N° 2860 tome VI - Avis de M. Jean Gaubert sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824)



N
° 2860

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

TOME VI

ÉCONOMIE

CONSOMMATION

PAR M. Jean Gaubert,

Député.

——

Voir le numéro : 2857 (annexe 17)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— DES CRÉDITS EN BAISSE QUI AFFAIBLISSENT LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS 7

A.— UN IMPACT CONTRASTÉ SUIVANT LES ACTIONS 7

1. Action n° 15 : Mise en œuvre du droit de la concurrence 8

2. Action n° 16 : Régulation concurrentielle des marchés 9

3. Action n° 17 : Protection économique du consommateur 10

4. Action n°18 : Sécurité du consommateur 12

B.— L’AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE : RÉGULER EN TEMPS DE CRISE 12

1. Une activité de contrôle élargie 12

2. Des décisions emblématiques 14

C.— MOUVEMENT CONSUMÉRISTE : UNE RÉFORME QUI MANQUE D’AMBITION 15

II.— VERS LA CLARIFICATION DE LA TARIFICATION DES FRAIS BANCAIRES ? 19

A.— UNE SITUATION D’OPACITÉ COMBATTUE PAR LES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS 19

1. Le rapport Pauget-Constans éclaire la rémunération des banques par les particuliers 20

2. Les mesures avalisées par le CCSF 21

3. Le calendrier des réformes 21

B.— LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS À L’ÉGARD DES FRAIS D’INTERVENTION NE DOIT PAS SE LIMITER AUX « CLIENTÈLES FRAGILES » 23

1. Les frais d’intervention : une notion Protée 24

a) Les opérations effectuées dans le cadre d’une autorisation de découvert 24

b) Les incidents de paiement (les rejets) 24

c) Les frais d’intervention 25

2. Les dépassements de découvert constituent un crédit dont le taux doit être inférieur à l’usure 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 29

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit, pour les crédits des quatre actions du programme 134 consacrées à la défense des consommateurs et au respect des règles de concurrence, des évolutions contrastées en lien avec la réforme territoriale de l’État.

En conséquence du rétrécissement du périmètre des actions de la DGCCRF, les autorisations d’engagement voient leur montant diminuer de 7,1 % et les crédits de paiement de 8,4 %. En effet, les restructurations conduites par l’exécutif, emportant des transferts de personnels vers les directions départementales interministérielles, se traduisent par des réductions d’effectifs alors que le champ de la concurrence ne cesse de croître (énergie, télécommunications, Internet) et que le consommateur a, en conséquence, besoin d’être mieux informé alors que son pouvoir d’achat est contraint par le contexte économique. Votre rapporteur ne saurait se satisfaire d’une telle situation qui ne peut que diminuer les moyens de défense du consommateur.

Par ailleurs, votre rapporteur constate à nouveau que les subventions attribuées aux associations représentatives des consommateurs sont globalement reconduites mais n’ont pas augmenté depuis plus de deux décennies. Comme les services, ces associations connaissent un accroissement des demandes du public, notamment au sein des réseaux locaux.

Les premières Assises de la consommation n’ont pas permis de dégager des perspectives d’éclaircissement de la situation du réseau associatif et ont débouché sur une timide réforme bien en deçà des objectifs proclamés par le rapport Laurent, dans l’attente d’une hypothétique relance de l’action de groupe.

Dans ce contexte, l’action de l’Autorité de la concurrence, effective depuis 18 mois, constitue une garantie fondamentale pour les consommateurs. Sa récente décision sanctionnant 11 banques à hauteur de 384,9 millions d'euros pour avoir mis en place des commissions interbancaires non justifiées lors du passage à la dématérialisation du traitement des chèques, est une parfaite illustration de son indépendance et de sa détermination.

Le présent rapport pour avis porte tout d’abord sur l’examen des crédits de chacune des quatre actions concernées et propose, ensuite, une étude sur les frais bancaires particulièrement centrée sur les commissions d’intervention facturées par les banques en cas de dépassement non autorisé, à la lumière du récent rapport sur la tarification des services bancaires établi par MM. Georges Pauget et Emmanuel Constans et dans un contexte général poussant à la clarification en ce domaine.

I. — DES CRÉDITS EN BAISSE QUI AFFAIBLISSENT LA DÉFENSE DES CONSOMMATEURS

Pour l’ensemble des crédits consacrés à la consommation examinés ici, l’évolution des autorisations d’engagement et des crédits de paiement est respectivement de - 7,1 % et - 8,4 %. Cette importante baisse des crédits est essentiellement concentrée sur l’action n°17, « protection économique du consommateur », qui est conduite par la DGCCRF. En effet, la nouvelle organisation territoriale de l’État, consécutive à la révision générale des politiques publiques, a eu pour conséquence de modifier considérablement la structure du budget de la DGCCRF. Il en va notamment ainsi des crédits de fonctionnement des directions départementales interministérielles qui sont désormais regroupés au sein d’un nouveau programme 333, rattaché aux services du Premier ministre.

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

En euros

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Ouverts en LFI pour 2010

Demandés pour 2011

15 Mise en œuvre du droit de la concurrence

20 364 613

20 400 975

20 373 110

20 400 975

16 Régulation concurrentielle des marchés

74 163 500

69 758 951

74 682 259

69 758 951

17 Protection économique du consommateur

138 900 860

120 110 949

139 965 682

118 410 949

18 Sécurité du consommateur

38 046 298

41 797 639

38 282 925

41 797 639

Total

271 475 271

252 068 514

273 303 976

250 368 514

Source : Documents budgétaires

Pour l’essentiel les évolutions, à la baisse (actions 16 et 17), ou à la hausse (action 18), s’expliquent par la modification des effectifs affectés à chacune des missions de la DGCCRF.

Les actions n° 16, 17 et 18 (« Régulation concurrentielle des marchés », « Protection économique du consommateur » et « Sécurité du consommateur ») correspondent aux activités d’enquête de terrain auprès des opérateurs économiques menées par la DGCCRF. Elles comportent au total 3 149 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit 55 % de l’ensemble des ETPT du programme, mais en diminution de 209 ETPT par rapport au même périmètre de 2009. Cette baisse résulte de la suppression de 95 ETPT, de l’abattement technique de 30 ETPT destiné à réduire le nombre d’emplois vacants, ainsi que des transferts vers les directions départementales interministérielles. Dans le détail, on peut noter :

– pour l’action 16 : une diminution des effectifs de 6,3 %, caractérisée par une forte décrue des emplois de catégorie A (428 au lieu de 625) et une importante croissance des emplois de catégorie B (388 au lieu de 219) ;

– pour l’action 17 : une diminution des effectifs de 11,8 %, caractérisée par une augmentation des emplois de catégorie A (686 au lieu de 537) et une importante baisse des emplois de catégorie B (623 au lieu de 847) ;

– pour l’action 18 : une augmentation des effectifs de 12,1 %, caractérisée par une augmentation des emplois de catégorie A (270 au lieu de 230), B (244 au lieu de 215) et C (69 au lieu de 59).

A contrario, l’action n° 15, « Mise en œuvre du droit de la concurrence », qui correspond à l’activité de l’Autorité de la concurrence se caractérise par la stabilité de ses crédits. Elle représente 3 % des ETPT du programme et son plafond d’emplois, identique à celui de 2010, s’élève à 187 ETPT.

Cette action est confiée à un opérateur unique, l’Autorité de la concurrence, qui est une autorité administrative indépendante présidée par M. Bruno Lasserre. L’essentiel des crédits, plus de 75 %, correspondent à la rémunération des 187 agents qui concourent à son fonctionnement.

Les autres crédits concernent en premier lieu les dépenses immobilières à hauteur de 2,5 millions d’euros (AE=CP). L’Autorité de la concurrence est en effet implantée sur 3 sites à Paris : 11, rue de l’Échelle, 3 place de Valois et 6 avenue de l’Opéra. Les deux premiers sites sont loués à des propriétaires privés pour des loyers annuels d’1,5 million d’euros. Le troisième site est un immeuble domanial sans loyer budgétaire.

Ce poste comprend également les charges courantes, telles les dépenses de nettoyage, de gardiennage, de maintenance, d’énergie, d’eau et de travaux estimées à 1 million d’euros pour les trois sites.

Le second poste budgétaire le plus important hors dépenses de personnel, concerne les dépenses d’informatique et de téléphone pour un montant de 900 000 euros (AE=CP). Ce poste regroupe quatre grandes catégories de dépenses : le développement de projets nouveaux, la maintenance des applications existantes, l’achat et la maintenance des matériels et logiciels ainsi que les dépenses de téléphonie.

S’agissant des nouveaux projets, l’Autorité souhaite mette en place une plateforme d’échanges dématérialisée avec les avocats et les entreprises, afin de diminuer les coûts et les délais de transmission des pièces des dossiers tout en sécurisant les échanges. Votre rapporteur appuie fortement cette démarche qui tend à limiter les contraintes matérielles liées au respect du principe du contradictoire qui, pour être essentiel, ne doit pas se transformer en un fastidieux exercice d’épluchage de piles de papier.

Par ailleurs, l’application métier dénommée « Pégase », utilisée pour numériser et gérer les dossiers de la procédure, doit faire l’objet d’une refonte technique importante.

Le poste budgétaire relatif aux dépenses d’expertise, de conseil, de communication, de documentation et de formation s’élève à un niveau presque équivalent, à savoir 850 000 euros (AE=CP).

Ces dépenses correspondent principalement à des prestations intellectuelles directement liées à l’activité. Le recours aux expertises économiques et juridiques est nécessaire à l’instruction des dossiers et à la sécurisation des procédures. Ce dernier sujet relatif au respect des formes et des droits de la défense est particulièrement sensible car on sait que les cabinets d’avocats développent abondamment les moyens de forme dans leurs conclusions. Ce poste comprend également les honoraires d’avocats spécialisés pour la représentation obligatoire de l’Autorité devant la Cour de cassation et le Conseil d’État.

Les dépenses de communication recouvrent la conception, l’impression et, le cas échéant, la traduction de documents et supports de communication (rapport annuel d’activité ainsi que sa synthèse, lettre trimestrielle d’information). Elles regroupent également les frais de traduction de documents et communiqués de presse ainsi que les dépenses liées à l’organisation de colloques et séminaires à destination de publics divers (entreprises, juristes et économistes principalement).

Les dépenses de documentation prévues en 2011 correspondent pour l’essentiel aux abonnements (versions papier et/ou électronique) à dominante économique et juridique dans le domaine du droit interne, communautaire et international de la concurrence. Les dépenses de formation sont en progression pour satisfaire les besoins nouveaux en informatique et ceux spécifiques aux différents métiers de l’Autorité (droit, économie…).Ce poste comprend également la gratification des stagiaires accueillis par l’Autorité de la concurrence.

Compte tenu de la mise en place de la nouvelle organisation territoriale de l'État, la structure du budget de la DGCCRF évolue de façon notable entre 2010 et 2011. Ainsi, à compter du 1er janvier 2011, les crédits de fonctionnement courant des directions départementales interministérielles ainsi que les crédits immobiliers à la charge de l'occupant (loyers externes et budgétaires, petit entretien, fluides…) des directions départementales interministérielles, des préfectures, de certaines directions régionales, dont les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et leurs unités départementales, sont regroupés au sein d'un nouveau programme 333, rattaché aux services du Premier ministre.

Seuls demeurent sur le programme 134 les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, des services à compétence nationale qui lui sont rattachés (service informatique, école nationale et service national d'enquêtes) et des DIRECCTE.

Ces crédits correspondent essentiellement à la formation, à la communication, à l’informatique et au pilotage, ainsi qu'au fonctionnement courant et aux frais de déplacement des agents affectés en DIRECCTE. Ils participent à la mise en œuvre des trois actions « régulation concurrentielle des marchés », « protection économique du consommateur » et « sécurité du consommateur » et ont donc été répartis sur la base des effectifs affectés à chacune de ces actions. Ainsi la présente action mobilise-t-elle près de 2,5 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel.

Quant aux dépenses d’investissement, les crédits inscrits pour cette action, qui s’élèvent à 869 701 euros, correspondent essentiellement aux dépenses d’investissement du service informatique de la DGCCRF.

La maintenance du parc immobilier est désormais assurée à partir du programme 333, pour les directions départementales interministérielles et les DIRECCTE. Les travaux de gros entretien, dits du propriétaire, sont quant à eux portés par le programme 309 « Entretien des immeubles de l'État ». En 2011, la DGCCRF a transféré sur ce programme 212 301 euros.

D’après les documents budgétaires, l’action « protection économique du consommateur » a pour objet de fixer les règles relatives à l’information des consommateurs et à la loyauté des pratiques commerciales à leur égard.

Comme pour la précédente action, les crédits de fonctionnement de l’action 17 concernent l'administration centrale, les services à compétence nationale qui lui sont rattachés (service informatique, école nationale et service national d'enquêtes) et les DIRECCTE. Ainsi la présente action mobilise-t-elle plus de 3,8 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel.

Les dépenses d’intervention de cette action, en diminution de 354 000 euros pour ce qui concerne les CP, sont dévolues au financement :

– de l’Institut national de la consommation, (INC). Le décret n° 2010-801 du 13 juillet 2010 relatif à la représentation des associations de défense des consommateurs et aux institutions de la consommation définit plus précisément les missions de l'Institut national de la consommation, qui a notamment vocation à réaliser des campagnes d'information des consommateurs et de prévention des risques liées à la consommation.

Ses travaux participent à l’accroissement de la qualité des produits et des services et à l’évolution de la législation. Il réalise des essais comparatifs, conduit des études économiques et juridiques et assure la diffusion des résultats. Il effectue également des actions de formation sur les questions de consommation. Pour assurer l’ensemble de ces missions, l’INC développe des partenariats avec les associations de consommateurs, les pouvoirs publics, des organismes publics ou parapublics et l’Union Européenne. Le décret du 13 juillet 2010 précité modifie sa gouvernance, avec un renforcement de la présence de l'État.

Le décret procède également à la recomposition des institutions publiques de la consommation autour de l'Institut national de la consommation. Cet institut et les centres techniques régionaux de la consommation sont structurés en réseau. Il facilite enfin le développement d'une synergie entre l'Institut national de la consommation, la Commission de sécurité des consommateurs et la Commission des clauses abusives.

– du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) ;

– du mouvement consommateur pour 7,4 millions d’euros. Pour 2009, les associations de consommateurs ont été soutenues et évaluées par l’État selon des modalités reprenant en grande partie celles en vigueur durant la période 2006/2008. Ces conventions annuelles ont défini des thèmes prioritaires d’action pour la défense des consommateurs, des objectifs précis atteignables avant la fin 2009 et portant sur des thèmes prédéterminés, et enfin des indicateurs permettant de constater l’atteinte des objectifs.

Les nouvelles conventions passées entre la DGCCRF et les associations agréées de consommateurs en 2010 s’inspirent de la convention type prévue par la circulaire du 18 janvier 2010 du Premier ministre sur les relations entre les collectivités publiques et les associations. Ces conventions de financement distinguent, au sein du projet associatif, les activités des associations qui ne relèvent pas du champ économique et les actions qui sont considérées comme relevant de la sphère économique afin de se conformer aux règles européennes.  

Ont été définies comme relevant du service d'intérêt économique général assuré par les associations de consommateurs les actions suivantes :

–  l’organisation de l’accueil des consommateurs ;

–  l’activité de traitement amiable des réclamations et de participation aux modes alternatifs de règlement des litiges ;

–  l’activité de communication externe, à l’exclusion d’une activité commerciale de presse.

Par ailleurs, le décret 2010-801 du 13 juillet 2010 institue un dispositif de « reconnaissance spécifique » des associations de consommateurs les plus représentatives et fixe ses modalités d'attribution.

Votre rapporteur rappelle que, si elle demeure stable ne euros courants, cette subvention n’a pas augmenté depuis plus de vingt ans alors que les charges des associations, elles, continuent de croître, de même que le champ de la concurrence (énergie, télécommunications), rendant encore plus nécessaire l’information indépendante des consommateurs.

L’action « Sécurité du consommateur », conduite par la DGCCRF, a pour finalité de déterminer et de faire respecter les règles de sécurité relatives aux produits alimentaires ou non alimentaires ainsi qu’aux prestations de services nécessitant des précautions particulières.

Les crédits de cette action sont en augmentation à hauteur de 9 % en raison de l’affectation de 607 EPTP contre seulement 541 lors de l’exercice précédent. À noter qu’en dépit du rapprochement entre l’INC et la commission des clauses abusives, les crédits de cette dernière instance (252 000 euros) figurent au titre des dépenses d’intervention de la présente action.

L'Autorité de la concurrence est chargée de veiller au bon fonctionnement concurrentiel des marchés, une condition sine qua non pour garantir au consommateur les meilleurs prix et le choix le plus large de produits et de services. Si la concurrence n’est pas une fin en soi, son bon usage constitue un moyen efficace de défense des consommateurs. Les pratiques anticoncurrentielles sont en effet nuisibles au consommateur final, qu'elles privent de la liberté de choisir au meilleur prix. Mais elles portent aussi atteinte à son bien-être de façon indirecte, puisqu'elles sont préjudiciables à l'innovation, à l'efficacité économique et, finalement, à la croissance. À cet égard votre rapporteur partage l’idée de l’Autorité selon laquelle la crise ne doit pas être le prétexte à un assouplissement des exigences en matière de concurrence.

Lorsque le droit de la concurrence est enfreint, l'Autorité peut être saisie du dossier par une grande diversité d’acteurs économiques (les entreprises, les organisations professionnelles, les syndicats, les associations de consommateurs) ou s'en saisir d'office. Elle examine alors les faits et, au terme d'une procédure contradictoire, prend, si besoin est, toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les pratiques en cause.

Lorsque des indices de pratiques anticoncurrentielles sont mis en lumière par la DGCCRF et que celle-ci estime qu’une enquête de recueil des preuves peut les confirmer, un projet d’enquête est transmis à l'Autorité en vertu des dispositions de l’article L. 450-5 du Code de commerce.

L’Autorité dispose d’un délai d’un mois pour prendre la direction de l’enquête. Lorsqu’elle ne souhaite pas le faire, notamment parce que les pratiques apparaissent de portée locale, ou à défaut de réponse dans un délai de 35 jours, c’est la DGCCRF qui réalise l’enquête (article D. 450-3 du Code de commerce.).

Au 30 juin 2010, et depuis la publication du décret du 20 mars 2009 les chiffres relatifs aux enquêtes sont les suivants :

– projets transmis par la DGCCRF à l'Autorité : 81 en 2009 et 43 en 2010 ;

– enquêtes prises en charge par l'Autorité : 30 en 2009 (soit 37 %) et 11 en 2010 (soit 31 %) ;

– enquêtes confiées à la DGCCRF : 51 en 2009 (63 %) et 32 en 2010 (69 %).

Mission relevant auparavant de la compétence du ministre, le contrôle des opérations de concentration a été transféré par la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 à l'Autorité de la concurrence. 
Cette réforme rapproche le modèle français de celui en vigueur partout ailleurs en Europe : le bilan concurrentiel des opérations de concentration est effectué par l'Autorité indépendante spécialisée dans la régulation de la concurrence. 

À titre exceptionnel, le ministre de l'économie peut cependant, une fois la décision de l'Autorité rendue, évoquer une opération présentant un caractère stratégique pour le pays, au nom de considérations d'intérêt général autres que la concurrence.

La LME a également créé des seuils spécifiques, moins élevés, pour les opérations de concentration dans le secteur de la distribution de détail (alinéa 2 de l'article L. 430-2 du Code de commerce). Cette disposition vise à prévenir les opérations qui pourraient affaiblir substantiellement la concurrence dans certaines zones de chalandise, en permettant à l'Autorité d'examiner des opérations de rachat de magasins qui, compte tenu des seuils de chiffre d'affaires prévus par le droit commun des concentrations, échapperaient autrement à son contrôle.

Le Président Bruno Lasserre a précisé à votre rapporteur que sur les 94 décisions rendues en 2009, 39 ont concerné le secteur du commerce de détail (alimentation, pressing, coiffure, entretien de véhicules, etc.). Il s’agit d’une charge de travail croissante en lien avec la reprise de l’activité de fusion-acquisition. L’Autorité a fait le choix de ne pas avoir recours à la procédure d’autorisation tacite et de motiver chacune de ses décisions.

Deux décisions retiennent particulièrement l’attention :

Il s’agit d’abord ainsi de la décision 08-D-32 du 16 décembre 2008 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du négoce des produits sidérurgiques. Celle-ci constitue une des dernières décisions rendues par le Conseil de la concurrence mais son impact et ses conséquences intéressent l’Autorité au plus haut point. Elle sanctionne en effet à hauteur de 575,4 millions d'euros un cartel de grande ampleur, 11 entreprises de négoce et le principal syndicat professionnel, et porte à la fois sur les prix, les clients et les marchés.

Les entreprises sanctionnées ayant fait appel de cette décision, la Cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 19 janvier 2010, décidé de réduire de manière significative les sanctions prononcées par l’Autorité. La ministre a choisi de renoncer à se pourvoir en cassation et a opté en faveur d’un rapport sur l’appréciation de la sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles. Ce rapport (1) valide en grande partie la méthode utilisée par l’Autorité de la concurrence tout en préconisant de modifier plusieurs critères, comme le plafond de l’amende qui au lieu de 10 % du chiffre d’affaires global pourrait être un pourcentage entre 5 et 15 % des ventes des produits concernés par les pratiques sanctionnées. Conformément à sa pratique constante, l’Autorité publiera de nouvelles lignes directrices allant dans le sens d’une meilleure sécurité juridique tout en veillant à ce que l’effet dissuasif des sanctions perdure.

La seconde décision, rendue le 20 septembre 2010, condamne une entente dans le secteur bancaire.

À la suite d’une auto-saisine, l'Autorité de la concurrence a rendu une décision par laquelle elle sanctionne la Banque de France, BPCE, la Banque postale, BNP-Paribas, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, le Crédit du Nord, le Crédit Industriel et Commercial (CIC), LCL, HSBC et la Société Générale pour avoir mis en place de manière concertée, et appliqué de janvier 2002 à juillet 2007, une commission interbancaire de 4,3 centimes d'euros sur 80 % des chèques échangés en France, à l'occasion de la dématérialisation du système de compensation des chèques. Selon l’Autorité, « la création de la Commission dite "d'échange image chèque"  (CEIC), qui ne correspond à aucun service rendu, a eu pour conséquence d'augmenter artificiellement les coûts supportés par les banques remettantes ce qui a ainsi pesé directement ou indirectement sur le niveau des prix des services bancaires. »

De telles décisions illustrent parfaitement le rôle de l’Autorité qui est tout à la fois au service de l’économie, car ce sont le plus souvent les PME qui sont victimes des cartels entre grandes entreprises, mais aussi du consommateur, car les pratiques anticoncurrentielles ont pour conséquence le renchérissement des produits et services proposés. Parmi les mesures permettant de renforcer l’efficacité de l’Autorité, votre rapporteur considère comme prioritaires le regroupement des services sur un seul site, au lieu de trois à l’heure actuelle, et la valorisation des rapporteurs recrutés sous contrat de droit privé afin de fidéliser leur collaboration.

Les associations de consommateurs ont des objectifs convergents avec les missions de la DGCCRF telles qu’elles résultent de l’action « protection économique du consommateur ». Les structures nationales agréées bénéficient d’un financement de la DGCCRF.

Le projet de loi de finances prévoit une dotation globale de soutien aux associations de consommateurs (programme développement des entreprises et de l’emploi, action 17, protection économique du consommateur, titre VI, dépenses d’intervention) mais ne précise pas les niveaux des subventions accordées à chacune. L’enveloppe budgétaire globale consacrée à cette action est de 7,4 millions d’euros.

Le rapporteur rappelle que les montants attribués aux associations de consommateurs demeurent singulièrement stables en euros courants alors que celles-ci sont toujours plus sollicitées. Cette situation perdure depuis plus de vingt ans.

Les pouvoirs publics ont initié une réflexion tendant à rationaliser le mouvement consumériste. Selon les termes du rapport (2) remis par Mme Dominique Laurent au mois de mai 2009, le but assigné à sa mission était « de porter une appréciation sur l’efficacité de ce dispositif d’ensemble et d’en mesurer la pertinence au vu des enjeux actuels et futurs de la défense des consommateurs : ces enjeux sont d’ampleur et il suffit de les énumérer pour s’en convaincre. Ils concernent notamment la lutte contre la crise économique actuelle et la préparation de « l’après crise », la construction européenne dans le domaine de la consommation, le projet d’introduction de l’action de groupe dans le droit positif français, et ceci dans un contexte de maîtrise accrue de la dépense publique et de réorganisation des administrations centrales et territoriales. »

Ce rapport a été bien accueilli par celles qui sont généralement considérées comme les deux principales organisations de défense des consommateurs à vocation généraliste que sont la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) et l’Union Fédérale des Consommateurs-Que choisir (UFC-Que choisir). Dans un communiqué de presse commun, elles avaient salué « la lucidité du constat du rapport de Dominique Laurent et des propositions de réforme qui constituent, sinon une évolution majeure, du moins un premier pas vers une rationalisation du mouvement consommateur. »

Concernant plus particulièrement la structuration du mouvement consumériste français, le communiqué soulignait que « le caractère pléthorique et dispersé des associations de consommateurs en France n'est pas l'expression d'une riche diversité, mais un facteur d'inefficacité préjudiciable à une défense effective de la cause consumériste et au dynamisme comme à l'équilibre des rapports économiques. »

L’évolution préconisée dans le rapport se traduisait par une réforme des conditions d’agrément visant notamment à ce que la mission de l’association soit consacrée à titre prépondérant à la défense des consommateurs et opérant une distinction entre deux types d’agrément, un agrément généraliste réservé aux associations œuvrant dans l’ensemble du champ consumériste et disposant d’un nombre élevé d’adhérents (10 000 dans un premier temps, porté à 25 000 dans un délai de cinq ans) et un agrément spécialiste pour les associations spécialisées dans un secteur d’activité.

Or le décret n° 2010-801 du 13 juillet 2010 relatif à la représentation des associations de défense des consommateurs et aux institutions de consommation, ne reprend que très faiblement ces préconisations. La reconnaissance spécifique qui peut être accordée aux associations en ayant fait la demande, n’ouvre droit qu’à très peu de droits à ses bénéficiaires. Il s’agit en effet, dans le texte, de la participation de droit au bureau du Conseil national de la consommation et dans l’esprit de ses promoteurs, du monopole pour la mise en œuvre d’une hypothétique action de groupe à la française.

Votre rapporteur demeure attaché à l’institution d’une procédure d’action de groupe, version française de la « class action » anglo-saxonne. La majorité des associations de défense des consommateurs la réclame mais les pouvoirs publics ne laissent pas de différer. Ainsi, déjà le 22 novembre 2007, lors du débat sur la loi « consommation », M. Luc Chatel, secrétaire d’État en charge de la consommation, avait expliqué qu’il souhaitait attendre le projet de loi sur la modernisation de l’économie début 2008 pour étudier la proposition ; c’est ensuite la crise économique qui a été avancée comme argument en faveur de l’attente.

En tout état de cause, le Gouvernement entend au mieux strictement encadrer cette procédure comme l’indique une réponse au questionnaire relatif au PLF pour 2010 :

« Si une procédure d’action de groupe devait être élaborée, elle devrait nécessairement comprendre les encadrements suivants : une qualité pour agir reconnue aux seules associations de consommateurs agréées au plan national et bénéficiant de la reconnaissance spécifique définie par le titre III du livre IV du code de la consommation, une limitation à la réparation des seuls préjudices matériels de faible importance subis par les consommateurs (à l’exclusion des préjudices moraux et corporels) résultant de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’obligations contractuelles incombant à un même professionnel, une incitation à la recherche de solution négociée entre les parties par le recours préalable et obligatoire à une phase de médiation, et un mécanisme de sanction des procédures abusives, par exemple, des actions collectives non justifiées. »

La récente installation de la commission de la médiation de la consommation par le secrétaire d’État chargé de la consommation, M. Hervé Novelli, s’inscrit parfaitement dans cette démarche de développement de la médiation privée qui existe déjà au sein de plusieurs grandes entreprises comme BNP Paribas, la SNCF ou Axa et recueille l’assentiment du Medef. Votre rapporteur déplore ce choix qui ne permettra pas de garantir un même degré d’indépendance vis-à-vis des entreprises que l’instauration d’une procédure d’action de groupe.

II.— VERS LA CLARIFICATION DE LA TARIFICATION
DES FRAIS BANCAIRES ?

Dans un univers économique dominé par les soucis de transparence, de concurrence et de mise en comparaison des produits et des services, la question de la tarification des frais bancaires est régulièrement abordée dans la presse spécialisée et par des enquêtes de terrain menées par les associations de consommateurs tant elle apparaît complexe, peu lisible et sujette à évolutions.

Cette préoccupation a connu une actualité particulière avec la publication successive d’une étude commandée par la Commission européenne sur la tarification des comptes courants en Europe, de l’enquête annuelle CLCV-Mieux vivre votre argent et de l’étude réalisée par l'UFC-Que Choisir sur l'évolution des tarifs bancaires entre 2004 et 2009. Même si les analyses divergent, au gré de la méthodologie employée, sur l’évolution globale des tarifs de la banque de détail, les observateurs sont unanimes pour relever un manque de lisibilité des tarifs, un coût excessif des offres de type « package » ou forfait, qui s’avèrent souvent peu adaptées aux besoins réels des consommateurs, et une augmentation importante des frais liés aux incidents de paiement.

Sur ce sujet, bien servi par l’actualité puisque la décision de sanction de l’Autorité de la concurrence à l’encontre des banques pour entente sur les chèques est intervenue la veille de la réunion du CCSF, votre rapporteur n’a pas pour objectif de pointer du doigt un secteur d’activité en prise directe avec la quasi-totalité de nos concitoyens mais d’essayer de faire en sorte que chaque usager débourse le « juste prix » en contrepartie des services dont il bénéficie.

L’opacité de la tarification qui se traduit notamment par la mise à disposition du public de brochures épaisses (en moyenne une brochure fait 24 pages selon l’UFC), au chapitrage hétérogène et par le recours à des libellés peu compréhensibles pour le non spécialiste, constitue un constat récurrent des associations de consommateurs. Pour apporter une base de discussion objective, la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Mme Christine Lagarde, a demandé au mois de mars 2010 à MM. Emmanuel Constans et Georges Pauget d’examiner le dispositif français de tarification des services bancaires dans l’objectif :

– de caractériser ce dispositif par rapport aux autres modèles existant en Europe ;

– d’établir un diagnostic consensuel sur les pratiques de la place en la matière, en accordant une attention particulière aux moyens de paiement, aux incidents et aux dépassements de découvert ;

– de dresser le bilan des mesures adoptées récemment dans ce domaine et de formuler, le cas échéant, des propositions pour les compléter.

Le grand mérite de ce rapport (3) est de fournir une analyse des caractéristiques du secteur bancaire français. Celui-ci est organisé autour du modèle de la banque universelle qui propose l’ensemble des produits de la banque de détail dans le cadre d’un réseau dense permettant la fidélisation du client. Ce modèle qui s’accompagne d’un taux de bancarisation très élevé, 98,4 % de la population contre 80 % en moyenne au sein de l’UE, repose sur un dispositif de tarification que les auteurs jugent « globalement efficient mais déséquilibré ».

Le satisfecit global est obtenu en raison de la prise en compte de l’ensemble des tarifs des services bancaires, à savoir aussi bien le crédit, les produits d’épargne et d’assurance, que les services de banque au quotidien que sont les moyens de paiement et la gestion des comptes. Le constat le plus saillant concerne l’existence de subventions croisées entre produits au sein d’un même réseau. La meilleure illustration en est la sous-tarification du crédit immobilier, considéré comme le produit d’appel permettant de fidéliser la clientèle, compensée par des tarifs de banque au quotidien plus élevés que la moyenne européenne.

En conclusion le rapport énumère 32 propositions visant principalement à :

- accroître la lisibilité, la transparence et la comparabilité des tarifs bancaires ;

- renforcer la formation des réseaux bancaires et l’éducation financière ;

- développer des moyens de paiement mieux adaptés aux besoins des clients aux évolutions technologiques dans un cadre européen ;

- mettre en place une nouvelle génération de forfaits de services bancaires (packages) ;

- améliorer le traitement des incidents de paiement, notamment pour les clientèles fragiles afin de réduire les frais associés ;

- favoriser un rééquilibrage des revenus de la banque de détail pouvant entraîner une diminution ou une modération durable des tarifs bancaires.

Contrairement à ce que souhaitaient les associations de consommateurs, les conclusions du rapport n’ont pas fait l’objet d’une concertation approfondie puisque Mme Christine Lagarde a organisé, dès le 21 septembre 2010, une réunion de travail du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) à l’occasion duquel un ensemble de mesures a été arrêté. Sans méconnaître l’importance du travail et des propositions qui ont été faites à cette occasion, votre rapporteur regrette l’absence de concertation préalable et le choix de recourir à des engagements de la profession bancaire pour se réformer, au détriment de réformes législatives ou réglementaires, alors que l’on peut légitimement douter de la capacité d’un corps social à s’auto-réformer.

Les engagements pris par la profession s’articulent autour des trois objectifs suivants :

– faciliter la transparence des prix pour les consommateurs ;

– avancer vers des forfaits plus adaptés aux besoins des consommateurs ;

– prévenir les incidents de paiement et réduire leur impact pour les clientèles fragiles.

Dans le détail, les avancées les plus significatives pour atteindre le premier objectif concernent, d’une part, la lisibilité des plaquettes tarifaires qui devront présenter un sommaire-type de présentation, inclure une liste avec le prix de 10 services standard et utiliser des termes harmonisés pour décrire les différentes opérations bancaires ainsi que, d’autre part, la transparence des frais qui devront figurer sur les relevés mensuels de compte.

Le second objectif se traduira par la mise en place de nouveaux forfaits personnalisables et présentant toujours un avantage tarifaire par rapport à l’offre à la carte.

Enfin, la création d’un « forfait sécurité » comprenant des moyens de paiement visant à prévenir les incidents et à limiter les commissions d’intervention aussi bien en valeur qu’en nombre d’occurrences est appelée à répondre au troisième objectif.

Plusieurs dossiers doivent faire l’objet d’évolution rapide, il en va ainsi du bilan de la mobilité bancaire, de la préfiguration du « forfait sécurité » et du développement d’une procédure de virement de proximité. Le premier semestre 2011 devrait voir la mise en place effective des nouvelles plaquettes tarifaires et l’indication mensuelle des frais ainsi que la commercialisation du forfait sécurité.

En outre, le CCSF a qui a été confié une mission d’observation des tarifs bancaires, doit rendre son premier rapport au 15 septembre 2011 et l’Autorité de contrôle prudentiel qui est chargée, en coopération avec la DGCCRF, de contrôler le respect des engagements et du calendrier d’application, devra quant à elle rendre un rapport avant la fin 2011.

Il faut en effet souligner que la ministre a choisi une voie médiane entre la liberté laissée aux acteurs et l’adoption de dispositions contraignantes, puisqu’elle a opté pour la voie de la « bonne volonté surveillée ». À cet effet, le Gouvernement a déposé deux amendements dans le cadre de la discussion du projet de loi de régulation bancaire et financière qui ont été adoptés et figurent respectivement aux articles 36 et 45 du texte définitif.

L’article 36 crée un article L. 612-29-1 au sein du code monétaire et financier qui ouvre au ministre chargé de l’économie, la faculté de demander à l’Autorité de contrôle prudentiel de procéder, auprès des personnes et dans les domaines qui relèvent de sa compétence, à une vérification du respect des engagements pris par une ou plusieurs associations professionnelles représentant leurs intérêts dans le cadre des mesures proposées par le Comité consultatif du secteur financier. Les résultats de cette vérification font l’objet d’un rapport que l’Autorité remet au ministre et au Comité consultatif du secteur financier. Ce rapport mentionne, engagement par engagement, la part des professionnels concernés qui le respecte. 

L’article 45 complète l’article L. 614-1 du même code relatif aux missions du CCSF, il prévoit que le comité est chargé de suivre l’évolution des pratiques des établissements de crédit et des établissements de paiement en matière de tarifs pour les services offerts à leurs clients personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Ce dispositif ne prévoit pas quelles sanctions pourraient être infligées aux établissements récalcitrants. Lors de son audition, M. Emmanuel Constans, a toutefois indiqué à votre rapporteur qu’il pourrait, dans un premier temps, s’agir de mises en demeure de se conformer aux engagements professionnels dans un délai imparti, puis, à défaut d’évolution, de sanctions financières pouvant être assortie de publicité.

Votre rapporteur prend acte de ces engagements dont la mise en œuvre peut effectivement apporter beaucoup plus de lisibilité et de possibilités de comparer les différentes offres, tout en ajoutant un filet de sécurité destiné aux clientèles fragiles. Il convient toutefois de relativiser la portée de cette démarche sous deux aspects différents. D’une manière générale, les avancées en faveur d’une concurrence accrue qui découlent d’une meilleure lisibilité et d’une plus grande mobilité ne bénéficieront qu’aux clients suffisamment attractifs pour changer de banque, mais pas aux clients « captifs ». Quant à la question précise des frais bancaires et particulièrement des commissions d’intervention, force est de constater que le « meilleur client » pour une banque peut être une personne disposant d’une situation stable, non considérée comme clientèle fragile, mais sujette à des difficultés de fin de mois qui, faute de disposer d’une autorisation de découvert suffisante, se voit facturer des agios ainsi que des commissions d’intervention. L’application de pénalités peut certes varier dans la pratique, notamment en fonction du chargé de clientèle, mais cette situation apparaît inéquitable, elle illustre ainsi parfaitement la nécessité de ne pas cantonner les mesures protectrices aux seules clientèles fragiles.

Le rapport Pauget-Constans critique la variabilité du coût maximal mensuel des commissions d’intervention et l’inadéquation du niveau du découvert bancaire. On peut y lire que « la proportion de la clientèle ne subissant aucun frais de rejet ou de commission d’intervention varie de 65 % à 90 % » (4), ce qui veut dire, a contrario, que ces frais concernent néanmoins une fraction non négligeable de ladite clientèle. Le rapport relève également que dans tous les établissements, « une minorité de la clientèle (moins de 1 %) subit un nombre élevé de frais de rejet et de commissions d’intervention, pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines par mois. »

Selon les informations recueillies lors des auditions par votre rapporteur, il apparaît que cette minorité de la clientèle subissant un nombre élevé de frais n’est pas homogène et comprend aussi bien des personnes en grande difficulté financière que des personnes disposant de revenus supérieurs à la moyenne. La mission a toutefois considéré « que la priorité doit être accordée aux moyens de réduire le nombre d’incidents auxquels une minorité de consommateurs fragiles fait face » (5). Dans cette logique, les préconisations du rapport en matière de frais, qui ont été reprises dans le cadre du CCSF, ne concernent que les clientèles fragiles. Elles visent à diviser par deux le tarif des commissions d’intervention, ou à le fixer à un niveau modeste qui pourrait être de l’ordre de 5 euros, et à plafonner le nombre d’occurrence de ces frais par jour et/ou par mois.

Si votre rapporteur approuve la volonté de protéger les personnes les plus fragiles, il relève néanmoins que le domaine des frais d’intervention soulève des questions qui concernent l’ensemble des usagers des services bancaires et doivent recevoir des réponses appropriées.

Il importe tout d’abord de bien définir les différents frais qui peuvent découler de la présentation d’une créance non couverte sur le compte du débiteur.

La première situation correspond à celle où une banque a accordé une autorisation de découvert à son client. Cette autorisation est limitée dans son montant, qui doit en toute logique correspondre aux charges prévisibles par le client mais qu’il ne peut honorer au moment de la présentation, elle est aussi limitée dans le temps puisqu’elle ne peut excéder quatre-vingt-dix jours. Au-delà en effet, l’établissement est tenu de transmettre à son client une offre préalable de crédit qui conduit à un crédit à la consommation. Dans cette hypothèse, la banque accepte de régler les sommes débitrices dans la limite du découvert consenti. Cette facilité constitue une forme de crédit qui est rémunéré par le paiement d’intérêts, appelés agios, qui sont calculés quotidiennement sur le solde débiteur le plus fort de la journée. Les agios sont calculés à partir du taux nominal annuel qui figure sur la plaquette tarifaire ; en pratique ce taux varie entre 8 et 18 %.

En l’absence d’autorisation de découvert ou en cas de dépassement de celui-ci, la banque dispose de la faculté de rejeter ou d’honorer le paiement qui lui est présenté. La première hypothèse constitue un incident de paiement, il s’agit de tout rejet d’un ordre de paiement reçu par la banque du payeur en raison d’un défaut ou d’une insuffisance de provision, quel que soit le moyen de paiement utilisé. Ces cas de figures sont encadrés par le décret n° 2007-1611 du 5 novembre 2007 relatif au plafonnement des frais bancaires applicables aux incidents de paiement. L’article 1er dispose que :

« Les frais bancaires perçus par le tiré à l’occasion du rejet d’un chèque ne peuvent excéder un montant de 30 euros pour les chèques d’un montant inférieur ou égal à 50 euros et un montant de 50 euros pour les chèques d’un montant supérieur à 50 euros.

« Constitue un incident de paiement unique le rejet d’un chèque présenté au paiement à plusieurs reprises dans les 30 jours suivant le premier rejet. »

Corrélativement, l’article 2 précise que :

« Pour les incidents de paiement autres que le rejet d’un chèque, les frais bancaires perçus par la banque du payeur au titre d’un incident ne peuvent excéder le montant de l’ordre de paiement rejeté, dans la limite d’un plafond de 20 euros. »

Il convient de relever que l’instauration de ces plafonds a, d’une part, eu pour conséquence un alignement quasi systématique des banques à leur hauteur, et, d’autre part, que dans la pratique la revue « 60 millions de consommateurs » a constaté que les frais afférents à l’envoi obligatoire d’une lettre d’information n’étaient, contrairement aux dispositions du décret, le plus souvent pas comptabilisés pour le calcul dudit plafond.

Lorsqu’en cas d’absence d’autorisation de découvert ou en cas de dépassement de celle-ci, la banque choisit d’honorer le paiement, le coût pour le client s’avère encore plus onéreux.

Dans ce cas en effet, la banque facture des intérêts à un taux spécifique, le taux nominal annuel en cas de dépassement qui varie de 14 à 18,8 % selon les réseaux, et prélève en outre une commission d’intervention qui dans la pratique s’échelonne de 5,90 euros à 10 euros par opération, et ce quel que soit le montant du dépassement, lequel peut d’ailleurs être inférieur au montant de la commission. À cela s’ajoute le fait que le nombre de ces commissions par jour et/ou par mois ne fait pas toujours l’objet d’un plafonnement par les banques. Ainsi selon l’étude de l’UFC-que choisir (6), le plafond mensuel du nombre de commissions perçues va du simple au sextuple, de 18 à 110 par mois.

Ce sont ces pratiques qui posent un réel problème juridique puisqu’elles ne suivent pas la jurisprudence selon laquelle le taux effectif global (TEG) d’un découvert non autorisé doit inclure les commissions d’intervention.

Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 5 février 2008 (7) retient l’analyse selon laquelle en acceptant d’honorer un paiement qui dépasse l’autorisation de découvert, une banque accepte de facto un nouveau crédit.

La haute juridiction a considéré que « la Cour d’appel qui, pour exclure de l'assiette du taux effectif global les frais prélevés par une banque à l'occasion de chaque opération effectuée au-delà du découvert autorisé, au moyen d'une carte bancaire, retient que ces frais sont distincts de l'opération de crédit proprement dite que constitue le découvert et constituent la rémunération d'un service offert par la banque pour permettre d'honorer une transaction, alors que la rémunération d'une telle prestation n'est pas indépendante de l'opération de crédit complémentaire résultant de l'enregistrement comptable d'une transaction excédant le découvert autorisé, avait violé les articles 1134 et 1907 du code civil ainsi que l’article L. 313-1 du code de la consommation. »

De manière concrète, l’inclusion des frais de forçage (commissions d’intervention) pour le calcul du TEG a pour conséquence de lui faire dépasser le taux légal de l’usure dans un très grand nombre de cas.

Selon l'article L. 313-3 du Code de la consommation : « Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues ».

Ce taux s’établit actuellement à 21,32 % pour un prêt inférieur à 1 524 euros et à 19,32 % pour un découvert d’un montant supérieur. Selon l’exemple figurant dans l’étude de l’UFC-que choisir précitée, un paiement de 100 euros entraînant un découvert non autorisé, a pour conséquence l’application par l’ensemble des banques d’un TEG supérieur à l’usure. Plus choquant encore, seuls des découverts très importants peuvent être accordés à un taux non usuraire, les petits découverts sont mécaniquement pénalisés par le système de la commission forfaitaire.

Cette violation manifeste des dispositions de l’article L. 313-1du Code de la consommation relatif à la détermination du taux effectif global du prêt ne peut perdurer et votre rapporteur appelle l’attention de Mme la ministre de l’économie afin que cette question soit jointe à celles débattues au sein du CCSF. Il est clair en effet que la protection des clientèles fragiles ne constitue pas la réponse adaptée au problème posé, lequel concerne l’ensemble des usagers de la banque face à une pratique clairement illégale et pourtant couramment mise en œuvre.

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Des avancées ? Oui sans doute, mais peut-on raisonnablement penser que ce sera suffisant ? En quoi permettent-elles de mettre un terme à des abus aux graves conséquences pour des milliers de nos concitoyens. Le consensus et la vertu sont souvent invoqués par la ministre de l'économie ; libre à elle d'y croire, mais l'histoire récente a souvent démenti ces bonnes intentions: qu'on se rappelle la crise financière où la vertu si elle a existé, n'a duré que le temps de l'oubli des turpitudes passées !

À l'instar des associations de consommateurs qui sont unanimes sur ce point, votre rapporteur pense qu'il faudra en passer par la loi, qui aura l'immense mérite de codifier les engagements et de rendre effectives les sanctions. L'autre mérite, non négligeable, étant d'éviter que certains ne s'affranchissent des engagements et pratiquent de ce fait une concurrence déloyale.

EXAMEN EN COMMISSION

À l’issue de la commission élargie du 25 octobre 2010 (8), la commission des affaires économiques a examiné pour avis les crédits de la mission « Économie », sur les rapports de Mme Laure de La Raudière, M. Daniel Fasquelle, M. François Loos, M. Jean Gaubert et M. Alfred Trassy-Paillogues.

Conformément à l’avis de Mme Laure de La Raudière et de MM. Daniel Fasquelle, François Loos et Alfred Trassy-Paillogues, rapporteurs pour avis, et contrairement à l’avis de M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis, la Commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » pour 2011.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, CLCV, Mme Reine Claude Mader, présidente ;

– Fédération bancaire française, Mme Ariane Obolensky, directrice générale, M. Pierre Bocquet, directeur banque de détail et Mme Séverine de Compreignac, chargée des relations institutionnelles ;

– Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, MINEFI, Direction générale du Trésor : M. Hervé de Villeroché, chef du service du financement de l’économie ;

– Union fédérale des consommateurs-Que Choisir, UFC, MM. Cédric Musso, directeur des relations institutionnelles, Maxime Chipoy, chargé de mission banque et assurance ;

– Comité consultatif du secteur financier, CCSF, M. Emmanuel Constans, président ;

– Association française des usagers des banques, AFUB, M. Serge Maître, secrétaire général, Mme Marie-Anne Jacquot, administrateur délégué.

– Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, président, Mme Virginie Beaumenier, rapporteure générale ;

– Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, DGCCRF, Mme Nathalie Homobono, directrice, M. Pierre Fond, chef de service.

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