les pouvoirs des organismes européens en charge de sa mise en œuvre. Aujourd’hui, l’agence européenne de défense et son bras armé en matière de programme en coopération, l’OCCAR, ne sont pas en mesure de porter la construction d’une Europe de la défense en matière d’équipement.

Le traité de Lisbonne, dont l’entrée en vigueur tarde, corrige certaines faiblesses actuelles en proposant deux axes de travail : accroître la place de l’agence européenne de défense et les coopérations renforcées en matière de défense. L’avenir dira sans doute laquelle des deux voies sera privilégiée par les États membres, il n’en reste pas moins que les différentes initiatives doivent être mieux coordonnées, ce qui n’est possible qu’avec la définition d’une stratégie claire dans le cadre d’un livre blanc européen.

Recommandation : établir un diagnostic et un état des lieux des enjeux européens en matière de défense pour ensuite proposer des axes de travail à l’échelle communautaire.

Sur le plan institutionnel, il convient de noter qu’à la suite de l’élection du Parlement européen en juin 2009, la sous-commission dédiée aux questions de défense et de sécurité est présidée par le député français Arnaud Danjean. Le renouvellement de cette sous-commission est une avancée importante d’une prise de conscience politique européenne en matière de défense. Cet effort doit désormais s’inscrire dans la durée et dans les faits.

L’espace est au cœur des problématiques de souveraineté, les technologies spatiales participant aux missions de renseignement et de communication. L’Europe affiche de grandes ambitions en matière spatiale, ce qui a été confirmé lors de la réunion informelle des ministres chargés des questions spatiales à Kourou les 21 et 22 juillet 2008.

Au cours de cette réunion, les ministres ont souhaité la mise en place au niveau de l’Union européenne d’un système de surveillance de l’espace. Le sujet est hautement sensible : avec la multiplication des débris autour de la Terre, les nombreux satellites civils et militaires encourent un risque croissant de collision, pouvant entraîner de graves détériorations voire la destruction. Le mardi 10 février 2009, les satellites Iridium 33 et Kosmos 2251 se sont par exemple percutés à 800 kilomètres d’altitude. Plusieurs fois par semaine, des avertissements pour « risque de collision » sont émis. En moyenne, trois à quatre manœuvres de satellites sont nécessaires chaque année pour éviter une collision. Mais manœuvrer un satellite signifie consommer prématurément son carburant et altérer même provisoirement son positionnement dans l’espace. Ces manœuvres vont pourtant être à l’avenir de plus en plus fréquentes.

Maîtriser la surveillance de l’espace est crucial. L’autonomie spatiale exige de disposer d’une cartographie complète des objets, satellites et débris en orbite autour de la Terre et des outils permettant d’étudier leur trajectoire. Si un État dépend d’un autre pour la surveillance de ses satellites par rapport au débris, il s’expose à des risques de manipulation : on peut aisément imaginer de fausses alertes pour collision le contraignant à manœuvrer un de ses satellites d’observation ou de télécommunication, ce qui le rendrait temporairement inopérant.

L’autonomie spatiale européenne ne pourra être affirmée que lorsque l’Europe disposera d’un système complet de surveillance de l’espace. Ce système s’appuie sur deux piliers :

– des radars capables de cartographier l’espace. En service depuis janvier 2006, le système français GRAVES mis au point par l’ONERA répond à ce besoin ;

– des radars « tracking » pour déterminer les trajectoires des objets spatiaux. Ces radars d’une technologie plus avancée sont rares en Europe. En Allemagne, le système TIRA (Tracking and Imaging Radar) répond aux caractéristiques technologiques. La France dispose d’un radar similaire à bord du bâtiment d’essais et de mesures Le Monge, dépendant de la DGA.

Le Monge est un navire doté de technologies de pointe dont la destination première est de participer à la mise au point de nos outils de dissuasion, notamment le missile M51. Son rôle éminemment stratégique rend délicat l’usage de ses capacités pour une autre destination : la sécurité et le respect de la confidentialité des données transmises, le risque de dévoiler par reverse ingenioring les capacités du M51, en déduisant des caractéristiques du radar celles du missiles, sont autant de préoccupations qu’il convient de régler au préalable, non seulement avec le centre national d’études spatiales (CNES) mais aussi avec l’agence spatiale européenne (ESA) et éventuellement avec les autres agences clientes. Or, cette question devient urgente : le radar TIRA sera indisponible à partir de février 2010 pour révision et entretien. L’Europe sera alors dépendante des moyens technologiques américains pour surveiller l’espace.

Une mise à disposition du Monge pour la surveillance de l’espace apporterait une charge d’activités supplémentaire pour l’équipage. Cela aurait pour intérêt de lui assurer un entraînement opérationnel mais cela exige de maintenir le navire sous une posture d’alerte permanente, avec les coûts et l’organisation qui en découlent. Seule une décision au plus haut niveau, car touchant à un outil de la dissuasion, peut débloquer la situation et préserver l’autonomie française et européenne.

Se pose alors la question de l’opérateur de ce système de surveillance de l’espace. Faut-il faire appel à une des agences étatiques, à l’instar du CNES, l’agence spatiale européenne (ESA) statutairement dédiée aux seuls usages civils de l’espace, ou à une agence dépendant de l’OTAN mais dirigée par des européens ? La problématique spatiale confirme la nécessité de bien définir les rôles de chacun des acteurs de l’Europe de la défense. Sans doute les opérations militaires dites de hard power seront-elles à l’avenir essentiellement menées dans un cadre OTAN, les États conservant leurs capacités d’actions autonomes. L’Europe devra se trouver une place entre ces deux options, notamment dans les phases de prévention, de sécurisation, de stabilisation ou de reconstruction dites de soft power. Ceci imposerait sans doute d’élargir l’objet statutaire de l’ESA à certaines missions à caractère militaire. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont particulièrement réticents devant une telle évolution. La rédaction du livre blanc européen permettrait sans doute de clarifier la situation et de fixer des axes clairs d’évolution.

Sur le plan de l’équipement des forces, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a un impact direct. Outre une exigence d’interopérabilité accrue, il renforce l’influence de la France dans les comités de l’alliance et autres agences spécialisées en charge de définir les normes et référentiels communs aux États membres en matière d’équipement. La nomination d’un général français, Stéphane Abrial, à la tête du commandement suprême allié de la transformation en charge des questions doctrinales et capacitaires, prouve cette influence retrouvée. « Au commandement allié de la transformation, nous préparons le futur de l’alliance. Et donc, exactement comme le fait le secteur américain de l’armement, le secteur européen devrait venir nous voir, nous parler pour que nous imaginions ensemble ce que pourrait être l’avenir. Il y a de la place pour tout le monde parmi les 28 États membres. » (34). Il convient de saisir cette opportunité. Les industriels français doivent s’organiser en conséquence et ne pas attendre l’entremise de l’État.

La définition des besoins capacitaires futurs de l’OTAN et des normes dites OTAN est un enjeu opérationnel, politique et industriel. Le directeur des affaires internationales du GICAT relevait à la suite du sommet de Kehl-Strasbourg que « les industriels français [allaient] gagner un surcroît de confiance de nos alliés et [… pourront] bénéficier de nouveaux débouchés » (35), un milliard d’euros étant dépensé par l’OTAN en faveur des équipements.

Avant que cette influence ne produise ses effets, le retour de la France dans l’OTAN engendre un surcoût budgétaire annuel d’environ 80 millions d’euros, en raison de la participation de 750 militaires, dont 30 % d’officiers, dans les diverses instances. Une réforme en profondeur de l’administration de l’alliance s’impose pour ne pas sombrer dans une bureaucratie du consensus. Plusieurs sommets de l’OTAN ont abordé cette question sans que, pour le moment, des mesures concrètes n’aient été prises.

Il convient de rappeler que la dissuasion française demeure indépendante, la France n’intégrant pas le groupe des plans nucléaires et conservant sa pleine autonomie sur ses armes et doctrine nucléaires.

Le Livre blanc souligne que « dans la plupart des pays industrialisés, les grands programmes de dépenses publiques dans le domaine de la défense ou de la sécurité donnent lieu à des dérives. Des sous-évaluations ont également été constatées en France. Elles ont gravement obéré la transparence et la prévisibilité de la dépense publique. Leurs effets nuisent à l’efficacité opérationnelle des forces. De même, les à-coups constatés en gestion peuvent-ils déséquilibrer les efforts programmés. Des améliorations très sensibles sont indispensables pour conserver son utilité à la programmation pluriannuelle des dépenses, mieux respecter le vote du Parlement et faciliter son contrôle. ».

Ce constat est d’ailleurs partagé à l’étranger comme le montre le rapport de la commission de la défense de la chambre des Communes britannique sur le budget anglais d’équipement de la défense. Conforté par les conclusions du national audit office (NAO), les parlementaires britanniques dénoncent les retards calendaires et les dépassements budgétaires en matière d’équipements de défense. Ils constatent que malgré les réformes passées, notamment la création de la Defence Equipment and Support (DE’S), ces dérives se poursuivent. Selon eux, « les performances de la DE&S’ pour fournir des équipements lourds ont décliné significativement en 2007 et 2008. Les coûts prévisionnels pour les vingt plus importants programmes ont augmenté de 205 millions de livres [soit 221 millions d’euros] et les délais prévisionnels ont augmenté d’environ 100 mois en un an. Les objectifs de coûts et de délai pour 2008 et 20009 ne seront pas atteints ».

En Allemagne, le chef d’état-major adjoint de la Bundeswehr, Johan-Georg Dora, reconnaît que les moyens dont dispose l’armée allemande le contraignent à définir des priorités et à renoncer à disposer immédiatement d’un équipement pleinement opérationnel Il préfère en effet trouver « une solution à 80 % maintenant qu’une solution à 100 % demain ou jamais » (36).

L’engagement des forces en Afghanistan a un impact manifeste sur les programmes d’équipement. Pour preuve, une des premières missions du directeur du service du maintien en condition opérationnelle de la DGA s’est déroulée en Afghanistan.

Il faut tout d’abord repenser les besoins opérationnels et les moyens d’y répondre. Le 16 juillet 2009, devant le club économique de Chicago, Robert Gates, secrétaire à la défense des États-Unis, a estimé que « le défi auquel [il a fait] face en soutenant les besoins de nos troupes tient dans le profond contraste avec les programmes conventionnels existant, des armements, destinés à lutter contre d’autres armées, marines et forces aériennes modernes, qui étaient dans les tuyaux depuis plusieurs années et qui [ont reçu] un appui loyal et enthousiaste au Pentagone, au Congrès et dans l’industrie. Les besoins les plus pressants des combattants, sur le champ de bataille, dans les hôpitaux ou au pays, manquaient simplement de place et de soutien autour de la table lorsque les priorités [ont été] adoptées et les décisions budgétaires sur le long terme prises » (37).

Le second impact réside dans la mobilisation de moyens budgétaires et humains importants pour fournir des équipements adaptés et en nombre suffisant. Constat partagé par la commission de la défense canadienne selon laquelle « le système d’approvisionnement est fortement sollicité à l’heure actuelle par les diverses missions dont doivent s’acquitter les forces canadiennes, surtout celle en Afghanistan » (38).

Enfin, l’engagement afghan assure une certaine publicité pour les équipements de défense, cette publicité n’améliorant cependant pas le degré de résilience de la société française.

La société française et les décideurs politiques ne portent pas aujourd’hui le même regard sur les questions de défense que la précédente génération qui a connu la guerre. Aujourd’hui, au sein de l’Assemblée Nationale, certains députés n’ont pas été soumis à l’obligation du service national et une infime partie des parlementaires ont participé à des opérations en Algérie. La grande majorité des parlementaires et des Français a connu la paix et donc perçoit la défense certes comme une nécessité mais plus comme une institution sacrée même s’ils assistent toujours au défilé du 14 juillet et que les reportages télévisés sur les forces armées enregistrent des scores d’audience remarquables.

L’effort de défense, financier ou humain, n’est plus aussi évidemment partagé. La suspension du service national a distendu le lien armée-Nation ; les contribuables demandent désormais des comptes sur les dépenses militaires ; le niveau de résilience de la société française à l’encontre de toute perte humaine est très bas (39). Qu’on le regrette ou non, il faut en prendre acte avant de chercher à en corriger les effets néfastes.

La résilience est le fait de surmonter les événements de vie difficile. Appliquée aux questions de défense, elle désigne le seuil psychologique, quantifiable en perte humaine, au-delà duquel le corps social refuse l’engagement des hommes dans une mission. Au cours du XXe siècle, la résilience de la société française s’est considérablement réduite pour atteindre un point extrêmement bas. Au-delà des drames individuels que constitue la perte d’un proche, force est de constater que la société française accepte de moins en moins la mort de ses soldats, aspirant collectivement à des guerres sans mort.

Pour les armées, ce phénomène est très contraignant puisqu’elles doivent intervenir sans risque de perdre ne serait-ce qu’un seul soldat. La mort de dix militaires dans la vallée d’Ouzbine en août 2008 a permis d’évaluer le seuil très bas de la résilience française au regard des débats très médiatisés qui s’en suivirent sur la pertinence de l’engagement des forces en Afghanistan, la stratégie et l’adéquation des équipements utilisés. Le Royaume-Uni a connu un épisode strictement identique en juillet 2009.

La défaillance ou l’absence d’un équipement susceptible d’exposer les hommes à un risque mortel est souvent au cœur des polémiques qu’il s’agisse des équipements individuels des soldats français en 2008 ou des moyens héliportés britanniques en 2009. Vouloir répondre à la résilience implique une technologie accrue des équipements, le recours à des moyens automatisés comme les drones, ce qui engendre nécessairement de nouvelles dépenses.

Dans ce contexte, il importe plus que jamais d’expliquer ce qu’est le métier militaire en insistant bien sur les risques que cela comporte. Cet effort ne permettra pas de mettre un terme définitif au débat sur l’équipement de nos troupes. Il faut l’assumer avec sérénité et conviction, d’autant que désormais les soldats déployés dans des opérations difficiles disposent de moyens de protection conséquents.

Les programmes d’équipement des forces n’échappent pas à la nouvelle exigence de justification. De sa conception à sa mise en service, voire à son démantèlement, la conduite d’un programme d’armement est un exercice délicat qui touche plusieurs domaines : technologique, administratif, juridique, budgétaire, industriel, opérationnel… Malgré cette complexité, la défense se doit d’expliquer non seulement à la représentation nationale mais aussi aux Français, la nécessité de chaque équipement, la pertinence du montage industriel retenu et au final rendre compte du bon usage des finances publiques.

Ce devoir d’explication est d’autant plus pressant que le programme 146 est dérogatoire du droit budgétaire commun. Il a toujours suscité une certaine convoitise, sa masse permettant d’en faire facilement une variable d’ajustement du budget de l’État. Les baisses de crédits prennent souvent prétexte d’errements passés dans la conduite de programmes d’armement pour prétendre que le programme 146 dispose d’un excès de ressources budgétaires et qu’un meilleur suivi des programmes permettrait d’en réduire le volume.

Malgré leur complexité de gestion technique et budgétaire, les programmes d’armement continuent souvent à s’apparenter à de véritables tunnels. Les forces expriment un besoin opérationnel ; la DGA, en liaison avec les états-majors, définit la réponse technique à ce besoin et l’industriel développe un produit que d’aucuns souhaitent le plus moderne et le plus performant sans tenir compte qu’au cours des années de développement, des modifications et imprévus opérationnels, industriels ou budgétaires peuvent intervenir et changer la donne. Ainsi, le char Leclerc, véritable joyau technologique, conçu du temps de la guerre froide, est arrivé au sein des forces après la chute du mur de Berlin. L’armée de terre dispose d’un excellent matériel mais il ne convient pas aux besoins actuels.

Le caractère figé de la conduite des programmes d’armement convient à certains types d’équipement, en particulier à ceux touchant à la dissuasion nucléaire. L’armement nucléaire se doit d’être technologiquement et politiquement crédible dans la durée, s’appuyant sur les techniques les plus avancées et une infaillibilité absolue. Il n’est pas possible de comparer un programme dont le déroulé vise justement à s’assurer qu’il ne sera jamais employé et un programme utilisable au quotidien en opération. La dimension pluriannuelle du programme M51 se justifie par exemple parfaitement ; la même logique est nettement moins pertinente pour l’armement individuel du combattant.

Pour les programmes conventionnels, l’avancée technologique prime moins que la nécessité de répondre au besoin opérationnel sans cesse mouvant. Il semble pourtant que la même doctrine soit appliquée à la dissuasion et aux forces conventionnelles en matière d’équipement, comme en atteste l’édition 2007 de l’instruction générale 1514 (40).

Pour les forces conventionnelles, un programme figé sur 10 ou 15 ans n’a pas de sens, les modèles d’armée devant demeurer des réflexions et non des prescriptions. Dans son rapport d’information sur les perspectives en matière d’équipements militaires, le sénateur Serge Vinçon notait avec justesse qu’un « modèle d’armée défini pour un horizon lointain présente le risque de rigidifier les choix et de priver les autorités décisionnaires de la souplesse nécessaire pour s’adapter aux évolutions du contexte, notamment des menaces et des technologies » (41).

Même si l’anticipation est extrêmement difficile compte tenu des aléas du contexte international, il ne faut pas renoncer à s’adapter et à toujours chercher à ce que les équipements répondent au mieux aux besoins opérationnels. Sans adaptation à l’environnement opérationnel, les équipements deviennent en effet très rapidement technologiquement obsolètes et militairement inutiles, les capacités des forces françaises à accomplir leurs missions s’en trouvant alors altérées. Les mouvements terroristes ou insurrectionnels qui menacent les intérêts fondamentaux de la France ne s’encombrent pas de procédures rigides pour s’équiper en armement. Ceci leur donne un avantage évident sur les forces conventionnelles et oblige les États à remettre en question leur procédure d’acquisition.

Cette remise en question est renforcée par plusieurs programmes d’équipement, pour certains très médiatisés, qui, au cours de 2009, ont montré des faiblesses ou errements manifestes. On aimerait être sûr que tous les enseignements en seront tirés.

Les difficultés de l’A400M (cf. supra) montrent bien l’importance du mode de gouvernance des grands programmes d’armement. Alors que les signaux négatifs se multipliaient, les États parties auraient dû mettre en place un suivi étroit et régulier, ou a minima exiger de l’industriel qu’il le fasse. Les clauses contractuelles l’ont cependant empêché, faisant de l’OCCAR un obstacle infranchissable et pour les États et pour l’industriel.

Du fait que ce ne sont pas les États via leurs agences d’armement, mais l’OCCAR qui soit signataire du contrat, aucune administration publique ne veut aujourd’hui endosser la moindre responsabilité. Dans les réponses apportées aux questions posées dans le cadre de la préparation du rapport budgétaire sur les difficultés de l’A400M, l’accent est mis sur les défaillances industrielles. L’inadéquation des clauses du contrat et l’absence de suivi ne sont évoquées que pour préciser, et on peut s’en féliciter, que l’erreur ne sera pas rééditée à l’avenir.

Question n° 28c : Quels enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés de ce programme concernant la coopération européenne en matière d’armement ?

Réponse : Les difficultés rencontrées actuellement sont d’ordre technique et montrent que le maître d’œuvre a sous-estimé l’ampleur des innovations de ce programme et n’a pas forcément su prendre les directives nécessaires pour le gérer de manière efficace, situation qui peut se présenter dans tout programme militaire ou civil. Une modification des clauses de contractualisation pourrait être le principal enseignement tiré de ce retard qui n’est cependant pas lié de façon intrinsèque à la coopération européenne en matière d’armement.

Les pouvoirs et moyens dévolus à l’OCCAR par les agences nationales d’armement ne sont que parcellaires. Confier à cette agence un programme aussi ambitieux et emblématique sans lui donner les moyens humains et juridiques d’en assurer un suivi similaire à ceux qui sont menés dans le cadre de programmes nationaux ne pouvait que mener à l’échec. Est-ce la traduction d’une volonté des agences nationales de préserver leurs prérogatives face à un nouvel organisme perçu comme concurrent ? L’Europe de la défense ne peut se construire sur de telles architectures inachevées.

Les négociations financières sont actuellement en cours et doivent normaliser la situation. Si à l’issue des négociations en cours entre les États, l’OCCAR et EADS, des allègements de charge voire des renonciations à des pénalités sont accordés à l’industriel, il faut que ces compensations puissent également bénéficier aux sous-traitants.

À une échelle beaucoup plus restreinte si l’on s’en tient au montant financier, le programme SIC Terre semble souffrir des mêmes errances que l’A400M. Les mêmes causes qui placent aujourd’hui l’avion de transport dans une situation difficile (contrat insuffisamment encadré, montage industriel inadapté au défi technologique, absence de suivi) ont amené la DGA à résilier ce programme aux torts exclusifs des industriels.

L’armée de terre comptabilise 14 systèmes de communications et d’information, fruit d’une absence de vision globale héritée de plusieurs décennies. Cette nébuleuse de systèmes au sein d’une même armée altère gravement la capacité opérationnelle de la chaîne de commandement, engendre des coûts exorbitants de maintenance et interdit toute interopérabilité entre les forces et au-delà avec les autres armées. En 2002, décision est prise de moderniser et fédérer l’ensemble des systèmes autour d’un socle technique unique, le programme SIC Terre. En 2003, la DGA lance une mission d’urbanisation et de préconisation auprès de CAP GEMINI, spécialiste du conseil en management des services informatiques.

En janvier 2005, est notifié un contrat de maîtrise d’œuvre industrielle pour l’ensemble des systèmes d’information et de communication de l’armée de terre à Thalès (pour 70 %) et EADS-défense et Sécurité (30 %) pour un montant de 230 millions d’euros sur 7 ans. La maîtrise d’ouvrage est assurée par la DGA sans assistance à maîtrise d’ouvrage alors que des compétences extérieures ont été sollicitées pour définir les contours du programme.

Le montage industriel de cotraitance porte en lui les germes de l’échec, comme l’avait déjà montré l’exemple du VBCI dont la maîtrise d’œuvre a été conjointement confiée à GIAT industries et Renault véhicules industriels. Comme l’a déclaré Serge Pérez, nommé directeur de Renault Trucks Defense en 2004, « les relations entre entreprises étaient une chicane de tous les jours pour déterminer qui était responsable de quoi. Chacun se renvoyait la balle, et l’arbitrage n’était pas possible » (42). La mission d’évaluation et de contrôle sur les programmes d’armement a émis en 2006 une proposition n°4 claire : « Étudier systématiquement la possibilité d’avoir une maîtrise d’oeuvre industrielle unique : l’interlocuteur de l’État doit être, le plus souvent possible, un industriel chef de file, responsabilisé (avec une maîtrise d’oeuvre claire), et équitablement rémunéré pour cette tâche » (43).

Cette préconisation arrive après la conclusion du programme SIC Terre. L’association sans leader de deux entités concurrentes, ne suffit pas pour éteindre la rivalité concurrentielle, les deux entreprises ne partageant pas leur savoir technologique. La cotraitance s’est résumée à un partage financier et non à un partage de métiers. Au terme de quatre années de développement et après l’engagement de près de 140 millions d’euros, le ministère de la défense constate que le système proposé ne répond pas aux performances techniques et ne respecte pas le calendrier. En mars 2009, la DGA et l’armée de terre décident de résilier le contrat aux torts exclusifs des industriels, l’armée de terre conservant ses 14 SIC sans armature commune.

Question : Fournir une note détaillée sur le programme SIC TERRE.

Réponse : La numérisation de l’espace de bataille (NEB) a pour objectif de permettre à tout chef interarmes d’obtenir et de conserver un avantage sur l’adversaire en matière de connaissance de la situation opérationnelle, de maîtriser et de raccourcir le processus décisionnel pour garantir une meilleure atteinte des objectifs opérationnels. Elle présuppose de maîtriser l’interopérabilité (interarmes, interarmées et interalliés), le fonctionnement synchronisé des systèmes d’information et de communication en toute sécurité, et les flux d’information sur la base d’un référentiel unique.

L’opération d’ensemble SIC Terre (OE SIC Terre) vise à mettre en place ces capacités. Le niveau de capacité « initial » (NCi) a été atteint à partir de 2007. Il couvre 60 à 70 % du besoin global en échange d’informations et prend en compte les enseignements majeurs de SICAT V1 déployé en 2004.

Suite aux difficultés liées à la maîtrise d’œuvre industrielle (THALES-EADS) la DGA a résilié le contrat début 2009.

L’armée de terre reste néanmoins sur la dynamique de la numérisation et souhaite disposer de systèmes d’information opérationnels tactiques, construits sur un socle commun, garant de leur interopérabilité, dans le cadre d’un jalon NC1 (2013). En attendant, il a été décidé d’améliorer les systèmes actuels constitutifs de la NEB en prenant en compte, au juste niveau, les besoins d’évolutions et d’améliorations exprimés par les forces terrestres lors des divers exercices NEB (jalon NCi+).

Lors du dernier comité de pilotage de juin 2009, la DGA a proposé :

– dans un premier temps, de faire réaliser le NCi+ en deux étapes : étape 1 (2011) qui s’appuiera sur les systèmes existants (SICF, SIR, ATLAS(1)) ; étape 2 (2012) qui recouvrira le reste du besoin exprimé.

– dans un deuxième temps (NC1 – 2013/2014), de réaliser des SIOC(2) pour les niveaux hauts(3) et pour les niveaux bas(4) (NUMTACT « développement logiciel »), sur la base du STC-E (socle technique commun d’échanges), qui s’inscriraient désormais dans les futurs systèmes que sont SIA (Système d’Information des Armées) et SIC-S (Système d’Information et de Combat SCORPION(5)).

Le référentiel NC1 disposera en particulier :

– d’un socle technique commun assurant la cohérence d’ensemble ;

– d’une modélisation des données de l’armée de terre conforme aux décisions prises par le Président de la République sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN et adaptée aux priorités affichées dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

L’opération d’ensemble SIC Terre est un maillon essentiel des équipements SIC de la NEB. Une redéfinition de cette opération en opération d’armement SI Terre est en cours.

(1) SICF : système d’information et de communication des forces.

SIR : système d’information réglementaire.

ATLAS : automatisation des tirs et des liaisons de l’artillerie sol-sol.

(2) Systèmes d’information opérationnels et de communication des armées.

(3) Du niveau brigade jusqu’aux niveaux stratégique et opératif.

(4) Niveau GTIA (groupement tactique interarmes) à groupe.

(5) Synergie du COntact Renforcé par la Polyvalence de l’InformatiON)

La réponse du ministère, tout en restant extrêmement laconique sur les origines de l’échec du programme, présente les options retenues pour l’avenir, à savoir une scission du programme en deux ensembles intégrés dans des projets plus larges : SIA et SIC-SCORPION.

Des questions restent en suspens : pourquoi cette seconde solution n’a-t-elle pas été retenue dès 2005, notamment sur le plan technique ? Le fait de scinder le programme SIC TERRE et de l’intégrer dans des programmes plus importants est-il de nature à combler les lacunes de maîtrise d’ouvrage constatées ? La résiliation aux torts de l’industriel a-t-elle donné lieu au remboursement des sommes engagées par l’État comme le veut le droit commun des marchés publics ? Il conviendra de veiller, dans la durée, à ce que des réponses précises soient apportées à ces interrogations.

Comme le note le Livre blanc, « l’analyse du déroulement des programmes d’armement fait apparaître, dans plusieurs cas, des insuffisances graves, qui se sont traduites par des dérives de coûts, de délais et parfois de performances. Leur conduite sera entièrement réorganisée ».

Dans la pratique, les opérations d’armement ont été d’ores et déjà profondément bouleversées par les acquisitions pour urgence opérationnelle.

L’instruction 1514 de 2007 précise que « la procédure « urgence opérationnelle » est une procédure exceptionnelle. Elle concerne les opérations d’armement qui imposent une réponse particulière en terme de délais en cas de nécessité opérationnelle impérieuse. La décision du recours à la procédure […] est prise par le chef d’état-major des armées ».

En 2008, 104 millions d’euros ont été engagés en urgence opérationnelle sur le programme 146 selon la répartition suivante :

– 46 millions d’euros pour la lutte contre les engins explosifs improvisés (EEI) (achat de brouilleurs, de leurres massiques et infrarouges et de cinq véhicules d’intervention Buffalo) ;

– 45,5 millions d’euros pour le renforcement de la protection du personnel embarqué (tourelleaux téléopérés sur VAB, kits de surprotection pour véhicules légers, kits de protection tireur pour petit véhicule protégé (PVP), cabines blindées pour camion, 22 camions SCANIA avec cabine blindée) ;

– 12,5 millions d’euros pour l’amélioration de l’efficacité du personnel débarqué (24 lance-grenades de 40 mm et 20 000 grenades, obus de mortiers éclairants, supports de casque pour lunette de vision nocturne).

En 2009, 76,5 millions d’euros ont été engagés en urgence opérationnelle selon le schéma suivant :

– 39,6 millions d’euros pour la protection des troupes (individuellement, au stationnement et contre les EEI) ;

– 14,8 millions d’euros pour l’amélioration du renseignement, de l’observation et de la surveillance (dont 6,18 pour les moyens de guerre électronique) ;

– 7,6 millions d’euros pour l’amélioration des capacités de communication, notamment satellitaire ;

– 4 millions d’euros pour renforcer les moyens de guidage aérien pour l’appui feu air-sol ;

– 7,6 millions d’euros pour l’adaptation des hélicoptères au théâtre afghan ;

– 2,7 millions d’euros pour améliorer la puissance de feu des troupes au sol (mitrailleuses).

Toutes les nations engagées en Afghanistan ont désormais recours à cette procédure dérogatoire. Le besoin opérationnel est remis au centre des préoccupations, consacrant en quelque sorte le retour de l’aléa de la guerre dans les programmes d’armement.

Ces procédures sont-elles des accidents ou annoncent-elles une profonde refonte de la conduite des programmes ? La demande de sécurité croissante laisse présager une sollicitation également croissante des forces sur des théâtres très variables. Aussi la nécessité d’adapter constamment les matériels à des situations imprévues est-elle appelée à demeurer dans les années à venir. On ne peut considérer les acquisitions pour urgence opérationnelle comme une phase exceptionnelle dans le calendrier général d’équipements des forces. À l’opposé, on ne peut affirmer qu’elles constitueront à l’avenir la principale procédure d’acquisition. L’acquisition des tourelleaux téléopérés destinés à renforcer la protection des véhicules de l’avant-blindé entre dans les cas d’urgence opérationnelle : un équipement nouveau venant se greffer à un véhicule déjà dans les forces. 60 VAB TOP ont été livrés en Afghanistan entre le 23 janvier 2009 et la mi-avril 2009, soit un an après la commande du tourelleau, pour un montant de 20 millions d’euros. La conception, le développement et la production de l’intégralité d’un véhicule dédié pour répondre au besoin opérationnel spécifique aurait été une ineptie. Si l’urgence opérationnelle permet de répondre dans l’immédiat, elle n’est pas adaptée pour concevoir les systèmes du futur.

Sommes-nous dès lors face à deux procédures appelées à perdurer avec d’un côté la programmation classique pluriannuelle et de l’autre les urgences opérationnelles ? Les États-Unis semblent répondre par l’affirmative. En février 2006, face à la menace croissante des engins explosifs improvisés (dénommés IED en anglais) en Irak ou en Afghanistan, décision fut prise par le Pentagone de créer une organisation dédiée : le Joint IED Defeat Organisation (JIEDDO) recueille tous les renseignements sur les technologies employées dans les EEI ainsi que les procédures de mise en œuvre ; il développe en liaison avec les forces et les industries les mesures et équipements nécessaires pour s’en protéger ; il acquiert en urgence les matériels ainsi définis. Face à un imprévu opérationnel et technologique, le ministère de la défense s’est doté d’un organisme dédié pour sortir la problématique de la bureaucratie installée au Pentagone dont les capacités à s’adapter ont été estimées trop faibles ou lentes.

Séparer les deux procédures, l’urgente et l’ordinaire, n’est possible que si l’État dispose d’une imposante manne budgétaire lui permettant de développer deux systèmes parallèles allant des études à la production, ce que la France ne peut se permettre. Elle doit faire coexister les deux procédures dans une seule doctrine de conduite de programme d’armement. L’approche incrémentale permet une conciliation optimale en intégrant les modifications issues des acquisitions pour urgence opérationnelle dans l’évolution normale des programmes. Ce ne sont pas des altérations d’équipements achevés ; ce sont des adaptations normales à des équipements en voie d’amélioration.

Lancé par le Président de la république, le 4 décembre 2008, le plan de relance pour l’économie vise à soutenir l’activité notamment par une accélération des investissements publics. Au 6 octobre 2009, 22,6 milliards d’euros avaient été déjà injectés dans l’économie, soit plus des deux tiers de l’enveloppe initiale.

Pour la défense, 2,325 milliards d’euros sont mobilisés pour accélérer la mise en œuvre de programmes prévus dans le cadre de la LPM.

Question : Détailler le volet « défense » du plan de relance en ce qui concerne les équipements. Indiquer très précisément son affectation budgétaire. Présenter une évaluation de son impact économique.

Réponse :

En matière d’équipements de défense, les ressources mises en place dans le cadre du plan de relance de l’économie pour les opérations du programme 146 s’élèvent à 1 096 millions d’euros d’autorisation d’engagement pour l’année 2009 et 1 231 millions d’euros de crédits de paiements répartis en 625 millions d’euros en 2009 et 606 millions d’euros en 2010.

A ce jour, des crédits "relance" sont alloués à 28 opérations en matière d’équipement des forces. En cas de difficultés dans le lancement des opérations non encore notifiées, ces dernières seraient abandonnées et remplacées. A cette fin, la direction générale de l’armement (DGA) entretient un portefeuille d’opérations de substitution qui fait l’objet d’un point particulier lors des comités de pilotage mensuel réunissent les ministères de la défense et de la relance. Ces opérations de substitution sont destinées à remplacer les opérations abandonnées et/ou à compléter la liste des opérations dans le cadre de l’enveloppe financière allouée pour ce volet du plan de relance.

A mi-juillet 2009, la répartition prévisionnelle de l’utilisation des crédits du plan de relance était la suivante :

1-Acquisition anticipée d’un troisième BPC (notifié en avril) : Montant d’AE relance allouées : 439,2 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 186,9 millions d’euros 2009, 129,6 millions d’euros 2010

2-Report de la baisse de cadence de production du Rafale conduisant à la livraison de trois appareils supplémentaires sur la période LPM (maintien de la cadence initiale) : Montant d’AE relance allouées : 0 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 78,0 millions d’euros 2009, 118,3 millions d’euros 2010

3-Acquisition de 5 hélicoptères EC 725 Caracal (notifié en avril) : Montant d’AE relance allouées : 227,5 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 64,8 millions d’euros 2009, 75,8 millions d’euros 2010

4-Non réduction des cadences de production du VBCI (maintien de la cadence initiale) : Montant d’AE relance allouées : 0 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 84,3 millions d’euros 2009, 76 millions d’euros 2010

5-Acquisition de 4 engins de débarquement amphibies (notifié en juin) : Montant d’AE relance allouées : 59 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 31,5 millions d’euros 2009, 17,3 millions d’euros 2010

6-Acquisition de différentes munitions pour blindés (notification partielle, dernière notification prévue en novembre) : Montant d’AE relance allouées : 45,3 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 8,8 millions d’euros 2009, 17,5 millions d’euros 2010

7-Acquisition de stations sol et marine Syracuse (notification partielle, dernière notification prévue en septembre)

Montant d’AE relance allouées : 3 millions d’euros (engagement complémentaire sur AE P146) ; Montant de CP relance alloués : 13 millions d’euros 2009, 28 millions d’euros 2010

8-Acquisition de 200 petits véhicules protégés (PVP) (notifié en juin) : Montant d’AE relance allouées : 36,6 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 13,7 millions d’euros 2009, 12,7 millions d’euros 2010

9-Acquisition de nouvelles capacités d’emport pour le Rafale (notification prévue en septembre) : Montant d’AE relance allouées : 5 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 1 millions d’euros 2009, 4 millions d’euros 2010

10-Acquisition de différents petits bâtiments pour la Marine (formation et servitude) (notifications prévues en septembre et octobre) : Montant d’AE relance allouées : 10,1 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 4,1 millions d’euros 2009, 5,1 millions d’euros 2010

Remarque : 6 consultations relatives à l’acquisition de différents types de bâtiments répondant à des besoins différents ont lieu en parallèle. L’opération « relance » sera limitée aux seuls bâtiments dont la contractualisation sera suffisamment rapide. Les montants financiers correspondent à la réalisation de 3 commandes sur les 6 procédures.

11-Lancement de pré-développements MUSIS (notifié en mai) : Montant d’AE relance allouées : 10 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 5 millions d’euros 2009, 5 millions d’euros 2010

12-Acquisition de 15 véhicules fortement protégés Aravis (notifié en avril) : Montant d’AE relance allouées : 15 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 10,1 millions d’euros 2009, 4,9 millions d’euros 2010

13-Acquisition d’équipements optroniques pour les fantassins (Notifié en mai et juillet) : Montant d’AE relance allouées : 11 millions d’euros (engagement complémentaire sur AE P146) ;Montant de CP relance alloués : 5,9 millions d’euros 2009, 10,7 millions d’euros 2010

14-Transformation de 2 FALCON gouvernementaux en avion de surveillance maritime (Notification prévue en septembre) : Montant d’AE relance allouées : 18,8 millions d’euros (engagement complémentaire sur AE P146) ; Montant de CP relance alloués : 7,6 millions d’euros 2009, 9,8 millions d’euros 2010

15-Acquisition de munitions d’artillerie (Notifié en juin et juillet) : Montant d’AE relance allouées : 44,5 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 16 millions d’euros 2009, 18,1 millions d’euros 2010

16-Acquisition de leurres pour hélicoptères (Notifié en mai) : Montant d’AE relance allouées : 13,5 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 8,8 millions d’euros 2009, 3,8 millions d’euros 2010

17-Améliorations hélicoptères (tapis de poser et blindages pour Cougar) (Notifié en mars et mai) : Montant d’AE relance allouées : 8,7 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 4,8 millions d’euros 2009, 3,5 millions d’euros 2010

18-Mise à hauteur des deux centres de simulation Rafale (Notification prévue en septembre) : Montant d’AE relance allouées : 0 millions d’euros (financement sur AE P146) ; Montant de CP relance alloués : 7,6 millions d’euros 2009, 5 millions d’euros 2010

19-Acquisition de données de géographie numérique (Première notification en avril, dernière notification prévue en novembre) : Montant d’AE relance allouées : 14 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 6,6 millions d’euros 2009, 3,5 millions d’euros 2010

20-Acquisition de roquettes pour le Tigre (Notifié en mars) : Montant d’AE relance allouées : 7,8 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 4,5 millions d’euros 2009, 3,3 millions d’euros 2010

21-Investissement pour les opérations d’armement (travaux de mise à niveau des moyens d’essais DGA) (Près de 40 actes, première notification en février, dernière notification prévue en septembre) : Montant d’AE relance allouées : 12,2 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 9,6 millions d’euros 2009, 2,6 millions d’euros 2010

22-Evolutions du système de préparation de mission du rafale et de ses missiles aéroportés (Notifié partiellement en août, dernière notification prévue en octobre) : Montant de d’AE relance allouées : 25 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 5 millions d’euros 2009, 7,8 millions d’euros 2010

23-Intégration de nouvelles fonctionnalités sur le Rafale (Notification prévue en septembre) : Montant de d’AE relance allouées : 23,2 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 5 millions d’euros 2009, 18,2 millions d’euros 2010

24-Acquisition de groupes électrogènes pour l’armée de terre (Notifié en mai) : Montant de d’AE relance allouées : 9,4 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 1,9 millions d’euros 2009, 7,5 millions d’euros 2010

25-Anticipation de la fusion Martha-SCCOA (Notifié en avril) : Montant de d’AE relance allouées : 9,3 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 4,1 millions d’euros 2009, 2,9 millions d’euros 2010

26-Acquisition de Pod Damocles (Notifié en juillet) : Montant de d’AE relance allouées : 37,9 millions d’euros ; Montant de CP relance alloués : 19,8 millions d’euros 2009, 6,5 millions d’euros 2010

27-Auto-défense des hélicoptères de manœuvre (Notification prévue en septembre) : Montant de d’AE relance allouées : 4,8 millions d’euros (engagement complémentaire sur AE P146) ; Montant de CP relance alloués : 9,7 millions d’euros 2009, 5,6 millions d’euros 2010

28-Acquisition de 3 drones SDTI : Montant de d’AE relance allouées : 5,2 millions d’euros (Notifié en août) ; Montant de CP relance alloués : 2,8 millions d’euros 2009, 2,4 millions d’euros 2010

Évaluation de l’impact économique

A début septembre 2009, 90 % des AE « relance » allouées sont engagées et 61 % des CP "relance" 2009 ont été réglés aux titulaires des différents contrats soit 382 millions d’euros de crédits injectés dans l’économie.

Au regard de la taille et de la complexité des différentes opérations, la plupart des titulaires sont de grands maîtres d’œuvre industriels. Une PME est cependant titulaire de la commande de tapis de poser pour hélicoptères. C’est également le cas pour plusieurs contrats relatifs aux investissements dans les centres DGA. Les maîtres d’œuvre des autres opérations sont amenés à sous-traiter pour partie les travaux. La DGA ne dispose pas d’un niveau de visibilité sur l’ensemble des sous-traitants mais seulement sur les principaux sous-traitants de premier rang qui sont eux-mêmes généralement des industriels majeurs de l’armement. Il n’est donc pas possible de réaliser une évaluation détaillée de la part revenant aux PME. Cette part peut cependant être estimée globalement entre 15 et 45 %.

La réalisation de systèmes aussi complexes impliquant d’importantes chaînes de sous-traitance, ne permet pas une connaissance de la localisation finale des différents investissements au niveau d’une ville ou même d’un département. Indépendamment de toute quantification précise, les régions Pays-de-Loire et Provence-Alpes-Côtes-d’Azur sont les deux principales bénéficiaires (estimées à plus de 20 % des investissements chacune). Les régions Île-de-France, Rhône-Alpes, Centre, Aquitaine et Midi-Pyrénées ont chacune des parts d’investissement qui peuvent être estimées entre 5 et 20 % des investissements. Les autres régions ont des parts des investissements estimées à moins de 5 %.

La charge de travail associée aux différentes opérations listées dans la première partie de la réponse peut être estimée en équivalents temps plein sur la durée des différents contrats (certains se terminent en 2009 ou 2010, d’autres vont au-delà de la période de financement par le plan de relance). La somme des charges équivaut à environ 6 100 équivalents temps plein. Il n’est pas possible d’estimer un nombre d’emplois créés ou préservés. Il serait nécessaire de connaître de nombreuses caractéristiques intrinsèques des différents industriels intervenant dans la réalisation des opérations mais au regard des définitions respectives, le nombre d’emplois créés ou préservés est au moins égal à la charge.

Tous les industriels qui ont bénéficié du plan de relance s’accordent à souligner la forte réactivité des personnels de la DGA pour conclure les contrats ainsi financés. Les délais de contractualisation ont ainsi été divisés par deux.

Sous l’exigence très forte du pouvoir politique d’obtenir des résultats, la DGA et ses personnels ont trouvé les ressources en interne pour accélérer la contractualisation, ce qui a eu un impact industriel et opérationnel indéniable. Ce résultat a-t-il été réalisé au détriment des autres programmes ou est-il dû à la seule implication du politique ? Il serait utile d’analyser plus en détail les procédures et moyens humains mises en œuvre par la DGA dans le cadre du plan de relance et d’étudier leur éventuelle transposition à l’ensemble des opérations d’armement.

Recommandation : présenter un rapport sur les procédures et moyens humains mis en œuvre par le ministère de la défense dans le cadre du plan de relance et leur éventuelle transposition à l’ensemble des opérations d’armement.

La délégation générale de l’armement s’est engagée depuis plusieurs années dans une véritable révision de ses missions et de son organisation. Pour réaliser le chemin déjà accompli, il suffit de se rappeler qu’en 2000, DCN était toujours une direction interne à la DGA.

Sa réforme s’est également accompagnée d’une diminution de ses effectifs et d’une remise en question de ses implantations locales ; la RGPP a simplement amplifié ce mouvement.

Question : Faire le point sur la réforme de la DGA en précisant notamment les mesures engagées, adoptées ou en cours de préparation. Expliquer le calendrier retenu de cette réforme.

c) Préciser dans le cadre de la manœuvre RH liée à la RGPP, l’évolution des effectifs de la DGA entre 2008 et 2014, par emploi et grandes directions. Indiquer les mesures d’accompagnement social spécifiques mises en place au sein de la DGA et leur coût budgétaire au regard des économies réalisées.

Réponse :

b) La modernisation de la délégation générale pour l’armement (DGA) contribue à la réforme globale du ministère. Les orientations retenues consistent, dans un format resserré à 10.000 personnes à l’horizon 2014, à renforcer les compétences de management et d’expertises dont dispose la DGA, en redéployant ses implantations et en rationalisant ses soutiens.

Ce projet de modernisation s’appuie sur des transferts, des réductions de périmètre et des fermetures de sites échelonnés entre 2009 et 2014. Le calendrier intègre les délais nécessaires à la préparation pratique des opérations de transferts ou de fermeture, ainsi que ceux permettant aux personnels concernés de se déterminer sur leur avenir professionnel. Il tient également compte des exigences de continuité de l’activité.

Un « plan stratégique de ressources humaines » a été élaboré pour piloter les évolutions à opérer, en lien avec les objectifs d’effectifs et de maîtrise de la masse salariale assignés à la DGA pour 2014. Actualisé chaque année, cet outil identifie ainsi des cibles qualitatives et quantitatives, métier par métier, pour chacun des 56 métiers de la DGA. Le plan stratégique de ressources humaines de la DGA prévoit ainsi à échéance 2014 d’augmenter de 4 % en moyenne les effectifs dans les métiers d’expertise technique, en contrepartie d’une réduction moyenne de 17 % dans les métiers d’essai et de 40 % dans les métiers du soutien. Les redéploiements retenus concernent les activités techniques et celles du service de la qualité.

L’implantation des activités techniques est revue afin de regrouper les compétences et les moyens par grand domaine : terrestre, naval, aéronautique, missiles, électronique. Dans les domaines terrestre et aéronautique, comme cela est déjà fait dans le domaine naval, la DGA et les armées développeront les synergies entre leurs centres respectifs d’essais et d’expérimentation. Enfin, la responsabilité du centre d’études de Gramat sera transférée en 2010 au centre de l’énergie atomique (CEA). Au total, le nombre d’implantations géographiques principales des moyens techniques de la DGA sera réduit de vingt à quatorze.

Par ailleurs, le service de la qualité, chargé de l’assurance qualité dans l’industrie de défense, sera réorganisé en cinq sites principaux : Bordeaux, Bourges, Marseille, Nantes et Saclay ; ses implantations secondaires seront regroupées sur vingt-cinq sites, au lieu de quarante-neuf actuellement, choisies en adéquation avec l’activité industrielle et hébergés dans des implantations appartenant au ministère de la défense. Le redéploiement des implantations de la DGA s’accompagnera de rationalisations dans les différents domaines du soutien : réduction des surfaces occupées, refonte de l’organisation et des modes de fonctionnement, mutualisations à l’échelle de la DGA voire du ministère. Ainsi, dans la perspective du regroupement géographique des services parisiens du ministère (projet Balard), les équipes de l’établissement central de soutien (ECS) de la DGA et du service des moyens généraux (SMG) du secrétariat général pour l’administration (SGA) ont été fusionnées pour créer le 8 avril 2009 un opérateur unique de soutien des services centraux du ministère de la défense : le service du soutien parisien et de l’administration centrale (SPAC).

Enfin, des transformations sont engagées dans le domaine de la formation : l’activité du centre de formation de Lorient a cessé fin 2008 et la responsabilité du centre de formation de Bourges sera transférée au SGA avec l’ambition de constituer un pôle de formation étoffé au bénéfice de l’ensemble des organismes du ministère.

c) La réforme globale du ministère englobe la réforme de la fonction armement établie sur la période 2007 – 2014. La mise en œuvre de cette réforme conduit à des évolutions de la trajectoire initiale de réduction des effectifs en fonction des transferts d’activité, d’effectifs et de masse salariale entre les différents programmes de la mission défense.

La trajectoire actualisée en 2009 est la suivante :

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Post - 2014

Total annuel

626

629

649

375

387

421

294

351

50

Total cumulé

626

1 255

1 904

2 279

2 666

3 087

3 381

3 732

3 782

Ce scénario permet de maintenir la capacité de la DGA en matière de conduite des programmes, de préparation de l’avenir et de soutien de l’exportation, de préserver et de renforcer la fonction technique grâce à une rationalisation des fonctions de soutien.

La dernière étape de la restructuration de la DGA porte sur son organisation interne avec la transformation de la délégation en direction.

Le décret n° 2009-1180 du 5 octobre 2009 prend acte de la réforme de la DGA devenue direction générale de l’armement. Elle reste toutefois dirigée par un délégué général pour l’armement.

La nouvelle DGA s’organise autour de grandes directions. La direction des opérations, ancienne direction des systèmes d’armes, conduit les études et la réalisation des systèmes d’armes, des équipements de défense, matériels, logiciels et installations sous sa responsabilité. Elle élabore la stratégie d’acquisition et conduit les opérations d’armement « dans le respect des coûts, des délais et des performances en assurant leur cohérence ». La direction des opérations a également en charge la politique du ministère en matière de soutien logistique ainsi que l’évaluation de la « satisfaction des armées dans l’utilisation des matériels et systèmes » (44).

La direction de la stratégie, précédemment direction des systèmes de forces et des stratégies industrielle, technologique et de coopération, s’occupe notamment de toutes les études amont et de la prospective technique et opérationnelle. La direction du développement international a en charge tout le volet export. La direction technique, fusion de la direction des expertises techniques et de la direction des essais, chapeaute les centres d’essais de la DGA avec pour impératif de développer la « coopération européenne ».

Mention doit également être faite de la direction des plans, des programmes et du budget, de la direction des ressources humaines et du service central de la modernisation et de la qualité.

Cette réorganisation interne préfigure-t-elle une révision des procédures d’acquisition ? Les termes du décret du 5 octobre 2009, notamment en ce qui concerne les attributions de la direction des opérations, semblent en attester. Seule une nouvelle version de l’instruction générale 1514, texte décrivant le déroulement des opérations d’armement, permettra de le confirmer définitivement. Cette nouvelle version est en cours de préparation pour une mise en œuvre au cours de l’année 2010.

Cette réforme organique aura-t-elle des conséquences sur la politique interne de gestion des ressources humaines et des compétences ? Dominée par le corps des ingénieurs de l’armement, dont est notamment issu le délégué général pour l’armement, la DGA doit concilier, à l’instar des grandes administrations, la gestion des carrières et la gestion des compétences.

Question : Indiquer dans le cadre de la Revue Générale des Politiques Publiques la place du corps des ingénieurs de l’armement pour les années à venir, tant en terme statutaire que d’effectif.

Réponse :

Le corps des ingénieurs de l’armement comprend aujourd’hui 1 150 ingénieurs parmi lesquels près de 750 sont affectés à la DGA où ils représentent 15 % des effectifs d’officiers et de catégorie A. Les transformations liées à la réforme globale du ministère ainsi que la confirmation des missions de la DGA conduisent à maintenir globalement le pourcentage des ingénieurs de l’armement au sein de l’institution.

Par ailleurs, il n’est pas envisagé de transformation statutaire à brève échéance. Les différentes parties concernées restent toutefois attentives aux réflexions conduites sur l’organisation de la haute fonction publique technique (1) et aux évolutions qui pourraient en découler.

(1) Rapport Folz-Canepa de janvier 2009.

Dans leur parcours professionnel, les ingénieurs de l’armement sont tenus à une certaine mobilité interne qui n’est pas sans conséquence sur la conduite des programmes. Pour maîtriser un domaine, un milieu ou une problématique technico-opérationnelle, tout ingénieur, aussi doué soit-il, a besoin de temps. Or, à de nombreux postes, la mobilité exigée des personnels ne leur permet pas cette acquisition ou l’exploitation de compétence. Et lorsqu’ils l’acquièrent, ils sont appelés à changer d’affectation.

Pourtant, certains programmes ont pu bénéficier d’une certaine stabilité de leurs responsables. Cette stabilité a permis de résoudre les difficultés de certains programmes comme par exemple le Rafale ou de respecter à la lettre les objectifs financiers et calendaires, à l’instar de l’exemplaire programme M51.

La mobilité des responsables n’est pas une spécificité de la DGA ou, plus largement, du ministère de la défense. Toute la haute fonction publique française est soumise à cette instabilité permanente. Or, l’administration, pour mener à bien ses missions, ne peut s’enfermer dans le court terme. Elle doit s’inscrire dans un temps plus long. La gestion des carrières administratives n’accorde pas ce temps long à celles et ceux qui doivent assumer la responsabilité de l’action administrative. Cette problématique ne pourra être résolue que par une profonde mutation culturelle du management des ressources humaines au sein de l’État.

Les errements des programmes A400M et SIC Terre, précédemment décrits, démontrent également que sans un suivi continu et rigoureux, un programme d’armement peut rapidement dériver sur les plans financier, calendaire, industriel et technologique.

Il incombe au client, le ministère de la défense via la DGA et les états-majors, d’assurer ce suivi pour éviter tout déficit capacitaire et tout gaspillage financier. Certes, l’instruction générale 1514, dans sa dernière édition du 30 mars 2007, qui décrit le déroulement des opérations d’armement, confie la supervision et le contrôle à plusieurs instances et acteurs : le conseil de système de force, la commission exécutive permanente, le binôme architecte de système de force / officier de cohérence opérationnelle, l’officier de cohérence d’armée. Des fiches et documents de suivi sont produits annuellement. Mais tout ce dispositif s’est révélé vain pour l’A400M et le programme SIC Terre.

Les compétences de maîtrise d’ouvrage de la DGA font l’objet d’interrogations. Renforcer la compétence de ses personnels accaparés par la gestion juridique et financière des contrats, et recourir le cas échéant à des missions d’assistance à maîtrise d’ouvrage semblent aujourd’hui indispensables. La DGA a déjà recours sur certains domaines à des maîtres d’ouvrage délégués, comme le CNES sur certains dossiers liés au spatial. Sur d’autres domaines, elle semble encore trop hésitante à faire appel à des tiers pour renforcer ses compétences.

Recommandation : renforcer les compétences de maîtrise d’ouvrage de la DGA.

Cette recommandation ne doit pas être perçue comme un appel au « tout contrôle », l’activité de la DGA et des industriels ne devant pas s’organiser autour de cette fonction. Comme l’écrit la mission d’évaluation et de contrôle consacrée à la conduite des programmes d’armement, au sujet du VBCI, « le suivi de ce programme, en 2001, était paradoxalement trop poussé : l’industriel était submergé de demandes d’informations, tandis que la DGA ne pouvait exploiter correctement ces documents » (45). Le contrôle et le suivi sont des instruments destinés à améliorer la conduite des programmes ; ils ne sont pas une fin en soi.

La direction technique de la DGA chapeaute les centres d’expertises et d’essais, dont le financement ne dépend pas du programme 146 mais dont les travaux ont un impact direct sur les équipements des forces.

Question : Présenter les sites d’essais et de recherche de la DGA. En préciser l’activité, le plan de charge prévisionnel 2009-2014 et le financement. Inclure dans le champ de cette note le Bâtiment d’Essais et de Mesures Monge.

Réponse :

La DGA compte actuellement 15 centres d’expertise et d’essais sur 23 implantations géographiques principales. La rationalisation décidée dans le cadre de la réforme globale du ministère de la défense, fondée sur l’existence de synergies d’activités encore insuffisamment exploitées et des réductions de besoins dans certains domaines, conduira à regrouper en 2014 l’ensemble des activités actuelles dans 9 centres répartis sur 14 implantations principales.

LRBA/ Missiles navigation : situé à Vernon (27) le laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) rassemble l’ensemble des compétences et des moyens techniques associés pour fournir une expertise couvrant l’ensemble des domaines missiles et navigation. Le LRBA a pour principale mission l’expertise des systèmes de missiles et des systèmes de navigation, depuis la phase de faisabilité jusqu’à leur utilisation en service opérationnel voire jusqu’au retrait de service. Il participe à la spécification et à la validation des performances des futurs systèmes de missiles tactiques et stratégiques et contribue aux travaux relatifs à la performance en navigation des systèmes d’armes.

Principaux programmes : MdCN ; Mistral ; LRM-NG ; FSAF ; M51 ; ASMPA ; SNLE-NG

Orientations de la réforme du ministère pour le LRBA : Transfert des activités sur le site du CELAR de Bruz (35) ; Fermeture du centre de Vernon.

CELAR/Maîtrise et protection de l’information : Le centre d’électronique de l’armement (CELAR) est implanté, depuis 1968, à Bruz au sud de Rennes (35) sur un site de 100 hectares. Centre de référence européen dans le domaine des techniques de maîtrise et protection de l’information, dans un contexte d’interdépendance des systèmes et pour une sécurité globale, il a investi dans le domaine de la guerre électronique et des systèmes spatiaux et développé ses compétences pour la sécurité des systèmes d’information. Le CELAR apporte son expertise dans les domaines suivants : systèmes de systèmes, architecture des systèmes de commandement, conduite, communication et renseignement, télécommunications, sécurité des systèmes d’information, capteurs optroniques et électromagnétiques, composants électroniques et optroniques.

Principaux programmes : Lutte informatique et guerre électronique ; SIC dont Syracuse 3, SICA, SICF, Socrate NG, SIC21; Rafale ; SCCOA ; MUSE ; Travaux et évaluation liés à la cryptographie ; FSAF ; UCAV Neuron.

Orientations de la réforme du ministère : Pas d’impact sur le périmètre technique actuel de ce centre. Renforcement lié au transfert d’activités du CEP Arcueil (94), de l’ETAS et du LRBA.

ETAS/Systèmes terrestres : Sur un site de 190 hectares situé au nord-est d’Angers (49), l’établissement technique d’Angers (ETAS) créé en 1950 dispose d’un ensemble d’installations et d’infrastructures pour l’expertise et les essais de systèmes terrestres. L’activité de l’ETAS est de fournir une expertise technique, de concevoir et réaliser des essais sur les systèmes terrestres dans les domaines suivants : Cohérence des systèmes terrestres et intégration dans le dispositif opérationnel ; Gestion du système électronique de bord des véhicules (vétronique) ; Aptitude des systèmes à poursuivre leur mission en environnement hostile (survivabilité) ; Prise en compte de l’homme et son intégration dans le système ; Systèmes d’information terminaux permettant l’échange des informations nécessaires à tous les acteurs sur le terrain pour la bonne exécution de leur mission ; Capacité d’un système d’armes à se mouvoir sur tous les terrains.

Principaux programmes : Véhicules blindés (VBCI, AMX10, Leclerc, VAB, VBL) ; Intégration SIC sur véhicules ; FÉLIN ; Syracuse 3.

Orientations de la réforme du ministère : Transfert des activités vers le site du CELAR à Bruz et de l’ETBS à Bourges (18). Fermeture du centre avec maintien d’une antenne réduite, rattachée à l’ETBS, sur le seul périmètre technique des pistes d’essais.

ETBS/Combat aéroterrestre : Créé en 1872, l’établissement technique de Bourges (ETBS) est situé au centre de la France. Il occupe une superficie de 209 hectares, associée à un polygone d’essais de tirs de 10 000 hectares. L’ETBS est un centre de référence pour l’expertise, la simulation et les essais à caractère pyrotechnique dans le domaine du combat aéroterrestre. L’ETBS fournit l’expertise technique et réalise des essais dans les domaines suivants : missiles, armes et techniques nucléaires de défense, architecture et techniques des systèmes terrestres, systèmes de systèmes. L’ETBS fournit des prestations pour la fonction feu et la protection et dispose d’un vaste champ de tir, l’un des plus grands d’Europe avec contrôle de l’espace aérien. Une importante zone pyrotechnique permet le stockage, la préparation et les conditionnements climatique et mécanique des munitions.

Principaux programmes : Décontamination et études de protection ; CARAPE ; charge modulaire ; LECLERC ; Visites de munitions pour la DCMAT.

Orientations de la réforme du ministère : Pas d’impact sur le périmètre technique actuel de ce centre. Renforcement par le transfert d’activités du CELM Gâvres (56) et de l’ETAS. Une colocalisation avec la STAT (par transfert de la STAT de Satory (78) à Bourges) est également prévue dans le cadre de la de la réforme du ministère de la défense.

Laboratoires du centre d’expertise parisien d’Arcueil : le centre d’expertise parisien possède sur Arcueil (94) plusieurs laboratoires pour les domaines du traitement de l’information, des matériaux et de l’observation, optronique.

Orientations de la réforme du ministère : Transfert des activités vers le CELAR à Bruz et vers le CEAT à Toulouse (31). Fermeture des laboratoires.

CEV/ Essais en vol : Créé en 1944 à partir du centre d’études des matériels aériens, le centre d’essais en vol (CEV) est principalement implanté sur trois bases d’essais : Istres (13), Cazaux (33) et Toulouse (31) et possède un détachement sur Brétigny (91). Il est l’acteur incontournable dans les projets aéronautiques nationaux, ou en coopération européenne, qui préfigurent les capacités aériennes de demain. Il est compétent dans le développement, la qualification et la réception des aéronefs de l’État français, dont les aéronefs militaires et participe aux travaux conduisant à la navigabilité et à la certification des aéronefs civils. Les essais en vols s’appuient sur des pôles d’excellence et des équipes qualifiées et entraînées : expertise, maîtrise des essais, simulation, systèmes de drones, médecine aérospatiale, aérotransport et aérolargage, contrôle de la circulation aérienne. Le CEV forme également, au sein de son école de formation du personnel navigant d’essais et de réception (EPNER), les personnels nécessaires aux essais en vol. Cette école accueille de nombreux stagiaires français et étrangers étatiques comme industriels.

Principaux programmes : Rafale et armements ; Aéromobilité (NH90, A400M) ; Mirage 2000 (intégration MIDS-Vi sur M2000 et liaison 16) ; Réception d’aéronefs.

Orientations de la réforme du ministère pour le CEV : Istres et Cazaux : réduction de format par mutualisation du soutien (incluant le soutien technique) avec les bases aériennes d’Istres et de Cazaux ; Toulouse : Transfert de l’activité sur un autre site Toulousain le CEAT et fusion des deux centres ; Brétigny : Transfert de l’activité du LAMAS (laboratoire de médecine aérospatiale) au Service de santé des Armées (transfert effectif depuis le 1er janvier 2009) et de RESEDA (restitution des enregistreurs d’accidents) sur le site du CEPr Saclay (91) et fermeture de ce détachement fin 2009.

CEAT/Essais aéronautiques : Le centre d’essais aéronautique de Toulouse (CEAT) a été créé en 1949. Il est situé en périphérie de Toulouse à Balma sur un site de 40 hectares. Le CEAT est le principal centre européen en matière d’essais au sol des aéronefs militaires et civils et s’ouvre progressivement à d’autres milieux que celui de l’aéronautique : terrestre, missiles, naval. Il réalise des prestations d’essai, d’évaluation et d’expertise technique pour satisfaire les besoins des programmes militaires français et étrangers au cours des différentes phases (préparation, réalisation et suivi en exploitation). Il participe à la certification des programmes aéronautiques civils : assistance à maîtrise d’ouvrage de la DGAC et de l’EASA et conduit des investigations suite à incidents et accidents au profit du bureau enquête accident. Il réalise également des essais d’ensembles et de sous-ensembles de plateformes aéronautiques au profit des industriels nationaux et internationaux.

Principaux programmes : Avions en service (M2000, Transall, ATL2) ; Voilure AIRBUS ; Rafale ; A400M ; Airbus A350.

Orientations de la réforme du ministère : Pas d’impact sur le périmètre technique actuel de ce centre. Renforcement lié au transfert d’activités du CEP Arcueil, du CEV Toulouse et du CTSN Cuers (83).

CEPr / Essais propulseurs : Installé à Saclay (91) depuis 1946, le centre d’essais des propulseurs (CEPr) a pour domaines dédiés la conception et la réalisation d’essais en conditions de vol simulées, et en conditions givrantes, de moteurs aérobies aéronautiques, de leurs composants, de leurs ensembles et sous-ensembles et des équipements associés. Il possède également une expertise dans le domaine des investigations sur moteurs accidentés.

Principaux programmes : M88 ; TP400 ; Turbomoteur Arriel 2+.

Orientations de la réforme du ministère pour le CEPr : Réduction de format (30 %) par abandon des capacités statoréacteurs et gros moteurs civils. Renforcement des investigations par le transfert de RESEDA en provenance de Brétigny.

CAEPE/Essais propulseurs et sécurisation missiles : Le centre d’achèvement et d’essais des propulseurs et engins (CAEPE), situé à Saint Médart en Jalles (33), a été créé en 1967 afin de doter la France des moyens d’essais nécessaires à une force de dissuasion. Il s’étend sur trois sites pour une surface globale de 3 000 hectares. Le CAEPE rassemble l’expertise et les moyens d’essais de la DGA en matière de propulsion à propergol solide des missiles. Le centre réalise également les essais et expertises dans le domaine de la sécurisation des propulseurs et missiles tactiques.

Principaux programmes : M51 ; M45 ; MdCN ; A400M (mesures de signatures) ; RMV Mistral.

Orientations de la réforme du ministère: Transfert de la gestion des zones d’achèvement (production) des missiles stratégiques à l’industrie, ce qui permet le resserrement du CAEPE sur 2 sites au lieu de 3 et la fusion du centre avec le CELM.

CELM/Essais de lancement de missiles : Le centre d’essais de lancement de missiles (CELM) est né, en février 2005, de la fusion de trois centres d’essais français : le CEL, le CEM et le Gerbam. Le CELM, basé sur trois sites (Landes, Méditerranée et Gâvres), est chargé d’exécuter des essais en vol de missiles de toute catégorie et dans tous les milieux dans des espaces sécurisés et sauvegardés. Ses principales missions consistent à effectuer des tirs et des essais en vol de missiles stratégiques pour la force de dissuasion, des tirs et des essais pour les systèmes d’armes conventionnels (missiles, torpilles, drones et autres munitions) en milieux aérien, terrestre, marin et sous-marin. Le centre permet également l’entraînement des forces armées avec mise en œuvre de missiles réels.

Principaux programmes : M51 ; AASM ; ASMPA ; MdCN ; PAAMS ; MISTRAL ; SAMPT ; EXOCET ; MU90 ; Guerre électronique ; Activité au profit de l’entraînement des forces : Exercice TAMOURE, campagne sol air, aéronautique navale, école TIGRE, crotale, campagne EMAA.

Bâtiment Monge : Le bâtiment d’essais et de mesures « Monge » est mis en œuvre dans le cadre du dispositif de mesures du centre d’essais de lancement de missiles (CELM). Son programme d’activité à l’horizon 2014 s’articule autour des essais de missiles, du suivi d’objets spatiaux au profit de la défense, et, potentiellement, le suivi de lancements réalisés par le CNES. D’une manière générale, les missions du « Monge » au profit des forces nucléaires resteront prioritaires devant toute autre. Dans ce cadre, le « Monge » participera aux essais de missiles balistiques M51 à l’occasion de l’acceptation au service actif de chaque sous-marin nucléaire lanceur d’engin classe « Triomphant » équipé de ce nouveau missile en version M51.1. Parallèlement, le « Monge » participera aux essais de développement de la version M51.2 équipée de la tête nucléaire océanique (TNO). Au même titre, en fonction des caractéristiques de la trajectoire, le « Monge » pourra participer aux tirs de missiles air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) à l’occasion de l’entraînement des forces aériennes stratégiques. Dans le domaine des essais de missiles, il est également envisagé que le « Monge » soit utilisé lors de tirs de développement ou de qualification du missile de croisière naval (MdCN) qui équipera les frégates multi-missions FREMM et, à moyen terme, les sous-marins nucléaires d’attaque classe « Barracuda ». Par ailleurs, les hautes performances du « Monge » en termes de trajectographie en font un moyen de choix pour le suivi d’objets spatiaux, satellites ou débris, qu’il s’agisse d’une mission de surveillance, de suivi des retombées à risque ou d’alerte collision au profit de la défense. Concernant l’alerte collision, le nombre de débris dans l’espace ces dernières années a notablement augmenté. Les risques associés ont motivé une attention particulière de la défense et du CNES, et l’anticipation d’une recrudescence des alertes nécessitant un suivi par les moyens du « Monge ». Enfin, en matière de suivi de lancements, les récents contacts en mai 2009 entre le CELM et le CNES ont confirmé l’intérêt d’une contribution des moyens du CELM, dont ceux du « Monge », lors des lancements du véhicule de transfert automatique (ATV) et, pour certaines trajectoires, des lanceurs VEGA et Soyouz.

Orientations de la réforme du ministère pour le CELM : Arrêt de l’activité sur le site de Gâvres par transfert de l’activité d’expertise et d’essais sur le site des Landes du CELM et vers l’ETBS à Bourges. Pas d’impact sur les activités techniques des deux autres sites Landes et Méditerranée. Renforcement par l’intégration des activités du CAEPE.

GESMA/ Lutte sous-marine : Le groupe d’études sous-marines de l’Atlantique (GESMA), créé en 1959, est implanté à Brest (29). Il bénéficie d’un environnement privilégié grâce à la variété des fonds marins adaptés aux expérimentations nécessaires à ses domaines d’expertise. En particulier, il dispose à Lanvéoc (29) de polygones de mesures acoustiques et électromagnétiques implantés en rade de Brest sur un site de 32 hectares accessible à tous types de bâtiments de surface ou sous-marins. Le GESMA est le centre expert de la DGA en lutte sous-marine appliquée à la guerre des mines. Les activités du GESMA concernent les métiers suivants : guerre des mines, robotique navale, imagerie sonar, détection et discrétion électromagnétique du navire, communications acoustiques.

Principaux programmes : Mesures futures (SNLE Terrible) ; COBRA NG ; SLAMF (système de lutte anti mine futur) et évaluation opérationnelle de robot guerre des mines.

Orientations de la réforme du ministère pour le GESMA : Réduction du format sur Brest. Fusion de ce centre avec le CTSN Toulon (83).

CTSN/Systèmes navals - Sécurité au rayonnement électromagnétique : Le centre technique des systèmes navals (CTSN), créé en 1995, est implanté dans la région toulonnaise (83). Le CTSN est un centre de référence nationale et un partenaire européen majeur pour l’expertise et les essais sur les systèmes navals et la sécurité au rayonnement électromagnétique. Le CTSN a pour mission principale d’apporter, aux unités de management de la DGA, et au service de soutien de la flotte, l’expertise étatique dans les pôles d’expertise suivants : architecture et techniques des systèmes navals, capteurs guidage et navigation, télécommunications, systèmes de systèmes, sciences de l’homme et protection et architecture et techniques de systèmes de commandement.

Principaux programmes : M51 ; FREMM ; HORIZON ; Sous marins ; Transnuc ; AGREM ; Mesures pour SSF.

Orientations de la réforme du ministère : Impact mineur par transfert de l’activité DRAM située sur le site de Cuers du CTSN au CEAT

BEC/Essais hydrodynamiques et hydroacoustiques : Créé en 1906 à Paris, le bassin d’essais des carènes (Bassin) est situé depuis 1992 en Normandie, à Val de Reuil (27). Le BEC apporte l’expertise et réalise les essais navals dans les domaines hydrodynamique et hydroacoustique pour des bâtiments de surface, des sous-marins et autres types d’engins. Il possède également un bassin de giration situé à Paris site Victor pour réaliser les essais de manœuvrabilité des navires de surface et des sous-marins.

Principaux programmes : Barracuda.

Orientations de la réforme du ministère: Fermeture du site Victor en 2009 à l’issue des derniers essais Barracuda et développement de la coopération croisée avec le bassin de Haslar (Royaume-Uni). Pas d’impact sur les activités techniques du site de Val de Reuil.

CEB/défense radiologique, biologique et chimique : Le centre d’étude du Bouchet (91), créé en 1922, est le référent national en matière de risques biologique et chimique provoqués. L’expertise du CEB porte principalement sur la caractérisation du danger que représente l’éventuel emploi d’armes de nature radiologique, biologique et chimique, sur l’analyse du risque qu’il constitue et sur sa maîtrise. Il intervient dans l’évaluation de moyens de détection, de protection et de décontamination destinés à équiper les forces ou des entités en charge de la sécurité de la nation.

Principaux programmes : Forte activités études amont (Avertis, Perseides, Detectbio) ; Opérations NBC ; Lutte anti terroriste ; Lutte biologique et chimique.

Orientations de la réforme du ministère : Pas d’impact sur le périmètre technique de ce centre.

CEG/Vulnérabilité - Efficacité des armements : Fondé en 1959, le centre d’études de Gramat (CEG) (46) est un centre de référence national et un partenaire européen majeur dans le domaine des effets des armes et de la vulnérabilité des systèmes aux agressions intentionnelles. Grâce à ses compétences et à ses méthodes, le centre a développé des moyens expérimentaux et numériques importants qui font du site de Gramat une plate-forme unique pour la simulation des effets des armes nucléaires, la détonique et la balistique terminale. Ce centre assure une prestation globale pour analyser la vulnérabilité ou la protection de sous-ensembles ou de systèmes complets.

Principaux programmes : Dissuasion nucléaire ; PEA Haute puissance pulsé, PEA Vulnérabilité aux micro-ondes de forte puissance.

Orientations de la réforme du ministère: Transfert du centre au CEA. Ce transfert, prévu pour le 1er janvier 2010, s’inscrit dans une volonté d’optimiser l’ensemble des activités qui concourent à la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire en regroupant au sein d’un acteur étatique unique des compétences françaises stratégiques.

Plan de charge des centres : Le plan moyen terme de production montre une activité stable en 2009 par rapport à 2008 à 7 millions d’heures et une bonne vision pour 2010-2011 (reste à produire de 21 mois au 1er janvier 2009) avec un niveau de production en légère baisse, cohérente de la réduction des effectifs de production. Au-delà de cette période, l’activité d’essais devrait baisser.

En cohérence avec les orientations du Livre blanc et de la loi de programmation militaire 2009-2014, il est prévu sur la période 2010-2014 un renforcement des effectifs d’expertise de l’ordre de 4 % essentiellement dans les métiers du renseignement, des systèmes d’information, de la sécurité, de la dissuasion et de la cohérence intersystèmes et une diminution des effectifs d’essais d’environ 17 % en raison de la baisse du plan de charge. Cette diminution sera différenciée selon les centres, en fonction de l’activité. Elle impacte principalement le CEPr, le CEAT, le CAEPE, le CELM, l’ETBS et le CEV.

Financement des centres :

Les financements en investissement pour les centres d’expertise et d’essais prévus dans la loi de programmation militaire sont les suivants, en moyenne annuelle sur 2009-2014 :

Investissements techniques : 60 millions d’euros auxquels s’ajoutent une contribution directe des programmes à hauteur de 50 millions d’euros ;

Entretien flotte d’aéronefs CEV : 15 millions d’euros ;

Soutien : 47 millions d’euros.

Les prévisions de dépenses de fonctionnement couvrant les centres et l’administration centrale sont en moyenne annuelle de 109 millions d’euros sur la même période dont 10 millions d’euros pour les dépenses liés à la réalisation des essais payants.

Les centres d’essais et d’expertise de la DGA sont très divers dans leurs activités tant sur le plan du contenu que du volume. Leur statut juridique ne leur permet pas d’envisager des alliances avec les centres d’essais des entreprises de l’armement, avec les universités ou avec des partenaires européens. Or, pour certains d’entre eux, de telles alliances constitueraient de réelles opportunités de développement et de diversification, accroissant leur charge de travail, leurs ressources et donc leurs moyens technologiques. Elles constitueraient en outre un facteur important de motivation pour les personnels, le secteur privé ne leur offrant pas forcément ce type d’opportunité.

Il est symptomatique de constater que dans la réponse du ministère sur les partenariats existant avec des établissements d’enseignement supérieur et le ministère de la défense, aucune mention n’est faite de partenariats entre les centres d’essais de la DGA et les laboratoires de recherche des universités.

Une évolution statutaire en EPIC peut-elle être envisagée pour certains centres d’essais et d’expertise ?

Question : Fournir une note détaillée sur le statut juridique de ces centres, l’opportunité d’une évolution statutaire (EPIC, ...).

Réponse : Une évolution statutaire des centres d’expertise et d’essais vers un établissement public industriel et commercial ou encore un service à compétence nationale a été examinée dans le cadre des réflexions sur la de la réforme du ministère de la défense mais, pour maintenir une parfaite maîtrise de l’activité des centres par le ministère et tenant compte de l’impossibilité d’assurer la rentabilité économique d’ensemble de ceux-ci, celle-ci n’a pas été retenue.

Une telle réponse ne manque pas de surprendre, d’autant plus qu’existe déjà un EPIC dont la DGA assure la tutelle : l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) est un établissement reconnu pour l’excellence de ses chercheurs et des travaux menés qui se partagent équitablement entre le civil et le militaire. Dans sa réponse à la question écrite n° 3667 du 6 mars 2008, le ministre de la défense rappelle les points forts de l’office : excellence scientifique, ouverture à l’extérieur, importance de l’innovation et de la détection des ruptures technologiques. Il relève « la capacité de l’ONERA à effectuer des recherches pluridisciplinaires, sa maîtrise des systèmes, sa capacité d’expertise pour les besoins propres de la DGA et son ambition européenne sont autant d’atouts reconnus dont dispose l’office ».

Les arguments du contrôle et de la non rentabilité invoqués par le ministère semblent emprunts de conservatisme. Il est évident que tous les centres d’essai ne présentent pas le même intérêt vis-à-vis du statut d’EPIC. Mais prendre prétexte de la spécificité de certains centres pour ne pas s’interroger sur d’autres manifeste un manque de vision et d’ambition.

Recommandation : Mener une étude par centre d’essai et d’expertise sur l’opportunité d’un changement de statut en EPIC.

Le Livre blanc marque une étape décisive dans la conduite des programmes d’armement en prônant « approche par étapes fournissant très rapidement une première capacité opérationnelle et remettant à des étapes ultérieures d’éventuels perfectionnement du système requis au vu du retour d’expérience », consacrant ainsi la démarche incrémentale.

À l’opposé des certitudes opérationnelles et technologiques qui gouvernent les programmes tunnels, la démarche incrémentale, appliquée aux équipements de défense consiste à ne pas rechercher immédiatement le système d’armes le plus sophistiqué mais à définir un système de base dont les caractéristiques techniques, technologiques et opérationnelles évoluent tout au long de sa conception et de son développement, voire de sa production.

La généralisation de cette démarche, ou du moins son recours plus systématique, permettrait d’éviter que les tunnels ne se transforment en murs. Dans leur rapport d’information MM. Jean-Louis Bernard et Antoine Carré notaient que « le déroulement des différentes étapes, tel qu’il est formalisé par l’instruction générale n° 1514, fait la part trop belle à la préparation et à la mise au point initiales, au détriment des ajustements inéluctables en cours d’utilisation » et insistent sur « la nécessité de concevoir, dès le départ, les programmes sous un angle évolutif » (46).

Compte tenu de ses moyens budgétaires, la France peut difficilement se permettre de stopper un programme qui se révèlerait au fil de son développement inadapté aux besoins opérationnels : les conséquences industrielles (fermeture d’entreprise) et budgétaires (versement d’indemnités) seraient trop importantes. La démarche incrémentale offre au ministère de la défense non un droit à l’erreur, mais un droit à la correction. Encore faut-il que les industriels aient suffisamment de garanties juridiques pour ne pas devoir assumer les atermoiements et fausses routes ministérielles. Une adaptation du code des marchés publics semble nécessaire.

Il faut par ailleurs noter que l’instruction générale 1514 de 2007 n’évoque la démarche incrémentale que de façon très marginale. Il y est indiqué que « certaines opérations d’armement sont réalisées selon un processus incrémental : des étapes successives, dont les différents stades peuvent se chevaucher, sont définies, chaque étape devant correspondre à une capacité identifiée. Chaque étape fait l’objet d’une décision de lancement propre. Le dossier de lancement de réalisation de chaque étape comprend les éléments nécessaires au lancement de la conception ou de la réalisation des étapes suivantes et une vision à terminaison de l’opération d’armement ». Cette marginalisation traduit les résistances culturelles internes au ministère. Mettre en œuvre une telle démarche oblige à une certaine humilité concernant sa capacité à bien définir et anticiper les besoins opérationnels, à maîtriser les aléas technologiques et budgétaires.

Toutefois, au sein de la DGA, certains responsables de programme sont convaincus qu’un équipement ne vaut que s’il est rapidement projeté sur les théâtres d’opération. Plus vite, la mise en service opérationnelle et la projection d’un équipement sont décidées, plus vite les qualités techniques peuvent être évaluées au regard des besoins opérationnels. Cette projection rapide est une prise de risque pour l’industriel, les responsables de programmes au sein de la DGA et des forces et pour les utilisateurs. L’équipement peut montrer des défaillances imprévues, mais il peut aussi révéler des qualités insoupçonnées. C’est avec une obstination rare et une confiance dans le travail déjà accompli que les responsables du programme Rafale ont ainsi levé toutes les réticences au sein des états-majors pour accélérer la projection de l’avion de chasse en Afghanistan. Cette décision a été bénéfique et a permis de corriger certains équipements mais surtout de montrer au monde entier le potentiel d’un équipement jusqu’alors décrié.

À l’opposé, les atermoiements autour de l’hélicoptère Tigre dans sa validation opérationnelle peuvent être qualifiés de bureaucratiques, sans fondement opérationnel. Cet hélicoptère a été livré à la France en 2005 mais n’est opérationnel en Afghanistan que depuis août 2009. Nul ne peut estimer les conséquences de ce retard sur les opérations en Afghanistan mais chacun prend conscience aujourd’hui que cet hélicoptère est désormais indispensable pour soutenir les opérations aux sols. En 2008, l’état-major de l’armée de terre se révèle très prudent quant à la projection de l’appareil ; en 2009, il fait état avec fierté, et à juste titre, de son engagement dans les montagnes afghanes à 2 000 mètres d’altitude et avec une température de 36 °C, c’est-à-dire dans des conditions extrêmes pour ce type d’équipement.

Le débat autour du FELIN oppose ceux qui prônent une mise en service rapide, quitte à ne pas disposer immédiatement de tous les sous-systèmes envisagés, à ceux qui considèrent l’équipement comme un système cohérent et indissociable. L’équivalent britannique du FELIN, le Future Infantry Soldier Technology System (FIST) obéit à une logique inverse : l’équipement est scindé en différents kits ou sous-systèmes livrés à différentes échéances. Ainsi, le « Surveillance and Target Acquisition (STA) qui constitue le premier incrément du programme FIST renforcera la capacité des troupes au sol de bouger, trouver, fixer et combattre l’ennemi en leur procurant un capacité renforcée 24h/24. Les livraisons du nouveau kit commenceront à la fin de 2010 et le premier équipement sera livré aux troupes pour l’entraînement, avec pour objectif prioritaire un déploiement en Afghanistan, début 2011 » (47).

La version définitive de l’instruction générale 1514 devrait intégrer les préconisations du Livre blanc en faveur de la démarche incrémentale. Six stades définissent désormais la conduite des programmes, y compris la fin de vie de l’équipement.

Question : Indiquer les mesures prises en 2008 et 2009 pour améliorer la conduite des programmes d’armement.

Réponse : Dans le cadre de la mise en œuvre des orientations fixées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, une refonte des textes relatifs à la conduite des opérations d’armement a été engagée.

Les travaux correspondants ont été menés conjointement depuis début mars 2009 avec les représentants de l’état-major des armées, de la délégation générale pour l’armement, du contrôle général des armées et de la direction des affaires financières du secrétariat général pour l’administration.

L’instruction générale qui résulte de ces travaux constituera la nouvelle référence en matière de déroulement et de conduite des opérations d’armement. Elle annulera et remplacera ainsi les instructions n° 1514 sur le déroulement des opérations d’armement et n° 800 sur la conduite des opérations d’armement.

Volontairement synthétique, ce projet s’inscrit dans le cadre de la nouvelle gouvernance des opérations d’investissement dont il décline les principes aux opérations d’armement.

Sur la base d’un découpage en six stades, il porte sur l’ensemble du cycle de vie de l’opération d’armement, du stade d’initialisation à celui de retrait du service. Ce découpage permet l’intervention régulière du comité ministériel d’investissement (CMI) pour l’examen des jalons de changement de stade.

Parmi les évolutions significatives, on notera :

- une clarification des responsabilités : la responsabilité de chaque stade sera confiée, soit au chef d’état-major des armées, soit au délégué général pour l’armement, et sera déclinée au travers de la présidence du comité de pilotage de l’opération d’armement ;

- les activités des acteurs de la conduite seront précisées et se déclineront des responsabilités respectives des grands subordonnés ; 

- le renforcement de l’expression du besoin opérationnel par l’introduction du stade d’initialisation, et la responsabilité du chef d’état-major des armées sur les stades amont ;

- l’extension du rôle de l’équipe de programme sera intégrée à l’ensemble du cycle de vie de l’opération d’armement ; cette équipe sera constituée dès le stade d’orientation et restera active jusqu’au retrait du service ; elle intègrera notamment un représentant des structures de soutien contribuant ainsi à une meilleure coordination entre acquisition et soutien en service ;

- la prise en compte du coût global dès l’origine de l’opération d’armement, son enrichissement et son entretien annuel sur le cycle de vie ;

- une simplification de la typologie des opérations d’armement - opération majeure relevant du CMI ou opération simplifiée – sera assortie d’une certaine souplesse de reclassement au cours du cycle de vie.

Le passage d’un stade à l’autre est soumis à une décision du comité ministériel d’investissement de défense (CMI).

Question : Détailler les missions, les pouvoirs et l’organisation du comité ministériel d’investissement et du comité financier. Dans les deux cas, indiquer comment s’organisent les relations entre d’une part les différents services du ministère de la défense et d’autre part entre les services du ministère de la défense et ceux du ministère du budget.

Le comité ministériel des investissements de défense (CMI) a pour objectif de permettre au ministre, éclairé par l’avis de ses grands subordonnés, de prendre les décisions d’investissement, principalement celles portant sur les franchissements de jalons des opérations d’investissement majeures. Il fournit au ministre une vision globale des investissements de défense lui permettant de disposer de l’ensemble des éléments d’évaluation des solutions d’investissement proposées.

Les principes directeurs qui fondent son action sont les suivants :

– Gouvernance : Le CMI est une instance décisionnelle réunissant les grands subordonnés qui se prononcent par rapport à leur responsabilité propre, et présidée par le ministre qui décide.

– Vision globale : Le CMI s’assure que le pilotage des opérations d’investissement est réalisé par rapport à une vision d’ensemble alignée sur la politique de défense, traduite notamment par la loi de programmation militaire.

– Permanence : Le CMI traite des opérations d’investissement de manière continue sur tout le cycle de vie.

– Décision : Au sein du CMI, les échanges ont pour objectif la décision, la préparation de décision et l’information.

– Transversalité : Le CMI appuie son action sur des instances et un processus de conduite des opérations d’investissement qui impose la coordination entre les acteurs.

– Transparence : Le CMI assure le même niveau et la même qualité d’information à tous ses membres. Il est garant du partage de l’information relative aux investissements.

Le CMI est présidé par le ministre. Il est composé du CEMA, du DGA, du SGA, membres permanents, du secrétaire du CMI et du chef du CGA, invités permanents.

Le CMI facilite le partage d’informations et l’échange de points de vue entre les grands subordonnés. Le ministre statue après avoir entendu chaque membre permanent au titre de ses responsabilités et plus généralement, le CEMA sur la cohérence capacitaire au regard des missions des armées, le DGA sur la faisabilité technologique et industrielle et le SGA sur la soutenabilité financière d’une opération d’investissement.

Le CMI est le lieu de la prise de décision par le ministre. A ce titre, le CMI encadre et examine les opérations majeures d’investissement sur tout le cycle de vie et se prononce sur le franchissement de stade. Il reçoit l’avis de deux instances subordonnées spécialisées, non redondantes, et exerçant des compétences spécifiques, à savoir :

– le domaine capacitaire pour le comité des capacités (CC) ;

– le domaine physico-financier pour la commission exécutive permanente (CEP).

Le comité financier interministériel (COFIN) a pour objectifs principaux d’améliorer la concertation entre les services du ministère de la défense et ceux du ministère du budget en renforçant les échanges d’informations.

Le COFIN est chargé, à son niveau, d’exprimer un avis résultant d’un examen contradictoire de la soutenabilité financière de la programmation militaire et d’un suivi régulier de la politique d’engagements en matière d’investissements de défense.

Le COFIN est présidé par le SGA ou le directeur des affaires financières du ministère de la défense. Il est composé du directeur des affaires financières, du directeur du budget, des responsables de programme de la mission défense, du contrôleur budgétaire et comptable ministériel ou de leurs représentants.

La mise en place du COFIN devrait notamment permettre in fine de raccourcir les délais de validation des dossiers d’affectation par la direction du budget.

Ces dispositions, toujours en discussion entre les différents grands subordonnés du ministre, vont dans le bon sens bien que l’expérience incline à la prudence. Nombreuses ont été les réformes prônant plus d’adaptabilité et de souplesse dans la conduite des programmes d’armement et qui, très rapidement, se sont heurtés aux conservatismes. Le conseil de système de forces devait par exemple clarifier les responsabilités et éviter les difficultés constatées en matière de conduite de programme. Force est de constater que malgré les bonnes intentions de ses initiateurs, il n’a pas apporté les résultats escomptés. Un bilan de la mise en œuvre de l’instruction 1514 devra donc être rapidement et publiquement dressé afin d’affiner, si nécessaire, les procédures.

Recommandation : Procéder en 2011 à un bilan public de l’instruction générale 1514 (dans sa version de 2010) pour ce qui concerne la mise en œuvre de la démarche incrémentale.

Les industriels ont déjà intégré la démarche incrémentale dans leur conception et développement de systèmes, obéissant en cela à une demande croissante de leurs clients à l’international. Ainsi, dans le rapport d’activité 2008 de Nexter, Philippe Burtin, alors directeur général adjoint administratif et financier, précisait au sujet des besoins des clients de l’entreprise d’armements terrestres qu’ils « souhaitent prioritairement que les nouveaux matériels […] offrent une garantie d’évolution future pour répondre à des évolutions d’emplois de plus en plus imprévisibles ».

La démarche incrémentale doit-elle s’ouvrir à d’autres acteurs que ceux du ministère de la défense ? Faut-il faire intervenir le pouvoir politique dans ce processus ? Dans l’affirmative, cette intervention doit-elle émaner du seul pouvoir exécutif ou doit-elle être partagée avec le pouvoir législatif ?

Le comité permanent de la défense nationale de la Chambre des Communes canadienne a consacré de longs développements à ces interrogations dans un rapport parlementaire sur les procédures d’acquisition.

Au Canada, les programmes de défense, au même titre que d’autres grands programmes civils, sont dénommés « grands projets d’État ». Cette dénomination est lourde de sens politique, mais aussi budgétaire. Un grand projet d’État n’est pas l’affaire du seul ministère de la défense, au sein duquel il n’existe pas d’administration dédiée à l’équipement des forces type DGA, mais de l’ensemble du Gouvernement qui intervient dans sa formation de cabinet pour valider la pertinence du programme, sa définition puis le marché passé avec l’industrie. L’équipement des forces est en effet une responsabilité partagée entre plusieurs ministères (défense, budget, industrie), l’interministérialité revêtant une importance cruciale.

Procédure d’acquisition des Forces canadiennes

(source : « Processus d’acquisition et processus associés », rapport du Comité permanent de la défense nationale, Chambre des communes du Canada, février 2008, 39e législature, 2e session)

Lorsque les Forces canadiennes constatent une carence capacitaire, elles définissent le besoin en terme d’équipement nécessaire pour palier la carence. Le ministère de la défense valide le besoin devenant ainsi un « grand projet d’État ». Le cabinet est appelé à donner une approbation de principe, ouvrant la voie à la procédure budgétaire. Le Conseil du Trésor donne une approbation préliminaire de projet et une autorisation de dépenser. Une équipe de projet est alors formée pour définir la quantité et le type d’équipement requis, l’endroit où il sera utilisé et la façon dont il sera utilisé, le personnel nécessaire, les coûts d’exploitation et de soutien, les modalités contractuelles, les retombées industrielles…

Une fois l’étape de la définition du projet terminée et avant de passer à sa mise en œuvre, le ministre de la défense nationale retourne au Cabinet demander l’approbation définitive du projet et devant le Conseil du Trésor une autre autorisation de dépenser pour poursuivre le projet et faire une demande de propositions à l’industrie. L’évaluation des propositions se fait en fonction de critères préétablis : les exigences techniques, les modalités contractuelles et les retombées industrielles et régionales. La somme des points accumulés par chaque soumissionnaire détermine le gagnant. Le Ministre de la défense doit alors de nouveau solliciter le Cabinet pour attribuer le marché au nom du gouvernement. Il lui incombe alors de veiller à la bonne marche du projet jusqu’à la fin.

Le comité permanent souhaite aller plus loin en revendiquant une place dans le processus de décision au titre de sa mission de contrôle. Tout en se refusant un quelconque pouvoir prescripteur en termes d’équipements, les parlementaires canadiens estiment devoir être informés des plans stratégiques afin d’être en mesure d’évaluer « la crédibilité de la politique actuelle et des achats d’équipements ». De même, ils souhaitent que « tous les grands projets de l’État évalués à plus de 100 millions de dollars canadiens proposés par le ministère de la défense nationale soient communiqués au comité permanent de la défense nationale pour examen avant l’attribution du contrat. […] En tant que partie intégrante et importante du processus des politiques publiques, [le comité permanent de la défense nationale] devrait avoir la possibilité d’exprimer son opinion avant plutôt qu’après le fait. Il est donc important, lorsque de grands projets sont étudiés, que le comité ait l’occasion de se faire entendre avant l’adjudication des marchés. ».

Observons que cette aspiration parlementaire à être plus associé est demeurée sans suite, le comité relevant en 2008 que « c’est la troisième fois [qu’il] fait cette recommandation. La première fois, c’était en juin 2000, dans [son] étude sur les acquisitions. [Il avait] récidivé en avril 2005, dans [son] étude concernant l’acquisition des sous-marins de la classe Victoria par le Canada. Dans les deux cas, [il avait] trouvé évasifs les arguments avancés en faveur du rejet de la recommandation » (48).

Peut-on transposer cette expérience en France ? Aujourd’hui, lors du lancement d’un grand programme ou à la suite de la médiatisation de difficultés techniques ou industrielles, le ministre de la défense peut faire une communication en conseil des ministres et répondre à des questions parlementaires lors des questions d’actualité ou devant la commission de la défense. Toutes les décisions relatives à la définition du besoin, aux caractéristiques du programme et à la passation du marché demeurent globalement une affaire interne au ministère, en étroite liaison avec la Présidence de la République. Cela peut paraître peu au regard des sommes engagées et des enjeux militaires et industriels.

L’expérience canadienne est séduisante ainsi que la revendication du comité permanent. Elle n’est cependant valable, et le comité permanent de la défense nationale de la chambre des communes du Canada le souligne bien, que pour les acquisitions hors urgence opérationnelle.

Solenniser par le conseil des ministres le lancement, la définition et la mise en œuvre des grands programmes d’armement est désormais nécessaire politiquement. On comprend difficilement que des investissements majeurs ne fassent pas l’objet d’un suivi et d’une validation politique plus serrés. Une modification de la LOLF pourrait utilement proposer que tout programme civil ou militaire supérieur à 100 millions d’euros soit soumis lors de sa définition et de sa mise en œuvre à un décret pris en conseil des ministres.

Recommandation : Renforcer la validation et le suivi politique des principaux programmes d’armement.

Dans le cadre de la revalorisation de son rôle, mais avec le souci de respecter la séparation des pouvoirs, le Parlement devrait être mieux informé et plus tôt. Ceci passe par l’établissement d’une relation de confiance et non de défiance telle qu’actuellement entre la représentation parlementaire et les entités du ministère de la défense. Il ne s’agit pas de transformer la commission de la défense en prescripteur mais de ne pas l’enfermer dans le rôle d’observateur docile peu conforme aux exigences d’une démocratie moderne et apaisée. La proposition n°9 de la mission d’évaluation et de contrôle menée par les députés Bernard Cazeneuve et Jean-Michel Fourgous sur le financement des équipements navals prône par exemple la présence de députés et de sénateurs à la commission exécutive permanente chargée du suivi des programmes d’armement.

Améliorer les procédures d’acquisition des équipements de défense n’est pas une énième polémique strictement nationale. Les contraintes budgétaires, la nécessité de répondre au mieux aux forces engagés sur les théâtres d’opération sans sacrifier la préparation de l’avenir sont autant de préoccupations partagées par la plupart des États.

Le montage industriel des programmes d’armement est déterminant pour sa réussite. Difficile de comprendre l’obstination de la DGA à confier en cotraitance le développement de ses programmes malgré les échecs ou difficultés passés (VBCI, SIC Terre, NH90…). Le conservatisme qui en résulte suscite de plus en plus d’interrogations alors même que le montage semble être encore retenu, notamment pour SCORPION. Avant même que ce programme ne soit attribué, des consortiums se constituent et se déchirent. Initialement associé à EADS defence et security, NEXTER a subitement brisé l’accord pour s’associer avec le concurrent THALES. Des procédures judiciaires sont envisagées pour « rupture d’alliance » (49).

La cotraitance est source d’irresponsabilité et de contentieux. Elle est un instrument commercial d’exclusion de toute concurrence : pour éviter l’arrivée de concurrents sur le marché français de l’armement, le consortium de circonstances rassemblant des concurrents déjà installés est une arme redoutable et très efficace. En matière d’armement, comme dans tout programme civil, la désignation d’un seul maître d’œuvre doit être la règle. Cela responsabilise l’industriel mais aussi la DGA qui doit pleinement faire jouer la concurrence.

Recommandation : abandonner définitivement le recours à la cotraitance et désigner un seul maître d’œuvre industriel par programme.

L’industrie de défense française figure parmi les premières mondiales et a, pour figure de proue, de grands groupes internationalement reconnus pour leur savoir faire.

La France compte de grands groupes industriels qui agissent dans les domaines terrestre, naval, aéronautique et spatial ; tous subissent, à l’instar de leurs concurrents étrangers, les effets de la crise en 2009. Le tableau suivant présente les commandes et chiffres d’affaires des principales entreprises françaises de défense.

commandes, chiffre d’affaires et résultats des plus importantes entreprises de défense

(données en millions d’euros, sauf précision contraire)

ENTREPRISE

Prises de commandes

Carnet de commandes

Chiffre d’affaires

Part à l’export.

Résultat net(1)

Résultat courant

EADS

99 G€

400 G€

43 265

56 %

1 572

2 830

(- 28 %)

(+ 18 %)

(+ 10,6 %)

(55 %)

(- 446)

(52)

dont

Airbus(2)

82 G€

344,8 G€

27 453

 

 

1 790

(- 30 %)

(+ 21,4%)

(+ 8,9 %)

 

 

(- 881)

avions de transport militaire

5 G€

22,3 G€

2 759

 

 

- 16

(+ 600 %)

(+ 12,1 %)

(+ 42 %)

 

 

(- 155)

Eurocopte

4,9 G€

13,8 G€

4 486

 

 

293

(- 26,3 %)

(+2,7 %)

(+7,5 %)

 

 

(211)

Astrium

3,3 G€

11 G€

4 289

 

 

234

(- 26,7 %)

(-14,4 %)

(+20,8%)

 

 

(174)

défense & sécurité

5,3 G€

17 G€

5 668

 

 

408

(- 29  %)

(-4,5 %)

(+5,1 %)

 

 

(345)

autres (ATR, Socata,Sogerma…)

1,9 G€

3,4G€

1 528

 

 

80

(- 3 %)

(+25,9%)

(+8,6%)

 

 

(84)

DCNS

2 329

8 220

2 523

25,5 %

131

152

(+ 25,1 %)

(- 1,3 %)

(- 10,6 %)

(28 %)

(146)

(202)

Dassault Aviation

5,82 G€

17,06 G€

3 748

66 %

373

434

dont

 

(- 7 %)

(+13,8%)

(- 8,2 %)

(76,5 %)

(382)

(503)

militaire

21 %

18 %

38 %

18 %

 

 

(militaire 2007)

(14 %)

(22 %)

(43 %)

(49 %)

 

 

SNPE

549

676

640,5

54 %

21

-18

 

 

(-7,6 %)

(53 %)

(107)

(-14)

dont

matériaux énergétiques

355

591

410

 

 

15

 

 

(+12,3%) (3)

 

 

(6)

chimie fine

159

23

142

 

 

-9

 

 

(-18,4 %)(4)

 

 

(-5)

spécialités chimiques

35

61

86

 

 

-11

 

 

(-3,8 %)

 

 

(-11)

NEXTER

560

1 895

579

17 %

99

71

(+13,1 %)

(+3,8 %)

(-1,4 %)

(14 %)

-151

(71)

THALES

14 298

22 938

12 665

75 %

650

877

(+11,2 %)

(+1,2 %)

(+3%)

(70 %)

(1 008)

(858)

dont

défense

6,5 G€

 

5,5 G€

 

 

 

aéronautique & espace

4,2 G€

 

4,2 G€

 

 

 

sécurité

3,6 G€

 

3 G€

 

 

 

ENTREPRISE

Prises de commandes

Carnet de commandes

Chiffre d’affaires

Part à l’export.

Résultat net(1)

Résultat courant

SAFRAN

12 764

21 904

10 329(5)

71 %

256 (406)

798

(-12,1 %)

(+2,6 %)

(-13,9 %)

(74 %)

 

(706)

dont

propulsion aéro et spatiale

7 443

15 755

5 803(6)

 

 

584

(+3,2 %)

(+4 %)

(-1,9 %)

 

 

(636)

équipements aéronautiques

3 386

4 332

2 856

 

 

60

(-0,3 %)

(-6,5 %)

(+5,7 %)

 

 

(111)

défense sécurité

1 935

1 817

1 646

 

 

72

(+16,1 %)

(+16,6 %)

(+,31 %)

 

 

(72)

Les éléments entre parenthèse renvoient à l’évolution par rapport à 2007 ou à la situation en 2007.

(1) Part du groupe.

(2) Avant intégration de la division Avions de transport militaire, intervenue en 2009.

(3) Hors activités explosifs industriels, cédées en 2007.

(41) Hors activités peptides et Isochem Inc, cédées en 2007.

(5) Chiffre d’affaires consolidé hors branche communications, cédée en 2008.

(6) Dont chiffre d’affaires Snecma : 3 985 millions d’euros (-2,2 %).

(7) hors transferts intra européens.

Source : ministère de la défense.

Question n° 053 : Secteur public de l’armement – Entreprises de défense

Réponse :

1. EADS

La situation industrielle d’EADS est très affectée par les turbulences rencontrées par Airbus, qui ont conduit le groupe à engager le plan de réduction des coûts Power 8, au sein d’Airbus, étendu par la suite à l’ensemble du groupe (Power 8+). Avec les cessions de sites déjà réalisées, les économies générées ont de nouveau dépassé les objectifs en 2008, atteignant 1,3 G€, sur un objectif à terme de 2,1 milliards d’euros en 2010. Power 8+ prévoit de réduire encore les charges, via notamment une augmentation de la production dans les pays à bas coûts. De nouvelles économies doivent enfin être obtenues avec le plan « Future EADS », consistant à améliorer l’intégration du groupe (notamment l’intégration à Airbus de la division Avions de transport militaire et une coordination entre les divisions Astrium et défense & Sécurité). Ces différents plans s’inscrivent dans la vision stratégique élaborée par EADS qui a donné lieu à un document d’orientation baptisé « Vision 2020 ». EADS compte sur l’implémentation de cette stratégie, combinée à un effort important de maîtrise des programmes, pour faire face aux défis auxquels le groupe est confronté : faiblesse du dollar face à l’euro, crise économique mondiale, difficultés à résoudre sur les programmes d’avions A380 et A400M.

EADS fonde ses perspectives à l’export sur une politique de développement de sa présence industrielle internationale, prioritairement aux États-Unis et en Asie. EADS va notamment soumettre une nouvelle offre pour le programme de remplacement de la flotte d’avions ravitailleurs de l’US Air Force, déjà remporté avec Northrop Grumman en 2008 avant que l’appel d’offres ne soit annulé. En Asie, EADS renforce sa présence industrielle en Chine (chaîne de montage A320) et dans d’autres pays, se donnant ainsi les moyens de développer sa présence sur les marchés des avions commerciaux et des hélicoptères. Apparaissent également de nouveaux besoins sur lesquels la division défense & Sécurité se positionne. Le Moyen-Orient reste un marché porteur, aussi bien pour les avions civils que pour l’armement.

2. DCNS

La situation industrielle de DCNS se caractérise par une activité quasiment dédiée au secteur naval militaire, en baisse en 2008 par rapport à 2007, mais néanmoins soutenue. En outre, l’entreprise souffre d’une dépendance encore excessive vis-à-vis des commandes domestiques, dont la contraction dans les prochaines années apparaît prévisible.

S’agissant des exportations, après l’achat d’une frégate de type FREMM par le Maroc puis la commande par le Brésil de quatre sous-marins à propulsion classique de type Scorpène et de l’assistance technique pour le développement et la réalisation d’un sous-marin à propulsion nucléaire (hors chaufferie), de réelles perspectives existent pour les frégates de type FREMM (Grèce et Algérie, notamment). A plus long terme, la perspective de vente de frégates et de sous-marins à l’Arabie saoudite constituera une opportunité majeure pour DCNS.

Afin de permettre à DCNS de poursuivre son développement, il est apparu nécessaire de faciliter la création de sociétés communes avec d’autres acteurs nationaux ou européens, y compris lorsque sa participation dans le capital de ces dernières serait minoritaire (jusqu’ici interdite dès que les activités transférées dépassaient un effectif de 250 personnes et/ou un chiffre d’affaires annuel de 375 millions d’euros). La disposition prévue à cet effet dans la LPM permettra à DCN de constituer ce type de partenariats.

La première application de cette disposition législative devrait être la création prochaine d’une société commune avec Finmeccanica en matière de torpilles, seule à même d’optimiser les synergies entre les deux groupes (et Thales) dans le domaine des armes sous-marines et de tirer parti de la complémentarité de leurs compétences industrielles, pérennisant ainsi la coopération initiée de longue date autour de la torpille MU90 (GEIE Eurotorp).

3. Dassault Aviation

La situation industrielle de Dassault Aviation a commencé à se dégrader fin 2008. L’activité avions d’affaires a en effet subi de plein fouet la crise économique mondiale alors qu’elle représente plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe et plus encore des commandes. Dassault Aviation a dû se résoudre cette année à prendre des mesures de chômage partiel et pourrait licencier, comme ses concurrents, si la reprise n’était pas effective d’ici la fin 2009.

L’entreprise disposait toutefois à fin 2008 d’une confortable capacité d’investissement (de l’ordre de 4 milliards d’euros), lui ayant permis d’acquérir les parts détenues par Alcatel-Lucent dans le capital de Thales, devenant ainsi l’actionnaire industriel de référence de Thales.

A l’export, Dassault Aviation ne propose plus dans le domaine militaire que son avion multirôle Rafale depuis la fin de la production du Mirage 2000 au début de la présente décennie. L’entreprise entrevoit un premier succès à l’export, avec l’annonce par le Brésil de l’ouverture de négociations pour l’achat de 36 Rafale. Des perspectives existent également avec des pays tels que la Lybie, le Qatar, l’Inde, la Grèce, la Suisse et surtout les Emirats arabes unis (EAU), avec lesquels les négociations pourraient aboutir prochainement pour 60 Rafale. Dans le secteur civil, Dassault Aviation continue d’exporter la plupart de ses Falcon sur le marché américain, mais le marché asiatique commence également à se développer.

4. SNPE

La situation industrielle de SNPE en 2008 est marquée, après la politique de cession d’actifs relatifs aux activités civiles menée depuis 2006, par la prépondérance de la branche matériaux énergétiques (désormais 64 % du chiffre d’affaires) et par le fait que cette branche est la seule à apporter une contribution positive au résultat du groupe. Les ateliers de Toulouse de la filiale Isochem (branche chimie fine) ont été transférés le 1er avril 2008 à la filiale SNPE Matériaux Energétiques (SME, branche éponyme). Cette dernière branche bénéficie de la progression de l’activité propulsion stratégique, liée à l’augmentation des cadences de fabrication, conjuguée à une maîtrise des coûts. L’activité poudres et explosifs est aussi en croissance, mais reste fortement déficitaire, la perte se concentrant sur la filiale Eurenco France dont la situation demeure difficile.

À l’export, la part du chiffre d’affaires devrait rester en 2009 proche du niveau atteint ces dernières années (53 à 55 %), à périmètre identique.

L’état est de longue date favorable sur le principe à une consolidation de la filière industrielle nationale de la propulsion solide, qui verrait l’adossement des activités afférentes de SNPE à celles de Snecma Propulsion Solide et répondrait au besoin de pérennisation des compétences nationales pour la propulsion des missiles balistiques de la force stratégique. Ce projet est connu sous le nom de « projet Herakles » et a été relancé après que le groupe Safran eut fait part à l’état en 2008 de son intérêt renouvelé pour un tel regroupement. Dans ce contexte, un article autorisant le transfert au secteur privé des actifs de SNPE concernés par l’opération a été voté dans la LPM, ceci aux fins de doter l’état, actionnaire à 99,97 % de SNPE, de toutes les marges de manœuvre législatives nécessaires pour mener à bien ledit projet de consolidation de la filière nationale. Dans sa mise en œuvre, les ministères de tutelle veilleront à prendre toutes les dispositions propres à garantir la continuité de protection des intérêts nationaux relatifs aux actifs de propulsion solide du groupe SNPE. Ainsi, est notamment envisagée la mise en place d’une action spécifique au capital de la filiale SME, en application des dispositions de la loi du 6 août 1986 précitée.

Le centre de recherches du Bouchet, établissement rattaché à SME et composante indispensable de la filière nationale de propulsion solide, a vocation - dans le cadre du même projet - à rejoindre le groupe Safran.

5. et 8. Snecma et Safran

Note liminaire : Snecma (ex-Snecma Moteurs) est la principale filiale de la branche propulsion aéronautique et spatiale du groupe Safran, spécialisée dans les moteurs d’avions.

La situation industrielle de Safran est marquée par la cession en 2008 de la branche communications (déficitaire). L’activité sécurité (branche défense sécurité) s’est renforcée avec le rachat de deux sociétés étrangères et l’annonce, début 2009, du rachat de General Electric Homeland Protection (sécurité aéroportuaire). Ceci participe d’un rééquilibrage entre les trois branches d’activité, en vue de moins dépendre de l’activité moteurs et plus particulièrement du moteur CFM56 développé par Snecma et General Electric (GE) au sein de la coentreprise CFM International. Ce partenariat (complété avec l’annonce en juillet 2008 d’une coentreprise pour les nacelles et inverseurs de poussée) a été renouvelé jusqu’en 2040, permettant aux deux motoristes de préparer le développement du nouveau moteur de la fin de la prochaine décennie. En France, le groupe a décidé la création des sociétés Safran Power (énergie embarquée) et Safran Electronics (regroupement de compétences du groupe en électronique), la mise en place d’une direction chargée d’identifier les technologies en cours d’émergence et le regroupement des activités d’usinage de plusieurs filiales sur un site unique. L’ensemble de ces actions est regroupé dans le cadre du nouveau plan de progrès « Safran+ ».

A l’export, Safran s’est associé avec NPO-Saturn pour développer un nouveau moteur civil, le SaM146, installé sur l’avion régional russe SSJ 100 en cours de certification, et s’ouvrir ainsi un nouveau segment d’exportation. Le groupe Safran est également présent sur l’ensemble des porteurs d’Airbus (de l’A310 à l’A380), notamment, aussi bien pour des équipements que pour les moteurs de la famille CFM.

6. Nexter

La situation industrielle de Nexter est marquée par la fin des livraisons de chars Leclerc, signe d’une nouvelle étape pour l’entreprise. Dans ce domaine, Nexter Systems (la principale filiale du groupe) est engagée dans la production en série des matériels VBCI, dont 630 exemplaires au total ont maintenant été commandés pour l’armée de terre. En outre, deux importants contrats pluriannuels de soutien (VBCI et chars Leclerc français) permettront de conforter son plan de charge jusqu’en 2015 par la création d’un volant d’activité conséquent sur le MCO. Les perspectives industrielles de Nexter Systems semblent donc bonnes, au moins à moyen terme. Le plan de charge de la filiale spécialisée Nexter Munitions devrait de son côté se voir conforté jusqu’en 2011.

Concernant l’activité à l’export, Nexter souffre de façon persistante d’un catalogue produit encore trop « étroit » et de produits aux performances certes élevées, mais souvent marqués par de fortes spécificités nationales, ainsi que d’une expérience encore relativement limitée des opérations en coopération avec un fabricant local. Toutefois, l’entreprise dispose aujourd’hui de plusieurs produits phares dotés d’un bon potentiel à l’exportation : le système CAESAR, pour lequel il a déjà obtenu d’importantes commandes, le véhicule blindé VBCI et le nouveau véhicule blindé Aravis (acquis pour l’armée de terre au titre du plan de relance).

7. Thales

Le groupe Thales a connu en 2009 une évolution majeure avec la montée de Dassault Aviation à son capital comme nouveau partenaire industriel en remplacement d’Alcatel-Lucent. Cette évolution capitalistique s’est faite sans remise en cause de la gouvernance du groupe mais a entraîné de nouvelles orientations stratégiques. Celles-ci visent à permettre à Thales de gagner en profitabilité, en le recentrant sur ses domaines d’excellence et en simplifiant son organisation. À l’export, la stratégie multidomestique - que Thales applique depuis plusieurs années - confirme sa pertinence avec une présence majeure au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Australie. Le groupe, bénéficiant des plans de relance de ses pays d’implantations, possède de réelles opportunités de se positionner favorablement dans divers domaines, comme par exemple les radars de détection sol-air, les systèmes de communications tactiques ou les satellites.

Dans son rapport public pour 2009, la Cour des comptes s’est intéressée aux industries d’armement de l’État à savoir la SNPE, NEXTER, DCNS et le SIAé. Après une analyse détaillée de l’évolution du secteur de l’armement et de chacune des entités, elle a émis plusieurs recommandations.

Recommandations de la Cour des comptes
concernant les industries d’armement de l’État, rapport public 2009

– pour ce qui concerne chacune des quatre structures industrielles examinées :

- pour SNPE, l’État devra veiller, pour la propulsion à poudre,seul secteur stratégique de ce groupe, à conserver à l’issue des restructurations actuellement envisagées, une participation significative ;

- pour Nexter, l’État devra reconnaître le rôle dévolu à ce groupe en matière de maintien en condition ppérationnelle des matériels terrestres ;

- pour DCNS, le rapprochement des cultures avec THALES devra être mené à son terme, notamment dans le domaine de l’exportation ;

- en ce qui concerne le SIAé, l’État devra achever la réorganisation en cours de façon à loger en son sein toutes les capacités industrielles internes aux armées, puis rechercher un adossement auprès de partenaires industriels du secteur aéronautique.

– pour ce qui concerne l’ensemble des quatre structures :

- l’État devra approfondir sa réflexion sur le caractère stratégique du maintien en condition opérationnelle et les munitions ;

- il devra mieux équilibrer les objectifs contradictoires de pérennité des activités industrielles stratégiques face aux objectifs de réduction des dépenses : l’État ne peut en effet pas exiger la poursuite d’activités qu’il n’est pas prêt à soutenir par ses commandes ;

- l’État devra poursuivre avec les partenaires industriels français et internationaux, la recherche des restructurations nécessaires et devra veiller, chaque fois que des enjeux stratégiques sont en cause et que c’est possible, à conserver un bloc de contrôle au sein des nouvelles entités restructurées.

Question : Indiquer les mesures prises à la suite des recommandations de la Cour des Comptes sur les industries d’armement d’État dans son rapport public annuel 2009.

Réponse :

Note liminaire : Les recommandations de la Cour relative au service industriel de l’aéronautique (SIAé), structure rattachée au ministère de la défense, sortent du champ de la réponse à la présente question, relative aux entreprises de défense.

SNPE

S’agissant de la recommandation de la Cour des comptes de veiller, pour SNPE, à ce que l’état conserve, à l’issue des restructurations industrielles actuellement envisagées, une participation significative dans le secteur de la propulsion à poudre, ceci aux fins de protection des actifs stratégiques de défense en cause, il convient de noter que l’état est le premier actionnaire de Safran, détenant près de 31 % de son capital (plus de 38 %, indirectement, avec la participation détenue par Areva). Au-delà de cette position actionnariale privilégiée, l’action spécifique qu’il est envisagé d’instituer au capital de SME, en application des dispositions prévues par la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, garantira la protection des actifs stratégiques de SNPE transférés à Safran dans le cadre du « projet Herakles ».

Nexter

S’agissant de la recommandation de la Cour des comptes de reconnaître, pour Nexter, le rôle dévolu à ce groupe en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels terrestres, un marché pluriannuel sur 10 ans relatif au MCO des VBCI lui a été notifié en août 2008, ainsi d’un marché relais de soutien du parc de chars Leclerc français, en attendant la signature - prévue d’ici fin 2009 - d’un marché de soutien en service post-production des Leclerc pour lequel Nexter figurera en qualité de maître d’œuvre. Ces deux importants contrats de soutien de longue durée s’appuient sur le principe de responsabilisation accrue de Nexter sur les résultats obtenus. Ils marquent la reconnaissance par le ministère de la défense du rôle dévolu à Nexter en matière de MCO, ceci en conformité avec la recommandation formulée à cet égard par la Cour dans son rapport public annuel 2009.

DCNS

S’agissant de la recommandation de la Cour des comptes de mener à son terme, pour DCNS, le rapprochement des cultures avec Thales, notamment à l’exportation, l’état est favorable à la montée en puissance de 25 à 35 % de la participation de Thales au capital de DCNS, comme cela a été proposé par les ministères de tutelle lors de l’opération « Convergence » en 2007. Il revient cependant à la direction du groupe Thales de décider ou non de faire valoir ce droit, dans le délai maximum de cinq ans à compter de la date de réalisation effective de l’opération aux termes du pacte d’actionnaires conclu entre l’État et Thales. En dépassant le seuil de la minorité de blocage, Thales disposerait d’un contrôle accru sur DCNS, notamment en matière de prospection à l’étranger, ce qui irait dans le sens de la recommandation formulée à cet égard par la Cour dans son rapport public annuel 2009.

Recommandations concernant l’ensemble des structures

S’agissant du caractère stratégique du MCO et des munitions, le ministère de la défense poursuit ses réflexions sur ces deux sujets, dans le contexte notamment des engagements opérationnels de nos armées sur des théâtres d’opérations éloignés tels que l’Afghanistan. Concernant les munitions classiques en particulier, celles de petit calibre sont approvisionnées sur le marché international, les capacités industrielles nationales dans ce domaine ayant disparu depuis 10 ans, tandis que celles de moyen et gros calibre sont approvisionnées pour l’essentiel chez Nexter Munitions, seul détentrice à ce jour – à de rares exceptions près – de la capacité technique à produire ce type de munitions tirées par les systèmes à canon en dotation dans nos forces.

S’agissant de la recommandation de la Cour des comptes de mieux équilibrer les objectifs contradictoires de pérennité des activités industrielles stratégiques face aux objectifs de réduction des dépenses, c’est dans cet esprit que s’inscrivent les dispositions insérées dans la loi relative à la programmation militaire 2009 - 2014. L’état encourage ainsi, tant DCNS que SNPE, à s’allier avec d’autres industriels – voire à s’adosser à ces derniers – dans des domaines d’activité particuliers, afin notamment de diversifier leurs portefeuilles de clients et d’exploiter au mieux l’ensemble de leurs compétences, dans un contexte de réduction – réelle ou supposée – des commandes publiques ou des marchés auxquels s’adressent leurs activités civiles (branches concernées de SNPE). Par ailleurs, la démarche d’identification des capacités stratégiques à maintenir au sein de la base industrielle et technologique de défense, française ou européenne, engagée depuis plusieurs années par le ministère de la défense, participe de la même volonté de cibler les activités industrielles nécessitant un soutien par la commande publique.

S’agissant enfin de la recommandation de la Cour des comptes de poursuivre les restructurations nécessaires et de veiller si possible à conserver un bloc de contrôle à chaque fois que des enjeux stratégiques sont en cause, le ministère de la défense inscrit son action dans cette optique, conscient que les acteurs industriels français et européens de tous niveaux doivent poursuivre les rapprochements de nature à faire émerger des acteurs compétitifs de rang mondial, à même de garantir l’accès des États européens aux capacités industrielles et technologiques nécessaires, ou bien à renforcer l’assise et la compétitivité de ceux déjà constitués.

Dans le cas de DCNS, les dispositions législatives désormais applicables conditionnent a minima la création de filiales communes avec des partenaires au maintien d’une minorité de blocage. Il apparaît par contre encore prématuré d’envisager une consolidation européenne dans le secteur naval militaire au sein de laquelle DCNS serait globalement partie prenante.

Dans le cas de SNPE, ont été rappelées plus haut les dispositions qui seront prises pour garantir la protection de ses actifs stratégiques transférés à Safran (dont l’état est en outre le premier actionnaire), dans le cadre du « projet Herakles ».

Dans le cas de Nexter, l’état aura à se prononcer sur le caractère stratégique des actifs concernés et veillera, le cas échéant, à prendre les dispositions protectrices nécessaires, dans le cadre de tout projet de consolidation de l’industrie d’armement terrestre qui intégrerait Nexter ou l’une de ses filiales spécialisées.

La remarque préliminaire à cette réponse, excluant de son champ le service industriel de l’aéronautique, SIAé, est instructive : pour le ministère de la défense, le SIAé est un service de l’État et ne peut être considéré comme une industrie ; pour la Cour des comptes, et également pour de nombreuses entreprises aéronautique, le SIAé est une industrie à part entière.

Le SIAé a en effet un positionnement ambigu : service disponible, réactif et mobile, il se voit reprocher son statut protecteur (non assujetti à la TVA, partenaire incontournable des entreprises privées, soutien indéfectible de l’état-major…) sur un marché crucial pour les groupes privés. Cette évolution est d’autant plus surprenante que parallèlement la DGA se séparait de la DCN.

Il est impossible de résumer l’industrie d’armement français aux seuls grands groupes ; près de 4 000 PME participent en effet à des programmes d’armement et constituent un précieux vivier d’emplois et de richesse nationale.

Question : Fournir une note détaillée de la situation économique et financière en 2008 et 2009 des PME du secteur de l’armement. Indiquer les mesures prises pour soutenir les PME notamment en matière d’exportation et de recherche et développement.

Réponse : environ 4 000 PME sont impliquées dans des contrats d’armement, dont plusieurs centaines critiques ou stratégiques pour la conduite de programmes en cours ou à venir. Mais ce tissu industriel est réputé fragile et la globalisation des marchés passés en matière d’armement comporte le risque pour les PME de ne pas pouvoir anticiper les besoins technologiques et industriels. Dans ce contexte, le ministère de la défense met en œuvre une politique de soutien spécifique aux PME du secteur de l’armement afin de favoriser leur pérennité et leur développement.

Ainsi sont notamment mises en œuvre des actions de soutien dédiées aux PME dans toutes les dimensions de leur développement (innovation, exportation, renforcement des fonds propres, intelligence économique). Les principaux dispositifs d’appui visent au développement des capacités d’innovation des PME, dans le champ purement militaire (« recherche exploratoire et innovation ») mais aussi dual, à travers l’implication de la DGA dans des dispositifs de subvention existants (pôles de compétitivité, convention avec OSEO).

Le dispositif « RAPID » (régime d’appui aux PME pour l’innovation duale) a été mis en place en partenariat avec le ministère de l’industrie (DGCIS) en mai 2009. Il est le seul dédié spécifiquement au soutien de projets d’innovation duale portés par des PME (entreprise autonome de moins de 250 salariés). La voie de la subvention permet d’être très réactif dans l’instruction du dossier et le conventionnement. L’objectif est une durée maximale de quatre mois entre le dépôt d’un dossier et le premier versement de subvention. Le dispositif est doté de 10 millions d’euros en 2009. Une PME peut présenter un projet seule, ou en consortium avec un laboratoire et/ou une autre entreprise. Compte tenu de son attrait pour les PME et de son intérêt pour la défense, sa dotation devrait tripler dès 2010.

Par ailleurs, le ministre de la défense avait décidé en décembre 2007 un plan d’actions visant à faciliter l’implication des PME dans les marchés d’armement et plus spécialement à :

- améliorer leur information et en réduire la complexité,

- faciliter leur accès direct aux marchés d’armement de la DGA ;

- améliorer l’accès indirect en sous-traitance des programmes d’armement ;

- faciliter leur accès aux marchés d’exportation ;

- fixer des objectifs quantitatifs de prises de commandes pour les PME (marchés d’études amont et programmes).

La mise en œuvre de l’ensemble des mesures de ce plan a été engagée dès 2008. Les effets de certaines se font d’ores et déjà sentir, par exemple :

- concernant l’amélioration de l’information, les PME bénéficient d’une visibilité inédite sur les orientations de la DGA à travers l’organisation des « ateliers recherche et technologie PME », de conférences de lancement de programmes (deux par an) et de journées « export PME » ;

- l’amélioration des conditions d’accès indirect prendra son plein effet à compter de 2009 avec l’intégration d’une douzaine de nouvelles clauses contractuelles, portant en particulier sur l’intéressement des maîtres d’œuvre industriels en fonction de la part de sous-traitance accordée à des PME, la rénovation de la politique des plans d’acquisition, l’amélioration des conditions de paiement des sous-traitants.

Ces mesures ont déjà permis d’accroître de 15 % le montant total de marchés attribués directement à des PME indépendantes (hors filiales de grands groupes) au titre des opérations d’armement et des études amont.

Le ministère de la défense engagera avant la fin de l’année 2009 la définition d’un plan PME complétant celui de 2007.

On notera enfin que plusieurs PME ont été titulaires, dès le premier semestre 2009, de contrats passés au titre du plan de relance, aussi bien d’études amont que de fourniture d’équipements. Ainsi, la société Micro OLED s’est vue confier une étude de 3 millions d’euros visant à mettre en place une filière technologique européenne de microafficheurs OLED répondant au besoin spécifique de dispositifs de visualisation à haute définition pour les nouvelles générations d’équipements optroniques portables. Cette opération permettra d’assurer l’autonomie d’approvisionnement de la défense dans cette nouvelle technologie.

Au bilan, on constate que les PME du secteur de l’armement apparaissent aujourd’hui globalement plus dynamiques et innovantes, notamment grâce au plan PME et à l’ensemble des mesures exposées précédemment.

Le marché de l’armement est très particulier : en raison de l’extrême sensibilité du domaine, les acheteurs, exclusivement publics, sont à la fois prescripteurs du besoin et régulateurs. Par ailleurs la durée de vie des équipements, le temps nécessaire à leur développement et le montant des investissements tant en études qu’en production sont exorbitants. Une puissance émergente ne peut pas se doter d’une industrie de défense compétitive sur le plan mondial, sans un effort humain et financier colossal. Cette spécificité montre bien l’importance des partenariats stratégiques comme celui qui lie désormais la France au Brésil.

Parce que le marché national est trop limité en volume, l’exportation est devenue un impératif indispensable pour assurer la rentabilité des programmes d’armement. Sans exportation, le coût unitaire de chaque équipement explose. Désormais, vendre à l’étranger est une priorité non seulement économique mais aussi stratégique. Une entreprise ne peut pas exporter de l’armement comme un bien commun. Des règles très strictes s’imposent et visent, paradoxalement, à empêcher toute exportation.

Le contrôle des exportations d’armement
(extraits du livre blanc de la défense et la sécurité nationale)

Le contrôle des exportations d’armement répond à une triple nécessité :

– de sécurité nationale, afin de garantir la protection de nos forces et de celle de nos alliés et de nos partenaires, engagées en opérations ;

– politique et juridique, afin de garantir le respect des engagements internationaux souscrits par la France : code de conduite européen, arrangement de Wassenaar, conventions internationales relatives à la lutte contre la prolifération, embargos de l’ONU et de l’Union européenne ;

– économique et industrielle, afin d’assurer la maîtrise des transferts de technologies les plus sensibles.

Le système français de contrôle des exportations de matériels de guerre et assimilés est fondé sur les principes généraux :

– d’interdiction, sauf dérogations accordées par l’administration ; ce principe, justifié par la nature particulière du commerce des armes, est de nature législative (art. L 2335-2 et 3 du code de la défense) ;

– d’interministérialité : le contrôle des exportations est mis en œuvre sous la responsabilité du Premier ministre.

Une opération d’exportation requiert deux autorisations successives. La première est un agrément préalable, qui permet à l’industriel de présenter ses matériels et de prendre une commande ; la seconde, l’autorisation d’exportation des matériels de guerre, est nécessaire pour que les matériels franchissent la frontière et soient transférés jusqu’au client du pays destinataire. Cette procédure est fixée par l’arrêté du 2 octobre 1992 relatif à l’importation, à l’exportation et au transfert des matériels de guerre, armes et munitions et des matériels assimilés.

L’agrément préalable est donné par le Premier ministre après avis de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Sous la présidence du secrétaire général de la défense nationale (SGDN), cette commission réunit des représentants des ministères chargés de la défense, des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances. Elle apprécie les projets d’exportation en fonction de critères opérationnels, politiques, déontologiques, économiques et industriels. Le cas échéant, ses avis sont assortis de réserves, telles que l’insertion dans le contrat d’une clause de non réexportation, par laquelle l’acheteur s’engage à ne pas vendre ou céder à un tiers, sans l’accord préalable des autorités françaises, les matériels et rechanges objet du contrat. L’autorisation d’exporter est délivrée par le ministre chargé des douanes après avis des ministres chargés de la défense, des Affaires étrangères, de l’Économie et des Finances et du SGDN.

Les contrats d’armement étant conclus avec des États, les entreprises françaises ont un besoin impératif du soutien des autorités publiques françaises pour agir, au-delà de l’obtention de l’autorisation d’exporter. Conscient de l’importance du volet export, le ministère de la défense a fait des efforts en la matière.

Question : Indiquer les mesures prises par le ministère de la défense à la suite du rapport de la Cour des comptes sur les exportations d’armement.

Réponse : Des mesures importantes ont été prises par le ministère de la défense pour favoriser nos exportations d’armement en cohérence avec le rapport Fromion (le ministère n’a pas connaissance d’un rapport de la Cour des comptes sur les exportations d’armement). Un Plan national stratégique des exportations de défense (PNSED), fruit du travail de la commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux (CIACI) a été élaboré. Établi par la délégation générale pour l’Armement (DGA), en concertation avec l’ensemble des acteurs publics et privés concernés, ce document définit une véritable stratégie nationale de soutien aux exportations de défense et de sécurité et présente une vision, à court et moyen termes, des objectifs d’exportation susceptibles de recevoir le soutien de l’État. Ce document, validé par la CIACI, est actualisé annuellement.

Le renforcement et la rationalisation du dispositif de soutien aux exportations de défense a été poursuivi. Des consultations annuelles militaires, d’armement et stratégiques (CAMAS) ont été mises en place avec nos principaux pays partenaires afin de regrouper dans une seule instance les actions de coopération des services de défense, créant ainsi des synergies entre offre industrielle, coopération et formation. De plus, au sein de l’état-major des armées (EMA), une section de « soutien aux exportations » a été mise en place en septembre 2008. Elle intervient, en appui de la DGA, pour coordonner les activités des forces liées aux exportations d’armement. Enfin, s’agissant de nos exportations en direction de l’Arabie Saoudite, ODAS, la nouvelle structure succédant à SOFRESA, a été présentée aux autorités saoudiennes et est maintenant totalement opérationnelle.

Le soutien à l’exportation dépasse le ministère de la défense : les discussions entre chefs d’État sont cruciales. Établir une relation forte au plus haut niveau politique est un préalable incontournable, à l’image des nouvelles relations franco-brésiliennes.

Si la mondialisation a ses avantages, elle a également ses inconvénients : il est désormais rare qu’un équipement ait des composants venant exclusivement d’un seul pays. Les systèmes d’armes, quelle que soit leur complexité technologique, agrègent des éléments fabriqués à travers le monde entier. Disposer d’un approvisionnement suffisant et constant est un enjeu géostratégique majeur. La dépendance extérieure peut avoir des conséquences graves sur les capacités opérationnelles des forces. Pour les pays fournisseurs, c’est une arme commerciale. Les États-Unis en usent y compris avec leurs proches alliés. C’est l’enjeu de la législation dite ITAR.

Question : Fournir une note détaillée sur la réglementation ITAR et ses conséquences sur la politique d’exportation française.

Réponse : La législation ITAR (International Traffic in Arms Regulations), administrée par le Département d’État américain, marque fortement la coopération transatlantique et les rapports industriels dans le domaine de l’aéronautique et de la défense. En effet, cette réglementation prescrit, à tout moment, un droit de regard et de contrôle des États-Unis sur les technologies américaines jugées sensibles. Par exemple les États-Unis se sont opposés à la vente d’avions de transport espagnols au Venezuela (EADS CASA) pour des raisons de « sécurité nationale». De ce fait, des exportations non américaines sont soumises à un veto potentiel en raison de la présence de matériels et composants sensibles fabriqués aux États-Unis.

Or, l’inclusion dans certains systèmes d’armes de technologies d’origine étrangère paraît inévitable, sous peine de surcoûts ou de performance réduite. Ces dépendances sont source de risques pour les programmes nationaux, notamment en termes de sécurité d’approvisionnement et d’indépendance.

Les grands maîtres d’œuvre français et européens tentent de s’abstenir, autant que possible, de l’emploi de composants militaires classés ITAR notamment pour la fabrication de leurs produits civils. Ils imposent à leurs partenaires, fournisseurs et sous-traitants la mise en place de véritables « procédures de précaution » afin de garantir les approvisionnements.

De plus, à l’heure où les transferts intra communautaires tendent à se fluidifier, la législation ITAR peut constituer une entrave à la libéralisation des échanges entre pays européens.

Outre la négociation avec l’État acheteur, l’entreprise doit également obtenir l’aval des États-Unis, aval provisoire pouvant à tout moment être remis en question. Le marché mondial de l’armement n’obéit pas aux règles édictées par l’organisation mondiale du commerce mais à celles définies par les différents États en fonction de leurs intérêts propres. Face à la menace permanente de la législation ITAR, la seule riposte consisterait en une coordination européenne forte sur les plans industriel, technologique et juridique.

Une trop forte dépendance aux commandes publiques et aux exportations réglementées est une source de fragilité des entreprises d’armement. Les cycles de vie des équipements ne permettent pas d’assurer un volume d’activités suffisant. La diversification est indispensable pour préserver le chiffre d’affaire et les emplois. Plusieurs pistes sont actuellement exploitées pour remédier à cette situation.

Le 13 octobre 2009, DCNS a annoncé la signature avec la marine nationale de trois contrats pour un montant total de 310 millions d’euros (50). Ces contrats portent non sur la livraison de navires mais sur le maintien en condition opérationnelle de frégates, de bateaux de transport de chalands et de bâtiments de projection et de commandement. Pour les chantiers navals et les entreprises sous-traitantes, de tels contrats sont essentiels et leur redonnent des perspectives d’avenir.

Une diversification vers la maintenance des équipements est pratiquée par la majorité des entreprises de l’armement. Au même titre que la politique d’achat de la DGA passe du coût d’acquisition au coût de possession, les industriels proposent désormais outre le système d’armes, son entretien et la garantie de sa disponibilité, à l’instar des constructeurs automobiles qui vendent et réparent les véhicules.

Le 29 août 2008, la DGA a notifié à Nexter le marché de soutien logistique des VBCI, contrat de 320 millions d’euros sur six ans allant de 2009 à 2015. Ce contrat contient des clauses particulièrement étendues : engagement de Nexter sur un taux de disponibilité des VBCI atteignant 95 % sur les théâtres extérieurs ; rémunération variable en fonction de l’utilisation des véhicules ; livraison des pièces de rechange directement dans les ateliers de maintenance de l’armée de terre, pour limiter les stocks militaires ; prise en charge de la maintenance des VBCI dans les camps d’entraînement de l’armée de terre.

Cette ouverture de l’activité des industries au MCO peut aller très loin. Le mardi 6 octobre 2009, Dassault Aviation et Thalès ont signé avec le ministère de la défense des contrats réserves, c’est-à-dire une convention accordant à leur personnel le statut militaire lorsqu’ils interviennent sur des théâtres d’opérations extérieures pour l’entretien des matériels. À cette occasion, Hubert Falco, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, a rappelé que « les personnels de l’industrie qui interviennent en soutien, lors d’opérations extérieures, pourront désormais le faire au titre de la réserve opérationnelle […]. S’ils optent pour intégrer la réserve opérationnelle le temps de leur mission, ils bénéficieront des mêmes droits que les militaires ». Le secrétaire d’État estime que grâce à ce statut, les industriels auront « une chance supplémentaire d’emporter certains marchés ».

La fin de vie des matériels militaire est une préoccupation majeure, compte tenu de l’extrême sensibilité de l’opinion publique aux questions de démantèlement. Les caractéristiques des systèmes d’armes, notamment ceux qui participent à la dissuasion, rendent par ailleurs extrêmement complexe leur démantèlement. La seule présence d’amiante soumet par exemple ces équipements à la législation relative aux déchets dangereux. Le démantèlement de la coque du porte-avions Clemenceau a révélé à l’opinion publique les difficultés d’une telle opération.

Le contrôle général des armées et la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense ont conduit en 2008 une mission sur le démantèlement des matériels d’armement. Le rapport qui en est issu souligne que « si le démantèlement des armes, réacteurs et infrastructures nucléaires a été pris en compte depuis longtemps par la DGA, il en va autrement des porteurs (navires, y compris coques de sous-marins dénucléarisés, blindés, aéronefs) et des munitions conventionnelles » (51). Selon le rapport, le volume de matériels à démanteler entre 2009 et 2014 représente plus de 270 000 tonnes. Un renforcement des compétences internes au ministère en matière de démantèlement est recommandé. L’industrie doit se saisir de la problématique mais, dans beaucoup de cas, la rentabilité du modèle économique est encore à démontrer.

Le besoin militaire semble pourtant relativement important : sont notamment  en attente de démantèlement cinq sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Le Redoutable ainsi qu’une trentaine de navires de surface pour un total de 80 000 tonnes. Chaque année, selon les besoins opérationnels définis par la loi de programmation militaire, entre 5 et 10 navires sont retirés du service. Par le passé, ces navires étaient coulés, ce qui n’est plus possible aujourd’hui. Selon le vice-amiral Hubert Jouot, chargé de la déconstruction des navires militaires à l’état major de la marine, « avec une vision volontariste et innovante, la marine a souhaité inscrire le démantèlement de ses navires dans une perspective de développement durable et de respect de l’environnement » (52).

Au regard des besoins militaires auxquels viennent s’ajouter ceux du secteur civil, le livre bleu du Grenelle de la mer adopté en juillet 2009 recommande la création d’une filière française de démantèlement, de recyclage et de dépollution des navires civils et militaires. L’industrie, notamment DCNS, est très réticente au regard de la faible rentabilité.

Dans le domaine aérien, les besoins sont également conséquents : environ 70 aéronefs (avions et hélicoptères) sont retirés du service chaque année. L’armée de terre a, quant à elle, environ 250 000 équipements ou matériels retirés du service et en attente de démantèlement. Les munitions sont également un enjeu pour la ratification par la France de la convention d’Oslo interdisant les armes à sous-munitions.

Extrait du rapport n° 1804 « Convention sur les armes à sous-munitions,
François Rochebloine, député, juillet 2009

En France, toutes les mesures concernant les stocks et les lignes de production d’armes à sous-munitions ont été prises avant même la signature de la convention. Avec le retrait des bombes lance-grenades BLG-66 « Belouga » entre 1996 et 2002, les derniers armements sol-air relevant de cette catégorie avaient été déjà retirés (53). En annonçant le retrait des arsenaux des roquettes M26, qui équipent les lance-roquettes multiples que la loi de programmation militaire pour 2009-2014 prévoit de remplacer par des lance-roquettes unitaires, ainsi que des obus à grenades de 155mm OGR, la France a donc anticipé l’entrée en vigueur de la convention d’Oslo concernant la destruction des stocks existants.

Sur le terrain, une prise de conscience est en cours : le pôle de compétitivité Aerospace Valley basé dans les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées compte une usine de démantèlement d’avions basée à Tarbes et projette de construire d’ici 2012 une usine de démantèlement des propulseurs des missiles balistiques à Saint-Médard-en-Jalles (54).

Le démantèlement des équipements militaires représente une charge budgétaire conséquente. Une alternative peut être envisagée pour un petit nombre d’entre eux : la « seconde vie civile ». Le missile M51 est un propulseur puissant, performant et opérationnel. Mais, outil de la dissuasion nucléaire, il est fortement souhaitable que l’on n’en fasse pas un autre usage. Son remplaçant est d’ores et déjà envisagé afin de conserver la crédibilité à la dissuasion nucléaire française dans les prochaines décennies. À ce moment, la France devra décider du démantèlement du M51. Or, un propulseur militaire présente des caractéristiques très approchantes des propulseurs civils qui envoient dans l’espace des satellites de télécommunication ou d’observation. L’agence spatiale européenne a d’ores et déjà formulé son intérêt pour une telle reconversion, économiquement plus avantageuse qu’une mise au rebut.

Le marché de l’occasion n’est envisageable que pour un petit nombre d’équipements militaires : hélicoptères et avions de transport ; véhicules de transport terrestre. Des préalables juridiques doivent cependant être levés avant d’envisager la création de ce nouveau marché.

La plupart des industries d’armement sont duales : elles interviennent à la fois sur les marchés civils et militaires. C’est une réalité pour les industries électroniques, aéronautiques et spatiales : Dassault aviation produit le Rafale pour les armées et des Falcon pour le milieu des affaires ; Eurocopter a dans son catalogue des hélicoptères civils et militaires ; Thalès équipe aussi bien les aéronefs civils que militaires ; autant EADS Astrium que Thalès Alenia Space occupent les deux créneaux pour les satellites.

Cette dualité est un amortisseur économique puissant et contracyclique. Lorsque les commandes publiques sont en attente ou insuffisantes en volume, le marché privé permet de maintenir ou développer l’activité des bureaux d’études et des sites de production, et inversement.

Dans les autres secteurs, la dualité n’est pas partagée par tous les acteurs. Dans le naval, DCNS demeure centré sur son métier militaire (55) alors que STX, à Saint-Nazaire, construit désormais des navires de croisière et des bâtiments de projection et de commandement (BPC). Dans le terrestre, NEXTER reste concentré sur les commandes de défense, alors que Renault Trucks se partage entre véhicules civils et militaires.

Le volume des commandes publiques et leur fréquence en matière de défense ne permettent pas d’assurer un chiffre d’affaire suffisant aux industriels. La recherche d’activités duales doit être une priorité pour éviter que, face à des difficultés conjoncturelles, l’industrie ne se retourne vers son unique client, l’État, pour quémander des subsides via des programmes plus ou moins nécessaires ou des montages industriels type cotraitance très hasardeux. Les contraintes pesant sur les finances publiques ne permettent plus ce type de commandes.

Pour concilier des besoins croissants en termes de sécurité et de défense et une enveloppe budgétaire contrainte, le ministère de la défense fait appel à des financements dits innovants dont les deux principaux outils sont les externalisations et les partenariats publics-privés (PPP). En matière d’équipements, le recours à ces deux modes de financement est encore limité mais tend à se développer, amenant les industriels à offrir leurs services et compétences.

L’exemple emblématique est le système de communication militaire par satellite Syracuse (cf. supra). Propriété de l’État, ce système composé de plusieurs satellites va être cédé à un opérateur privé. L’État louera prioritairement les capacités de communication satellitaires qu’il n’utilise aujourd’hui qu’à 90 %, laissant à l’opérateur la possibilité de louer le reliquat à des clients tiers.

Il est fait recours à la location de capacités militaires également lorsque les crédits budgétaires ou les retards industriels ne permettent pas d’acquérir un équipement pourtant nécessaire. Il en va ainsi du transport aérien stratégique. Les capacités militaires françaises arrivent à terme et le déficit capacitaire menace avec les retards de livraison de l’A400M.

Question écrite n°47885 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 5 mai 2009 et réponse du ministère de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée nationale le 22 septembre 2009.

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur la capacité de projection des armées françaises. Afin d’assurer la projection d’hommes et de matériels sur des théâtres d’opération lointains, la France a recours à des capacités nationales vieillissantes, dans l’attente de l’arrivée de l’avion de transport A 400 M, aux forces aériennes alliées ou à des sociétés privées françaises ou étrangères. Cette externalisation de la capacité de projection en faveur du secteur privé prend et est appelée à prendre une place croissante. Afin d’en évaluer l’importance, il lui demande de dresser le bilan pour l’année 2008 des contrats d’externalisation signés en matière de projection, en indiquant notamment leur montant financier respectif et l’identité et la nationalité des prestataires retenus.

Réponse : En complément de ses capacités de transport aérien stratégique, l’armée française a recours à des moyens aériens civils. Les données relatives aux montants des contrats et accords permettant de disposer de ces moyens aériens, ainsi que celles concernant l’origine des compagnies aériennes ayant effectué les prestations, au titre de l’année 2008, figurent dans le tableau récapitulatif suivant (ne sont pas comptés les coûts des transports de fret par voie aérienne commerciale [essentiellement du fret de faible masse envoyé en urgence] et les affrètements au profit des passagers) :

Organisme ayant passé le contrat

Titulaire
du marché

Pays d’immatriculation
des compagnies aériennes (1)

Estimation
des coûts

Contrat SALIS

NAMSA

Groupement
russo-ukrainien

Ukraine
Russie

34 878 423 €

Marché
de commission

Direction centrale
du commissariat
de l’armée de terre (DCCAT)

Société française

Turkménistan
Russie
Biélorussie
Azerbaïdjan
Ukraine

17 742 016 €

Contrats
d’affrètement

Structure centrale d’achat
et de mandatement
de l’armée de l’air (SCAM-air)

Sociétés françaises remises en
concurrence à
chaque affrètement

États-Unis
Biélorussie
Russie
Emirats arabes unis
Pays-Bas
Espagne
Kazakhstan
Libye
Azerbaïdjan
Ghana
Turquie

10 873 801 €

(1) Classement par ordre décroissant du montant des prestations réalisées.

SALIS (Strategic Air Lift Interim Solution) est un contrat par lequel la France a décidé, avec plusieurs de ses partenaires de l’Union européenne et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), d’acquérir un nombre d’heures de vol d’avions gros porteurs. SALIS représente une solution intérimaire destinée à combler les lacunes des Européens dans le domaine du transport aérien stratégique, en attendant de pouvoir disposer de leurs propres moyens dans ce domaine. Ce contrat, conclu par la NAMSA (Nato Maintenance and Supply Agency, organisme de l’OTAN ayant la personnalité juridique pour agir au nom des nations parties prenantes), permet à la France de disposer, depuis le début de l’année 2006, d’une capacité d’avions gros porteurs de type Antonov 124. L’accord prévoit la mise à disposition de deux Antonov 124 dans un délai de soixante-douze heures, de deux appareils supplémentaires sous six jours et deux autres sous neuf jours. La société russe Volga-Dnepr et la société ukrainienne ADB fournissent les aéronefs mis à disposition dans le cadre du contrat SALIS. Les montants du contrat SALIS sont connus très tardivement avec exactitude. À la complexité du découpage des frais fixes (heures de vols prépayées en totalité, partiellement ou à régler en totalité), s’ajoute la problématique des frais variables dont les factures sont adressées plusieurs mois après la réalisation des prestations. Ainsi, les coûts relatifs à l’année 2008 ne sont pas définitivement arrêtés. Toutefois, la somme indiquée dans le tableau ci-dessus est très proche du montant définitif. S’agissant des autres marchés, les armées ne font pas directement appel aux compagnies aériennes mais s’adressent au centre multimodal des transports (CMT), chargé de la planification, de la programmation et de la conduite des acheminements au profit de l’ensemble des forces armées. Son champ d’application couvre les opérations extérieures ou intérieures, dans leurs phases de projection des forces, de soutien, de relèves et de désengagement, les exercices et le soutien des forces prépositionnées et de souveraineté. Il agit dans une perspective multimodale afin d’offrir les meilleures solutions d’acheminement à ses différents clients. Pour recourir aux moyens aériens civils, le CMT utilise les différents marchés à sa disposition : SALIS, les marchés d’affrètement d’aéronefs avec remise en concurrence permanente passés par la SCAM-air et le marché de commission de transport de bout en bout, dédié au ravitaillement du théâtre d’opération afghan dans le cadre de l’opération Héraclès, passé par la DCCAT. Hormis les Antonov 124 obtenus au titre du contrat SALIS, le CMT passe par des commissionnaires de transport français qui prospectent sur le marché aérien mondial de manière à répondre aux exigences de l’appel d’offre dans les meilleures conditions opérationnelles et financières. L’origine des compagnies aériennes utilisées, qui sont toutes de nationalité étrangère, s’explique principalement par le type d’aéronef employé : Antonov 124, Iliouchine 76 et Boeing 747 cargo pour l’essentiel.

En matière de transport stratégique aérien, on constate qu’aucune compagnie française n’a contractualisé avec la France en 2008. Ceci n’est pas sans poser quelques questions quant à l’autonomie de projection des forces.

Sans recherche et développement, l’industrie de défense est condamnée à régresser. Les bureaux d’études doivent disposer d’un seuil minimum d’activité pour préserver les compétences scientifiques de leurs personnels. C’est une préoccupation unanimement partagée par les industriels qui sont confrontés au caractère erratique des financements et commandes publics.

Les crédits du ministère de la défense consacrés aux études amont sont intégrés au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et sortent donc du périmètre de ce rapport, ce qui n’est pas sans poser de problème quant à la délimitation de la frontière entre les études amont et le développement d’un programme.

La doctrine de la DGA est claire : les études amont ne doivent pas être en lien avec des programmes existants. Leurs adaptations doivent être financées sur les crédits du programme budgétaire 146. Avec la mise en place de la démarche incrémentale, cette frontière déjà ambiguë devient encore plus floue.

On comprend aisément la nécessité de financer des études déconnectées de programmes en cours afin de ne pas subir de surprise technologique, mais le respect scrupuleux d’une doctrine trop rigide amène à financer le court terme via le programme 146 et le long terme via le programme 144 et à oublier ainsi le moyen terme, ou du moins à user de biais administratifs pour trouver le financement. À titre d’exemple, l’avion de chasse Rafale est actuellement livré aux forces dans le standard F3. Les études amont financent des travaux relatifs au standard F5. Il manque une marche, prise en charge par les industriels, notamment en s’appuyant sur les desiderata de clients extérieurs, comme Abu Dhabi.

Dans la perspective du grand emprunt souhaité par le Président de la République, on peut craindre, si on en restait en l’état, une incompréhension entre les industriels et les pouvoirs publics. Qu’est-ce que préparer l’avenir ? A partir de quelle échéance considère-t-on être dans l’avenir ?

Les experts américains sur les questions d’industrie de défense répètent à l’envi à leurs interlocuteurs européens qu’il est faux d’affirmer qu’il existe une industrie de défense européenne, au même titre qu’il existe une industrie de défense américaine. En réalité, sur le territoire européen, on comptabilise 27 industries de défense. Cette situation ne peut être qu’une source de faiblesses.

D’où la quête par les principales sociétés européennes, encouragées par leur gouvernement respectif, d’une croissance externe par le biais d’alliance, de fusion ou d’acquisition. EADS reste à ce jour le symbole de cette volonté de faire émerger des champions européens, en s’appuyant principalement sur la force du couple franco-allemand.

Mais des alliances entre sociétés de nationalités différentes et présentes sur les marchés de la défense deviennent rapidement des enjeux politiques au point d’altérer leur bonne gouvernance. EADS en est également le symbole avec les nombreux soubresauts qui animent ses organes de direction. Longtemps les pouvoirs publics ont souhaité l’émergence d’un « EADS naval » avec, du côté français, DCNS et, du côté allemand, TKMS, un de ses concurrents historiques. Aujourd’hui, cette union se heurte à des réticences industrielles et politiques en Allemagne. Récemment, un rapprochement entre DCNS et le chantier naval de Gdynia en Pologne est évoqué, démontrant que les alliances et partenariat industriels peuvent dépasser le puissant prisme franco-allemand.

En fait, toute alliance doit obéir à des considérations pragmatiques et non doctrinales. Vouloir forcer des unions entre concurrents pour limiter des compétitions néfastes aboutit à des quasi-monopoles institutionnalisés, pas forcément favorables à une bonne gestion des deniers publics. En revanche, faire émerger des sociétés européennes à partir de programmes européens impliquant plusieurs pays clients est une voie à encourager. Ceci impose de cesser de confier des programmes à des consortiums de circonstance. La cotraitance a les mêmes effets négatifs en Europe qu’en France.

Question : Faire un point sur les possibilités industrielles de rapprochements européens. Indiquer sur quel projet et quelles seraient les entreprises potentiellement concernées.

Réponse : Dans un contexte marqué par la relative modestie des dépenses nationales d’équipement militaire chez la plupart de nos partenaires européens, par le coût croissant des systèmes d’armes, et par une concurrence de plus en plus vive sur les marchés d’exportation, les acteurs industriels européens de tous niveaux doivent poursuivre les rapprochements nécessaires de façon à faire émerger des acteurs compétitifs de rang mondial, à même de garantir l’accès des États européens aux capacités industrielles et technologiques nécessaires, ou bien à renforcer l’assise et la compétitivité de ceux déjà constitués.

Un processus de ce type apparaît, en effet, seul à même de pouvoir mutualiser (aussi bien pour les États que pour les industriels eux-mêmes) des coûts de plus en plus lourds à supporter de maintien des compétences et de développement des nouveaux systèmes, de résorber significativement les redondances de capacités industrielles et technologiques entre les différents pays et de limiter à l’exportation les situations potentiellement dommageables de concurrence intra-européenne.

De fait, l’industrie n’a pas encore tiré tous les bénéfices des rationalisations déjà effectuées. L’offre industrielle, dans l’Union européenne, reste dispersée dans plusieurs secteurs, par exemple dans la construction navale militaire (DCNS, ThyssenKrupp Marine Systems, BAE Systems, Fincantieri, Navantia…), dans l’armement terrestre (Nexter, Rheinmetall, Krauss-Maffei Wegmann, BAE Systems, General Dynamics à travers ses filiales européennes…) ou dans les moteurs d’aéronefs (Safran, MTU, Rolls-Royce, Avio, ITP…). En outre, comme l’ont illustré les difficultés rencontrées ces dernières années par l’avionneur civil Airbus, des améliorations importantes sont à apporter dans l’organisation interne des acteurs multidomestiques une fois constitués, de façon à les rapprocher d’un modèle d’entreprise européenne transnationale où se réaliserait une véritable intégration entre les différentes entités nationales constitutives.

L’aboutissement d’un tel processus, devant conduire à terme à une rationalisation de l’offre industrielle de défense en Europe, est pour une large part conditionné par des négociations internationales entre gouvernements :

– rationalisation de la demande de défense sur la base d’une harmonisation des besoins militaires permettant des coopérations européennes sur des programmes, à même de développer des partenariats industriels solides, structurants pour l’offre industrielle sous réserve de veiller à une bonne cohérence entre l’offre et la demande ;

– rationalisation des dépenses de recherche et développement autour d’initiatives communes à l’échelle européenne ;

– création d’un véritable marché des biens d’armement et, au-delà du code de conduite sur les acquisitions de défense établi en 2006 sous l’égide de l’agence européenne de défense (AED), amélioration de la circulation des biens ; la mise en application en 2011 de la nouvelle directive européenne sur les transferts intra-communautaires (TIC) des biens de défense constitue à cet égard une première étape ;

– encouragement des rationalisations de l’industrie autour de pôles d’excellence européens ; ce dernier objectif suppose l’acceptation entre États de dépendances mutuelles en matière de compétences industrielles et technologiques, en assurant la juste reconnaissance des pôles d’excellence existants.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale exprime très clairement la volonté de la France d’avancer dans cette voie.

La France dispose au sein de la base industrielle et technologique européenne de défense de pôles d’excellence incontestables, notamment dans les secteurs de l’électronique, de l’espace, des missiles, de l’aéronautique, du naval, et de bonnes compétences dans le secteur terrestre. Ces capacités ont vocation à trouver leur juste place dans le futur paysage industriel européen.

Dans le secteur aéronautique, EADS entend mener à leur terme les cessions prévues au titre de Power 8, qui ont concerné pour l’heure le site de Laupheim (Allemagne), vendu à Diehl-Thales, l’usine de Filton (Royaume-Uni), vendue à GKN, et la cession de 70 % du capital de Socata à Daher ; les sites d’Augsburg, Nordenham et Varel, en Allemagne, ainsi que les sites de Méaulte et Saint-Nazaire-Ville en France, filialisés au sein respectivement des sociétés Premium Aerotec et Aerolia, restent dans l’attente d’une opportunité de vente. Par ailleurs, d’autres volets du plan Power 8 devraient conduire à une meilleure structuration en Europe des équipementiers, où l’on peut donc s’attendre à de nouvelles consolidations. Enfin, une consolidation est nécessaire dans le domaine des avions de combat où coexistent cinq acteurs significatifs, qui se partagent trois programmes concurrents. La France et la Suède sont chacune engagées dans un programme national : le Rafale de Dassault Aviation et le Gripen de Saab. Le Royaume-Uni avec BAE Systems, l’Allemagne et l’Espagne à travers EADS Military Aircraft et l’Italie avec Alenia Aeronautica (filiale de Finmeccanica), sont associés pour le développement et la production de l’Eurofighter.

Dans le secteur spatial, un rapprochement entre SNPE et Safran, permettant de consolider la filière française de la propulsion solide et les lanceurs spatiaux civils, est souhaité de longue date par les ministères de tutelle. La loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 récemment adoptée autorise d’ailleurs le transfert au secteur privé des actifs du groupe SNPE et va permettre à ce projet d’aboutir.

Dans les secteurs naval et terrestre, des opérations structurelles prévisibles à moyen terme au auront un impact sur l’évolution de la base industrielle nationale et même européenne :

- la possibilité pour Thales de porter de 25 à 35 % sa participation au capital de DCNS dans un délai de deux à cinq ans, prévue dans le cadre de l’opération « Convergence », l’enjeu étant de renforcer encore la position de l’industrie navale française dans le paysage européen et mondial des grands maîtres d’œuvre de systèmes navals ;

- une consolidation franco-italienne dans le domaine des torpilles : pour maximiser leurs synergies et tirer parti de la complémentarité entre leurs compétences industrielles, DCNS, Thales et Finmeccanica ont décidé le 30 novembre 2007 de rapprocher leurs activités en matière d’armes sous-marines ; cette consolidation devrait être finalisée d’ici fin 2009, avec la création concomitante d’une société commune entre Finmeccanica et DCNS pour la commercialisation, la maîtrise d’œuvre, l’ingénierie et la production des torpilles (permise par la loi relative à la programmation militaire récemment adoptée qui élargit les possibilités de transfert d’actifs de DCNS à des filiales dans lesquelles elle ne détient pas de participation majoritaire) ainsi que d’une société commune entre Thales et Finmeccanica, qui sera le fournisseur exclusif de la première citée en têtes acoustiques ;

- une consolidation de l’industrie d’armement terrestre intégrant Nexter : le bilan positif de la première phase du plan « Giat 2006 » lui ayant permis de gagner en crédibilité au sein du secteur, il peut désormais envisager des partenariats industriels structurants ; Nexter Systems doit trouver un partenaire industriel disposant d’une véritable capacité à développer de nouveaux produits sur fonds propres et d’un poids réel sur les marchés d’exportation ; s’agissant des munitions (hors missiles), où il s’agit de renforcer la pérennité de la capacité nationale d’approvisionnement, un dialogue a été engagé avec des acteurs intéressés, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.

Dans le secteur de l’électronique de défense, un rapprochement envisagé entre le groupe Thales et la branche « défense et sécurité » de Safran doit permettre de consolider la filière française dans différents domaines : optronique, guidage/navigation (notamment inertiel), biométrie et avionique. Outre une rationalisation industrielle et une meilleure efficacité de l’investissement national en recherche et développement, ce rapprochement permettrait de renforcer la position de tête de ces groupes en Europe dans les domaines de compétences concernés. Par ailleurs, la reprise en 2009 par Dassault Aviation des parts d’Alcatel-Lucent dans le capital de Thales ouvre la perspective à terme de constituer un opérateur national multisectoriel de la défense.

De manière générale, les consolidations réalisées ou à venir en Europe sur des bases nationales sont considérées, par les acteurs eux-mêmes, comme les étapes préliminaires de consolidations à l’échelle européenne. Les étapes ultérieures – encore aujourd’hui difficilement prévisibles – dépendront de la stratégie d’acteurs majeurs parmi lesquels les quatre grands systémiers globaux européens : BAE Systems, EADS, Finmeccanica et Thales.

RAPPEL DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR

1. Prendre acte de la fin de la sanctuarisation budgétaire du ministère de la défense.

2. Établir un diagnostic et un état des lieux des enjeux européens en matière de défense pour ensuite proposer des axes de travail à l’échelle communautaire.

3. Présenter un rapport sur les procédures et moyens humains mis en œuvre par le ministère de la défense dans le cadre du plan de relance et leur éventuelle transposition à l’ensemble des opérations d’armement.

4. Renforcer les compétences de maîtrise d’ouvrage de la DGA.

5. Mener une étude par centre d’essai et d’expertise sur l’opportunité d’un changement de statut en EPIC.

6. Procéder en 2011 à un bilan public de l’instruction générale 1514 (dans sa version de 2010) pour ce qui concerne la mise en œuvre de la démarche incrémentale.

7. Renforcer la validation et le suivi politique des principaux programmes d’armement.

8. Abandonner définitivement le recours à la cotraitance et désigner un seul maître d’œuvre industriel par programme.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2010 (n° 1946) au cours de sa réunion du mardi 6 octobre 2009.

M. le président Guy Teissier. Nous avons une fois encore le plaisir d’accueillir M. le ministre de la défense, qui va nous exposer les détails du projet de loi de finances. La réunion de travail que j’ai eue avec lui récemment à ce propos m’a permis de constater que le budget proposé est en concordance quasi parfaite avec la loi de programmation militaire, ce qui est très satisfaisant.

Je souhaiterais cependant, monsieur le ministre, que vous nous apportiez quelques précisions.

Tout d’abord, dans le contexte de la crise actuelle, les personnels civils et miliaires désirent-ils toujours quitter les armées, ou ont-ils adopté une attitude de prudence ?

Pouvez-vous, ensuite, faire le point sur les équipements, notamment sur les commandes anticipées de matériel que vous évoquiez au printemps ?

Où en sont, par ailleurs, au titre des recettes exceptionnelles, les cessions immobilières et celles des fréquences ?

Enfin, comment le budget à venir traite-t-il le maintien en condition opérationnelle (MCO), que la sophistication croissante des matériels rend de plus en plus coûteux ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Le budget que j’ai l’honneur de vous présenter est strictement conforme à la loi de programmation militaire que le Parlement a adoptée au mois de juillet et qui faisait suite au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale présenté par le Président de la République le 17 juin 2008.

Pour 2010, la mission « défense » bénéficiera d’un budget total de 39,18 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros de pensions.

Conformément à la trajectoire prévue par la programmation, qui avait pris acte du pic de besoin d’équipement et de la bosse résiduelle qui culminait en 2009, ce montant est inférieur au budget de 2009, mais bien supérieur à celui de 2008. L’évolution budgétaire devrait retrouver à partir de 2011 la ligne tendancielle de la loi de programmation militaire et du Livre blanc.

Les crédits de la mission « défense » stricto sensu s’élèvent, hors pensions, à 30,12 milliards d’euros. Après prise en compte de l’inflation et retraitement des modifications de périmètre, c’est le montant exact prévu par la loi de programmation militaire en euros constants. En revanche, il est inférieur à celui qui avait été prévu par le budget triennal sur la base d’hypothèses d’inflation qui n’avaient pas anticipé la désinflation constatée en 2009 – la prévision de 2 % a ainsi été révisée à 0,4 %.

Les crédits de la mission « Plan de relance de l’économie » pour la défense s’élèveront à 770 millions en 2010, après 990 millions en 2009. Je souligne que mon ministère est à cet égard tout à fait exemplaire, car il aura dépensé 100 % des crédits prévus, les engagements représentant en effet déjà plus de 90 % des prévisions et les paiements près de 60 %.

Au-delà d’équipements majeurs tels que le bâtiment de projection et de commandement, qui permet d’assurer 25 % du plan de charge des chantiers navals de Saint-Nazaire, le plan de relance a permis d’anticiper des investissements prévus au titre de la loi de programmation militaire. J’ai ainsi pu constater sur le terrain que de nombreuses PME ont été sauvées, et avec elles des savoir-faire parfois uniques en France – je pense en particulier à une petite entreprise de 20 salariés, dans le département de la Meuse, qui fabrique des parties de bombes. Je rappelle à cet égard que 110 millions d’euros supplémentaires ont été engagés dans des études en amont, qui préparent les équipements et la valeur ajoutée de demain – et d’après-demain.

Enfin, nous disposerons de près de 1,3 milliard de recettes exceptionnelles en 2010, avec 700 millions d’euros de cessions d’actifs immobiliers, à Paris et en province, et 600 millions au titre de la cession des fréquences et de l’usufruit des satellites de télécommunication.

Pour ce qui concerne l’immobilier, nous avons déjà obtenu 400 millions d’euros de recettes en 2009, pour un objectif qui reste fixé à 970 millions d’euros. Plusieurs dossiers sont en cours de négociation, notamment en région parisienne où la discussion avec la Caisse des dépôts et la SOVAFIM est sur le point de s’achever. Dans cette affaire, nous souhaitons obtenir à la fois le prix de vente le plus élevé possible et une clause de retour à bonne fortune, qui permettrait à l’État de percevoir l’éventuelle plus-value que pourrait dégager l’évolution du marché d’ici à ce que les locaux concernés puissent être libérés, en 2014, lors de l’achèvement du nouveau ministère de la défense à Balard.

S’agissant des fréquences, le processus, qui dépend du Premier ministre et de l’ARCEP, a pris du retard. La cession des bandes de fréquence FELIN et RUBIS n’interviendra qu’après l’attribution de la quatrième licence. Nous ne percevrons donc pas de recettes à ce titre en 2009, mais seulement en 2010.

Parallèlement, nous prévoyons, conformément à la loi de programmation militaire, une recette provenant de la cession de l’usufruit des satellites de télécommunication. Nous allons donc pouvoir engager la procédure d’appel à la concurrence à cet effet. Je précise que tous les retards en matière de crédits ont été compensés par une décision du Premier ministre nous permettant d’utiliser les crédits de reports à due proportion de ce que nous aurions dû toucher au titre des recettes exceptionnelles, soit 500 millions en début d’année et 400 millions en juillet.

Le budget pour 2010 applique aussi à la lettre le mécanisme de financement des OPEX prévu par la loi de programmation militaire. La provision passera ainsi de 510 millions en 2009 à 570 millions en 2010, pour une dépense estimée à 870 millions en 2009 et autour de 800 millions en 2010. La loi prévoit que la couverture du solde est financée par la réserve de précaution interministérielle. Les opérations en Afghanistan comptent pour la moitié de ces 800 millions d’euros et la présence au Liban pour moins de 100 millions d’euros.

Le budget proposé est au service de la réforme du ministère, avec des gains d’effectifs prévus de 8 250 postes et une réorganisation territoriale et fonctionnelle prévoyant la fermeture d’une dizaine d’unités cette année, avant les grands mouvements prévus pour 2010 et 2011. Des propositions de postes ont été faites à 95 % du personnel civil de la défense et 100 % du personnel a bénéficié d’un accompagnement.

La masse salariale sera stabilisée en 2010 à hauteur de 11,7 milliards. Conformément aux engagements pris, un plan sans précédent d’amélioration de la condition du personnel, d’un montant de 114 millions d’euros, sera mis en œuvre. Un capitaine premier échelon célibataire verra ainsi sa rémunération mensuelle nette passer de 2 550 euros à 2 900 euros, soit une augmentation de 350 euros. Après avoir revalorisé la rémunération des militaires du rang en 2008 et celle d’une partie des sous-officiers et des officiers en 2009, ce sera en 2010 le tour de l’autre partie de ces corps, avant celui des officiers supérieurs et des adjudants-chefs et des majors en 2011. Il s’agit là d’un double mouvement de parité avec les fonctionnaires en tenue – gardiens de prison et policiers – et de repyramidage des salaires, visant à éviter qu’un sous-officier gagne plus qu’un jeune officier.

Plusieurs députés. Cela n’a rien de choquant en fin de carrière !

M. le ministre. Je ne suis pas choqué que, compte tenu de leurs niveaux de qualification respectifs, un pilote de Rafale – qui est lieutenant ou capitaine – soit mieux rémunéré qu’un adjudant-chef de la base aérienne, même si tous deux exercent des métiers indispensables pour la défense. Cette mesure donne suite au rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, adopté par le CSFM en février 2007, comme s’y était engagée Mme Alliot-Marie en février 2007.

Le plan d’accompagnement des restructurations recevra 180 millions d’euros. Les premiers enseignements de l’année 2009 montrent que ces dispositifs fonctionnent bien : 6 000 dossiers ont été déposés au titre des pécules militaires, pour un objectif de 1 100 par an, et 800 pour les indemnités de départ volontaire civiles, pour un objectif de 500 par an. Nous consacrerons donc un peu plus d’argent à absorber le stock de demandes et à poursuivre le mouvement l’année prochaine.

En matière d’équipement, l’effort engagé cette année, avec un montant de 18 milliards d’euros – supérieur de près de 20 % aux 15 milliards d’euros que comportait la loi de programmation précédente –, permet l’arrivée de matériels attendus. Seront ainsi livrés en 2010 99 VBCI, 5 000 FELIN et les premiers NH 90 marine dans un premier standard. Nous disposerons aussi du premier SNLE doté du missile M 51, ainsi que du nouveau satellite d’observation HELIOS 2, qui sera lancé en décembre 2009, sans oublier 11 Rafale, 7 Tigre et 34 canons CAESAR, lesquels donnent entière satisfaction en Afghanistan.

Nous commanderons par ailleurs en 2010 la première adaptation d’un SNLE au M 51, trois satellites d’observation optique MUSIS, 4 hélicoptères COUGAR et des missiles Météor, lesquels font partie des développements du Rafale.

J’ajouterai enfin que les restructurations territoriales concerneront en 2010 une cinquantaine de sites et 16 000 personnes. À partir des premiers retours d’expérience, qui sont positifs, nous poursuivrons le développement des bases de défense, dont le nombre passera de 11 à 18. Il apparaît que ces bases doivent avoir un volume significatif et nous prévoyons donc d’en créer non plus 90, mais plutôt 60 à 65. Je saisis cette occasion pour rappeler que la création des bases de défense consiste à regrouper des personnels pour servir l’ensemble des dispositifs, et non à supprimer des régiments.

Je conclurai en soulignant à nouveau que le budget qui vous est présenté est excellent et conforme aux décisions du Parlement. Il ne doit pas nous faire oublier pour autant que cette réforme colossale exige un accompagnement très fin du personnel. Mes collaborateurs et moi-même nous rendons fréquemment dans les unités destinées à fermer. Des hommes et des femmes ont été chargés d’assurer cet accompagnement individualisé et une bourse de l’emploi a été créée. Le personnel doit être convaincu que la réforme est nécessaire à la modernisation de notre outil de défense. C’est jusqu’à présent l’impression que m’ont donnée les hommes et les femmes que j’ai rencontrés.

M. le président Guy Teissier. La forte demande de départs ne risque-t-elle pas de déstabiliser la courbe des âges ou celle des grades ?

M. le ministre. Il ne s’agit pas d’un système à guichet ouvert et les personnels indispensables – comme les atomiciens affectés aux SNLE ou aux SNA, qui seraient les premiers à pouvoir bénéficier d’un effet d’aubaine en empochant le pécule proposé avant d’aller travailler chez Alstom ou Areva –, n’ont pas droit à l’indemnité de départ, qui ne s’applique qu’aux catégories ou aux métiers en sureffectif.

M. Bernard Cazeneuve. Nous avons interrogé à plusieurs reprises et sans grand succès le ministère sur le retour d’expérience des bases de défense, souhaitant notamment savoir combien elles coûtent et combien elles rapportent au terme de la première année de la réforme. Pourriez-vous nous indiquer comment cet aspect de la réforme se met en place et si la mutualisation et les économies attendues sont bien au rendez-vous ?

En deuxième lieu, le dispositif que vous avez présenté voici quelques mois affiche une volonté forte de déflation des effectifs du ministère de la défense. Bien que vous indiquiez que l’objectif est atteint et dépassé, un « effet stock » est inévitable au début d’une telle réforme ; les premiers mois ne sont donc pas révélateurs de la tendance à long terme et de la capacité à maintenir le rythme. Comment évaluez-vous cet « effet stock » ? La crise économique aura-t-elle, selon vous, un impact sur la déflation à venir des effectifs et pensez-vous pouvoir maintenir le rythme de manière à atteindre le niveau d’économies attendu ?

Pour ce qui est enfin de la valorisation des actifs immobiliers et des fréquences, votre discours est exactement le même que l’an dernier, à cette différence près que vous annonciez alors que ces actions permettaient de réaliser 1,7 milliard d’euros, indiquant notamment que l’opération engagée avec la SOVAFIM serait achevée quelques semaines plus tard. Quels moyens envisagez-vous de mobiliser pour ne pas être contraint de tenir encore le même discours l’an prochain ? Quel est le niveau de réalisation de ces actifs ? Quant aux fréquences, qui les achètera et comment entendez-vous valoriser leur vente ?

Mme Marguerite Lamour. Qu’en est-il du programme des FREMM ?

Le budget pour 2010 prévoit-il des crédits pour d’éventuelles études sur le second porte-avions ?

Comment est prévue la continuité du navire-école Jeanne d’Arc, qui partira en fin d’année pour sa dernière campagne ?

Je tiens aussi à évoquer le démantèlement des navires, pour lequel vous m’aviez assuré, lors du vote de la loi de programmation militaire, que des crédits lui étaient consacrés. Depuis, le volet « éco-conception » du Grenelle de la mer a consacré cette filière de démantèlement européenne et mixte, qui correspond aux préconisations du rapport que j’ai rédigé en 2007. Les crédits dédiés à cette filière figureront-ils au budget de votre ministère ou à celui du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer ?

M. Nicolas Dhuicq. L’augmentation du nombre des souhaits de départ est-elle liée à une moindre volonté, dans la Nation, de servir et de prendre des risques ?

Que comptez-vous faire, par ailleurs, dans l’éventualité de nouveaux morts français en Afghanistan ? De fait, les démocraties occidentales acceptent difficilement les pertes supplémentaires, comme le montre l’exemple canadien.

Que prévoit votre budget pour renforcer le sentiment patriotique et la notion de service ?

M. le ministre. Monsieur Cazeneuve, le questionnaire complet que vous avez adressé au ministère vient de parvenir dans les services et nous y répondrons.

Les bases de défense sont l’instrument de la réorganisation du système. La mutualisation permet des économies liées à la déflation des effectifs. Ces économies, comme celles qui sont réalisées sur le plan du fonctionnement, permettent d’abonder les investissements.

Pour ce qui concerne l’immobilier, les cessions diverses et la négociation du contrat avec la SNI ont dégagé cette année 400 millions d’euros. Pour l’immobilier parisien, les volumes seront peut-être inférieurs aux prévisions, mais une clause de retour à meilleure fortune est prévue et le Premier ministre s’est engagé à ce que les crédits de report puissent être consommés en cas de besoin. Les armées disposeront donc des crédits dont elles ont besoin, et c’est ce qui importe. Mieux vaut prendre le temps de négocier les meilleures conditions avec la Caisse des dépôts et la SOVAFIM, plutôt que de précipiter une mauvaise négociation que vous ne manqueriez pas de me reprocher. Je tiens à éviter que ne se reproduise la situation de la vente de l’Imprimerie nationale.

En matière de déflation d’effectifs, je ne sais pas lire dans le marc de café. Alors que de nombreux parlementaires prédisaient l’an dernier que, compte tenu de la crise, nous n’atteindrions jamais les objectifs fixés car le personnel civil ou militaire ne voudrait pas partir, nous n’avons au contraire pas pu répondre à la demande. Dès lors qu’un personnel possédant des compétences que nous n’entendons pas garder souhaite partir, il serait cohérent que nous puissions le lui permettre au plus vite, afin de ménager des marges budgétaires supplémentaires. Notre problème n’est pas tant d’atteindre le chiffre de 8 250 départs que de nous y limiter.

Madame Lamour, je vous donne la primeur de l’annonce que je comptais faire jeudi à Lorient de la commande des trois dernières FREMM.

En outre, quelques millions d’euros sont maintenus pour préserver les équipes et les compétences nécessaires à la construction d’un second porte-avions.

Quant au démantèlement des navires, 50 millions d’euros sont prévus à cet effet dans la loi de programmation militaire, et j’ai envoyé au Premier ministre et à la commission présidée par MM. Juppé et Rocard des demandes qui s’inscrivent dans le cadre du grand emprunt, afin que cette filière industrielle englobe l’ensemble des équipements militaires, notamment les blindés.

Monsieur Dhuicq, la capacité de résilience de la Nation, évoquée dans le Livre blanc, est l’un de mes soucis permanents. À chaque mort français en Afghanistan, je redoute que notre société cède à l’émotion et n’entende pas la raison. Toutefois, je suis fier, car je menais ce combat depuis 2007, d’avoir obtenu l’exonération totale des droits de succession pour les ayants droit des soldats morts en opérations extérieures. Cette disposition, qui ne sera plus dérogatoire, figure dans le projet de loi de finances.

M. le président Guy Teissier. C’est une avancée qu’il convient de saluer.

M. Michel Grall. La France conserve en 2008 le quatrième rang mondial en matière d’exportations d’armement. Quelles sont les perspectives en 2009 et 2010 pour ce secteur, qui concerne directement 50 000 emplois ?

Par ailleurs, dans le contexte de la tension croissante qui se manifeste entre Israël, les grands pays occidentaux et l’Iran, comment envisagez-vous le maintien – ou un éventuel redéploiement – des troupes françaises présentes au Sud Liban, où le Hezbollah est également présent ?

M. Patrick Beaudouin. La discussion de la loi de programmation militaire a fait apparaître une sérieuse interrogation quant aux capacités de notre armée de l’air. Quelles solutions à court terme allez-vous adopter pour pallier le retard de l’A400M ? Pensez-vous recourir à des appareils de type MRTT ou au CASA, voire à un avion brésilien évoqué récemment ?

Par ailleurs, les crédits destinés aux équipements de cohérence opérationnelle doivent être défendus, afin d’éviter à nos soldats d’aller eux-mêmes s’approvisionner. Quelles dispositions avez-vous prises à cet égard ?

M. Yves Vandewalle. La question que je souhaitais poser est précisément celle que vient de poser M. Beaudouin à propos du transport aérien.

M. Jean Michel. Le budget prévu dans le cadre de la loi de finances initiale respecte bien la loi de programmation militaire, mais il comporte 1,26 milliard d’euros de recettes exceptionnelles et 770 millions d’euros au titre du plan de relance, soit un total de 2 milliards. En outre, s’il est supérieur de près de 2 milliards à celui de 2008, il reste inférieur de 840 millions d’euros à celui de 2009.

M. le ministre. J’ai expliqué pourquoi.

M. Jean Michel. Pour ce qui concerne notamment les dépenses d’équipement, la progression, certes importante par rapport à 2008, se traduit par un montant inférieur de 920 millions d’euros au chiffre de 2009. Je me félicite au demeurant de l’augmentation de près de 11 % du nucléaire, due à la mise en œuvre du M 51.

Votre projet de budget ne prévoit aucune commande nouvelle de Rafale en 2010, ni aucune commande d’avion de transport tactique dans l’attente du A400M. Je rappelle que la commande pluriannuelle de Rafale doit être signée avant la fin de cette année. Rien n’est prévu pour le successeur du missile Milan, qui sera sans doute acheté sur étagère à l’étranger – ce qui laisse incertain le sort de l’entreprise française fabriquant cet engin qui a donné entière satisfaction. Rien non plus en matière de commandes de drones. Si les OPEX représentent 65 % du montant prévisionnel de dépenses, aucun crédit n’est prévu pour le deuxième porte-avions. Ce projet de budget présente donc des insuffisances.

M. le ministre. Au Liban, où prévaut en effet une certaine tension entre l’armée libanaise et le Hezbollah, aucun redéploiement de notre dispositif n’est en cours. Les effectifs français devraient rester de 1 600 hommes, avec les mêmes équipements. J’ai cependant déjà indiqué à votre Commission que nous avions retiré le bâtiment de la marine nationale dont la présence au large des côtes libanaises semblait avoir peu d’utilité opérationnelle.

En matière d’exportations, 2008 a été la meilleure année depuis 2000, avec des recettes de 7,3 milliards d’euros pour un objectif de 7 milliards. En 2009, pour le seul Brésil et indépendamment du projet d’achat de Rafale, deux contrats ont rapporté 4,5 milliards d’euros à l’économie française – l’un pour des sous-marins, pour lesquels la France a été préférée à l’Allemagne, et l’autre, le plus important jamais signé par EADS en la matière, pour 51 hélicoptères. Je rappelle à ce propos que, pour la comptabilité nationale, les contrats ne sont pas pris en compte au moment de leur signature, mais lors de leur mise en œuvre, c’est-à-dire au paiement du premier acompte.

Au-delà des nombreux contrats de 50 ou 100 millions d’euros qui font l’ordinaire de nos exportations, des perspectives prometteuses se dessinent notamment aux Émirats arabes unis et au Koweït. D’une manière générale, la situation des exportations françaises d’armement s’améliore dans le Golfe sous l’effet de deux facteurs. Tout d’abord, la France n’étant plus considérée comme hostile aux États-Unis, les États du Golfe, qui ont avec ce pays des relations privilégiées mais souhaitent disposer d’un deuxième partenaire pour leur sécurité, peuvent désormais se tourner vers nous. Ensuite, la France est de nouveau présente dans cette partie du monde, avec une base établie aux Émirats arabes unis. Alors que la France, qui avait participé à la libération du Koweït, n’avait pas signé un seul contrat avec ce pays durant quinze ans, le Koweït a aujourd’hui entrepris de renégocier son accord de défense et se montre intéressé par divers équipements français, notamment des avions de combat. Les discussions avec la Libye, quant à elles, ne sont pas enterrées.

Nous avons également divers prospects en Asie. Ainsi, la Malaisie, qui voulait acheter des Tigre, est sur le point d’acheter aussi des Caracal. Des discussions sont engagées avec l’Inde sur le retrofit des Mirage 2000 et de nouveaux équipements. Malgré la difficulté de ces discussions, le Premier ministre indien s’est engagé à ce qu’une partie de l’équipement de l’armée de son pays se compose de matériel français.

En Amérique latine, le partenariat industriel prévu avec le Brésil, loin d’être un risque de concurrence à moyen terme comme l’affirment certains, est au contraire une possibilité de retrouver la place que nous avons perdue dans la région, comme me l’ont confirmé les contacts que j’ai eus avec certains de mes homologues sud-américains lors du salon du Bourget. Ainsi, des perspectives se dessinent avec le Chili pour des sous-marins.

Les années 2009 et 2010 devraient donc être des années de records pour l’industrie de défense française. Les négociations n’en sont pas moins difficiles, compte tenu des engagements financiers et des contraintes liées à des systèmes d’armes appelés à servir quarante ans, sans parler des partenariats industriels et des transferts de technologies qui font aujourd’hui partie intégrante de ce type de discussions.

Pour ce qui concerne l’A400M, j’espère que nous aurons signé le nouvel accord avant la fin de l’année. J’ai réussi à convaincre les Britanniques de rester dans ce programme, qu’ils voulaient quitter, en faisant accepter par les autres partenaires qu’un accord particulier serait conclu entre EADS et les Britanniques sur le versement des acomptes sans remettre en cause l’équilibre global. Le contrat devrait être finalement signé à Séville au début de décembre.

J’étudie les mesures de compensation nécessaires dans l’intervalle. Il serait possible de recourir au CASA ou à des Airbus.

L’avion brésilien, quant à lui, serait un complément, et non un substitut, de l’A400M. Il s’agirait, en langage militaire, d’une « brouette », moins technologique et capable de transporter loin des charges lourdes. Cet avion serait construit en partie par l’industrie européenne, aux termes d’un accord avec le Brésil. Nous pourrions ainsi répondre à certains de nos besoins tout en approfondissant le partenariat industriel avec le Brésil.

Les programmes de cohérence opérationnelle sont conformes à la loi de programmation, mais appellent assurément notre vigilance. Je tiens cependant à indiquer à la commission qu’un dynamique capitaine français que j’ai rencontré la semaine dernière en Afghanistan et qui, au fin fond du district de Surobi, côtoie l’armée américaine et l’armée nationale afghane, m’a déclaré que l’équipement de nos soldats suscitait l’envie de leurs homologues américains. Nous avons en effet consacré 200 millions d’euros à des programmes de cohérence opérationnelle, de telle sorte que les armées déployées ont aujourd’hui un bon niveau d’équipement.

Monsieur Michel, la commande de Rafale arrivera. Je souhaite cependant intégrer dans la réflexion à ce propos les perspectives d’exportation.

Quant au missile Milan, je ne puis envisager l’achat d’un système d’arme que l’armée de terre juge inapproprié. De nouvelles études s’imposent pour assurer la sécurité des personnels qui le servent. De fait, le tireur est actuellement exposé durant toute la phase de guidage du missile. Un système de type « tire et oublie » serait bien préférable. En outre, le tir dans des espaces clos se révèle problématique, ce qui serait particulièrement préjudiciable, par exemple, sur le terrain afghan. Nous achèterons donc les équipements nécessaires pendant que MDBA remet le projet à l’étude.

En matière de drones, nous avons décidé de racheter des SDTI aux Canadiens et un quatrième système de SIDM. Pour l’avenir, différentes options sont possibles et je ne suis pas certain que l’Advanced UAV tel qu’il nous est proposé actuellement soit le meilleur système possible, compte tenu de son coût et des aléas des partenariats industriels.

M. Michel Voisin. Monsieur le ministre, le civilo-militaire accuse un retard considérable par rapport à ce qu’il est dans les autres Nations occidentales. Malheureusement, 36 000 réservistes ne suffiront jamais pour appuyer l’ensemble de nos forces armées. Dans ces conditions, faut-il développer le civilo-militaire ou, au contraire, l’abandonner puisque nous sommes pratiquement absents sur tous les théâtres d’opérations ?

Il faudrait, semble-t-il, multiplier par deux, voire par trois, les forces présentes en Afghanistan pour parvenir à un résultat. Qu’en est-il ? Le présent budget permettra-t-il de soutenir l’effort demandé ?

M. Christophe Guilloteau. La courbe des crédits destinés aux OPEX poursuit sa progression. Pour 2010, on observe deux postes importants : l’Afghanistan et la piraterie. Cette courbe pourra-t-elle, un jour, s’inverser ?

M. Damien Meslot. En cas de dégradation de la situation en Afghanistan, pourrons-nous tenir le budget des OPEX si nous renforçons nos effectifs sur place ?

Quels sont les moyens médicaux dont nous disposons pour soigner et rapatrier nos hommes blessés dans le cadre des OPEX ?

Pourrez-vous nous communiquer la nouvelle organisation des bases de défense ?

Enfin, quels moyens sont consacrés au renseignement ?

M. le ministre. Comparé aux budgets norvégien, suédois ou allemand, notre budget CIMIC est très peu élevé. Pour ce qui concerne l’Afghanistan, les Allemands y consacrent beaucoup plus que nos 50 millions. En revanche, notre effort militaire n’est pas le même que celui des Allemands.

Il faut abandonner l’idée que ce qui se passe en Afghanistan est un conflit du type conflit est-ouest, avec une ligne de front et des zones qui, dès lors qu’elles sont reconquises, permettent d’afficher un espace de sécurité et de liberté. Même dans les vallées tranquilles, où ont été restaurées la confiance et la coopération avec les populations, on n’est jamais à l’abri d’un engin explosif, d’une incursion de talibans.

La population afghane doit percevoir notre présence non comme une force d’occupation, mais comme un bienfait. La semaine dernière, des militaires m’ont expliqué pouvoir se déplacer sans équipement militaire et sans gilet pare-balles dans une petite ville où nous avons construit une école. Cela a représenté deux ans de travail. Il faut moins s’occuper des talibans que des populations, qui nous soutiendront si nous nous inscrivons dans une démarche de construction, de respect des familles et des traditions. Grâce à une pression des populations sur les talibans et les insurgés, nous serons en mesure de progresser en Afghanistan. Cela veut dire qu’il faut sortir les militaires des bases, créer les conditions pour que l’armée nationale afghane prenne le contrôle des zones, et que nous devons être présents pour appuyer l’aide au développement et la construction d’infrastructures.

Même si elle est parfois inquiétante, la situation en Afghanistan est loin d’être perdue : certains réseaux routiers de ce pays sont maintenant parfois bien meilleurs que nos réseaux départementaux ; 6 millions d’enfants ont été scolarisés ; des universités ont pu rouvrir. Les Russes eux-mêmes sont prêts à coopérer davantage avec nous pour aider au développement et à la reconstruction, parce qu’ils savent que se joue en Afghanistan une partie de la stabilité de leur zone d’influence. Bref, le discours consistant à dire qu’il faut partir de ce pays est à mon sens totalement irresponsable.

S’agissant des réservistes, l’objectif est d’arriver au plan tel qu’il avait été présenté : 40 000 réservistes et 25 jours d’activité. Des gels de crédits ont été nécessaires à partir de septembre-octobre 2008, mais avons essayé de faire mieux en 2009.

Les surcoûts liés aux OPEX, de 870 millions d’euros en 2009, passeront à 800 millions l’année prochaine. Les chiffres pour 2009 sont les suivants : 400 millions pour l’Afghanistan ; 100 millions pour le Tchad ; 70 millions pour l’Eufor Tchad contre 109 millions en 2008 – et le chiffre devrait bientôt s’approcher de zéro ; 85 millions pour le Liban ; 80 millions pour le Kosovo contre 100 millions en 2008 ; 70 millions pour la Côte-d’Ivoire contre  110 millions en 2008 – et la courbe s’infléchira également, M. Gbagbo nous promettant des élections depuis trop longtemps !

En ce qui concerne les bases de défense, il est trop tôt pour vous répondre. Cela dit, j’ai abandonné l’idée de créer une base propre à la Légion étrangère, car ce n’est pas une bonne idée : la Légion étrangère sera intégrée dans la base de défense de Marseille.

La question de Paris est compliquée, car cela concerne énormément de monde. Mais je m’engage à vous fournir un tableau dès que possible.

Pour ce qui est des renseignements, nous continuons l’effort, avec 150 personnels de plus au titre de la DGSE, et la substitution de personnels des catégories C et B par des personnels de catégorie A, notamment des linguistes, pour lutter contre le fléau que représente le développement d’Al Qaida au Maghreb – et la tâche s’étend au Mali, à la Mauritanie, au Niger et jusqu’au Soudan. Nous faisons des efforts énormes pour lutter contre les volontés permanentes d’infiltration et les opérations terroristes en Europe.

M. Alain Marty. Peut-on faire une estimation des investissements en matériels en Afghanistan ? Je pense au CAESAR et au Tigre.

M. Jean-Jacques Candelier. Le budget est conforme à la loi de programmation miliaire, que je n’ai pas votée…

Les efforts en direction du personnel sont positifs.

Les budgets de 2010 et pour 2009 se ressemblent : la logique de guerre est toujours d’actualité !

Les crédits OPEX augmentent, les dépenses pour l’Afghanistan continuent de s’accroître : il est temps de réfléchir à un calendrier de retrait de nos troupes.

En ce qui concerne la dissuasion nucléaire, je pense qu’elle doit faire l’objet d’un large débat à l’échelon mondial.

En conclusion, le budget pour 2010 ne donne pas pleinement satisfaction.

M. Jean-Claude Viollet. L’A400M est un bon avion, mais le premier appareil ne sera livré à nos forces qu’en 2013 ou 2014, ce qui signifie que le trou capacitaire demeure. Vous avez évoqué des solutions d’attente avec les CASA et les A 330. Cela dit, il est urgent de prendre une décision car on perd une capacité tactique et une capacité opérationnelle. Pensez-vous qu’une décision interviendra en 2010, sachant que les A 330 pourraient être mis à disposition rapidement, et à budget constant ?

S’agissant du MRTT, le choix de principe devrait intervenir en 2010 – mais on disait déjà la même chose en 2008. C’est tout de même notre force aérienne stratégique qui est en cause : sans ravitaillement en vol, elle n’existe plus.

Pour le Rafale, j’ai compris qu’il y avait un lien entre la cible et les réussites potentielles à l’export. Pour autant, si l’on rétrograde la cible, n’a-t-on pas intérêt à accélérer la révision mie-vie du 2000 D de façon à homogénéiser notre flotte et réduire le MCO ?

Enfin, le renseignement emploie des spécialistes dont un certain nombre sont sous contrat à durée déterminée, d’où une certaine précarité. Ne faut-il pas donner une pérennité à ces contrats pour conserver nos compétences et nos savoir-faire ?

M. le ministre. S’agissant de l’Afghanistan, il faut faire porter tous nos efforts sur la formation. Aujourd’hui, l’armée nationale afghane commence à ressembler à quelque chose : maintenant, il y a des soldats !

Il faut, comme je l’ai dit au secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, s’interroger sur le coût du militaire supplémentaire par rapport au coût de formation du militaire afghan. Nos 3 000 hommes en Afghanistan nous coûtent 450 millions d’euros, soit 150 000 euros par homme supplémentaire et par an. L’intérêt est donc de financer un maximum de formations et de soldes de l’armée nationale afghane dont les combattants sont excellents. Les officiers qui forment les cadres de l’armée afghane parlent de jeunes totalement investis dans l’idée de reconstruire leur pays.

Monsieur Marty, s’agissant toujours de l’Afghanistan, le poste munitions coûte 10 millions d’euros supplémentaires, le MCO 30 millions – ce chiffre englobe les MCO des CAESAR et des Tigre – et l’infrastructure 5 millions.

Monsieur Viollet, en ce qui concerne l’A400 M, je dois prendre la décision en 2010.

Pour le MRTT, la décision sur le mode d’acquisition est prévue pour cette année. En cas d’acquisition patrimoniale, les livraisons sont prévues pour la période 2015-2022, avec une cible de 14 avions – dans le cas du choix de l’A 330. L’idée d’un partenariat public-privé auquel on avait pensé n’est pas si simple à mettre en œuvre, d’où le retard.

S’agissant du Rafale, le problème n’est pas tant la cible que la demande de Dassault de fabriquer onze avions par an pour maintenir en activité la chaîne de production. Une demande à l’export nous permet de décaler une partie de la demande nationale, sachant que la loi de programmation militaire a été construite en tenant compte de la réalisation de certains programmes à l’export. Nous envisageons d’inclure dans le contrat une clause qui prévoit que la commande de Rafale est revue en fonction des succès à l’exportation. Le pire pour nous serait de ne pas avoir de contrats à l’export : les chaînes de production de Dassault doivent être alimentées par autre chose que la commande nationale.

Je préfère des avions qui volent que le contraire faute d’avoir un MCO à la hauteur – et nous avons été indigents dans la prise en compte du MCO. Rien ne sert de commander des avions si on les laisse dans les hangars ou si on les « cannibalise » parce qu’on n’est pas capable de faire fonctionner les moteurs ! Ce deuxième paramètre explique aussi notre retard.

Le fait que les spécialistes de la DGSE soient des contractuels apporte davantage de souplesse dans les modes de rémunération.

La rénovation du 2000 D est prévue. Je vais étudier la possibilité, comme vous le proposez, d’accélérer la révision mie-vie du 2000 D.

M. Philippe Folliot. Les opérations civilo-militaires sont utilement complétées par l’action du service de santé des armées. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les moyens déployés dans le cadre des OPEX ?

Êtes-vous satisfait du « retour sur investissement » de l’effort très significatif que nous faisons en Afghanistan en y augmentant le nombre de nos effectifs?

Pouvez-vous nous parler de la PESD, des opérations en cours dans ce cadre, de nos engagements dans Eufor Tchad, dans l’opération Atalante et dans l’intervention en Géorgie ?

Enfin, qu’en est-il du projet ERASMUS militaire ?

M. Philippe Vitel. S’agissant du FELIN, 5 000 équipements de fantassins seront livrés en 2010, mais il n’y aura pas de commandes. Ce programme est-il terminé ?

Où en est le projet de remplacement des bâtiments affectés aux DOM-TOM ?

D’après les médias, les Russes seraient intéressés par nos BPC, voire par le FELIN. Cela ne risque-t-il pas de poser des problèmes au regard de notre retour au sein de la structure intégrée de l’OTAN?

Hier à Toulon, nous avons inauguré l’agence « défense mobilité », qui est une très belle initiative. Cette structure de guichet unique donnera toutes leurs chances à ceux qui quittent l’armée.

M. Alain Rousset. Le maintien en condition opérationnelle du moteur du Rafale est un sujet inquiétant. Il semblerait que les choses ne soient pas suffisamment précisées entre les AIA –les ateliers industriels aéronautiques – et la SNECMA. Monsieur le ministre, les techniciens de votre ministère devraient se pencher sur ce problème. Il n’est pas possible de réparer le moteur d’un Rafale en remplaçant toutes ses pièces par des pièces neuves. A terme, l’exportation de cet avion risque d’être mise en cause car c’est l’une des inquiétudes de ses acheteurs potentiels.

La qualité de la poudre et des munitions du CAESAR suscite des inquiétudes. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Les problèmes des PME sont liés à la dualité civilo-militaire, au volume des fonds propres et aux relations qu’elles entretiennent avec les donneurs d’ordres. Pour ma part, je plaide pour une convention parrainée par l’État entre les donneurs d’ordres et les PME, car ce que fait Dassault en diminuant les plans de charges peut poser des problèmes aux sous-traitants aéronautiques.

S’agissant du grand emprunt, vous avez évoqué la déconstruction. Pour ce qui me concerne, j’estime qu’un partie de celui-ci devrait être affectée aux technologies du futur : nouveaux radars, nouveaux cockpits, nouveaux matériaux – nous sommes dépendants du Japon et des États-Unis en matière de fabrication des fibres composites, et il nous faudrait engager un programme de 500 millions d’euros pour détenir les précurseurs de ces fibres.

Enfin, je reste indigné du sort réservé aux anciens combattants africains de la Seconde Guerre mondiale. En effet, la décristallisation totale des pensions n’est toujours pas effective. Certes, le tribunal administratif de Bordeaux a fait bouger un certain nombre de choses, mais l’image donnée par la France à l’Afrique noire, au Maroc, à l’Algérie et à la Tunisie ne lui fait pas honneur. Cette situation est indigne et insupportable.

M. le président Guy Teissier. Je partage foncièrement votre point de vue sur le problème des combattants africains, qui existe depuis soixante ans – mais cela n’exonère personne.

M. Alain Rousset. Si mes collègues de la Commission de la défense signaient la proposition de loi que j’ai déposée, elle n’en aurait que plus force.

M. Franck Gilard. Monsieur le ministre, en Afghanistan, certains cavea aboutissent à des situations ubuesques. Une solution est-elle en vue ?

M. le ministre. Monsieur Folliot, notre dispositif de santé sur zone est extraordinaire. Le dispositif MORPHEE permet d’affréter des gros-porteurs pour ramener une quinzaine ou une vingtaine de soldats, dont certains peuvent être gravement blessés. En outre, nous pouvons transformer nos FALCON pour opérer des rapatriements sanitaires : ainsi, le week-end dernier, un FALCON 900 et un FALCON 50 sont partis en Afghanistan. Ce dernier dispositif est assez tendu – le nombre des avions est limité et certains sont en réparation ou utilisés par le Gouvernement –, mais il répond à un principe simple : la vie de nos soldats est prioritaire.

Par ailleurs, je vous invite à aller voir en Afghanistan l’hôpital qui se trouve sur la base aérienne : certains de nos hôpitaux ruraux sont moins bons que celui-ci.

S’agissant de l’OTAN, il est difficile aujourd’hui de parler de « retour sur investissement », puisque l’on ne fait que rejoindre le commandement intégré. Toutefois, nous sommes placés dans une position stratégique en raison de la présence du général Abrial à la tête du SACT, organisme qui conduit la réflexion sur la transformation de l’Alliance et sur ses nouvelles missions.

Par ailleurs, j’ai pu constater que les Russes ont considérablement évolué sur un certain nombre de sujets, que ce soit sur l’Iran et la prolifération nucléaire – sous l’administration Bush, c’était une des cartes majeures pour s’opposer aux Américains – ou sur leurs relations avec l’OTAN. Aujourd’hui, leur discours est très proche du nôtre : le Président Medvedev s’inquiète autant que nous de l’avancement du programme nucléaire iranien – il est vrai que l’arrivée de l’administration Obama nous a beaucoup aidés. On ne peut pas vouloir une nouvelle relation stratégique avec la Russie, la création d’un espace de sécurité, de droit, de liberté et de stabilité en Europe et, en même temps, continuer à regarder ce pays comme il l’était avant 1989, continuer à regarder les Russes comme ceux qui veulent envahir le monde ! La Russie n’est plus l’Union soviétique, c’est avec elle que nous construirons cet espace de sécurité et de stabilité, et c’est cette démarche qui me guide s’agissant de la vente du BPC, monsieur Vitel. On ne peut pas réfléchir sur la transformation de l’Alliance, sur ses missions et sur les menaces qui pèsent sur le continent européen, ni évoquer la protection contre les missiles balistiques sans les Russes ! Il faut sortir des adhérences intellectuelles qui sont les nôtres : la Russie est une puissance avec laquelle nous devons discuter.

Les Russes veulent quatre BPC : c’est une opportunité, ne serait-ce que pour les Chantiers de Saint-Nazaire – le seul que nous avons commandé représente un quart du plan de charge du chantier. Vendre déjà un seul BPC, c’est une référence à l’exportation, d’autant que la marine russe n’est pas une petite marine.

Le projet ERAMUS, défendu par toutes les présidences successives de l’Union européenne, continue de progresser ; les Espagnols souhaitent également le porter. L’idée est d’arriver dans deux ans à un recensement total des formations et des cursus et à des harmonisations. J’ajoute qu’ERASMUS est déjà en place de façon très partielle entre différents pays.

Les Russes sont intéressés par le FELIN, mais leur demande essentielle porte sur le BPC. Il faut toutefois savoir que nous sommes en concurrence avec les Hollandais et les Espagnols.

Par ailleurs, nous pourrions tirer profit d’une coopération industrielle avec les Russes dans le secteur des hélicoptères lourds, secteur dans lequel ils sont bons.

En ce qui concerne les DOM-TOM, le remplacement des bateaux est prévu pour 2014.

Une commande globale de 12 500 FELIN ayant été passée, nous n’avons plus besoin d’en commander à court terme. La loi de programmation prévoit un total de 28 000 équipements. Les premières livraisons porteront sur 5 000 équipements, puis les livraisons seront liées à la commande passée l’année dernière.

Concernant le Rafale, il est vrai, monsieur Rousset, que nous avons un problème d’organisation industrielle. Il faut reconnaître, monsieur Viollet, que l’armée de l’air ne s’est pas emparée du dossier au bon moment. Une difficulté se pose sur l’ensemble de la logistique, avec Safran. L’organisation du travail doit aussi progresser entre l’industriel et les AIA. Qu’un avion aussi performant reste dans les hangars ou soit « cannibalisé » faute de pièces de rechange me navre ! Pour des raisons budgétaires, nous n’avons pas commandé assez de pièces en 2004 et en 2005. Nous récoltons aujourd’hui les fruits de cette situation. Nous devrions, me dit-on, revenir à un niveau de disponibilité opérationnelle bien meilleur à partir de l’année prochaine.

J’ai mandaté une mission sur les difficultés en matière de munitions. L’idée est de favoriser les regroupements dans ce domaine à l’échelle européenne. Quant au problème de poudre pour les munitions du CAESAR, il va être réglé. Cela dit, le CAESAR est un excellent canon.

Dans le cadre du plan PME, j’avais fixé comme objectif d’établir une sorte de charte, tout au moins de fixer des principes élémentaires à appliquer entre les grands donneurs d’ordres et les PME, que ce soit sur les délais de paiement – il ne faut pas que les PME soient étranglées – ou sur leurs relations. Cependant, il est très difficile d’avancer sur ce sujet en raison de nombreux freins.

Pour ce qui est du grand emprunt, nous avons indiqué au Premier ministre les éléments sur lesquels nous souhaitons avancer : les radios du futur ; le haut débit sur réseau nomade ; la gestion dynamique du spectre des fréquences ; les technologies pour la maîtrise de l’information – moteur de recherche, traducteur automatique, sécurisation des réseaux, télé-santé ; une nouvelle génération d’hélicoptères légers ; la robotique, en particulier pour la surveillance, la logistique et l’interface cerveau-machine ; les nanotechnologies et la réalisation des capteurs intégrés des sources d’énergie compacte ; les matériaux énergétiques et les matériaux à haute température pour l’aéronautique et le spatial ; la filière de démantèlement ; et les moyens mobiles de traitement des déchets.

Par ailleurs, il serait très positif d’organiser des partenariats avec les régions – je pense à la région PACA, où se trouve une industrie aéronautique et militaire très importante. Après un recensement précis des programmes, il faudrait monter des financements communs entre les régions et le ministère de la défense. Un tel dispositif serait très intéressant pour les programmes de technologies duales. Des signatures sont possibles.

Certains pays, notamment l’Allemagne, ont annoncé à l’OTAN, monsieur Gilard, qu’ils renonçaient aux caveat.

Enfin, pour ce qui est des anciens combattants, vous avez raison, la situation mérite d’être réévaluée. Le secrétaire d’État aux anciens combattants s’est saisi du dossier. J’ajoute qu’Éric Woerth a donné, début juin, des directives à ses services en faveur de mesures de décristallisation partielle ou totale des ressortissants d’États autrefois sous souveraineté française, dès lors qu’ils résident en France ou dans l’un des autres États de l’Union européenne. Ces mesures concernent essentiellement les ressortissants de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie et du Liban.

M. le président Guy Teissier. Monsieur le ministre, je vous remercie.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2010 (n° 1946) au cours de sa réunion du mercredi 7 octobre 2009.

M. le président Guy Teissier. L’année 2009 a été particulièrement importante pour le monde de la défense. L’adoption de la loi de programmation militaire, le transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et la réintégration de la France dans le commandement militaire de l’OTAN ont induit des mesures financières qui trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances pour 2010.

Par ailleurs, les opérations extérieures nous préoccupent à plus d’un titre, qu’il s’agisse de leur financement ou de leur conduite. Le ministre, que nous avons auditionné hier soir, nous a expliqué que l’Afghanistan obérait 50 % des 840 millions d’euros consacrés aux Opex. Récemment, nous avons déploré de nouvelles pertes sur ce théâtre et le débat est rouvert, comme dans d’autres pays, sur la présence de soldats en Afghanistan. Pourriez-vous faire le point sur la stratégie et les efforts – exemplaires – déployés sur place ?

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. L’année dernière, je vous avais exposé la difficulté de l’exercice budgétaire 2009 ainsi que la nécessité d’assurer le niveau de ressources suffisant à la conduite des réformes de notre outil de défense. En début d’année, je suis venu vous présenter la loi de programmation militaire 2009-2014, traduction financière des choix politiques opérés à la suite du Livre Blanc.

Le projet de loi de finances 2010 s’inscrit dans un cadre sensiblement équivalent à celui que j’avais brossé lors de ces deux auditions. Il se place dans la continuité de la réforme lancée l’année dernière ; constituant la deuxième annuité de la LPM, il confirme l’effort réalisé au profit de l’équipement des forces et de la condition du personnel ; enfin, il survient dans un contexte marqué par la crise économique, la dégradation des finances publiques et la mise en œuvre d’un plan de relance.

Dans de telles conditions, le PLF 2010 traduit l’effort que peut consentir la Nation pour sa défense. Il nous permet de poursuivre la réforme de nos structures et le renouvellement de l’équipement de nos armées.

Ma principale préoccupation est de disposer dans la durée des ressources humaines et financières qui permettront de conduire cette réforme et de construire un outil de défense performant, à même de répondre à une surprise stratégique toujours possible.

Je voudrais revenir sur une année 2009 très dense, tirer les enseignements de l’exécution de la première année de la LPM et souligner les principaux points du PLF 2010.

Si cette année a été marquée par une forte implication du Parlement – vote de la LPM, approbation de la poursuite des opérations extérieures, soutien de la réintégration des structures de commandement de l’OTAN –, elle a également été particulière dense pour les armées.

Dans le domaine des opérations, le niveau important de déploiements a été maintenu. Près de 33 000 hommes sont concernés – 10 000 sont engagés sur les théâtres extérieurs, 3 000 sont engagés au titre de la fonction « protection », 14 000 assurent des missions de souveraineté et 6 000 sont déployés sur nos bases.

Les armées appliquent avec rigueur le principe de juste suffisance. Le niveau des ressources consenti pour un engagement dépend toujours de l’analyse sécuritaire du théâtre. Ainsi, nous avons progressivement revu nos dispositifs en Afrique. Nous avons aussi commencé à ajuster notre dispositif déployé au Kosovo, en accord avec les décisions et la planification de l’OTAN.

Selon la même approche, nous avons marqué un effort en matière de lutte contre la piraterie au large de la Somalie. La France a déployé des moyens supplémentaires et a entrepris la formation de bataillons de l’armée somalienne tout en maintenant son soutien à la mission de l’Union Africaine. Les succès obtenus sont réels. Ils résultent d’une remarquable coordination tactique entre les moyens européens d’Atalante, les moyens de l’OTAN et ceux des divers dispositifs nationaux.

En Afghanistan, 2009 a été marquée par le redéploiement de notre dispositif. A compter du mois de novembre, nous concentrerons nos moyens dans les districts de Surobi et de Kapisa pour y conduire des actions coordonnées de sécurisation des villages et de développement local. Agissant en liaison avec les forces de sécurité et les autorités afghanes, la France estime pouvoir ramener ces districts sur la voie de la stabilité dans les deux prochaines années.

Je me suis rendu sur ce théâtre à plusieurs reprises pour apprécier les progrès obtenus par nos troupes dans leurs zones de responsabilité. Je ne retrouve pas toujours sur le terrain les descriptions faites dans la presse, notamment anglo-saxonne. Le rapport McChrystal s’inscrit bien dans la stratégie générale qui a été définie au sommet de Bucarest.

Et la situation s’améliorera effectivement si nous parvenons à coordonner plus efficacement les actions civiles et militaires et à établir la confiance des Afghans dans leur administration locale.

Je retiens de ces opérations plusieurs enseignements. Il nous faut disposer d’un outil de défense réactif qui puisse s’adapter à la diversité des crises auxquelles nous sommes confrontés. Cela suppose une formation particulière du personnel ainsi qu’une mise à disposition rapide des équipements. Sur ces deux points, nous ne pouvons que nous féliciter de la manière dont les armées françaises se comportent.

Enfin, nous avons besoin du soutien de la Nation et de ses représentants pour conduire des opérations qui s’inscrivent dans la durée.

Cette année a également été marquée par le retour de la participation pleine et entière de la France dans les structures de l’OTAN. Dès cet été, des commandements nous ont été attribués. Quelques défis restent encore à relever sur le plan de l’organisation et des finances : le surcoût de notre participation n’est pas encore stabilisé et le périmètre des « paquets de capacités » – les investissements que nous aurons à financer – n’est pas totalement connu.

Nous devons maintenir l’attractivité des affectations pour le personnel appelé à rejoindre les structures de l’OTAN. Le succès de notre participation dépend de la qualité des conditions de vie réservées aux militaires français mais aussi de l’adaptation de nos méthodes de travail et de planification.

Enfin, cette année a été marquée par des décisions qui permettront de mettre en place l’organisation et le fonctionnement des armées, dans la perspective du regroupement à Balard. Ainsi, le décret du 15 juillet 2009, qui confirme celui de 2005, place les armées au cœur de l’organisation. Ces évolutions répondent à la nécessité de renforcer l’efficacité de notre outil de défense dans une perspective interarmées.

Je souhaiterais à présent tirer quelques enseignements de la première année d’exécution de la programmation budgétaire triennale et de la LPM. Cette dernière repose sur un certain nombre de principes : le maintien au sein du budget de la défense des économies résultant de la réduction du format des armées ; l’optimisation du dispositif de maintien en condition opérationnelle ; la réalisation du volet « export » de nos programmes d’équipement ; l’obtention de recettes exceptionnelles.

Au terme de cette première année, les armées sont au rendez-vous et suivent avec détermination la trajectoire de ralliement du format du Livre Blanc.

Les objectifs de déflation des effectifs ont été atteints puisque 16 500 postes seront supprimés en deux ans.

Les équipements destinés à être retirés du service actif l’ont été. Cela a été le cas, par exemple, de deux bâtiments de guerre des mines, deux bâtiments de soutien, une centaine de chars Leclerc, et d’une quarantaine d’avions de combat.

24 emprises ont déjà été libérées et une vingtaine le sera d’ici la fin de l’année ; 11 bases de défense expérimentales ont été créées et 43 formations auront été déplacées ou dissoutes en 2009.

Les nouveaux commandements et services permettant de rationaliser l’emploi de nos moyens ont été créés – comme le commandement interarmées des hélicoptères – ou sont en cours de création : le commandement interarmées de l’espace, l’organisation interarmées des soutiens, le service industriel de maintenance des matériels terrestres, le service du commissariat des armées…

Vous le savez, ces réformes sont d’une ampleur considérable et présentent des risques. La manœuvre concernant les ressources humaines est particulièrement délicate à conduire. La préservation de la capacité opérationnelle des armées passe en effet par le maintien d’un bon niveau de recrutement des jeunes cadres et militaires du rang. Nous devons obtenir le flux de sortie nécessaire pour atteindre notre objectif de réduction des effectifs, sans pénaliser le recrutement.

Dans le domaine du soutien, le retour d’expérience des bases de défense demande du temps. Nous devons être pragmatiques et bien évaluer ce que nous pouvons mutualiser avant de faire basculer l’ensemble du ministère de la défense dans un nouvel environnement.

Par ailleurs, des incertitudes pèsent sur des programmes majeurs comme le Rafale et l’A400 M. Les recettes exceptionnelles prévues dans le budget 2009 ne sont pas, à ce stade, pleinement au rendez-vous.

Ces difficultés en matière de ressources ont été atténuées par l’autorisation de consommer 900 millions d’euros de crédits reportés de la gestion 2008 ainsi que par la mise en œuvre d’avances au titre du plan de relance. Il est à noter que ces avances ont été remboursées en construction budgétaire 2010.

En outre, ce plan a permis de passer plusieurs contrats dont les plus emblématiques sont l’acquisition, en anticipation, d’un bâtiment de projection et de commandement ; la livraison de deux Rafale supplémentaires en 2011 ; l’acquisition de cinq hélicoptères EC 725 ; l’avancement d’un an de la fin des livraisons des VBCI ; l’achat de pièces de rechanges de Rafale pour 50 millions d’euros ; et enfin la mise aux normes de l’installation de conditionnement d’air du SNLE « Le Triomphant » pour 11 millions d’euros.

Je voudrais à présent détailler les caractéristiques du projet de loi de finances, qui marque, dans une période difficile, l’effort significatif de notre pays à l’égard de son outil de défense.

Le budget de la mission défense, hors pensions, s’élève à 30,12 milliards d’euros. Il est complété par 770 millions provenant du plan de relance et par 1,26 milliard de recettes exceptionnelles. Au total, les ressources prévues atteignent 32,15 milliards, en léger retrait par rapport à 2009 mais en conformité avec la LPM. En prenant en compte l’ensemble des ressources attendues, l’effort de défense est donc maintenu aux environs des 2 % du PIB.

Les ressources attribuées nous permettent de poursuivre le processus de réforme des armées et de remplir nos contrats opérationnels. Nous pourrons également conduire une politique d’équipement ambitieuse au profit de la fonction connaissance et anticipation, de la protection du combattant et de l’adaptation de nos équipements aux nouvelles menaces.

J’observe cependant que le niveau de ressources inclut 1,26 milliard d’euros de recettes exceptionnelles. Or l’exercice budgétaire 2009 nous a montré toutes les difficultés que cela pouvait engendrer. Ce point devra donc faire l’objet d’une attention particulière car il conditionne le maintien de l’effort accordé en matière d’équipement de nos forces.

L’analyse de ce projet laisse apparaître quatre traits dominants. Il maintient d’abord la priorité accordée à la « recapitalisation » de notre outil de défense. Après la forte augmentation de l’année passée, les ressources totales consacrées aux équipements s’élèvent à 17 milliards d’euros, soit une progression de 11 % par rapport à 2008. Ces ressources permettront de réaliser ou d’engager des commandes portant sur les équipements modernes dont les armées ont besoin pour faire face à la situation sécuritaire définie par le Livre Blanc.

Elles se traduiront par des moyens de renseignement renforcés – C160 Gabriel rénové, AWACS rénové, satellites HELIOS et MUSIS, nacelles de reconnaissance –,des moyens de protection pour nos combattants – VBCI, VBL, PVP, FELIN, brouilleurs – et enfin des moyens permettant d’améliorer l’efficacité de notre outil de défense, un outil capable de faire face aux menaces et aux défis d’un monde incertain avec des équipements renouvelés : Rafale, TIGRE, NH90, SAMP/T, EXOCET, M51, FREMM.

Le projet de loi de finances permet également d’accompagner la conduite de la réforme.

Les marges de manœuvre dégagées par les réductions d’effectifs et le resserrement du dispositif des implantations militaires, notamment autour des 18 bases pilotes de défense, permettent l’accompagnement des restructurations – 180 millions – et l’amélioration de la condition du personnel – 203 millions, dont 114 de mesures nouvelles.

Il maintient par ailleurs l’effort indispensable en matière de préparation de nos forces.

Les ressources prévues pour financer l’entraînement et l’entretien programmé des matériels permettront aux armées de réaliser leurs activités de préparation opérationnelle.

Enfin, la provision OPEX pour 2010 s’élève à 570 millions d’euros, en hausse de 60 millions. Cette provision couvrirait 65 % des besoins estimés pour l’année 2009. Cet effort de financement s’avère indispensable car nous constatons une augmentation des dépenses lorsque le degré de violence s’accroît. Au-delà de cette provision, il sera encore nécessaire de recourir à un décret d’avances pour couvrir intégralement le financement des OPEX.

L’examen du budget me permet également de souligner combien il est nécessaire de maintenir une bonne adéquation entre les ressources et les besoins. Le risque d’être trop optimiste quant aux économies à réaliser et la difficulté à maîtriser les besoins ne peuvent être négligés.

S’agissant des ressources humaines, l’expérience de la précédente LPM a montré que le respect des hypothèses de construction pouvait se heurter à la dure loi de la gestion et des contraintes budgétaires, conduisant à une déflation de nos effectifs plus forte que prévue.

Ce risque de découplage a été identifié et une clause de sauvegarde a été introduite dans la LPM. Il conviendra de la mettre en œuvre si le besoin s’en fait sentir.

De même, le Livre Blanc a défini le dispositif stationné à l’étranger ou dans les départements et collectivités d’outre-mer. Nous devons être en mesure de pouvoir le réaliser.

Enfin, des financements complémentaires ne se situent pas dans la trajectoire prévue en LPM. Je pense aux coûts, aujourd’hui mieux appréciés, relatifs à l’OTAN ou à l’implantation aux EAU, aux coûts de démantèlement des équipements et aux coûts liés à la mise aux normes environnementales.

La réforme demandée aux armées représente un effort considérable. Elle est sans commune mesure avec ce que connaissent les autres ministères. Pour en assurer l’équilibre financier et permettre de tenir nos objectifs, il est indispensable que les ressources budgétaires et les ressources exceptionnelles soient au rendez-vous.

La profonde transformation de notre outil de défense se poursuit sur fond d’engagement de nos forces dans des opérations difficiles, notamment en Afghanistan. Cet engagement de nos soldats constitue, ne l’oublions pas, la finalité des armées, la raison d’être de notre ministère et de ce budget.

M. Gilbert Le Bris. Les moyens matériels et juridiques mis au service de l’opération Atalante ont augmenté sensiblement. Cette opération fonctionne bien, mais elle connaît des problèmes de coordination, dus, notamment, à la diversité des objectifs : protection des voies commerciales pour certains pays asiatiques, lutte contre le terrorisme pour les Américains, défense du programme alimentaire mondial, des zones de souveraineté et des réserves halieutiques pour les Français. Comment remédier à cette situation ?

Ma deuxième question concerne les forces de présence et de souveraineté. Nous disposons aujourd’hui de quatre bases en Afrique, d’une base, qui monte en charge, aux Émirats arabes unis, ainsi que de la flotte de l’océan indien. Au regard des seuils de crédibilité, il va falloir faire des arbitrages. Notre présence traditionnelle en Afrique semble remise en question, notamment par l’attitude ambiguë du président de la Côte d’Ivoire. Les rééquilibrages seront-ils faits au bénéfice de l’axe Europe-Asie, conformément aux préconisations du Livre Blanc ?

Enfin, le flux de sortie est-il atteint aussi facilement dans chacune des armes ou une arme est-elle plus déficitaire qu’une autre ?

M. Jean Michel. Comme le ministre de la défense, vous vous êtes félicité que cette loi de finances corresponde à la LPM. Toutefois, si l’on compare ce budget à celui de 2008 et non à celui de 2009, on constate une diminution des dépenses d’équipement de l’ordre de 920 millions d’euros.

Par ailleurs, les recettes exceptionnelles attendues en 2009 n’ont pas suivi. Or les recettes exceptionnelles annoncées pour 2010 – 1,26 milliard d’euros –, ajoutées aux 770 millions du plan de relance, représentent plus de 10 % du budget d’investissement. Si ces recettes ne devaient pas être réalisées, la crédibilité même du budget ne serait-elle pas remise en cause ?

Vous avez annoncé que deux Rafale supplémentaires seraient livrés. Quels pourraient être les effets des commandes d’autres pays ? Pourriez-vous nous apporter des précisions concernant les crédits affectés à l’observation ainsi qu’aux transports tactiques, dans l’attente des premiers A400 M, dont la fabrication tarde ? Enfin, quels sont les tenants et les aboutissants du triste accident qui vient d’impliquer deux Rafale ?

M. le président Guy Teissier. Je vous rappelle que nous auditionnerons dans quelques minutes le chef d’état-major de l’armée de l’air.

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. L’opération Atalante diffère des précédentes opérations menées par l’Union européenne au Tchad et au Congo car il s’agit véritablement d’une grande opération européenne. Dans la mesure où elle est menée conjointement avec l’opération Ocean Shield de l’OTAN et d’autres opérations bilatérales, les chefs d’état-major de l’Union ont souhaité que soit mise en place, à Djibouti, une structure de coordination, à laquelle participent tous les pays engagés dans la zone.

Toutefois, les règles juridiques – voyez les difficultés que pose le traitement des pirates appréhendés, comme ceux qui, par malchance pour eux, ont tenté, la nuit dernière, de s’en prendre à notre navire de commandement, la Somme – les règles d’engagement, les comportements mêmes des militaires diffèrent d’une nation à l’autre. Il appartient aux différents commandements de faire preuve de doigté. Ces opérations étant internationales, il y aura toujours un conflit d’intérêt entre l’exercice de la souveraineté des États sur l’emploi de leurs forces et l’efficacité militaire. C’est la raison pour laquelle ces opérations sont souvent moins efficaces que ce que laisseraient présumer les moyens déployés.

S’agissant des bases, notre feuille de route est celle décrite par le Livre Blanc, qui réduit leur nombre à trois et fait de l’arc de crise Atlantique-Afghanistan une priorité. Nous aurons à terme une base sur la façade atlantique – Libreville ou Dakar –, une à Djibouti, une aux EAU. Cette dernière devrait bientôt atteindre son seuil critique, grâce à un rééquilibrage avec Djibouti. J’y ai rencontré récemment les trois commandants, qui m’ont semblé imprégnés de l’esprit de la mission, parfaitement en phase avec leurs interlocuteurs des EAU. Leur action est fortement connectée avec celle de l’amiral commandant les forces en océan Indien (Alindien). Notre schéma sera bientôt conforme à l’analyse stratégique du monde contemporain, validée par le Parlement.

Il n’est pas anormal d’observer un décrochage dans le budget puisqu’une partie des crédits pour 2008 étaient affectée au financement de la « bosse ». J’aurais bien sûr préféré des crédits budgétaires plutôt que des recettes exceptionnelles.

M. le Général Bruno le Ray. En 2009, un milliard d’euros devait être obtenu grâce aux cessions immobilières et 600 millions grâce aux cessions de fréquences. Ces dernières ont été décalées d’un an. 400 millions ont pour le moment été tirés des cessions immobilières. Les autorisations de consommation de report de crédit, à hauteur de 400 millions accordés par la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010, et de 500 millions d’euros attribués dans le cadre du plan de relance en début d’année, ont permis de compenser la non-réalisation de ces recettes exceptionnelles.

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. S’agissant de l’A400M, nous avons évité un fiasco industriel complet lorsque les dirigeants d’EADS et d’Airbus ont pris conscience de la gravité de la situation. Désormais, le moteur est au point, le premier vol est prévu avant la fin de l’année et la première livraison devrait être effectuée en 2013.

Pour pallier les grandes difficultés à venir, nous allons agir sur trois leviers : augmentation de notre droit de tirage sur le contrat « Salis aviation » – 400 à 2 000 heures supplémentaires – ; livraison de huit avions de type CASA ; prolongation des Transall jusqu’en 2018.

M. l’Amiral Jean-Marc Brûlez. Dix nouveaux Transall subiront une visite supplémentaire, ce qui portera au nombre de 22 les avions dont nous pourrons disposer au cours de la période 2015-2018. L’arrivée progressive des CASA, dès la fin de 2011, permettra de retirer les Transall d’un certain nombre de missions de capacité ou d’importance particulière et de les réserver à des missions faciles de transport tactique.

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. Soucieux de la sécurité de mes troupes, je suis allé visiter les ateliers d’Orléans et de Clermont Ferrand où les Transall subissent une révision complète ; j’avoue avoir été convaincu que cette flotte, qui devait être retirée en 2002, pourra, en partie, servir jusqu’en 2018.

M. Bernard Cazeneuve. Les 400 millions d’euros que vous avez évoqués représentent-ils une part des 3,7 milliards d’euros de recettes exceptionnelles qui doivent être réalisées dans le temps de la loi de programmation militaire ou une part de l’enveloppe de 1,2 milliard correspondant à la vente des emprises en province, dans le cadre de la réforme des implantations territoriales ? Il serait très important, pour la clarté du dispositif et compte tenu du modèle extrêmement tendu de la réforme, de préciser ce point.

Dans le projet de réforme, il était prévu de créer 90 bases de défense. Dans les discours du ministre, il est davantage question de 65. Les informations dont nous disposons font état de deux problèmes : certaines bases coûtent plus cher qu’elles ne rapportent ; la mutualisation pose davantage de problèmes opérationnels que prévu. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de tirer les enseignements de la création des premières bases afin de réévaluer les modalités de leur mise en œuvre et d’éviter que leur création n’obère l’équilibre budgétaire de la réforme ?

M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis. Un certain nombre de dispositifs de gouvernance ou d’arbitrage ont été mis en place, à l’image du comité interministériel d’investissement ou du copilotage du programme par le CEMA et la DGA. Quelle appréciation portez-vous sur ces outils et sur leur efficacité ?

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. Les 400 millions d’euros sont labellisés comme « recettes exceptionnelles ».

M. Bernard Cazeneuve. Quelles sont les emprises qui doivent être vendues ?

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. Je n’en ai pas le détail, mais je pourrai vous le fournir.

L’expression « base de défense » peut être ambiguë, car il s’agit moins d’une unité géographique précise que d’une circonscription administrative de soutien, dont le bon fonctionnement doit permettre la projection de nos forces. Si le nombre de bases peut être ramené autour de 65, c’est que nous nous sommes rendu compte qu’il fallait en regrouper certaines. Pour autant, cela ne remet pas en cause l’économie générale du projet et, du point de vue des élus locaux, n’emporte aucune conséquence en termes d’aménagement du territoire.

Les anciens dispositifs de suivi de la conduite des programmes d’armement et de gestion de nos crédits d’investissement ne méritaient pas l’opprobre dont ils ont été l’objet. Alors que la Grande-Bretagne et les États-Unis étaient cités en exemple, on assiste aujourd’hui à d’énormes difficultés outre Manche et à un gaspillage des crédits publics d’investissement dans les programmes publics d’armement américains, sous la pression des lobbies industriels. Nos crédits d’investissement, eux, sont maîtrisés, le plus souvent bien mieux que dans d’autres ministères. Souvent, nos difficultés découlent de problèmes industriels, comme cela a été le cas pour l’A400M.

Les outils de gouvernance dépendent de l’énergie et de la constance des hommes qui les utilisent. J’ai été auditionné par la deuxième chambre de la cour des comptes sur la question du copilotage CEMA-DGA : il était exclu que le CEMA ne puisse agir sur le programme 146. Je constate que le bon sens a fini par prévaloir.

M. Damien Meslot. Quel bilan tirez-vous du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, en termes de coût et de bénéfices pour nos armées ?

Vous avez parlé de stabilisation et d’amélioration de la situation en Afghanistan, ce qui ne semble pas être le point de vue des observateurs anglo-saxons. Pensez-vous que l’on puisse réellement stabiliser la situation sans s’occuper d’abord des zones tribales du Pakistan ?

M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis. Où en est la mise en place du commandement interarmées du soutien – COMIAS ?

Un bilan des expériences d’externalisation a-t-il été dressé ? Comptez-vous développer l’externalisation des services ?

Pouvez-vous éclairer les élus locaux que nous sommes – certains d’entre nous ont dû faire face aux traumatismes liés à la disparition des unités – sur la diminution du nombre de bases de défense ?

M. le Général d’armée Jean-Louis Georgelin. Il me semble que l’on n’a pas mesuré la portée du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN : cette décision de bon sens a permis à notre pays de retrouver une place de premier rang dans la communauté militaire internationale et a fait de nous de véritables interlocuteurs, notamment aux yeux des États-Unis. Ce sont des Français qui ont été désignés pour diriger deux commandements majeurs : le général Philippe Stoltz au quartier général interarmées permanent – JHQ – de l’OTAN à Lisbonne et le général Stéphane Abrial au Commandement allié Transformation – ACT –, à Norfolk. Je peux vous dire que cela n’est pas passé inaperçu et que la jalousie de certains de nos partenaires y a trouvé de quoi s’exacerber puisqu’on a même entendu que la France ne méritait pas d’exercer un commandement stratégique !

Toutefois, les réflexes anti-OTAN sont toujours aussi vivaces au sein de nos armées et conduisent, en fin de compte, à une moindre efficacité militaire. Je trouve cela regrettable. Nous sommes revenus ; il faut l’assumer et prendre toute notre part dans le fonctionnement de l’OTAN. 30 millions d’euros supplémentaires y seront consacrés cette année, 60 le seront en 2010 ; je veillerai à ce que les conditions de vie faites aux Français soient dignes : outre le fait que la solde est supérieure chez les Britanniques, ces derniers prennent en charge l’intégralité des coûts, ce qui n’est pas notre cas.

Je ne me suis pas félicité de la situation qui prévaut en Afghanistan. J’ai simplement noté que dans les secteurs français de Surobi et Kapisa, qui seront réunis sous un même commandement à partir du 1er novembre, les résultats obtenus sont prometteurs. Je ne peux m’empêcher de penser que ce paradigme, appliqué à l’ensemble du pays, donnerait de bons résultats. Pour autant, il faut être prudent et clair dans la manière dont nous demandons des renforts, d’autant que nous sommes desservis par le tintamarre produit par le rapport McChrystal.

Le COMIAS, qui marque l’autorité du chef d’état-major des armées sur les chefs d’état-major des trois armes, monte en puissance.

Il faut faire preuve de prudence en matière d’externalisation et ne jamais oublier que les armées doivent pouvoir fonctionner lorsque tout s’est effondré. Le ministre est du même avis et tient à ce que le moindre projet d’externalisation lui soit soumis. Ce sont toujours les mêmes domaines qui, en soutien, sont concernés, bien s’il s’agisse de secteurs d’importance à l’opérationnel : l’alimentation, la protection, l’habillement.

Si le nombre des bases de défense diminue, celui des unités demeure le même et cette diminution du nombre de bases n’a donc pas d’impact sur les services ou sur l’administration d’un élu local. Mais je vous l’accorde, ces subtilités lexicales font régner un brouillard clausewitzien !

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie. Les députés qui, faute de temps, n’ont pas eu l’occasion de vous interroger vous soumettront leurs questions par écrit.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2010 (n° 1946) au cours de sa réunion du mardi 20 octobre 2009.

M. le président Guy Teissier. Nous recevons en cette fin d’après-midi le Délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon, à qui je souhaite la bienvenue en votre nom à tous.

Monsieur le Délégué général, vous allez nous détailler les programmes budgétaires dont vous avez la charge. Sachez que les compétences de nos deux rapporteurs budgétaires ont été redéfinies dans un souci de cohérence. M. Yves Fromion, pour le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », a désormais en charge tout le secteur de l’espace. M. François Cornut-Gentille, qui s’occupe du programme 146 « Équipement des forces », s’occupe de la dissuasion qui représente toujours quelque 20 % de l’ensemble des crédits d’investissement de la défense.

Le projet de loi de finances s’inscrit bien évidemment dans le cadre des décisions que nous avons prises lors du vote de la loi de programmation militaire, mais au-delà des crédits que vous allez nous présenter, je souhaiterais que vous abordiez la question des exportations. Nous connaissons, c’est vrai, des réussites remarquables cette année, vous allez nous les confirmer, mais je voudrais que vous nous fassiez le point sur la dynamisation de notre dispositif de soutien.

Qu’en est-il de la politique d’offres globales qui faisait partie des recommandations du Livre blanc ?

Qu’en est-il de la nouvelle formation des attachés de défense aux questions industrielles et d’exportation ?

Quels sont les résultats des ventes de matériels d’occasion ?

M. Laurent Collet-Billon, Délégué général pour l’armement. Mesdames et messieurs les députés, en préambule, je veux souligner que l’année 2009 a été une année exceptionnelle : première année de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM), elle a été aussi celle de la mise en œuvre du plan de relance.

C’est également l’année du lancement de la modernisation du ministère de la défense, avec la mise en place d’une nouvelle gouvernance des investissements. La DGA s’inscrit pleinement dans cette modernisation structurelle.

Son action s’articule autour de quatre axes : investisseur avisé, partenaire des armées au quotidien, moteur de la construction européenne et expert référent dans un format resserré. Autour de ces quatre axes, j’insisterai tout d’abord sur l’action de la DGA en 2009 avant de détailler les mesures du projet de loi de finances (PLF) pour 2010. Je conclurai par quelques perspectives pour le reste de la période de programmation.

Pour l’année 2009, les objectifs d’engagements et de paiement sont en passe d’être tenus, à la fois sur le programme 144 et le programme 146 et aussi bien pour la loi de finances initiale que pour le plan de relance.

S’agissant de la loi de finances initiale, pour le programme 146, près de la moitié des engagements, soit 8,8 milliards d’euros, et près des trois quarts des paiements, soit 8,7 milliards d’euros, étaient déjà réalisés au début du mois d’octobre. Les engagements sont toujours attendus à près de 18 milliards d’euros en fin d’année, commande globale de Rafale incluse. Les paiements devraient quant à eux atteindre environ 11 milliards d’euros. Ces données vous montrent que nous respectons parfaitement les objectifs fixés par le ministre.

Les 600 millions d’euros attendus en 2009 sur le compte d’affectation spéciale (CAS) fréquences et reportés à 2010 sont compensés en 2009 par l’autorisation de consommer près de 500 millions d’euros de reports de crédits au titre du plan de relance économique et par l’impact de la désinflation, évalué à environ 100 millions d’euros. Ces effets conjugués devraient permettre de limiter le report de charges en fin d’année à environ un milliard d’euros, au lieu de 1,4 milliard d’euros en 2008, ce qui est un niveau tout à fait supportable, surtout dans un contexte budgétaire contraint.

Pour le programme 144, à la même date, nous avions réalisé 75 % des engagements, c'est-à-dire 457 millions d’euros, et 88 % des paiements, soit 602 millions d’euros.

S’agissant du plan de relance, la quasi-totalité des engagements est réalisée pour le programme 146, ce qui représente près d’un milliard d’euros, étant précisé que les trois quarts des paiements sont déjà faits. Nous prouvons ainsi que l’impact du plan de relance sur l’économie et sur les entreprises est réel.

Pour le programme 144, les engagements s’élèvent à 188 millions d’euros pour un objectif de 207 millions d’euros, soit 91 %, et l’avancement des paiements est de 75%.

Il est clair que les niveaux d’engagements et de paiements sont exceptionnellement élevés cette année. Il n’a été possible d’atteindre cette cible que grâce à l’engagement de l’ensemble des personnels de la DGA et je veux ici leur rendre hommage.

Concrètement, cela s’est traduit par diverses commandes globales dont je citerai les plus emblématiques : la commande du 2e sous-marin Barracuda pour 1,34 milliard d’euros, 332 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) pour 786 millions d’euros, 16 454 systèmes Félin qui seront livrés à partir de 2010 ainsi que trois frégates FREMM ce qui portera leur nombre total à 11, les deux dernières étant des frégates de défense anti-aérienne. Le plan de relance a permis de compléter ces commandes par celle d’un troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC) et de cinq hélicoptères EC 725 Caracal.

La quatrième tranche du contrat de production Rafale doit s’ajouter à cette liste, assortie de conditions liées à la concrétisation de prospects export. Nous serons donc à la fin de cette année, en engagements, à deux fois le niveau de 2008 et, en paiements, à un niveau supérieur de plus de 3 milliards d’euros par rapport aux années précédentes.

Parmi les principales livraisons intervenues dans l’année, on peut retenir pour la composante aéroportée de la dissuasion, la mise en service le 1er octobre du premier escadron de Mirage 2000 NK3 équipé du système air-sol moyenne portée de type A (ASMP-A). Cet escadron basé à Istres est créé dans les délais prévus. La mis en service de l’ASMP-A sous Rafale standard F3 à Saint-Dizier interviendra dans le courant de l’année 2010. Par ailleurs, les livraisons des Rafale et des VBCI se déroulent à un rythme très satisfaisant.

La DGA a respecté ses objectifs en termes de maîtrise des coûts. En 2008, la hausse des devis était de 0,8 % sur l’ensemble des opérations d’armement du périmètre du programme 146 ; les résultats devraient être du même ordre en 2009.

Le niveau des intérêts moratoires est lui aussi maîtrisé, grâce notamment à une campagne exceptionnelle de paiement en mode dérogatoire pendant le mois de janvier 2009, avant la réouverture nominale des outils comptables.

Bien sûr, certains programmes défraient la chronique et font l’objet d’un traitement spécifique, comme l’A400M. Il est clair que l’effort de maîtrise des délais des programmes doit être poursuivi.

Au travers du volet défense du plan de relance, la DGA a montré sa capacité à intervenir en investisseur au profit de l’État dans son action de soutien et de développement de l’économie du pays. Nous sommes prêts à poursuivre ce rôle dans le cadre du grand emprunt s’il nous est demandé d’y contribuer, ce que je souhaite ardemment.

J’en viens à la DGA comme partenaire quotidien des armées. Sur les urgences opérationnelles, je citerai le Général Elrick Irastorza qui a indiqué que les forces françaises déployées en Afghanistan ont un niveau d’équipement n’ayant rien à envier à celui des forces des autres nations présentes. Nous avons ainsi acquis de nouveaux véhicules de déminage et renforcé nos moyens de protection ou de brouillage.

Grâce aux procédures d’urgence, nous avons également adapté certains moyens existants avec l’installation de tourelleaux 12,7 mm sur les véhicules de l’avant blindés (VAB) ou les kits de blindage pour les hélicoptères Cougar. Ces procédures exceptionnelles ne sauraient se substituer au processus normal de définition des systèmes d’armes, qui reste incontournable pour la conception de matériels novateurs.

Ces commandes urgentes devraient représenter cette année près de 260 millions d’euros, dont une bonne part porte sur des dispositifs de protection du combattant. Les personnels de la DGA se sont mobilisés pour assurer les délais les plus courts aux armées, malgré la charge supplémentaire induite par ces opérations. Le délai moyen constaté entre la demande de l’état-major et la commande au fournisseur a été ramené à trois mois cette année. Je crois pouvoir dire que les armées reconnaissent aujourd’hui la grande réactivité et l’efficacité dont la DGA a su faire preuve en la matière.

A ce titre, je souligne que notre partenariat avec les forces s’étend jusqu’aux théâtres d’opération. La DGA a ainsi envoyé onze ingénieurs en OPEX, au plus près des forces en opération, pour aider à la prise en main des matériels et mieux appréhender les besoins afin de mieux y répondre.

Les experts de la DGA ont pu ainsi accompagner l’expertise conduite sur les drones tactiques l’été dernier ; ils ont également pu doter rapidement les forces de dispositifs, fortement appréciés, de lutte contre les IED. Ces actions se sont révélées très profitables tant pour les armées que pour la DGA et je compte poursuivre dans cette voie.

Sur l’Europe de la défense, je note que le souffle européen porté par la présidence française est un peu retombé, les objectifs retenus par la République Tchèque et la Suède pour leur présidence portant principalement sur d’autres thèmes. Les attentes envers l’AED n’en sont que plus fortes pour transformer les aspirations communes en programmes et ce malgré un budget réduit tant en fonctionnement qu’en investissement.

J’en viens à la modernisation de la DGA qui doit rester l’expert référent du monde de la défense. S’inscrivant dans la démarche de révision générale des politiques publiques engagée par le ministère de la défense, notre restructuration se décline en trois axes, avec pour contrainte une réduction de 24% des effectifs sur la période : la réduction du nombre d’implantations, la rationalisation du soutien et la révision des processus.

Sur les 20 implantations géographiques principales que compte actuellement la DGA, seules 15 seront conservées. Cela passera par des fermetures de sites, parmi lesquelles celles de Vernon et d’Angers où sera toutefois maintenue une antenne centrée sur les pistes d’essais. Cela passe également par le transfert du centre d’études de Gramat à la direction des applications militaires du commissariat à l’énergie atomique dès le début de l’année 2010.

La DGA participe pleinement au travail de rationalisation des fonctions de soutien entrepris par le ministère. Cet effort permettra de concentrer les effectifs sur les métiers techniques, préservant ainsi notre expertise. Il va de soi que ces rationalisations doivent préserver le niveau de service dont nous disposons actuellement et qui a permis de supporter la charge importante de cette année. Il est donc fondamental que des contrats de service avec engagement de résultat soient élaborés avec nos partenaires du ministère et méthodiquement suivis. C’est une étape indispensable pour clairement définir les périmètres de responsabilité, garantir la qualité de service et permettre à la DGA de conserver sa certification ISO 9001.

J’en viens maintenant au soutien à l’exportation. Les perspectives de prises de commandes en 2009 sont de l’ordre de 7 milliards d’euros et pourraient même dépasser ce chiffre. Nous avons de bons espoirs de tenir cet objectif puisque nous avons déjà réalisé 3,3 milliards d’euros. Ce résultat nous amènerait à des niveaux supérieurs à nos meilleures années récentes, dépassant les 6,58 milliards d’euros de 2008. L’objectif affiché est bien d’arriver à un niveau d’exportations équivalant aux crédits consacrés à nos équipements, de façon à amortir le coût de développement des programmes.

Cette reprise confirme la dynamique actuelle de la politique de soutien à l’exportation voulue par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la défense.

Parmi les principaux contrats signés en 2009, je retiendrai, d’une part, les contrats passés par les Émirats arabes unis (EAU) avec la deuxième tranche pour le MRTT (Multi-Role Transport Tanker – avion multirôle de transport et de ravitaillement en vol), l’avion de patrouille maritime et le système de commandement terrestre Atlas C2 et, d’autre part, le contrat de sous-marins Scorpène pour le Brésil.

Parmi les prospects majeurs, je mentionnerai le Rafale au Brésil, dans les EAU, en Libye, en Suisse et en Inde ainsi que la FREMM en Grèce. Pour ce dernier prospect, le changement de gouvernement n’a pas eu d’impact sur les négociations engagées. Pour la Russie et le BPC, j’attends d’avoir la confirmation de la décision.

La politique d’exportation reste une nécessité pour maintenir notre tissu industriel et les débouchés offerts permettent d’en assurer la vitalité. L’année 2009 aura été dans ce domaine une année décisive pour la mise en œuvre d’une meilleure coordination des actions des ministères. Depuis le rapport du député Yves Fromion, beaucoup de chemin a été parcouru, la nécessité de coordination des actions de tous les ministères autour des grands enjeux nationaux ayant été prise en compte.

L’ensemble du nouveau dispositif d’accompagnement commence à faire ses preuves et permet une meilleure synchronisation du temps de la décision politique avec le temps des affaires, ce qui ne peut que favoriser nos succès futurs.

J’en viens maintenant aux perspectives pour l’année 2010.

Le PLF 2010 sera un budget de transition avec, pour les autorisations d’engagement (AE), un objectif de 11 milliards d’euros pour le programme 146 et de 672 millions d’euros pour le programme 144. Les paiements resteront élevés, avec une cible de 10,9 milliards d’euros sur le programme 146 et de 722 millions d’euros sur le programme 144, y compris les derniers paiements des contrats liés au plan de relance.

Pour les programmes de recherche et de technologie (R&T), la préparation du renouvellement des composantes océaniques et aériennes de la dissuasion se poursuivra. Nous lançons actuellement les études concernant le sous-marin nucléaire lanceur d’engins des années 2030.

Le renforcement de nos capacités de frappe dans la profondeur sera prolongé par la commande de 168 armements air-sol modulaires (AASM), de 22 systèmes lance-roquette unitaires (LRU), de 135 missiles MISTRAL rénovés et de 20 missiles air-air d’interception à domaine élargi (MIDE).

La livraison de 11 avions Rafale, de sept hélicoptères d’appui protection Tigre, de quatre hélicoptères marine NH90 NFH poursuivra le renouvellement de nos moyens aériens. Il faut toutefois noter qu’il y a un décalage de plusieurs mois entre la livraison des matériels et leur entrée en service opérationnel, ce délai étant nécessaire pour que les armées s’approprient les appareils et forment les pilotes. Nous devrons par ailleurs prendre cette année des décisions sur les drones et sur les modalités de poursuite du programme A400M, en incluant des acquisitions palliatives limitant le déficit capacitaire.

En ce qui concerne l’industrie, le vote de la LPM et de ses dispositions sur SNPE et sur l’ouverture plus large du capital de DCNS à des acteurs privés ouvre de nouvelles perspectives. Nous allons utiliser ces dispositions pour poursuivre la rationalisation dans le domaine de la propulsion solide avec le rapprochement de SNPE et de Safran ainsi que pour constituer des partenariats au niveau européen dans le domaine naval avec DCNS. Nous allons également agir plus activement en faveur de la rationalisation à l'échelle européenne du secteur terrestre avec NEXTER.

Sur le plan européen, il s’agira de poursuivre la dynamisation des coopérations. Nous nous y employons avec constance. La tenue des élections législatives notamment en Allemagne fin septembre dernier et au Royaume-Uni en 2010 devrait permettre de préciser les perspectives de coopération.

Pour les années à venir, notre objectif majeur est bien sûr d’exécuter la LPM dans le respect des orientations du Livre blanc. Nous devrons également renforcer l’expertise technique de la DGA, son efficacité et son professionnalisme dans le sens d’une gestion toujours meilleure des programmes. Il nous faut développer notre capacité de soutien aux armées au travers notamment des commandes en urgence opérationnelle. Enfin, le ministre tient beaucoup, et à juste titre, à ce que nous améliorions la disponibilité des matériels et la maîtrise du coût de possession.

Ces axes de travail doivent s’inscrire dans une dynamique européenne qui doit être dynamisée comme je l’ai évoqué précédemment.

M. le président Guy Teissier. Lors de son audition, j’ai interrogé le chef d’état-major de la marine nationale sur les interrogations persistantes portant sur le coût de possession des FREMM. La presse fait en effet état d’un dérapage conséquent du programme, évoquant des surcoûts de l’ordre de 60 %. Qu’en est-il réellement ?

M. Laurent Collet-Billon. Nous avons trouvé un terrain d’entente avec nos partenaires italiens, ce qui nous a permis de signer un avenant au contrat FREMM. Pour la France, le contrat est maintenant limité à onze frégates qui font toutes l’objet d’une commande ferme. Les livraisons seront étalées de manière à correspondre aux flux financiers prévus par la LPM. Je rappelle que les deux dernières frégates sont de défense aérienne, ce qui n’était pas prévu initialement. Cette modification et celles apportées à la quantité et au calendrier entraîneront, selon les calculs que je tiens à votre disposition, un surcoût de 20 à 22 % et non de 66 % comme cela a pu être évoqué. Le coût moyen est donc beaucoup moins élevé que ce qu’a pu dire la presse.

M. le président Guy Teissier. Pourquoi ne lui communiquez vous pas ces données ?

M. Laurent Collet-Billon. Nous avons établi un diagnostic précis et nous sommes prêts à apporter, dès après-demain au point presse du ministère, toutes les précisions nécessaires sur ce dossier, et à les apporter dés maintenant à la commission si elle le souhaite.

M. Yves Fromion. Je souhaite saluer l’effort fait globalement pour le budget de la défense dans un contexte économique difficile : c’est un acte de responsabilité conforme aux intérêts de notre pays qu’il convient de souligner. Il faut aussi saluer les efforts de la DGA, parfois injustement critiquée, qui doit à la fois réduire ses moyens de 25 % et continuer à assurer ses missions avec une exigence toujours croissante sur la qualité de la dépense et le suivi de son exécution.

Cela dit, le projet de loi de finances pour 2010 suscite quelques inquiétudes en particulier pour le programme 144, dont je suis le rapporteur. Dans le domaine spatial, il n’est pas certain qu’il permette de tenir les échéances calendaires du programme MUSIS, alors qu’il faudrait 200 millions d’euros pour l’an prochain. Il en est de même du programme CERES, qui ne bénéficie d’aucune nouvelle autorisation d’engagement et de moins d’un million d’euros de crédits de paiement : un tel montant peut permettre de faire des études théoriques, mais pratiquement rien sur le plan industriel. Quant aux études amont, le montant prévu est loin de l’objectif souhaitable d’un milliard d’euros. La LPM avait laissé espérer une inflexion de la tendance, mais nous sommes, hélas, toujours au même niveau.

Au sujet du grand emprunt, je crois que le secteur des hélicoptères mérite d’être examiné avec beaucoup d’attention compte tenu des inquiétudes qu’il soulève aujourd’hui. Vous connaissez la situation délicate d’Eurocopter, due sans doute à sa difficulté à imaginer de nouveaux produits pour s’être focalisé sur le Tigre et le NH 90. Il s’agit d’appareils exclusivement militaires alors qu’Eurocopter a toujours excellé dans la dualité civilo-militaire. Le grand emprunt pourrait contribuer à préparer notre avenir industriel et permettrait de préserver l’excellence française dans ce domaine.

Enfin, vous avez parlé des relations entre NEXTER et l’Allemagne. La situation de l’entreprise, actuellement en suspens, est préoccupante. Avant d’envisager un quelconque rapprochement européen, ne faut-il pas favoriser un arrangement franco-français, sans doute avec Thalès ? J’ai cru comprendre que d’autres propositions étaient envisagées : pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. le président Guy Teissier. À ce sujet, beaucoup de nos soldats nous disent rencontrer des difficultés à se procurer des munitions et des armes de petit calibre de bonne qualité. N’y a-t-il pas là une opportunité à saisir pour Nexter, qui a fait preuve de son savoir-faire dans ce domaine ?

M. Laurent Collet-Billon. Pour ce qui concerne le programme MUSIS, le problème ne concerne pas tant les crédits qui lui sont alloués que la nécessité de faire partager par nos partenaires notre volonté d’avancer. La question-clé est celle du segment sol autour duquel doivent s’agréger les différents types de satellites. Nous recherchons une véritable mutualisation des capacités quand certains de nos partenaires ne proposent qu’un échange d’images. Pour ma part, je souhaite que nous puissions utiliser leurs capacités quand nous en avons besoin sans être obligés d’obtenir à chaque fois leur accord et sans passer par leurs propres structures.

Cela étant, la priorité pour la France est d’assurer la succession d’Hélios II B, dont le tir est prévu à la fin de l’année. Le PLF nous fournit suffisamment de ressources propres pour le faire, d’autant que le saut qualitatif en termes de recherche est largement à notre portée même si nous devons le faire seuls. Cette priorité a été clairement exprimée à nos partenaires.

M. Yves Fromion. Je me réjouis de votre détermination. Mais comment allez-vous financer ce programme si nos partenaires y renoncent finalement et n’apportent donc aucune contribution ?

M. Laurent Collet-Billon. Dans ce cas, nous ferons un effort d’imagination pour trouver les ressources, mais je tiens à rappeler que les sommes en jeu restent modestes en 2010. Cela reste gérable.

S’agissant du futur système militaire opérationnel CERES, le lancement de la conception est prévu pour la fin 2010. Il s’agit à ce stade et pour l’année 2010 de mener des travaux d’études destinés à établir une définition adéquate du système dont la mise en service opérationnel n’est prévue qu’en 2016. Les crédits du PLF sont donc suffisants et nous permettent de respecter le calendrier. J’ajoute que sur ce projet, nous mettons en place une coopération européenne.

En ce qui concerne les études amont, je suis moi aussi partisan de leur consacrer un milliard d’euros. J’observe toutefois que la ventilation des ressources est bien équilibrée entre recherche de base, socle technologique et démonstrateurs. Le dispositif de subvention des PME sur dossier, dénommé RAPID, donne par ailleurs pleine satisfaction, au point que nous avons été saturés de demandes en moins d’un mois. Cependant, je note également que la LPM est bien une loi d’équipement et que donc les crédits consacrés aux études n’ont pas augmenté autant que je pouvais l’espérer.

Sur le grand emprunt, une participation de la DGA ferait sens car nous avons fait, me semble-t-il, la preuve de notre capacité à transformer des investissements publics en technologies injectées dans le secteur industriel. En outre, l’industrie de défense, moins délocalisable que les autres activités, se prêterait bien à l’injection de crédits dans le tissu industriel. Enfin, l’accent est mis dans le grand emprunt sur la dualité qui est justement au cœur de notre savoir-faire. A ce titre, dans l’ensemble des thèmes évoqués pour bénéficier du grand emprunt la relance de l’industrie des hélicoptères civils aurait à se plier aux contraintes des règles de concurrence alors que des actions sur des équipements militaires permettraient d’avoir une plus grande latitude d’action.

Dans cette logique il est important que soient soutenus les efforts que fait la société Eurocopter pour se remettre au niveau de la concurrence, dans la mesure ou ce soutien bénéficie au site de Marignane, ce qui semble être retenu par la direction d’Eurocopter. Dans le cas contraire il conviendrait d’analyser de concert avec notre partenaire allemand d’autres scénarios par exemple à base de partage industriel, la France conservant la production des hélicoptères moyens et l’Allemagne celle des hélicoptères lourds.

Quant à Nexter, il me parait important que Thales adopte une position claire en s’interrogeant sur la pertinence de conserver les activités de l’ancienne branche Thomson Armement au cas ou le rapprochement avec Nexter n’aurait pas lieu. Il me parait par ailleurs important de procéder par étape en constituant d’abord un pôle français cohérent pour en faire un interlocuteur à même de démarcher des entreprises européennes.

Sur les munitions et les armes de petit calibre nous étudions les possibilités de coopérations avec FN Herstal pour pallier la perte de savoir faire de Nexter dans ce domaine. Je rappelle que nous avons déjà fait des achats sur étagère, notamment pour les forces spéciales, sans que cela ne pose la moindre difficulté. Il faut toutefois que nous allions au terme de l’expertise technique conduite sur le phénomène ayant conduit à la détérioration d’armes lors d’exercices afin de bien le maîtriser et d’en tirer les conséquences pour nos acquisitions.

M. le président Guy Teissier. Je reviens sur Eurocopter ; je crois que le problème de gouvernance se double d’un problème industriel, la société éprouvant aujourd’hui de graves difficultés dans sa partie civile qui représentait jusqu’alors 70 % de son activité. Sans doute serait-il utile d’entendre M. Lutz Bertling à ce sujet.

M. Laurent Collet-Billon. Il est indéniable que l’on constate aujourd’hui un problème de production industrielle, tant en ce qui concerne la maîtrise des produits que des logiciels. Ces difficultés sont encore plus manifestes avec le programme NH 90 du fait de la présence au sein du consortium NHI de concurrents directs. Quoi qu’il en soit, Eurocopter doit revoir sa chaîne de production mais aussi améliorer ses relations avec ses sous-traitants.

M. Jean-Claude Viollet. Vous avez mentionné le programme Rafale dans votre développement sur la promotion des exportations d’armement. Ne risque-t-on pas un décalage du calendrier des livraisons françaises si tous les projets d’exportation aboutissent ? Si cela arrive, comment assurerons-nous la montée en charge dans les armées ? Ce phénomène ne fragilisera-t-il pas l’objectif d’homogénéité des flottes, étant entendu que l’armée de l’air ne devait posséder à terme que deux types d’appareils afin de réduire au maximum les coûts de maintenance ? Pour éviter ces dérapages, ne faudrait-il pas accélérer la rénovation des Mirage 2000 D et dans le même temps remplacer très tôt les Rafale F 1 avant qu’ils ne divergent trop des autres standards ? J’ai eu le sentiment que le ministre était plutôt sensible à ces arguments et qu’il était prêt à ouvrir la discussion sur ce sujet.

Pouvez-vous par ailleurs faire un point sur le programme A 400 M ? Dans l’attente de leur livraison, l’achat d’un A320 ou d’un A330 avait été évoqué, sous réserve de l’employer ensuite en tant que MRTT. Pourtant on nous annonce l’achat de KC 390 qui ne semble pas correspondre à nos besoins. J’ajoute que cet appareil est mal connu et qu’il va conduire à la création d’une nouvelle micro-flotte ! De surcroît, il ne serait livré qu’en 2015 alors que le besoin est immédiat. Pourriez-vous nous indiquer quelle est votre action sur ce dossier, et quel est le besoin pour ce type d’appareil ?

Je relève enfin que la LPM n’a pas prévu l’achat de cet appareil. Pour le financer, il faudra donc renoncer à un autre programme. Qu’allez-vous supprimer pour dégager des crédits ?

M. Laurent Collet-Billon. Nous préparons aujourd’hui la quatrième commande de Rafale avec des livraisons prévues à partir de 2015. La LPM prévoit clairement un ralentissement de la cadence de production pour les appareils français entre 2012 et 2014, l’écart étant compensé par l’export. Pour autant, les négociations entamées, aussi positives soient-elles, ne permettront pas d’aboutir suffisamment tôt pour garantir cet équilibre. Il nous faudra donc arrêter des hypothèses pour la conclusion du contrat et procéder ultérieurement à un recalage de la cadence en fonction des concrétisations des prospects export. Le contrat sur la quatrième tranche intègre à cette fin des clauses de flexibilité tout à fait à même de faire face aux différentes possibilités d’évolution.

Je partage votre souhait de transformer le plus rapidement possible les Rafale F1 en Rafale F3 : plus tôt cela se fera, moins cher cela coûtera. Si nous y arrivons, cela augmentera le nombre d’appareils disponibles.

La rénovation de 50 à 60 Mirage 2000D nécessite un financement de l’ordre de 700 millions d’euros. Il me semble que cette opération pourrait effectivement permettre de compenser les retards de montée en puissance du Rafale. N’étant pas responsable du MCO, je ne peux en revanche pas savoir si cette remise à niveau permettra ou non d’éviter des dépenses considérables de maintenance. J’indique néanmoins que je reste vigilant à l’évolution du coût de possession même si je n’en maîtrise pas tous les aspects.

Pour compenser le retard de l’A400M, nous travaillons selon trois axes : poursuivre la location d’heures de vols avec le contrat SALIS, prolonger la durée de vie des Transall jusqu’en 2018 et acheter huit CASA 235.

L’achat d’un A330 a finalement été écarté, EADS n’ayant présenté aucune proposition vraiment attractive.

Quant au KC 390, je n’envisage pas son entrée en service avant 2017, c'est-à-dire au moment où nous devrons remplacer nos C 130. Nous devrions alors réussir à opérer la transition sans multiplier les flottes. Toutefois, il faut rester prudent, l’appareil n’en est encore qu’à l’état de la conception et toutes ses spécifications ne nous sont pas encore connues.

M. Damien Meslot. Les contrats export s’accompagnent dorénavant de transferts importants de technologies, voire de transferts de capacités d’assemblage. N’y a-t-il pas là un risque important pour nos capacités? Ces transferts ne se font-il pas au détriment de nos industries ? Enfin, compte tenu des nombreuses péripéties qu’a subies l’A400M, pouvez-vous nous indiquer quel sera, au final, le surcoût sur ce programme ?

M. Laurent Collet-Billon. Depuis l’été dernier, l’A400M est entré dans une phase nouvelle : à la suite de l’accord survenu le 24 juillet entre les ministres de la défense, nous avons engagé une renégociation du contrat avec pour objectif une conclusion à la fin de l’année. L’aspect technique du dossier avance bien, le motoriste ayant donné toutes les assurances qu’un vol d’essai pourrait avoir lieu avant la fin de l’année. La gouvernance du programme au sein d’EADS s’est nettement améliorée, avec l’arrivée d’une équipe nouvelle rodée à nos méthodes de conduite de programmes d’armement.

Reste désormais la partie financière. C’est là tout l’enjeu de la négociation : il nous faut trouver un accord entre ce qu’EADS peut accepter et ce que les États peuvent consentir. Très clairement, il faudra trouver un accord au moindre coût.

Les transferts de technologies dans le cadre des contrats d’exportation me semblent aujourd’hui inévitables. Nous mettons à disposition de pays amis des technologies de premier plan mais sur lesquelles nous travaillons depuis les années 80. Je pense que nos partenaires ne s’approprieront pas immédiatement tout cet ensemble. Par ailleurs, les travaux de recherche et technologie conduits dans le domaine sont suffisants pour nous conserver un temps d’avance. Toutefois nous aurons nécessairement à faire face à de nouveaux concurrents et nous ne pourrons lutter que grâce à notre avance technologique et à nos capacités d’innovation.

M. Jean Michel. Sur l’Afghanistan, vous indiquiez que nos forces étaient bien équipées au regard des autres nations, mais nous n’y envoyons que 3 000 hommes quand d’autres pays doivent équiper un nombre beaucoup plus important de soldats. Il me paraît donc difficile de faire de telles comparaisons.

Je souhaiterais revenir sur l’Europe de la défense. Après plusieurs décennies fécondes, marquées par des projets tels que l’A400M, les missiles MILAN ou les hélicoptères NH90 et Tigre, nous faisons face à de grandes difficultés liées à l’affirmation de revendications nationales. Aujourd’hui, la coopération semble en panne, aucun nouveau programme n’ayant été lancé ces dernières années. Vous avez évoqué la présidence française de l’Union européenne, mais force est de constater qu’elle n’a pas réussi à inscrire dans la durée sa volonté et ses projets.

L’AED, initialement conçue comme un catalyseur des ambitions nationales, ne porte pas de programme et ne marque pas de réelle ambition. Elle souffre notamment de la position britannique qui s’attache visiblement à des points de détails. Ces éléments me rendent pessimiste sur l’avenir, d’autant qu’un changement de gouvernement outre-Manche risque de renforcer encore cette méfiance. Je souhaitais donc avoir votre opinion sur cette situation. Comment relancer la coopération européenne en général et l’AED en particulier ? La DGA voit-elle l’AED comme une partenaire ou comme une concurrente ? Quelles initiatives la France peut-elle prendre dans ce domaine ?

M. Laurent Collet-Billon. Je partage votre constat sur le besoin de dynamiser le dispositif européenne de coopération. Il ne faut pas oublier que les budgets de la France et du Royaume-Uni représentent les deux tiers des budgets de la défense en Europe, y compris en termes d’effort de recherche et développement. Nos deux pays abritent également les deux tiers de la technologique européenne de défense. Cela veut dire qu’aucune coopération européenne d’envergure ne peut se faire sans eux.

Je puis vous dire qu’aucun de mes correspondants britanniques ne remet en cause notre coopération. Comme ils s’inquiètent du processus de désindustrialisation et qu’ils veulent éviter toute vassalisation, ils ne souhaitent pas nécessairement approfondir leur coopération avec les États-unis. Ils se tournent donc volontiers vers l’Europe et plus précisément vers la France. Une fois ce constat fait, il nous faut travailler pour identifier les thèmes de convergence et les possibilités de coopération. Je pense notamment à l’aéronautique dans la droite ligne des lettres d’intention signées avec le Royaume-Uni l’été dernier à Evian.

Pour les autres pays, la situation est plus contrastée au gré des difficultés rencontrées par ces pays. L’Espagne dispose d’un budget de la défense plus faible mais a prouvé à maintes reprises qu’elle était un partenaire fiable. Son soutien a été très précieux sur le programme A400M. L’Italie est notre principal partenaire dans le spatial et le naval, notamment sur le programme FREMM.

La relation avec l’Allemagne occupe une place à part dans ce panorama avec un certain nombre d’interrogations. Au-delà des programmes déjà en cours, emblématiques de cette relation, peu de nouvelles coopérations voient le jour malgré de nombreuses pistes ouvertes notamment dans le domaine des drones.

Les élections parlementaires allemandes étant maintenant derrière nous, il revient aux autorités politiques de préciser les grands axes de cette relation dans le domaine de la défense.

M. le président Guy Teissier. En qu’en est-il de la Grèce ? Les récentes élections auront-elles un impact sur le projet d’acquisition de FREMM ?

M. Laurent Collet-Billon. Les membres de la commission de négociation ont reçu l’autorisation de poursuivre leur travail sur les FREMM. Je suis donc confiant sur ce point.

Je souhaiterais revenir sur la question de M. Michel sur l’AED. L’Agence est une institution encore jeune mais elle dispose déjà d’un premier retour d’expérience. Il faut donc à mon sens tirer les enseignements de ces premières années, traiter les interrogations qui ont pu naître de la présidence de son premier directeur exécutif, le tout pour mieux répondre aux attentes. Je pense en premier au mode de fonctionnement de l’AED qui me parait à améliorer.

M. Jean Michel et M. Yves Fromion. Il s’est pourtant montré courageux !

M. Laurent Collet-Billon. La France devra décider si elle prétend à la présidence de l’Agence. Il s’agit là aussi d’une décision politique. En tout état de cause, sauf à risquer une grave question existentielle, l’AED devra réussir à transformer en programmes les cinq stades de préparation qui lui ont été confiés : la lutte contre les mines navales, les hélicoptères de transport lourd, les drones tactiques, la formation des pilotes de chasse et la protection contre les attaques bactériologiques. On juge l’arbre à ses fruits.

M. Jean Michel. Quel est votre sentiment sur la possibilité de coopérer avec la Pologne ?

M. Laurent Collet-Billon. Ce pays devient un partenaire très fiable malgré des ressources très faibles. Nous coopérons d’ores et déjà sur des projets tels la radiologicielle. Je crois que la Pologne aura la même position que l’Espagne, c'est-à-dire qu’elle limitera sa coopération à des niches mais en s’engageant dans la durée et avec beaucoup de fermeté. Nous avons déjà de très bonnes relations et elles progresseront encore.

M. Philippe Nauche. Je voudrais revenir sur l’A400M, projet qui suscite à la fois espoirs et inquiétudes dans l’industrie aéronautique. Quel est selon vous le calendrier le plus probable pour les livraisons ?

M. Laurent Collet-Billon. Nous avons aujourd’hui toutes les raisons de penser que les premières livraisons interviendront à la fin de l’année 2013. Il nous revient, pour en bénéficier rapidement, de demander dans un premier temps des standards opérationnels compatibles avec ce calendrier, quitte à évoluer par la suite. Pour l’appropriation, la formation et l’organisation du soutien logistique, nous devons disposer au plus vite des appareils, quitte à ce que leur standard évolue ensuite. Cette approche incrémentale me paraît fondamentale ; il faut l’appliquer comme on le fait dans le cas de l’aviation de chasse. Nous devons simplement nous assurer que, comme cela avait été convenu initialement, l’industriel prendra bien à sa charge la remise à niveau des logiciels qui constituent le point le plus sensible du matériel.

M. Pierre Forgues. Je souhaiterais que vous fassiez le point sur la situation de l’entreprise Nexter en insistant particulièrement sur son site de Tarbes où sont produites des munitions. Luc Vigneron, ancien président de Nexter, est depuis cet été le PDG de Thales. Pensez-vous que cela puisse favoriser des synergies entre les deux groupes ? Plus globalement, Nexter a-t-il un avenir dans le domaine des petites munitions ?

M. Laurent Collet-Billon. Nexter, dirigée depuis cet été par M. Philippe Burtin, emploie aujourd’hui 2 500 à 2 700 personnes. L’entreprise génère un chiffre d’affaire de 600 millions d’euros et dispose d’autant en trésorerie. Elle fabrique d’excellents produits, tels que le canon CAESAR qui fait preuve de ses grandes qualités en Afghanistan, ou le VBCI qui est un très bon véhicule. Des matériels plus anciens comme le VAB ont également fait la preuve de leur qualité et de leur résistance.

Beaucoup pensent que, forte d’une situation aussi solide sur un marché où ses concurrents souffrent, cette entreprise doit envisager des alliances avec un grand groupe afin de bénéficier d’un développement international que sa taille modeste ne lui permet d’envisager que difficilement. Nous avons demandé à Thales de nous indiquer si ce projet l’intéresse. D’autres possibilités pourront être examinées notamment avec les entreprises allemandes Krauss Maffei ou Rheinmetall.

En somme, je ne suis donc pas inquiet pour Nexter, que nous soutenons d’ailleurs avec la mise en service de véhicules Aravis. Je ne dispose pas à cet instant d’éléments sur le site de Tarbes mais je m’engage à vous les transmettre.

Nexter est donc dans une excellente situation et peut regarder l’avenir avec sérénité. La seule interrogation porte aujourd’hui sur l’attitude de Thales. Nous verrons si M. Vigneron confirme les positions de son prédécesseur qui voulait faire de l’entreprise l’intégrateur des systèmes terrestres et navals, Dassault étant celui des systèmes aéronautiques.

M. Yves Fromion. La LPM contient certaines dispositions visant à doter la France d’une filière de déconstruction des équipements d’armement. La problématique liée à celle des munitions est complexe, notamment pour ce qui concerne les munitions des lance-roquettes multiples. L’armée de terre a lancé une consultation auprès des industriels à ce sujet avec pour objectif leur déconstruction d’ici à 2016. Il semble donc que nous progressons mais pourriez-vous nous donner votre appréciation de la situation ?

M. Laurent Collet-Billon. Le ministre doit clarifier les responsabilités des différentes entités du ministère dans ce domaine. Cette mission relève-t-elle de la DGA, des services industriels de soutien ou des armées ?

J’observe que les constructeurs de missiles sont très bien positionnés sur le segment de la déconstruction des missiles. Nous expérimentons par exemple la possibilité de détruire le propergol des missiles balistiques grâce à des bactéries.

Je suis toutefois très prudent sur l’intérêt manifesté par certains grands groupes industriels pour ce secteur d’activité. Même s’ils ont une expérience en matière de déconstruction, ils ne maîtrisent pas les technologies dont il est question. Il ne faut pas se tromper : ce marché restera toujours limité à de faibles quantités. Il ne peut donc pas intéresser une entreprise à la recherche d’effets de masse et d’économies d’échelle. Les grands industriels de l’environnement pourraient en revanche intervenir dans la dépollution des sites mais ces chantiers sont bien différents de la déconstruction d’équipements de défense.

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la Mission « Défense » : « Équipement des forces – Dissuasion » pour 2010, au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre 2009.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Philippe Vitel. Au vu de ce que nous a dit le rapporteur sur la coopération européenne, nous attendons avec intérêt l’audition prochaine de M. Bertling, président d’Eurocopter. Nous ne manquerons pas de lui poser des questions précises, notamment sur les divergences franco-allemandes. Elles semblent par exemple expliquer l’abandon du projet de développement de structures permettant de gérer les hélicoptères en fin de vie.

Dans l’immédiat, je souhaiterais vous interroger sur l’impact du plan de relance de l’économie. Quel est son effet réel sur le plan opérationnel ? Dispose-t-on d’éléments précis indiquant comment ont été alloués les sommes inscrites en 2009 ? Qu’en sera-t-il des 700 millions décidés pour 2010 ?

M. François Cornut-gentille. La relation franco-allemande mérite en effet d’être examinée avec beaucoup d’attention. Quant au plan de relance, on peut estimer qu’il a globalement bien fonctionné, sans que je dispose d’éléments précis à cet instant sur ce sujet.

M. Yves Fromion. Je pense également qu’il est important de faire venir le président d’Eurocopter. Mais il me semble que, d’une façon générale, ces difficultés se posent pour l’ensemble du groupe EADS, qu’il s’agisse des programmes spatiaux ou de l’A400M. Je suis favorable à une audition de M. Louis Gallois.

M. le président Guy Teissier. Je partage votre sentiment et adhère à votre proposition.

M. Gilbert Le Bris. La LPM prévoit un effort global de 18 milliards d’euros pour l’équipement. Or, les éléments que vous décrivez pour 2010, malgré l’augmentation de 11 % et le plan de relance, me paraissent loin du compte.

M. François Cornut-Gentille. Je me suis contenté de décrire les crédits affectés au programme 146. Vous faites référence à un agrégat qui dépasse ce seul programme et prend en compte l’ensemble des efforts du ministère en faveur des équipements. Je pense néanmoins que nous sommes sur la bonne voie et que nous devrions atteindre l’objectif des 18 milliards en fin de période.

M. Jean Michel. Pour rassurer le président, je tiens à souligner que mon but n’est pas de jouer les Cassandre, mais simplement de dire mon inquiétude. Notre objectif à tous est bien que l’ambition de la France se réalise, ce qui suppose de bien équiper ses armées. Être ambitieux demande des crédits.

Ceci étant précisé, je souhaiterais revenir sur EADS et rappeler que la création de cette société était une marque d’amitié très forte de la France envers l’Allemagne. À l’époque, les compétences étaient en effet essentiellement françaises. Je partage l’inquiétude que j’ai entendue, même si je souligne que des améliorations ont déjà été apportées par M. Gallois et que le bilan d’Airbus est bon.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a alors donné un avis favorable au programme « Équipement des forces– Dissuasion ».

*

* *

La commission de la défense a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Défense ».

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET DES DÉPLACEMENTS

I. —  AUDITIONS

§ M. Thierry Bellouard, directeur de l’OCCAR, accompagné de M. Bruno Delannoy, directeur du programme A400M ;

§ M. le général Jean-Paul Palomeros, chef d’état-major de l’armée de l’air ;

§ M. Bernard Planchais, directeur général de DCNS, accompagné de M. Sylvain de Mullenheim ;

§ M. l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine nationale ;

§ M. le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre ;

§ M. le général Frédéric Castay, chef de la division forces nucléaires de l’état-major des armées, accompagné de l’ingénieur en chef de l’armement Jérôme Avrin, adjoint programmes-finances.

II. —  DÉPLACEMENTS

ESPAGNE
(octobre 2009)

Madrid

§ Ambassade de France

o M. Bruno Delaye, ambassadeur de France ;

o M. le capitaine de vaisseau Olivier Debray, attaché de défense ;

o M. Arnaud Roux, conseiller ;

o M. Claude Sanson, attaché d’armement.

§ Chambre des députés – commission de la défense

o M.  Celestino Suárez Gonzáles, premier vice-président (GS) ;

o M. Jesús Cuadrado Bausela, porte-parole (GS) ;

o Mme Beatriz Rodríguez-Salmones Cabeza, porte-parole (GP) ;

o M. Jordi Xuclá i Costa, porte-parole (GC-CIU).

§ Industries de défense

o M. Ricardo Martí Fluxá, président d’ITP ;

o M. Julian Garcia Vargas, président de l’association espagnole des entreprises et technologies de défense, d’aéronautique et de l’espace (TEDAE) accompagné de M. Antonio Viñolo, directeur des affaires internationales ;

o M. Domingo Ureña-Raso, président d’EADS-Casa ;

o M. Alain Fontaine, président d’Airbus Military France ;

o M. Javier Matallanos, directeur des programmes d’Airbus military ;

o M. Hervé Daumas, directeur des ventes Europe d’Airbus military ;

o M. Jacinto García Palacios, directeur des affaires institutionnels d’EADS Espagne.

§ Administrations espagnoles

o M. le vice-amiral Enrique Perez Ramirez, directeur général adjoint de la politique de défense, ministère espagnol de la défense.

Séville

§ Consulat de France

o M. Jean-Louis Sabatié, consul général.

§ Industries et administrations espagnoles

o M. le général Juan Bautista Garcia Sanchez, FUTER (commandement de la force terrestre) ;

o M. Jacinto Cañete, président d’Alestis et directeur général d’IDEA ;

o M. le général Jesús Pinillos, directeur adjoint de la direction de l’armement.

BREST
(octobre 2009)

§ Visite de la force océanique stratégique (FOST) avec le vice-amiral d’escadre Jean-François Baud, commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique.

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