N° 1974 tome IV - Avis de M. Sébastien Huyghe sur le projet de loi de finances pour 2010 (n°1946)


N° 1974

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME IV

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET
PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR M. Sébastien HUYGHE,

Député.

Voir le numéro : 1967 (annexe 28).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre pour le présent projet de loi.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur, qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

INTRODUCTION 5

I. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 9

A. UN BUDGET PERMETTANT LA POURSUITE DE L’EXÉCUTION DU PROGRAMME IMMOBILIER ET LA MISE EN œUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE 9

1. Des crédits en diminution de 23 % en autorisations d’engagement et en augmentation de 10 % en crédits de paiement par rapport à 2009 9

2. La nécessité d’achever la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places et de lancer un nouveau programme de construction 11

a) Des exigences humaines et juridiques renforçant le besoin de nouvelles places de prison 11

b) Une année 2010 marquée par la poursuite des ouvertures de nouveaux établissements et des opérations de réhabilitation 14

3. La poursuite de recrutements importants en vue de l’ouverture des nouveaux établissements et de la mise en œuvre du volet « aménagement de peines » de la loi pénitentiaire 18

a) Un plafond d’autorisations d’emplois en progression 18

b) Des recrutements importants en vue des ouvertures de nouveaux établissements et de la mise en œuvre du volet « aménagement de peines » de la loi pénitentiaire 18

c) La poursuite de la modernisation statutaire des emplois de l’administration pénitentiaire 20

B. LA FORMATION DES PERSONNELS DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 24

1. Un cadre de formation adapté 26

a) Le statut de l’ENAP 26

b) Les conditions d’implantation de l’ENAP 26

c) Le budget de l’ENAP 28

2. Des formations d’une grande qualité 29

a) Des formations de haut niveau pour tous les corps de l’administration pénitentiaire 29

b) L’exemple de la formation sur la prévention du suicide 31

c) Le rôle de promotion sociale de l’ENAP : la classe préparatoire intégrée 32

C. LA MISE EN œUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE : UN DÉFI DE TAILLE À RELEVER POUR L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 35

1. Les droits et devoirs des personnes détenues 35

a) L’obligation d’activité 35

b) Le droit au maintien de la vie privée et familiale 40

c) Le droit d’accès au téléphone 43

2. Le principe de l’encellulement individuel 46

3. Le développement des aménagements de peine 47

a) Le placement sous surveillance électronique 48

b) La nécessité de renforcer les effectifs des SPIP 50

II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 53

A. UN BUDGET DE COHÉRENCE AVEC LE RECENTRAGE DE L’ACTION DE LA PJJ SUR LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS 53

1. La poursuite de la reconcentration des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants 53

2. Un nombre d’ETPT en baisse pour une poursuite de l’optimisation des ressources humaines et une revalorisation des cadres d’emploi des personnels de la PJJ 56

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en diminution par rapport à 2009 56

b) Des mesures statutaires et indemnitaires permettant une revalorisation des cadres d’emploi des personnels de la PJJ 57

B. LA FORMATION DES PERSONNELS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 62

1. Un cadre de formation adapté 64

a) Les conditions d’implantation de l’ENPJJ 64

b) Le statut et l’organisation de l’ENPJJ 65

c) Le budget de l’ENPJJ 67

2. Des formations d’une grande qualité 67

a) Une formation de haut niveau et adaptée aux évolutions des missions de la PJJ 67

b) Le rôle de promotion sociale de l’ENPJJ : la classe préparatoire intégrée 68

C. LA PRISE EN CHARGE ÉDUCATIVE DES MINEURS DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES POUR MINEURS 70

1. Les EPM : une conception et un fonctionnement adaptés à une prise en charge éducative renforcée des mineurs incarcérés 70

a) La conception des EPM 71

b) Le fonctionnement des EPM 72

2. Préparer la sortie des mineurs incarcérés en EPM : un impératif fondamental 73

EXAMEN EN COMMISSION 75

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 105

DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS 107

MESDAMES, MESSIEURS,

La justice et l’exécution des décisions de justice sont, de plus en plus, au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Pour cette raison, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, qui ont, chacune dans leur domaine de compétence, pour mission d’exécuter des décisions de justice sont des institutions essentielles dont le bon fonctionnement est indispensable au sentiment que chaque citoyen doit avoir que la justice est correctement rendue et exécutée dans notre pays.

L’année 2009 restera pour l’administration pénitentiaire comme une année importante, marquée par la discussion et l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, loi longtemps annoncée et attendue, définitivement adoptée par les deux chambres du Parlement le 13 octobre dernier (1). Cette année 2009 a également été marquée pour l’administration pénitentiaire par l’ouverture de plus de 5 000 nouvelles places de détention ainsi que par le renouvellement des marchés de gestion déléguée des établissements pénitentiaires. L’année 2010 sera tout aussi importante. Après le vote de la loi pénitentiaire, viendra le temps de sa mise en œuvre, qui exigera de l’administration pénitentiaire une mutation voire, dans certains domaines, une révolution. Le programme de construction « 13 200 » se rapprochera de sa complète réalisation, avec près de 2 500 nouvelles places qui seront ouvertes au cours de cette année.

L’année 2010 sera pour la protection judiciaire de la jeunesse celle de la continuité dans la poursuite de la profonde mutation amorcée depuis 2008, marquée par deux évolutions majeures : le recentrage de ses missions sur la prise en charge des mineurs délinquants, d’une part, et une profonde réforme de son organisation territoriale, d’autre part. Par ailleurs, 2010 devrait aussi voir débattue une profonde réforme de la justice pénale des mineurs, à la suite de la remise en novembre 2008 du rapport de la commission présidée par le recteur André Varinard. Fort naturellement, la PJJ, avec son expertise et sa connaissance du terrain, jouera un rôle majeur dans l’élaboration et la discussion de cette réforme, annoncée par la garde des Sceaux, Mme Michèle Alliot-Marie, pour l’année à venir.

Ces perspectives importantes pour chacune de ces deux institutions, dont les crédits font l’objet de deux programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse » au sein de la mission « Justice », trouvent leur traduction dans les crédits demandés au titre du projet de loi de finances pour 2010.

Le budget de l’administration pénitentiaire pour 2010 sera un budget d’exécution des autorisations d’engagement votées au cours des années précédentes, principalement pour la construction de nouveaux établissements : cette nature particulière de budget d’exécution explique la diminution de 23,4 % des autorisations d’engagement – qui ne peut ni ne doit être interprétée comme une baisse des crédits attribués à l’administration pénitentiaire – mais surtout l’augmentation de 9,8 % des crédits de paiement par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2009. Ce budget est également marqué par une poursuite des recrutements nécessaires aux ouvertures de nouveaux établissements mais aussi à la mise en œuvre du volet de la loi pénitentiaire consacré aux aménagements de peine, à hauteur de 840 ETPT créés.

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse, bien qu’il apparaisse en baisse de 1 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, constitue en réalité un budget de consolidation de l’action de l’institution en matière de prise en charge des mineurs délinquants et d’optimisation des moyens matériels et humains dédiés à cette mission. L’exercice par les conseils généraux de leur compétence pleine et entière en matière de protection administrative et judiciaire des mineurs en danger et des jeunes majeurs permet à la PJJ de poursuivre le recentrage de son action sur son cœur de métier, la prise en charge des mineurs délinquants. Par ailleurs, la rationalisation de l’organisation administrative de la PJJ permet le non renouvellement de 333 ETPT de postes administratifs, sans porter atteinte à l’exercice des missions de prise en charge des mineurs délinquants, cette dernière action bénéficiant de 298 créations d’emplois.

Poursuivant la démarche engagée dans les avis établis au nom de la commission des Lois lors de l’examen des derniers projets de loi de finances, votre rapporteur a souhaité étudier plus particulièrement deux thèmes liés à l’actualité de chacune des deux administrations.

Le premier de ces thèmes est commun aux deux programmes et concerne la formation, initiale et continue, des personnels de ces deux services publics. Les métiers pénitentiaires et de protection de la jeunesse sont des métiers exigeants sur un plan personnel et professionnel, requérant la mise en œuvre de compétences et de connaissances techniques et juridiques, mais aussi une solide capacité à concilier autorité et dialogue. Ces métiers sont également marqués par d’importantes mutations dans leurs finalités et leurs modalités d’exercice. Ces éléments rendent indispensables la mise en œuvre de formations initiales et continues de qualité, sur lesquelles votre rapporteur a estimé utile d’apporter un éclairage. Les déplacements qu’il a effectués sur les sites de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire à Agen et de l’Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse à Roubaix lui ont permis de recueillir, grâce à la qualité des informations fournies par les responsables des deux écoles, tous les éléments nécessaires à son information sur la question essentielle de la formation des personnels.

Le deuxième thème retenu pour l’administration pénitentiaire concerne la mise en œuvre de la loi pénitentiaire. La loi pénitentiaire sera un défi pour l’administration pénitentiaire, qui aura la responsabilité de la mettre en œuvre et de lui donner sa pleine effectivité. Comment seront mis en œuvre les nouveaux droits reconnus aux personnes détenues ? Comment sera mis en œuvre le principe de l’encellulement individuel ? Quels moyens seront consacrés au développement des aménagements de peine ? Telles sont les principales questions que votre rapporteur étudiera dans le présent avis.

Enfin, conscient de l’importance des activités éducatives pour les mineurs incarcérés dans la perspective de la reprise ou de la poursuite d’une scolarité ou de leur insertion sur le marché du travail, votre rapporteur a estimé nécessaire d’étudier les conditions de la prise en charge éducative des mineurs dans les établissements pénitentiaires pour mineurs.

Les visites qu’il a effectuées dans des établissements pénitentiaires d’époques et de nature juridique différentes – maison d’arrêt de Loos, centre de détention de Loos, maison d’arrêt de Sequedin, établissement pénitentiaire pour mineurs de Quiévrechain, chantier du futur centre pénitentiaire d’Annœullin – ont permis à votre rapporteur de disposer d’éléments de terrain particulièrement utiles à l’étude de ces deux derniers thèmes. Votre rapporteur souligne la particulière implication des personnels qui l’ont reçu, extrêmement désireux de partager leur expérience de professionnels de terrain avec les représentants de la Nation, et adresse ses plus sincères remerciements à l’ensemble des personnels rencontrés pour la qualité des informations communiquées.

*

* *

I. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2010 s’élèvent à 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,7 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 23,4 % en autorisations d’engagement et une augmentation de 9,8 % en crédits de paiement par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2009. Cette baisse des AE et cette hausse des CP traduisent le fait que le budget de l’administration pénitentiaire pour 2010 est un budget permettant la mise à exécution des importantes autorisations d’engagement votées en 2009, destinées au renouvellement des marchés des établissements à gestion déléguée et à la notification des marchés pour les nouveaux établissements qui seront livrés en 2010.

Le périmètre des actions du programme « Administration pénitentiaire » est resté inchangé depuis la modification intervenue lors du PLF pour 2007. Cette stabilité de la structure du programme constitue un élément très positif salué par votre rapporteur, puisqu’elle permet un contrôle parlementaire effectif, même si la modification ou la suppression de certains indicateurs complique certaines comparaisons à partir du seul projet annuel de performances.

Les actions composant le programme « Administration pénitentiaire » sont au nombre de trois :

• l’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les dépenses de personnel pour la garde des détenus et les dépenses d’équipement, représente 69,94 % des autorisations d’engagement du programme, avec un montant de 2,151 milliards d’euros.

• l’action n° 02, intitulée « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les moyens nécessaires à l’accueil et à l’accompagnement des personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes (maintenance et entretien des établissements, réinsertion). Cette action représente 17,26 % des autorisations d’engagement du programme, soit 531 millions d’euros.

• l’action n° 04, « Soutien et formation » vise trois axes prioritaires : la fourniture de moyens pour l’administration générale, le développement du réseau informatique et la formation du personnel. Elle représente 12,80 % des autorisations d’engagement du programme, soit 394 millions d’euros.

Les tableaux ci-après présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur un an.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits consommés en 2008

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits demandés pour 2010

Évolution 2009-2010

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 938

1 850

1 438

2 151

+ 49,58 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

775

698

2 177

531

- 75,61 %

Soutien et formation (Action 04)

376

374

401

394

- 1,75 %

Total

3 089

2 922

4 016

3 076

- 23,41 %

En millions d’euros

EN CRÉDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits consommés en 2008

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits demandés pour 2010

Évolution 2009-2010

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

1 383

1 423

1 411

1 571

+ 11,34 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

646

583

682

771

+ 13,05 %

Soutien et formation (Action 04)

342

363

366

357

- 2,46 %

Total

2 371

2 369

2 459

2 699

+ 9,76 %

En millions d’euros

Le budget de l’administration pénitentiaire pour 2010 apparaît donc, s’agissant des AE, comme en forte baisse de 23,41 %. Pour autant, cette baisse ne doit pas être mal interprétée. En effet, c’est l’action n° 02, qui comprend les crédits nécessaires au fonctionnement des établissements – et notamment des établissements à gestion déléguée dont les marchés ont été renouvelés en 2009, tandis qu’ont été attribués les nouveaux marchés pour les établissements devant ouvrir en 2010 –, qui est en forte baisse entre 2009 et 2010, puisque les AE ouvertes en 2009 s’élevaient à 2,177 milliards d’euros contre 531 millions d’euros en 2010. Cette baisse de 75 % ne doit naturellement pas être interprétée comme une baisse des moyens consacrés à l’administration pénitentiaire et à la construction de nouveaux établissements. Au contraire, elle doit être lue comme la traduction du fait que l’année 2009 était une année où ont été engagées les actions correspondant aux importants investissements immobiliers réalisés par l’administration pénitentiaire avec un calendrier pluriannuel, les années ultérieures permettant l’exécution de ces dépenses également pluriannuelles. L’augmentation de 13,05 % des CP consacrés à l’action n° 02 atteste de ce que le budget pour 2010 constitue bel et bien un budget de continuité et d’exécution des ambitieux programmes immobiliers engagés depuis la loi d’orientation pour la justice de 2002 (2).

Le programme immobilier de construction de nouveaux établissements et de réhabilitation d’établissements existants, engagé depuis 2002, continue d’ailleurs à être mis en œuvre, comme le révèle l’augmentation de 49,58 % des AE et de 11,34 % des CP consacrés à l’action n° 01. Cette action comprend notamment les dépenses d’équipement et d’investissements immobiliers, auxquelles seront consacrés en 2010 près de 890 millions d’euros en AE, pour la conduite des actions dédiées à l’entretien du gros œuvre des établissements pénitentiaires et leur sécurisation, à la poursuite du programme de construction « 13 200 » et du programme de remise à niveau du parc d’établissements en gestion déléguée, au lancement de nouveaux programmes en partenariat public privé (PPP) et à l’opération de réhabilitation de la maison d’arrêt de Paris La Santé.

La LOPJ de 2002, prenant la suite des deux précédents grands programmes de construction d’établissements pénitentiaires décidés en 1986 par M. Albin Chalandon (construction de 13 000 places) et en 1995 par M. Pierre Méhaignerie (création de 4 000 nouvelles places), avait prévu la réalisation d’un grand programme de modernisation du parc immobilier affecté à l’administration pénitentiaire à travers la construction de 13 200 places nouvelles de détention. Ces trois programmes démontrent clairement la détermination des gouvernements successifs d’agir efficacement en faveur de l’amélioration des conditions de détention grâce à des programmes de construction ambitieux, en vue de résoudre deux des maux dont souffrent les établissements pénitentiaires français : la vétusté du parc pénitentiaire et la surpopulation carcérale.

Cette amélioration des conditions de détention apparaît d’autant plus nécessaire que la loi pénitentiaire, définitivement adoptée par les deux chambres du Parlement le 13 octobre dernier, apporte deux éléments juridiques nouveaux qui viennent conforter les exigences humaines rendant nécessaire la construction de nouvelles places de détention. D’une part, l’article 22 dispose que « L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits ». Dans son rapport sur le projet de loi pénitentiaire, M. Jean-Paul Garraud, rapporteur, qui a été à l’origine de l’introduction de cette disposition qui est d’application directe et immédiate, avait souligné que « cette obligation à la charge de l’administration pénitentiaire devra constituer une incitation forte pour celle-ci à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour garantir le respect de la dignité des personnes détenues, notamment en leur proposant des conditions d’hébergement acceptables » (3).

D’autre part, l’article 87 a modifié l’article 716 du code de procédure pénale pour réaffirmer le principe de l’encellulement individuel des prévenus. Cet article dispose que « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle ». Ce principe ne peut recevoir de dérogation que dans trois cas : « si les intéressés en font la demande », « si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls » et « s’ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent ». En outre, les conditions d’encellulement collectif sont strictement définies : « Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées ».

La mise en œuvre de ce principe de l’encellulement individuel fait l’objet d’un délai particulier d’entrée en vigueur après la publication de la loi, l’article 100 prévoyant que « Dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas leur application. Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l’accord du magistrat chargé de l’information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle ». En revanche, l’entrée en vigueur de la disposition prévoyant le principe d’adaptation des cellules au nombre de détenus qui y sont hébergés n’est pas reportée.

Il apparaît donc particulièrement indispensable – non seulement sur un plan humain mais aussi, à compter de l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, sur un plan juridique – que soit pleinement achevé l’actuel programme de construction de 13 200 places, mais aussi que soit engagée sans délai une nouvelle étape dans la construction de nouvelles places de détention. Dans son rapport sur le projet de loi pénitentiaire, M. Jean-Paul Garraud, après avoir rappelé que « selon certaines perspectives prévisibles d’évolution de la population pénale, il pourrait manquer en 2012 – c’est-à-dire après réalisation intégrale du programme 13 200 – près de 6 000 places de détention », avait invité le Gouvernement à amorcer dès aujourd’hui « une réflexion sur le nombre de places de détention nécessaires pour permettre à notre pays d’assurer dans les années à venir aux personnes détenues un hébergement dans des conditions dignes et respectant la règle de l’encellulement individuel » (4).

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Claude d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, a fait état des travaux relatifs au lancement d’un programme de 16 000 nouvelles places de prison, dont 11 000 correspondraient à des ouvertures de nouveaux établissements venant compenser des fermetures de places d’établissements vétustes en nombre équivalent, tandis que 5 000 places correspondraient à des créations nettes. Votre rapporteur ne peut que saluer ces travaux de préparation d’un nouveau programme de construction d’établissements pénitentiaires, qui permettra à notre pays de poursuivre la mise en conformité de ses prisons avec les exigences de dignité et de mettre en adéquation le nombre de places disponibles avec les besoins de notre société.

Lors de son audition, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a fait état de ses préoccupations liées à la taille des établissements, qu’il estime trop grands pour permettre la préservation d’un lien satisfaisant entre les personnes détenues et les personnels de surveillance. Si la réalisation de grands établissements de 500 à 700 places apparaît comme relativement inévitable sur un strict plan de rationalité économique, une solution à ces difficultés de fonctionnement des grands établissements pourrait consister en la création au sein des établissements de plus petites unités dotées d’une certaine autonomie, afin de préserver ou de rétablir un certain lien entre les personnes détenues et les personnels. À cet égard, votre rapporteur s’interroge sur la question de savoir si le modèle de conception des établissements pénitentiaires pour mineurs, composés de 60 places divisées en 5 unités de 10 mineurs chacune pour les garçons, une unité de 4 places pour les filles et une unité de 6 places pour les arrivants, ne pourrait pas être transposé aux établissements pour majeurs, avec les adaptations nécessaires pour tenir compte des effectifs nettement plus conséquents de personnes incarcérées.

Outre la question de la taille des établissements ou, à tout le moins, de leur organisation interne sous forme d’unités de taille réduite, les représentants du syndicat national des cadres pénitentiaires (CFE CGC), MM. Boris Targe, Olivier Calvet et Arnaud Soleranski ont fait part d’interrogations sur les niveaux de sécurité devant prévaloir dans les nouveaux établissements pénitentiaires. Ils ont ainsi indiqué que les conceptions des établissements pénitentiaires aboutissaient à appliquer un niveau uniforme mais élevé de sécurité à l’ensemble des établissements, quel que soit le type de population qui y est accueilli et quelle que soit la dangerosité réelle des détenus, au détriment, parfois, de la possibilité de proposer des activités aux personnes détenues. Votre rapporteur estime donc nécessaire que soit engagée une réflexion, dans le cadre de la conception des futurs établissements du programme de 16 000 nouvelles places, sur les niveaux de sécurité des établissements, et sur la possibilité de limiter strictement la mise en œuvre de contraintes sécuritaires fortes à la part de la population pénale pour laquelle ces contraintes sont réellement justifiées par un risque d’évasion ou d’atteinte à la sécurité des personnes.

Comme l’a souligné M. Claude d’Harcourt, directeur de l’administration pénitentiaire, lors de son audition par votre rapporteur, l’État respecte fidèlement l’ensemble des engagements pris en matière de construction de nouvelles places de détention au titre de la LOPJ de 2002. L’ensemble des places est livré dans les délais prévus, les seuls retards constatés étant imputables à des difficultés techniques mais en aucun cas à des carences de financement.

Le programme 13 200 a donné lieu à cinq lots, qui ont déjà permis en deux années – 2008 et 2009 – la livraison de près des deux tiers des 13 200 places prévues par la LOPJ de 2002. En 2009, ce sont 5 130 nouvelles places qui ont été ou seront ouvertes d’ici à la fin de l’année. En effet, 6 établissements nouveaux sont entrés ou vont entrer en service en 2009 : les centres pénitentiaires de Roanne, Lyon-Corbas, Nancy, Poitiers, la maison d’arrêt de Saint-Denis de la Réunion, ainsi que l’EPM de Meaux-Chauconin (ce dernier étant cependant en cours de transformation en quartier courtes peines). À ces places doivent également être ajoutées les places du quartier courtes peines de Toulouse-Seysses dont l’ouverture est programmée à la fin de l’année 2009. En 2009, le nombre d’ouvertures nettes de places aura été, compte tenu de la fermeture de 1 646 places d’établissements vétustes et inadaptés et de la poursuite du programme d’accroissement des capacités, de 4 588 places. En 2010, le nombre d’ouvertures de nouvelles places sera de 2 470.

Le premier des cinq lots a été réalisé en maîtrise d’ouvrage publique selon la procédure de conception-réalisation, et comprend trois centres pénitentiaires de 690 places, implantés sur les communes de Bourg-en-Bresse, Rennes et Mont-de-Marsan. L’établissement de Mont-de-Marsan a été mis en service en septembre 2008. Les mises en service des établissements de Bourg-en-Bresse et Rennes sont respectivement prévues en février et mars 2010. Le coût de la construction de ces trois établissements est estimé à 210,8 millions d’euros. Dans ce même cadre, la réalisation d’une maison d’arrêt à Rodez (100 places) est envisagée en délégation de maîtrise d’ouvrage à la communauté d’agglomération.

Trois autres lots sont réalisés en maîtrise d’ouvrage privée :

—  Le premier est réalisé selon la procédure AOT-LOA ouverte par la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI). Il est constitué des centres pénitentiaires de Béziers (810 places) et Nancy (690 places), du centre de détention de Roanne (600) et de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas (690 places) L’établissement de Roanne a été mis en service en janvier 2009, celui de Lyon-Corbas en mai 2009 et celui de Nancy en juin 2009. La mise en service du centre pénitentiaire de Béziers est prévue en novembre 2009. La mise en service des trois premiers établissements du lot entraîne le paiement de 24,165 millions d’euros de loyers en 2009.

—  Le deuxième lot conduit selon cette même procédure d’AOT-LOA comprend la réalisation des centres pénitentiaires de Poitiers (560 places), le Havre (690 places) et le Mans (400 places). La mise en service de du centre pénitentiaire de Poitiers est intervenue au début du mois d’octobre 2009, celles du Mans et du Havre étant respectivement prévues pour janvier et avril 2010. La mise à disposition de ces établissements va entrainer la mise en paiement des premiers loyers pour un montant budgété à 7,136 millions d’euros en 2009.

—  Le troisième lot, réalisé en partenariat public privé, comprend la construction d’un centre pénitentiaire à Annœullin (688 places à proximité de Lille), une maison d’arrêt à Nantes (570 places) et un établissement à Réau en Ile-de-France (798 places). Les travaux ont commencé en janvier 2009 pour l’établissement d’Annœullin et en avril 2009 pour celui de Réau. Les travaux de l’établissement de Nantes sont suspendus dans l’attente de la dépollution pyrotechnique du terrain par le ministère de la défense. Les ouvertures sont prévues en juin 2011 pour Annœullin, octobre 2011 pour Réau et mai 2012 pour Nantes.

Le dernier lot concerne 1 600 places de détention que la LOPJ a prévu de créer dans les départements et collectivités d’outre-mer. Le nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion (574 places) a été mis en service en décembre 2008. Cinq autres projets sont en cours d’études préalables. Il s’agit de projets d’extension ou de réhabilitation sur les domaines existants des établissements de Mayotte (177 places), de Martinique (160 places), de Guyane (160 places), de Baie-Mahault (250 places) et de Basse-Terre (70 places).

La réalisation de la dernière phase du programme de construction 13 200 consiste, d’une part, dans la réalisation de deux maisons centrales de 220 places chacune, et, d’autre part, dans la réalisation de places spécialisées. S’agissant des deux maisons centrales, elles seront situées à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe. Les candidats sont à ce jour retenus pour l’analyse du programme, la livraison du premier site étant prévue pour le premier semestre 2012.

Quant au programme de création de places spécialisées, il repose sur la création de « quartiers nouveau concept » (QNC) et de places de semi-liberté ou en centre pour peines aménagées :

●  Les quartiers nouveau concept résultent des dispositions de la LOPJ de 2002, qui avait prévu de réserver 2 000 places pour la création de structures basées sur un concept innovant, celui de quartiers spécifiques dédiés aux courtes peines faisant partie intégrante des maisons d’arrêt. Ce nouveau dispositif concerne exclusivement les condamnés à des peines inférieures ou égales à un an, ce qui exclut les condamnés à de plus longues peines dont le reliquat serait supérieur à un an. Les deux premiers sites pour ces quartiers courtes peines (QCP) choisis ont été Toulouse-Seysses, dont les 60 places ont été livrées en mai 2009, et Nantes, au sein du nouveau centre pénitentiaire, prévu pour 2012.

Par ailleurs, l’EPM de Meaux-Chauconin, livré en mai 2009, est en cours de transformation en QCP. Votre rapporteur ne peut que s’interroger sur la qualité des études préalables ayant conduit à la création d’un EPM jugé finalement inutile au moment même de sa mise en service et sur le surcoût engendré par cette transformation. Afin de poursuivre le programme et de réaliser les 2 000 places prévues, une enquête relative aux besoins en places de QNC a été établie, à la fois en recherchant des emplacements pour des constructions à venir (à proximité de Lorient, Grasse, Perpignan, Strasbourg, Dijon, Nanterre, Maubeuge, Gagny et Mulhouse) mais aussi en réalisant des études de faisabilité sur des établissements existants (à Valence, Bonneville, Saint Quentin Fallavier, Chambéry, Brest, Toulon, Varennes Le Grand, Longuenesse, Laon, Béziers et Fleury-Mérogis).

Au sein de la maison d’arrêt de Loos que votre rapporteur a visitée le 22 octobre dernier, l’ancien quartier des femmes – désormais transféré à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin – a été reconverti en « quartier sortants ». Destiné aux détenus ayant un reliquat de peine à subir inférieur à 6 mois, il permettra à la personne détenue de préparer sa sortie dans des conditions facilitées, dans le cadre de partenariats avec Pôle emploi et des associations. Fondée sur un engagement du détenu à respecter les règles spécifiques du quartier sortants, l’affectation du détenu dans ce quartier lui permettra de bénéficier d’une assistance renforcée en vue de la recherche d’un emploi, par le biais d’ateliers informatiques et de rédaction de curriculum vitae notamment. Le quartier sortants aura aussi pour but de rapprocher la vie en détention de la vie en liberté, par la mise à disposition d’une cuisine commune dans laquelle les détenus pourront préparer et prendre leurs repas, ainsi que par des parloirs plus conviviaux et allongés. Votre rapporteur ne peut que saluer l’initiative de ce quartier, et souhaiter que l’entrée en fonction de ce quartier, actuellement maintenu vide pour permettre son utilisation en cas de développement de la pandémie grippale dans les établissements pénitentiaires, puisse avoir lieu dans les meilleurs délais.

●  S’agissant des centres de semi-liberté (CSL), l’ouverture de 3 nouveaux centres est prévue au 4ème trimestre 2010 à Gradignan (80 places), Aix-en-Provence (80 places) et Avignon (50 places). Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l’augmentation du nombre de places de semi-liberté en quartiers autonomes, que la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale avait, en 2007, appelé de ses vœux : « le développement des places de semi-liberté devrait se faire de préférence au sein des centres de semi-liberté (CSL) autonomes plutôt que dans des quartiers de semi-liberté (QSL) inclus dans le périmètre des établissements pénitentiaires. (…) Sur le plan du fonctionnement, les CSL ont (…) des avantages certains par rapport aux QSL. Tout d’abord, ils sont généralement situés en centre ville ou à proximité immédiate, et bien desservis par les réseaux de transports en commun, ce qui constitue un atout indéniable pour permettre au semi-libéré de se rendre facilement sur son lieu de travail ou de formation. (…) Ensuite, la plupart des CSL sont ouverts 24 heures sur 24, ce qui ouvre aux semi-libérés un champ d’activités professionnelles plus large que s’ils effectuent leur peine en QSL, dans lesquels les contraintes de sécurité ne permettent pas une telle souplesse dans les horaires d’ouverture » (5).

Votre rapporteur se félicite qu’une partie du retard dans la réalisation de places spécialisées, que Mme Michèle Tabarot en sa qualité de rapporteure pour avis des crédits de l’administration pénitentiaire avait mis en évidence en 2008 (6), ait été rattrapée en 2009. Ainsi, 292 places de CSL et de QSL ont été créées en 2009, alors que 242 seulement étaient initialement prévues. Toutefois, l’ensemble des places spécialisées créées n’ont représenté en 2009 que 6,3 % des 7 522 places créées, alors qu’un objectif de 10,75 % avait été fixé par le projet annuel de performances pour 2009. Votre rapporteur estime donc indispensable que l’objectif de 10,5 % de places spécialisées en 2010 et de 17,75 % en 2011 soit scrupuleusement respecté, afin de permettre la mise en œuvre effective de l’important développement des aménagements de peine permis par la loi pénitentiaire.

Enfin, la construction de « quartiers arrivants » se poursuit également, conformément à l’engagement de l’administration pénitentiaire de porter une attention particulière à cette phase particulièrement importante et délicate de l’incarcération qu’est l’entrée en détention. En effet, cette phase de l’entrée en détention est essentielle tant sur le plan de la protection de l’intégrité physique de la personne incarcérée que sur celui de son orientation et du projet d’exécution de peine qui pourra être mis en place à partir de cette phase d’accueil. Lors de sa visite du chantier du futur centre pénitentiaire d’Annœullin, votre rapporteur s’est vu présenter la configuration de ce centre pénitentiaire, qui comprendra – outre deux quartiers « centre de détention » de 210 places chacun, un quartier « maison d’arrêt » de 150 places et un « quartier longues peines » de 30 places – un « quartier arrivants » de 50 places. Ce dimensionnement important (près de 10 % de la capacité totale de l’établissement), que ne peuvent pas toujours avoir les quartiers arrivants des établissements plus anciens qui n’avaient pas intégré cette phase d’accueil dans leur conception, apparaît pleinement adapté à la nécessité de prendre le temps nécessaire (6 à 10 jours) pour réaliser avec toute la qualité nécessaire l’évaluation pluridisciplinaire qui permettra d’orienter le détenu en détention et de définir son projet d’exécution de peine.

Le plafond d’autorisation d’emplois de l’administration pénitentiaire prévu par la loi de finances pour 2010 est de 33 860 ETPT, contre 33 020 en 2009, soit 840 ETPT supplémentaires. Ce plafond se décline de la manière suivante :

Par action

Action 01 : garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

24 190

Action 02 : accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

6 415

Action 03 : Soutien et formation

3 255

Total du programme

33 860

Par catégorie d’emploi

 

Plafond autorisé
pour 2009

Demandés
pour 2010

Variation 2009/2010

Magistrats

17

17

0

Personnel d’encadrement

1 324

1 345

+ 21

B métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif

3 828

3 976

+ 148

B administratifs et techniques

991

997

+ 6

Personnels de surveillance C

23 931

24 596

+ 665

C administratifs et techniques

2 929

2 929

0

Total

33 020

33 860

+ 840

Les ouvertures de nouveaux établissements et les créations de places dans le cadre du programme d’accroissement des capacités ont nécessité la création de plus de 10 000 emplois entre 2003 et 2009. En dépit des difficultés de recrutement de certaines catégories d’emplois, essentiellement celle des surveillants compte tenu de la difficulté des fonctions exercées, l’administration pénitentiaire parvient à conjuguer efficacité des recrutements et mise en œuvre de formations de qualité. Votre rapporteur ayant estimé nécessaire de consacrer des développements particuliers à cette question de la formation des agents pénitentiaires, il renverra sur cette question aux éléments développés ultérieurement dans le présent avis.

Deux catégories d’emploi verront en 2010 leurs effectifs augmenter de façon significative. Il s’agira tout d’abord de la catégorie des surveillants pénitentiaires, pour laquelle le projet de loi de finances pour 2010 prévoit 665 ETPT supplémentaires, qui permettront la mise en service des nouveaux établissements dont le calendrier d’ouverture a été détaillé précédemment. Venant après une hausse de 775 ETPT en 2009, cette hausse de 665 ETPT en 2010 traduit parfaitement l’engagement et la détermination du Gouvernement à mener à bien le programme d’ouvertures de nouvelles places de détention et à assurer dans chaque établissement un niveau d’encadrement permettant aux personnels pénitentiaires d’exercer leur difficile métier dans de bonnes conditions.

La deuxième catégorie connaissant une évolution importante de ses effectifs est celle des métiers du greffe et de l’insertion. Si l’augmentation des effectifs de greffe est – comme celle des personnels de surveillance – liée aux ouvertures de nouveaux établissements, l’augmentation des personnels d’insertion a pour objet de rendre possible la mise en œuvre du volet consacré aux aménagements de peine de la loi pénitentiaire. Deux mesures issues de cette loi appellent l’attention, car leur mise en œuvre nécessitera un important renforcement des effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Il s’agit de la possibilité d’aménager ab initio les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans (contre un an actuellement), prévue par les articles 132-24 du code pénal et 723-15 du code de procédure pénale dans leurs rédactions issues de la loi pénitentiaire, d’une part, et de la règle selon laquelle les quatre derniers mois de toute peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans doivent en principe être exécutés sous le régime du placement sous surveillance électronique (PSE), en application de la nouvelle rédaction de l’article 723-28 du code de procédure pénale, d’autre part.

Comme l’avait souligné le rapporteur du projet de loi pénitentiaire à l’Assemblée nationale, M. Jean-Paul Garraud, « de très importants recrutements ont été réalisés entre 2002 et 2007 pour renforcer les SPIP. Le total des effectifs d’insertion et de probation est ainsi passé de 2 101 à 3 050 agents, tous grades confondus, représentant 2 885 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cette augmentation, qui était tout à fait indispensable, n’a toutefois pas permis aux SPIP de disposer de davantage de temps pour le suivi de chaque mesure qui leur est confiée ni à chaque agent des SPIP de voir le nombre de mesures dont il est saisi baisser significativement. En effet, l’augmentation du nombre de mesures de milieu ouvert, passé de 125 000 en 2005 à 146 000 en 2007, les moyens consacrés à la préparation des projets d’insertion et d’aménagement de peine en milieu fermé, l’exécution d’un nombre considérable de mesures en attente ainsi que les nouvelles tâches confiées aux SPIP ont absorbé l’essentiel des nouveaux moyens qui leur ont été alloués, sans permettre d’améliorer ni les conditions de travail des agents ni la qualité du suivi mis en place ». Ayant rappelé qu’« un simple placement sous PSE sans accompagnement ou des aménagements octroyés sans réel effort de réinsertion ne permettront pas de prévenir efficacement la récidive », il avait en conséquence appelé à un renforcement significatif des moyens des SPIP (7), que votre rapporteur ne peut naturellement que soutenir.

La direction de l’administration pénitentiaire a fait savoir à votre rapporteur qu’elle envisageait une montée en puissance des effectifs des SPIP (tous corps et filières confondus) permettant la prise en charge de 6 000 mesures de mise sous PSE à la fin de 2010, à raison de 80 emplois nécessaires pour assurer le traitement et le suivi de 1 000 personnes sous PSE et pour un objectif de 12 000 placements sous PSE réalisés à fin 2012. Cependant, le nombre global de mesures de milieu ouvert a déjà considérablement augmenté depuis 2008 et devrait encore augmenter du fait de la possibilité d’aménager ab initio les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans : selon les informations communiquées à votre rapporteur, au 1er janvier 2009, les 103 SPIP avaient en charge 159 232 personnes astreintes à une mesure en milieu ouvert (contre 148 077 au 1er janvier 2008, soit une augmentation de 7,5 %).

Compte tenu de cette forte augmentation des mesures de milieu ouvert, l’on peut s’interroger sur le caractère suffisant de l’augmentation des effectifs de SPIP prévue par l’administration pénitentiaire (262 créations de postes en 2010 et 80 en 2011), calculée principalement en fonction de l’augmentation prévue du nombre de PSE. Votre rapporteur se montrera vigilant dans le cadre de l’exécution budgétaire et des futurs projets de loi de finances sur l’éventuelle nécessité d’accroître cet effort de recrutement des personnels d’insertion et de probation pour permettre la mise en œuvre effective et efficace de la partie de la loi pénitentiaire consacrée aux aménagements de peine.

Compte tenu de l’évolution des métiers pénitentiaires, plusieurs réformes statutaires et indemnitaires importantes ont été mises en œuvre ou poursuivies en 2009, tandis que de nouvelles réformes – liées notamment à la mise en œuvre de la loi pénitentiaire – sont en projet pour les personnels d’insertion et de probation.

• Les réformes statutaires et indemnitaires intervenues en 2009

—  L’extension de l’indemnité de fonction et d’objectif aux directeurs techniques et aux techniciens

La réforme mise en œuvre a permis de passer d’une logique statutaire dans le versement du régime indemnitaire à une logique reposant sur les fonctions et responsabilités exercées ainsi que sur la manière de servir des fonctionnaires d’encadrement supérieur de l’administration pénitentiaire. L’indemnité de fonctions et d’objectifs (IFO) est affectée d’un coefficient de modulation compris entre 1 et 8 pour les directeurs techniques et pour les techniciens (entre 1 et 4 lorsque ces fonctionnaires sont logés).

Pour les directeurs techniques, compte tenu de leur niveau de recrutement et des responsabilités qu’ils exercent, les montants de références varient de 2 800 à 3 900 euros annuels. S’agissant des techniciens, les montants de références de l’IFO proposés varient de 900 à 2 500 euros annuels.

—  La revalorisation du régime indemnitaire lié au travail de nuit et des dimanches et jours féries des personnels de surveillance

À la suite de la signature d’un protocole d’accord négocié avec les représentants du personnel de surveillance, le décret revalorisant en trois phases annuelles l’indemnité de surveillance de nuit et l’indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés est entré en vigueur le 1er août 2008. Ainsi, l’indemnité de surveillance de nuit (exercice des fonctions entre 21 heures et 6 heures et pendant une durée au moins égale à six heures consécutives) a été portée à 17 euros pour 2008 et 2009. Par ailleurs, l’indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés (exercice des fonctions d’au moins six heures de travail consécutif) fixée pour 2008 à 23 euros a été revalorisée à compter du 1er août 2009 à 24 euros. Cette indemnité est majorée d’un montant de 2,64 euros par heure, au-delà de la huitième heure.

• Les réformes statutaires et indemnitaires envisagées en 2010

—  La réorganisation des SPIP et ses conséquences sur le statut des personnels d’insertion et de probation

Les SPIP ont connu depuis leur création une extension considérable du champ de leur mission et une modification qualitative et quantitative de leur intervention. Cet accroissement a pesé fortement sur les conseillers d’insertion et de probation (CIP) qui ont exprimé en 2008 un certain malaise par les SPIP, auxquelles deux missions d’expertise nommées par la direction de l’administration pénitentiaire ont cherché à apporter des réponses adaptées. Suite à ces analyses, le directeur de l’administration pénitentiaire a présenté le 20 octobre 2008 quatre grandes orientations : tout d’abord, le métier de CIP doit être défini comme un métier spécifique, doté d’un statut revalorisé et évolutif assorti d’une formation adaptée à leur cœur de métier ; ensuite, les SPIP doivent être reconnus comme des structures pénitentiaires à part entière, aussi importantes que les établissements pénitentiaires, leur organisation devant être repensée et harmonisée ; en troisième lieu, les fonctions de direction des SPIP doivent être revues, en tenant compte de l’importance des postes occupés ; enfin, les SPIP doivent être dotés de moyens de fonctionnement rénovés et renforcés.

La mise en œuvre de ces orientations implique une réforme profonde des SPIP et présente cinq enjeux majeurs pour l’institution. Premièrement, elle doit permettre de renforcer l’impact de l’action de ces services, en structurant les politiques relatives à l’insertion et la probation, les modes de prise en charge et les compétences à mobiliser et en configurant leur organisation autour des besoins des personnes placées sous main de justice. Deuxièmement, elle doit renforcer la lisibilité de l’action des SPIP aux yeux des acteurs et partenaires de la lutte contre la récidive en définissant mieux les résultats de l’action et en les évaluant. Troisièmement, les acteurs de l’insertion et de la probation doivent être professionnalisés dans le cadre de parcours lisibles et motivants. Quatrièmement, la filière doit être en capacité d’absorber, sur un plan opérationnel, la montée en puissance quantitative et qualitative du placement sous surveillance électronique. Cinquièmement, les besoins en effectifs doivent être évalués, sur la base de critères rationnels et cohérents, pour être mieux armés dans les échanges avec les autorités administratives.

Le processus de réforme a permis de dégager les principes d’une nouvelle organisation des SPIP. Celle-ci repose sur une différenciation des modes de prise en charge en lien avec un recentrage des CIP sur leur cœur de métier. Ce dernier est clairement placé sur le champ pénal dans un objectif de prévention de la récidive, par une action sur le passage à l’acte et une implication dans l’aménagement des courtes peines. Ce recentrage des missions des CIP a pour corollaire l’introduction de la pluridisciplinarité dans les SPIP.

De plus, des principes organisationnels sont déterminés permettant de prendre en compte les modes de prise en charge adaptés aux besoins de la personne placée sous main de justice et intégrant les fonctions transversales susceptibles de renforcer l’efficacité de l’action du service. Ce modèle a été conçu pour être modulable et s’adapter aux réalités territoriales et au flux de personnes placées sous main de justice (PPSMJ) de chaque SPIP. Une expérimentation du nouveau modèle organisationnel est en cours dans 11 SPIP. Le calendrier de mise en œuvre est progressif afin de ne pas déstabiliser les services déjà fortement sous tension. Ce chantier pour la nouvelle organisation des SPIP est prévu sur la période 2009-2011.

Les conséquences sur le statut des personnels de la filière insertion et probation sont triples. D’une part, la direction de l’administration pénitentiaire élabore actuellement un projet de statut d’emploi des directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (DSPIP), qui permettrait la mise en place d’un statut d’emploi type limité fonctionnellement et géographiquement aux SPIP les plus importants et aux postes à fortes responsabilités. Les postes de responsabilités moins lourdes resteraient dans l’échelonnement indiciaire du statut d’emploi actuel. Le statut d’emploi des directeurs fonctionnels d’insertion et de probation serait donc organisé en 3 groupes : un premier groupe comprenant 15 postes d’emplois des directeurs des circonscriptions les plus importantes ou des fonctions en direction interrégionale ou en administration centrale ; un deuxième groupe comprenant 23 postes d’emplois des directeurs des circonscriptions les plus importantes ; enfin, un troisème groupe regroupant les autres postes. Cette réforme statutaire s’accompagnera d’un volet indemnitaire qui aboutira à la suppression de l’indemnité de responsabilité et étendra le régime de l’indemnité de fonctions et d’objectifs aux agents placés dans ce statut d’emploi.

D’autre part, un projet de réforme du statut du corps des directeurs d’insertion et de probation (DIP) est également à l’étude. Le corps de catégorie A comprend actuellement 202 fonctionnaires (détachements dans le statut d’emploi de DSPIP compris). Le projet prévoit une répartition nouvelle du nombre d’emplois entre les concours externe et interne à hauteur de 50 % pour chacun d’entre eux contre 60 % et 40 % dans le statut actuel. Cette modification est complétée par une disposition permettant aux CIP de bénéficier d’une voie d’accès professionnelle réservée au corps des DIP. De plus, l’accès au grade d’avancement reposera – outre la voie du choix – sur un examen professionnel fondé sur la reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle. Le projet se propose, pour une période transitoire de 5 ans, d’intégrer progressivement les chefs des services d’insertion et de probation (CSIP) dans le corps des DIP.

Enfin, est également envisagée une réforme du statut du corps des conseillers d’insertion et de probation (CIP). Le corps des CIP est aujourd’hui exactement aligné sur celui des assistants de service social. Cette quasi-assimilation fonctionnelle et indiciaire présente un double inconvénient : d’une part, elle interdit toute modification de la grille indiciaire des seuls CIP ; d’autre part, elle ne correspond plus à la logique fonctionnelle actuelle et future de ces professionnels. Le projet actuel promeut une spécificité des métiers de l’insertion et de la probation nettement orientés vers le champ pénal et la criminologie et visant la prévention de la récidive. Ainsi, la distinction avec la filière sociale apparaîtra plus clairement, l’inscription des personnels dans la filière de sécurité pouvant être associée à un dispositif de surindiciarisation à l’instar de celui dont bénéficient les officiers pénitentiaires.

—  L’extension aux personnels de l’école nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) de l’indemnité de fonction et d’objectif et de l’indemnité pour charges pénitentiaires

Dans le cadre du processus de rationalisation du régime indemnitaire des personnels de l’administration pénitentiaire mené depuis 2007, il est envisagé d’étendre le bénéfice de l’indemnité de fonction et d’objectif (IFO) et de l’indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) aux personnels relevant de la direction de l’administration pénitentiaire affectés à l’ENAP.

En effet, afin de disposer d’un système harmonisé et transparent de primes pour l’ensemble des personnels relevant de l’administration pénitentiaire et d’éviter de multiplier le nombre de primes spécifiques, le ministère de la fonction publique a demandé à ce que soient utilisés les vecteurs indemnitaires existants. En conséquence, il est prévu de procéder à l’extension de ces primes aux agents exerçant au sein de l’ENAP.

Le niveau indemnitaire décidé pour ces personnels serait inférieur à celui attribué pour ceux exerçant au sein des établissements où les contraintes et sujétions sont plus lourdes. Cependant, en ne créant pas de primes nouvelles pour cette structure, l’ensemble des personnels disposent du même système indemnitaire et ont ainsi une meilleure lisibilité du dispositif. Cette harmonisation du système des primes permet notamment aux agents de constater que les postes les plus difficiles ou aux sujétions les plus importantes bénéficient d’une valorisation indemnitaire en conséquence.

La formation professionnelle des personnels est une condition essentielle de la qualité d’intervention des services de l’État. Cela est d’autant plus vrai lorsque les missions assignées à ces services et à ces personnels revêtent une difficulté particulière, comme c’est le cas des missions du service public pénitentiaire. Les métiers des agents pénitentiaires présentent la caractéristique d’être non seulement particulièrement exigeants – en raison des publics pris en charge et du cadre géographique d’exercice des fonctions pour les agents intervenant en milieu fermé – mais également soumis à une évolution à la fois rapide et fondamentale. Les missions des personnels pénitentiaires ont ainsi considérablement évolué au cours des dernières années : s’agissant des personnels de surveillance, les conditions d’exercice dans des établissements anciens n’ont plus que de lointains rapports avec celles prévalant dans les derniers établissements du programme 13 200 ; quant aux missions des personnels d’insertion et de probation, elles ont évolué d’un rôle proche de celui des assistants sociaux à un rôle de prévention de la récidive centré sur le passage à l’acte et sur les moyens de prévenir la commission de nouvelles infractions. La mise en œuvre des RPE ainsi que, dans les mois à venir, celle de la loi pénitentiaire, exigeront également des personnels de profondes évolutions dans leurs manières de travailler et constitueront un défi de taille pour l’administration pénitentiaire, que seule une formation initiale et continue de grande qualité permettra de relever.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentantes du SNEPAP-FSU, Mmes Sophie Desbruyères et Charlotte Cloarec, ont fait part de leur souhait que la délivrance de formations de qualité et le respect des obligations réglementaires en matière de formation continue puissent figurer dans les années à venir parmi les objectifs assignés à l’administration pénitentiaire par le projet annuel de performances, avec des indicateurs permettant d’évaluer cette activité de formation tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Conscient de l’importance de la formation professionnelle initiale et continue des personnels pénitentiaires pour les raisons précédemment décrites, votre rapporteur soutient cette demande et demande à l’administration pénitentiaire d’étudier pour le projet de loi de finances pour 2011 les indicateurs pertinents qui permettraient de fixer des objectifs en matière de formation.

Tirant la conséquence de cette exigence de formation et d’adaptation des personnels pénitentiaires, l’article 15 de la loi pénitentiaire a consacré l’obligation de formation professionnelle initiale et continue des personnels pénitentiaires : « Les personnels de l’administration pénitentiaire sont tenus de suivre une formation initiale et continue adaptée à la nature et à l’évolution de leurs missions. Ils participent, à leur demande ou à celle de l’administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l’École nationale de l’administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation ».

La formation ne doit pas être entendue uniquement au sens de formation initiale : si la formation initiale constitue la porte d’entrée dans les fonctions professionnelles et doit recevoir la plus grande attention eu égard aux bonnes pratiques professionnelles qu’elle doit permettre d’assimiler dès le début de la carrière, la formation continue revêt une importance au moins aussi grande, afin de permettre aux personnels de maintenir à niveau leurs connaissances et pratiques professionnelles, dans un contexte marqué par une double évolution des publics pénitentiaires et des missions du service public pénitentiaire.

L’acteur principal de la formation des personnels de l’administration pénitentiaire est l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), implantée depuis 2000 à Agen, que votre rapporteur a visitée le 19 octobre dernier. Cependant, en matière de formation professionnelle continue, les services déconcentrés, par l’intermédiaire des directions interrégionales des services pénitentiaires, sont également acteurs de la formation, en partenariat avec l’ENAP, qui n’assure directement que les formations continues à destination des publics spécifiques (directeurs accédant aux fonctions de chef d’établissement, personnels des équipes régionales d’intervention et de sécurité, formateurs, etc.)

Les effectifs formés par l’ENAP au cours des dix dernières années ont connu une forte progression, du fait des augmentations d’effectifs qu’a connu l’administration pénitentiaire pour permettre la mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires du programme « 13 200 » mais aussi pour porter le nombre de personnels d’insertion et de probation de 2 000 à 3 000 entre 2002 et 2007. Ainsi, les effectifs globaux en formation initiale sont passés de 3 050 en 1999 à 3 517 en 2008. Les effectifs de stagiaires au titre de la formation continue ont aussi augmenté de manière conséquente : de 550 en 1999, ils sont passés à 3 493 en 2008. En 2009, l’école devrait avoir assuré la formation initiale et la formation d’adaptation de plus de 8 920 agents, dont 4 070 élèves en formation initiale et 4 850 en formation continue.

Cette augmentation importante des effectifs formés, indispensable pour permettre l’adaptation du service public pénitentiaire aux nouveaux besoins, a été rendue possible grâce au cadre de formation adapté que constitue l’ENAP, qui parvient à faire face à cette montée en charge en proposant des formations d’une grande qualité.

Le cadre de la formation des personnels pénitentiaires, dont l’acteur principal est l’ENAP, ce qui n’exclut pas l’intervention des directions interrégionales dans le domaine de la formation continue, apparaît adapté tant en ce qui concerne le statut de l’ENAP et ses conditions d’implantation que s’agissant de son budget.

L’École nationale d’administration pénitentiaire est un établissement public administratif, rattaché au ministère de la justice et relevant de la direction de l’administration pénitentiaire. De ce fait, elle est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle est le seul établissement de formation initiale (c’est-à-dire dispensée après réussite au concours choisi) pour tous les personnels pénitentiaires (personnels de surveillance, de direction, d’insertion et de probation, personnels administratifs et techniques). Elle assure également la formation continue des cadres, des acteurs de formation et des différents « spécialistes ». L’ENAP est administrée par un conseil d’administration et dirigée par un directeur qui est nommé par décret sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la justice, pour une durée de trois ans renouvelable.

Ce statut apparaît particulièrement adapté pour une école de service public assurant la formation d’un nombre aussi élevé d’agents, en ce qu’il permet à l’ENAP de disposer de l’autonomie nécessaire à une adaptation constante de sa pédagogie aux évolutions des métiers pénitentiaires ainsi qu’à une gestion efficace. Cette autonomie lui permet notamment, lorsque les locaux de formation et notamment son amphithéâtre ou les locaux d’hébergement ne sont pas occupés par les stagiaires dans le cadre des formations dispensées aux agents pénitentiaires, de louer ces locaux et d’en retirer des recettes, qui se sont élevées à 30 000 euros en 2008.

D’abord nommée EFPAP (École de formation des personnels de l’administration pénitentiaire), installée dans des Villages Vacances Famille en Alsace (à Albé, puis à Obernai), l’école devient ensuite l’EAP (École d’administration pénitentiaire) en occupant à partir de 1965 des locaux d’un ancien centre de jeunes détenus construit sur le site de Plessis-le-Comte, à Fleury-Mérogis, dans l’Essonne. Elle est enfin rebaptisée ENAP (École nationale d’administration pénitentiaire) suite à un arrêté du 20 juillet 1977 régissant l’organisation et le fonctionnement de l’établissement.

Le 20 septembre 1994, le comité interministériel pour l’aménagement du territoire (CIAT) a décidé la délocalisation de l’école à Agen. Si certains peuvent parfois regretter le difficile accès à l’école du fait de sa localisation excentrée et de l’insuffisance des liaisons ferroviaires et aériennes, la délocalisation de l’école apparaît parfaitement conforme aux objectifs ayant présidé aux décisions de décentralisation des écoles de la fonction publique.

Cette mutation géographique, qui s’était inscrite dans un contexte général de modernisation du service public pénitentiaire, s’est accompagnée d’une réorganisation structurelle et pédagogique de l’ENAP mise en œuvre à partir de 1999. L’école a été conçue sous la forme d’un campus ouvert, doté d’une zone administrative, d’une zone dédiée aux enseignements (comprenant deux amphithéâtres, des salles de cours, des installations sportives et un pas de tir), de trois villages d’hébergement ainsi que de nombreux espaces verts et d’espaces dédiés au sport – utilisés dans le cadre de la formation professionnelle mais également accessibles dans le cadre d’une pratique de loisir par le biais d’associations – et à la culture. Les villages d’hébergement sont la propriété de l’Office de l’habitat d’Agen, qui les loue à l’ENAP dans le cadre d’un bail d’une durée de 25 ans. La qualité et la cohérence architecturales de l’ensemble, constatées par votre rapporteur lors de sa visite, confèrent à l’ENAP toutes les qualités requises pour assurer d’excellentes conditions matérielles mais aussi psychologiques pour les élèves dans le cadre des formations dispensées à Agen.

Conçu initialement pour accueillir 820 élèves, le site de l’ENAP a dû progressivement adapter ses capacités à l’augmentation du nombre de ses élèves, tant sur le plan pédagogique que sur le plan des capacités d’hébergement. Ainsi, l’ENAP a dû porter sa capacité d’accueil, depuis janvier 2005, de 820 à 1 200 places, avec notamment la construction d’un nouvel amphithéâtre, de salles de cours supplémentaires, d’une extension de la zone administrative et d’une nouvelle zone réservée aux enseignements sportifs. S’agissant de l’hébergement des stagiaires, un certain nombre d’élèves sont hébergés dans des structures hôtelières de la ville, ce qui a un coût non négligeable pour l’école, tandis que plus de 100 chambres des villages d’hébergement ont dû être « doublées », et accueillent deux élèves alors qu’elles sont conçues pour une personne. Une nouvelle série de chambres doit faire l’objet du même doublement pour permettre l’accueil des prochaines promotions qui seront formées dans les mois à venir. Ces conditions d’hébergement – quelque peu dégradées même si elles restent largement acceptables pour les périodes courtes au cours desquelles les élèves sont accueillis sur le site de l’ENAP – sont regrettables, en ce qu’elles sont susceptibles de nuire aux conditions d’études des élèves suivant une formation à l’ENAP mais aussi à l’image de l’école.

Un temps envisagé par l’école, la construction d’un quatrième village d’hébergement avait été abandonnée en 2006, en se fondant sur des prévisions de retour des niveaux de recrutement à la moyenne de 800 élèves accueillis sur le site en même temps. La poursuite de recrutements importants, qui va vraisemblablement durer encore plusieurs années compte tenu des nouveaux programmes d’ouvertures d’établissements qui vont être mis en œuvre, va placer l’ENAP dans l’obligation de trouver des solutions durables pour assurer les meilleures conditions de formation et d’hébergement à ses élèves et stagiaires.

Deux solutions pouvant être mises en œuvre simultanément pourraient permettre de réduire la saturation dont souffre actuellement l’École. D’une part, en vue de réduire le nombre des élèves accueillis à Agen en formation continue tout en assurant les formations spécialisées dont ont besoin les agents pénitentiaires pourrait consister à développer la complémentarité avec d’autres écoles du service public, et particulièrement avec les écoles de la justice. Ainsi, un certain nombre de formations pourraient être assurées en collaboration avec l’école nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et se dérouler sur le site de cette école, dont les capacités d’accueil ne sont pour l’heure pas pleinement utilisées et qui dispose d’un outil de formation remarquable que votre rapporteur présentera dans la partie du présent avis consacrée à la formation des personnels de la PJJ. Des partenariats pourraient également être noués avec les écoles de la police, afin d’assurer des formations continues dans les domaines de la sûreté et de la sécurité. D’autre part, une réduction de la durée de formation pourrait également être mise en œuvre, sans naturellement réduire le volume horaire global de formation, en augmentant légèrement le nombre hebdomadaire d’heures d’enseignement.

En tant qu’établissement public administratif, l’ENAP reçoit une subvention pour charges de service public, prélevée sur l’action n° 04 « Soutien et formation » du programme « Administration pénitentiaire », qui lui permet de couvrir ses dépenses de fonctionnement et de personnel. En 2009, cette subvention s’était élevée à 27 millions d’euros. En 2010, la subvention sera de 28,4 millions d’euros, soit une augmentation de 5,2 %, destinée à tenir compte de l’augmentation du nombre de personnels accueillis et formés.

Le budget global de l’école était de 30,235 millions d’euros en 2009. Le budget prévu pour 2010 s’élève à 31,2 millions d’euros. L’augmentation correspond pour l’essentiel à l’augmentation du CAS pension et à l’augmentation prévisible des frais de déplacement du fait de l’accroissement du nombre d’élèves formés. Ce budget est légèrement supérieur au montant de la subvention pour charges de service public, l’école pouvant en qualité d’établissement public administratif percevoir des recettes propres, provenant notamment de la vente de formations à des institutions extérieures ainsi que de placements financiers, qui se sont élevées en 2008 à 981 828 euros. L’école dispose également d’un fonds de roulement, constitué grâce à la mise en réserve de sommes non utilisées de la subvention pour charges de service public qui avait sans doute été surévaluée pour les premières années de fonctionnement. Ce fonds, actuellement utilisé pour compléter le budget de l’école et financer des projets immobiliers, est en voie de résorption pour retrouver un montant conforme à ce que doit être un fonds de roulement, c’est-à-dire un fonds correspondant à 2 à 3 mois de trésorerie pour financer les dépenses de fonctionnement.

Les élèves n’étant pas rémunérés par l’ENAP mais par les directions interrégionales des services pénitentiaires, les crédits de personnels de l’ENAP correspondent aux 240 ETPT qui y sont affectés. 129 de ces emplois sont affectés à la pédagogie, dont 116 pour la formation initiale et 13 pour la formation continue. 16,5 ETPT sont affectés aux ressources pédagogiques et documentaires et 8,8 ETPT sont affectés à la recherche. 53 ETPT sont affectés à la logistique et 6 ETPT à l’informatique.

Les principales dépenses de fonctionnement de l’ENAP en 2009 correspondent aux frais de formation (3,1 millions d’euros), à la location des villages d’hébergement auprès de Agen Habitat qui en est le propriétaire et à la restauration des élèves (4,5 millions d’euros), et à la prise en charge des frais de déplacement et d’hébergement lors des stages (3,5 millions d’euros)

Son statut, ses conditions d’implantation et son budget adaptés permettent à l’ENAP de dispenser des formations de haut niveau pour tous les corps de l’administration pénitentiaire. La formation sur le suicide, que votre rapporteur a estimé nécessaire de se faire présenter de façon plus particulière, illustre parfaitement le haut niveau des formations dispensées, ainsi que leur adéquation avec les besoins des personnels pénitentiaires. Enfin, l’ENAP, comme les autres écoles de service public, assume pleinement le rôle de promotion sociale que lui a assigné le Gouvernement au travers de la classe préparatoire intégrée qu’elle a mise en place depuis 2008.

L’ENAP comprend trois directions : une direction de l’enseignement et de la formation initiale, une direction de la formation continue et une direction de la recherche et du développement. Cette dernière direction effectue d’importants travaux de recherche, dont la qualité est nationalement et internationalement reconnue, qui permettent notamment de mieux connaître les publics détenus et d’étudier les modalités de leur prise en charge. La direction de l’enseignement et de la formation initiale comprend quant à elle cinq départements, dont deux consacrés à des missions de logistique et trois à des missions d’enseignement.

Le département de l’ingénierie et de la coordination a pour mission de concevoir les programmes d’enseignement et d’en assurer la progression et la cohérence logiques. Le département des stages et de la scolarité a pour mission de superviser la vie scolaire, administrative et disciplinaire de l’élève. Ce département a notamment pour mission de préparer et d’évaluer les stages, en fonction de leurs objectifs propres ; il joue donc un rôle essentiel dans une école professionnalisante dont la pédagogie est largement basée sur l’alternance de périodes de formation théorique et de périodes de stages.

Les trois autres départements (droit et institutions pénitentiaires, administration et management, missions pénitentiaires) développent les contenus des différents savoirs et savoir-faire que devront déployer les agents pénitentiaires dans leurs fonctions. Le département des missions pénitentiaires comprend deux pôles : un pôle « sûreté-sécurité » comprenant plusieurs unités (stand de tir, gymnase pour l’apprentissage des techniques d’intervention, unité incendie et bâtiment de simulation) ; un pôle « insertion », ayant pour objet d’enseigner aux personnels les éléments nécessaires à leurs fonctions de la politique d’insertion et des sciences humaines que sont la psychologie ou la criminalité.

Tous les agents pénitentiaires sont des acteurs de la sécurité, de la réinsertion et de la prévention de la récidive – qui sont les missions que l’article 1er de la loi pénitentiaire assigne au service public pénitentiaire – et ont à mettre en œuvre des connaissances et des compétences en matière juridique ou de sciences humaines. Il importe donc que tous reçoivent des enseignements dans l’ensemble de ces domaines. La différenciation des formations ne se fait donc qu’en fonction de l’importance de ces éléments dans les futures fonctions exercées et dans le niveau requis dans chaque discipline. Par exemple, les formations en matière de techniques d’intervention sont adaptées à chaque catégorie : si les personnels de surveillance doivent être capables de mettre en œuvre ces différentes techniques afin d’être capables de maîtriser un détenu violent en respectant les exigences de proportionnalité et de nécessité dans l’usage de la force, les personnels de direction doivent quant à eux connaître ces différentes techniques sans pour autant savoir les appliquer, afin de pouvoir le cas échéant coordonner les interventions et apprécier leur conformité aux règles prévalant en matière d’usage de la force.

L’utilisation du bâtiment de simulation, dont dispose l’ENAP depuis 2005, est un autre exemple de l’adaptation des formations aux besoins des personnels pénitentiaires. Plutôt que de longs discours, les agents pénitentiaires ont besoin de mises en situation dans des conditions se rapprochant autant que faire se peut de la réalité d’un établissement pénitentiaire. Afin de reproduire ces conditions, l’ENAP s’est doté d’un bâtiment de simulation comprenant 6 ateliers : 3 reproduisant des cellules, 2 reproduisant une porte d’entrée et 1 reproduisant une coursive. Environ 15 % du temps de formation des personnels de surveillance et des gradés se déroule dans ce bâtiment de simulation, pour y réaliser des exercices qui ne sont pas notés, afin de permettre aux agents de s’y entraîner sans ressentir de pression préjudiciable à la qualité de l’exercice. Réalisées par groupes de 20 élèves environ, dont 2 ou 3 en position de mise en situation tandis que les autres sont en situation d’observation active, ces formations ont pour but de permettre aux élèves de prendre confiance, élément essentiel dans un métier reposant en partie sur des ressorts psychologiques.

Comme l’a indiqué Mme Valérie Decroix, directrice de l’ENAP, à votre rapporteur lors de sa visite à l’ENAP, la délocalisation ainsi que le changement de nature juridique de l’école ont permis un changement radical dans l’approche de l’organisation et de la pédagogie. Le remplacement de l’organisation par filière par une organisation par domaine d’enseignement a permis de donner une dimension clairement transversale aux formations dispensées par l’ENAP et d’en élever le niveau, au bénéfice de toutes les catégories formées.

La formation sur la prévention du suicide dispensée par l’ENAP illustre parfaitement l’excellence des formations dispensées aux personnels pénitentiaires ainsi que son adaptation aux besoins des personnels face à ces situations éminemment difficiles à appréhender et à gérer. La durée de la formation varie de 8 à 9 heures selon les corps ; elle se situe dans tous les cas parmi les enseignements dits longs, compte tenu de l’ensemble des connaissances à acquérir et des volumes horaires disponibles.

Selon les publics, la formation a pour but le repérage et le signalement (surveillants), la gestion d’un entretien avec un détenu signalé (premiers surveillants), la détection et la gestion dans le cadre d’un entretien relatif à un aménagement de peine (CIP) ou d’un entretien arrivant (lieutenants) ou la détection et la gestion en audience arrivant, la « postvention » (mesures à mettre en oeuvre après un passage à l’acte) et la prise en charge du personnel (directeurs de services pénitentiaires).

Toutes les formations dispensées comprennent une partie théorique, une partie de mise en situation pouvant se dérouler dans le bâtiment de simulation ou dans un local d’entretien, et la diffusion du film réalisé par le professeur Jean-Louis Terra accompagnée d’échanges autour de cette ressource pédagogique. S’agissant de la simulation destinée aux surveillants, elle a pour but de s’approcher autant que possible de la réalité, en plaçant les surveillants dans une coursive face à plusieurs détenus – joués par des acteurs professionnels – dont un présente un risque suicidaire et en leur demandant de réaliser dans des conditions temporelles réelles les mesures de repérage, de signalement et de mise en œuvre des premières mesures de précaution qui font partie de leurs missions. L’ensemble des élèves du groupe ainsi que les acteurs jouant le rôle des détenus participent au travail d’échange suivant l’exercice, ce qui donne aux élèves une occasion unique de connaître ce qu’a pu être le ressenti du détenu face à son attitude.

Une formation conçue selon des modalités similaires est également réalisée en matière de repérage et de gestion des psychopathologies. Des psychologues et psychiatres interviennent dans le cadre de ces formations, en application de conventions conclues avec les universités et les associations de praticiens.

La formation sur le suicide dispensée par l’ENAP dans le cadre de la formation initiale a été suivie par près de 10 000 agents depuis 2005. Parallèlement à ces formations initiales, le ministère de la justice s’est assigné pour objectif d’avoir dispensé la formation « Terra » en matière de prévention du suicide à 100 % de ses agents en 2011. Ces formations se déroulent dans les directions interrégionales, avec le film du professeur Terra comme base de travail permettant d’engager un échange sur les bonnes pratiques professionnelles. Des exercices de simulation peuvent également être réalisés. Votre rapporteur ne peut que soutenir ces efforts de généralisation de la formation des agents pénitentiaires en matière de prévention du suicide, tout en soulignant que la réponse apportée par le Gouvernement à cette question de la formation des agents face aux crises suicidaires lui paraît être parfaitement à la hauteur de la gravité du problème.

La question de l’égalité des chances est une question essentielle pour la cohésion de notre société. Tous les citoyens doivent avoir le sentiment que la République est juste à leur égard. Lorsque des inégalités existent dans les chances des uns et des autres, la République se doit d’encourager les personnes méritantes dont les difficultés sociales ou économiques limitent les chances de réussite. Lors de son discours du 17 décembre 2008 sur l’égalité des chances, le Président de la République avait rappelé le rôle primordial que la fonction publique doit jouer en matière de diversification des recrutements et avait demandé à ce que chaque ministère crée des classes préparatoires intégrées (CPI) à ses propres écoles de fonctionnaires. En la matière, le ministère de la justice a été précurseur, puisqu’il a ouvert ses deux premières CPI à la rentrée 2008, au sein de l’ENAP et de l’école nationale de protection judiciaire de la jeunesse (8).

La première session de la CPI de l’administration pénitentiaire a permis à 12 auditeurs de bénéficier d’une préparation aux épreuves écrites et orales du concours de directeur des services pénitentiaires. La session 2009/2010 de la classe préparatoire intégrée de l’administration pénitentiaire prépare, depuis le 22 septembre 2009 et pour une durée de huit mois, 20 auditeurs aux concours de directeur des services pénitentiaires et de directeur d’insertion et de probation, avec lesquels votre rapporteur a pu échanger lors de sa visite de l’ENAP.

La préparation est destinée à des personnes diplômées, extérieures à l’administration pénitentiaire, qui à raison de leur profil sont éligibles au dispositif d’égalité des chances dans l’accès aux fonctions publiques. Le concours préparé étant le concours ordinaire de la voie externe, les candidats doivent remplir les conditions fixées par le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 relatif aux équivalences de diplômes requises pour se présenter aux concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la fonction publique, et plus précisément aux concours de catégorie A de l’administration pénitentiaire.

Le public majoritaire composant les deux premières sessions de la CPI est composé de personnes titulaires des diplômes requis pour passer le concours, de formation juridique qui, en raison de leur situation socio-économique n’ont pas été mis à même de présenter ce concours ou de s’inscrire dans des cycles de préparation classiques (à raison de leur processus de sélection ou de l’investissement financier que leur suivi requiert). L’ENAP envisage de rechercher pour les prochaines sessions des profils différant du profil majoritaire composant invariablement les promotions d’élèves directeurs, afin d’élargir le champ traditionnel de recrutement à des personnes pouvant apporter d’autres savoirs et compétences à l’administration pénitentiaire. Pour l’essentiel, il s’agirait d’étudiants provenant d’autres cursus de formation que les disciplines juridiques (philosophes, historiens, sociologues…) pour lesquels l’absence de présentation à ce concours trouve aujourd’hui une large part d’explication dans l’absence d’information sur les métiers pénitentiaires. Ce second public constitue une réelle chance de diversification et d’enrichissement pour l’administration pénitentiaire.

Les critères de sélection retenus ont été les suivants : le niveau de diplôme satisfait (critère dirimant), la situation socio-économique (critère principal), la motivation (critère discriminant) et l’expérience professionnelle antérieure ou cursus de formation non juridique (critère valorisant). Une commission de recrutement, composée de la directrice de l’école nationale d’administration pénitentiaire ou de son représentant, d’un directeur des services pénitentiaires titulaire, d’une personne qualifiée dans le domaine du recrutement professionnel, d’un représentant du préfet de région, a été constituée pour les phases de sélection sur dossier puis d’audition. Pour la session 2009/2010, 94 candidatures avaient été adressées, parmi lesquelles 41 candidats ont été convoqués à une audition par la commission de recrutement.

Les auditeurs de la deuxième session de la CPI de l’administration pénitentiaire sont 17 femmes et 3 hommes, âgés de 22 à 34 ans, originaires d’Aquitaine (3), d’Alsace (1), de Lorraine (2), de Languedoc-Roussillon (2), de Rhône-Alpes (4), de Bourgogne (1), d’Île-de-France (1), de Picardie (2), du Nord-Pas-de-Calais (1), de Basse-Normandie (1), de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (2). 6 sont titulaires d’un master 1, 13 d’un master 2 et un est docteur en droit public. 16 d’entre eux étaient étudiants, les quatre autres étaient demandeurs d’emploi.

La formation vise à préparer les auditeurs aux épreuves écrites et orales des concours de catégorie A de l’administration pénitentiaire. Elle a été organisée en deux parties :

—  de septembre à mars, la préparation est essentiellement consacrée aux épreuves écrites, avec les apports méthodologiques nécessaires à la dissertation de culture générale, à la note de synthèse et à l’épreuve de question à réponses courtes. Une attention particulière est portée à la culture générale et des devoirs réguliers sont effectués dans les conditions du concours. Cette première période de la CPI comprend un programme de séminaires d’actualisation dans les matières des concours et est ponctuée par trois sessions d’épreuves dans les conditions du concours. À partir du mois de janvier, la méthodologie des épreuves orales est présentée aux auditeurs.

—  Entre les épreuves d’admissibilité et d’admission, une préparation aux épreuves orales du concours est menée dans le cadre de séquences de « coaching ». Une découverte des institutions pénitentiaires dans le cadre d’un stage en structures pénitentiaires et des séminaires de culture professionnelle dispensés par des personnels pénitentiaires, des interventions en droit pénitentiaire et une formation en langue vivante sont organisés.

Sur un plan matériel, tous les auditeurs ont le statut d’étudiant, mais uniquement en raison de leur inscription à l’institut d’études judiciaires de l’une des universités partenaires de l’ENAP. Ces inscriptions « fictives » dans des structures universitaires – certes non diplômantes – dont les auditeurs ne suivent pas les cours ne peuvent toutefois pas être considérées comme une solution adaptée. En la matière, une réflexion devrait être menée entre les ministères chargés de l’enseignement supérieur et de la fonction publique pour proposer un statut adapté commun à l’ensemble des élèves des CPI, quel que soit le ministère dont relève l’école qui les accueille.

Un hébergement gratuit sur place et la restauration au sein du restaurant universitaire conventionné sur le campus de l’ENAP sont proposés aux auditeurs de la CPI. Les auditeurs peuvent également bénéficier de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, prévue par l’arrêté du 5 juillet 2007 relatif au régime des allocations pour la diversité dans la fonction publique. Ce texte permet, depuis sa modification intervenue le 15 mai 2009, aux bénéficiaires des CPI de prétendre au versement de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, dont le nombre et le montant sont fixés chaque année par le ministre du budget. Les allocations sont attribuées par les préfets, dans le cadre d’un contingent régional qui est notifié chaque année par le ministre du budget aux préfets de région.

Les résultats de la première session de la CPI de l’ENAP sont tout à fait remarquables et révélateurs de l’importance que l’école a accordée à la mission de promotion sociale qui lui a été confiée à travers l’organisation d’une CPI. En effet, 9 des 12 auditeurs de la première CPI ont obtenu leur admission à des concours de la fonction publique : 2 admissions au concours de directeur des services pénitentiaires, 1 admission au concours de lieutenant pénitentiaire, 4 admissions au concours de conseiller d’insertion et de probation et 2 admissions au concours des IRA. Votre rapporteur ne peut que saluer et soutenir les conditions de mise en œuvre de la CPI au sein de l’ENAP, et souhaiter la même réussite aux auditeurs de la deuxième session qu’il a rencontrés lors de sa visite à Agen.

La mise en œuvre de la loi pénitentiaire exigera, de la part de l’administration pénitentiaire, de profondes évolutions, voire pour certaines de ses dispositions une véritable révolution culturelle. Lors de ses auditions et déplacements, votre rapporteur a pu mesurer que les personnels de l’administration pénitentiaire, qui ont longtemps attendu cette loi, étaient prêts à relever le défi de taille qui se présente à eux. Dans le présent avis, votre rapporteur a souhaité examiner plus particulièrement trois aspects de la loi pénitentiaire ayant des implications budgétaires directes et qui exigeront, dans les mois et années à venir, d’importantes évolutions en termes de structures et de modes de prise en charge des personnes détenues : le volet « droits et devoirs des personnes détenues », la question de l’encellulement individuel et le développement des aménagements de peine.

Dans la partie de la loi pénitentiaire consacrée aux droits et devoirs des personnes détenues, trois dispositions ont retenu l’attention de votre rapporteur en raison de leurs implications budgétaires : la disposition prévoyant une obligation d’activité pour les personnes détenues, le droit au maintien des liens familiaux et l’accès au téléphone.

L’article 27 de la loi pénitentiaire a institué une obligation d’activité pour toute personne condamnée. Destiné à lutter contre le fléau de l’oisiveté en détention, cet article dispose que « toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ». Ce même article a prévu une obligation d’activité particulière pour les personnes ne maîtrisant pas les enseignements fondamentaux ou la langue française : dans ces cas, « l’activité consiste par priorité en l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul » ou dans l’apprentissage de la langue. Afin que le suivi de ces enseignements ne préjudicie pas à la personne détenue en l’empêchant d’exercer une activité de travail, l’article a prévu que lorsque la personne condamnée exerce une activité de travail, « l’organisation des apprentissages est aménagée ».

Si cette disposition a pour but de responsabiliser et de mobiliser les personnes condamnées autour d’activités destinées à favoriser leur réinsertion, elle a aussi pour effet, comme l’a souligné le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, de mettre « à la charge de l’administration pénitentiaire une obligation positive de proposer aux détenus une ou plusieurs activités ». Ces activités à visée de réinsertion pourront être de plusieurs ordres : enseignement, formation professionnelle, travail, suivi d’un programme de prévention de la récidive, activité culturelle. M. Jean-Paul Garraud avait également souligné que « même si des efforts récents ont été réalisés pour diversifier les activités proposées aux détenus en vue de favoriser leur réinsertion, notamment par la mise en place des programmes de prévention de la récidive, beaucoup reste encore à faire » (9).

Dans le cadre du présent avis, votre rapporteur insistera particulièrement sur les actions menées par l’administration pénitentiaire ainsi que sur les efforts à accomplir pour développer deux activités essentielles dans la perspective de la réinsertion des personnes détenues : le travail, d’une part, et la formation professionnelle, d’autre part.

—  Le développement du travail pénitentiaire

S’agissant du développement du travail pénitentiaire, les orientations mises en œuvre par l’administration pénitentiaire depuis 2008 s’articulent selon trois axes majeurs :

● un objectif triennal avait été fixé en 2006, consistant à créer 2 000 postes de travail en production supplémentaires d’ici fin 2009, avec des cibles annuelles qui ont été déclinées pour chacune des directions interrégionales. En 2008, les objectifs ont été atteints à 87% pour la masse salariale et à 83% pour le nombre d’ETP, dans un contexte économique dégradé qui a eu de fortes répercussions sur les résultats du travail pénitentiaire.

● un plan baptisé « Entreprendre » a été mis en œuvre. Lancé au début de l’année 2008, ce programme vise à améliorer les aspects structurants du fonctionnement des établissements dans le domaine de l’organisation du travail. Les principaux objectifs sont de développer le principe du travail en continu, d’organiser un contrôle fiable du temps de travail, d’instaurer davantage de flexibilité pour faire face aux pics d’activité et améliorer le fonctionnement des ateliers, d’identifier les zones de travail susceptibles de faire l’objet d’une extension, de permettre un accès facilité des véhicules afin de réduire les délais d’attente à l’entrée des établissements.

● la recherche de l’alternance travail-formation, en vue de favoriser les conditions d’insertion professionnelle des personnes détenues, a été promue. À cet égard, l’article 33 de la loi pénitentiaire devrait contribuer à cet objectif : en effet, il permet l’intervention des entreprises d’insertion en détention afin d’assurer l’accompagnement, dans ses dimensions sociale et professionnelle, des détenus qui travaillent. Cette orientation figure au titre des chantiers prioritaires issus du Grenelle de l’insertion.

Par ailleurs, un certain nombre d’actions menées en partenariat avec des entreprises privées depuis 2008 aux niveaux national et interrégional ont eu pour objet de promouvoir le travail pénitentiaire. Ainsi, l’ensemble des directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP) a organisé des conférences de presse sur le thème du travail en prison. Un établissement par région administrative a ouvert ses portes aux représentants de la presse régionale afin de mieux faire connaître au public le travail réalisé dans les établissements. À Bordeaux, la DISP de Bordeaux a été exposant au salon « ENTREPRISE » organisé au mois de juin 2008. Cette initiative avait permis d’établir une trentaine de contacts avec des entreprises locales. Autre exemple d’initiative locale, la DISP de Marseille avait tenu en 2008 un stand au salon de la sous-traitance de Marseille (FIDEST) pour faire connaître aux entreprises donneuses d’ordre l’offre pénitentiaire en matière de travail.

Des journées d’information et de promotion du travail en établissement pénitentiaire sont également régulièrement organisées par les DISP à l’attention des entreprises locales afin de développer les relations avec les sociétés des bassins économiques situés dans la proximité des établissements et d’augmenter l’offre de travail aux personnes détenues.

Enfin, les DISP de Bordeaux, Lille et Rennes ont initié des réunions avec l’ensemble de leurs concessionnaires afin de faire le point sur les activités de travail et d’envisager le renforcement des partenariats existants. À cette fin, des chartes de progrès ont été élaborées et sont progressivement signées entre les établissements, les concessionnaires et les DISP.

Malheureusement, votre rapporteur a pu constater, lors de sa visite du centre pénitentiaire de Lille, les effets de la crise économique sur l’offre de travail pénitentiaire. Ainsi, à la maison d’arrêt de Lille-Sequedin, l’atelier qui comprend 75 postes de travail n’est actuellement utilisé que par 45 détenus. Dans cet établissement, ainsi que dans le centre de détention et la maison d’arrêt de Loos, la dernière année a été marquée sur le plan du travail pénitentiaire par des difficultés accrues à conserver les contrats des entreprises fournisseuses de travail en détention, et a fortiori à trouver de nouvelles entreprises donneuses d’ordre. Votre rapporteur ne peut que soutenir toutes les initiatives prises aux niveaux national et local pour favoriser le développement du travail pénitentiaire, tout en soulignant l’impact déterminant des conditions générales d’emploi et du contexte économique, peu favorables depuis un an.

—  Le développement de l’offre de formation professionnelle

Dans son rapport sur le projet de loi pénitentiaire, M. Jean-Paul Garraud avait analysé les limites du dispositif actuel d’organisation et de financement de la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires. En effet, bien que la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État ait attribué aux régions la compétence de principe en matière de formation professionnelle, l’État a conservé une compétence dérogatoire pour certains publics dits « spécifiques », parmi lesquels figure la population détenue. De cette compétence résiduelle, il résulte un financement de la formation professionnelle en prison complexe, et, à dire vrai, peu efficace. Le financement de la formation professionnelle provient de plusieurs sources :

● les crédits du Budget opérationnel de programme (BOP) 103 du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, gérés par les directions régionales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) ;

● les crédits du Fonds social européen (FSE), gérés par les DRTEFP via les préfectures de Région ;

● les crédits de rémunération du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi gérés par le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ;

● les crédits du programme d’activité de service public de l’Association pour la formation professionnelle des adultes, gérés par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ;

● dans une moindre mesure, des crédits alloués par d’autres financeurs (régions, délégations régionales au droit des femmes…).

En outre la direction de l’administration pénitentiaire participe au financement des actions de formation (équipements, matériels, matières d’œuvre…) pour les établissements à gestion classique. Pour les établissements relevant, en revanche, de la gestion déléguée, l’administration pénitentiaire verse, sur une base contractuelle, un financement aux titulaires des marchés au titre de la formation professionnelle.

Dans son rapport sur le projet de loi pénitentiaire, M. Jean-Paul Garraud avait estimé que « le maintien d’une organisation et d’un financement dérogatoires du droit commun pour la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires n’apparaît aujourd’hui plus justifié pour plusieurs motifs. Tout d’abord, l’efficacité de ce dispositif particulier est, de l’avis général des personnes entendues par votre rapporteur, plus que discutable. En effet, ce dispositif dérogatoire tient les personnes détenues à l’écart des dispositifs de formation de droit commun et rend parfois complexe la poursuite en milieu libre d’une formation commencée mais non achevée en détention. Sur le plan financier, le financement de la formation professionnelle est non seulement extrêmement complexe mais également de plus en plus précaire » (10).

C’est pour remédier à ces difficultés d’organisation et de financement que l’article 9 de la loi pénitentiaire a prévu que « L’État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l’organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire ».

Au demeurant, avant même l’intervention de cette disposition législative, certaines régions s’étaient engagées par voie conventionnelle dans la mise en œuvre d’actions de formation à destination des personnes détenues. Des conventions ont ainsi été signées entre la direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes et les conseils régionaux de Basse-Normandie ou des Pays de la Loire, ainsi qu’entre la direction de Bordeaux et la région Aquitaine. D’autres régions sont présentes ponctuellement sur des actions ou dispositifs novateurs nécessitant une forte mobilisation financière complémentaire : par exemple, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a cofinancé une formation d’auxiliaire de vie et une formation audiovisuelle. De fait, la part des crédits consacrée par les régions au financement de la formation professionnelle des personnes détenues n’a cessé de progresser au long de ces dernières années. Si, en 2006, l’intervention des régions représentait moins de 1 % des financements totaux engagés au titre des dispositifs de la formation professionnelle, les crédits des régions abondent désormais les budgets alloués à la formation des personnes détenues avec, pour l’année 2008, plus de 600 000 euros de crédits, soit 3 % des financements nationaux.

Plusieurs arguments justifient ce transfert progressif de la responsabilité et du financement des actions de formation professionnelle en faveur des personnes détenues à l’acteur de droit commun en cette matière qu’est la région. Tout d’abord, les régions ont une compétence de droit commun dans le domaine de la formation professionnelle depuis 1983. Ensuite, les nouveaux principes budgétaires et les difficultés pour obtenir des financements militent en faveur d’un traitement des publics détenus dans un cadre de droit commun permettant de stabiliser les financements. Enfin, confier aux régions la gestion et le pilotage des actions de formation professionnelle des personnes détenues favorisera la conduite d’une véritable politique de proximité, en facilitant le dialogue local et l’organisation de réseaux institutionnels d’acteurs de terrain.

Selon les informations communiquées lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire et confirmées à votre rapporteur, l’expérimentation sera conduite dans cinq régions volontaires : Aquitaine, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Lors de sa visite du centre pénitentiaire de Lille, votre rapporteur a pu constater les attentes fortes que suscitait ce passage de relais à la région en termes de développement de l’offre de formation professionnelle.

De nombreuses réunions préparatoires ont associé l’Association des régions de France (ARF), les régions et la direction de l’administration pénitentiaire. Il est désormais prévu que l’État transférera les crédits du BOP 103 et les crédits de rémunération aux régions. Celles-ci devront, par ailleurs, dans le cadre d’une convention de subvention globale, négocier directement auprès des préfectures de région les crédits du Fonds social européen. L’État, a donc pris des engagements financiers, à charge pour les régions de développer des actions de formation conformes aux attentes et aux besoins des publics détenus et aux objectifs du ministère de la justice dans les établissements pénitentiaires. La décentralisation des crédits de la formation professionnelle fera l’objet d’une évaluation par le ministère de la justice. Un groupe de travail est constitué entre tous les acteurs du projet (régions, DGEFP, direction générale des collectivités locales et administration pénitentiaire) pour définir et construire une procédure d’évaluation.

Votre rapporteur ne peut que soutenir les différentes expérimentations qui vont se mettre en place, qui permettront d’accroître l’offre de formation proposée aux personnes détenues et contribueront ainsi à rendre effective l’obligation d’activité des personnes condamnées, dans l’intérêt de leur réinsertion ainsi que dans l’intérêt de la société.

Le maintien des liens familiaux constitue un élément essentiel dans la perspective de la réinsertion des personnes détenues. Une fois libérées, les personnes détenues ont généralement besoin de soutien – tant matériel que moral – à l’extérieur, soutien que les membres de leur famille sont souvent les plus à même de leur apporter. L’article 35 de la loi pénitentiaire a consacré au niveau législatif le droit des personnes détenues au maintien des liens familiaux : « Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine ». Ce même article définit également les conditions de délivrance des permis de visite, ainsi que les conditions de refus de délivrance, de suspension ou de délivrance de ces permis, et prévoit que toute décision de refus de délivrance doit être motivée, ce qui constitue une garantie importante pour la mise en œuvre du droit au maintien des liens familiaux.

Parmi les 90 % des personnes détenues recevant la visite de leur famille proche, 44 % ont au moins un visiteur hebdomadaire en maison d’arrêt. Ces chiffres décroissent avec le temps passé en prison. Les parloirs restent le moyen privilégié des relations familiales pour une personne incarcérée et constituent un élément concret de ces relations, point d’ancrage avec l’extérieur.

Dans le cadre de ces visites aux parloirs, les questions de l’accueil des familles et de l’accueil des enfants apparaissent de toute première importance : les conditions d’accueil, tant avant que pendant la visite, doivent être dignes et aussi agréables que possible, particulièrement pour les enfants. L’administration pénitentiaire s’efforce d’améliorer les conditions d’attente et de visite des familles, en mettant à leur disposition un local animé par des bénévoles associatifs et intégrant des bornes informatiques permettant la prise de rendez-vous pour les parloirs. Les établissements récents en sont systématiquement dotés.

Il existe 150 locaux d’accueil des familles, dont 28 peuvent assurer un hébergement de nuit – particulièrement utile pour les familles vivant loin de l’établissement pénitentiaire dans lequel est incarcérée la personne visitée – tandis que 70 assurent la garde des enfants pendant la durée du parloir. 67 associations locales réparties sur 57 départements animent ces accueils, fédérées à l’Union nationale des fédérations régionales des associations des maisons d’accueil des familles et proches de personnes incarcérées (UFRAMA), qui fait l’objet d’une convention pluriannuelle d’objectifs avec l’administration pénitentiaire. Il reste une quinzaine d’établissements anciens non équipés, pour lesquels des solutions sont recherchées au cas par cas. Votre rapporteur ne peut que soutenir ces efforts et encourager l’administration pénitentiaire à poursuivre l’amélioration de l’accueil des familles.

S’agissant de l’accueil des enfants, ceux-ci accompagnent généralement leur parent libre au parloir. Parfois, ils sont accompagnés par un tiers, partenaire institutionnel ou associatif. Les services pénitentiaires s’efforcent d’aménager des espaces enfants équipés en mobilier et jeux au sein des parloirs pour faciliter l’exercice du droit de l’enfant à voir son parent dans des conditions aussi agréables que possible. Les interventions de médiation familiale sont essentiellement celles des relais enfants-parents affiliés à la Fédération des relais enfants-parents (FREP) : 600 volontaires encadrés par une cinquantaine de professionnels de la petite enfance interviennent dans 20 % des établissements pénitentiaires. La FREP fait l’objet d’une convention pluriannuelle d’objectifs avec l’administration pénitentiaire. Ici encore, votre rapporteur estime indispensable que les efforts de l’administration pénitentiaire pour améliorer les conditions d’accueil des enfants soient poursuivis et intensifiés.

L’article 36 de la loi pénitentiaire a défini les conditions de mise en œuvre de deux modalités particulières d’exercice du droit de visite, que sont les visites en unité de vie familiale (UVF) et les visites en parloirs familiaux : « Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue. Toute personne détenue peut bénéficier à sa demande d’au moins une visite trimestrielle dans une unité de vie familiale ou un parloir familial, dont la durée est fixée en tenant compte de l’éloignement du visiteur. Pour les prévenus, ce droit s’exerce sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire compétente ». Cet article implique que toute personne détenue devra à l’avenir pouvoir bénéficier de visites dans ces structures, et ce quel que soit son lieu d’incarcération.

Actuellement, il existe 31 UVF, réparties dans 11 établissements pour peines (11). Entre 2009 et 2013, l’administration pénitentiaire prévoit d’ouvrir 41 UVF supplémentaires situées dans 14 établissements (12). Les règles actuelles d’attribution des visites en UVF ne permettent qu’aux seuls condamnés ne pouvant pas bénéficier de permissions de sortir d’y avoir accès. La part des bénéficiaires de ces UVF au sein de la population pénale est donc réduite aux seuls condamnés en début de peine ne pouvant pas encore bénéficier de permissions de sortir. Elles permettent aux détenus d’accueillir un ou plusieurs membres de leur famille ou proches, y compris des enfants, pendant une durée pouvant aller de 6 à 72 heures. L’accueil a lieu dans des locaux spécialement aménagés sous forme d’appartement, permettant aux détenus et à leurs visiteurs de mener une vie familiale dans des conditions d’intimité et de durée que ne permettent pas les parloirs traditionnels. La surveillance est assurée par des visites des surveillants deux à trois fois par jour. Parfois accueillies avec un certain scepticisme lors de leur expérimentation à partir de 2003, les UVF sont aujourd’hui unanimement acceptées et reconnues comme un facteur d’apaisement des détentions et d’amélioration du maintien des liens familiaux. En 2008, 1 077 visites en UVF ont été organisées dans les établissements pénitentiaires, le taux d’occupation des unités restant cependant relativement faible puisqu’il n’était que de 61 %, ce qu’explique la limitation de l’accès aux UVF aux seuls condamnés ne pouvant pas encore bénéficier de permissions de sortir.

Les parloirs familiaux sont un mode de visite intermédiaire entre le parloir traditionnel et l’UVF : à la différence des UVF qui permettent une visite de plusieurs jours, leur durée est limitée à une demi-journée ; mais à la différence des parloirs traditionnels, ils assurent au détenu et à son ou ses visiteurs une protection de l’intimité. 34 parloirs familiaux, répartis dans 8 maisons centrales (13), ont été créés, sous la forme de pièces d’environ 10 à 15 mètres carrés, pourvus de sanitaires, d’un mobilier modulable et de la possibilité de prendre une boisson chaude, dans lesquelles l’intimité est totalement préservée. Comme les UVF, ces parloirs familiaux sont réservés aux personnes condamnées. La durée du parloir est d’une demi-journée ou d’une journée, avec une coupure pour le déjeuner puisqu’il n’est pas possible de prendre un repas dans les parloirs familiaux.

Cependant, les nouvelles dispositions de l’article 36 de la loi pénitentiaire vont nécessiter une extension du dispositif des UVF et des parloirs familiaux au-delà des seuls établissements pour peines, le droit aux visites de ce type étant désormais ouvert à toute personne détenue. S’agissant des établissements existants, l’équipement des établissements pénitentiaires en parloirs familiaux devra naturellement être privilégié dans un premier temps, compte tenu de la moindre importance des aménagements nécessaires.

Quant aux établissements en cours de construction, votre rapporteur estime indispensable que leur conception intègre ce nouveau droit, en augmentant le nombre d’UVF ou de parloirs familiaux prévus. Le futur centre pénitentiaire d’Annœullin, qui comprendra une partie centre de détention mais aussi un quartier maison d’arrêt, dont les détenus prévenus pourront désormais accéder aux UVF, ne devait initialement comporter que 4 UVF pour 600 détenus. La décision avait cependant été prise, avant le vote de la loi pénitentiaire, de porter à 6 le nombre de ces unités. Votre rapporteur ne peut que saluer cette décision opportune, tout en soulignant que ces 6 UVF ne suffiront peut-être pas pour satisfaire le droit de visite trimestrielle de tous les détenus en UVF ou parloir familial, et que la question de l’implantation de parloirs familiaux devra peut-être être posée à brève échéance.

Le maintien des liens familiaux peut également s’exercer par le biais des communications téléphoniques. Alors que le droit d’accès au téléphone était jusqu’à une période très récente réservé aux seuls condamnés exécutant leur peine en établissement pour peines, avant d’être étendu aux condamnés dans certaines maisons d’arrêt depuis 2007, ce droit sera désormais ouvert à toutes les personnes détenues en vertu de l’article 39 de la loi pénitentiaire. Cet article prévoit en effet que « Les personnes détenues ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille ». S’agissant des personnes autres que les membres de la famille, l’article prévoit que les personnes détenues « peuvent être autorisées à téléphoner à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion ». Pour les prévenus, l’exercice de ce droit sera soumis à « l’autorisation de l’autorité judiciaire ».

L’exercice du droit d’accès au téléphone étant susceptible de comporter certains risques d’atteinte à la sécurité des établissements ou de permettre des communications susceptibles d’affecter le déroulement d’une instruction, l’article 39 dispose que « l’accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l’information. Le contrôle des communications téléphoniques est effectué conformément à l’article 727-1 du code de procédure pénale » (14).

L’équipement en dispositifs de téléphonie destinés aux détenus est assuré par le biais de deux contrats de délégation de service public. La première délégation a été notifiée le 16 juillet 2007 pour une durée de cinq ans à la société SAGI France. Elle concerne les condamnés affectés en maison centrale (sauf Poissy) et quartier maison centrale, en centre de détention et quartier centre de détention, dans les 7 établissements pour mineurs, les maisons d’arrêt de Villefranche-sur-Saône et Bois d’Arcy et le centre pénitentiaire de Metz. La seconde délégation a été notifiée le 2 novembre 2007 pour une durée de 5 ans à la même société. Elle concerne les condamnés affectés en centre pour peines aménagées ainsi qu’en maison d’arrêt (sauf Villefranche-sur-Saône, Bois d’Arcy et Metz), en France métropolitaine et dans les DOM-COM.

Les prestations fournies par le délégataire incluent l’exploitation de l’ensemble du système de téléphonie fixe utilisé par les condamnés : l’exploitation du réseau, la fourniture et l’installation des cabines téléphoniques, du câblage et de l’ensemble du matériel lié au fonctionnement du système, l’installation du système d’écoute et d’enregistrement des communications, la maintenance de l’ensemble du système.

Au 30 juin 2009, 151 sites étaient équipés de points de téléphonie. Les personnels de ces établissements ont reçu une formation relative à l’accès au téléphone. Le déploiement, qui pourrait être achevé dans le courant du second semestre 2009, a exigé un travail d’analyse site par site des possibilités de localisation des points phone. En effet, toutes les maisons d’arrêt ne peuvent instaurer une séparation prévenus-condamnés, et l’installation de points phone sur cours de promenade peut également s’avérer impossible. Chaque établissement doit donc analyser les modalités d’accès au téléphone selon ses contraintes propres.

S’agissant des établissements neufs, leur conception intègre désormais dès le départ la mise en place de points téléphoniques : ainsi, le futur centre pénitentiaire d’Annœullin dont votre rapporteur a visité le chantier comprendra 20 postes téléphoniques répartis sur l’ensemble de l’établissement, pour une capacité de 600 détenus.

Le règlement intérieur fixe la fréquence et la durée des communications. Si des cabines téléphoniques sont installées, le détenu doit demander l’attribution d’un code d’accès personnalisé. La personne détenue peut avoir accès, à titre gratuit et en toute confidentialité, à la Croix Rouge Ecoute Détenu (CRED) et à l’Association Réflexion Action Prison et Justice (ARAPEJ).

Dans les établissements équipés dans le cadre de la première délégation, 57 % des condamnés ont téléphoné au mois de juin 2008 pour une moyenne de 96 minutes. Ils étaient 65 % en juin 2009 pour une moyenne mensuelle de 111 minutes par détenu, soit une utilisation de 19 % des disponibilités des points phone. Dans les établissements équipés dans le cadre de la seconde délégation, 49 % des condamnés ont téléphoné au mois de mars 2009 pour une moyenne de 55 minutes. Ils étaient 58 % en juin 2009 pour une moyenne mensuelle de 83 minutes par détenu, soit une utilisation de 15% des disponibilités des points phone.

Si l’accès ouvert à tous les correspondants (hors numéros inscrits sur liste noire) présente l’intérêt de faciliter le maintien des liens familiaux dès l’écrou, il est cependant susceptible de contribuer à faciliter les manœuvres de racket ou les pressions entre détenus. Ainsi a été retenue l’option consistant à autoriser les condamnés à téléphoner aux correspondants de leur choix, au nombre de 20 en maison d’arrêt et de 40 en établissements pour peine. L’autorisation relève du chef d’établissement, et précède en maison d’arrêt la fourniture des justificatifs (sauf pour les détenus particulièrement signalés, appartenant à une mouvance terroriste ou susceptibles de susciter un intérêt médiatique) afin de ne pas freiner l’accès au téléphone.

En établissements pour peine, les pièces justificatives sont contrôlées systématiquement et préalablement à l’accord du chef d’établissement. Cette différence de régime se justifie par un simple souci de pragmatisme : le roulement plus important des détenus en maison d’arrêt impose que les règles d’accès au téléphone soient assouplies pour assurer l’effectivité de droit.

Dans certains établissements, comme la maison d’arrêt de Loos que votre rapporteur a visitée le 22 octobre dernier, un accès gratuit au téléphone est proposé aux détenus sans ressources, afin de leur permettre d’informer leurs proches de leur incarcération. Cette initiative est financée sur le budget de l’établissement à hauteur de 1 euro par détenu sans ressources, ce qui permet d’appeler 10 minutes sur une ligne fixe ou 6 minutes sur un téléphone portable. La possibilité de généraliser cette initiative locale mériterait d’être étudiée, car elle permet de contribuer à faciliter cette phase délicate que sont les premiers jours d’incarcération, au cours desquels le choc carcéral et l’éloignement des proches peut plonger les personnes détenues dans des situations de très grande détresse.

Votre rapporteur se félicite des efforts budgétaires et pratiques réalisés par l’administration pénitentiaire en vue de permettre l’effectivité du droit d’accès au téléphone pour tous les détenus dès la promulgation de la loi pénitentiaire, dans la très grande majorité des établissements pénitentiaires.

L’article 87 de la loi pénitentiaire a solennellement réaffirmé le principe de l’encellulement individuel pour les personnes placées en détention provisoire. L’article 716 du code de procédure pénale, qui définit les conditions d’encellulement de ces détenus, est ainsi rédigé : « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :

« 1° Si les intéressés en font la demande ;

« 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls ;

« 3° S’ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent.

« Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées. »

Toutefois, afin de tenir compte de la réalité de la situation carcérale qui ne permet pas d’appliquer pleinement cette disposition sans aménagements conséquents des maisons d’arrêt, le législateur a assorti la mise en œuvre de cette règle d’un moratoire de cinq ans prévu par l’article 100 : « Dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas leur application ».

Comme il l’a déjà indiqué précédemment, votre rapporteur souligne avec force qu’il apparaît indispensable que soit pleinement mené à son terme l’actuel programme de construction de 13 200 places, mais aussi que soit engagée dans de très brefs délais la nouvelle étape annoncée dans la construction de 16 000 nouvelles places de détention, dont 11 000 correspondront à des ouvertures de nouveaux établissements venant compenser des fermetures de places d’établissements vétustes en nombre équivalent, tandis que 5 000 places constitueront des créations nettes.

Dans l’attente de la mise en œuvre du principe de l’encellulement individuel tel qu’il résulte de l’article 87 de la loi pénitentiaire, un décret du 10 juin 2008 (15) – dont la légalité fait actuellement l’objet d’un contentieux devant le Conseil d’État – est venu préciser les conditions dans lesquelles un prévenu peut demander à être placé en cellule individuelle lorsque la distribution intérieure de la maison d’arrêt et le nombre de détenus présents ne lui permettent pas de bénéficier sur place de ce régime. Ainsi, le décret prévoit que le prévenu est informé qu’il a la possibilité de déposer auprès du chef d’établissement une requête pour être transféré, afin d’être placé en cellule individuelle, dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un tel placement, à la condition que ce transfèrement obtienne l’accord du magistrat saisi du dossier de l’information. Dans un délai de deux mois à compter du dépôt de la requête, le chef d’établissement indique au prévenu les propositions de transfèrement permettant de répondre à sa demande, en lui précisant la ou les maisons d’arrêt dans laquelle il sera susceptible d’être détenu. Si le prévenu indique accepter l’une ou plusieurs de ces propositions, le chef d’établissement en informe immédiatement le magistrat saisi du dossier de l’information. Ce dernier indique alors au chef d’établissement, selon les mêmes modalités, s’il donne ou non son accord. En cas d’acceptation du prévenu et d’accord du magistrat, il est procédé dans les meilleurs délais au transfèrement.

À la date du 24 juillet 2009, 769 requêtes avaient été déposées sur ce fondement. Parmi elles, 183 sont devenues sans objet en cours de traitement (annulation de la part du prévenu, libération, affectation en établissement pour peines). Parmi les 586 requêtes examinées, 443 ont été satisfaites, 78 ont été rejetées et 65 sont en cours de traitement.

Lors de sa visite du chantier du centre pénitentiaire d’Annœullin, votre rapporteur a pu constater que la conception des nouveaux établissements pénitentiaires avait pleinement intégré et anticipé la prochaine applicabilité du droit à l’encellulement individuel. En effet, 80 % des cellules du quartier maison d’arrêt de cet établissement qui ouvrira ses portes au premier semestre de l’année 2011 sont des cellules individuelles. Les autres cellules, conçues pour deux détenus, pourront donc accueillir deux personnes dans l’un des cas prévus par le nouvel article 716 du code de procédure pénale.

Le développement programmé du recours au placement sous surveillance électronique, ainsi que l’extension des possibilités d’aménagements de peine ab initio ou en fin de peine, renforcent la nécessité de renforcer les effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

La mesure de placement sous surveillance électronique (PSE) existe en France depuis la loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997 consacrant le placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté. D’abord limité aux personnes condamnées à des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an ou dont la durée totale des peines restant à subir n’excède pas un an, ainsi que, à titre probatoire et pour une durée maximale d’un an, aux condamnés bénéficiant d’une libération conditionnelle, son champ d’application a ensuite été étendu par la LOPJ du 9 septembre 2002 aux personnes placées sous contrôle judiciaire. Enfin, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a permis le prononcé ab initio du PSE par les juridictions de jugement ou par les juges de l’application des peines.

Au 1er juillet 2009, la France comptait 4 700 personnes placées sous surveillance électronique fixe dans le cadre d’un aménagement de peine et environ 100 PSE prononcés dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Dans 90 % des cas, il s’agit de personnes qui n’ont jamais été incarcérées, qui sont bien insérées ou ont une vie familiale. L’objectif que s’est fixé l’administration pénitentiaire, dans le cadre de la politique de développement des aménagements de peine et de résorption de la surpopulation carcérale, est de 12 000 placés à l’horizon 2012.

La loi pénitentiaire comporte trois dispositions rendant envisageable la réalisation de cet objectif de 12 000 placés :

—  Tout d’abord, l’article 71 a créé la mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, qui se substitue à la possibilité d’assortir le contrôle judiciaire d’une mesure de PSE. La différence fondamentale entre cette assignation à résidence et le contrôle judiciaire assorti d’un PSE réside dans le fait que le temps d’assignation à résidence sous PSE s’imputera sur la durée de la peine d’emprisonnement qui sera éventuellement prononcée. Comme l’a souligné le rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi pénitentiaire, « il apparaît que les magistrats recourent peu à ce dispositif [du contrôle judiciaire assorti d’un PSE] car la durée correspondant au placement sous surveillance électronique ne s’impute pas, contrairement à celle de la détention provisoire, sur la peine privative de liberté qui pourrait être prononcée à l’encontre du mis en examen, alors même que la mesure présente une forte contrainte pour l’intéressé ». M. Jean-Paul Garraud a estimé que le principe de l’imputation de la durée de l’assignation à résidence sous PSE revêtait « une importance majeure car il incitera les magistrats à avoir davantage recours à l’assignation à résidence à la place de la détention provisoire qu’au contrôle judiciaire pour lequel la non-imputation constituait un frein souvent dénoncé » (16).

—  Ensuite, les articles 66 et 94 ont porté d’un an à deux ans le quantum maximal des peines pouvant faire l’objet d’un aménagement de peine ab initio par la juridiction de jugement ou par le juge de l’application des peines. Certains PSE pourront donc désormais être exécutés pendant une durée maximale de deux ans, ce qui mécaniquement pourrait entraîner une augmentation du stock des mesures en cours d’exécution. Pour autant, l’effet de cet allongement de la durée maximale de placement sous surveillance électronique ne doit pas être surévalué, l’ensemble des professionnels de la justice s’accordant à reconnaître que le PSE devient difficilement supportable au-delà d’une certaine durée, généralement comprise entre 6 et 9 mois.

—  Enfin, l’article 84 a inséré dans le code de procédure pénale un nouvel article 723-28 dont l’objet est de prévoir que les quatre derniers mois de toute peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsqu’aucune mesure d’aménagement n’a été ordonnée six mois avant la date d’expiration de la peine, doivent par principe être exécutés sous le régime du placement sous surveillance électronique (PSE). Ce « PSE fin de peine » ne pourra être écarté qu’« en cas d’impossibilité matérielle, de refus de l’intéressé, d’incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive ». Le placement sera mis en œuvre par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation sous l’autorité du procureur de la République, qui pourra fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. En l’absence de décision de placement, la personne condamnée pourra saisir le juge de l’application des peines, afin qu’il statue par jugement après débat contradictoire.

L’objectif de ce PSE fin de peine est de permettre le PSE de personnes détenues n’ayant pas construit en détention de projet préalable d’insertion et d’éviter ce qu’il est désormais courant d’appeler les « sorties sèches ». Il vise à faire bénéficier d’un aménagement assorti de mesures de contrôle un nouveau type de public, qui sans cette mesure aurait été définitivement élargi sans accompagnement ni contrôle. Dans ce cadre, une expérimentation avait débuté en septembre 2008 dans les maisons d’arrêt d’Angoulême et de Béthune, prévoyant l’examen systématique de la situation des condamnés en fin de peine. Elle avait permis d’évaluer les conditions de faisabilité de cette mesure, notamment afin d’éclairer les travaux des parlementaires dans le cadre de la discussion du projet de loi pénitentiaire. Cette expérimentation, qui avait ensuite été étendue à 15 maisons d’arrêt supplémentaires (17), avait permis le prononcé de 213 PSE fin de peine à la date du 1er juillet 2009. Ce chiffre est à rapprocher des 1 350 détenus qui étaient éligibles au dispositif en vertu des critères posés par le projet de loi, soit un taux d’octroi de 15 %. Les motifs de refus étaient divers (absence de consentement du condamné, incompatibilité de sa personnalité avec la mesure, critères matériels liés aux conditions d’hébergement).

Cette triple évolution des possibilités de placement sous PSE place l’administration pénitentiaire face à un défi de taille, qu’elle-même qualifie de « défi de l’industrialisation de la surveillance électronique ». Actuellement, le coût d’une journée sous le régime du PSE est de 13,75 euros par personne, à comparer avec le coût moyen d’une journée de détention qui est de 69 euros. Afin de faire face à l’accroissement prévu du nombre de mesures, un nouveau marché public a été lancé, afin de faire sensiblement baisser les coûts grâce à l’effet volume et à l’évolution des technologies de placement sous surveillance électronique.

La dotation consacrée au développement des aménagements de peine et aux alternatives à l’incarcération (placements sous surveillance électronique fixe et mobile, placements à l’extérieur) s’élève en 2010 à 22 millions d’euros. Cette dotation repose sur une estimation de 1 500 placements extérieurs mensuels simultanés d’une part, et une prévision d’une moyenne de 7 000 bracelets électroniques utilisés simultanément au cours de l’année 2010 d’autre part.

La perspective d’une intensification de la politique d’aménagement des peines ne peut qu’être accueillie favorablement, les aménagements étant un facteur reconnu de limitation du risque de récidive ou de réitération. Pour autant, l’efficacité de ces aménagements est conditionnée à l’intensité des mesures d’assistance et de contrôle qui les accompagnent. Ceci est vrai pour tous les types d’aménagement de peine, y compris pour le PSE, qui à défaut d’un réel contrôle du SPIP risque de laisser accroire au condamné exécutant sa peine sous PSE qu’il peut impunément violer ses obligations. Or, de façon mécanique, l’augmentation prévisible du nombre des aménagements de peine, et particulièrement des mesures de PSE, va engendrer une augmentation du nombre des mesures de milieu ouvert suivies par les SPIP.

Dans cette perspective, votre rapporteur ne peut que rappeler les éléments précédemment évoqués dans le présent avis au sujet des autorisations de plafonds d’emploi de l’administration pénitentiaire. La création de 262 ETPT d’insertion et de probation supplémentaires en 2010, complétée par 80 nouveaux ETPT qui entreront en fonction en 2011, a été calculée pour couvrir principalement le traitement et le suivi de 1 000 personnes supplémentaires sous PSE en 2010. Cependant, les prévisions faites pour 2010 évoquent plutôt 2 000 mesures de PSE supplémentaires. En outre, compte tenu de l’élargissement des possibilités d’aménagement de peine, les mesures de PSE ne devraient pas être les seules peines exécutées hors les murs dont le nombre augmentera significativement en 2010.

Or, comme l’ont souligné lors de leur audition les représentants de l’Union générale des syndicats pénitentiaires (CGT), il est à craindre que le développement d’aménagements de peine non accompagnés des mesures de contrôle et d’assistance nécessaires ne conduise à une augmentation du risque de récidive de la part des personnes placées en aménagement de peine et à une remise en cause de l’efficacité des aménagements de peine, alors même que la perte d’efficacité serait due non pas au principe même de l’aménagement mais à ses modalités concrètes de mise en œuvre. L’on ne peut en conséquence que s’interroger sur le caractère suffisant de l’augmentation des effectifs de SPIP prévue par l’administration pénitentiaire. La question de l’éventuelle nécessité d’accroître l’effort de recrutement des personnels d’insertion et de probation, afin de permettre la mise en œuvre de la partie de la loi pénitentiaire consacrée aux aménagements de peine, devra sans doute être posée à très brève échéance.

II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la justice concourt à la préparation et à l’exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs, au pénal comme au civil. Ces décisions, qui sont mises en œuvre par le secteur public et le secteur associatif habilité, en milieu ouvert ou dans des structures d’hébergement, concernent des mineurs délinquants (dont les crédits figurent à l’action n° 01 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse »), des mineurs en danger et des jeunes majeurs (dont les crédits sont regroupés dans l’action n° 02 de ce programme).

Le projet de budget pour 2010 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est marqué par la poursuite de la mise en œuvre du projet stratégique national de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), dont la principale caractéristique est le recentrage de l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants.

Les crédits ouverts dans le projet de budget pour 2010 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » sont marqués par la poursuite du recentrage des moyens sur l’action n° 01 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants ». Ce recentrage des établissements et services de la direction de la protection judicaire de la jeunesse sur les mineurs ayant commis des actes de délinquance, dans un contexte marqué par l’application des deux lois du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et relative à la prévention de la délinquance, s’accompagne d’une confirmation de la compétence de la PJJ sur l’ensemble des questions intéressant la justice des mineurs. En revanche, la prise en charge de la protection des jeunes majeurs, qui constitue une action relevant davantage du champ social et donc de la compétence des départements, n’a plus vocation à être assurée par la PJJ, ce que traduit la forte réduction de l’activité et des dépenses en direction des jeunes majeurs au titre des exercices 2009 et 2010, conformément à la répartition des compétences entre l’État et les départements telle qu’elle résulte des lois de décentralisation de 1982. Dans le projet annuel de performances pour 2010, le Gouvernement a d’ailleurs annoncé l’abrogation au cours de l’année 2010 du décret n° 75-96 du 18 février 1975, qui constituait le fondement de l’intervention de la PJJ en matière de protection des jeunes majeurs.

La ventilation des crédits détaillés dans les tableaux ci-dessous illustre ce recentrage de l’action de la protection judiciaire de la jeunesse sur la prise en charge des mineurs délinquants.

EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits consommés en 2008

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits demandés pour 2010

Évolution 2009-2010

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action n° 01)

433

394

488

552

+ 13,11 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action n° 02)

257

179

146

72

- 50,68 %

Soutien (Action n° 03)

143

165

109

116

+ 6,42 %

Formation (Centre national de formation et d’études, devenu École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action n° 04)

33

34

39

34

- 12,82 %

Total

866

772

782

774

- 1,02 %

En millions d’euros

EN CRÉDITS DE PAIEMENT

 

Crédits votés en LFI pour 2008

Crédits consommés en 2008

Crédits votés en LFI pour 2009

Crédits demandés pour 2010

Évolution 2009-2010

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action n° 01)

417

397

488

552

+ 13,11 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action n° 02)

244

180

146

73

- 50 %

Soutien (Action n° 03)

103

163

111

117

+ 5,41 %

Formation (Centre national de formation et d’études, devenu École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action n° 04)

40

36

39

34

- 12,82 %

Total

804

776

784

776

- 1,02 %

En millions d’euros

Si les crédits de l’ensemble du programme sont en baisse de 1,02 % tant en AE qu’en CP, les crédits consacrés à l’action n° 01 correspondant à la prise en charge des mineurs délinquants sont quant à eux en hausse de 13,11 % en AE et en CP. La part des crédits consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants, qui était de 50 % en 2008 et de 62,5 % en 2009, passera à 71,3 % en 2010. Corrélativement, la part des crédits affectés aux mineurs en danger et aux jeunes majeurs, qui était de 29,7 % en 2008 et de 18,6 % en 2009, passera à 9,3 % en 2010.

Ce recentrage de la PJJ sur les missions pénales n’exclut pas la poursuite d’une activité civile par les mêmes personnels que ceux exécutant les missions pénales, les services et personnels de la PJJ n’étant pas spécialisés et réalisant indifféremment des mesures pénales et civiles. La poursuite d’une activité secondaire au civil permettra notamment la poursuite dans un cadre civil et par une même équipe du suivi d’un jeune commencé dans le cadre pénal.

Ces crédits permettront le financement des quatre priorités de la PJJ dans le cadre de son projet stratégique national 2008-2011, définies lors des deuxième et troisième conseils de modernisation des politiques publiques :

—  L’objectif de garantir à l’autorité judiciaire, directement ou par le secteur associatif habilité, une aide à la décision tant en matière civile que pénale.

Cette action porte aussi bien sur la connaissance de la personnalité et de l’environnement du mineur que sur la proposition de mesures adaptées à chaque jeune et à chaque stade de son parcours en fonction de toutes les possibilités disponibles.

—  L’amélioration de la qualité de la prise en charge des mineurs sous main de justice dans les services et établissements de l’État.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a conforté le président du conseil général dans son rôle de prévention primaire et administrative de la délinquance, en en faisant le pivot de la politique de protection de l’enfance sur le département. En contrepoint de cette évolution, le secteur public de la PJJ va désormais concentrer son action sur les mineurs délinquants, conformément à sa vocation historique. À cette fin, la PJJ a entrepris dès 2008 de donner la priorité à la prise en charge des mineurs au pénal par les services publics de la PJJ. Par ailleurs, les services de la PJJ ont fait l’objet d’une réorganisation, par la mise en œuvre du décret de structuration juridique des services du 6 novembre 2007.

—  L’objectif de garantir à l’autorité judiciaire, aux usagers et aux citoyens, par le contrôle, l’audit et l’évaluation, la qualité de l’aide aux décisions et celle de la prise en charge dans les services publics ou associatifs habilités par la DPJJ.

Pour l’exercice de cette mission, la DPJJ a constitué depuis la fin de l’année 2008 des équipes d’audit, dans le but d’évaluer et de contrôler le fonctionnement et les modalités d’intervention du secteur public et du secteur associatif habilité. Dans les services publics de la DPJJ, la démarche de contrôle et d’évaluation sera également systématisée. Dans le secteur associatif, l’objectif poursuivi est de passer dans un premier temps à un contrôle tous les 5 ans, c’est-à-dire un par période d’habilitation. Les auditeurs ont également pour mission d’identifier et de capitaliser les bonnes pratiques, ainsi que de diffuser l’information entre les structures éducatives.

Par ailleurs, un contrôle conjoint est désormais proposé aux conseils généraux lorsque le service concerné a la double habilitation. Les premières conventions de travail conjoint ont été signées ou validées par les conseils généraux. Elles portent sur l’audit des établissements mais également sur la formation de certains agents de ces collectivités territoriales.

—  La conception de normes et de cadres d’organisation de la justice des mineurs qui conjuguent la contrainte judiciaire et l’objectif d’insertion sociale.

La DPJJ s’est vu assigner l’objectif d’accroître son rôle et son efficacité dans la rédaction des textes concernant les mineurs et dans le fonctionnement général de la justice des mineurs, par la création au sein de la DPJJ d’une cellule spécialisée dans l’élaboration des textes. Ce renforcement de la capacité normative de la PJJ apparaît essentiel alors que la rédaction de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante devrait faire l’objet en 2010 d’une révision complète, avec la création d’un code de la justice pénale des mineurs, à la suite des travaux de la commission présidée par le recteur André Varinard.

Le plafond d’autorisation d’emplois pour le programme PJJ en 2010 s’élève à 8 618 ETPT, contre 8 951 en 2009, soit une baisse de 3,7 % des effectifs. Le tableau ci-après décrit l’évolution de la répartition par action de ce plafond global.

Action

Plafond d’ETPT ouverts en LFI pour 2009

Plafond d’ETPT demandé pour 2010

Évolution 2009/2010

Action 01 : Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants

5 592

5 890

+ 298

Action 02 : Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs

1 060

655

- 405

Action 03 : Soutien

1 636

1 503

- 133

Action 04 : Formation

663

570

- 93

TOTAL

8 951

8 618

- 333

Avant d’expliquer la portée des différentes évolutions des effectifs par action, il importe de préciser que, à compter du présent budget, l’ensemble des crédits des structures polyvalentes du secteur public – structures exécutant des missions pénales et civiles – a été budgété sur l’action n° 01. Ainsi, dans le projet annuel de performances pour 2010, les crédits inscrits sur l’action n° 02 ne regroupent plus que les crédits relatifs aux seules mesures civiles réalisées par le secteur associatif habilité, les effectifs du secteur public étant pris en compte au titre de l’action n° 01 y compris au titre des mesures civiles qu’ils peuvent exécuter. Pour autant, afin d’indiquer le plus précisément possible la répartition effective entre activités pénales et activités civiles des structures polyvalentes du secteur public, les crédits du secteur public font l’objet dans le projet annuel de performances, à titre d’information, d’une ventilation selon la nature des missions réalisées faisant application de clés de répartition. Ainsi, les effectifs figurant dans le tableau ci-dessus ont-ils été calculés a posteriori en fonction de l’activité de ces services constatée au premier semestre 2009. Pour l’exercice 2010, ces effectifs font l’objet d’une estimation en fonction de l’activité prévue des services en matière civile et pénale.

Ces éléments de technique budgétaire précisés, votre rapporteur souligne que l’évolution des effectifs par action traduit fidèlement des orientations prises par la PJJ dans le cadre du recentrage de son action sur la prise en charge des mineurs délinquants. Ainsi, le nombre d’ETPT consacré à l’action n° 01 croît de 298 ETPT, soit une augmentation de 5,3 %, tandis que les effectifs consacrés à l’action n° 02 décroissent de 405 unités (- 38,2 %).

L’action n° 03 connaît quant à elle une baisse significative de 93 ETPT entre 2009 et 2010, soit une diminution de 14 %. Cette baisse a été principalement permise par la réorganisation des services territoriaux, opérationnelle depuis le 1er janvier 2009, autour de 9 directions interrégionales en lieu et place des 15 directions régionales. D’autres économies sont également rendues possibles par la création de 16 directions interdépartementales, ainsi que par l’instauration d’une carte des emplois « cible » pour l’administration territoriale.

Au final, l’évolution des effectifs de la PJJ traduit le souci d’optimisation de l’utilisation des ressources humaines et d’utilisation au plus juste des moyens dont dispose l’État : en effet, le budget de la PJJ prévoit une réduction des effectifs significative (- 333 ETPT, soit une baisse de 3,7 %), tout en assurant une augmentation des effectifs affectés aux tâches qui constituent le cœur de métier de la PJJ, à savoir la prise en charge des mineurs délinquants.

Les réformes statutaires et indemnitaires menées au cours de l’année 2009 ou envisagées pour l’année 2010 permettent une revalorisation des cadres d’emploi de la PJJ et une meilleure prise en compte individualisée des contraintes propres liées aux différents emplois.

—  Un bilan positif des réformes menées en 2009

● La réforme indemnitaire de la filière de direction : la mise en place d’une indemnité de fonction et d’objectif (IFO)

Le dispositif indemnitaire de la filière de direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mis en place au 1er janvier 2009 et destiné à prendre en compte l’extension des missions des directeurs de la PJJ due à la réforme de l’administration territoriale, a permis une revalorisation d’environ 30 % des montants versés.

L’indemnité de fonctions et d’objectifs comprend deux parts cumulables. La première dite fonctionnelle, modulable de 100 à 300 %, prend en compte les responsabilités, le niveau d’expertise et les sujétions spéciales liées aux fonctions exercées. La seconde dite individuelle, modulable de 0 à 300 %, tient compte de l’atteinte des objectifs déterminés dans le cadre de l’entretien professionnel. Elle s’inscrit donc dans la logique de rémunération au mérite, promue plus généralement dans l’ensemble de la fonction publique.

Enfin, dans le but de simplifier et de clarifier l’architecture indemnitaire, l’IFO a remplacé les indemnités spécifiques perçues jusqu’alors par la filière de direction, ainsi que la nouvelle bonification indiciaire et toute autre indemnité liée à la manière de servir notamment.

● L’extension de la prime d’encadrement éducatif de nuit à tous les agents assurant la prise en charge éducative de nuit et la revalorisation des montants réglementaires

Dans le cadre de l’extinction du corps des agents techniques d’éducation à l’horizon 2010-2011 et de leur intégration progressive dans le corps des éducateurs, l’extension de la prise en charge éducative de nuit aux corps des éducateurs a nécessité la révision du dispositif indemnitaire existant. Le décret n° 2008-1205 du 20 novembre 2008 portant attribution d’une prime d’encadrement éducatif de nuit prévoit, depuis décembre 2008, la participation des éducateurs à la prise en charge éducative pendant la nuit assortie d’une revalorisation de 30 % des montants versés au titre de cette sujétion.

● La revalorisation indemnitaire en faveur des personnels exerçant leurs fonctions en unité éducative d’hébergement collectif (UEHC) d’un établissement de placement éducatif

Depuis 2008, cette mesure vise à harmoniser les montants indemnitaires perçus au titre de la fonction hébergement et à accompagner sur le plan indemnitaire la mise en œuvre progressive des dispositions du décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Celui-ci prévoit notamment la transformation des foyers d’action éducative (FAE) et des centres de placement immédiat (CPI) en unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC).

Les personnels titulaires et non titulaires concernés par cette revalorisation sont ceux exerçant leurs fonctions en UEHC, à l’exception des personnels administratifs et des agents assurant une fonction administrative, qui étaient antérieurement en fonction en FAE et exclus à ce titre du bénéfice de la prime d’encadrement éducatif renforcé prévue par le décret n° 96-956 du 30 octobre 1996.

● La revalorisation indemnitaire en faveur des personnels de la PJJ exerçant leurs fonctions en service éducatif d’établissement pénitentiaire pour mineurs

Le régime indemnitaire des personnels affectés en service éducatif auprès des établissements pénitentiaires pour mineurs est revalorisé depuis le 1er janvier 2008. Cette revalorisation est opérée en recourant à l’augmentation des montants versés au titre de l’indemnité de risques et de sujétions spéciales prévue par le décret n° 2006-1335 du 3 novembre 2006.

● La revalorisation indemnitaire en faveur des formateurs

Afin d’accompagner les évolutions liées aux conditions d’exercice du métier de formateur, une réforme indemnitaire est prévue en faveur des agents chargés des fonctions de formation à l’école nationale de protection judiciaire de la jeunesse et dans les pôles territoriaux de formation.

Au-delà de l’augmentation globale des montants indemnitaires, cette réforme permet, d’une part, de remplacer les points NBI par un montant indemnitaire équivalent, et d’autre part, d’harmoniser le régime indemnitaire des formateurs. Ainsi, dans la limite des plafonds règlementaires, le régime indemnitaire des formateurs sera aligné sur celui des attachés, plus élevé.

● La mise en œuvre du nouveau statut d’emploi de conseiller d’administration

Le ministère de la justice a créé un nouveau statut d’emploi de conseiller d’administration. Ce statut d’emploi permet d’offrir des débouchés à certains fonctionnaires détenant un grade d’avancement de corps de catégorie A occupant des emplois à haut niveau de responsabilité ou d’expertise. Depuis le 1er janvier 2009, la PJJ dispose de 15 emplois de cette nature qui ont vocation à accompagner la réorganisation territoriale de la PJJ. La nomination de ces emplois a débuté au second semestre 2009 et se poursuivra en 2010.

● La poursuite de la réforme du statut des agents techniques d’éducation (ATE).

Un plan d’intégration sur quatre ans des agents techniques d’éducation dans le corps des éducateurs a été initié depuis 2007. Compte tenu de la nature de leurs fonctions auprès des jeunes pris en charge (assurer la surveillance de nuit, la continuité de l’action éducative et la sécurité dans les hébergements), l’administration a estimé nécessaire de valoriser leur situation statutaire en leur offrant la possibilité d’accéder à un corps relevant de la catégorie B.

À titre transitoire, pour les années 2008 à 2010, il a été prévu de réduire la durée de services publics exigée de 10 à 7 ans. De plus, il est désormais proposé aux ATE d’accéder également au corps des éducateurs par la voie de l’examen professionnel leur permettant ainsi de bénéficier plus rapidement de cette intégration. Le plan d’intégration des ATE dans le corps des éducateurs s’achèvera à la fin de l’année 2010.

—  De nouvelles réformes envisagées en 2010 dans le sens de la revalorisation des cadres d’emploi des personnels de la PJJ

● La refonte de l’organisation des statuts d’emploi de la filière de direction

Ce projet a pour but de redéfinir le cadre réglementaire des statuts d’emplois des directeurs territoriaux et des directeurs fonctionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Il s’agit de simplifier la classification actuelle des statuts d’emploi relevant du décret n° 2005-533 du 24 mai 2005 en l’adaptant notamment aux évolutions de l’organisation territoriale des services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse.

Une classification simplifiée autour de deux catégories d’emplois, l’emploi de directeur interrégional et l’emploi de directeur fonctionnel de la protection judiciaire de la jeunesse se substituerait à la classification actuelle. L’emploi de directeur fonctionnel remplacerait à la fois l’emploi de directeur territorial et les emplois de directeurs fonctionnels des premier, deuxième et troisième groupes. Une grille indiciaire unique serait donc créée.

● La réforme statutaire du corps des professeurs techniques

En 2004, une réflexion a été engagée sur l’éventuelle fusion des corps de professeurs techniques de la PJJ et de professeurs de lycée professionnel (PLP) de l’éducation nationale, avec maintien d’effectifs propres au ministère de la justice. Cette solution aurait permis de faire bénéficier les agents de la PJJ de meilleures conditions de promotion et de plus grandes possibilités de mobilité fonctionnelle et géographique. Les organisations syndicales n’étaient pas favorables à cette fusion au motif que la spécificité des missions dévolues au corps des professeurs techniques, tendant principalement à favoriser l’insertion sociale en s’appuyant sur la transmission de savoirs, constitue une difficulté à un tel rapprochement.

À défaut de fusion, la Chancellerie et le ministère de l’éducation nationale se sont accordés pour promouvoir, dans un premier temps, une mobilité réciproque entre leurs services, principalement par la voie du détachement. Un groupe de travail destiné à déterminer les modalités concrètes visant à faciliter la mobilité entre services et à développer l’attractivité des parcours se réunira prochainement.

● La réforme statutaire du corps des infirmiers

La recherche de perspectives de carrière plus attractive pour les infirmiers de la protection judiciaire de la jeunesse est envisagée. Elle passerait nécessairement par l’intégration dans le corps interministériel des infirmiers de l’État régi par le décret du 23 novembre 1994. Ce projet présenterait également l’intérêt de s’inscrire dans la politique interministérielle de rapprochement des corps qui remplissent des missions voisines et de résorption des petits corps.

Présenté aux organisations syndicales représentatives de ce corps, ce projet de fusion de corps a recueilli leur accord de principe. Conformément aux indications du ministère en charge de la fonction publique, un courrier a été adressé au ministère de la santé, futur gestionnaire des infirmiers de la PJJ, afin de recueillir son accord de principe sur ce dossier. La réponse du ministère de la santé est aujourd’hui attendue.

Parallèlement, un travail de redéfinition des missions des infirmiers est engagé. Il s’agit d’établir une typologie cadrée des missions leur incombant, ainsi que d’identifier l’échelon territorial de positionnement le plus pertinent.

● La réforme statutaire du corps des éducateurs

La spécialisation de l’institution dans la prise en charge des mineurs au pénal a des impacts importants sur les caractéristiques d’exercice du métier d’éducateur et sur les compétences mises en œuvre pour l’exercer. À ce changement de métier vient s’ajouter un renforcement quantitatif et qualitatif de la prise en charge par la mise en œuvre de la mesure d’activité de jour, tant en milieu ouvert qu’en hébergement.

Afin d’accompagner le développement de ces nouvelles compétences, il convient de permettre à un plus grand nombre d’éducateurs d’accéder au corps de débouché des catégories A, les chefs de service éducatif (CSE). L’objectif est que 30 % des effectifs du corps des éducateurs accèdent à celui de CSE au lieu des 20 % actuels. Il est donc envisagé pour 2010 de transformer 300 emplois d’éducateurs en emplois de chefs de service éducatif.

● La mise en place de la fonction de responsable d’unité éducative (RUE).

La PJJ va mettre en place au 1er janvier 2010 une nouvelle fonction de cadre intermédiaire, complémentaire de celle de directeur de service, dénommée « responsable d’unité éducative » (RUE). Elle sera assurée par les directeurs de service actuellement en responsabilité d’une unité éducative et par les chefs de services éducatifs fonctionnels, professeurs techniques et conseillers techniques de service social qui le souhaiteront. Ces personnels bénéficieront d’une formation à leur prise de poste au cours de l’année 2010. À terme, la fonction de RUE sera accessible aux directeurs de service à l’issue de leur formation initiale, et aux chefs de service éducatif, aux professeurs techniques et aux conseillers techniques de service social qui auront suivi un dispositif de formation spécifique, préparatoire à la prise de poste.

D’un point de vue indemnitaire, la PJJ étendra le bénéfice de l’IFO aux RUE, quel que soit leur corps d’appartenance. Conformément aux dispositions du décret portant création de l’IFO (décret n° 2008-1309), celle-ci sera modulée en fonction de l’affectation du responsable d’unité éducative et de sa manière de servir. En outre, cette prime sera exclusive du versement de toute autre indemnité.

● La revalorisation du régime indemnitaire des éducateurs exerçant leurs fonctions en milieu ouvert et en insertion et des psychologues

Les éducateurs exerçant leurs fonctions en milieu ouvert et en insertion n’ont bénéficié d’aucune revalorisation indemnitaire depuis 2006, contrairement aux éducateurs exerçant en FAE et en EPM revalorisés en 2008. Afin de prendre en compte l’intensification du travail de ces agents du fait de la mise en place des mesures d’activité de jour, une revalorisation de 2 points indemnitaires pour les éducateurs en insertion et en milieu ouvert est prévue en 2010, qui correspond à une augmentation annuelle de leur régime indemnitaire de 456 euros.

Une revalorisation du régime indemnitaire est également prévue pour les psychologues en 2010, afin de compenser l’augmentation de leur temps de présence dans les structures.

Comme il l’a déjà souligné dans le présent avis en présentant la formation des personnels pénitentiaires, votre rapporteur estime que la formation professionnelle est indispensable pour garantir le plus haut niveau de qualité d’intervention des services de l’État. Comme ceux des agents pénitentiaires, les métiers de la protection judiciaire de la jeunesse sont particulièrement exigeants mais également soumis à des évolutions profondes et rapides. Les cadres d’intervention et les objectifs des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ont ainsi notablement évolué au cours des dernières années : l’intervention des éducateurs de la PJJ dans les quartiers pour mineurs, la création de nouvelles structures telles que les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) par la LOPJ de 2002, le recentrage de l’activité de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants ont nécessité une évolution – voire une révolution – culturelle de la part des personnels de la PJJ. Les mineurs pris en charge ont également considérablement évolué, nécessitant une importante mise à jour des modes de prise en charge par les personnels de la PJJ.

L’acteur principal de la formation des personnels de la PJJ est l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), implantée depuis 2008 à Roubaix, que votre rapporteur a visitée le 16 octobre dernier. Cependant, comme c’est également le cas dans l’administration pénitentiaire, les services déconcentrés, par l’intermédiaire des directions interrégionales de la PJJ, assurent également des missions en matière de formation professionnelle continue, en lien avec l’ENPJJ, au sein de pôles territoriaux de formation (PTF).

Comme l’ENAP, l’ENPJJ assure la formation de l’ensemble des corps qui composent la PJJ, ce qui représente un nombre élevé de personnes à former pour une administration comptant environ 9 000 personnels. En outre, la PJJ a connu un important renouvellement de ses effectifs au cours des dernières années, la moitié des éducateurs ayant moins de 10 ans d’ancienneté au sein de l’institution. En 2009, l’ENPJJ aura accueilli en formation initiale ou d’adaptation plus de 1 100 personnels et réalisé plus de 4 200 jours-stagiaires. L’activité de formation continue aura représenté près de 25 000 jours-stagiaires.

La catégorie la plus nombreuse est celle des éducateurs, dont les trois dernières promotions ont compris entre 180 et 200 élèves ; un tiers de ces élèves environ est recruté en interne chaque année. À ces élèves recrutés par concours, s’ajoutent chaque année environ 30 à 50 éducateurs recrutés sur titre ayant déjà exercé soit dans des structures ne relevant pas de la PJJ soit dans des structures relevant de la PJJ en qualité de contractuels, ainsi que 80 à 100 éducateurs recrutés par liste d’aptitude, issus notamment de la catégorie en cours d’extinction des ATE. Ces deux dernières catégories sont formées en un an, tandis que les éducateurs recrutés par concours sont formés en deux ans. Au total, ce sont donc environ 300 à 350 éducateurs qui sont formés par l’ENPJJ chaque année.

Le corps des directeurs accueille quant à lui chaque année 30 à 40 élèves, formés en 2 ans. Le corps des directeurs n’a été créé qu’en 1992 et le recrutement par voie de concours externe qu’en 1996, les emplois de directeurs ayant été jusqu’à ces dates pourvus à l’ancienneté par d’anciens éducateurs. Au moment de la création de ce corps, la question de savoir comment une personne n’ayant jamais été éducateur pouvait diriger une équipe d’éducateurs a été résolue par la mise en place d’une formation adaptée et spécifique, d’abord d’une durée d’un an avant d’être portée à deux ans. Une liste d’aptitude permet également de recruter environ 10 directeurs pas an.

En outre, l’ENPJJ forme également les autres corps de la PJJ, que sont par exemple les psychologues, les secrétaires, les adjoints administratifs ou encore les cuisiniers.

Enfin, pour mettre en œuvre l’axe n°4 de son projet stratégique national 2008-2011, qui prévoit la garantie à l’autorité judiciaire de la qualité de l’aide à la décision et celle de la prise en charge, la direction de la PJJ a prévu de déployer à terme une centaine d’auditeurs sur l’ensemble du territoire national. 39 personnes, en provenance soit de la filière éducative soit de la filière administrative, ont été formées aux techniques communes à la pratique de l’audit lors de la première session ayant débuté en septembre 2008. Avec les deux sessions de formation dispensées en 2009, un total de 80 personnes aura été formé. Une nouvelle session sera organisée en 2010.

Les formations dispensées par l’ENPJJ le sont dans un cadre de formation adapté et sont d’une grande qualité, ce que votre rapporteur a pu constater lors de sa visite de l’ENPJJ et grâce aux échanges qu’il a pu avoir tant avec les personnels qu’avec les élèves.

L’ENPJJ dispose à Roubaix de conditions d’implantation adaptées à ses missions, comme le sont également son statut et son budget.

L’ENPJJ trouve son origine dans le Centre de formation et d’études de Vaucresson, créé en 1952 pour former les éducateurs et « déterminer les méthodes à mettre en œuvre pour promouvoir une authentique politique éducative », comme le prévoyait son texte constitutif. Depuis, l’école de la PJJ n’a cessé d’évoluer pour répondre aux exigences de la formation et aux demandes des praticiens. C’est en 1992 que le dispositif de formation a été regroupé sous l’appellation Centre national de formation et d’études de la protection judiciaire de la jeunesse (CNFEPJJ).

L’ENPJJ a remplacé le CNFE depuis le 1er septembre 2008, date d’ouverture du site désormais localisé à Roubaix, conformément à la décision prise en 1994 par le comité interministériel pour l’aménagement du territoire (CIAT). Après que la candidature de Roubaix a été retenue, le ministère de la justice a acquis une friche industrielle – le site des anciennes filatures Delattre – située à proximité immédiate de l’hôtel de ville de Roubaix.

L’école, conçue par l’architecte lilloise Nathalie T’Kint choisie en 2003, constitue une réussite architecturale incontestable, parfaitement intégrée dans son environnement et mêlant le respect du bâtiment d’origine avec la création contemporaine et l’ouverture sur le monde extérieur : la brique rouge traditionnelle, qui forme les 100 mètres linéaires, sur trois niveaux, du bâtiment ancien, est complétée par un jardin et une vaste extension contemporaine lumineuse. L’effort de l’architecte a également porté sur la fonctionnalité du bâtiment comme sur la qualité de vie et les conditions de travail des différents publics qu’il accueille.

Au total, l’ENPJJ dispose désormais pour remplir ses missions de plus de 6 000 mètres carrés. Une trentaine de salles de cours, dont un amphithéâtre de 340 places équipé pour la visioconférence et dimensionné pour des manifestations internationales, permettent l’accueil quotidien de plus de 400 stagiaires en formation initiale ou continue. Le site se veut clairement tourné vers les nouvelles technologies, avec deux salles équipées pour la visioconférence et l’enseignement à distance, des espaces de travail numérique, une unité de production multimédia et, à terme, de nombreux services en ligne.

Adapté par sa taille et par sa fonctionnalité, le site de l’ENPJJ est également rapidement accessible depuis le centre de Lille, puisqu’il est desservi par le métro, ainsi que depuis les nombreux points du territoire dont peuvent venir les élèves qu’elle accueille, Lille ne se trouvant qu’à une heure de train de Paris.

L’ENPJJ est un service déconcentré de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui comporte un site central à Roubaix et onze pôles territoriaux. À la différence de l’ENAP, l’ENPJJ ne dispose donc pas du statut d’établissement public administratif. En effet, sa taille et l’importance de ses effectifs ne rendent pas indispensable qu’elle dispose de ce statut conférant davantage d’autonomie administrative mais aussi pédagogique – même si l’autonomie pédagogique ne signifie naturellement pas que les programmes de formation conçus et mis en œuvre par l’ENAP puissent ne pas correspondre aux besoins des personnels tels qu’ils sont exprimés par la direction de l’administration pénitentiaire, comme l’a précédemment montré votre rapporteur.

Pour autant, une plus grande souplesse de gestion budgétaire serait souhaitable, notamment pour permettre à l’ENPJJ de louer ses locaux et notamment son remarquable amphithéâtre pour des manifestations ou colloques, ce qu’actuellement elle ne peut pas faire faute de régie de recettes constituée. Compte tenu de la situation de l’école et de la qualité des locaux, une location de l’amphithéâtre pendant une journée pourrait ainsi procurer à l’ENPJJ 1 500 euros de recettes. Votre rapporteur estime donc nécessaire qu’une solution adaptée soit trouvée en lien avec les services du ministère de la justice pour permettre à l’ENPJJ de répondre aux nombreuses sollicitations qu’elle a déjà reçues pour louer son amphithéâtre.

S’agissant de son organisation administrative, l’ENPJJ est structurée autour de trois directions, qui concourent chacune aux missions de formation, de veille scientifique et de diffusion des savoirs qui sont les siennes.

La direction des affaires administratives et financières (DAF) a en charge le bon fonctionnement de l’école, sa gestion et l’allocation optimale des ressources. Elle est principalement composée de trois départements, Ressources humaines, Affaires financières, Logistique, auxquels s’ajoutent un service Informatique et le contrôle de gestion. Ses missions concernent le suivi du budget opérationnel de programme (BOP), la réalisation de la commande publique, le suivi des engagements et dépenses, de la comptabilité des matériels, l’administration du personnel, l’élaboration des procédures administratives, la gestion des locaux de l’école et bon fonctionnement des équipements pédagogiques.

Pour les stagiaires en formation initiale (en particulier pour les candidats du concours externe), cette direction est aussi celle qui gère le début de leur carrière de fonctionnaire. Ils sont en effet assimilés, le temps de leur formation, à des personnels de l’ENPJJ. Les questions de gestion de ressources humaines sont donc du ressort de la direction des affaires administratives et financières.

La direction des enseignements et de la recherche (DER) a pour mission la production de contenus de connaissance, la recherche et la diffusion de tous ces savoirs, par une politique éditoriale et partenariale ambitieuse. Elle est composée de huit départements, cinq à caractère disciplinaire (Droit et politiques publiques, Sciences humaines, Communication et informatique pédagogique, Techniques administratives et gestion publique et Action éducative) et trois plus transversaux (Edition, Médiathèque, Archives). Ses missions consistent dans la production des connaissances et des outils pédagogiques relatifs aux pratiques professionnelles et à leur transmission, dans la facilitation de l’adaptation des pratiques professionnelles à l’évolution du contexte de leur exercice, dans une mission de veille relative à l’émergence de problématiques nouvelles au sein de l’activité, dans l’animation de l’activité éditoriale et de la politique de production de ressources documentaires multimédias.

Les stagiaires peuvent s’appuyer sur les formateurs de cette direction pour les soutenir dans l’acquisition de connaissances, en particulier dans le cadre des séquences pédagogiques, l’approfondissement d’une question ou le suivi d’un mémoire. Ils sont aussi invités à participer aux manifestations scientifiques mises en place par la DER et à tirer profit de la politique éditoriale de ce département.

La direction de l’ingénierie de formation (DIF) s’occupe principalement de la conception et de la mise en oeuvre des dispositifs de formation, de l’accompagnement des stagiaires, ainsi que de la construction de l’individualisation des formations, en lien avec une politique de reconnaissance et de validation des acquis de l’expérience. Trois départements sont associés à la mise en œuvre des missions de la DIF : Ingénierie de formation, Parcours professionnels et Relations internationales. Ses missions consistent à préparer, par la formation, les personnels de la PJJ de toutes fonctions et tous statuts à assurer les missions assignées par la loi et la réglementation en matière d’action éducative dans le cadre judiciaire, à concevoir et mettre en œuvre des dispositifs et des actions de formation, à conduire l’évaluation de ces dispositifs et actions, à procéder aux reconnaissances d’acquis à travers l’expérience professionnelle, et à effectuer des bilans de positionnement.

Les formateurs de la DIF sont les référents des stagiaires durant leur présence à l’école. Ils construisent et évaluent les dispositifs de formation. Ils accompagnent les stagiaires sur l’ensemble de leur formation, et en particulier dans la construction de l’alternance et le suivi des stages. Ils assurent également l’animation de séquences pédagogiques.

La formation constitue l’action n° 04 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». Les crédits ouverts pour cette action dans le projet de loi de finances pour 2010 s’élèvent à 33,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Au sein de ces crédits, les dépenses de personnel s’élèvent à 25,75 millions d’euros, correspondant à 570 ETPT, ce nombre d’emplois s’expliquant par le rattachement administratif des élèves recrutés par concours externe aux effectifs de l’ENPJJ.

Les dépenses de fonctionnement courant de l’action n° 04 s’élèvent à 8 millions d’euros, et couvrent les charges locatives et d’entretien des locaux, les fournitures et matériels de bureaux, les charges de télécommunications et d’informatique, les charges de déplacement du personnel et les prestations de services pour la réalisation en externe d’une partie de la formation initiale et continue.

Le bâtiment de l’ENPJJ ayant été livré au cours du second trimestre de l’année 2008, aucun crédit de dépenses immobilières n’est prévu en 2010.

Capable de dispenser à ses élèves une formation de haut niveau et adaptée aux évolutions des missions de la PJJ, l’ENPJJ joue également parfaitement son rôle de promotion sociale au travers de la classe préparatoire intégrée qu’elle a créée en 2008.

En une période où la PJJ est confrontée à une nécessaire adaptation de ses stratégies devant l’évolution des demandes sociales, l’École assume avec les terrains d’exercice une mission décisive dans la transmission et l’évolution des pratiques professionnelles, en accord avec les inflexions législatives et les attentes sociales. Les programmes de formation élaborés et mis en œuvre par l’ENPJJ poursuivent un triple objectif : assurer la transmission des valeurs et des savoirs professionnels qui fondent l’intervention éducative sur décision judiciaire, soutenir les personnels dans leur parcours, et accompagner les réformes voulues par le législateur.

La professionnalisation est au cœur du processus de formation. Des fondamentaux pédagogiques sont mis en œuvre dans toutes les formations : une dynamique d’alternance entre l’école et le terrain, des contenus résolument orientés sur l’exercice de la fonction, au plus près des orientations et de l’actualité de l’institution, et des écrits identifiés à l’écriture professionnelle.

Avant même la création de l’ENPJJ, le CNFE avait acquis, au cours des ans, une réputation certaine, et bénéficiait d’une image valorisée auprès du personnel de la PJJ et des autres intervenants de la jeunesse en difficulté, en France comme à l’étranger. La qualité de la formation dispensée par l’ENPJJ est attestée par la convention que celle-ci a signée avec l’Université Lille II, qui permet aux élèves de l’ENPJJ de bénéficier d’un master 1 de cette université, sous réserve de la validation de deux épreuves complémentaires non enseignées à l’ENPJJ. Cette reconnaissance de la qualité de la formation dispensée aux futurs professionnels ou aux personnels en poste de la PJJ apparaît pleinement justifiée aux yeux de votre rapporteur, qui a pu lors de sa visite de l’ENPJJ apprécier la cohérence et le haut niveau de qualité du projet pédagogique conçu et mis en œuvre par l’ENPJJ.

La capacité d’adaptation de l’ENPJJ aux évolutions des missions de ses personnels au sein de la PJJ est illustrée, notamment, par la mise en place de formations conjointes avec l’ENAP pour les personnels des deux directions appelés à exercer leurs fonctions en établissement pénitentiaire pour mineurs. Compte tenu de la spécificité de ces établissements, et de la nécessité que personnels de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse y travaillent en parfaite osmose, des formations conjointes de 15 jours sont organisées pour les élèves des promotions ayant choisi d’être affectés en EPM. Organisées en alternance sur le site de l’ENAP à Agen et sur le site de l’ENPJJ à Roubaix, ces formations permettent aux personnels d’apprendre à connaître les particularités et les contraintes des missions des uns et des autres afin de participer dans les meilleures conditions à l’objectif commun qui sera le leur au sein de l’EPM : la prise en charge du mineur incarcéré. Si, lors de la création des EPM, certains éducateurs avaient pu se montrer sceptiques sur la possibilité de mettre en œuvre un projet éducatif dans un établissement pénitentiaire, cette logique et ces critiques ont aujourd’hui été dépassées, grâce à la naissance d’objectifs et d’éléments de culture communs qu’ont favorisés les formations conjointes dispensées par l’ENAP et l’ENPJJ.

Les classes préparatoires intégrées des écoles de la fonction publique sont un élément essentiel de la politique menée par le Gouvernement en faveur de l’égalité des chances. Pleinement conscientes de l’impératif de diversification de leurs profils et d’amélioration de l’égalité des chances en faveur de certaines catégories de nos concitoyens, les écoles professionnelles de la justice, ENAP et ENPJJ en tête, ont pleinement assumé leur rôle de promotion sociale par la création de leurs classes préparatoires intégrées (CPI) dès septembre 2008.

La CPI de l’ENPJJ a pour objet de préparer au concours d’éducateur, accessible au niveau bac+2. Comme pour la CPI de l’ENAP, le but de cette classe préparatoire intégrée est d’offrir les meilleures conditions possibles d’apprentissage à des jeunes qui, du fait de leur situation géographique (zone isolée, ZUS, ZEP…), sociale ou familiale n’ont pas la possibilité de bénéficier d’une préparation de qualité au concours, cumulant bien souvent études et emploi salarié.

Sélectionnés parmi 110 candidatures, les auditeurs de la première session de la CPI étaient au nombre de 25, comprenant 13 femmes et 12 hommes, âgés de 21 à 34 ans et originaires de la France entière, de Saint-Omer à Marseille sans oublier une élève venue de La Réunion.

D’une durée de cinq mois, la formation comprend des enseignements théoriques et pratiques orientés vers la préparation du concours, ainsi qu’une préparation particulière en vue des épreuves orales. Une attention particulière est également portée à l’ouverture culturelle des élèves, afin de leur permettre de disposer du plus grand nombre de « clés » possibles pour se présenter avec les meilleures chances au concours d’éducateur.

Sur un plan matériel, l’ENPJJ prend en charge financièrement la formation, l’hébergement et la restauration des 25 élèves de la classe préparatoire intégrée. Cependant, à la différence des auditeurs de la CPI de l’ENAP que cette dernière inscrit en institut d’études judiciaires afin de leur permettre de bénéficier d’un statut d’étudiant, les auditeurs de la CPI de l’ENPJJ ne peuvent pas, compte tenu de la durée de formation (5 mois), être inscrits à l’Université. Ils ne peuvent donc pas bénéficier, même s’ils en remplissent les critères, de bourses d’études. En outre, s’ils peuvent théoriquement prétendre au versement de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, la durée de formation limite fortement leurs chances de l’obtenir, ce qu’atteste le fait qu’aucun élève de la deuxième session de la CPI de l’ENPJJ ne bénéficie de cette allocation. Comme l’a déjà souligné votre rapporteur, il est nécessaire qu’une réflexion soit menée entre les ministères chargés de l’enseignement supérieur et de la fonction publique pour proposer un statut adapté commun à l’ensemble des élèves des CPI, quel que soit le ministère dont relève l’école qui les accueille.

Les résultats de la première session de la CPI de l’ENPJJ sont tout à fait dignes d’éloges et révèlent l’implication de l’école dans la mise en œuvre de ce projet. En effet, 15 des 25 auditeurs de la première CPI ont passé avec succès le cap de l’admissibilité, tandis que 5 autres élèves avaient obtenu une moyenne générale supérieure à 10 sans toutefois être admissibles. Après les épreuves d’admission, 9 auditeurs de la CPI ont été reçus au concours d’éducateur, ce qui constitue un résultat extrêmement satisfaisant. Ayant rencontré une représentante de la deuxième session de la CPI actuellement en cours, dont les auditeurs se présenteront au concours d’éducateur au début de l’année 2010, votre rapporteur ne peut ici encore que saluer et encourager la mise en œuvre de la CPI au sein de l’ENPJJ et la pleine implication de l’École dans le rôle de promotion sociale assumé par l’État.

La question de la prise en charge éducative des mineurs délinquants, et particulièrement de ceux qui sont incarcérés, est une question centrale dans l’optique de prévention de la récidive et de la réitération et d’insertion de ces jeunes dans la société. Fort heureusement, le nombre de mineurs détenus est resté, depuis plus de dix ans, relativement stable, la part des mineurs ayant tendance à décroître au sein de la population carcérale générale, passant de 1,38 % en 2000 à 1,08 % en 2009, après un pic à 1,46 % en 2002. Les mineurs incarcérés étaient 718 au 1er janvier 2000 et 675 au 1er janvier 2009, même si un pic avait été atteint en 2002, avec 826 mineurs incarcérés.

Part de la population mineure dans l’ensemble
de la population pénale de 2000 à 2009

 

Nombre de personnes détenues

Nombre de mineurs détenus

Part des mineurs détenus dans la population écrouée (en %)

2000

52 070

718

1,38

2001

49 718

616

1,24

2002

56 385

826

1,46

2003

60 963

808

1,33

2004

63 652

739

1,16

2005

60 925

623

1,02

2006

59 488

732

1,23

2007

61 780

729

1,18

2008

64 250

727

1,13

2009

62 252

675

1,08

Source : direction de l’administration pénitentiaire

La France a fait le choix de se doter, depuis la LOPJ de 2002, d’établissements pénitentiaires spécifiquement dédiés aux mineurs, créés avec la volonté clairement affichée de mettre en place un projet et un encadrement éducatifs propices à la prise en charge des mineurs présentant le plus de carences. Les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) ont donc été créés en vue de mettre en place des programmes d’activités soutenues en vue de prévenir la récidive des mineurs incarcérés. Si la question de la prise en charge éducative des mineurs pendant le temps de l’incarcération apparaît importante, celle de leur sortie l’est tout autant, la sortie devant être préparée au mieux afin de favoriser le retour du jeune dans les circuits scolaires ou professionnels de droit commun.

Institués par la LOPJ de 2002, les EPM, au nombre de six, sont dotés d’une capacité totale d’accueil de 360 jeunes détenus (60 par établissement). Quatre d’entre eux ont été mis en service en 2007 : à Lavaur (Tarn), Meyzieu (Rhône), Quiévrechain (Nord) et Marseille (Bouches-du-Rhône). Deux EPM ont ouvert en 2008 à Orvault (Loire-Atlantique) et Porcheville (Yvelines). Le dernier, situé à Meaux-Chauconin (Seine-et-Marne) aurait dû ouvrir au début de l’année 2009, mais la baisse du nombre de mineurs incarcérés a conduit l’administration pénitentiaire à décider sa transformation en quartier courtes peines.

Afin d’évaluer la pertinence des modalités de prise en charge éducative des mineurs incarcérés en EPM, votre rapporteur a visité le 23 octobre dernier l’EPM de Quiévrechain, dans le Nord. Au cours de cette visite, il a pu échanger avec l’ensemble des catégories de personnels assurant le fonctionnement de l’établissement : personnels pénitentiaires, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, enseignants encadrés par un directeur pédagogique, personnels médicaux, ainsi que les personnels du groupement privé assurant la maintenance et certaines prestations délégables au sein de l’établissement pénitentiaire, ces derniers étant – comme les premiers cités – amenés à jouer un rôle éducatif en tant qu’adultes dans les missions qu’ils assument auprès des mineurs.

Cette visite, ainsi que les éléments d’information fournis par le ministère de la justice, ont permis à votre rapporteur de constater que tant la conception des EPM que les moyens qui y sont consacrés sont pleinement adaptés à l’objectif d’une prise en charge éducative renforcée des mineurs incarcérés.

Placés sous la responsabilité de l’administration pénitentiaire mais bénéficiant de l’intervention permanente de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – à la différence des QPM dans lesquels la prise en charge de la PJJ n’est pas aussi soutenue –, les EPM ont été conçus pour placer l’éducatif au coeur de la prise en charge des mineurs détenus en s’appuyant sur un encadrement renforcé. Chaque EPM, dont celui de Quiévrechain, comprend 7 unités d’hébergement (1 unité dite « arrivants » de 6 places, 1 unité « filles » de 4 places et 5 unités « garçons » de 10 places chacune), un quartier disciplinaire, un plateau sportif complet, une unité médicale, un secteur scolaire et une zone socio-culturelle (salles d’activités, bibliothèque, salle de spectacle…).

Deux modèles architecturaux différents ont été développés au sein des 6 EPM mis en service. Les EPM de Lavaur, Marseille, Orvault et Porcheville ont été conçus sur un modèle d’« agora », avec un espace public important placé au cœur de l’établissement et une visibilité des unités garçons sur l’unité filles. Ce modèle présente l’inconvénient d’être relativement bruyant et propice aux tracas que de jeunes garçons sont susceptibles de causer à de jeunes filles dans un établissement pénitentiaire, à travers notamment des cris adressés par les fenêtres des cellules pendant la nuit. Les EPM de Meyzieu et Quiévrechain (de même que celui de Meaux-Chauconin, qui n’a finalement pas ouvert en tant qu’EPM) ont été conçus avec des unités séparées consacrées aux hébergements (au nombre de 7), une unité pour les activités d’enseignement, une consacrée à la santé et la dernière dédiée aux activités sportives.

Le deuxième modèle présenté apparaît à l’usage plus propice à une gestion efficace du collectif, la place des jeunes filles étant notamment mieux protégée. Si de nouveaux programmes d’établissements spécifiques aux mineurs devaient dans l’avenir être décidés, une étude approfondie de l’impact de l’architecture sur le fonctionnement des établissements devra être menée, afin de tirer tous les enseignements de l’expérience acquise dans les 6 premiers EPM. En outre, une attention particulière devra également être portée au choix des matériaux intérieurs, l’utilisation de plaques de plâtre pour les revêtements muraux n’apparaissant pas des plus adaptées s’agissant d’un établissement accueillant des occupants susceptibles de « chahuter » ou de connaître des accès de violence les amenant à dégrader – involontairement ou volontairement – les locaux.

Sur le plan de la sécurité, les EPM se caractérisent par le faible nombre des dispositifs techniques destinés à prévenir les évasions et à ralentir les mouvements que l’on peut trouver dans les établissements pénitentiaires accueillant des majeurs. Les EPM ne sont équipés ni de chemin de ronde entre le mur d’enceinte et les bâtiments, ni de concertinas, ni de caillebotis aux fenêtres. Après avoir passé la zone d’entrée, les dispositifs de sas et de grilles sont réduits au minimum au sein de l’établissement. En effet, l’essentiel de la sécurité de l’établissement résulte du niveau d’encadrement très élevé des mineurs incarcérés, qui fait la spécificité des EPM.

Le fonctionnement des EPM se caractérise par deux aspects : d’une part, un fort niveau d’encadrement, et, d’autre part, une individualisation de la prise en charge de chaque mineur incarcéré. Le fort niveau d’encadrement au sein des EPM se manifeste par une prise en charge régulière des mineurs 7 jours sur 7, sur une amplitude horaire de 14 heures, une journée de détention s’étendant de 7 h 30 à 21 h 30. La surveillance de nuit incombe à l’administration pénitentiaire. Au total, le personnel d’un EPM comprend : 76 personnels pénitentiaires, dont 70 personnels de surveillance, 43 personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, dont 36 éducateurs et des professeurs techniques de la PJJ, 4 à 8 enseignants encadrés par un directeur pédagogique, et une équipe médicale à hauteur de 5 équivalents temps plein, auxquels s’ajoutent les personnels du groupement privé – au nombre de 13 sur le site de Quiévrechain, par exemple – et des animateurs d’activités intervenant ponctuellement. Le total des personnels dépasse ainsi un ratio de deux adultes pour un mineur incarcéré.

La seconde caractéristique des EPM réside dans l’individualisation de la prise en charge de chaque mineur incarcéré. Chaque mineur détenu se voit proposer un emploi du temps personnalisé, tenant compte de ses besoins et de ses problématiques, comprenant des heures d’enseignement général et technique à raison d’une vingtaine d’heures par semaine, ainsi que des heures d’activités socio-culturelles et sportives, réparties tout au long de la semaine, y compris les samedis et dimanches. L’ensemble de ces activités vise à rendre possible l’émergence de projets de sortie adaptés aux besoins de chaque jeune mais aussi l’engagement d’un processus de resocialisation.

Le fonctionnement des EPM est fondé sur un travail pluridisciplinaire : l’équipe de direction inclut réglementairement le chef d’établissement, issu de l’administration pénitentiaire, un personnel de surveillance, un représentant de la protection judiciaire de la jeunesse et un représentant de l’éducation nationale. Elle se réunit au moins une fois par semaine pour partager les informations et coordonner les actions de prise en charge des mineurs.

Lors de sa visite de l’EPM de Quiévrechain et de ses échanges avec les personnels des différentes institutions, votre rapporteur a pu constater la cohésion de l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire autour de l’objectif de prise en charge éducative renforcée et adaptée du mineur, cette cohésion sur l’objectif n’excluant pas de riches et utiles débats sur les modalités à mettre en place pour réaliser cet objectif. Au moment de la création des EPM, faire travailler ensemble autour du même objectif des personnels aux cultures professionnelles très différentes était un défi qu’ont dû relever les personnels ayant formé les équipes des premiers EPM. Si l’on ne peut nier que le fonctionnement de certains EPM ne donne pas entière satisfaction, le fonctionnement de l’EPM de Quiévrechain, notamment, montre que la cohabitation et la collaboration de l’administration pénitentiaire, de la PJJ, de l’Éducation nationale et des personnels médicaux sont possibles, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire centrée sur l’intérêt du mineur.

Au travers des échanges qu’il a pu avoir, votre rapporteur a pu constater que c’est précisément cette approche pluridisciplinaire qui fait la richesse du travail éducatif mené au sein des EPM : les principes ayant présidé à la création des EPM permettent en effet d’associer efficacement la sanction, indispensable pour que le mineur prenne conscience de ce que la commission d’une infraction est systématiquement sanctionnée par la société, et l’éducation, indispensable pour l’insertion du mineur dans la vie en société et la prévention de la récidive et de la réitération.

La période d’incarcération d’un mineur est utile à un double point de vue : d’une part, elle permet de sanctionner un acte souvent grave, généralement de nature criminelle pour les mineurs de moins de 16 ans, de façon telle que le mineur ne peut avoir de doutes sur la fermeté de la réponse pénale qui est apportée à l’acte commis ; d’autre part, elle permet d’engager un travail de rescolarisation et de resocialisation, préalables nécessaires à l’insertion du jeune détenu.

Pour autant, comme pour les majeurs, la préparation de la sortie et les conditions de cette sortie apparaissent fondamentaux. Permettre la sortie d’un mineur sans projet éducatif et sans accompagnement reviendrait à priver de la moitié de son sens et de son utilité la période passée en prison par le mineur. L’importance des équipes éducatives présentes dans les EPM facilite la préparation de projets de sortie permettant d’accompagner le jeune vers l’insertion et rend envisageable que le jeune libéré puisse, pendant la période suivant immédiatement sa libération, être accompagné par les professionnels l’ayant suivi au cours de sa détention. Les outils juridiques existent également pour permettre la mise en place de sorties progressives et accompagnées des jeunes détenus, au travers des aménagements de peine qui peuvent être prononcés pour les mineurs, tels que la libération conditionnelle ou la semi-liberté.

Cependant, les possibilités d’aménagement de peine accompagné par les personnels des EPM n’ont pas encore été pleinement utilisées. Ainsi, la semi-liberté n’est quasiment jamais prononcée pour des mineurs incarcérés en EPM, alors que cette mesure permettrait de placer les mineurs dans une situation propice à une sortie progressive et encadrée. La semi-liberté pourrait par exemple permettre au mineur de reprendre une scolarité dans l’établissement scolaire le plus proche de l’EPM, ou de suivre une formation professionnelle spécialisée que l’EPM n’est pas en mesure de lui proposer. En outre, dès lors que les EPM ne sont pas utilisés à leur capacité maximale, comme c’est actuellement le cas de tous les EPM à l’exception de celui de Marseille en raison de la baisse du nombre des mineurs incarcérés, l’accueil en soirée et fin de semaine de jeunes en semi-liberté serait parfaitement envisageable et permettrait d’abaisser le coût journalier global de ces structures.

Afin de favoriser le développement de ces mesures d’aménagement de peine, nécessaires pour pouvoir transformer la période d’incarcération en chance d’insertion pour le jeune détenu au travers d’un projet de sortie bien conçu et accompagné, votre rapporteur estime souhaitable que les conférences régionales des aménagements de peine, prévues par l’article D. 48-5-1 du code de procédure pénale, investissent davantage les questions concernant les mineurs. La création d’un sous-groupe au sein de ces conférences régionales, qui se consacrerait pleinement au développement des aménagements de peine en faveur des mineurs, pourrait favoriser une plus large utilisation des outils juridiques et des possibilités d’accueil disponibles, notamment au sein des EPM, dans l’intérêt des mineurs et de la prévention de la récidive.

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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 2 novembre 2009, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2010.

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M. le président Didier Migaud. Nos deux commissions sont heureuses d’accueillir Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, afin de les entendre à propos des crédits consacrés à la mission « Justice ».

Pour permettre des échanges directs et vivants avec les ministres et laisser toute sa place au jeu des questions et des réponses, j’invite nos collègues à se montrer concis.

J’en profite pour saluer le travail du rapporteur spécial et des rapporteurs pour avis, qui, au-delà de la présentation de leurs rapports budgétaires, s’apprécie tout au long de l’année, lors de la préparation du projet de loi de finances mais aussi dans le cadre du suivi, du contrôle de l’exécution et de l’évaluation des politiques publiques.

J’appelle l’attention du Gouvernement sur deux points.

D’abord, la carte judiciaire. Certes, l’objectif initial de la simplification n’était pas d’ordre financier puisqu’il s’agissait, je crois, de parvenir à une meilleure administration de la justice. Néanmoins, jusqu’à ce jour, le Parlement a disposé de très peu d’informations concernant les effets de cette réforme sur le coût de la justice. Certains de nos collègues ont même souligné l’apparition de facteurs d’aggravation des coûts. M. Yves Deniaud, rapporteur spécial du programme « Politique immobilière de l’État », a cité l’exemple suivant : le tribunal de Saintes, récemment rénové, a été fermé et ses services ont déménagé vers La Rochelle, où les locaux n’ont pas fait l’objet de travaux récents. En outre, les palais de justice appartenant souvent aux collectivités territoriales, la fermeture des tribunaux n’apporte pas toujours à l’État la perspective de cessions immobilières. Il serait intéressant, madame la garde des sceaux, que vous nous éclairiez sur le détail, par année et par catégorie, des coûts de la réforme et des économies prévisibles.

Ma seconde interrogation concerne le programme de construction d’établissements pénitentiaires. Votre ministère a recouru à des partenariats public-privé : avec le recul, quel bilan en tirez-vous, du point de vue de la complexité de la procédure, des délais et des coûts d’investissement et de fonctionnement, en comparaison avec une maîtrise d’ouvrage publique ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. À structure constante, les crédits de la mission « Justice » progressent de 3,3 %, pour atteindre 6,859 milliards. En une période aussi contrainte, cette dotation mérite d’être saluée.

Mais, au-delà des chiffres, nous souhaitons évidemment que vous nous présentiez les grandes lignes de votre politique. L’occasion nous est offerte aujourd’hui de faire le point sur les réformes lancées depuis le début de la législature.

Par ailleurs, comment réagissez-vous aux travaux récents de la Commission des lois ? La mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale a rendu un rapport fort intéressant relatif à la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes placées sous main de justice. J’ai demandé au président de l’Assemblée nationale que ses propositions puissent faire l’objet d’un débat, en application de l’article 145, alinéa 6, du règlement, au cours de la prochaine semaine de séance publique consacrée au contrôle de l’action gouvernementale.

La Commission des lois vient aussi de formuler plusieurs propositions tendant à optimiser la dépense fiscale.

D’abord, le développement de la médiation dans les contentieux familiaux accélérerait le règlement des problèmes de garde d’enfant ou de pension alimentaire tout en améliorant le rapport qualité/prix du service rendu par l’État.

Ensuite, nous avons travaillé sur l’hypothèse d’une fusion entre justice de proximité et justice de première instance, ce qui serait de nature à réduire l’effet de structure et à simplifier le fonctionnement de la justice.

Et puis, la visioconférence devrait devenir la règle et l’extraction judiciaire l’exception.

Nous proposons enfin l’allégement de la procédure de suspension du permis de conduire, qui concerne beaucoup de nos concitoyens, en fusionnant la phase administrative et la phase judiciaire, le système actuel coûtant beaucoup d’argent à l’État et nuisant à la lisibilité de la sanction.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Les crédits de paiement de la mission « Justice » augmentent de 3,42 %, à 6,859 milliards. La progression est d’ailleurs ininterrompue depuis des années – la part des crédits consacrés à la justice dans le budget de l’État est passée de 1,85 % en 2003 à 2,45 % en 2010 –, ce qui montre combien la justice est une priorité.

Les nouveaux moyens en personnel sont concentrés sur l’ouverture d’établissements pénitentiaires et, pour un montant équivalent, sur l’accompagnement de la réforme de l’appel, intégrant les professions d’avoué et d’avocat. Peut-être conviendra-t-il, dans les années à venir, de poursuivre le renforcement des effectifs dans les greffes et les services administratifs des tribunaux, les effectifs de magistrats ne semblant pas soulever beaucoup de questions. Quelles sont vos intentions pour les futurs budgets ?

La réforme de la carte judiciaire, menée avec détermination, suit son cours. Dans certaines juridictions, des décisions ont même été prises de façon anticipée. La fermeture de tribunaux s’est déroulée dans des conditions meilleures que prévu, avec des mutations de magistrats jugées convenables. Personne n’attendait d’effet financier immédiat. Cela dit, la réforme de la carte judiciaire coûte de l’argent cette année, en coûtera l’an prochain et continuera d’en coûter au-delà. Quel bénéfice financier pouvons-nous espérer au terme du processus en cours ?

L’un des reproches majeurs émis par les justiciables à propos de notre système judiciaire concerne la longueur des délais s’écoulant entre la commission des faits et le jugement puis entre le jugement et l’exécution de la peine. Vos services ont-ils apprécié les moyens en personnel et en informatique qu’il convient de mettre en œuvre, dans le cadre de la nouvelle politique pénale, afin de raccourcir ces délais ?

La dématérialisation des procédures s’inscrit dans une dynamique de réformes du ministère de la justice qui, fait réconfortant, emporte l’adhésion de l’administration. Cette dématérialisation se heurte toutefois à des obstacles. Les avez-vous identifiés ? Comment espérez-vous les surmonter dans les années à venir ?

Le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires se poursuit. Quand sera-t-il achevé ? Peut-on d’ores et déjà mesurer ses effets sur la population carcérale ?

Le principe de l’encellulement individuel n’est pas applicable immédiatement, nous le savons bien. L’enjeu n’est pas seulement individuel, les directeurs d’établissement que nous avons rencontrés nous l’ont tous fait observer. La surpopulation de l’établissement complique en effet l’organisation de la « journée du détenu », qui doit comporter des activités de formation et de prévention de la récidive.

À propos du futur programme de construction, divers chiffres ont circulé. Pouvez-vous préciser à quelle date il débutera et quel sera son volume ? Définirez-vous des priorités pour tenir compte du très mauvais état dans lequel se trouvent nombre de maisons d’arrêt, à cause de la surpopulation mais aussi par manque d’entretien et d’espace ?

Quels sont les points forts de votre politique carcérale ? Supposent-ils l’attribution de moyens financiers supplémentaires, en particulier pour les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation ? Compte tenu des allégements de peine prévus dans le cadre de la nouvelle politique pénale, le travail des conseillers des SPIP ira croissant. Le taux d’encadrement des personnes suivies étant déjà assez faible, les moyens seront probablement concentrés sur les actions extérieures aux établissements. Or, pour lutter contre la récidive, il importe de maintenir un accompagnement dans les établissements. Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions en la matière ?

Il me semble que la déconcentration des décisions financières pourrait être encore renforcée. Les établissements pénitentiaires comme les juridictions manquent sérieusement d’autonomie dans l’utilisation des crédits disponibles, et le délai de réactivité de l’échelon régional n’est pas très bon.

Des sommes considérables sont consacrées à la remise en état des maisons d’arrêt et des établissements pour peine. À Fleury-Mérogis, par exemple, le coût de rénovation par cellule ou par détenu excède largement celui de la construction d’un établissement neuf. Pendant trente ans, le ministère a négligé l’entretien de ses établissements. Pourrait-il se montrer désormais plus prévoyant ?

Enfin, la coopération avec vos services est excellente, puisque le taux de réponse à nos questions atteint 99 %. Je n’en dirai pas autant des indices figurant dans les documents, dont je trouve la signification faiblarde.

M. le président Didier Migaud. Il semblerait que quelques cours d’appel, comme celles de Paris ou de Grenoble, rencontrent des difficultés de paiement. Pourrez-vous nous donner quelques explications, madame la garde des sceaux – à moins que le problème ne soit résolu ?

M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la Commission des lois, sur les programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse ». Les crédits des deux programmes que je rapporte révèlent la cohérence et la continuité de l’action du Gouvernement. Ces deux administrations jouent un rôle central dans l’exécution des décisions de justice.

Les crédits de paiement alloués au programme « Administration pénitentiaire » sont certes en baisse mais ses autorisations d’engagement augmentent. Il s’agit en effet d’un budget d’exécution de dépenses engagées dans les lois de finances des années précédentes, d’après un calendrier pluriannuel, notamment en vue d’assurer les constructions des établissements du plan 13 200. La hausse des effectifs, à hauteur de 840 équivalents temps plein travaillés – ETPT –, permettra à l’administration pénitentiaire non seulement d’ouvrir de nouveaux établissements mais aussi de faire progressivement monter en charge le nombre de placements sous surveillance électronique.

Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » subit quant à lui une baisse légère, de 1 %, le nombre d’ETPT autorisés diminuant de 333 postes. Toutefois, loin de traduire un désengagement de l’État en matière de prise en charge des mineurs, les crédits ouverts constituent la stricte traduction budgétaire des deux lois du 5 mars 2007, relatives respectivement à la prévention de la délinquance et à la protection de l’enfance. Ces lois tendent à recentrer l’action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, tandis que celle des mineurs en danger doit surtout être assurée par les départements, conformément à leur compétence de droit commun en matière d’action sociale.

L’action engagée depuis l’an dernier se poursuivra donc en 2010, des effectifs antérieurement affectés à la prise en charge des mineurs au civil étant réaffectés sur des missions pénales.

Par ailleurs, grâce à une réorganisation administrative bien menée de ses directions régionales et départementales, la PJJ a pu faire baisser de 133 ETPT le nombre d’emplois autorisés pour l’action « Soutien ». Cette rationalisation administrative mérite d’être saluée.

J’ai souhaité étudier trois thèmes : la formation initiale et continue des agents ; la mise en œuvre de la loi pénitentiaire ; la prise en charge éducative des mineurs placés en établissement pénitentiaire pour mineur, ou EPM.

En visitant l’École nationale de l’administration pénitentiaire, à Agen, et l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, à Roubaix, j’ai été très favorablement impressionné par la qualité des formations dispensées. À Agen, par exemple, un bâtiment reproduisant des parties d’un établissement pénitentiaire est utilisé à des fins de simulation, notamment afin de former à la prévention du suicide. Les deux écoles accomplissent également des efforts particuliers en matière de formation continue, nécessité absolue pour des métiers connaissant d’importantes évolutions.

Cependant, l’ENAP, du fait de l’augmentation importante des effectifs formés, apparaît saturée, tandis que l’ENPJJ n’est pas utilisée à sa pleine capacité. En outre, certains enseignements gagneraient à être dispensés en commun, notamment ceux concernant les mineurs incarcérés. Certaines formations de l’administration pénitentiaire pourraient même être réalisées en partenariat avec d’autres écoles de la fonction publique, par exemple, dans le domaine de la sécurité, avec les écoles de police ou de gendarmerie. Quelles mesures envisagez-vous pour favoriser la complémentarité des formations entre les deux écoles relevant du ministère de la justice, mais aussi avec des écoles relevant d’autres ministères ?

J’ai pu apprécier la remarquable implication de l’ENAP et de l’ENPJJ dans la mise en œuvre des classes préparatoires intégrées, dispositif extrêmement novateur et important pour promouvoir l’égalité des chances. Les résultats des deux premières sessions sont d’ailleurs remarquables : neuf auditeurs admis à des concours de la fonction publique sur douze élèves préparés par l’ENAP ; neuf auditeurs sur vingt-cinq admis au concours d’éducateur pour l’ENPJJ.

Il existe cependant des disparités dans les statuts des auditeurs des classes préparatoires des deux écoles : ceux de l’ENAP, inscrits à l’université par leur école, bénéficient du statut d’étudiant et de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, tandis que ceux de l’ENPJJ, en raison d’une durée de formation trop courte, sont dépourvus du statut d’étudiant et ne sont donc pas éligibles à cette allocation. Est-il envisageable de doter d’un statut commun l’ensemble des auditeurs des classes préparatoires intégrées, en lien avec les ministères de l’enseignement supérieur et de la fonction publique ?

L’article 27 de la loi pénitentiaire a institué une obligation d’activité pour les personnes condamnées détenues, avec pour corollaire l’obligation positive, à la charge de l’administration pénitentiaire, de proposer des activités aux détenus. Dans un contexte d’emploi dégradé, quelles mesures 1’administration pénitentiaire prendra-t-elle pour tenter de maintenir et de développer l’offre de travail pénitentiaire ?

Plusieurs dispositions de la loi pénitentiaire ont des implications immobilières significatives, en particulier le droit des personnes détenues au respect de leur dignité, le principe de l’encellulement individuel et l’adaptation de la taille des cellules au nombre de détenus qui y sont hébergés. Ces dispositions rendent indispensable la fermeture des établissements les plus vétustes et la construction de nouveaux établissements pour les remplacer. Le programme 13 200 étant en voie d’achèvement, pouvez-vous nous donner les premiers éléments concernant le futur programme immobilier envisagé, en termes d’ouverture de places nouvelles, de fermetures de places anciennes et de calendrier ?

L’augmentation du nombre d’exécutions de peine en milieu ouvert contraint à s’interroger sur les effectifs des SPIP : si l’on veut éviter que le développement des aménagements de peine conduise à une augmentation du taux de récidive, les mesures de milieu ouvert doivent être assorties d’un suivi et d’un contrôle des condamnés aussi intensifs que possible. Quelles sont vos intentions en termes d’augmentation des effectifs d’insertion et de probation, dans une perspective pluriannuelle ?

Enfin, en visitant l’EPM de Quiévrechain, j’ai constaté que les équipes de l’administration pénitentiaire, de la PJJ, de l’éducation nationale et de la santé pouvaient collaborer très efficacement, dans le respect des cultures professionnelles de chacun mais animées par un objectif commun : l’intérêt du mineur.

Une difficulté liée à la préparation de la sortie des mineurs a cependant été soulevée par l’ensemble du personnel. La semi-liberté est très peu prononcée s’agissant de mineurs, surtout lorsqu’ils sont incarcérés en EPM. Or, cette formule peut être parfaitement adaptée pour les jeunes incarcérés en EPM, dans la mesure où elle leur permet de suivre une formation à l’extérieur et de reprendre ainsi contact avec la société, tout en continuant à bénéficier de l’encadrement éducatif renforcé propre à l’EPM. Ne serait-il pas souhaitable que les conférences régionales des aménagements de peine investissent davantage les questions concernant les mineurs, afin de mobiliser toutes les énergies ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la Commission des lois, sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». Les crédits de la mission « Justice » augmentent, cela a été dit. L’essentiel de cette hausse est lié au programme « Administration pénitentiaire », ce dont je me félicite. Les augmentations des crédits des programmes concernés par mon rapport sont plus modérées. Ainsi, ceux du programme « Justice judiciaire » progressent de 0,6 % et ceux des deux programmes de soutien de 0,5 %. Quant à ceux du programme « Accès au droit et à la justice », ils sont en baisse apparente de 7,2 %.

Même si elle suit son cours normalement, la réforme de la carte judiciaire suscite des inquiétudes au sein du corps judiciaire. On s’interroge sur la charge qu’elle peut entraîner pour le budget de l’État. En présence du Premier président de la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour, a d’ailleurs indiqué à la Commission des lois que la réforme représentera dans un premier temps une charge nette pour le budget de l’État, sans pouvoir préciser expressément ni le montant ni la durée de ce surcoût. Il a envisagé une période comprise entre cinq et dix ans. Je souhaitais, madame la garde des sceaux, appeler votre attention sur cette inquiétude persistante.

Je tiens aussi à revenir sur les modalités de l’accompagnement social de la réforme. À ce sujet, mon attention a été appelée sur le fait que les fonctionnaires des départements de la petite couronne parisienne, affectés par la fermeture de leur tribunal, ne percevraient ni les primes d’aide à la mobilité du conjoint ni les primes de restructuration de service. Qu’en est-il ?

Je vous interrogerai ensuite sur l’Ecole nationale de la magistrature, un sujet qui m’est cher. Une réforme de l’Ecole a été décidée à la suite des conclusions rendues par la commission d’enquête parlementaire chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire d’Outreau. Cette réforme est en cours, mais je m’interroge sur le nombre des recrutements : la promotion 2006 de l’ENM comptait 286 auditeurs de justice ; celle de 2009 n’en compte que 141. Ces recrutements ne suffiront pas à compenser les départs à la retraite des magistrats, estimés à quelque 300 chaque année à l’horizon 2014. Qu’en pensez-vous, madame la garde des sceaux ?

Par ailleurs, la masse salariale des auditeurs de justice figurera en 2010 au budget de la mission « Justice » et non plus au budget de l’ENM. Celle-ci perd donc la maîtrise de ses finances ; et si cela concerne aussi les frais de déplacement, cette évolution ne risque-t-elle pas d’avoir une incidence sur la pédagogie de l’ENM ?

Mes questions suivantes portent sur la situation des fonctionnaires des services judiciaires. Au cours des auditions, mon attention a été à nouveau appelée sur la réduction de leur effectif : on est passé pour la première fois sous le seuil de 2,5 fonctionnaires – toutes catégories confondues – pour un magistrat, avec un ratio de 2,46 en 2009. Or, tout magistrat doit pouvoir s’appuyer sur les fonctionnaires des services judiciaires, avec lesquels il forme équipe, et qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice. Sans fonctionnaires, aucun magistrat ne peut prendre de décision.

Pourtant, l’effectif des fonctionnaires de catégorie B stagne. Quant à celui des fonctionnaires de catégorie C, il baisse, alors qu’ils accomplissent un travail d’exécution indispensable. Il est nécessaire d’en recruter, et aussi de revaloriser leur situation, ce qui me conduit à évoquer à nouveau la question des primes.

Le principe d’une prime au mérite modulable, est entré en vigueur. Cette prime vaut pour les magistrats et pour les fonctionnaires des services judiciaires, mais même si l’on tient compte du degré de responsabilité exercé par les uns et par les autres, force est de constater la très forte différence des primes respectivement perçues par les magistrats et par les fonctionnaires concernés. Cette situation, parfois très mal vécue, peut susciter de graves difficultés au sein des équipes, voire mettre le travail en péril. Il semble par ailleurs que les fonctionnaires en congé de formation ne bénéficient pas de ces primes. On peut le comprendre, mais cela a pour effet pervers de ne pas inciter les fonctionnaires judiciaires à se former.

Il apparaît aussi que beaucoup d’heures supplémentaires ne seraient pas payées aux fonctionnaires des services judiciaires et que leur compte épargne-temps ne peut être alimenté que de dix jours par an. Qu’en est-il ? Et qu’en est-il des frais de déplacement qui semblent être remboursés très tardivement ?

J’en viens à l’intégration des salariés d’avoués, pour vous demander, madame la garde des sceaux, si les 190 ETPT sont bien inclus dans le plafond d’emplois figurant dans le projet annuel de performance. Cela semble être le cas ; toutefois, les salariés d’avoués n’apparaissent pas dans le tableau des entrées et des sorties du bleu du ministère des finances ? Qu’en est-il ? Par ailleurs, comment ces salariés seront-ils recrutés ? S’agira-t-il d’un concours réservé, de recrutements sur dossier, ou d’autres modalités ?

Je constate par ailleurs que les frais de justice, après avoir été maîtrisés au cours des années précédentes, augmentent à nouveau. M. le président Migaud et M. le président Warsmann l’ont indiqué, plusieurs cours d’appel sont dans l’impossibilité d’honorer ces factures.

Je conclurai en traitant de l’aide juridictionnelle. Les crédits qui lui sont affectés sont en baisse apparente mais vous nous avez indiqué, madame la ministre, que cette dotation serait en réalité stable puisqu’il est prévu de doubler le rythme des rétablissements de crédits et de les porter ainsi à 24 millions en 2010. Mais, au-delà de la stabilité ainsi rétablie, une augmentation de 3 % de l’aide juridictionnelle devrait être prévue l’an prochain si l’on s’en tient aux données figurant au projet annuel de performances. Je sais qu’une réflexion est engagée sur la réforme de l’aide juridictionnelle ; quelles sont les pistes privilégiées ?

M. le président Didier Migaud. La parole est aux représentants des groupes politiques.

M. Philippe Goujon. L’année 2010 sera, pour la justice, celle de plusieurs grands rendez-vous. Le groupe UMP considère que ce budget aidera à ne pas les manquer car il opère un rattrapage. Le premier rendez-vous, c’est l’entrée en phase opérationnelle de la nouvelle carte judiciaire qui, après s’être heurtée à tous les immobilismes et à tous les corporatismes, est aujourd’hui acceptée dans son principe. Le moment est venu d’en accélérer l’application, sous réserve de quelques corrections là où elles sont nécessaires, à la demande des chefs de cours. Où en est-on du regroupement prévu des 178 tribunaux d’instance et comment se dessine celui des 23 tribunaux de grande instance prévu pour 2011 ? L’enveloppe globale de 375 millions prévue pour l’ensemble de la réforme sera-t-elle maintenue ? Comment se fait l’accompagnement social de la réforme, notamment pour les personnels les plus touchés que sont les greffiers et les autres fonctionnaires de justice, souvent en poste depuis très longtemps ? Comment s’accomplit la réorganisation des barreaux concernés ? Confirmez-vous l’économie programmée de 300 ETPT ? L’anticipation des conséquences immobilières de la réforme pour lesquelles 77 millions sont inscrits a-t-elle été suffisante ?

Cent millions confortent par ailleurs la modernisation immobilière des juridictions. Mais qu’en est-il du nouveau tribunal de grande instance de Paris, dont la réalisation a été décidée mais pour lequel aucun crédit d’acquisition des terrains nécessaires dans le quartier des Batignolles n’est prévu ?

Le deuxième grand rendez-vous, c’est l’application de la loi pénitentiaire, texte fondateur. Au-delà du plan « 13 200 », lancerez-vous effectivement un nouveau programme de 11 000 places de remplacement des établissements les plus vétustes, vous conformant ainsi aux règles pénitentiaires européennes et à la loi pénitentiaire ? Pouvez-vous faire le point sur les travaux en cours aux Baumettes et, à la demande de mon collègue Serge Blisko, à La Santé ? Comment, dans le cadre de la RGPP, comptez-vous abaisser les coûts de construction ?

L’alternative à la construction de prisons, ce sont les aménagements de peine, qui ont triplé depuis 2007 pour concerner 14 % des condamnés en 2009. L’objectif de 18 % sera-t-il atteint en 2011 et pourrez-vous aller au-delà ? L’organisation devra sans doute être revue pour permettre, comme le préconise le rapport Lamanda, de doubler le nombre de bracelets électroniques disponibles tout en les miniaturisant. Mais l’objectif prioritaire que constitue, dans la loi pénitentiaire, le développement des aménagements de peines doit être tenu dans toutes ses dispositions. À ce sujet, combien de nouvelles places spécialisées en quartier de courtes peines, en centres de semi-liberté et en centres pour peines aménagées sont-elles prévues ? Quelles perspectives peut-on envisager pour le travail en détention, pour aller au-delà des 37 % de détenus actuellement employés ?

Après le récent pic de suicides – déjà connu en 2000 –, quelles mesures comptez-vous prendre, outre celles déjà appliquées ?

En matière d’accès aux soins, où en est la mise en œuvre du schéma national d’hospitalisation et l’ouverture, prévue entre 2010 et 2012, des neuf premières unités hospitalières spécialement aménagées ? L’augmentation de l’indemnité annuelle et la réorganisation des missions des médecins coordinateurs rendront-elles ces postes suffisamment attractifs pour satisfaire les besoins ? A-t-on pourvu les quartiers de mineurs de médecins référents ?

Le troisième grand chantier est celui de la prise en charge des mineurs délinquants, marqué par les deux lois de 2007. Quel sera l’effet de ces lois sur l’affectation des effectifs ? Serez-vous en mesure d’améliorer le taux de réponse pénale – qui a déjà augmenté de dix points en cinq ans – pour atteindre l’objectif d’une réponse rapide pour chaque infraction et, en 2011, de 70 % de jeunes n’ayant ni réitéré ni récidivé ?

L’attention portée aux victimes et aux justiciables en général est une autre priorité. Des marges de progrès existent encore dans de nombreuses juridictions pour une meilleure maîtrise des délais de traitement des affaires ; certaines juridictions ont fait des efforts sensibles, d’autres beaucoup moins – comment les y inciter ?

La meilleure reconnaissance des personnels passe par la revalorisation de la fonction de greffier, selon les préconisations du rapport Guinchard. Cela concerne le paiement des heures supplémentaires, la création d’un greffier juridictionnel, l’arrêt de la dégradation du ratio magistrats-greffiers, le rapprochement avec les corps administratifs. Où en est-on ?

Enfin, où en sont les efforts en matière d’extraction judiciaire et de réduction des escortes et transfèrements ? Pourra-t-on aller au-delà de la baisse de 5 % programmée en 2010 et recourir beaucoup plus fréquemment à la visioconférence comme je le recommandais dans le débat sur la loi pénitentiaire ? Quand on sait que ces missions mobilisent, pour la seule gendarmerie, mille gendarmes mobiles par jour, on se rend compte que cette question mérite d’être traitée avec attention.

En conclusion, et sous réserve des réponses aux questions ainsi posées, je considère que ce budget permet, dans un contexte contraint, la mise en œuvre de réformes ambitieuses et attendues par nos concitoyens, et la correction des dysfonctionnements constatés par plusieurs rapports récents et illustrés par des affaires qui ont défrayé la chronique. C’est en cela que 2010 sera une année importante pour la justice.

M. Dominique Raimbourg. Comment, se demande le groupe SRC, répondre aux interrogations si délicatement formulées par M. Garraud ? Il vous demandait en réalité, madame la garde des sceaux, comment vous parviendriez à faire plus ou au moins autant avec des moyens en baisse, avec 314 postes de greffiers en moins, avec la morosité que suscite la différence du montant des primes alloué aux magistrats d’une part, aux fonctionnaires judiciaires d’autre part ? Ces questions sont évoquées chaque année par les syndicats de greffiers, avec une amertume qui confine maintenant à la désespérance.

Comment la protection judiciaire de la jeunesse fera-t-elle face avec des postes en moins ? J’ai bien compris que le report est dû à l’examen du projet de loi sur l’enfance en danger, mais quelle sera l’articulation entre l’Office national de l’enfance en danger, les services du conseil général et ceux des services de protection judiciaire de la jeunesse ? Comment prendra-t-on en charge les jeunes majeurs relevant actuellement de la DJJ ? Comment se fera la transition ?

La même interrogation vaut pour l’aide juridictionnelle, dont le budget baisse de 317 à 295 millions. Certes, vous espérez voir s’améliorer le recouvrement des frais de justice, mais c’est bien aléatoire, et il n’est pas sûr que ce meilleur recouvrement suffise à compenser la baisse des crédits de l’aide juridictionnelle.

S’agissant de l’informatique, quand l’efficacité du programme Cassiopée sera-t-elle à peu près satisfaisante et quel est son coût ? Où en est la « mise en état virtuelle » ? Peut-on espérer l’harmonisation des opérations conduites par les avocats et de celles que conduisaient les avoués ?

S’agissant de la justice civile, les indicateurs de performance ont-ils été établis en concertation avec les magistrats et les greffiers ? Sinon existe-t-il une perspective de concertation pour mesurer la performance de chaque service ? Permettez-moi à ce sujet de m’attarder un instant sur le mode de calcul de l’un de ces indicateurs – celui de la durée des procédures –, qui peut sembler anecdotique mais qui ne l’est pas. Il est en effet spécifié que cette durée est calculée en incluant les procédures de référé. Belle preuve d’honnêteté intellectuelle que cette précision, à ce détail près que, à télescoper des données aussi disparates, on ne facilite pas la mesure véritable du délai d’attente dans les juridictions ordinaires – pour les affaires familiales par exemple.

S’agissant de la procédure et du droit pénal, il est impératif d’augmenter le nombre des conseillers d’insertion et de probation. Ils devront affronter des tâches nouvelles, et ils ne sont manifestement pas assez nombreux pour les mener à bien.

Comment, d’autre part, va-t-on recruter des médecins coordonnateurs en nombre suffisant ? Alors que votre prédécesseur, madame la garde des sceaux, avait annoncé la présence de 500 de ces médecins fin 2009, on en compte guère que 200 ! Un manque cruel d’appétence se fait sentir pour cette fonction assez peu attirante, et en termes de rémunération et en terme de culture professionnelle. Or, les médecins coordonnateurs sont une pièce importante du dispositif d’injonction thérapeutique. Comment progressera-t-on ?

Vos services, madame la ministre, disposeront-ils de bracelets électroniques en nombre suffisant pour respecter les nouvelles dispositions de la loi pénitentiaire, qui rendent automatiques l’examen de la situation des détenus à quatre mois de leur libération. Il existe 4 000 de ces bracelets aujourd’hui, 15 000 sont en commande – est-ce suffisant, alors que 65 000 détenus sont libérés chaque année ?

J’en viens aux bâtiments et, plus exactement, aux interrogations que ne manque pas de susciter la réforme de la carte judiciaire. Combien va-t-elle coûter, quel bénéfice en attendez-vous, et à quel terme ?

La presse se plaît à rapporter certaines malfaçons qui ont affecté la construction de maisons d’arrêt, comme ces portes qui ne ferment pas. N’y aurait-il pas lieu de renforcer la direction chargée de la maîtrise d’ouvrage ? S’agissant des partenariats public/privé, les groupes qui répondent aux offres sont peu nombreux : dès lors, la concurrence est-elle suffisante pour garantir des prestations de qualité et des prix bas ?

Enfin, j’ai constaté lors de nos auditions que certaines catégories de personnel, notamment les greffiers, font état chaque année des mêmes griefs et ressassent leur amertume. Comment entendez-vous agir pour remédier à cette morosité générale ?

M. Michel Vaxès. Au préalable, permettez-moi de vous poser deux questions relatives aux réformes prévues pour 2010. La recommandation du rapport Darrois – tendant à instaurer l’acte contresigné par l’avocat – et reprise dans une proposition de loi de M. Étienne Blanc, emporte-t-elle votre adhésion ? Nous partageons pleinement l’inquiétude et le désaccord dont ont fait part les notaires : une prérogative de puissance publique ne peut être confiée qu’à un professionnel placé sous le contrôle permanent de l’État. De fait, cette réforme aboutirait à un affaiblissement du service public du droit.

L’arrêt rendu le 13 octobre par la Cour européenne des droits de l’homme impose le plein exercice des droits de la défense dès la première minute de la privation de liberté, soit dès le début de la garde à vue. Envisagez-vous de suivre cette jurisprudence ou lui préférez-vous les conclusions de la commission Léger, qui vont en sens contraire ?

J’en viens au budget 2010. La France se situe au 35e rang européen pour la part du budget consacrée à la justice – 2 % cette année. Comme le faisait remarquer M. Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, auditionné par notre commission : « les moyens financiers dont dispose le ministère de la justice ne sont pas à la mesure de ce qu’exigeraient une démocratie et une République modernes ».

La hausse que connaît ce budget est absorbée dans sa quasi-totalité par le programme « Administration pénitentiaire ». Mais celui-ci, au regard de la nouvelle loi pénitentiaire, demeure très insuffisant. Certes, il est le seul à bénéficier de créations de postes, mais leur nombre – 1 113 – est faible puisque, rien que pour les nouveaux établissements, 1 200 postes seraient nécessaires. Est-ce à dire que les effectifs ne seront pas renforcés dans les prisons existantes ?

L’objectif n° 3 du programme est de développer les aménagements de peine. Mais seuls 262 agents, toutes filières confondues, viendront renforcer les SPIP. Tant que les moyens alloués seront aussi faibles, comment mener cette action majeure ?

Enfin, alors qu’il avait été question d’améliorer les conditions de détention des détenus, seuls 17,3 % du budget alloué à l’administration pénitentiaire seront dédiés à l’action 2 – accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice dans des conditions dignes et satisfaisantes. Comment, dans ces conditions, atteindre les objectifs affichés par le Gouvernement lors de l’examen de la loi pénitentiaire ?

S’agissant du programme « Justice judiciaire », les 18 indicateurs du projet annuel de performance tendent principalement à mesurer les délais de procédure. La Cour des comptes, soulignant que « cet objectif ne peut-être la seule préoccupation du service public de la justice », a recommandé en 2007 de compléter le projet par un indicateur sur le nombre de détentions provisoires suivies d’un non-lieu. Cette recommandation n’a été suivie d’effet ni en 2007 ni en 2008. Votre prédécesseure, interrogée l’année dernière à ce sujet, avait pourtant trouvé l’idée intéressante.

Si les besoins en emplois de l’administration pénitentiaire sont considérables, ceux de la justice judiciaire sont pressants. Pourquoi le nombre de places offertes aux concours de l’Ecole nationale de magistrature ne cesse-t-il de diminuer ? Pourquoi n’y aura-t-il pas de concours de greffier en chef en 2010 ? Les greffiers peuvent-ils espérer voir leurs heures supplémentaires – certains en cumulent 600 – indemnisées en 2010 ?

Pour ce qui est du programme « Accès au droit et à la justice », le budget alloué à l’aide juridictionnelle et à l’accès au droit est en baisse constante depuis trois ans – 7,8 % par rapport à 2009 –, alors même que les prévisions font état d’une progression du nombre de bénéficiaires – + 3 % par rapport à 2009. En violation de la Convention européenne des droits de l’homme, l’État continue ainsi de réduire sa participation et risque de mettre en péril la pérennité du système.

Dans le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », je note que l’écart entre la part consacrée à la mise en œuvre des mesures judiciaires en direction des mineurs délinquants – 71,35 % – et la part dédiée aux mineurs en danger ou aux jeunes majeurs – 9,26 % – se creuse, puisque le rapport était de 62/19 l’année dernière et de 50/30 l’année précédente. J’y vois une anticipation du rapport Varinard, qui prônait un recentrage des établissements et des services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sur les mineurs ayant commis des actes de délinquance.

Cela impacte directement les finances des départements. Pourquoi le fonds national pour la protection de l’enfance, institué en 2007 pour compenser le transfert de la compétence de la protection sociale et de l’aide sociale à l’enfance aux départements n’est-il toujours pas doté ? Pourquoi le décret n’est-il pas encore paru ? La Cour des comptes a insisté sur la nécessité de renforcer la position de l’Observatoire national de l’enfance en danger, associant l’État et les départements, et de le doter de moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux. Allez-vous œuvrer afin que cette recommandation soit suivie d’effets ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Pour répondre d’abord à M. Jean-Luc Warsmann, qui me demandait quelles étaient les grandes lignes de notre politique, je dirais que nous essayons d’abord de renforcer ce pilier institutionnel qu’est la justice. Si les citoyens ont le sentiment que des règles du jeu existent, qu’elles sont respectées par tous et appliquées équitablement, la cohésion d’une nation est garantie.

Mais nous voulons aussi répondre aux attentes, aux inquiétudes et aux critiques dont la justice fait l’objet. Il nous paraît essentiel de la rendre plus rapide dans son exécution, plus simple dans son fonctionnement et plus effective lorsque des sanctions sont prononcées.

La hausse du nombre des greffiers et des fonctionnaires doit permettre aux magistrats de se concentrer sur le cœur de leur mission, rendre des jugements. J’ai écrit aux procureurs pour leur demander de me communiquer les délais moyens, afin de dresser un état des lieux annuel, juridiction par juridiction. Je leur ai aussi demandé de me transmettre la liste des dossiers en instance depuis plus de cinq ans. La dématérialisation devrait permettre d’accélérer les procédures. Enfin, certaines procédures simplifiées ne sont pas suffisamment utilisées, comme la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La tendance à la judiciarisation des affaires contribue de façon certaine à l’engorgement des tribunaux. Or, qu’il s’agisse du pénal, du civil ou des prud’hommes, il est possible de recourir à la médiation et à la conciliation : cela permet d’éviter le passage devant le juge ou, si la procédure doit suivre son cours, de la simplifier et de l’accélérer.

Enfin, j’ai rappelé lors des débats sur la loi pénitentiaire que je m’étais fixé un objectif de résorption des 32 000 condamnations annuelles qui ne sont pas exécutées. Pour cela, nous disposons de plusieurs outils dont la possibilité, donnée par la loi pénitentiaire, d’aménager les peines de moins de deux ans.

M. Migaud m’a interrogée sur la simplification de la carte judiciaire. Le coût immobilier de la réforme se situe aux environs de 385 millions d’euros, les dépenses étant censées s’étaler jusqu’en 2018. S’agissant des économies attendues à plus long terme, les réponses que j’ai obtenues de mon administration sont pour le moment insuffisantes : il nous faut encore affiner nos évaluations.

Vous m’avez parlé ensuite des difficultés de paiement de certaines cours d’appel. La responsabilité gestionnaire des cours d’appel appartient, je le rappelle, aux premiers présidents et aux procureurs généraux. Elle s’exerce évidemment dans le cadre des crédits disponibles, qui s’élevaient en 2009 à 315 millions – montant globalement suffisant. Si certaines cours d’appel rencontrent des difficultés de paiement, il s’agit de difficultés ponctuelles, auxquelles on remédiera facilement. Elles sont dues peut-être au relèvement des tarifs médicaux ou aux frais de stages.

S’agissant des visioconférences, 6 000 ont été réalisées depuis le début de l’année, dont 4 000 avec les détenus. Les situations varient d’une juridiction à l’autre, les tribunaux de Marseille, Bordeaux et Auxerre marquant une certaine avance. Ces pratiques, qui doivent rentrer dans la culture judiciaire, permettent notamment de réaliser des économies sur les transfèrements.

M. Warsmann m’a interrogée sur les nouveaux programmes d’ouverture de prisons qui compensent, dans le cadre de la RGPP, les fermetures d’établissements anciens. Je ne suis pas opposée à la fermeture de prisons vétustes et mal adaptées. Mais je me réserve la liberté de revenir sur certaines décisions qui tendraient à créer des ensembles gigantesques et déshumanisés, risquant de mettre en échec notre politique de réinsertion. Il nous faut trouver un équilibre entre la rationalisation et une approche plus humaniste de la détention.

La prise en charge sanitaire et médicale dépend aussi du ministère de la Santé. Dès mon arrivée place Vendôme, je me suis entretenue avec Mme Bachelot ; nos cabinets respectifs travaillent en étroite collaboration sur la question du déficit en personnels dans certaines spécialités et sur le manque général d’appétence des médecins pour le travail en prison.

S’agissant du retrait du permis de conduire, il est difficile de réaliser une fusion complète des phases administrative et judiciaire tout en respectant les caractéristiques de chacune des procédures. Mieux vaut s’attacher, par exemple, à réduire les délais pour la récupération de points.

Monsieur Couanau, vous avez rappelé que la justice était l’un des rares ministères à voir ses crédits augmenter. Cela nous permet de répondre à un certain nombre de priorités, mais pas à toutes. Un budget est une somme de choix, l’expression d’une politique ; je n’en connais aucun qui ait permis de répondre aux attentes de tous. De ce point de vue, les ministres sont égaux devant Bercy !

S’agissant de la carte judiciaire, qu’il soit clair que je ne reviendrai sur aucune décision prise avec moi. Il y va de la continuité de l’État. Le secrétaire d’État, M. Bockel, effectue de nombreux déplacements pour vérifier que les personnels reçoivent un traitement conforme à nos engagements.

Alors qu’on avait parlé de 700 à 800 millions d’euros, le coût des investissements immobiliers est aujourd’hui fixé à 385 millions d’euros, auxquels il faut ajouter, bien entendu, les charges de personnel ainsi que les frais d’adaptation des cabinets d’avocats à la réforme de la carte judiciaire. Ces derniers crédits sont en effet inscrits dans le budget. S’ils ont été très peu consommés jusqu’à présent, on doit prévoir un accroissement en 2010 des dossiers soumis à la commission.

Vous me demandez si la réforme va générer des économies : sincèrement, je ne peux pas répondre aujourd’hui à cette question.

Vous avez signalé les difficultés de la dématérialisation, notamment en ce qui concerne Cassiopée. Nous travaillons à les résoudre. Les services et les opérateurs en cause ont été convoqués et avertis que nous ne tolérerions plus à l’avenir ni nouveaux retards ni dysfonctionnements. Toutefois, nos services ne sont pas les seuls à devoir apprendre cette nouvelle culture : nos efforts resteront vains tant qu’ils ne seront pas partagés par nos partenaires – nous ne pouvons pas encore, par exemple, échanger avec les services de police.

La chancellerie, pour sa part, continue son grand mouvement de modernisation, qu’il s’agisse des chantiers de la signature électronique, des documents d’état-civil, des procès-verbaux électroniques ou de la visioconférence. Tout cela entre progressivement dans les mœurs.

L’augmentation du nombre de fonctionnaires, de greffiers et d’assistants est un de mes choix budgétaires et une demande unanime des syndicats de magistrats. Je compte en outre proposer dans quelques semaines de nouvelles solutions pour recentrer les missions des agents sur leur cœur de métier, dans une perspective d’enrichissement des tâches ainsi que de simplification et d’accélération du fonctionnement de la justice.

Vous avez appelé mon attention, monsieur le rapporteur spécial, sur le risque que l’intervention des services pénitentiaires d’insertion et de prévention, les SPIP, se développe en matière d’aménagement des peines au détriment de leur mission à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Vous avez noté que le projet de budget crée 260 postes supplémentaires pour les SPIP, ce qui n’est pas négligeable. Nous travaillons en outre à faire évoluer leurs missions vers une prévention accrue et vers une plus grande cohérence, conformément à l’accord statutaire signé en juillet. Une telle évolution contribue également à l’enrichissement des tâches.

M. René Couanau, rapporteur spécial. À propos du programme de construction de nouvelles places en maisons d’arrêt, les chiffres de 11 000 et de 5 000 places ont été évoqués, en sus du programme de 13 200 places. Qu’en est-il ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le programme de construction de 11 000 places est essentiellement destiné à remplacer les places vétustes, conformément à la volonté du Président de la République que les établissements pénitentiaires respectent davantage la dignité humaine. Quant aux 5 000 places supplémentaires, elles doivent permettre, non plus d’atteindre un objectif de baisse de la surpopulation carcérale, qui est d’ores et déjà réalisé– avec 63 000 places pour 61 000 condamnations en 2012 –, mais de commencer à répondre à l’obligation d’encellulement individuel voté par le Parlement.

M. René Couanau, rapporteur spécial. Dans des établissements de petite taille ou de taille moyenne ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. De taille moyenne en tous les cas. Le problème est de trouver la bonne échelle, en sachant qu’elle dépend aussi de la qualité humaine des personnels. J’ai pu constater en effet que celle-ci permettait d’assurer des conditions d’incarcération acceptables même dans des établissements de grande taille, voire vieillots.

Vous avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur pour avis, que ce budget se caractérise, à la fois par une diminution des engagements et une augmentation des paiements, ce qui est tout à fait normal. Quant à la baisse des postes de la PJJ, vous avez souligné qu’elle traduit le recentrage de son action sur la lutte contre la délinquance des mineurs, conformément à la loi. Les changements que l’on demande aujourd’hui à la PJJ font peser sur elle une forte pression : il est de notre rôle d’accompagner ces personnels dans des mutations parfois traumatisantes.

La complémentarité des formations et des moyens doit être renforcée.

Dès mon arrivée place Vendôme, j’ai demandé aux responsables de L’ENM et de l’école nationale des greffes d’approfondir les relations de travail qu’elles entretenaient déjà l’une avec l’autre.

La disparité de statuts des auditeurs des classes préparatoires intégrées, que vous avez soulignée, est inévitable, certains relevant d’un établissement public, les autres d’un simple service administratif.

Vous savez que j’ai fait de l’obligation d’activité, inscrite dans la loi pénitentiaire, une de mes priorités. Je suis persuadée que nous pouvons améliorer la situation actuelle, et j’ai demandé qu’on en dresse le bilan, établissement par établissement. J’ai d’ores et déjà, dans le même but, établi des contacts avec de grandes entreprises et avec le MEDEF, qui est prêt à prendre sa part de cet effort. Nous devons faire preuve d’imagination dans ce domaine et saisir les opportunités offertes par la protection de l’environnement ou les nouvelles technologies. Nous devons également développer certains travaux d’intérêt général. C’est de l’intérêt de tous, notamment si cela permet à l’opinion publique de considérer les détenus comme susceptibles de participer positivement à la vie de la société. J’ai de la même façon demandé qu’on m’expose un bilan de la formation des détenus : il est indispensable de donner aux détenus des perspectives d’avenir en leur permettant de s’intégrer et de progresser. S’ils ont pour seule perspective la stagnation ou la régression, à l’intérieur comme à l’extérieur, ils s’enfonceront dans le désespoir.

En ce qui concerne les difficultés de la sortie et les possibilités d’utilisation du régime de semi-liberté pour les jeunes, vous faites une proposition intéressante, qui relève du bon sens et offre des perspectives d’avenir.

Vous m’interrogez, monsieur Garraud, sur les primes des fonctionnaires touchés par les restructurations en petite couronne. Les dispositifs de droit commun s’appliquent bien évidemment à eux, pourvu qu’ils satisfassent aux conditions requises. Le changement seul ne suffit pas : il faut que celui-ci entraîne une contrainte ou une difficulté particulières qui doivent être compensées.

Les postes mis au concours de l’ENM correspondent au nombre de départs à la retraite. Ceux-ci ne sont pas de 200 ou de 300, comme certains le prétendent, mais de 170 à 180. L’incertitude tient au fait que certains magistrats émettent le souhait de rester en poste au-delà de l’âge de la retraite. Il faudrait, à ce propos, creuser l’idée d’une « réserve judiciaire », qui permettrait aux magistrats en retraite de faire profiter de leur expérience.

S’agissant des magistrats, le problème n’est pas de créer des postes supplémentaires, mais de mieux les répartir par cour et par juridiction, certaines juridictions interrégionales spécialisées, JIRS, supportant une charge de travail bien supérieure aux autres.

Quant aux frais de déplacement, ils sont intégrés dans le périmètre de la mission « Justice » et correspondent à peu près aux besoins : je ne pense pas que ceux qui sont chargés de les répartir localement le fassent de façon aberrante.

C’est à tort que vous évoquez une stagnation du nombre des fonctionnaires de catégorie B : leur nombre est en légère augmentation. Il est vrai en revanche que les effectifs de la catégorie C diminueront. Cette diminution traduit notre souci de proposer aux fonctionnaires une véritable promotion professionnelle, ce qui suppose à mes yeux, non seulement des perspectives en termes de carrière et de revenus, mais également en termes d’intérêt du travail. Or la dématérialisation entraîne la suppression de certaines tâches jusqu’à présent dévolues à des agents de catégorie C, à qui nous devons ouvrir la possibilité de passer en catégorie B. C’est pourquoi le nombre des fonctionnaires de catégorie C a vocation à diminuer de façon continue.

Vous m’interrogez sur les primes au mérite modulables. Il est hors de question d’aligner les primes des fonctionnaires sur celle des magistrats. Pourquoi ne pas alors aligner toutes les primes de la fonction publique ? Certains le souhaiteraient peut-être, mais ce n’est pas du tout l’esprit de la politique actuelle ! Une prime traduisant la reconnaissance d’un effort, d’une contrainte ou d’un travail spécifiques, elle diffère forcément selon les catégories.

En ce qui concerne les frais engagés par les fonctionnaires pour les heures supplémentaires, le projet de décret rédigé par les services de la chancellerie ayant été approuvé par la commission technique paritaire compétente, ils devraient être remboursés d’ici à la fin de l’année.

Les 380 emplois de catégories A, B et C prévus par le projet de budget pour 2010 pour la reconversion des salariés des cabinets d’avoués sont naturellement compris dans le plafond d’emplois de la mission.

Il est vrai que les frais de justice augmentent, même si cette augmentation est inférieure à celle des années précédentes. Elle est liée au volume des appels
– d’où l’intérêt de la « déjudiciarisation » – et à un « effet prix », par exemple à l’augmentation des tarifs médicaux. Nous pouvons cependant réduire certains coûts, pourvu que nous sachions tenir la dragée haute à certains des prestataires de services avec lesquels nous négocions. Je m’étonne par exemple que nous acquittions des frais d’interception téléphonique trois, voire quatre fois supérieurs à ceux de certains de nos homologues étrangers. Des économies sont également réalisables en interne : pourquoi de tels frais de courrier à l’heure d’Internet, pour ne prendre que cet exemple ? Ce sont les efforts de tous en matière de rationalisation et de bon sens qui nous permettront de réduire nos coûts.

L’aide juridictionnelle, outre le fait, non négligeable, qu’elle permet à certains avocats de vivre, traduit d’abord le principe essentiel qu’aucun justiciable ne doit être dépourvu des moyens de se défendre. Le projet de budget pour 2010 doit nous permettre, comme le rappelait M. Raimbourg, de recouvrer 24 millions d’euros sur cette aide. Nous devons en outre nous engager dans une réflexion sur la modernisation de l’aide juridictionnelle. Je viens de confier à M. Belaval, conseiller d’État, et à M. Arnaud, conseiller maître à la Cour des comptes, le soin de me faire avant Noël des propositions, dans la continuité du rapport Darrois, afin que nous puissions en débattre au cours de l’année 2010.

En ce qui concerne le nouveau tribunal de grande instance de Paris, monsieur Goujon, le choix du site des Batignolles a été approuvé par le conseil municipal et le terrain sera acheté à la SNCF d’ici à la fin de l’année. Y seront regroupés le tribunal de grande instance, le nouveau tribunal d’instance, le tribunal de police, la Direction de la police judiciaire et peut-être le barreau de Paris.

M. Jean Tiberi. La décision de supprimer les tribunaux d’instance dans les arrondissements est-elle définitive ? Y maintiendra-t-on des contacts directs avec la justice, tels les conciliateurs de justice ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Il est indispensable de maintenir un contact direct, et je ne peux qu’approuver toutes les mesures qui vont dans le sens de médiation ou de la conciliation, afin d’accélérer le traitement des affaires. Il n’est pas question que la justice s’éloigne du justiciable.

Si j’ai retenu le principe de partenariats public-privé, c’est parce que ceux-ci nous permettent d’aller vite. Je demande aux partenaires de prêter une attention toute particulière à l’architecture, qui doit être exemplaire, tant sur le plan esthétique qu’environnemental.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances. Y a-t-il eu une comparaison du coût de chacune des formules ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Une comparaison formule par formule est pratiquement obligatoire. De toute façon, je ne suis une idéologue, ni de l’externalisation, ni des partenariats public-privé : je demande simplement qu’on prenne en compte, dans chaque cas, différents facteurs, notamment de coût, qu’il s’agisse des coûts immédiats – dans ce cas, la solution du partenariat public-privé est toujours meilleure – ou des coûts de long terme. Ces derniers ne peuvent pas être connus a priori et doivent être négociés avec nos partenaires. Cette politique est conforme aux principes de la LOLF et de la RGPP.

Monsieur Goujon, en ce qui concerne le nombre de places dans les prisons, sachez que nous aurons réalisé l’essentiel de notre programme – dont l’échéance était fixée en 2018 – en 2012. Nous comptons conserver 250 places à la prison de la Santé. Les centres pénitentiaires de très petite taille doivent sans doute être regroupés, mais je n’ai pas l’intention, sous prétexte de baisser les coûts de construction, de créer des centres de plus de 1 000 places.

L’alternative à l’emprisonnement va se mettre en place progressivement – notre objectif étant de parvenir à 18 % de peines aménagées. Je le répète, l’aménagement de peine ne remplace pas la prison, mais l’absence de toute sanction. Le nombre de bracelets électroniques que nous avons commandés me paraît suffisant pour réduire le nombre des peines non exécutées et assurer les aménagements de peine, d’autant que le bracelet n’est pas la seule alternative à l’emprisonnement.

Je ne suis pas en mesure de vous indiquer le nombre de places qui seront créées dans les quartiers réservés aux courtes peines, et pour ce qui est du travail en détention, je crois vous avoir répondu.

Vous m’interrogez sur la question des suicides en prison. Dès mon arrivée au ministère, j’ai fait mettre en ligne le rapport Albrand et j’ai demandé que toutes les mesures préconisées soient immédiatement mises en œuvre. Mais il nous faut faire plus encore, et c’est pourquoi j’ai confié une mission au professeur Terra. J’ai par ailleurs engagé une réflexion avec Roselyne Bachelot afin d’améliorer l’accès aux soins dans les prisons, et j’ai tenu à accélérer la livraison des UHSA
– unités hospitalières spécialement aménagées.

Pour ce qui est de la présence des médecins coordonnateurs et du niveau de l’indemnité annuelle, je serai bientôt en mesure de vous répondre.

Je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut accélérer encore plus les réponses à l’égard des mineurs délinquants, tout en prenant les précautions qui s’imposent. Un rappel à l’ordre, un travail, une action sont tout aussi pédagogiques que quelques semaines de prison. Mais nous pouvons aller plus loin. Le code pénal des mineurs doit évoluer car, depuis 1945, notre société a changé, tout comme les mineurs eux-mêmes. Aujourd’hui, des enfants de huit ans commettent des actes de délinquance. Nous devons engager une véritable réflexion sur cette évolution. Les victimes, elles aussi, attendent que nous leur apportions des réponses plus rapides.

Vous m’avez interrogé sur la fonction de « greffier juridictionnel ». Je crois vous avoir répondu sur leur nombre et leur mission. Des greffiers font actuellement le travail des magistrats : c’est pourquoi il est indispensable de recentrer leur métier sur ses missions essentielles.

S’agissant de la réduction des escortes judiciaires, des efforts restent à faire, mais notre objectif d’en réduire le nombre de 5 % sera atteint en 2009, et il sera plus ambitieux encore pour 2010. L’introduction de la visioconférence nous y aidera. M. Brice Hortefeux et moi-même avons mis en place un groupe de travail pour faire évoluer les choses en ce sens. En tout cas, lorsque les transfèrements s’avèrent obligatoires, il est indispensable que le personnel judiciaire connaisse les horaires de passage des personnes.

Je pense vous avoir répondu, monsieur Raimbourg, au sujet de la différence du montant des primes entre magistrats et greffiers.

J’ai écrit récemment aux présidents de conseil général pour les inviter à améliorer l’articulation entre leurs services et ceux de la justice, mais je n’ai pas reçu de leur part une réponse enthousiaste. Je me suis même demandée si la création de la commission de consultation et d’évaluation des normes était une bonne chose. Les présidents de conseil général, à qui la loi a confié des responsabilités, ont tendance à se tourner vers l’État.

Je crois vous avoir également répondu sur l’aide juridictionnelle ainsi que sur l’équipement informatique, qui est l’une de mes priorités.

Quant à la justice civile, c’est vrai, nos concitoyens lui reprochent sa lenteur.

Je vous ai aussi répondu s’agissant de l’augmentation du nombre des agents du service d’insertion et de probation, ainsi que sur le recrutement des médecins coordonnateurs – actuellement à l’étude au sein de mon ministère, en concertation avec le ministère de la santé.

Le nombre de bracelets électroniques devrait être suffisant pour une première année. Par la suite, nous en augmenterons les commandes.

Je vous le confirme, je ne remets nullement en cause la carte judiciaire.

S’agissant des malfaçons dans les maisons d’arrêt, nous disposons de garanties décennales sur les travaux, mais j’ai souhaité que les contrats soient étudiés de façon à donner une suite aux fautes commises par les maîtres d’œuvre. Les problèmes semblent réglés pour les livraisons récentes, après quelques explications courtoises mais viriles.

Dans les périodes de mutation comme celle que nous traversons, les personnels s’interrogent sur leur avenir. C’est pourquoi il est indispensable de mettre en oeuvre la réforme du statut des greffiers. Je ne la remettrai pas en cause. Les greffiers doivent en connaître le calendrier. Le recentrage sur le cœur de métier leur redonnera le sens de leur mission. Nous discutons actuellement de la Charte du dialogue social, que j’avais déjà mise en place dans les deux ministères régaliens que j’ai précédemment dirigés. J’espère que nous parviendrons à un accord au cours des prochains mois.

Monsieur Vaxès, vous me demandez ce que je pense de l’acte contresigné. Pour la juriste que je suis, l’acte authentique a des caractéristiques qu’il n’est pas question de remettre en cause – je ne vois d’ailleurs pas comment. Les notaires sont les représentants de l’État, et cette mission de représentation ne saurait être confiée à des personnes qui ne sont pas habilitées pour cela. Pour autant, pour faire face à la concurrence des grands cabinets anglo-saxons, nos avocats doivent avoir les moyens de se défendre.

Qu’est-ce qu’un acte contresigné ? C’est un contrat synallagmatique par lequel une personne assure que les deux parties ont connaissance des conséquences juridiques de leur acte. Il engage donc la responsabilité du signataire. Selon les avocats que j’ai contactés, l’acte contresigné pourrait être signé par toute personne autre qu’un avocat – pourquoi pas un notaire ? – dans la mesure où il ne s’agit pas d’un acte authentique. Je ne voudrais surtout pas opposer des professions confrontées à une concurrence de plus en plus vive. Nous disposons de formidables opportunités, car les métiers du droit français sont reconnus à l’étranger. Nous essayons, ensemble, d’élargir nos capacités d’action, en France comme à l’étranger. Nous devons parvenir à une entente qui respecte la spécificité de chacune des professions en évacuant les rivalités du passé.

La question de la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue sera abordée dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, à laquelle nous travaillons actuellement. Mais il est clair que la Cour de Strasbourg ne souhaite pas recourir à une telle obligation dès la première heure dans une affaire de terrorisme, par exemple.

S’agissant des moyens de la justice – que vous estimez insuffisants, monsieur Vaxès –, je répète que ce budget prévoit des créations d’emplois, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

En matière de justice, je vous l’accorde, la rapidité ne doit pas être le seul indicateur. Nos concitoyens attendent une justice de grande qualité, aussi rapide qu’efficace.

Si le nombre de postes à la PJJ a diminué, c’est que les lois qui ont été votées ont donné un rôle aux conseils généraux.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. J’ai peu de choses à ajouter à l’exposé très complet de Mme la garde des sceaux.

Nous faisons actuellement le tour des juridictions concernées par la carte judiciaire, notamment celles qui sont confrontées à des changements importants. Mais il est certain que la rationalisation entraînée par les regroupements satisfait pleinement les magistrats, les justiciables et les fonctionnaires, d’autant que la réforme accélère l’informatisation d’un certain nombre de procédures pénales.

Sur le plan de l’aide juridictionnelle, nos efforts en matière d’accueil incitent un certain nombre de justiciables à faire un autre choix que celui du procès. Un meilleur traitement des dossiers les amènent parfois à préférer une aide partielle, moins coûteuse, ce qui permet de freiner la fuite en avant budgétaire.

Les ministères de la justice, de l’intérieur et de la défense ont intérêt à croiser leurs réflexions. À ce titre, la création de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice constitue un progrès.

Monsieur Vaxès, la réforme du code de procédure pénale est un vaste chantier. La garde des sceaux a mis en place deux groupes de travail, l’un technique, l’autre politique. Donnons-nous le temps d’aller au fond des choses avant de toucher à quelque 3 000 articles du code de procédure pénale.

M. Yves Censi. Je souhaitais vous interroger sur l’acte sous seing privé, madame la garde des sceaux, mais votre réponse, parfaitement claire, m’a totalement rassuré.

Les pôles d’instruction, qui ont été mis en place dans la réforme de la carte judiciaire pour des raisons purement administratives et judiciaires, souffrent de l’absence de critère territorial. Ainsi, il n’existe pas de pôle d’instruction dans la zone située entre Clermont-Ferrand, Lyon, Toulouse et Montpellier. La suppression du juge d’instruction ne risque-t-elle pas de remettre en question la création de ces pôles d’instruction ?

En matière budgétaire, vous avez évoqué les partenariats public-privé, mais je rappelle que la LOPSI – loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure – autorise des montages financiers intéressants entre l’État et les collectivités locales, mais ni Bercy ni l’administration pénitentiaire ne se sont rués pour utiliser à plein ces innovations financières. Pourquoi ne pas permettre aujourd’hui aux collectivités locales de les utiliser ?

Mme George Pau-Langevin. Madame la ministre d’État, vous nous avez dit avoir pris à bras-le-corps les problèmes posés par la mise en place du système Cassiopée. Ne faudrait-il pas associer davantage les personnels à cette remise en ordre ? Il paraît en effet extraordinaire que les difficultés soient en partie imputables au fait que les prestataires n’ont pas suffisamment travaillé avec les utilisateurs. Comment allez-vous faire pour que ces difficultés soient réglées avant les regroupements de tribunaux prévus pour janvier prochain ?

Par ailleurs, alors que ce budget est marqué par les économies, comment expliquer que les crédits de gestion de l’administration centrale, notamment du secrétariat général, semblent avoir été épargnés ? J’observe que leur montant est équivalent à celui des crédits destinés à la mise en œuvre des mesures judiciaires pour majeurs en danger et jeunes majeurs.

M. Christian Vanneste. Je renouvelle la question que j’avais déjà posée lors de la discussion de la proposition de loi d’Eric Ciotti et à l’occasion du projet de loi pénitentiaire : quelle place va-t-on donner aux travaux d’intérêt général ? Chacun est convaincu qu’il s’agit d’une excellente peine de substitution, qui non seulement évite l’incarcération des primo-délinquants et leur donne la possibilité d’avoir une utilité sociale, voire de se former, mais en outre permet de donner un exemple positif, au lieu de l’exemple négatif trop souvent donné en prison.

Je lis dans l’annexe budgétaire deux bonnes nouvelles : le taux d’exécution des TIG atteint 90 %, et le délai d’exécution a été ramené de 6,4 mois à 5,3 mois. Mais les informations que j’ai recueillies sur le terrain ne vont pas dans le même sens. On me dit en effet que les magistrats font assez peu appel à ce type de peines, au point qu’il y a davantage d’offres de postes que de demandes.

Quelle sera la part consacrée aux TIG dans le budget 2010 ? J’entends beaucoup parler des moyens que l’on va consacrer au développement du bracelet électronique, mais quels sont ceux qui seront destinés à développer cette peine de substitution ?

M. Serge Blisko. Le débat sur la loi pénitentiaire a montré une volonté partagée de faire en sorte que la prison soit un temps utile. Or je m’inquiète de la traduction budgétaire de ses dispositions.

Les surveillants et personnels d’insertion et de probation, qui ploient déjà sous la charge de travail, vont-ils être assez nombreux pour faire face au développement de la surveillance électronique ? Ne faut-il pas faire en sorte que les personnes sorties de prison soient mieux encadrées ?

À l’intérieur des prisons, il faudrait que non seulement votre département ministériel, mais également d’autres concourent au développement de la formation et du travail des détenus. Cela suppose à la fois une organisation des locaux adaptée et un encadrement des détenus.

Il faut par ailleurs s’atteler au problème majeur des troubles psychiatriques en prison, et donc à celui de la revalorisation du travail des médecins coordinateurs, faute de quoi nous en resterons au stade des vœux pieux, et les UHSA – unités hospitalières spécialement aménagées – ne pourront pas fonctionner.

Nous continuons à nous interroger sur le nombre de peines non exécutées : 32 000, c’est encore beaucoup. En particulier pour les petits délits commis par des jeunes, il est très dommageable qu’une peine ne soit pas effectuée.

Enfin, je reviens sur les établissements pour mineurs, ces fameux EPM dont nous souhaitions, sans doute avec des réserves, qu’ils puissent remplacer au mieux les quartiers pour mineurs. Ces établissements semblent avoir un peu de mal à fonctionner, que ce soit pour des raisons matérielles ou parce que le mélange de cultures ne se fait pas toujours bien entre les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, de la PJJ et de l’éducation nationale. Comment remédier à cette situation ? Nous avons été surpris de constater que l’EPM de Meaux-Chauconin ne fonctionnait pas et que sa destination avait été changée. Si on veut prévenir la récidive, il est indispensable de faire tout ce qui est possible en direction des mineurs.

M. Didier Quentin. Comme élu de la Charente-Maritime, je voudrais tout d’abord rectifier le propos liminaire du président de la Commission des finances, qui a évoqué la fermeture du tribunal de Saintes : il s’agit en fait du tribunal de Rochefort sur Mer.

À Mayotte, l’établissement pénitentiaire de Majicavo, qui a un excellent directeur et dispose d’un excellent encadrement, a l’inconvénient d’avoir un taux d’occupation de 251 % …

Un autre problème lancinant est celui de la commission de révision de l’état-civil – CREC. Philippe Gosselin, René Dosière et moi vous avons écrit récemment à ce sujet, madame le ministre d’État. L’une des clés de la réussite de la départementalisation, approuvée massivement il y a quelques mois, est un état-civil fiable. Or son fonctionnement laisse encore à désirer : 16 000 dossiers sont en souffrance. Il est donc impératif, si cela n’a pas déjà été fait, de nommer au plus vite un magistrat permanent à la tête de la CREC.

En ce qui concerne les suites du rapport Léger et la suppression du juge d’instruction – dont je rappelle qu’il n’a à connaître que de 5 % des affaires –, je vous serais très reconnaissant de nous préciser les mesures que vous entendez prendre, en liaison avec les magistrats et les avocats, pour accompagner cette éventuelle réforme.

Enfin, pourriez-vous rassurer pleinement les notaires, comme vous avez commencé à le faire en répondant à notre collègue Vaxès, au sujet des propositions du rapport Darrois, reprises par une proposition de loi de l’un de nos collègues de la Commission des lois ?

Mme Sylvia Pinel. Tout en saluant la création de postes au sein de l’administration pénitentiaire, je déplore que les crédits alloués ne permettent pas, l’année prochaine encore, de lutter efficacement contre la surpopulation carcérale. Les moyens mis au service de la loi pénitentiaire sont insuffisants.

L’examen médical et psychologique d’entrée est trop sommaire, faute de moyens humains. Le suivi médical est également insuffisant, ce qui est dangereux pour les détenus eux-mêmes et pour la société, comme l’actualité judiciaire l’a récemment montré. La création de nouveaux postes de surveillants pénitentiaires, auxquels je veux rendre un hommage appuyé tant leurs missions sont difficiles, ne pourra combler la carence des professionnels de santé en milieu carcéral.

Des prisons surpeuplées, une institution judiciaire trop souvent dans l’incapacité d’apporter une réponse pénale rapide, graduée et proportionnée à la gravité des infractions : c’est malheureusement le constat partagé sur nos territoires ruraux, dont le mien. Il n’est pas rare que des délinquants condamnés, connus de tous les services de police ou gendarmerie, soient remis en liberté sans contrôle judiciaire et continuent de troubler l’ordre public en attendant leur incarcération, au grand désespoir des victimes. Dans quelle proportion et de quelle manière entendez-vous développer les mesures alternatives à l’incarcération ? Quelles dotations budgétaires et quelles mesures prévoyez-vous pour, d’une part, lutter contre l’inexécution des peines et, d’autre part, rétablir les victimes dans leurs droits ?

M. Jean-Michel Clément. Vingt-trois tribunaux de grande instance, 171 tribunaux d’instance, 50 tribunaux de commerce et 61 conseils de prud’hommes sont supprimés ; et on prévoit dans le programme « Accès au droit » la création de cinq maisons de la justice et du droit de nouvelle génération, à partir de janvier 2010 : le rapprochement des chiffres est éloquent. Non seulement la nouvelle carte judiciaire va coûter cher pendant longtemps, mais la justice s’éloigne des justiciables. Ainsi dans mon département, les deux tribunaux ont disparu. Où est l’accès au droit et à la justice ?

Par ailleurs, il est écrit à la page 195 de l’annexe budgétaire que les crédits attachés à l’action « développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité », soit 6,5 millions d’euros,  « constituent de véritables leviers financiers au niveau local, les actions pouvant bénéficier de cofinancements dans le cadre de la politique de la Ville ou être soutenues par des partenaires locaux particulièrement impliqués dans la politique d’accès au droit ». Cela signifie qu’il n’y aura d’accès au droit demain que dans la mesure où les collectivités locales s’impliqueront.

S’agissant enfin des greffiers de juridiction, comment les nouveaux postes se répartissent-ils entre la justice civile et la justice pénale ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. Monsieur Censi, la réflexion politique va se poursuivre à la suite du rapport Léger, et les parlementaires y seront bien sûr associés très en amont. Il nous faut surmonter les contradictions apparentes et les risques réels, pour parvenir à une solution respectant les principes de notre État de droit et l’équilibre de notre système judiciaire.

Moi-même élu local, je ne vois pas d’inconvénient à explorer dans certains cas, sans nécessairement généraliser, la piste que vous avez évoquée en prenant l’exemple du Grand Rodez.

Madame Pau-Langevin, j’ai déjà constaté, à l’occasion de mes visites de juridictions, des efforts de regroupement informatique qui permettaient d’améliorer le système. Nous savons qu’il est des endroits où les choses sont plus difficiles ; nous nous y rendrons afin d’examiner comment surmonter les difficultés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. J’ai demandé que des missi dominici, par équipes de deux personnes, aillent dans les tribunaux pour un mois ou deux afin d’aider les personnels locaux à acquérir la culture nécessaire – car on m’a rapporté que dans certains cas, l’informatisation aboutissait à un doublement de travail, ce qui n’est évidemment pas le but.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la justice. En ce qui concerne le secrétariat général, madame Pau-Langevin, contrairement à ce que vous dites, des efforts ont été engagés, qui se sont traduits par une diminution nette d’emplois. Au demeurant, le secrétariat joue un rôle transversal important, en accompagnant la démarche de modernisation.

Les TIG dont a parlé M. Vanneste, très utiles, ont vocation, comme dans beaucoup de pays européens, à monter en puissance. Mme la garde des sceaux en a précisé dans une circulaire les objectifs et les modalités. Une implication des collectivités locales ou d’autres acteurs locaux pourrait renforcer encore les possibilités. On est déjà passé de 10 000 à 11 000 TIG il y a sept ou huit ans à 15 000 à 16 000 depuis deux ans : il y a donc un progrès, même si nous pouvons encore faire mieux.

Monsieur Blisko, vous saluez avec raison le travail des SPIP, avec lesquels le ministère a conclu un accord en juillet dernier. Je suis très admiratif de ce qu’ils font, mais je pense comme eux que l’on peut faire encore mieux.

En ce qui concerne le travail en prison, au-delà du plan Entreprendre qui a été mis en œuvre début 2008, nous avons renforcé les contacts avec le monde économique. J’ai pu constater de visu à plusieurs reprises que dans certains établissements, malgré la crise, la charge de travail était stable ou progressait. D’ailleurs, au niveau européen, autant nous sommes très perfectibles en matière de lutte contre l’oisiveté, autant nous sommes plutôt bien placés en matière de travail rémunéré. Cela dit, en termes de masse salariale, nous n’avons pas tout à fait atteint les objectifs 2009  – on sent quand même l’impact de la crise.

Une réflexion approfondie serait nécessaire sur l’amélioration des réponses apportées à la délinquance des mineurs. Le taux d’occupation des établissements est actuellement de 65 %. Nous évitons donc le problème de la surpopulation, mais à l’inverse il faut se poser la question du devenir de certains établissements ou de certains quartiers de mineurs.

Monsieur Quentin, à Mayotte la mise en œuvre d’un véritable état-civil est en effet un préalable indispensable. Un magistrat permanent s’y consacre déjà, et la garde des sceaux a décidé d’affecter un deuxième magistrat, qui sera en poste début 2010.

Enfin, nous avons eu à plusieurs reprises des discussions avec les professionnels sur l’état des prisons outre-mer. Il existe quelques belles réalisations, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. À Mayotte, on est en outre confronté à l’explosion démographique.

Madame Pinel, les problèmes de santé en prison, et plus particulièrement les problèmes psychologiques et psychiatriques, sont en effet préoccupants. C’est une priorité que nous partageons avec Mme Bachelot, sans remettre en cause les décisions prises en 1994.

S’agissant de la procédure pénale et de l’exécution des peines, nous sommes déterminés à renforcer la chaîne de sécurité entre le bloc police-gendarmerie et la justice.

Monsieur Clément, il y a beaucoup de MJD en France. Celle que Mme Guigou était venue inaugurer il y a dix ans à Mulhouse était le fruit d’un partenariat entre le ministère et les collectivités. Cette conception, respectant les compétences de chacun, a fait le succès des MJD. Les MJD nouvelle génération, qui viennent pour partie compenser des disparitions de tribunaux, donneront lieu à une implication de l’État, financière et en personnel ; mais il ne faudra pas pour autant se priver d’un partenariat, adapté à la réalité du terrain, avec les collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Nous réfléchissons aux moyens de rapprocher encore plus l’information juridique et judiciaire de la population. Il serait peut-être possible, à partir des MJD, de mettre en service un système d’Intranet, y compris à destination de communes qui n’avaient pas de tribunal.

M. le président Didier Migaud. Madame la ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, merci. Nous en avons terminé avec l’examen des crédits de la mission.

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* *

À l’issue de l’audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès de la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, la Commission, sur proposition de ses rapporteurs pour avis, M. Jean-Paul Garraud, pour la justice et l’accès au droit et M. Sébastien Huyghe, pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2010.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
POUR AVIS

—  M. Jean-Marie DELARUE, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, accompagné de M. Xavier DUPONT, secrétaire général

—  M. Claude d’HARCOURT, directeur de l’administration pénitentiaire

—  M. Philippe-Pierre CABOURDIN, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse

—  MM. Samuel AZÉ et Yoann BOUCHET, secrétaires nationaux de l’Union générale des syndicats pénitentiaires CGT

–  Mme Sophie DESBRUYÈRES, secrétaire générale, et Mme Charlotte CLOAREC, secrétaire générale adjointe du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP/FSU)

—  M. Boris TARGE, secrétaire général adjoint, et MM. Olivier CALVET et Arnaud SOLERANSKI, membres du secrétariat général du Syndicat national des cadres pénitentiaires (CFE CGC)

—  M. Christophe RÉGNARD, président, et M. Laurent BEDOUET, secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats

DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Vendredi 16 octobre 2009

Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse

—  M. Jean-Pierre VALENTIN, directeur

—  M. Thierry de RICHAUD, directeur de l’ingénierie et de la formation

Lundi 19 octobre 2009

Ecole nationale d’administration pénitentiaire

—  Mme Valérie DECROIX, directrice

—  Mme Florence ARRIGHI, secrétaire générale

—  M. Daniel GERMAIN, directeur des enseignements et de la formation initiale

—  M. Jacques OLLION, directeur de la formation continue

—  M. François COURTINE, directeur de la recherche et du développement

—  M. Sébastien POIRIER, chef de cabinet

—  M. Michel FAUCON, responsable du département administration et finances

—  M. Charles LE CRENN, responsable du département technique

Jeudi 22 octobre 2009

Centre pénitentiaire de Lille et chantier d’Annœullin

—  M. Alain JEGO, directeur interrégional de la région Nord

—  M. Pierre-Jean DELHOMME, directeur du centre pénitentiaire de Lille

—  M. Jimmy DELLISTE, directeur adjoint du centre pénitentiaire de Lille et responsable du centre de détention de Loos

—  Mme Valérie DUVIVIER, directrice responsable de la maison d’arrêt de Sequedin

—  Mme Léa POPLIN, directrice adjointe au responsable de la maison d’arrêt de Loos

—  M. Alexandre BERNUSSET, directeur de programme à l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice (APIJ)

—  M. Christian MARTIN, directeur des travaux de la société NORPAC

Vendredi 23 octobre 2009

Etablissement pénitentiaire pour mineurs de Quiévrechain

—  M. Christophe MILLESCAMPS, chef d’établissement

—  M. Gilles HAUDIQUET, directeur du service éducatif de la PJJ

—  M. Jean-Richard JAROSZ, directeur des enseignements

—  Mme Vincianne BARDIAUX, cadre de santé du centre hospitalier de Valenciennes

—  Mme Julie LATOU, directrice adjointe de l’EPM

—  M. Romuald DEWEVER, responsable de la société SIGES

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