N° 2861 tome III - Avis de Mme Henriette Martinez sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824)



N
° 2861

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

TOME III

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

par Mme Henriette MARTINEZ,

Députée

Voir le numéro 2857 (annexe n° 5).

INTRODUCTION 7

I – UNE POLITIQUE QUI SE CHERCHE ENCORE 9

A – LA POURSUITE DE LA RÉFLEXION ENGAGÉE PAR LE GOUVERNEMENT 9

1) La prise en compte des critiques envers l'APD de la France 9

a) La perception des pairs du CAD en 2008 9

b) Les décisions du CICID du 5 juin 2009 10

c) Le satisfecit du CAD à mi-parcours 11

d) Un pilotage politique qui reste néanmoins encore à améliorer 12

2) Une démarche participative opportune qui ne doit pas s’arrêter en chemin 13

a) L’élaboration du Document cadre français de coopération au développement 13

b) Les documents stratégiques 14

3) Un document qui laisse finalement le lecteur sur sa faim 15

a) L’ambition annoncée du Document cadre 16

b) L’analyse à laquelle procède le Document cadre 17

c) Au-delà de l’analyse, un coup d’épée dans l’eau ? 20

B – DES TENDANCES GÉNÉRALES QUI RESTENT PRÉOCCUPANTES 22

1) Multilatéralisme et bilatéralisme : un écart qui ne se réduit pas 22

a) Le déséquilibre structurel préoccupant de nos financements multilatéraux 22

b) Fallait-il augmenter notre contribution au Fonds mondial sida ? 24

c) A quoi servent donc les stratégies sectorielles ? 26

2) Le gouvernement entend-il le Parlement ? 28

a) Le risque de dénaturation de notre aide au développement 28

b) La question de la baisse de notre contribution au FED 31

c) Déshabiller Pierre pour habiller Paul ? 32

d) Profiter de notre investissement pour une meilleure influence 34

3) L’instabilité persistance des documents budgétaires présentés à la représentation nationale 35

a) Un changement de maquette budgétaire lourd de conséquences 35

b) Des objectifs et des indicateurs toujours fluctuants malgré les souhaits insistants du parlement et de la Cour des comptes 37

II – LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011 39

A – ELÉMENTS DE CONTEXTE ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 39

a) Les promesses récentes de la communauté internationale 40

b) La part de cet effort que la France souhaite prendre à sa charge 42

c) Le taux de 0,7 % et le silence du document cadre 43

d) Eléments de comparaisons internationales 44

2) Un effort qui peine à se maintenir malgré ce qui était annoncé 46

a) Les données globales du budget pour la mission APD 46

b) Une lecture toujours trop extensive de notre effort qui nuit à la sincérité de notre politique 48

B – LES CRÉDITS DE L’AIDE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AU DÉVELOPPEMENT : LE PROGRAMME 110 51

1) Données générales 51

2) Les crédits de l’action n° 1 : « Aide économique et financière multilatérale » 52

3) L’« aide économique et financière bilatérale » : l’action n° 2 54

C – LES CRÉDITS DU PROGRAMME 209 : SOLIDARITÉ À L’ÉGARD DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 55

1) Données générales 55

2) La coopération bilatérale : les crédits de l’action n° 2 57

3) La coopération multilatérale : l’action n° 5 60

4) Les crédits de la coopération communautaire inscrits à l’action n° 7 61

5) Les dépenses de personnel, action n° 8 61

C – LE DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE ET LES MIGRATIONS : LES CRÉDITS DU PROGRAMME 301 62

1) Considérations générales 62

2) Les crédits des trois actions du programme 63

CONCLUSION 65

EXAMEN EN COMMISSION 67

ANNEXES : Liste des personnalités rencontrées par votre rapporteure 87

AVERTISSEMENT

Le présent avis budgétaire est incomplet. En effet, à la date de présentation de ce rapport, le document de politique transversale qui permet de retracer l’ensemble de l’effort budgétaire que la France consacre à sa politique d’aide au développement n’a toujours pas été communiqué à la représentation nationale ni même mis en ligne sur le site du ministère du budget.

Aucune explication n’a été donnée à votre Rapporteure pour excuser ce fait.

De la même manière, les réponses au questionnaire budgétaire qu’elle a adressé, conjointement avec notre collègue Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, aux ministères concernés, ne sont à ce jour pas complètes.

Consécutivement, à l’inverse des années précédentes, votre Rapporteure est dans l’impossibilité de mettre en perspective les crédits de la mission aide au développement et d’en présenter une analyse exhaustive.

Elle dénonce vivement ces manquements et retards inexpliqués qui nuisent considérablement au contrôle que le parlement est en droit et en devoir d’exercer sur l’activité gouvernementale.

Mesdames, Messieurs,

Depuis l’an 2000 et l’adoption des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), la réduction de la pauvreté est à l’ordre du jour de la communauté internationale, déclinée selon les priorités définies dans la déclaration du Millénaire. Si les efforts de solidarité internationale, entrepris par l’ensemble des Etats les plus riches, rejoints de plus en plus par les donateurs privés et les acteurs de la société civile, n’ont cessé de croître, ils n’ont cependant pas suffit pour éradiquer la pauvreté dans les pays du Sud et rétablir l’équilibre entre les deux hémisphères de la planète.

Chacun sait que les conséquences de la crise économique et financière de 2008 ont été catastrophiques sur les populations des pays les plus pauvres, et qu’elles sont à ce jour loin d’être encore résorbées. Si les économies africaines n’ont pas tardé à reprendre le chemin de la croissance, des millions de personnes qui peinaient à sortir de leur condition misérable ont de nouveau brusquement basculé dans la très grande pauvreté, et l’insécurité alimentaire frappe aujourd'hui plus que jamais : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim.

C’est la raison pour laquelle l’année qui vient de s’écouler a été riche en événements importants en ce qui concerne la politique d’aide au développement. La communauté internationale se devait de poursuivre l’élan qu’elle a redonné en 2008 à ses efforts en faveur du développement pour faire face dans l’urgence aux conséquences les plus sévères de la crise. Elle a pris ces derniers mois des décisions majeures. Elle se devait aussi d’essayer de donner plus d’importance à ses politiques de coopération au développement dont les succès tardent à se concrétiser : dix ans après l’adoption des OMD, le bilan n’est pas si glorieux qu’il permette de relâcher l’effort. De Muskoka à New York, un fil conducteur relie désormais la communauté des bailleurs les plus riches de la planète aux pays les plus pauvres, qu’on espère plus solide que les précédents.

C’était par conséquent l’occasion pour votre Rapporteure d’essayer de mesurer la politique d’aide de notre pays à l’aune de ces engagements communs, réitérés sur la scène internationale. Notre pays, à quelques semaines de la présidence du G8 et du G20 qu’il va exercer pendant un an, a tenu à prendre toute sa part de l’effort, à la hauteur de son rang de deuxième bailleur mondial en volume de l'APD derrière les Etats-Unis. Il a tenu aussi à réaffirmer ses engagements, et à profiter des opportunités pour tenter d’atteindre quelques consensus sur les thématiques qui lui semblent les plus urgentes de faire avancer.

Chacun sait que la France participe très activement à la réflexion commune sur les questions sensibles relatives aux niveaux de financements et à leurs modalités. Son leadership est désormais reconnu et indiscuté sur les questions relatives aux financements innovants dont elle est un des plus inlassables promoteurs, envers et contre tout. Le regard critique de votre Rapporteure s’imposait d’autant plus que notre pays, prenant en compte certaines des remarques que les pairs lui ont adressées ces dernières années, quant à la qualité de son aide notamment, a entrepris certaines révisions importantes dont il est utile de tirer un premier bilan.

C’est l’approche qu’a choisie votre Rapporteure cette année en ouverture de son avis budgétaire avant de vous présenter l’analyse des crédits des trois programmes qui composent la mission aide au développement.

I – UNE POLITIQUE QUI SE CHERCHE ENCORE

A – La poursuite de la réflexion engagée par le gouvernement

L’année qui s’est écoulée depuis la présentation du dernier avis budgétaire de votre Rapporteure a vu la réflexion autour de notre APD prendre un nouvel élan.

1) La prise en compte des critiques envers l'APD de la France

a) La perception des pairs du CAD en 2008

Si elle avait constaté un certain nombre d’améliorations par rapport à son dernier examen effectué en 2004, la revue effectuée par le CAD au premier semestre 2008 avait mis l’accent sur un certain nombre de faiblesses de la politique d’aide au développement de la France.

S’agissant des questions stratégiques, le CAD avait estimé que la France devait faire des progrès pour améliorer le pilotage de son aide et proposé des pistes de réflexion.

La France était ainsi invitée à établir un « document cadre de politique de coopération », destiné à clarifier les objectifs et la stratégie à moyen terme et à servir de référence unique à l’ensemble des acteurs de sa coopération au développement. Le CAD recommandait en effet à la France de réfléchir à l’élaboration d’un plan d’action pour l’ensemble de ses stratégies géographiques, sectorielles et transversales, articulé sur ses objectifs globaux de coopération ayant la lutte contre la pauvreté comme objectif majeur, lui permettant d’établir des priorités devant être reflétées dans la loi de finances. La prévisibilité et la disponibilité de ressources suffisantes, ainsi que l’amélioration du cadre institutionnel, étaient également nécessaires.

La dimension « genre » était aussi considérée comme devant faire l’objet d’une particulière attention dans ce document d’orientation stratégique, pour qu’elle soit plus fortement intégrée dans les programmes de développement de la France, ce qui supposait « l’identification de ressources appropriées, sur la base d’un plan d’action, assorti d’objectifs chiffrés, précisant la stratégie et le dispositif institutionnel » (1) de mise en oeuvre ainsi que les indicateurs de résultats. 

En d’autres termes, malgré les progrès enregistrés d’une revue sur l’autre, le chantier de réformes à entreprendre s’avérait d’une certaine ampleur.

b) Les décisions du CICID du 5 juin 2009

Dans son dernier avis budgétaire, votre Rapporteure a eu l’occasion de rappeler qu’un recentrage sectoriel et géographique avait rapidement été décidé par le CICID de juin 2009, pour corriger notamment l’éparpillement constaté de notre effort.

Sur le plan sectoriel, cinq priorités étaient ainsi définies, « centrées sur les Objectifs du millénaire pour le développement », afin que notre aide soit « plus ciblée, mieux articulée avec celle des autres pays donateurs, résolument orientée vers les résultats. » La santé, l’éducation et la formation professionnelle, l’agriculture et la sécurité alimentaire, le développement durable et le climat de même que le soutien à la croissance, ont ainsi été érigés par le CICID de juin 2009 en axes forts de la coopération française.

Quant à la géographie de notre aide, en lieu et place de la zone de solidarité prioritaire (ZSP), qui regroupait quelque 55 pays pauvres, quatre groupes de pays bénéficiaires ont été définis, destinataires potentiels de notre appui : un premier groupe de 14 pays parmi les plus pauvres, essentiellement d’Afrique subsaharienne francophone, un groupe de pays à revenu intermédiaire entretenant avec la France des relations privilégiées, un troisième réunissant des pays émergents à enjeux globaux et un dernier groupe de pays en crise ou en sortie de crise.

Dans le même esprit, le gouvernement entreprenait de resserrer nos contributions au système multilatéral sur un nombre plus restreint d’organisations internationales, qui, de fait, a été divisé par deux entre 2007 et 2009.

Sur ces différents aspects, les recommandations des pairs, qui rejoignaient celles exprimées dans le cadre de la RGPP par le Conseil de modernisation des politiques publiques, ne posaient pas de problème particulier de mise en œuvre.

Pour répondre à l’attente plus spécifique du CAD en matière de pilotage stratégique de notre aide, le CICID de juin 2009 avait aussi demandé l’élaboration d’un certain nombre de documents stratégiques, en ce qui concerne nos relations avec la Banque mondiale et notre contribution à la politique de développement de l’Union européenne. Le CICID décidait aussi que « conformément aux recommandations du comité d’aide au développement de l’OCDE, la France formulera en 2010 un document cadre global pour sa politique de coopération. » Enfin, sur un plan directement opérationnel, le CICID annonçait que « des indicateurs de résultats et un tableau de suivi interministériel seront finalisés avant fin 2009. Ils seront publiés dans les documents stratégiques et budgétaires soumis au Parlement. Ils feront l’objet d’un suivi annuel par le CICID et fourniront un véritable outil de pilotage de notre aide. »

c) Le satisfecit du CAD à mi-parcours

Courant septembre dernier, le CAD a procédé à l’évaluation à mi-parcours de la politique française d’APD pour évaluer la manière dont le gouvernement français avait pris en compte ses recommandations. Examen plus léger, la revue à mi-parcours se limite à prendre note des résultats enregistrés dans l’intervalle, au cours d’un processus se déroulant sur une seule journée, effectué par une équipe réduite.

Selon les informations que votre Rapporteure a pu recueillir de la part son président, Eckhard Deutscher, qu’elle a rencontré à cette occasion, le CAD est satisfait. Il a constaté que la France avait entrepris de réelles réformes sur la base des conclusions formulées en 2008. Notre pays s’est effectivement doté d’une orientation stratégique, et il y a désormais une structure pour la détermination de la politique, comme cela avait été demandé en 2008. Le CAD a également relevé une meilleure implication des différentes parties prenantes dans la définition de cette stratégie.

Le CAD a de même constaté que, comme le Président de la République l’a réitéré à plusieurs reprises, malgré les contraintes financières, la France comptait maintenir ses engagements financiers, avec certes quelque retard. Malgré les temps difficiles, la France reste le deuxième bailleur en volume au niveau mondial et maintient l’objectif des 0,7 %. Le Président de la République devait ultérieurement le réaffirmer à New York lors du sommet des OMD les 21 et 22 septembre. Eckhard Deutscher considérait ce point comme très encourageant, d’autant que, par comparaison, certains pays donateurs n’arrivent pas à garder le cap et manquent de stratégies claires, ce qui n’est pas sans poser de problème de crédibilité politique et de confiance des pays du Nord vis-à-vis des pays pauvres, pour cause de promesses non tenues.

Le CAD notait enfin en septembre une plus grande cohérence politique en matière de développement, une meilleure coordination entre les ministères et avec l’AFD. Le rôle de la France dans les sommets du G20 a également été souligné, ainsi que les perspectives tracées pour la présidence du Groupe, pour laquelle l’agenda défini par la France insiste sur les thématiques de développement, après que la Corée eut beaucoup travaillé la question. En ce sens, la présidence du G8 et du G20 sera à la fois un défi important pour la France et une chance historique.

Pour le CAD, le gouvernement français, dispose désormais d’une stratégie qui comporte des priorités claires, d’une plus grande cohérence, et la France a défini plus clairement ce qui relève du bilatéralisme et du multilatéralisme. Enfin, la France s’est dotée d’une nouvelle structure institutionnelle et il existe également une unité pour parler à la société civile. Conformément aux engagements que la France a souscrits, - Déclaration de Paris, programme d’Accra -, l’articulation entre le gouvernement et le parlement, les ONG, la société civile en général, semble désormais meilleure.

Globalement, par rapport à la revue réalisée il y a deux ans, pour le CAD les choses vont dans le bon sens, même si certains aspects restent discutables, comme votre Rapporteure aura l’occasion de le montrer ultérieurement.

d) Un pilotage politique qui reste néanmoins encore à améliorer

Malgré ce constat du CAD, votre Rapporteure s’interroge toujours sur certains des aspects touchant au pilotage stratégique de l'APD tel qu’il est actuellement. Plusieurs niveaux lui semblent devoir être ici distingués.

En premier lieu, sur un strict plan politique, le fait qu’un nouveau secrétaire d’Etat chargé de la coopération au développement et de la francophonie n’ait pas encore été nommé suite à la démission de M. Alain Joyandet il y a maintenant plus de trois mois, pose aux yeux de votre Rapporteure un réel problème. Cette absence d’autorité politique est préjudiciable à la conduite de la politique d’aide. Si elle devait perdurer, elle ne pourrait qu’affaiblir notre position et notre voix dans les instances et les débats internationaux. L’agenda de l’aide au développement s’est étoffé de telle manière ces dernières années, les problématiques se sont à ce point complexifiées et multipliées, de même que les instances de décision, que l’on voit mal que le seul ministre des affaires étrangères et européennes puisse durablement assumer seul ces responsabilités.

Tous les pays qui mènent une politique comparable en ampleur et en ambition à la nôtre ont au sein de leur gouvernement un ministre spécifiquement chargé de l’ensemble des dossiers de l'APD et chargé, s’il y a lieu, de la tutelle de l’agence nationale de développement. Il en est ainsi au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique, dans les pays scandinaves ou en Espagne. Il s’agit au demeurant dans la plupart des cas d’un ministre de plein exercice plus que d’un secrétaire d’Etat rattaché au ministre des affaires étrangères.

Votre Rapporteure constate également que le CICID reste une instance trop rare. Depuis sa création en février 1998, il n’a été convoqué que neuf fois en 13 ans, alors même que le décret qui l’a institué indique expressément qu’il se réunit au moins un fois par an. (2) La dernière réunion remonte au 5 juin 2009, au cours de laquelle les décisions que votre Rapporteure rappelait ont été prises, la réunion précédente ayant été convoquée en décembre 2006.

L’agenda a pourtant été suffisamment chargé ces derniers mois pour justifier que l’organe qui « définit les orientations de la politique de coopération internationale et de l’aide publique au développement » (3) et « fixe les orientations relatives aux objectifs et aux modalités de la politique de coopération internationale et d’aide au développement dans toutes ses composantes bilatérales et multilatérales » (4) soit saisi : de la réunion du G8 de Muskoka au sommet des OMD de New York en septembre dernier, à la préparation de la présidence du G20 par notre pays à partir de ce mois de novembre, les motifs étaient nombreux pour assurer la bonne coordination interministérielle de notre politique.

2) Une démarche participative opportune qui ne doit pas s’arrêter en chemin

Ces réserves étant faites, il importe de souligner à leur juste valeur les initiatives que le ministère des affaires étrangères et européennes a prises ces derniers mois.

a) L’élaboration du Document cadre français de coopération au développement

Ainsi que le CICID l’avait annoncé, c’est par une démarche participative qu’a été entreprise l’élaboration des documents stratégiques qui ont été décidés. Cette nouvelle démarche du gouvernement est tout à fait opportune et doit être saluée comme elle le mérite. Il en ainsi été par exemple de la stratégie vis-à-vis de la Banque mondiale dont le document préparatoire a été soumis à consultation.

Cela a surtout été le cas du Document cadre français de coopération au développement. Un comité de pilotage a été constitué, réunissant des représentants des trois ministères pilote : affaires étrangères et européennes ; économie, l’industrie et emploi ; immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire, ainsi que de l'AFD.

Prenant appui sur l’ensemble des engagements du gouvernement, sur les stratégies existantes, sectorielles ou transversales, les multiples documents de référence nationaux, européens ou internationaux, sur les orientations définies par la RGPP et autres sources, le document préparatoire a été soumis dans une seconde phase à la réflexion d’autres parties prenantes. Des représentants de la société civile - organisations non gouvernementales de solidarité, d’urgence, et environnementales, partenaires sociaux, chercheurs -, des principaux opérateurs publics français concernés, des collectivités territoriales, du parlement, des personnalités qualifiées, françaises ou étrangères, ainsi que du secteur privé ont été invités à prendre position lors d’une série de réunions thématiques de concertation au cours du premier semestre de cette année, non seulement sur les sujets abordés mais aussi sur les différentes versions du document.

Comme votre Rapporteure l’indiquait, cette procédure devait se conclure par l’approbation du Document cadre en CICID à l’été 2010, après validation définitive des options retenues par les cabinets ministériels. Certains des chantiers lancés par le CICID se sont achevés ou sont en voie de l’être, mais cependant aucune de leurs conclusions n’a fait l’objet d’une approbation interministérielle formelle de ce niveau. En lieu et place du CICID annoncé, ce n’est que lors d’une réunion interministérielle tenue à l’Hôtel Matignon le 15 octobre dernier, sous l’autorité des conseillers diplomatique et budgétaire du Premier ministre, qu’a été adopté le document.

Votre Rapporteure voit dans la conclusion qui a été donnée à cet effort une erreur politique : Si l’élaboration de ce document est en soi une bonne chose, sa légitimité et son impact politique dépendent aussi, qu’on le veuille ou non, de son statut. Seule une réelle acceptation politique qui lui permette d’imposer une véritable cohérence à l’action de l’ensemble des acteurs français de l'APD serait en ce sens pertinente, qui engagerait les différents ministères impliqués, et au-delà même, la société civile ou les acteurs de la coopération décentralisée. En lieu de quoi, le choix d’une simple réunion interministérielle pour son approbation, sans représentation politique, tend à dévaloriser le contenu politique que cette stratégie aurait dû avoir. On voit mal, au demeurant, que cette stratégie réussisse dans ces conditions à véritablement s’imposer au gouvernement, compte tenu notamment de la durée de dix ans qu’elle est censée avoir. Votre Rapporteure estime qu’il aurait donc été tout à fait opportun qu’un débat parlementaire soit organisé sur ce texte avant son approbation.

Votre Rapporteure veut croire malgré tout que ces points ne traduisent pas un désintérêt ou un désengagement politique de l'APD de la part du gouvernement qui viendraient contredire les positions défendues parallèlement sur la scène internationale. Elle tient néanmoins à rappeler que l’investissement politique au plus haut niveau lui semble devoir rester une caractéristique forte de cette politique publique pour permettre à la fois de mieux porter le message que notre pays croit devoir exprimer, défendre nos positions et de légitimer les choix qui sont proposés.

b) Les documents stratégiques

La démarche adoptée par le gouvernement pour l’élaboration du document cadre de coopération du développement est intéressante, mais elle ne doit pas rester isolée. D’autres documents stratégiques sont en effet en cours d’élaboration ou de révision, voire même ont d’ores et déjà été adoptés, pour lesquelles les consultations externes auxquelles procède l’administration sont encore trop discrètes.

En ce qui concerne la stratégie de la France vis-à-vis de la Banque mondiale, la commission des affaires étrangères avait été invitée à se prononcer, ce qui avait été fait via une contribution de la Mission d’information sur l’équilibre entre le bilatéralisme et le multilatéralisme. De même en est-il de la révision de notre stratégie en matière de santé, pour laquelle votre Rapporteure a été invitée à participer à une réunion d’information. Une fiche "santé des femmes et des enfants" a été éditée et un réel effort de communication externe aux seules administrations concernées commence à être perceptible, qu’il convient de saluer. Sur ce sujet, votre Rapporteure rappellera que l’actualisation de cette stratégie, qui date de 2007, devait être réalisée pour la fin de l’année 2009, ainsi que le CICID en avait décidé, en même temps qu’il portait la santé au premier rang des cinq secteurs de concentration de notre aide. L’élaboration du Document cadre, puis l’agenda international qui devait notamment déboucher par les engagements pris à Muskoka, ont cependant compliqué cette révision qui aurait pu paraître rapidement obsolète. Elle devrait être finalisée d’ici à quelques mois et sans introduire de bouleversements majeurs au document de 2007. Au terme de ce processus, sans doute serait-il opportun que la consultation de la représentation nationale aille au-delà de la simple information dont votre Rapporteure a bénéficiée.

En revanche, sauf erreur de la part de votre Rapporteure, nulle intervention n’a en revanche été sollicitée pour d’autres thématiques qui sont par conséquent essentiellement restées interministérielles. C’est le cas par exemple de la stratégie de la France vis-à-vis de la politique de développement de l’Union européenne, dont la révision a été adoptée ce même 15 octobre en réunion interministérielle. Compte tenu de l’extrême importance de la part européenne de notre politique d’aide, tant au plan financier qu’en ce qui concerne nos stratégies géographiques et sectorielles, et des profondes réformes actuellement en cours de réflexion, notamment avec la mise en œuvre du SEAE, votre Rapporteure considère que cela est difficilement admissible.

Le processus concernant le Document cadre était certes concomitant et plus global que ceux qui ont porté sur ces aspects plus spécifiques. Cela explique probablement que du point de vue de l’administration, les consultations aient été beaucoup plus restreintes et se soient limitées à quelques rencontres avec la société civile, Coordination SUD notamment. Néanmoins, prenant appui sur les exemples étrangers les plus intéressants, votre Rapporteure estime que la représentation nationale aurait également pu être non seulement destinataire des projets de stratégie, ce qui n’a pas été le cas, mais aussi appelée à opiner. Elle ne peut que regretter que cela n’ait pas été le cas et souhaite que l’initiative que le gouvernement a manifestée en ce qui concerne le Document cadre soit reprise à l’avenir : comme elle ne cesse de le soutenir, la politique de coopération au développement mérite de la part du parlement une tout autre attention que le seul examen budgétaire une fois l’an.

3) Un document qui laisse finalement le lecteur sur sa faim

A la date de rédaction de son avis budgétaire, votre Rapporteure n’a été destinataire que d’une version préliminaire du Document cadre, datée du 31 juillet 2010. Selon les informations qui lui ont été communiquées, celle qui a été adoptée en réunion interministérielle le 15 octobre dernier ferait encore l’objet de derniers ajustements. En conséquence, l’ampleur des modifications qui seront apportées lui est inconnue et son analyse doit être lue avec cette réserve.

a) L’ambition annoncée du Document cadre

Tel qu’il se présente lui-même, le « Document cadre français de coopération au développement » s’est donné pour ambition de définir la stratégie en matière d’aide publique au développement. Selon les informations qui ont été recueillies par votre Rapporteure, il « vise à faire de la coopération française au développement une politique lisible aussi bien pour les citoyens français, appelés à la financer par le budget voté par le Parlement, que pour nos partenaires internationaux, avec qui elle sera menée ». L’exercice s’est donc attaché à produire un « document lisible et convaincant pour le grand public, tout en étant suffisamment précis pour guider les décisions et orienter les pratiques des acteurs français de la coopération internationale. » Il s’ouvre sur l’indication selon laquelle il entend formaliser les objectifs et la stratégie à moyen terme et servir de référence unique pour l’ensemble des acteurs de la coopération au développement, afin d’inscrire « la coopération française dans le processus de constitution progressive d’une politique européenne de développement reposant sur des objectifs communs » en veillant « à une meilleure articulation entre les canaux bilatéral, européen et multilatéral de notre aide […] ». 

Les concepteurs du document cadre se sont tout d’abord interrogés sur la signification de l’aide publique au développement à long terme avant de considérer que cette politique doit désormais prendre en compte au-delà du simple développement économique et social des questions plus larges – environnement, changement climatique, sécurité, gouvernance démocratique – et qu’il convient de ce fait d’en repenser les instruments et la mise en œuvre.

Le document cadre réaffirme la priorité africaine de l'APD de la France, l’actualité des OMD et l’importance de la lutte contre la pauvreté. Les thématiques que la France défend sur la scène internationale, telles que la gestion des Biens publics mondiaux, ou les liens entre enjeux climatiques et développement, en particulier dans le contexte « post-Copenhague » sont considérées comme prioritaires, et que la réflexion pourrait mettre en valeur des approches et réflexions développées sur les interventions dans les pays émergents ou encore sur la mesure du bien être, sur la base du rapport Stiglitz.

Les réflexions internationales en cours depuis plus d’une décennie sur les questions de développement montrent qu’il est nécessaire de repenser les stratégies mises en œuvre, pour mieux prendre en compte dans un monde en profonde mutation, les nouvelles demandes qui s’expriment sur des sujets transversaux qui dépassent le développement stricto sensu. Cela suppose de repenser les outils de cette politique publique et leur articulation afin de s’assurer de leur complémentarité et de leur efficacité.

b) L’analyse à laquelle procède le Document cadre

Le Document cadre propose une lecture des enjeux du monde contemporain très fine, et votre Rapporteure souhaite saluer la qualité de ce travail collectif. En trois chapitres, le document livre une analyse exhaustive des différentes problématiques de l’aide au développement telles qu’elles se posent aujourd’hui.

Dans « Les enjeux du développement dans la mondialisation » les auteurs rappellent les origines mixtes de l'APD, à la fois politique de solidarité et politique internationale. Si l’approche solidaire a dominé ces dernières années, depuis l’adoption par la communauté internationale des OMD lors du sommet du millénaire en 2000, qui a défini un agenda essentiellement social, les questions de sécurité ne sont pas absentes non plus que la prise en compte plus aigue aujourd’hui qu’auparavant de l’impératif de croissance économique, notamment induits par la mondialisation. Dans un contexte de croissance démographique, de déplacements importants de populations, les effets multiples de la globalisation obligent à aborder les questions de développement de manière différenciée, tenant compte des trajectoires adoptées par les pays en développement, étant entendu que l’Afrique doit rester la priorité première, compte tenu à la fois de ses niveaux de sous-développement et de sa proximité avec l’Europe.

Consécutivement, le Document cadre identifie quatre types d’enjeux : la promotion de la stabilité et de la sécurité, en premier lieu, qui oblige à prendre en compte les différentes catégories de risques auxquels notre pays peut avoir à faire face, grands trafics, terrorisme, guerres civiles et leurs possibles effets de contagion, notamment. Cette thématique amène directement aux questions de l’efficacité et de la légitimité des Etats, de leur capacité, notamment, à fournir des services sociaux de base à leurs populations et aux diverses thématiques connexes touchant à la gouvernance. La contribution à une croissance partagée et durable est le deuxième des enjeux identifiés par le Document cadre : la croissance économique étant le principal moteur du développement, comme en témoignent les pays d’Amérique latine et d’Asie, il est indispensable de promouvoir les conditions permettant un environnement favorable au secteur privé, sur les plan juridique, commercial et financier, notamment, tout en garantissant que la répartition des bénéfices de la croissance au plus grand nombre. A cet égard, la santé et l’éducation sont considérées comme étant deux conditions essentielles de la croissance qui ne peut être durable sans développement du capital humain, ni gestion équilibrée des territoires.

La lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités apparaît au troisième rang, seulement, des enjeux que détaille le Document cadre. Si votre Rapporteure est tout à fait consciente de l’articulation entre développement et stabilité internationale, et par conséquent de la contribution de l’aide au développement à la sécurité du monde, elle aurait cependant souhaité qu’un autre ordre de priorité soit donné à notre politique : la solidarité et la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités doivent rester les objectifs premiers de notre politique.

Le Projet annuel de performances (5), joint au PLF 2011, indique pour sa part que « l’aide publique française vise, en premier lieu, à contribuer à l’atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), adoptés dans le cadre de l’Organisation des Nations unies. Cette action en faveur de la lutte contre la pauvreté et l’accès aux services sociaux de base (eau, santé, éducation …) s’accompagne, en deuxième lieu, d’un appui à une croissance économique créatrice d’emplois et de revenus dans les pays partenaires qui, seule, peut améliorer durablement les conditions de vie des populations. L’aide au développement constitue, en troisième lieu, un instrument privilégié de gestion collective des biens publics mondiaux (préservation de l’environnement, lutte contre les grandes pandémies, sécurité, diversité culturelle…) et de préservation des intérêts mutuels des pays industrialisés et des pays en développement. » Il serait vivement opportun, selon votre Rapporteure, que le Document cadre respecte ces priorités et ne s’en écarte pas outre mesure.

Cela étant dit, aux termes de l’analyse du Document cadre, si le monde a fait de grands progrès au cours des dernières décennies, les déséquilibres restent considérables et les cibles identifiées par les OMD restent malheureusement très loin d’être atteintes d’ici à 2015, comme prévu. La mortalité infantile, les taux actuels de scolarisation, d’accès aux services de base sont inacceptables dans de nombreux pays, surtout d’Afrique subsaharienne et justifient que des efforts considérables continuent d’être faits, et même amplifiés. Dans ce cadre, la situation des PMA mérite une attention particulière, la très grande pauvreté frappant surtout les populations qui y vivent, affectées au demeurant de facteurs additionnels de vulnérabilité : aléas climatiques, crise alimentaire, énergétique. Enfin, la préservation des biens publics mondiaux est également devenue un enjeu majeur dans le contexte de la mondialisation et leur universalité impose des approches innovantes tant dans les modes de financements que de gestion, lesquelles préfigurent l’émergence de politiques publiques globales.

La deuxième partie du document traite « des leviers d’action à la mesure des enjeux ». Il aborde plus concrètement les outils de l’aide au développement de notre pays et se décline en cinq volets. En ce qui concerne, les financements et l’amélioration de la cohérence des politiques de développement, tout d’abord, le document reprend le thème de l’insuffisance des financements actuels consacrés au développement eu égard à l’ampleur des besoins à satisfaire. En sus des fonds strictement publics, la mobilisation des ressources locales est prioritaire, pour orienter l’épargne domestique et les recettes fiscales des Etats vers des actions de développement. Il en est de même des flux financiers privés internationaux, qu’ils proviennent des transferts des migrants ou des IDE. Cet ensemble de moyens disponibles doit être complété par ceux fournis par les financements innovants, sur lesquels la France est à la pointe de la réflexion et sur les recettes tirées des allégements de dettes. Cela ne saurait aller sans une amélioration de la cohérence de l’ensemble des politiques publiques concourant peu ou prou au développement. Il est indispensable d’attacher une plus grande attention à cet aspect, afin de ne pas réduire l’effet de l’aide stricto sensu. En ce sens, politique commerciale, politique migratoire, notamment, doivent être en concordance avec les politiques de développement.

Dans le même esprit, le renforcement de la complémentarité entre actions bilatérales, européennes et multilatérales est tout aussi indispensable, à l’heure où les acteurs de l’aide sont de plus en plus nombreux. Ce volet est tout aussi essentiel et permet au Document cadre d’analyser le rôle, la valeur ajoutée de chacune des modalités, ainsi que leur articulation, aujourd’hui plus que jamais indispensable, dans un souci d’efficacité et d’efficience, dans une période de contrainte budgétaire.

La gouvernance démocratique, la promotion des droits et des normes constituent le troisième volet de cette partie. Soulignant que la coopération doit s’adapter aux choix stratégiques des pays partenaires, conformément aux résolutions issues des grandes conférences internationales de ces dernières années, la France met en avant un soutien particulier aux thématiques touchant à la gouvernance démocratique, permettant d’accompagner les dynamiques internes des sociétés, de donner une dimension citoyenne au développement et de renforcer les institutions nationales, indispensables à la définition et à la conduite des politiques publiques. En ce sens, l'Etat ainsi que les collectivités territoriales, notamment régionales, sont, chacun à leur niveau, des interlocuteurs privilégiés. Dans ce cadre, l’information du public est considérée comme devant aussi permettre de rendre compte de l’action de notre pays.

La composante culturelle de l’aide au développement est abordée au sein du volet relatif à la production et l’échange des savoirs et des cultures, considérés comme investissements essentiels et gages de pluralisme. Enfin, la mesure de l’impact concret des politiques d’APD est abordée dans un dernier volet, « Evaluer et rendre compte », pour lequel sont présentés les différentes modalités que la coopération française utilise : évaluations externes ; études d’impact ; analyse comparée des politiques menées par les autres bailleurs et publication d’indicateurs de résultats.

Enfin, la dernière partie du Document cadre, « Le choix de partenariats différenciés », aborde la géographie de l’aide française. Reprenant les distinctions énumérées l’an dernier par la CICID, le document donne tout d’abord la priorité « refondée sur des enjeux communs » à l’Afrique. Le voisinage de ce continent qui affronte des défis majeurs avec l’Europe impose d’y concentrer l’effort de l'APD de notre pays. C’est notamment le partenariat avec l’Afrique subsaharienne qui doit être renforcé, pour permettre qu’une croissance durable et génératrice d’emplois s’y installe. Pour cela, le document rappelle que la France mobilisera l’ensemble de ses moyens de coopération en faveur du continent et que les financements concourant à l’atteinte des OMD seront prioritairement destinés aux 14 pays pauvres identifiés par le CICID en 2009. Le bassin méditerranéen constitue le deuxième ensemble géographique priorisé. Trois axes sont particulièrement importants : le soutien à une croissance créatrice d’emplois, l’accompagnement des mutations sociales pour renforcer la cohésion et limiter tensions et conflits dans la région, en premier lieu, constituent un enjeu géostratégique pour la France comme pour l’Europe. Pour cela, trois groupes de pays sont distingués : le Maghreb, le Proche-Orient et la Turquie et les Balkans. Dans les pays en crise, ensuite, l’enjeu pour la France est surtout de renforcer la stabilité par la prévention et les interventions coordonnées. Trois zones sont plus particulièrement concernées, conformant un « arc de crise » courant de la Mauritanie à l’Asie centrale : la région sahélo-saharienne, d’ores et déjà foyer de toutes les tensions et souffrant d’un retard important de développement ; le Moyen-Orient ; l’Afghanistan enfin.

Enfin, l’approche vis-à-vis des pays émergents assigne à notre politique d’APD de « coopérer pour la gestion des équilibres mondiaux », dans la mesure où les défis sont d’ores et déjà autres et qu’il s’agit essentiellement de les associer à la gestion des problématiques communes pour que les réponses soient apportées ensemble.

c) Au-delà de l’analyse, un coup d’épée dans l’eau ?

Comme votre Rapporteure le disait plus haut, la réflexion à laquelle procède le Document cadre est pertinente. Il propose « une vision à moyen terme (10 ans) des enjeux, priorités et modes d’intervention de la coopération française au développement. Il offre un cadre de cohérence et de référence aux autres documents de pilotage de la coopération française : stratégies européenne et multilatérales, stratégies sectorielles, documents de partenariat cosignés avec nos partenaires, documents de cadrage budgétaires triennaux et documents préparés annuellement pour le projet de loi de finance. » (6)

Mais au-delà, serait-on tenté de demander ?... Concrètement, ce nouveau document apporte-t-il réellement des éléments stratégiques nouveaux que n’ait formulé avant lui ne serait-ce que le CICID du 5 juin 2009, qui avait défini la géographie, les priorités sectorielles de notre aide ainsi que ses diverses modalités d’intervention ? Qui, autrement dit, avait dessiné une feuille de route à notre APD aux contours identiques. Votre Rapporteure ne voit non plus rien de véritablement novateur par rapport à tous les textes que la France a déjà adoptés, qu’ils soient européens ou internationaux, et à la rédaction desquels elle a déjà participé.

Autrement dit, votre Rapporteure voit dans le Document de politique transversale (DPT) qui accompagne, traditionnellement, le PLF chaque année un contenu opérationnel, et partant, stratégique, bien plus affirmé que dans le Document cadre qui prétend sur cet aspect venir combler un vide. En effet, après avoir rappelé que le CICID fixe la doctrine française en matière d’aide publique au développement, qui s’articule autour de trois axes prioritaires, le Document de politique transversale annexé au PLF 2010 les énumérait ainsi : «  1/ la lutte contre la pauvreté passe par la participation à l’engagement international concernant les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cet engagement s’accompagne d’une action volontariste en faveur de la gouvernance démocratique et de la consolidation de l’Etat de droit. 2/ la croissance économique. Dans un contexte de crise économique, il s’agit de soutenir la création ou le rétablissement des conditions macroéconomiques de développement (favoriser les flux commerciaux et l’investissement ainsi que les autres flux privés vers les pays en développement, l’intégration régionale, le traitement de la dette externe et les questions systémiques). 3/ la préservation des biens publics mondiaux comme la lutte contre les grandes pandémies, la sécurité alimentaire, l‘accès à l’eau et à l’énergie, et d’autres enjeux globaux comme la gestion concertée des flux migratoires. » (7)

Surtout, ce rappel fait, le DPT détaillait très précisément les véritables priorités stratégiques auxquelles participent les différents ministères qui concourent à l’effort d’APD, priorités à leur tour déclinées en trois axes : « Mettre en œuvre les objectifs du millénaire pour le développement, adoptés par les Nations Unies », « Promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français », et enfin, « Renforcer la culture du résultat et développer la performance ». (8) Comme il se doit, chacun de ces axes fait ensuite l’objet de divers objectifs mesurables, accompagnés des indicateurs correspondants.

Inversement, votre Rapporteure chercherait en vain les éléments d’opérationnalisation du Document cadre qui, pour utile qu’il soit pour fixer le cadre général de la politique d’aide au développement, reste cependant en deçà de sa prétention initiale.

Dans le même esprit, votre Rapporteure s’interroge aussi sur la traduction financière du Document cadre. Le Projet annuel de performances pour 2011 est muet sur ce sujet, se bornant à rappeler, tant pour le programme 110 que pour le programme 209 quelques généralités sur l’ambition du Document cadre pour 2011 et sur la procédure de consultation menée par le MAEE, ainsi que sur le document de stratégie européenne, dont il est précisé que l’« ambition est d’exprimer la vision française de l’architecture européenne de l’aide et ses principales attentes pour ces dix prochaines années, avec un focus évident sur les trois prochaines années en raison de la mise en oeuvre du traité de Lisbonne, de la négociation des prochaines perspectives financières et du prochain grand cycle de programmation. » (9). Votre Rapporteure aurait aimé plus de précisions et que le PLF aille au-delà de ces quelques mots.

B – Des tendances générales qui restent préoccupantes

1) Multilatéralisme et bilatéralisme : un écart qui ne se réduit pas

a) Le déséquilibre structurel préoccupant de nos financements multilatéraux

L’une des caractéristiques les plus marquantes, depuis plusieurs années, de nos contributions aux organismes multilatéraux a trait au profond déséquilibre entre celles versées au système onusien et celles versées aux institutions financières internationales.

Votre Rapporteure a eu l’occasion de souligner que, d’année en année, la part de nos contributions aux organisations internationales tendait à s’accroître au sein de l'APD, jusqu’à représenter désormais une part dominante de notre aide programmable. Cela étant, au sein de l’enveloppe des contributions multilatérales, le poids budgétaire grandissant des contributions obligatoires de la France aux organisations internationales réduit le financement des contributions multilatérales volontaires. De telle manière que les contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations Unies ont diminué de 38 % depuis 2008, comme en témoigne le diagramme reproduit ci-dessous (10).

Si l’on se limite à quelques-unes des principales organisations, en 2009, la France n’était plus que le 12e contributeur du PNUD, loin derrière la Norvège et les Pays-Bas (120 M$), les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suède. Cette même année, la France se classait au 17e rang des contributeurs de l’UNICEF, derrière les Etats-Unis (300 M$), la Norvège (200 M$), les Pays-Bas (190 M$), le Royaume-Uni (180 M$) et la Suède (170 M$). Alors même que nous sommes de nouveau membre du conseil d’administration pour la période de 2009-2011 et que notre crédibilité et notre capacité d’influence y sont notamment fonction de l’importance de nos contributions volontaires. Nous sommes également le 17e principal contributeur du HCR, derrière les Etats-Unis, le Japon, la Suède, les Pays-Bas et la Norvège, pour ne pas mentionner nos positions à l’UNWRA ou au FNUAP, qui mènent pourtant des politiques répondant à nos priorités sectorielles et géographiques. Pour ne prendre que l’exemple du FNUAP, il n’est pas inutile de rappeler qu’il s’agit d’un organisme clef dans le système onusien pour la mise en place des programmes de santé en matière de reproduction, y compris la planification des naissances, pour l’analyse et l’aide aux pays en développement sur les problèmes liés à une croissance démographique rapide, pour la santé reproductive, et pour la responsabilisation des femmes et la stabilisation de la population mondiale.

Année

2008

Donneur

Type d'aide

Donneurs du CAD, Total

France

Allemagne

Japon

Royaume-Uni

Etats-Unis

I. APD

 

122 295,56

10 907,55

13 980,87

9 579,10

11 499,87

26 841,93

I.B. APD Multilatéral

 

35 291,85

4 446,39

4 918,18

2 755,86

4 133,04

2 982,47

I.B.1.1. ONU

 

5 805,41

274,41

295,14

580,96

436,01

692,24

I.B.1.2. CE

 

13 039,46

2 528,03

2 812,58

..

2 033,83

..

I.B.1.3. IDA

 

8 150,30

538,77

1 135,79

1 168,10

1 014,01

848,08

I.B.1.4. BIRD, SFI, AMGI

 

444,72

7,97

..

85,25

115,20

..

I.B.1.5. Banques régionales de développement

 

3 217,80

243,96

270,06

580,63

314,69

241,19

I.B.1.6. Fonds pour l'environnement mondial (77%)

 

549,11

48,68

80,37

78,12

60,79

111,34

Source : OECD.Stat

   

Sur la période 1999-2008, la place respective de ces organismes dans l’aide multilatérale française est relativement stable : les canaux européens sont largement en tête, le groupe de la Banque Mondiale en deuxième position, avec des volumes qui se sont régulièrement accrus. Les fonds mondiaux en revanche, au 3e rang depuis 2006, ont fortement progressé, avec une priorité pour le domaine de la santé et votre Rapporteure présentera plus loin sa réflexion sur la place faite au Fonds mondial. Quoi qu’il en soit, les contributions aux Nations Unies décroissent régulièrement et rapidement pour atteindre des niveaux équivalent à la moitié de celles pour le Fonds mondial et au 1/10e de celles affectées aux canaux européens. Il en est de même en ce qui concerne les banques régionales de développement, encore que la diminution soit moins sensible. Votre Rapporteure avait souhaité dans son rapport au Premier ministre un resserrement de nos contributions sur celles des institutions du système onusien répondant le plus à nos priorités. Cela a été fait, et la concentration est aujourd’hui effectivement maximale. En revanche, la baisse de nos financements est telle, année après année, qu’elle met notre pays dans une situation intenable vis-à-vis de nos partenaires. Notre visibilité et notre influence en pâtissent.

La tendance générale nettement en défaveur des institutions des Nations Unies n’est pas inversée dans le PLF 2011 puisque d’une enveloppe de AE/CP de 56,1M€ en 2010, le PLF ne prévoit plus pour 2011 qu’un peu moins de 48,9M€ inscrits au programme 209. Ce sont donc 7,27M€ en moins qui seront versés au système onusien l’an prochain, soit une nouvelle baisse de 12,9 %.


En contrepartie, nos financements au titre du programme 110 en faveur des institutions financières internationales sont globalement stables dans le PLF 2011. La très légère hausse que l’on constate au profit des banques de développement, Banque mondiale et banques régionales, étant compensée par la légère diminution des contributions versées aux fonds sectoriels.

Votre Rapporteure aurait enfin aimé voir figurer dans le Document cadre quelques développements sur une véritable stratégie articulant les différents niveaux de nos aides multilatérales, qui aille au-delà du simple rappel quant à leur complémentarité.

b) Fallait-il augmenter notre contribution au Fonds mondial sida ?

Indépendamment de la question de l’effort financier, considérable, que représente le soutien de la France au Fonds mondial sida que votre Rapporteure commentera plus loin, le fait que notre pays centre à ce point ses contributions dans le secteur santé sur ces seules trois pandémies, pour importantes qu’elles soient, n’est pas sans poser un problème d’efficacité et de cohérence globales de nos interventions sur ce secteur.

La France a contribué à la création du Fonds en 2002 et il ne saurait être désormais question de renier la priorité que représente cette thématique pour nous non plus que pour la communauté internationale qui en a fait le sixième de ses objectifs du millénaire. Pour autant, nos moyens d’intervention dans le secteur de la santé se trouvent aujourd’hui extrêmement concentrés sur la lutte contre le sida qui tend à occulter les autres, qui sont pourtant tout aussi essentielles, si ce n’est plus en regard des OMD sur lesquels nous nous sommes engagés, et mériteraient par conséquent d’être mieux prises en considération.

En effet, il n’est que d’analyser les données épidémiologiques de l’Organisation mondiale de la santé pour se rendre compte que notre approche stratégique des OMD en matière de santé n’est peut-être pas la plus pertinente. Selon les statistiques les plus actuelles de l’OMS, ce sont des pathologies telles que la pneumonie et la diarrhée qui causent à elles seules plus du tiers des décès des enfants de moins de cinq ans dans les pays les plus pauvres, très loin devant les cibles du Fonds mondial. La prématurité, les infections néonatales et autres accidents autour de la naissance sont responsables de 27 % des décès. En d’autres termes, trois pathologies, qui ne sont pas celles traitées par le Fonds mondial, causent près des deux tiers (63 %) des décès des enfants de moins de cinq ans. En regard, le VIH-sida n’intervient que pour 3 % et la malaria pour 12 % des cas de mortalité infantile.

Diagramme construit sur la base des données épidémiologiques de l’OMS (11)

Consécutivement, votre Rapporteure est en droit de se demander si, dans un souci de meilleure efficacité de notre aide dans le secteur de la santé, pour un meilleur équilibre de notre effort général en faveur des OMD santé, il ne serait pas préférable de mieux répartir nos contributions.

Notre collègue Pierre Morange, dans un rapport au Premier ministre en 2005 avait très justement souligné le manque de crédibilité de notre politique d’aide dans le secteur de la santé, déjà excessivement concentrée sur une seule cause et un seul bénéficiaire. Même si ses conclusions datent de quelques années, elles n’ont cependant pas perdu de leur pertinence et méritent d’être rappelées ici, à l’heure où la France vient à nouveau d’annoncer l’accroissement de son effort en faveur du FMSTP, sans que cette décision ait fait l’objet d’un quelconque débat : « En conclusion, l’effort technique et financier de notre coopération est déséquilibré en faveur de la lutte contre le Sida et de l’accès au Médicament, qui reçoivent la plus grande part de notre attention politique, de nos engagements financiers bilatéraux et multilatéraux, et de nos moyens humains, pendant que l’effort reste très insuffisant dans le champ de la santé maternelle et infantile (OMD 4 et 5) comme sur les questions d’égalité homme - femme, ce sur quoi la France est interpellée par l’OMS (…). » (12)

c) A quoi servent donc les stratégies sectorielles ?

Les développements qui précèdent amènent votre Rapporteure à se demander si une réflexion stratégique préside réellement aux décisions que nous prenons en matière d’APD. Pierre Morange, considérait que « la répartition des contributions de la France aux organisations multilatérales ou aux fonds mondiaux doit faire l’objet de décisions politiques, être cohérente avec les stratégies sectorielles et géographiques et cibler la réalisation des priorités de la contribution française à la réalisation des OMD de la santé «  en fonction des décisions prises sur les types d’instruments auxquels nous souhaitons recourir pour tel ou tel domaine d’action (bilatéral, multilatéral, bi-multi), en tenant compte de leurs avantages comparatifs (…) » (13). Votre Rapporteure ne peut que se déclarer en parfait accord avec cette position.

Mais, il faut bien constater que les décisions récemment prises ne tiennent guère compte de la stratégie préconisée par les experts. Il faut en effet rappeler que le CICID réuni en 2005 avait constaté que la grande majorité des pays en développement n’avait aucune chance d’atteindre les OMD au rythme des progrès constatés et que l’Afrique subsaharienne était la région du monde où l’absence de progrès en santé, voire même les reculs, étaient les plus manifestes. Constatant aussi que l’aide publique française, hormis la lutte contre le VIH-sida, n’était pas réellement centrée sur la réalisation des OMD et qu’elle avait une visibilité décroissante auprès des grandes institutions multilatérales, la stratégie avait notamment recommandé de concentrer nos actions bilatérales, et d’accorder la priorité à l’Afrique et en privilégiant les trois OMD relatifs à la santé. Elle avait aussi préconisé d’augmenter nos contributions volontaires aux initiatives multilatérales ad hoc et organisations du système des Nations Unies intervenant en matière de santé, en soutenant notamment les programmes liés à la réalisation des OMD. L’augmentation substantielle du volume d’APD consacrée à la santé, était aussi recommandé pour que notre effort se situe dans la moyenne du CAD, ce qui représentait une augmentation annuelle moyenne de 50M€, hors évolution de notre contribution au FMSTP.

Deux ans plus tard, un groupe de travail réuni sous la présidence de Michèle Barzach, ancienne ministre de la santé, était chargé d’actualiser cette stratégie santé pour la période 2007-2012. Ses recommandations (14) étaient à leur tour très claires. La première d’entre elles préconisait de « contribuer à l’atteinte des OMD en santé, par le maintien du fort engagement de la France dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, tout en augmentant de manière significative son engagement dans la lutte contre la mortalité infantile et ses interventions en santé de la femme, notamment en participant activement aux efforts de la communauté internationale pour améliorer le statut et les droits des femmes ainsi que leur accès à la santé sexuelle et reproductive, condition majeure du développement humain, de l’atteinte des OMD et d’une croissance démographique maîtrisée ».

Le document constatait l’augmentation récente et importante de notre contribution intervenue dans le secteur provenant « essentiellement de l’implication forte de la France dans les initiatives globales, tels le Fonds Mondial, l’Alliance GAVI ou UNITAID, dont elle est parmi les principaux contributeurs » (15), et appelait à une optimisation de cet investissement, dans la mesure où ce déséquilibre nous était finalement préjudiciable : « Contrairement à l’engagement pris en mai 2005 d’accroître ses contributions volontaires aux Organisations du système des Nations Unies, la France, qui a participé très activement aux nouvelles initiatives mondiales pour la santé, a limité ses engagements en faveur des organismes multilatéraux ». Consécutivement, le groupe de travail jugeait que « la croissance de notre APD santé doit donc être maintenue mais fournir également l’occasion de rééquilibrer les parts respectives de notre aide bilatérale et multilatérale, en renforçant les marges financières de l’action bilatérale, pour que la France soit de nouveau un bailleur de premier plan dans un nombre significatif de pays, valorise ainsi mieux son action multilatérale, tout en accroissant les engagements multilatéraux auprès des agences des Nations Unies afin d’y améliorer notre influence. » (16)

Ainsi que votre Rapporteure le rappelait plus haut, cette stratégie santé est toujours d’actualité puisque la mise à jour dont elle fait actuellement l’objet ne sera finalisée qu’au début de 2011. Pour autant, ces diverses préconisations ne semblent pas avoir fait l’objet d’une mise en application, et notamment à la septième d’entre elles, aux termes de laquelle le groupe de travail proposait d’« augmenter notre aide bilatérale, en la concentrant prioritairement dans les pays d’Afrique francophone, en synergie avec une aide multilatérale très importante dont il conviendra de renforcer l’efficacité et la visibilité sur le terrain, en visant des domaines où l’expertise française répond à des besoins réels. »

Les documents stratégiques ou de réflexion, qu’ils émanent du Parlement ou de l’administration, apparaissent finalement de peu d’effet sur la conduite de notre politique d’APD. Au point que l’on peut se demander quels sont les critères qui président effectivement aux choix effectués. Aujourd’hui les préoccupations exprimées rapport après rapport, non suivies d’effet, ne font que s’enraciner. La situation est d’autant plus paradoxale qu’elles sont unanimement partagées, y compris par l’Exécutif, si l’on en croit les arguments qui ont motivé la rédaction du Livre blanc en 2008.

Votre Rapporteure regrette d’avoir à conclure sur un certain manque de logique dans notre politique de coopération en matière de santé, tant au plan des objectifs à atteindre et des choix à opérer que de la répartition de nos financements, malgré les avertissements. Incidemment, votre Rapporteure veut aussi y voir confirmation de l’intérêt du débat politique sur ces thématiques et du fait que les stratégies, notamment sectorielles, de notre APD méritent assurément d’être discutées par la représentation nationale.

2) Le gouvernement entend-il le Parlement ?

Votre Rapporteure ne peut aussi manquer de revenir sur certaines évolutions de notre APD qui lui semblent contestables en ce qu’elles sont porteuses d’un risque de dénaturation de notre aide. Au déséquilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme dont rien n’annonce qu’il est en voie de correction, à la structure interne de nos financements multilatéraux, qui sacrifie le système onusien au profit des institutions financières internationales et de certains fonds, sans réelle justification technique, s’en ajoutent d’autres sur la signification profonde desquels on ne peut que s’interroger.

L’évolution de la répartition entre prêts et dons est évidemment depuis plusieurs années une épine dans le pied de notre politique d’aide. Votre Rapporteure ne peut que reprendre les commentaires du CAD de 2008 à ce sujet qui soulignait très justement la spécificité de notre politique en indiquant que « contrairement à la pratique de la plupart des membres du CAD, la France tend à augmenter sensiblement la part et le volume des prêts concessionnels comptabilisés en APD » (17). Le rapport des pairs soulignait que les engagements de prêt représentaient en 2006 les deux tiers des concours financiers de l’aide bilatérale programmable de la France. A titre de comparaison, au niveau mondial, la répartition est non seulement inverse mais surtout écrasante en faveur des dons, puisque selon les statistiques de l’OCDE, la part des dons dans l’APD brute est de 91 %, 123,7 Md$ sur une APD globale de 136,7 Md$. Cette caractéristique structurelle de notre aide est d’autant plus remarquable et incite d’autant plus à réfléchir sur son évolution que le don est essentiellement l’instrument privilégié par la plupart des coopérations bilatérales, les bailleurs multilatéraux usant de préférence des prêts concessionnels (18).

L’analyse du CAD relevait que ces prêts étaient principalement destinés aux pays à revenus intermédiaires, et destinés aux secteurs des infrastructures, du développement urbain, de l’environnement et du secteur productif. Tout en soulignant l’intérêt et l’efficacité des prêts qui permettent d’augmenter les volumes disponibles par leur effet de levier, le CAD notait cependant que « l’AFD a diminué le niveau moyen de concessionnalité » et jugeait que « les prêts sont ainsi un moyen pour l’AFD d’augmenter son volume d’activité et, dans une logique financière propre à tout établissement bancaire, de dégager des marges ». Surtout, le rapport des pairs attirait l’attention de notre gouvernement sur le fait que cet accent mis sur les prêts plus que les subventions n’était pas sans effet sur la réussite de l’objectif de lutte contre la pauvreté : « les prêts sont ciblés pour financer les activités économiques, tandis que le financement des services sociaux de base est plutôt sous forme de dons. L’objectif de lutte contre la pauvreté poursuivi dans les pays les plus pauvres de la ZSP est donc limité par les ressources disponibles sous forme de dons, alors que l’objectif de préservation des biens publics mondiaux poursuivi dans les pays émergents et à revenu intermédiaire peut recourir à l’instrument prêt, pour lequel les autorisations d’engagement sont très supérieures. » (19).

L’analyse effectuée par le CAD est, selon votre Rapporteure difficilement contestable. Plus récemment, lors de sa revue de mi-parcours, Eckhard Deutscher soulignait l’impasse dans laquelle se trouvait notre APD en faisant remarquer que les cinq secteurs de concentration définis par le CICID ne se prêtent pas facilement aux prêts, dans la mesure où ils ne relèvent pas de secteurs productifs. Or la France réduit ses subventions, ce qui n’est pas sans poser un sérieux problème à la mise en œuvre de cette stratégie supposée être destinée aux PMA.

Sur ce thème, votre Rapporteure rejoint d’ailleurs les préoccupations exprimées depuis longtemps par les organisations de solidarité, au premier rang desquelles Coordination SUD que les propos du nouveau directeur général de l’AFD ne rassurent guère. Lorsque M. Dov Zerah indique récemment (20) que « dans les pays les moins avancés et les pays à revenu intermédiaire, nous devons répondre aux défis de l’agriculture, de l’agro-industrie, des infrastructures et de l’énergie en nous appuyant sur l’outil prêt, avec plus ou moins de bonification d’intérêts », le mécanisme de la solidarité ne paraît pas figurer au rang des premières priorités de l’AFD. La logique bancaire de l’agence apparaît en effet de plus en plus nettement affirmée – « faire de l’AFD une véritable banque universelle de développement » - et votre Rapporteure craint que la dimension solidaire de notre aide ne s’en trouve quelque peu occultée. Certes, en ce qui concerne les subventions, M. Dov Zerah ajoute immédiatement que « nous avons proposé à nos tutelles de les concentrer dans les 14 pays prioritaires et sur les secteurs de l’éducation et de la santé », précisant aussi que « hors territoires palestiniens et pays en sortie de crise, la règle selon laquelle 50 % des subventions doivent aller à ces pays pourrait être revue à la hausse », ayant même indiqué à votre Rapporteure qu’il avait suggéré aux tutelles de l’agence de porter cette proportion à 80 % (21).

Ces propos « dans l’air du temps » s’inscrivent dans la logique exprimée depuis le sommet franco-africain de Nice par le gouvernement, qui fait primer la croissance économique sur les aspects sociaux du développement. Le développement de l’Afrique passe par une croissance économique soutenue, créatrice de richesses et il est indéniable que l’APD doit intervenir pour « stimuler la croissance de pays à la traîne et faciliter le «  rattrapage «  des pays du Nord par le Sud » (22). Pour autant, votre rapporteure souhaite rappeler que l’APD ne doit pas se limiter au seul champ économique.

La lutte contre la pauvreté, la réduction de la faim, de la mortalité des enfants de moins de cinq ans, l’amélioration de la santé maternelle, pour ne prendre que ces objectifs parmi les OMD, justifient le maintien d’une approche solidaire, compassionnelle. Ces objectifs doivent être au cœur de notre action, ne serait-ce que si l’on maintient la réalisation des OMD au rang des priorités de notre politique d’aide. Or, votre Rapporteure n’est pas convaincue que l’on puisse « répondre aux défis de la santé et de l’éducation en Afrique avec 200 millions d’euros de dons », comme le soutient le directeur général de l’AFD, fut-ce « en développant des partenariats avec les ONG, les collectivités locales, les fondations privées et les banques multilatérales. »  (23). Il ne lui semble pas non plus souhaitable, partageant en cela le sentiment du CAD de l’OCDE qu’elle a rappelé à l’instant, que l’on travaille dans ces secteurs sous forme de prêts, comme l’envisage aussi M. Dov Zerah dans l’entretien précité à Jeune Afrique, à moins que les pays les plus pauvres ne soient pas, malgré ce qu’on en dise, les cibles prioritaires de notre aide.

« Il est essentiel que l’allocation géographique et sectorielle de l’aide soit déterminée sur la base d’une vision stratégique – et prenant en compte, au niveau de chaque pays, les besoins et les stratégies nationales – et non pas sur la base d’opportunités d’instrument » (24), estimait le CAD de l’OCDE en 2008. De l’avis de votre Rapporteure, notre politique d’aide ignore encore cette dimension.

b) La question de la baisse de notre contribution au FED 

La diminution négociée en 2005 de notre quote-part au Fonds européen de développement a fait passer la part de notre apport de 24,3 % dans le 9e FED à 19,55 % dans le 10e, contre 15,9 % retenus pour le budget général. Cette nouvelle clef de répartition, qui permet une diminution sensible de la contribution de notre pays qui ne s’est cependant pas encore traduite par une baisse de l’effort français, s’appliquera jusqu’à son épuisement entre 2014 et 2015. Une nouvelle baisse de notre contribution ne pourra intervenir qu’à l’occasion de la négociation des prochaines perspectives financières, en 2012, au cours de laquelle la question de la budgétisation du FED pourrait être reposée à nos partenaires.

Cette année 2011 sera également l’année au cours de laquelle l’enveloppe du 10e FED sera entamée. Il est prévu que nous passions d’une contribution en 2010 de 909M€ à une contribution en 2011 de moins de 805M€, soit 20,6 % des contributions, taux qui résulte de la transition en 2011 de l’ancienne à la nouvelle clef ; cela permettra une réduction d’environ 100M€ avant de s’aligner à nouveau sur le rythme régulier de progression de l’aide européenne.

Depuis plusieurs années, la question de l’affectation des sommes que l’on récupérerait de la baisse de notre clef de répartition au FED intéresse ceux qui sont attachés à un rééquilibrage de notre APD dans un cadre bilatéral. A l’heure où nos subventions sont tombées à un étiage difficilement supportable, cette évolution était attendue avec impatience, tant elle permet de redonner un peu de visibilité à notre politique d’aide.

Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteure, en ce qui concerne la mission APD et le programme 209 les négociations du triennum budgétaire se sont basées sur un état très précis de nos engagements multilatéraux. Cette baisse a été intégrée dans la négociation d’ensemble. Comme votre Rapporteure le montrera plus loin, en analysant en détail les dispositions budgétaires pour 2011, l’ensemble des dons projets, via l’AFD, le FSP et les ONG, est cette année d’un montant de 311,8M€ en AE et de 389,3M€ en CP, soit une hausse de 7,9 % et de 18,8 % respectivement. Dans le PLF 2010, les AE et CP en dons projets représentaient respectivement 289M€ et 327,7M€.

Votre Rapporteure se réjouit de cette évolution positive propre à améliorer la visibilité de notre aide sur le terrain.

c) Déshabiller Pierre pour habiller Paul ?

« Nous avons pris la décision, alors que nous sommes le deuxième contributeur au Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous avons décidé d’augmenter notre contribution de 20 % au cours des trois prochaines années. Non seulement nous ne voulons pas réduire, non seulement nous ne voulons pas stabiliser, nous allons augmenter de 20 %. » (25) L’une des décisions les plus spectaculaires et importantes que le Président de la République a annoncées à la tribune des Nations Unies lors du sommet des OMD en septembre dernier à New York est assurément celle d’augmenter notre contribution annuelle au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour la porter à un total de 1,4 Md$ sur les trois prochaines années (26).

En effet, chacun sait que le FMSTP, dont l’initiative revient à la France, est le fonds auquel nous contribuions déjà le plus, à hauteur de 300 M€ par an, avec un total cumulé de 1,9 Md€ depuis sa création en 2002. Le rythme d’augmentation de nos contributions à ce fonds a d’ailleurs été extrêmement rapide puisque c’est de son fait que le ratio entre bilatéralisme et multilatéralisme s’est brutalement inversé en 2004. Nous y cotisions à hauteur de 150 M€ par an dès 2004.

L’effort consenti depuis plusieurs années par notre pays au FMSTP est considérable puisque nous en sommes le deuxième contributeur en volume derrière les Etats-Unis et le premier en proportion de notre RNB. Ce sont 300 M€ qui sont chaque année consacrés via ce seul canal à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Ce sera à partir de 2011 360 M€ par an.

A la date de présentation de ce rapport, votre Rapporteure ne peut pas indiquer de quelle manière sera financée cette augmentation considérable, la réflexion interministérielle n’ayant pas encore abouti. Cette situation, évidemment préoccupante, appelle quelques commentaires.

Selon les informations qui lui ont été rapportées de plusieurs sources, différentes pistes sont actuellement explorées, aucune ne réussissant à faire consensus entre les administrations concernées, compte tenu notamment de leurs répercussions.

Selon la première option, évoquée sans plus de précision dans les documents du PLF, la taxe sur les billets d’avion pourrait être mise à contribution. Le Projet annuel de performances indique en effet que « en octobre 2010, M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, présidera la réunion de reconstitution du Fonds mondial, où les donateurs prendront des engagements financiers pour la période allant de 2011 à 2013. A cet effet, 300 M€ (AE=CP) de crédits budgétaires sont prévus sur le programme 209, pour un effort total programmé de 360 M€. Le financement de cet effort, qui traduit une hausse de 60 M€, pourra faire appel à la taxe sur les billets d’avion. » (27). Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteure, il pourrait s’agir en premier lieu d’augmenter le taux de prélèvement, afin de dégager des recettes complémentaires. La question de savoir si tous les billets d’avion seraient alors tous concernés ou non est posée, compte tenu du fait que certaines estimations laissent entendre que le surcoût induit sur les billets de classe affaires avait peut-être été dissuasif et aurait pu être cause d’une part de la baisse du trafic enregistrée sur cette catégorie. Votre Rapporteure souhaite rappeler ici que la crise économique a pu aussi être ces derniers mois une des raisons de cette baisse, les entreprises ayant pu vouloir réduire leurs frais en économisant sur les voyages. Un sondage serait sans doute utile avant une décision définitive. Quoi qu’il en soit, si la taxe restait à taux constant, ses bénéficiaires, soit UNITAID en tout premier lieu, en seraient inévitablement affectés.

Votre Rapporteure veut attirer l’attention ici sur plusieurs éléments qui doivent être pris en compte.

En premier lieu le fait que le produit de la taxe est en baisse constante depuis le début de la crise. Les recettes ont été de 174,7M€ en 2007, de 174M€ en 2008 et ont chuté à 162,3M€ en 2009. C’est donc un manque à gagner de 12M€ qui est intervenu d’une année sur l’autre, compte tenu de la baisse du trafic et du report des passagers des classes avant vers les classes arrière, la crise financière et économique ayant significativement touché le secteur aérien. En l’état actuel des informations qui ont été communiquées à votre Rapporteure, il apparaît que pour 2010, la baisse de recettes devrait se poursuivre : malgré une prévision initiale de revenus de la DGAC estimée à 163M€, les incertitudes économiques ainsi que les pertes liées à l’interruption du trafic aérien suite à l’éruption du volcan islandais devraient conduire à un nouveau tassement des produits de la taxe. Au 30 juin dernier, n’étaient rentrés que 56M€ et, compte tenu des incertitudes pesant sur l’évolution du trafic aérien dans le contexte de la crise financière, il n’existe pas encore d’estimations pour la fin de cette année, ou pour les années 2011 et 2012. En tout état de cause, les décaissements en faveur d’UNITAID, qui reçoit actuellement 90 % des recettes (28), ont chuté de 159,8M€ en 2008 à 110M€ en 2009 et 31,6M€ seulement pour l’instant en 2010.

Il apparaît clairement que la mise à contribution de la taxe sur les billets d’avion pour permettre à la France d’augmenter ses versements au FMSTP de 60M€ par an sur les trois prochaines années est une opération à la fois complexe et hasardeuse qui pourrait soit mettre en danger le principal des financements innovants dont notre pays s’est fait le défenseur sur la scène internationale, soit priver UNITAID d’une part plus ou moins importante de ses ressources.

Tout dernièrement, il a cependant été indiqué à votre Rapporteure que cette option ne serait probablement pas retenue. D’autres options sont à l’étude qui lui ont été trop rapidement présentées sur lesquelles elle regrette de ne pas disposer de suffisamment d’éléments d’information pour pouvoir présenter une réflexion.

On comprendra que ces remarques incitent votre Rapporteure à s’interroger sur la traduction effective de l’annonce qui a été faite et sur la réalité de l’augmentation de ce financement complémentaire au FMSTP.

d) Profiter de notre investissement pour une meilleure influence

Cela étant, votre Rapporteure souhaite indiquer que selon les dernières informations qui lui ont été communiquées, l’augmentation de notre contribution au FMSTP permettrait la mise en place du mécanisme qu’elle avait souhaité l’an dernier en présentant avec plusieurs de ses collègues un amendement au projet de budget. Selon ce projet d’amendement, qui n’avait pas alors rencontré l’assentiment du gouvernement, une enveloppe de 5 % du montant de notre cotisation annuelle au Fonds mondial pouvait être réservée pour le financement de missions locales d’assistance technique de soutien ou d’expertise, sur la base de projets formulés par des associations, des opérateurs français ou des consortiums d’opérateurs francophones pouvant inclure des opérateurs des pays récipiendaires. Il s’agissait d’optimiser l’efficacité de l’engagement de la France et de renforcer nos partenaires francophones, prenant exemple sur la pratique similaire des Etats-Unis notamment. Votre Rapporteure se félicite de cette possibilité qui concernerait les ONG et les organisations gouvernementales et permettrait de valoriser le savoir-faire de notre pays en matière de santé et de pallier les carences des systèmes de santé.

Elle souhaite aussi que cette augmentation considérable de notre effort soit l’occasion pour la France d’améliorer ses positions au sein du Fonds mondial. Plusieurs questions sont à ses yeux essentielles et notre pays devrait renforcer ses conditionnalités. En ce qui concerne sa place au conseil d’administration, en premier lieu : il semble difficilement justifiable que, compte tenu de son apport, la France partage une chaise avec l’Espagne, quand l’Italie ou le Japon, qui contribuent beaucoup moins au Fonds, occupent chacun seul la leur. Notre exigence quant à la pratique du français dans les procédures du Fonds doit être renforcée : comme votre Rapporteure ne cesse de la dire, il n’est pas admissible que les pays d’Afrique subsaharienne francophones doivent effectuer des procédures en anglais.

Enfin, votre Rapporteure estime qu’il serait tout aussi souhaitable que cette reconstitution et l’augmentation de notre effort soient l’occasion pour la France de négocier avec le Fonds une certaine réorientation de ses politiques en faveur du renforcement des systèmes de santé nationaux d’une manière générale, c'est-à-dire distincte de la seule lutte contre les trois pandémies cibles du Fonds. Il faut développer en même temps que le renforcement des systèmes de santé nationaux et locaux nos politiques d’aide à la gouvernance et à la décentralisation.

3) L’instabilité persistance des documents budgétaires présentés à la représentation nationale

L’un des point sur lesquels votre Rapporteure souhaite revenir, comme elle l’avait fait l’an dernier, porte sur la question des documents budgétaires qui cette année encore subissent de profonds changements qui rendent des plus difficiles la lecture et l’analyse du PLF.

a) Un changement de maquette budgétaire lourd de conséquences

Dans cet ordre d’idées, le premier point à souligner concerne le changement de la maquette budgétaire qui affecte en profondeur un programme sur les trois que comporte la mission, le 209. Un autre programme, le 185, qui relève de la mission « Action extérieure de l'Etat », se trouve également considérablement modifié par cette réforme.

Jusqu’à aujourd’hui, comme l’indiquent les documents budgétaires, la maquette définissait une frontière géographique entre les pays développés, qui relevaient du programme 185, et les pays émergents et en développement, qui relevaient du programme 209.

La nouvelle maquette s’articule désormais autour des deux programmes restructurés : d’une part le programme 185, anciennement « Rayonnement culturel et scientifique » qui devient « Diplomatie culturelle et d’influence » et décline des regroupements par secteurs d’activités : coopération culturelle et promotion du français ; attractivité et recherche ; enjeux globaux ; subvention à l'AEFE. D’autre part, le programme 209, qui, sans changer d’intitulé, se voit décliné par modalités et distingue entre coopération bilatérale, multilatérale et communautaire. En d’autres termes, il propose un miroir du programme 110 « Aide économique et financière au développement ».

Les documents budgétaires indiquent que la nouvelle maquette du programme 209 est mise en conformité avec les recommandations du CICID et répond à la demande du Parlement, en identifiant les crédits bilatéraux, multilatéraux et communautaires. Cette maquette est également présentée comme faisant également suite aux observations de la Cour des Comptes dans ses notes d'exécution budgétaire et d'analyse du programme pour 2009.

Si l’on peut comprendre la logique qui a présidé à cette réforme, le résultat obtenu n’est pas sans justifier quelques commentaires. Car, désormais, le programme 185 regroupe l’ensemble des crédits mis en œuvre par les établissements à autonomie financière (EAF), les Alliances françaises et les services centraux sans distinction de zone géographique, mais aussi par les services de coopération et d’action culturelle (SCAC). Votre Rapporteure considère que cela n’est pas sans poser un problème de cohérence et sans rajouter une difficulté supplémentaire à la lecture et à la compréhension de la mission, car les implications de ce changement ne sont pas anodines : désormais, un nouveau programme, qui n’appartient pas à la mission, regroupe l’intégralité de notre coopération dans les secteurs de la culture, du français, de l’attractivité, de la recherche et des enjeux globaux. Si cela ne modifie en rien les montants globaux des crédits consacrés à l'APD, la vision d’ensemble s’en trouve fortement perturbée.

Le programme 185 se décline selon plusieurs axes stratégiques : la promotion de l’influence culturelle française, dans la logique des dispositions de la loi relative à l’action extérieure de l'Etat du 27 juillet 2010 ; le développement de la langue française comme langue européenne et internationale ; la mise en œuvre d’une politique d’attractivité en direction des élites étrangères, en particulier en faveur des étudiants issus des pays émergents ; la recherche de partenariats scientifiques de haut niveau et la multiplication des échanges d’expertise dans un contexte de mondialisation accrue ; enfin, la promotion de la vision française dans les débats relatifs aux biens publics mondiaux. Dans les pays récipiendaires d’APD, à travers les établissements relevant de l’AEFE implantés le programme vise à former les futures élites étrangères (dont les meilleurs éléments poursuivront leurs études supérieures en France) ainsi qu’à nouer des partenariats linguistiques et éducatifs à long terme avec les établissements locaux. Dans la mesure où les interventions mises en œuvre le sont dans les pays éligibles à l'APD, toutes les actions du programme 185, à l’exception de l’action 6 (dépenses de personnel), participent désormais à la politique transversale.

Pour sa part, le programme 209 ne conserve que les grands programmes de coopération clairement identifiés. Il est désormais ventilé en quatre actions. La « coopération bilatérale » constitue l’action 2, scindée en deux sous-actions : les interventions dans le domaine de la gouvernance, priorité de notre APD comme l’a réaffirmé le dernier CICID, sur laquelle la France dispose d’une réelle influence, notamment en Afrique, qui sont directement mises en oeuvre par le MAEE d’une part, tous les autres secteurs définis comme prioritaires par le CICID, d’autre part.

L’action 5, « coopération multilatérale » regroupe les contributions aux fonds multilatéraux de développement qui visent à promouvoir les positions de notre pays dans les enceintes internationales compétentes, ONU, Banques mondiale et régionales. Via l’action 7 « coopération communautaire », transitent les fonds versés au FED, auquel nous sommes désormais au deuxième rang des contributeurs et enfin l’action 8 « dépenses de personnel » qui regroupe l’ensemble du titre 2 du programme qui était auparavant réparti entre les différentes actions.

b) Des objectifs et des indicateurs toujours fluctuants malgré les souhaits insistants du parlement et de la Cour des comptes

Votre Rapporteure avait eu aussi l’occasion de faire grief aux incessantes variations des objectifs et indicateurs proposés dans les documents budgétaires qui perduraient, malgré les souhaits convergents du Parlement et de la Cour des comptes, et empêchaient une véritable évaluation de la performance de notre politique.

Ses remarques n’ont à l’évidence eu que peu d’effet, ce qu’elle regrette, dans la mesure où elle est contrainte de constater de nouvelles et profondes modifications qui ne font, non plus que les années antérieures, l’objet de la moindre explication. Certaines sont compréhensibles : dans la mesure où le programme 209 a été considérablement modifié, il est naturel que ses objectifs et indicateurs subissent un sort comparable.

Cela étant, il est curieux et difficilement acceptable, que, alors même que la gouvernance démocratique reste un des thèmes clairement identifiés de l’action 2 du programme 209, l’indicateur 1.2 de l’an dernier, « amélioration de la gouvernance de certains pays », soit supprimé, ainsi que les sous-indicateurs qui l’accompagnaient, au motif surprenant « de la difficulté de renseigner, dans les délais impartis pour l’élaboration du rapport annuel de performances, un indicateur d’impact relatif à la gouvernance, il est apparu plus opportun de proposer la suppression de l’indicateur et d’indiquer dans les commentaires l’action du ministère en ce domaine. » (29)

Ces quelques exemples suffisent pour confirmer que, en plus de la question de la lisibilité de la politique d’APD, les possibilités de contrôle et d’évaluation ne sont pas facilitées à la représentation nationale.

Compte tenu du fait que le DPT n’a pas été cette année publié, votre Rapporteure ne peut dire si, à l’instar des années précédentes, le périmètre global des programmes et missions qui participent à la politique transversale a évolué.

II – LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011

A – Eléments de contexte et considérations générales

Les besoins de financement exigés par le développement des pays pauvres sont plus que jamais considérables. Ils le sont d’autant plus que les composantes les plus récentes de l'APD, touchant aux Biens publics mondiaux ou à la lutte contre les incidences des changements climatiques, prennent une importance croissante et s’avèrent extrêmement coûteuses.

Comme l’a rappelé le sommet de New York de septembre 2010, les contributions internationales au développement restent dramatiquement insuffisantes et systématiquement en deçà des engagements : le sommet du G8 de Gleneagles avait annoncé en 2005 un doublement de l’aide apportée par ses membres à l’Afrique subsaharienne, dont il manque aujourd’hui encore 16Mds$. De son côté, l’OMS estime à 37Mds$ les fonds manquant au seul secteur de la santé, soit autant que pour traiter la malnutrition. L’éducation nécessite pour sa part 10Mds$ mais c’est dix fois plus encore qui devront être trouvés à l’horizon 2020 pour faire face aux conséquences du changement climatique (30).

Parallèlement, les promesses de la communauté internationale, et de notre pays en particulier, n’ont cessé de s’additionner ces derniers mois, notamment en réponse à la crise économique et financière, sans que l’on voie toujours de quelle façon elles seront financées. L’impression prévaut parfois d’effets d’annonce difficiles à concrétiser. Votre Rapporteure a rappelé plus haut celle d’augmenter de 20 % notre contribution au Fonds mondial dont on ne sait toujours pas, à l’heure où sont rédigées ces lignes, comment cet effort supplémentaire sera financé.

Un regard global sur le PLF à l’aune de ces engagements est nécessaire avant d’étudier le détail des programmes de la mission.

1) La question des besoins induits par nos engagements internationaux et les orientations du Document cadre 

a) Les promesses récentes de la communauté internationale

Lors du sommet du G20 sur la crise financière réuni à Londres en avril 2009, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés sur un montant global de 1 100Mds$ pour les institutions financières internationales et le financement du commerce qui devait pour une large part bénéficier aux pays en développement et aux pays émergents. 500Mds$ de ressources supplémentaires étaient prévues pour le FMI ; 250Mds$ de DTS alloués par le FMI à ses membres, dont 110Mds$ pour les pays émergents et en développement ; 100Mds$ d’augmentation des prêts des banques multilatérales de développement, notamment au profit des pays à faible revenu, sur la période 2009-2011, et 250Mds$ de financement du commerce.

Des engagements plus spécifiques ont également été pris sous l’impulsion notamment de la France, envers les pays les plus pauvres ou les plus vulnérables. Le doublement de la capacité de prêts concessionnels du FMI au profit des pays à faible revenu a été décidé. Le niveau de concessionnalité de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance a été relevé, et la réforme de l’architecture des instruments du FMI en faveur des pays à faible revenu été entreprise. Des mesures d’aide et d’assistance diverses ont aussi été adoptées, par exemple en faveur de la protection sociale, du commerce et du développement des pays les plus pauvres. En ce qui concerne la Banque mondiale, on peut citer dans le même ordre d’idées l’appel à des contributions bilatérales volontaires au cadre de vulnérabilité de la Banque, notamment pour financer la Facilité d’infrastructure et le Fonds social de réponse rapide.

Dans un autre ordre d’idées, lors de la Conférence d’Oslo, une cinquantaine de délégations nationales ont formalisé le Partenariat REDD+, mécanisme envisagée sous la Convention climat pour la protection des forêts des pays en développement, global. Les promesses de financement ont atteint 4Mds$. La présidence conjointe du Partenariat a été confiée au Japon, à la Papouasie Nouvelle Guinée, à la France et au Brésil.

Réuni en juin dernier à quelques semaines du sommet de New York, le sommet du G8 de Muskoka doit aussi retenir l’attention, en ce qu’il a très directement décidé d’un certain nombre de mesures importantes en matière d’aide au développement et, plus particulièrement, en ce qui concerne les OMD et tout particulièrement en matière de santé. Les progrès de la santé maternelle notamment ont été jugés « inacceptablement lents », de même qu’en ce qui concerne la réduction de la mortalité infantile, près de neuf millions d’enfants mourant toujours chaque année avant l’âge de cinq ans. Rappelant que les membres du G8 apportent déjà une contribution de plus de 4,1Mds$ par an d’aide au développement sur ces thématiques, le sommet a lancé « l’Initiative de Muskoka », « à savoir une approche globale et intégrée visant à accélérer le progrès vers la réalisation des quatrième et cinquième OMD, qui réduira considérablement le nombre de décès de mères, de nouveau-nés et d’enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement. »

Le G8 de Muskoka a par conséquent prévu un financement additionnel de 7,3Mds$ sur la période 2010-2015 afin de combler le retard dans l’atteinte des OMD n° 4 et n° 5. Cet effort substantiel est réparti entre les membres du G8 pour un montant de 5Mds$. D’autres partenaires, - la Norvège, les Pays-Bas, la Corée du sud, l’Espagne, la Suisse, la Fondation Bill et Melinda Gates, les Nations Unies, notamment - , auxquels se sont joints d’autres acteurs, publics ou privés, se sont engagés à apporter un total de 2,3Mds$ sur la même période. Si les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Commission européenne confirmaient les engagements supplémentaires qu’ils ont promis de faire à partir de 2012, l’engagement total en 2015 pourrait alors atteindre 10Mds$.

En d’autres termes, l’aide publique au développement occupe définitivement une place essentielle dans les préoccupations du G8 qui, par cette initiative nouvelle ambitionne de renforcer considérablement l’effort en faveur des OMD 4 et 5, en matière de santé maternelle et infantile pour rattraper le retard pris dans leur réalisation. D’autres aspects de cet engagement pourraient être soulignés, tel le renforcement souhaité du partenariat avec l’Afrique, la volonté d’une approche globale des problématiques de développement ou la préoccupation de l’efficacité de l’aide.

Initiative de Muskoka :

Santé des mères, des nouveau-nés et des enfants de moins de cinq ans

Muskoka, Canada, 26 juin 2010

1. Principes : Cette initiative repose sur une série de principes fondamentaux destinés à favoriser la pérennité des résultats :

_ assurer la durabilité des résultats;

_ miser sur des interventions éprouvées et rentables, qui sont fondées sur des faits;

_ concentrer l’action sur les pays qui ont les plus grands besoins, tout en continuant de soutenir ceux qui progressent;

_ soutenir les politiques et plans nationaux des pays en matière de santé, qui bénéficient du soutien local;

_ rehausser la cohérence des activités de développement par une coordination et une harmonisation améliorées;

_ accroître la responsabilisation;

_ consolider le suivi, les rapports et l’évaluation.

2. Portée : Cette initiative se rattache aux quatrième et cinquième Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), ainsi qu’à certains volets de l’OMD 1 (nutrition) et de l’OMD 6 (VIH/sida, paludisme). L’initiative a pour objet de renforcer considérablement les systèmes de santé dans les pays en développement qui affichent un taux élevé de mortalité chez les mères et les enfants de moins de cinq ans et dont les besoins en planification familiale ne sont pas tous satisfaits. L’amélioration de la santé des mères et des enfants de ce groupe d’âge passe par des interventions globales et intégrées à fort impact, à l’échelle communautaire, qui ciblent la gamme complète des soins – avant et pendant la grossesse, accouchement, petite enfance.

3. Cette initiative touche notamment les volets suivants : soins prénatals; accouchements assistés; soins postnatals; soins et services liés à la santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale volontaire; éducation sanitaire; traitement et prévention des maladies, entre autres les maladies infectieuses; prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant; immunisation; nutrition de base; actions pertinentes dans le domaine de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement.

4. Information : Les mesures destinées à renforcer les systèmes de santé doivent également prévoir de meilleurs systèmes d’information sanitaire, y compris la consignation de statistiques de l’état civil, des sondages réguliers auprès des ménages et des travaux de recherche appliquée pour suivre et évaluer la mise en oeuvre. En outre, on pourra définir des solutions pour arriver plus rapidement et efficacement à des résultats grâce à l’intensification de la recherche et à l’amélioration de la mise en application et de l’évaluation de cette recherche.

5. Innovation : Si l’on en fait mieux la synthèse et qu’on les diffuse plus largement, les innovations peuvent aider à régler plus rapidement les problèmes d’engorgement dans la prestation des services et accélérer l’atteinte des résultats. Parmi les innovations qui existent déjà, mentionnons les utilisations imaginatives des téléphones cellulaires, certaines méthodes d’enregistrement des citoyens permettant d’améliorer les statistiques de l’état civil ainsi que la délégation de tâches pour mieux mettre à profit le rare personnel de la santé.

6. Efficacité : Il est impératif de maximiser l’incidence de tous les investissements dans le développement en améliorant la cohérence, la coordination et l’harmonisation des activités de développement, mais aussi en rehaussant l’efficacité des approches et des mécanismes employés. Nous sommes également favorables aux mesures prises par la Banque mondiale, par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et par l’Alliance GAVI pour établir, en étroite coordination avec l’OMS, un programme d’action commun pour le renforcement des systèmes de santé.

7. Mécanismes : Nous ne créerons pas de nouveaux mécanismes de financement. Chaque donateur est libre de recourir aux mécanismes les plus efficaces selon lui, qu’il s’agisse de faire appel aux organismes multilatéraux, aux partenaires de la société civile ou encore à l’aide bilatérale directe en faveur des pays en développement partenaires.

8. Cibles à l’échelle mondiale :

a) Entre 2010 et 2015, le G8 travaillera avec de multiples partenaires de la communauté internationale dans la perspective d’atteindre les cibles établies en 2001 dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement 4 et 5 :

i) réduire de deux tiers entre 1990 et 2015 le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans;

ii) réduire de trois quarts, aussi entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle;

iii) obtenir, d’ici 2015, un accès universel aux services de santé reproductive.

b) Pour atteindre ces objectifs globaux, il faudra déployer un effort considérable et soutenu notamment de la part des pays développés, émergents et en développement, des fondations, des organismes internationaux, des organisations non gouvernementales, du secteur privé et d’autres instances.

9. Indicateurs : Nous (exhortons l’OMS à convoquer/nous réjouissons du fait que l’OMS ait convoqué) les partenaires concernés en vue d’établir une série d’indicateurs fondamentaux pour mesurer les progrès accomplis dans les pays en développement. Il faudrait plus précisément harmoniser les indicateurs pour simplifier les exigences en matière de rapport auxquelles sont tenus les pays en développement. Nous nous servirons, en tant que donateurs, de ces indicateurs adoptés d’un commun accord. Nous apporterons également un soutien aux chapitres des capacités nationales en matière de rapports et des systèmes d’information sur la santé.

10. Méthodologie et reddition de comptes : Reconnaissant l’importance de la transparence et de la reddition de comptes, nous suivrons les progrès accomplis vers la réalisation de nos engagements dans le cadre de notre mécanisme de responsabilisation, qui sera axé en 2011 sur la santé et la sécurité alimentaires. Nous avons également rendue publique la méthodologie qui sert à définir nos bases de référence et nos engagements.

b) La part de cet effort que la France souhaite prendre à sa charge

Dans cet engagement global de la communauté internationale, la France prend toute sa part et promet beaucoup. A titre d’exemple, indépendamment de l’annonce de septembre au sommet de New York concernant le Fonds mondial sida, qui porte sur une somme additionnelle de 60M€ par an, votre Rapporteure rappellera que le Président de la République avait indiqué à Muskoka que notre pays s’engagerait sur l’Initiative en matière de santé maternelle et infantile à hauteur de 500M€ sur la période 2011-2015. Selon les informations qui ont été communiquées à votre Rapporteure, cet engagement français passerait principalement par le Fonds mondial, par des actions bilatérales menées par l’AFD, essentiellement en Afrique, ainsi que par le soutien à nos ONG. Il concernerait l’ensemble des leviers permettant d’améliorer la santé maternelle et infantile, de l’accès aux soins à la qualité de l’eau et de l’alimentation.

Précédemment, lors du Sommet de l’Aquila, le G8 et d’autres donateurs s’étaient de même engagés à mobiliser 20Mds$, réévalués depuis à 22Mds$, sur trois ans en faveur de la sécurité alimentaire, sur lequel la France avait annoncé un effort de global de 1,5Md€ sur 3 ans.

Comme on le sait, le Président de la République a l’intention d’axer la présidence du G8/G20 par la France sur les questions de développement, qui devraient constituer une part importante de son agenda. Les thématiques touchant aux mécanismes de financements innovants, sur lesquels la France est à la pointe de la réflexion depuis plusieurs années, notamment dans le cadre des travaux du groupe pilote qu’elle a cofondé en 2006 et présidé en 2009, et dont elle assure le secrétariat permanent, devraient être en particulier privilégiés.

La France, malgré les difficultés financières qu’elle traverse, montre ainsi qu’elle tient à garder son rang au sein de la communauté des bailleurs.

c) Le taux de 0,7 % et le silence du document cadre

C’est une banalité de signaler que l’objectif de 0,7 % du RNB consacré à l’aide publique au développement, - dont c’était le mois dernier le quarantième anniversaire de l’engagement, faut-il le rappeler… -, n’a cessé d’être réaffirmé. En ce qui concerne notre pays, il a notamment été confirmé à Doha en 2008 par le Président de la République, lors de la conférence des Nations Unies sur le financement du développement, encore été rappelé en juin 2009 le CICID : « Notre effort d’aide publique au développement sera maintenu. Le Président de la République a rappelé fin 2008 à Doha, lors de la Conférence des Nations Unies sur le financement du développement, que " l’Europe serait au rendez-vous des 0,7 % en 2015, choix politique majeur et unanime. " » (31) Lors du Conseil des ministres du développement et du Conseil européen du 14 et 17 juin dernier, une position européenne commune, a encore réaffirmé la résolution de l’UE à atteindre ce ratio de 0,7 % en 2015, et convenu d’un rapport annuel sur les engagements d'APD, et les moyens mis en œuvre pour les atteindre, au niveau des Chefs d’Etats et de Gouvernements.

Il est tout à fait remarquable, et regrettable, comme le faisaient aussi remarquer les représentants de Coordination Sud à votre Rapporteure (32), que dans ces conditions le Document cadre que l’administration vient d’adopter soit totalement muet sur cet aspect essentiel des problématiques actuelles de développement. Votre Rapporteure ne peut que regretter cette ambiguïté : d’un côté, le gouvernement ne cesse de rappeler en toute occasion que la France assumera sans défaillir ses engagements financiers, alors même que l’on sait depuis la publication du Livre blanc en 2008 qu’ils seront extrêmement difficiles à tenir, et omet soigneusement de se saisir de la première des opportunités pour traiter réellement le sujet.

De son côté, Eckhard Deutscher faisait d’ailleurs remarquer à la suite de la revue à mi-parcours à laquelle il venait de procéder, que contrairement à la recommandation du dernier examen par les pairs, la France n’avait pas encore développé une feuille de route pour son APD. Il soulignait que notre pays n’avait pas tenu son engagement pris à Monterrey en 2002 d’atteindre un ratio d’APD/RNB de 0,5 % en 2007, et qu’il avait reporté celui d’atteindre 0,7 % de 2012 à 2015. La prévision d’un ratio APD/RNB entre 0,47 % et 0,51 % en 2010 dépendait des hypothèses d’annulations de dettes dans l’enceinte du Club de Paris, notamment pour la RDC. Il n’était donc pas assuré que la France atteigne son but de 0,51 % en 2010. Pour respecter l’objectif de 0,7 % en 2015, reconfirmé par la France, le président du CAD considérait qu’il faudrait une feuille de route, basée sur des apports d’APD budgétisés et donc plus prévisibles. 

Se référant explicitement à l’annonce présidentielle relative au FMSTP, le président du CAD s’interrogeait sur leur traduction concrète, sur le fait de savoir si les augmentations annoncées seraient réellement additionnelles et annonçait que la prochaine revue des pairs aurait à s’intéresser à l’impact de la décision et à l’origine des ressources qui auront été allouées au Fonds.

En l’absence du document de politique transversale, votre Rapporteure n’est pas en mesure d’indiquer quelle est, aujourd’hui, la réalité de notre effort, si les projections prévues pour 2010 se sont ou non confirmées et surtout, quelles sont les projections envisagées ni sur quelles bases elles reposent.

d) Eléments de comparaisons internationales

En cette période de contraintes budgétaires et de réduction drastique des déficits publics que les pays développés connaissent, les promesses n’ont donc pas faibli sur le front de l’aide au développement. C’est tout à l’honneur des gouvernements concernés et il faut saluer le maintien général de l’effort de solidarité. Un regard sur l’étranger permettra de mieux juger de l’effort de notre pays.

A ce jour, cinq pays, Suède, Norvège et Danemark, ainsi que le Luxembourg et les Pays-Bas, sont seuls à avoir d’ores et déjà atteint et même dépassé l’engagement d’atteindre 0,7 % consacré à l'APD. Hormis ceux-ci, d’une manière générale, il y a loin de la coupe aux lèvres. Comme le rappelle le Document cadre, avec un taux de 0,46 % de son RNB consacré en 2009 à l'APD, la France, malgré son retard sur ses promesses, se situe dans la moyenne des pays de l’Union européenne membres de l’OCDE, qui est 0,44 %, et apparaît même « bien au-dessus de la moyenne de l’ensemble des membres du CAD (0,32 %) et des performances des Etats-Unis (0,20 %) ou du Japon (0,18 %). » (33).

En 2009, l’aide publique au développement globale ne représentait d’ailleurs que 0,2 % du RNB mondial, et l’effort que consacrent les pays donateurs en pourcentage de leur RNB est aujourd’hui encore inférieur à ce qu’il était il y a cinquante ans.

Cela étant, il est remarquable de noter que, au Royaume-Uni, malgré la conjoncture, les gouvernements successifs maintiennent fermement l’engagement d’atteindre le taux de 0,7 % du RNB consacré à l'APD. A la fin de son mandat, Gordon Brown, avait exprimé son intention de faire adopter une loi en ce sens, qui obligerait le gouvernement à augmenter l’aide au développement de manière à ce qu’elle atteigne ce taux au plus tard en 2013. A peine nommé, David Cameron a repris cet engagement pour son compte, ce qu’il a fait confirmer par le discours de la Reine le 25 mai 2010 (34), alors même que certains ministères, tel celui de la défense, se voyait imposer de fortes réductions de dépenses courantes. Pour le nouveau Premier ministre britannique, pour des raisons de solidarité comme dans l’intérêt national, il n’est pas question de réduire les déficits publics, première priorité de son gouvernement, « sur le dos des populations les plus pauvres du monde ». En cela, le Royaume-Uni rejoindra d’autres pays, comme la Belgique, qui ont déjà inscrit dans leur législation cet objectif international. Il est prévu que le Parlement britannique adopte cette loi à l’échéance de novembre 2011 pour sanctuariser le taux de 0,7 %.

Le PLF britannique pour 2011 confirme amplement ces engagements. La trajectoire de montée en puissance de l'APD britannique est désormais planifiée et selon les données qui ont été publiées ces derniers jours, le taux d’APD global par rapport au RNB sera en 2011 et 2012 de 0,56 %, comme cette année. Il passera en 2013 à 0,7 %. En volume, les budgets consacrés à l’aide au développement, tous types de dépenses confondus, seront, à « Livre Sterling constante », de 7,8Mds£ en 2011, de 8,1Mds£ en 2012, 8,8Mds£ en 2013, 11,3Mds£ en 2014 et 11,5Mds£ en 2015.

En d’autres termes, selon le Chancelier de l’Echiquier, cela correspondra à une augmentation de 35 % en termes réels de l’aide britannique concrète, cependant que le DFID sera appelé à des efforts importants en termes de dépenses de fonctionnement, qui seront réduites du tiers : en 2015, les dépenses courantes de l’agence devront être de 2 % du total, comparés à une moyenne internationale actuelle de 4 %. Un recentrage de la dépense sera également effectué, sur les projets les plus liés à la réduction de la pauvreté, et les programmes en direction de la Chine et de la Russie seront clos. Encore une fois, la question des intérêts nationaux du Royaume-Uni est mise en avant pour légitimer cet effort et cette révision de stratégie, en complément de la nécessité de renforcer l’aide apportée aux plus pauvres dans une optique solidaire. C’est en ce sens qu’il faut lire le fait que quelque 30 % de l’aide, au lieu de 22 % actuellement, seront destinés aux Etats fragiles ou en crise, à échéance 2015.

2) Un effort qui peine à se maintenir malgré ce qui était annoncé

Cet engagement renouvelé en faveur de l'APD de la part de notre pays est, on le sait, particulièrement exigeant dans le contexte budgétaire actuel. Il constitue un formidable défi, d’autant plus qu’il est aujourd'hui indispensable pour répondre non seulement aux enjeux du développement « classiques », permettre d’atteindre les objectifs du Millénaire et réduire considérablement la pauvreté, mais aussi pour affronter les différentes problématiques collectives induites par la mondialisation, dans l’intérêt non seulement du Sud mais aussi dans notre propre intérêt. Plus que jamais indispensable, le financement public du développement n’a jamais été aussi difficile à réaliser. L’effort que notre pays y consacre doit être apprécié à cette aune.

a) Les données globales du budget pour la mission APD

L’effort de la France en faveur de l’aide au développement est important et globalement en croissance depuis le début des années 2000. La France est et reste incontestablement l’un des acteurs-clefs de la communauté internationale en matière de coopération au développement. Comme votre Rapporteure l’a rappelé, toutes contributions confondues, notre pays est le deuxième bailleur au monde derrière les Etats-Unis et cela ne doit pas être ignoré et situe notre pays dans la moyenne supérieure des donateurs du CAD. En 2010, l’APD française pourrait approcher pour la première fois les 10Mds€.

Comme on le sait, la lettre de cadrage du Premier ministre, compte tenu du contexte budgétaire particulièrement contraint, a rappelé en mai dernier la nécessité de réduire les dépenses d’intervention de l’Etat de 10 % en valeur sur la durée du triennum. Toutefois, comme l’indique le Projet annuel de performances (35), les crédits de la mission resteront stables sur la période 2011-2013, à leur niveau de 2010. Cet effort, que votre Rapporteure salue, est présenté comme permettant « d’honorer les engagements financiers pris auprès de plusieurs institutions et fonds multilatéraux, de financer les engagements pris par la France dans plusieurs domaines d’action prioritaires, tels que la santé, la lutte contre le changement climatique, les questions alimentaires, et de poursuivre son aide aux pays en situation de crise. »

Selon les remarques qui ont été faites à votre Rapporteure, cette proposition d’une stabilisation de l’effort budgétaire de la France en volume pour le triennum budgétaire 2011-2013, représente un effort particulièrement important au regard du contexte économique et budgétaire actuel et doit s’apprécier dans le cadre global dans lequel s’inscrit la politique d’APD de notre pays, européen notamment. Elle doit être analysée en considérant l’ensemble des efforts et apports faite par la France dans tous les secteurs de l’aide. La seule question du respect du taux de 0,7 % de notre RNB consacré à l'APD ne doit pas être l’aune à laquelle notre politique devrait être jugée.

Toutefois, en dépit du rôle que la France joue sur la scène internationale de l’aide, il n’en reste pas moins que les engagements chiffrés sont aussi ceux sur lesquels la crédibilité de notre politique est finalement perçue, tant de la part des pairs, comme votre Rapporteure l’a souligné plus haut en rappelant les propos du président du CAD, que de la part de nos partenaires et des bénéficiaires de notre aide sur le terrain.

Le tableau reproduit ci-dessous montre les crédits des trois programmes qui composent la mission aide publique au développement et leur stabilité globale au cours du prochain triennum. Si l’on examine en détail les données fournies, les AE des programmes 209 et 301 sont effectivement stables sur les trois prochaines années, ainsi que le CP demandés. En revanche, on remarque que les AE du programme 110 sont orientées à la baisse, passant de 2 494M€ en 2011 à 627M€ en 2012 et 580M€ en 2013.

Evolution des crédits pour 2011-2013 (36)

Le tableau suivant ventile l’ensemble des crédits des trois programmes de la mission pour l’année prochaine. On remarque que ce sont les AE nécessaires au traitement de la dette qui augmentent considérablement, de 54,3M€ à 382,2M€, soit 7 fois plus, ainsi que celles de l’aide économique et financière multilatérale, pour laquelle sont demandés 1 641,4M€ contre 282M€ l’an dernier, soit 5,8 fois plus.

Le programme 209 apparaît plus stable et légèrement en baisse avec 2 053,9M€ demandés en AE contre 2 175,6M€ en 2010. Votre Rapporteure se félicite de l’augmentation des crédits de la coopération bilatérale qui augmentent de 12,5 %.

Récapitulation des crédits par programme et par action (37)

b) Une lecture toujours trop extensive de notre effort qui nuit à la sincérité de notre politique

Il est constamment reproché à notre APD le caractère extensif du périmètre des dépenses entrant dans sa déclaration au CAD. On sait que la revue du CAD de 2008 avait mis en évidence le fait que la prise en compte de l’accueil des réfugiés sur notre sol, de même que la comptabilisation des frais d’écolage ne répondaient pas stricto sensu aux critères acceptés par la communauté des bailleurs.

En ce qui concerne les réfugiés, votre Rapporteure a indiqué dans de précédents avis budgétaires que le CAD avait eu l’occasion de souligner, que selon ses règles, les dépenses déclarées à ce titre devraient se limiter aux dépenses destinées à assurer le transfert de réfugiés, puis à leur entretien temporaire. Votre Rapporteure constate, au vu des informations qui lui ont été fournies, que ces dépenses sont toujours orientées à la hausse, comme en témoigne le tableau ci-après :

 

2008
(LFI)

2009
(LFI)

2010

(LFI)

Prévisions 2011

Plates-formes d’accueil des demandeurs d'asile

5 280 000

3 000 000

-

-

Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA)

192 800 000

195 600 000

202 635 000

199 000 000

Hébergement d'urgence

35 300 000

30 000 000

30 000 000

40 000 000

Allocation temporaire d’attente (ATA)

28 040 000

30 000 000

53 000 000

54 000 000

Total accueil des demandeurs d'asile

261 420 000

258 600 000

285 635 000

293 000 000

 

 

 

   

Centres provisoires d’hébergement (CPH)

12 300 000

12 000 000

12 700 000

12 500 000

Total accueil des réfugiés

12 300 000

12 000 000

12 700 000

12 500 000

 

 

 

   

TOTAL

273 720 000

270 600 000

298 335 000

305 500 000

Evolution des crédits relatifs à l’accueil et la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés depuis 2008 (hors subvention à l'OFPRA), source MAEE

Par ailleurs, les directives du CAD aux donateurs précisent que seul peut être comptabilisé le coût imputé aux étudiants issus de pays en développement venus poursuivre leurs études dans le pays donateur dans des domaines liés au développement puis retournant dans leur pays, à la condition que « la présence des étudiants reflète la mise en oeuvre par le pays d’accueil d’une politique délibérée de coopération pour le développement. » (38)

Notre pays s’était heureusement rendu pour partie aux arguments de CAD qui lors de sa revue de 2008 l’avait appelé à identifier « plus précisément les bénéficiaires, pour ne retenir dans la comptabilisation en APD que ceux qui répondent effectivement aux critères d’éligibilité » (39), dans la mesure où les coûts retenus étaient jusqu’alors répertoriées « pour tous les étudiants provenant d’un pays en développement, qu’ils retournent ou non dans leur pays d’origine à la suite de leurs études et quelles que soient les disciplines étudiées. » Comme certaines études le relevaient en parallèle, « l’importance de cet agrégat statistique dans l’APD française est d’autant plus problématique que très peu de pays comptabilisent l’écolage dans leur APD. Parmi eux, la France et l’Allemagne représentent à elles seules 90 % des dépenses d’écolage notifiées par les membres du CAD en 2004. » (40) A titre de comparaison, ni le Royaume-Uni ni le Luxembourg n’intègrent les frais d’écolage, ni d’ailleurs les dépenses relatives à l’accueil des réfugiés, dans le calcul de leur APD. 

De fait, les frais d’écolage qui équivalaient à 14 % de l’APD totale, hors allègements de dette en 2007, ne représentaient plus que 9 % en 2008. Pour autant, la tendance s’inversait de nouveau déjà en 2009 et votre Rapporteure ne peut qu’en être préoccupée, comme elle l’a toujours manifesté. Cela traduit une fois de plus que notre APD ne tient pas totalement compte des remarques qui lui sont faites, et continue de procéder à des présentations statistiques qui gonflent artificiellement ses déclarations, dans une forte mesure.

Sans revenir sur les analyses auxquelles elle s’est livrée les années précédentes, votre Rapporteure rappellera aussi que, à cela s’ajoute le fait que, à la différence, encore une fois, de nombre d’autres bailleurs importants, notre pays inclut dans ses déclarations d’APD des dépenses qui n’ont que peu d’incidence sur le développement. Ainsi, les annulations de dettes représenteront-elles l’an prochain encore plus de 1 000Md€, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

 

Montants annulés

Montants déclarés en APD

Indemnisation Natixis


Prog. 114

Indemnisation AFD (1)

Transport au découvert du Trésor

Prg. 851 et 852

COFACE

TOTAL

Annulations Club de Paris dont PPTE

Annulations Club de Paris dont hors PPTE

dont annulations bilatérales

Total

2009

0,00

120,36

259,95

245,84

626,15

961,42

28,76

33,69

1 023,88

En %

0,00%

19,22%

41,52%

39,26%

100%

93,90%

2,81%

3,29%

100%

2010
(prévision)

-

123,53

579,55

550,96

1 254,04

1 205,37

45,59

17,72

1 268,67

En %

0,00%

9,85%

46,21%

43,93%

100%

95,01%

3,59%

1,40%

100%

2011
(prévision)

-

69,86

585,93

435,69

1 091,48

837,30

148,38

15,17

1 000,85

En %

0,00%

6,40%

53,68%

39,92%

100%

83,66%

14,83%

1,52%

100%

 

(1) Crédits inscrits au sein de l'action Traitement de la dette des pays pauvres du programme 110.

 

L’effort réel de notre pays est en réalité bien moindre, comme ne cessent de le soutenir les ONG. De ce fait, la sincérité de l’effort de la France et la crédibilité de sa politique sont sujettes à caution.

En l’état, il ne semble pas que l’évolution tendancielle de notre APD, telle qu’elle était esquissée dans le Livre blanc en 2008, et résumée dans le tableau reproduit ci-dessous, puisse être inversée. D’une manière ou d’une autre, il conviendra un moment donné de l’assumer devant la communauté internationale.

(41)

Evolution spontanée de l’effort d’APD à effort budgétaire constant

(Prévisions à horizon 2015)

B – Les crédits de l’aide économique et financière au développement : le programme 110

1) Données générales

Ce programme reste toujours très important au sein de la mission puisqu’il en représente environ un tiers des crédits. Il est tout d’abord nécessaire de relever les changements importants qui interviennent dans la structure des dépenses de ce programme, au niveau des AE. En effet, comme le montre le diagramme ci-après, la part du multilatéral, action n° 1, croît considérablement et celle de l’aide économique et financière bilatérale, action n° 2, diminue fortement. Comme on le verra plus loin, en revanche, en volume, les crédits consacrés à celle-ci augmentent.

Autorisations d’engagement

PLF 2010

PLF 2011

Action n° 1 (aide économique et financière multilatérale) : 39,56 %

Action n° 1 (aide économique et financière multilatérale) : 65,82 %

Action n° 2 (aide économique et financière bilatérale) : 52,54 %

Action n° 2 (aide économique et financière bilatérale): 18, 85%

Action n° 3 (traitement de la dette des pays pauvres) : 7,89 %

Action n° 3 (traitement de la dette des pays pauvres): 15, 33 %

Les autorisations d’engagement augmentent considérablement au sein de ce programme, compte tenu notamment de la reconstitution de l’AID, guichet concessionnel de la Banque mondiale.

Les crédits de paiement demandés restent d’une manière générale stables, en diminution globale de 1,3 % passant de 1,186,8Md€ en 2010 à 1,171,1Md€ en 2011. L’action n° 3, traitement de la dette, subit la diminution la plus importante, - 34,5 %, passant de 173M€ à 113,3M€. La répartition interne des trois actions en CP reste néanmoins globalement stable, puisque 60,2 % des CP du programme sont réservés à l’action n°1, aide économique et financière multilatérale, contre 58,5 % l’an dernier ; 30,1 % pour l’action n°2 contre 26,9 % en 2010. C’est la part de l’action n° 3, « traitement de la dette des pays pauvres », qui connaît la diminution la plus importante, 9,7 % de CP lui seront attribués contre 14,6 % l’année dernière. En d’autres termes, il faut souligner la stabilité en CP constatée malgré la baisse de la part des annulations de dettes.

2) Les crédits de l’action n° 1 : « Aide économique et financière multilatérale »

L’action n° 1 est celle par laquelle la France met en œuvre une aide économique et financière aux pays en développement via sa participation aux banques et aux fonds de développement. Les composantes de la dépense varient peu d’une année sur l’autre. C’est la participation de notre pays à la Banque mondiale et au FMI qui emporte l’essentiel de la dépense. 447,6M€ de CP y seront consacrés l’an prochain, contre 446M€ en 2010. Il faut préciser à ce titre que l’AID, (Association internationale de développement), guichet concessionnel de la Banque mondiale, reçoit 35 % des crédits du programme, et près des deux tiers de ses crédits multilatéraux.

Eléments transversaux du programme (42)

Les CP demandés cette année correspondent en grande partie à la dernière échéance de la reconstitution de l’AID15 pour laquelle les AE avaient été demandées en 2008. Interviennent également, de manière modeste, les crédits destinés au coût de la bonification que l’Etat verse à l’AFD dans le cadre du prêt concessionnel de 1Md$ de l’agence au FMI, décidé en 2009.

Dans la mesure où les négociations pour la 16e reconstitution de l’AID seront finalisées en décembre prochain, dans l’ensemble des AE qui sont demandées sur cette action, 1,224Md€ sont destinés à assurer la contribution de la France sur les années 2012-2014.

Le deuxième poste important des CP concerne les banques régionales de développement. 160M€ sont demandés à ce titre, destinés au Fonds africain de développement, de même que près de 25M€ pour le Fonds asiatique de développement. Les autres postes, fonds multilatéral d’investissement et Banque interaméricaine de développement, sont marginaux. En revanche, les AE demandées, 405,5M€, seront également consacrées aux diverses reconstitutions : la négociation de celle du FAD porte sur la période 2011-2013 et requerra 396M€ pour couvrir la totalité de notre engagement.

L’action n° 1 porte enfin sur les contributions de la France à divers fonds sectoriels. Elle remarque que les CP demandés pour ces fonds sont en légère baisse par rapport à ce qui était prévu en 2010 : 103,4M€ étaient demandés l’an dernier contre 97,3M€ cette année. Pour l’essentiel, les dépenses sont destinées à l’IFFIm, (Facilité internationale de financement pour la vaccination), dont la France est le deuxième contributeur derrière le Royaume-Uni. Votre Rapporteure ne reviendra pas sur les commentaires qu’elle a eu l’occasion de formuler avec d’autres de ses collègues, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, sur notre participation aux fonds nucléaires qui n’ont rien à faire dans cette mission en ce qu’ils ne concernent en rien, quoi qu’en dise le gouvernement, l’APD.

Divers autres fonds sont concernés : l’initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural en Afrique, le Fonds pour l’environnement mondial, FEM, le Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal, d’autres encore pour le soutien au secteur privé et l’aide au commerce, notamment, ainsi que pour le FIDA, Fonds international pour le développement agricole, pour lequel sont prévus 11,7M€ de CP.

3) L’« aide économique et financière bilatérale » : l’action n° 2

Les crédits, tant en AE qu’en CP prévus à cette action sont en hausse sensible par rapport à 2010. 343,9M€ étaient demandés en AE en 2010 contre 470,2M€ cette année et 319,5M€ en CP contre 352,9M€ pour 2011.

Une grande partie des montants affectés à l’aide économique et financière bilatérale est mise en œuvre par l’AFD. A ce titre, les CP sont en hausse sensible, de 272M€ à 302,2M€ et les AE de 345M€ à 437,1M€. 167M€ de CP sont prévus au titre de diverses bonifications d’intérêts des prêts de l’AFD dans les pays étrangers qui permettent d’abaisser les taux d’intérêt de la ressources financière proposé par l’AFD aux bénéficiaires publics. Ces montants permettront de mettre en œuvre des engagements de l’AFD antérieurs à 2009 et les AE prévus à ce titre (225M€) serviront à honorer les engagements contenus dans le plan d’affaires 2010-2011 de l’AFD. Les bonifications pour l’initiative de lutte contre le changement climatique répondent à un engagement de la France à créer des fonds d’investissement pour le climat, administrés par la Banque mondiale, les CP demandés pour 2011 sont de 8M€.

La reconstitution du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), instrument bilatéral majeur de coopération pour lutter contre le changement climatique, couvrant la période 2011-2014 s’élève à 95M€, il est donc demandé 50M€ en AE et 16,6M€ en CP.

Enfin, les aides budgétaires globales (ABG) permettent d’apporter un soutien aux stratégies nationales de lutte contre la pauvreté et/ou à la stabilisation macroéconomique et à l’amélioration de la gestion des finances publiques et sont destinées, conformément aux priorités françaises, aux pays d’Afrique subsaharienne et en particulier aux pays de la zone franc. L’augmentation très importante des demandes en AE qui passent de 66M€ à 162,1 M€ s’explique par la concentration des ABG sur le programme 110, les CP augmentent de 19,5M€ passant de 66M€ à 85,5M€. Il est à noter que cette demande intègre les 20 M€ à destination de Haïti conformément aux engagements du Président de la République.

Les demandes concernant les opérations de coopération technique et d’ingénierie mises en œuvre par différents opérateurs et programmes s’élèvent à 23,3 € en AE et 40,9M€ en CP. Une grande partie des CP (35M€) sont destinés à financer FASEP-études qui permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement, de prestations d’assistance technique ou encore de coopération institutionnelle. Le renforcement des capacités commerciales des pays en développement reçoit 1,5M€ en CP contre 5M€ l’année dernière et le GIP ADETEF 4,3M€ sans changement par rapport à 2010.

4) Le traitement de la dette des pays pauvres, action n° 3

Deux types de dettes sont concernées ici, bilatérales et multilatérales.

Les montants inscrits sont destinés en premier lieu à l’indemnisation de l’AFD dans le cadre des « contrats de désendettement et de développement (C2D) ». Les CP pour 2011 diminuent de 42,1 % et s’élèvent ainsi pour cette année à 69,6 M€. Aucune AE n’est sollicitée, l’intégralité des indemnisations ayant été inscrites dans le cadre du budget pour 2009 à hauteur de 637,3M€.

Les annulations multilatérales interviennent essentiellement via l’initiative Pays Pauvres Très Endettés dont la France, qui assure aussi la présidence du Club de Paris, est le premier contributeur. Les compensations de la dette multilatérale sont stables en CP avec 43,75M€. La demande d’AE est cette année de 382,3M€ qui correspondent pour 265,84M€ à une réaffirmation d’engagement de la France auprès de la Banque mondiale, sur la période 2017-2021. En revanche, la compensation des annulations des PPTE envers le Fonds africain de développement est stable par rapport à 2010 (AE= 11,46 M€ et CP=12,7 M€).

C – Les crédits du programme 209 : Solidarité à l’égard des pays en développement

1) Données générales

Ainsi que votre Rapporteure a eu l’occasion de le détailler plus haut, le programme 209 a été l’objet d’un profond remaniement structurel. Il est désormais organisé autour de quatre actions, dont les intitulés ont parfois été modifiés, contre cinq précédemment : l’action n° 2 « coopération bilatérale », au libellé modifié ; l’action n° 5 « coopération multilatérale » ; l’action n° 7 « coopération communautaire », nouvelle ; et enfin l’action n° 8, qui rassemble les dépenses de personnel concourant au programme 209. Seuls les contours de la mission s’en trouvent modifiés, comme votre Rapporteure l’a commenté. La présentation du PLF 2011 tient heureusement compte du changement de maquette et présente une reconstruction a posteriori des crédits engagés en 2010 selon les nouvelles dispositions afin de permettre les comparaisons.

Comme il a été indiqué, certains crédits ont de ce fait été transférés au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence ». Cela représente un total de 162M€, soit quelque 159 M€ dans les domaines de la culture et du français, de l’enseignement supérieur, de la recherche et des « enjeux globaux » auxquels s’ajoutent 7,6M€ de crédits de fonctionnement pour « l’animation et l’appui général au réseau ». Naturellement, le montant global des crédits déclarés au titre de l’APD ne sera pas affecté par ces changements.

Présentation des crédits par titre et catégorie (43)

Il apparaît ainsi que, sur un plan général, les demandes d’AE diminuent de 5,6 % pour s’élever en 2011, à 2,054Mds€, contre 2,176Mds€ en 2010. Inversement, les demandes de CP, tous titres confondus, sont en très légère hausse, qui passent de 2,120Mds€ à 2,135Mds€.

Surtout, on peut relever que les crédits d’intervention, à maquette constante, sont en diminution nette, les demandes d’AE passant de 1,891Md€ en 2010 à 1,795Md€ en 2011. Il en est de même pour les demandes de CP, quoi que dans une moindre mesure : 1,875Md€ en 2011 contre 1,883 en 2010. Les dépenses du titre 3, (fonctionnement), sont très en forte hausse en CP pour 2010.

Les AE de l’action n° 7 « coopération communautaire » et de l’action n° 6 « dépenses de personnel » sont en diminution, respectivement de 7,8 % et de 3,04 %. L’action n° 5 « coopération multilatérale » voit ses crédits diminuer significativement, de 21,8 %.

Présentation du programme et des actions (44)

2) La coopération bilatérale : les crédits de l’action n° 2

L’action n° 2 qui représentait une part modeste de ce programme jusqu’à l’an dernier, de 5,3 % des crédits, prend avec le changement de maquette une bien plus grande importance, puisqu’elle en occupe désormais près du tiers des crédits en AE.

L’action n° 2 bénéficie d’une augmentation substantielle de 12,5 % passant de 547,3M€ à 615,7M€, à maquette constante. Comme indiqué, cette action regroupe désormais l’ensemble de la coopération bilatérale mise en œuvre par le MAEE en matière de développement telle que définie par le CICID en juin 2009, en santé, éducation, infrastructures de base, accès aux ressources naturelles, formation professionnelle. Un axe fort porte sur les mesures en faveur de la gouvernance, priorité de la coopération française, qui constitue la première des deux sous-actions.

A ce titre, 22,8M€ (AE=CP) sont destinés à la rémunération de l’AFD. Les autres dépenses d’intervention en matière de gouvernance se montent à 18,7M€ (AE=CP) et concernent essentiellement des bourses et « autres moyens bilatéraux d’influence », à hauteur respectivement de 7,4M€ et 7,2M€.

Ce sont toutefois les « transferts aux autres collectivités » qui mobilisent l’essentiel des crédits de cette action. L’ensemble des dons projets, via l’AFD, le FSP et les ONG, se voit gratifié de 311,8M€ en AE et de 389,3M€ en CP. Ces dotations représentent pour votre Rapporteure une très bonne nouvelle. Si l’on compare avec le PLF, dans lequel les AE et CP en dons projets représentaient respectivement 289M€ et 327,7M€, ces augmentations sont de 7,9 % et de 18,8 %. Elles confirment donc la tendance qui se dessinait l’an dernier, comme en témoigne le tableau ci-dessous. Il y a donc tout lieu, a priori, de se féliciter de cette progression, de nature à améliorer la visibilité de notre aide sur le terrain.

 

PLF 2008

PLF 2009

PLF 2010

PLF 2011

AE

418,4

233,4

289,0

311,8

CP

319,2

299,1

327,7

389,3

Evolution des crédits en dons depuis 2008, en millions d’euros (45)

Toutefois, votre Rapporteure doit relever deux éléments. En premier lieu, à l’heure actuelle, selon les informations qui lui ont été communiquées, les arbitrages entre l'AFD et le FSP ne sont toujours pas rendus. Ensuite, la clarté des informations communiquées dans les documents budgétaires est sur ce plan chaque année moins bonne. Le projet annuel de performances relatif au PLF de 2008 distinguait les dons projets de l'AFD, le FSP et les ONG ; celui pour 2009 ne distinguait déjà plus que les « dons projets AFD + FSP » d’une part et les ONG d’autre part ; l’année dernière, les informations relatives aux ONG avaient disparu ; le PLF 2011 se contente d’une ligne « Dons projets AFD, FSP, ONG » sans plus de détail ni d’explication ultérieure.

Il est encore prématuré de tirer des conclusions définitives sur la traduction concrète de cette augmentation et votre Rapporteure ne peut indiquer la part de chacun.

La seule précision d’importance concerne le fait que 75M€ seront affectés à des projets répondant l’engagement du Président de la République formulé à Muskoka en matière de réduction de la mortalité infantile et d’amélioration de la santé maternelle, dans le cadre des OMD 4 et 5. Selon les informations qui ont été communiqués dernièrement à votre Rapporteure, ces financements ne seraient finalement pas additionnels. Il conviendra de préciser ce point.

Coopération hors gouvernance en 2011 (46)

La zone Afghanistan-Pakistan, « AFPAK », se voit de nouveau pourvue d’un crédit de 20M€ en AE et de 15M€ en CP, comme l’an dernier, destinés notamment à la poursuite des programmes de développement agricole et rural engagés antérieurement. Haïti reçoit une enveloppe équivalente à celle définie en loi de finances rectificative en 2010, soit 30M€ en AE et 20M€ de CP, pour des interventions en matière sanitaire ou d’aménagement urbain menés notamment par l'AFD. Les contrats de C2D sont abondés à hauteur de 78,32M€ (AE=CP), à peine moins qu’en 2010, où 80M€ avaient été inscrits. Les crédits destinés au volontariat international restent dans les mêmes ordres de grandeur : 21,6M€ en AE et CP, contre 20,5 l’an dernier, tandis que la coopération décentralisée reçoit 9,83M€ au lieu de 7,2M€ en 2010. Les charges induites par le GIP ESTHER et le GIP ENA, groupement d’intérêt public pour l’éducation numérique en Afrique, se montent respectivement à 3,6M€ et 10M€ en AE et à 10,7M€ et 6,7M€ en CP. Ces crédits couvrent les subventions pour charges de service public de ces deux groupements d’intérêt public qui interviennent le premier, dans le secteur santé, le second en faveur de l’éducation numérique en Afrique.

Les opérations au titre de l’urgence et de l’action humanitaire relevaient de l’action n° 6 l’an dernier. Elles sont dotées de 8,9M€ (AE=CP) pour la première, identiques à 2010, ce qui correspond aux crédits nécessaires au fonctionnement du centre de crise du MAEE. 37,1M€ (AE=CP) sont demandés au titre de l’aide alimentaire, soit un montant identique à celui de 2010, les besoins restant à des niveaux élevés. 52M€ et 35M€ avaient été engagés en 2008 et 209 à ce titre. 

Enfin, 25M€ (AE=CP) sont destinés à l’aide budgétaire post conflit et sortie de crise, soit les mêmes sommes qu’en 2010.

3) La coopération multilatérale : l’action n° 5

Dans la lignée des commentaires que votre Rapporteure a formulés sur le déséquilibre de nos contributions internationales, on ne s’étonnera pas de constater que les crédits de la coopération multilatérale soient orientés à la baisse. Il convient naturellement de rappeler que l’action n° 5 de l’an dernier a été divisée en deux pour permettre de mieux faire apparaître l’effort en faveur de la coopération européenne. De telle sorte que ne ressortissent plus de l’action n° 5 que les contributions au système des Nations Unies, à la francophonie ainsi qu’à certains fonds, dont le Fonds mondial sida en premier lieu.

Cette année, comme les précédentes, les crédits à destination de l’ONU diminuent fortement : les demandes d’AE et de CP sont de 48,9M€, à peine, contre 56,1M€ l’an dernier, avec les conséquences que votre Rapporteure a regretté sur notre visibilité et notre influence. Ce sont 7,27M€ en moins soit une baisse de 12,9 % d’une année sur l’autre. Votre Rapporteure ne reviendra pas sur les comparaisons internationales qu’elle a détaillées plus haut.

En ce qui concerne la francophonie, cette action assume désormais plusieurs charges. D’une part, le loyer de la Maison de la francophonie à Paris, pour lequel sont crédités cette année 5,2M€ en AE et CP. La contribution à l’OIF est cette année légèrement supérieure à celle de 2010 : 56M€ (AE=CP) contre 52,9M€. On notera que, à l’instar de ce qui se passe pour le système onusien, la part des contributions volontaires que verse la France à l’OIF est fortement en baisse : 16M€ en AE et CP contre 18,1M€ en 2010. On peut s’interroger sur la cohérence de nos politiques qui prétendent défendre le français en réduisant les crédits consacrés à sa promotion.

Le Fonds mondial sida est de loin le mieux doté des fonds verticaux. 300M€ continuent d’être programmés, en AE et en CP, l’augmentation de notre effort annoncée par le Président Sarkozy étant encore objet d’arbitrages non rendus à l’heure où votre Rapporteure remet ce rapport. Le PLF indique toutefois que la taxe sur les billets d’avion pourrait être mise à contribution, comme il a été indiqué plus haut, sans que l’on en sache plus à ce jour sur le sens des arbitrages.

Les crédits pour le programme « JEA – Fonds fiduciaire », permettant au MAEE de renforcer l’expertise française auprès des organisations internationales, Nations Unies, Banque mondiale, délégations de la commission européenne, se voit crédité de 7,86M€ en 2011, en AE et CP, soit une baisse de 1M€ par rapport à l’an dernier. Sachant l’importance du positionnement de l’expertise nationale au sein des organismes internationaux, votre Rapporteure ne peut que regretter cette diminution de crédits qu’il faudrait à son avis au contraire augmenter.

Enfin, l’initiative « éducation pour tous » est dotée de 16,7M€ en 2011, uniquement en CP, 50M€ ayant été ouverts en AE en 2010.

4) Les crédits de la coopération communautaire inscrits à l’action n° 7

Cette action est nouvelle dans le programme et résulte de la division de l’action n° 5 telle qu’elle existait jusqu’en 2010, qui incluait toutes les contributions multilatérales et européennes. Elle répond à la nécessité de renforcer la dimension européenne de notre politique d’aide, décidée en CICID.

804M€ sont inscrits en AE et CP pour le financement de notre contribution au système européen de coopération, contre 872M€ en 2010, répondant à l’évolution de notre clef de répartition et au passage au 10e FED.

Evolution des contributions au FED (47)

5) Les dépenses de personnel, action n° 8

Cette rubrique distingue les dépenses de personnel du programme qui étaient jusqu’alors réparties entre les différences actions.

221,4M€ sont demandés contre 228,3M€ en 2010 dont 184M€ de rémunérations d’activité contre 186,2M€ l’an dernier. Les ETP continuent de diminuer : le plafond autorisé était de 2 789 ETP en 2009, de 2 667 en 2010. Il n’est plus que de 2517 en 2011, soit une baisse de 150. Ces personnels correspondent au périmètre de l’ancienne maquette et regroupent des personnels de différentes directions de la DGM ainsi que les personnels travaillant dans les pays éligibles à l'APD soient les 112 SCAC et les 85 établissements culturels.

C – Le développement solidaire et les migrations : les crédits du programme 301

1) Considérations générales

La feuille de route du programme « Développement solidaire et migrations », mis en oeuvre par le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, n’a pas changé depuis le dernier PLF. Les objectifs fixés dans la lettre de mission du Président de la République et du Premier ministre adressée au ministre le 31 mars 2009 dont l’objectif est d’aboutir à une approche globale de l’immigration en associant les pays d’origine. Dans cette perspective, le programme 301 d’une part promeut « le codéveloppement, entendu comme toute action d’aide au développement à laquelle participent des migrants vivant en France quelles que soient la nature et les modalités de cette contribution » et d’autre part « les actions sectorielles d’aide au développement dans les régions des pays d’origine de forte émigration vers la France, permettant de contribuer à la maîtrise des flux migratoires. »

Le programme reste divisé en trois actions ; l’action n° 1 « aides multilatérales de développement solidaire », l’action n° 2 « aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine » et enfin l’action n° 3 « autres actions bilatérales de développement solidaire », sans changement par conséquent, par rapport à l’année dernière. Il est tourné en direction de 32 pays prioritaires (48), et s’articule autour de cinq axes : le développement local des régions de forte migration, la promotion de l’investissement productif, la mobilisation des diasporas, le soutien à des initiatives de la jeunesse et enfin les transferts de fonds de migrants.

Présentation des crédits par titre et catégorie (49)

Les opérateurs de ce programme sont l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), chargé de la mise en œuvre des projets de développement avec ses agences locales ou régionales et l’aide à la réinstallation, l’AFD et enfin les préfets qui permettent d’identifier et d’informer les associations de migrants. Le ministère s’appuie également sur des groupements d’intérêt public, sur les acteurs associatifs, les ONG et les collectivités locales.

A structure identique à celle de l’année dernière, la répartition des crédits privilégie toujours l’action n° 3, dotée de 91,7 % des AE totales demandées, soit 25,5M€ sur 30, stables par rapport à celles de l’an dernier (90,6 %). Comme l’an dernier aussi, l’action n° 2 reçoit le reliquat, 8,3 %, en revanche, pour l’action n°1 aucune demande d’AE n’est effectuée.

2) Les crédits des trois actions du programme

Comparativement aux crédits demandés pour 2010, le projet de budget pour 2011 connaît de légères modifications. Les AE augmentent de plus de 3,5M€, passant ainsi de 26,3M€ à 30M€, en revanche les CP subissent une diminution de 13,8 %.

Présentation par action des crédits demandés (50)

L’action n°1, « aide multilatérale de développement solidaire » se déroule dans le cadre d’un accord signé le 23 octobre 2009, entre la France et la Banque africaine de développement, le Fonds africain de développement, qui crée un fonds multi-donateurs pour l’initiative « Migrations et Développement ». La France s’est engagée à participer à la constitution de ce fonds à hauteur de 6M€. Pour l’année 2011 aucune demande d’AE n’est formulée mais 2M€ de CP seront versés et permettront de solder les 6M€ engagés en 2008.

Pour l’action n°2, « aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine », les demandes en AE et CP sont de 2,5M€, soit inférieures à celles demandées en 2010, 3,5 M€. Il s’agit de financer, via l’OFII, la réalisation de projets économiques, de leur conception à leur suivi, présentés par des migrants désirant retourner vivre dans leur pays d’origine après un séjour en France.

Enfin, les « autres actions bilatérales de développement solidaire », regroupées au sein de l’action n°3, se concentrent exclusivement sur les pays prioritaires et repose le plus souvent sur les treize (51) accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires signés jusqu’à aujourd'hui. Le PLF 2011 demande 24M€ en AE et 22,3M€ en CP pour la mise en œuvre de ces accords et donc le renforcement de la politique de développement solidaire. Parallèlement, une enveloppe de 3,5M€ en AE et 3,2M€ en CP viendra compléter ce dispositif et contribuera au renforcement des projets de coopération décentralisée, des ONG et des organisations issues de l’immigration. Ainsi, se seront 27,5M€ en AE et 25,5M€ en CP qui sont demandés pour 2011, contre respectivement 24 M€ et 29,5M€.

CONCLUSION

Votre Rapporteure a souhaité inscrire son analyse des crédits que notre pays consacrera l’an prochain à la politique d’APD dans le contexte actuel, qui est aujourd'hui fortement conditionné par les contraintes budgétaires que connaissent tous les pays développés. La nécessité de réduire les déficits publics hypothèque les possibilités d’effort en faveur de l’aide publique. L’exemple français est à cet égard particulièrement parlant des variations possibles entre les engagements annoncés sur la scène internationale et vis-à-vis de nos pairs et leur traduction concrète.

Pour autant, on ne doit pas oublier que l’aide de la France, malgré ses faiblesses et sa complexité qui nuit indubitablement à sa lisibilité et à son efficacité reste l’une des plus élevées au monde. C’est tout à l’honneur de notre pays que de maintenir cet effort, le deuxième mondial en volume, dans les circonstances actuelles. A preuve de l’engagement et des préoccupations indéfectible de notre pays en faveur du développement, votre Rapporteure tient aussi à rappeler le rôle pilote de notre pays sur la réflexion internationale pour développer les financements innovants.

Malgré les quelques réserves qu’elle a tenues à exprimer, et les conditions dans lesquelles elle a dû effectuer son analyse, votre Rapporteure vous invite à approuver les crédits de la mission aide au développement, saluant en autres aspects, l’augmentation des crédits consacrés à l’aide projet.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, Mme Anne-Marie Idrac, au cours de sa séance du mardi 2 novembre 2010.

M. le président Jérôme Cahuzac. La Commission des finances et la Commission des affaires étrangères sont réunies en commission élargie, madame la ministre, afin de vous entendre sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2011, à la mission « Aide publique au développement ».

Nous entendrons d’abord les rapporteurs de nos deux commissions : M. Emmanuelli, rapporteur spécial, et Mme Martinez, rapporteure pour avis. Puis, après que vous leur aurez apporté les précisions demandées, les députés qui le souhaitent pourront vous interroger à leur tour.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, de votre présence parmi nous pour l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Un problème inédit, assez sérieux, se pose cette année : nous n'avons toujours pas reçu l’ensemble des documents budgétaires permettant à la représentation nationale d'examiner comme elle le devrait la politique du Gouvernement. Cela me semble d’autant plus regrettable que cette politique est de celles qui sont observées avec grande attention depuis l'étranger, par les pays bénéficiaires comme par les autres pays donateurs. Compte tenu de nos engagements internationaux, la question de savoir si nous sommes ou non résolument engagés dans la voie d'une aide au développement représentant 0,7 % de notre revenu national brut est importante. Où en sommes-nous à ce jour au regard des prévisions de l'année dernière, qui tablaient sur un taux d’aide publique au développement compris entre 0,44 % et 0,48 % de notre revenu national brut ?

La question est importante parce que le Président de la République a fait des annonces remarquées cette année. Lors du sommet du G8 à Muskoka en juin, il a indiqué que la France ferait un effort supplémentaire de 500 millions d’euros en faveur de la santé maternelle et infantile entre 2011 et 2015.

M. Jean Glavany. Où les prend-on ?

M. le président Axel Poniatowski. Puis, en septembre, lors du sommet sur les objectifs du millénaire pour le développement, il a annoncé une augmentation de 20 % de notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida au cours des trois prochaines années, ce qui portera notre effort à 1,4 milliard de dollars.

Le sujet est important, aussi, car d’autres pays – le Royaume-Uni particulièrement – font en sorte, malgré un contexte économique difficile, de maintenir et même augmenter leur effort budgétaire en faveur de l’aide publique au développement.

Pour ces raisons, j’aimerais savoir, madame la ministre, comment la France aborde cette question et comment elle prévoit de traduire son engagement international dans ses prévisions budgétaires. Je ne doute pas que vous nous donnerez en outre des précisions sur l'architecture et les dispositions globales du budget de cette mission pour l'an prochain.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial pour la mission « Aide publique au développement ». Votre présence nous est d’autant plus précieuse, madame la ministre, que ni M. Kouchner ni M. Besson ne sont là. Quant au secrétariat d'État à la coopération et à francophonie, il s’est perdu corps et bien, M. Joyandet n’ayant pas été remplacé. Dans ce contexte, vous avez beaucoup de mérite, Madame, à laisser un instant de côté le commerce extérieur pour vous pencher sur les heurs et malheurs de l’aide publique au développement. Je déplore l’absence des deux ministres – dont j’ai du mal à croire que, écrasante soit leur charge de travail, ils n’aient pu, en six mois, trouver les deux heures nécessaires pour répondre à nos questions. Je la regrette d’autant plus que nous sommes confrontés cette année à un phénomène inédit : pour la première fois, nous n’avons pas reçu les documents nécessaires à l’examen de ce programme. Le Parlement n’est donc pas complètement informé. En particulier, nous ne disposons toujours pas du document de politique transversale, annexe principale en ce qui concerne l’aide publique au développement, puisque c’est là que figurent les pourcentages et montants en valeur absolue. Seule cette annexe nous permettrait d’apprécier où l’on en est par rapport à l’objectif de consacrer 0,7% du revenu national brut à l’aide publique au développement.

À titre personnel, je pense que, même si cela n’est pas dit, cet objectif n’en est plus un pour le Gouvernement . Comment interpréter autrement le document de programmation annuelle ? Sa lecture montre que le montant de l’aide publique au développement est constant jusqu’à la fin 2013. Il aurait fallu l’augmenter notablement pour arriver à 0,5% du revenu national brut, et je suppose que ce ne sera pas le cas. Je sais que le contexte budgétaire est défavorable, mais je constate, comme le président de la Commission des affaires étrangères, que d’autres pays, tel le Royaume-Uni, maintiennent leur effort.

Par ailleurs, nous n’avons aucune information sur la répartition des crédits alloués à l’Agence française de développement pour l’aide aux projets. Cette information, qui figure habituellement dans le bleu budgétaire, ne nous est jamais parvenue en dépit de mes demandes réitérées et de promesses non moins répétées. Nous avons seulement connaissance d’une dotation globale, qui concerne en bloc le Fonds de solidarité prioritaire, l’aide-projet de l’Agence française de développement et l’aide déléguée aux ONG. Ce montant global est en augmentation, et je m’en félicite car j’ai déploré sa faiblesse les années passées. Mais j’observe qu’un important retard doit être rattrapé : la crise des crédits de paiement de 2009 n’a pas été compensée, et pour le faire, il faudrait renoncer à tout nouveau projet pendant un an. Selon le directeur général de l’Agence française de développement, les arbitrages ne sont toujours pas faits. Or, la ventilation de ces crédits est d’autant moins anodine que le Fonds de solidarité prioritaire et l’Agence française de développement soutiennent des secteurs distincts : le premier s’attache à la gouvernance, la seconde aux questions d’agriculture, d’éducation, de santé et d’eau. Telles sont les informations qui ne nous ont pas été fournies.

Notre commission n’a pas davantage reçu copie de la version définitive du document cadre de coopération au développement adopté le 15 octobre dernier. La version provisoire de ce document définissait une politique de développement visant quatre objectifs complémentaires : dans l’ordre, la préservation de la stabilité et de la sécurité ; la croissance partagée durable ; la lutte contre la pauvreté et les inégalités ; et enfin la préservation des biens publics mondiaux. Dans la version finale, la préservation de la stabilité et de la sécurité figure-t-elle toujours comme objectif premier de l’aide publique au développement? Cela me paraîtrait assez préoccupant : la priorité absolue de l’aide publique au développement n’est-elle pas la lutte contre la pauvreté ?

J’en viens aux annulations de dette, comptabilisées dans l’aide publique au développement pour lui donner un niveau plus convenable - de la sorte, de 1 à 2 milliards par an viennent gonfler le volume de l’aide publique au développement depuis une dizaine d’années. Mais l’initiative « Pays pauvres très endettés » va venir à son terme. Pendant combien d’années encore le volume de l’aide publique au développement sera-t-il maintenu par les annulations de dette ? Comment seront-elles compensées par la suite ? Le Gouvernement y songe-t-il ? Je dois dire le scepticisme que m’inspirent à ce sujet les financements dits innovants, et particulièrement l’hypothèse d’une taxe sur les transactions financière à l’échelon international. À titre personnel, j’appellerais une telle taxe de mes vœux mais, considérant que les Européens ne parviennent pas à s’entendre à ce sujet, je doute que cette solution voie le jour.

Ma dernière question porte sur l’orientation de l’aide qui, ces dernières années, est allée aux pays émergents. Elle serait mieux utilisée dans les pays les plus pauvres. Je ne mésestime pas l’intérêt qu’il y a pour la France à manifester sa présence en finançant des projets dans les pays émergents, mais il faut réserver les crédits permettant des bonifications de prêts aux pays qui en ont le plus besoin. L’aide publique au développement de la France n’est pas à la hauteur de ce qui serait nécessaire. L’Afrique, connaissant une explosion démographique, comptera sous peu 1,3 milliard d’habitants – un chiffre bien peu apparent dans les documents budgétaires relatifs à l’aide publique au développement – au moment même où l’on constate le reflux de notre présence. Pour moi, c’est un choix malencontreux.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la Commission des affaires étrangères pour la mission « Aide publique au développement » Je suis heureuse de saluer Mme Anne-Marie Idrac, toujours fidèle à nos travaux, mais je déplore qu'elle soit la seule représentante du Gouvernement. Que deux ministres sur les trois qui participent à la politique transversale en faveur du développement soient absents cet après-midi est très regrettable même si nous savons que M. Kouchner est retenu au sommet franco-britannique. Outre cela, le non-remplacement de M. Joyandet au secrétariat d'Etat à la coopération, vacant depuis quatre mois, a été préjudiciable à la préparation de nos avis et de ce budget, car nous n’avons pas eu d’interlocuteur. Vous comprendrez que ce cadre provoque quelque inquiétude quant au véritable intérêt politique que suscite l'aide publique au développement. À cela s’ajoute le fait que le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement ne s'est pas réuni depuis bientôt un an et demi, alors qu'il aurait dû être convoqué depuis plusieurs mois pour adopter certains documents stratégiques relatifs au pilotage de notre politique de coopération, et notamment le document-cadre, finalement soumis à une réunion interministérielle.

Enfin, les conditions dans lesquelles j'ai été amenée, comme Henri Emmanuelli, à étudier ce projet de budget, sont difficilement acceptables. D'une part, nous n’avons pas reçu toutes les réponses au questionnaire que nous avons adressé en commun aux administrations concernées, D'autre part, le document de politique transversale n'est toujours pas publié. En d'autres termes, nous allons voter un budget sans disposer de tous les éléments d'analyse, alors que les crédits de la mission « Aide publique au développement », ne représentent qu'une partie de l'effort de notre pays pour le développement. S'il est un budget pour lequel il est indispensable d'avoir une vision globale, c'est bien celui de l'aide au développement, dont je dénonce chaque année l’éparpillement.

M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Ainsi, l'an dernier, l’aide publique au développement concernait 22 programmes, 12 missions et 14 administrations différentes. Je ne saurais dire ce qu’il en est cette année, mais je ne pense pas que cela se soit amélioré. Notre analyse est donc incomplète et la représentation nationale n'est pas en mesure d'effectuer le contrôle qui lui incombe.

Cela dit, dans une conjoncture budgétaire difficile, les crédits du triennat traduisent une stabilité. Il faut la saluer, même si cela ne nous permettra pas de progresser beaucoup vers l’objectif d’une aide publique au développement de 0,7 % de notre revenu national brut, à la différence, notamment, de nos voisins britanniques. Comme le souligne le projet annuel de performance, cela devrait en revanche nous permettre de respecter les engagements financiers pris auprès de plusieurs institutions et fonds multilatéraux, de financer les engagements pris par la France dans plusieurs domaines d'action prioritaires, tels que la santé, la lutte contre le changement climatique et les questions alimentaires.

Toutefois, les chiffres dont nous avons connaissance appellent quelques critiques. J'avais moi-même souhaité un resserrement de nos contributions, trop éparpillées, au bénéfice des organisations internationales et notamment des agences de l'ONU ; je ne critiquerai donc pas celui qui a eu lieu. Néanmoins, j’aurais souhaité qu'il bénéficie aux principales agences dont l'action correspond à nos priorités. Or, nous constatons une diminution draconienne du budget que nous leur allouons, ce qui est préjudiciable à la France : si nous entendons peser sur la stratégie des agences onusiennes, si nous voulons être visibles et influents, nos financements doivent être à la hauteur qui convient. Or, ils ne cessent de se réduire : nos contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations Unies ont diminué de 38 % depuis 2008 et la glissade se poursuit cette année, puisque d’une enveloppe de 56,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2010, on passe à un peu moins de 48,9 millions. C’est une nouvelle baisse de 12,9 % - alors même que, l'an dernier, nous figurions déjà, selon les différentes agences, au mieux au douzième rang et au pire au dix-septième rang des contributeurs.

Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues membres de la mission d'information consacrée à l’équilibre entre multilatéralisme et bilatéralisme dans l’aide au développement, que nos politiques d'aide soient cohérentes ; il y va de l’efficacité de notre effort, essentielle en cette période budgétaire difficile. Je regrette donc que les choix annoncés ne paraissent pas toujours cohérents entre eux, ni avec les orientations stratégiques officielles.

Cela m'amène à souhaiter que la représentation nationale ait davantage l'occasion de donner son avis sur notre politique d'aide au développement. La Commission des affaires étrangères a certes été consultée sur l'élaboration du document cadre de coopération au développement. Mais est-il admissible que le document stratégique sur la politique européenne de développement, qui vient d'être adopté en réunion interministérielle, ait seulement été examiné à ce niveau technique, sans que nous y soyons associés ? Pourtant, nul n’ignore l'importance des crédits consacrés à ce volet, et chacun sait que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne va introduire des changements majeurs dans la conduite de cette politique par l'Union européenne et, par répercussion, dans nos propres politiques d'aide au développement ?

Le document cadre de coopération au développement, le document stratégique sur la politique européenne de développement, la reconstitution du Fonds mondial sida, et celle du Fonds de la Banque mondiale auraient donné matière à un beau débat au Parlement sur la politique de coopération de notre pays – ce débat que nous appelons régulièrement de nos vœux.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. À cette politique, sur laquelle nous n'avons jamais la possibilité de nous exprimer hors du cadre budgétaire, qui ne se prête pas à un débat de fond sur les orientations stratégiques, nous sommes pourtant un certain nombre à nous intéresser, par-delà nos orientations partisanes. Je suis désolée que nous ne soyons pas entendus.

Je voudrais enfin poser quelques questions à Mme Idrac.

Ainsi que l'a annoncé le Président de la République, nous augmenterons cette année de 60 millions d’euros notre contribution annuelle de 300 millions au Fonds mondial sida pour porter notre effort à 1,4 milliard de dollars sur les trois prochaines années. Les documents budgétaires indiquent que cette augmentation pourrait être assumée par la taxe sur les billets d'avion, actuellement réservée à hauteur de 90%, selon le décret de 1998, au financement d'UNITAID. Qu'en est-il exactement ? Les arbitrages sont-ils intervenus ? Je ne peux imaginer que l’on enlève à UNITAID pour donner au Fonds mondial ! En d'autres termes, UNITAID sera-t-il sacrifié ou sanctuarisé ? La première hypothèse me paraîtrait inconcevable compte tenu des remarquables résultats obtenus par cet organisme et de notre attachement à ce financement innovant, décidé à l’initiative de la France.

Parmi les assurances qui m'ont été données, j'ai noté avec plaisir qu'aurait été retenu l'esprit de l'amendement que j'avais proposé l'an dernier, et qui consistait à réserver 5 % de notre cotisation au Fonds mondial à des ONG et à des organisations gouvernementales pour faciliter l'instruction des dossiers. Est-il envisagé d'étendre l'application de cette décision à d'autres organisations internationales que nous finançons ? Pour le Fonds mondial, j’en serais ravie, car sa mise en place est compliquée. Permettre à des ONG de participer à son financement en soutenant des ONG locales et en apportant l’expertise française en matière sanitaire serait souhaitable.

Cela étant, a-t-on prévu de poser des conditions à l'augmentation de notre contribution au Fonds mondial sida et si oui, lesquelles ? Ne serait-il pas opportun d’exiger que la France, un des principaux contributeurs, dispose au minimum d’un siège plein au conseil d’administration du Fonds, au lieu de devoir, comme c’est le cas maintenant, le partager avec l’Espagne ? A-t-on exigé que le Fonds respecte mieux la francophonie dans ses procédures et ses appels d'offres, l’anglophonie dominante gênant les pays d'Afrique francophone ? Enfin, la reconstitution du Fonds a-t-elle été l’occasion de négocier l’indispensable développement de son pilier « renforcement des systèmes de santé », aujourd’hui considéré comme accessoire ? Si l’on veut asseoir des politiques de santé pérennes dans les pays partenaires, il faut renforcer les systèmes nationaux.

J’aimerais aussi savoir si l’idée de la budgétisation du Fonds européen de développement progresse. Elle aurait, entre autres avantages, celui de réduire notre clef de répartition et de nous permettre de récupérer une marge de manœuvre pour notre aide bilatérale, réduite aujourd’hui à un niveau ridicule. Mais, dans ce cas, le ministère a-t-il réfléchi aux mécanismes permettant de sanctuariser les pays ACP, notamment africains, comme bénéficiaires prioritaires des politiques d'aide publique au développement de l'Union européenne ?

Une question encore sur les documents cadre de partenariat dont certains arrivent à échéance fin 2010 et 2011 : est-il envisagé de les prolonger pour finir les programmes en cours, et si oui, avec quels financements? Est-il question d'en élaborer et d’en signer de nouveaux, ou de les supprimer? Je n’ai pas eu de réponses à ce sujet.

Enfin, comme le rapporteur spécial l’a souligné, les documents budgétaires qui nous sont présentés sont de moins en moins détaillés. Ainsi, rien n’est dit cette année de la répartition des subventions entre le Fonds de solidarité prioritaire, l’aide-projet de l’Agence française de développement et l’aide déléguée aux ONG. Qu'en est-il exactement ? Les arbitrages sont-ils intervenus ? Sinon, pour quelles raisons ? Si oui, quels sont-ils ? Quelle sera la part réservée aux ONG ? Respecterons-nous l’engagement pris par le Président de la République d'augmenter la part qui leur est attribuée, pour nous mettre à l'unisson des nos voisins, comme la France s'y est engagée ?

Merci d’avance pour vos réponses à ces questions et observations, madame la ministre.

M. Alain Néri. Après un tel réquisitoire, qui peut encore imaginer voter ces crédits ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de MM. Kouchner et Besson, qui accompagnent tous deux le Président de la République au sommet franco-britannique de Londres. Éric Besson doit notamment y discuter un nouvel accord entre la France et la Grande-Bretagne sur l’asile politique et l’immigration illégale. Ils m’ont priée de vous redire leur engagement en faveur de l’aide publique au développement.

Monsieur le président Poniatowski, j’espère vous le démontrer, le Gouvernement est résolument engagé pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés et qui ont été confirmés par le Président de la République.

Il est vrai, hélas, mesdames et messieurs les députés, que vous n’avez pas pu disposer de tous les documents nécessaires à l’étude des crédits de cette mission. Le projet annuel de performances, le PAP, vous a été transmis en temps et en heure. Une première version du document cadre de coopération au développement vous a été adressée, mais le document définitif n’a été approuvé au niveau interministériel que tout récemment, en raison notamment d’arbitrages qui devaient être rendus concernant le fonds mondial de lutte contre le sida et d’autres engagements dans le domaine de la santé. Les différents ministères vous ont fait parvenir les réponses aux questionnaires que vous leur avez adressés (dénégations sur plusieurs bancs.).

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis. Pas tous !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Il manque en revanche, je le reconnais, le document de politique transversale qui fait l’objet d’ultimes arbitrages mais sur lequel je m’efforcerai néanmoins de vous donner le plus d’informations possible.

Je comprends votre regret, madame Martinez, de n’avoir pu disposer de tous les documents en temps et en heure. Mais c’est aussi une preuve de leur complexité et de l’importance que nous leur accordons, notre souci étant de prendre les meilleures décisions, à la hauteur de nos ambitions.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur Emmanuelli, l’aide au développement ne se résume pas aux crédits de la mission. Même conjugués aux sommes consacrées à des actions conjointes comme les annulations de dettes, ils n’en représentent que les trois quarts, un quart provenant d’autres canaux de coopération.

Quelques chiffres tout d’abord. Le montant de l’APD, qui a atteint 9 milliards d’euros en 2009, a continué de progresser en 2010 et devrait atteindre, pour la première fois de l’histoire, 10 milliards en 2012. Cela représente un effort d’un euro par jour et par ménage. Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Emmanuelli, que nous aurions abandonné l’objectif de 0,7 % du RNB en 2015. En 2010, nous nous situerons, avec 0,44 %, au bas de la fourchette annoncée. En 2011, nous devrions être aux alentours de 0,5%.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial. Comment fera-t-on pour arriver à 0,7 % en 2013 puisque dans le document pluriannuel adressé à Bruxelles aucune augmentation n’est prévue d’ici là ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. L’objectif de 0,7 % du RNB a été fixé à l’horizon 2015. Nous aurons à y travailler, notamment par le biais de financements innovants. Nous parlons pour l’heure de la période triennale qui s’achève en 2013. Avec les montants actuellement qu’elle consacre à l’APD, la France est le deuxième bailleur au monde en montant et le deuxième bailleur du G 7 en part de RNB.

S’agissant de la nature de nos aides, le souhait exprimé par de nombreux députés et sénateurs qu’on privilégie le bilatéralisme est exaucé : l’aide multilatérale devrait tomber de 44% en 2009 à 36% en 2012.

Les annulations de dettes, monsieur Emmanuelli, contribuent à soutenir les pays qui en bénéficient. On l’a vu dans la crise : ces annulations leur ont permis d’augmenter leurs dépenses sociales tout en reconstituant leurs marges de manœuvre.

Comment réussissons-nous à renforcer notre effort d’APD ? Tout d’abord, par la sanctuarisation de ce budget. Les crédits de la mission sont stabilisés à 3,34 milliards d’euros par an, soit dix milliards sur la période 2011-2013. C’est l’un des trois seuls budgets qui ont pu être préservés. Nous mobilisons en outre des ressources complémentaires, parmi lesquelles 150 millions d’euros dégagés grâce à notre surplus de quotas carbone et à des cessions d’actifs qui nous permettront d’accompagner les augmentations de capital des banques multilatérales, auxquelles nous avons volontiers souscrit comme il en avait été décidé au G 20.

Quelles sont nos priorités, monsieur Emmanuelli ? Sur le plan politique – je les cite ici sans ordre hiérarchique – , il s’agit de favoriser une croissance durable et partagée, de lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités, de préserver les biens publics mondiaux, de promouvoir la stabilité et l’État de droit comme facteurs de développement. Sur le plan géographique, nous donnons clairement la priorité à l’Afrique subsaharienne à laquelle reviennent 60% de nos aides pour soutenir sa croissance et permettre d’y atteindre les objectifs du Millénaire ; 20 % vont à la Méditerranée pour y assurer un développement durable, dans la perspective des convergences souhaitées dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée ; 10 % seulement vont aux pays émergents – nous limitons donc la part d’aide à leur profit, de même que le caractère concessionnel des prêts qui peuvent leur être consentis, et nous y donnons la priorité à la préservation des biens publics mondiaux, notamment l’environnement, avec un souci de retour pour les entreprises françaises. Enfin, nous réservons 10% de notre aide aux pays en crise, que nous souhaitons aider à assurer leur stabilité.

Vous semblez sceptique, monsieur Emmanuelli, sur les financements innovants. Il est vrai que l’on en parle depuis longtemps mais ils commencent à prendre corps. C’est sous l’impulsion de la France qu’a été expressément reconnu, pour la première fois, dans l’accord de Copenhague de décembre 2009 qu’ils étaient appelés à jouer un rôle dans le financement de la lutte contre le changement climatique. Le groupe d’experts mandaté par le groupe-pilote qui travaille sur le sujet a jugé réaliste l’instauration d’une taxe internationale sur les transactions financières. La France, qui défend depuis longtemps cette idée, est heureuse de constater que la Belgique, le Brésil, l’Espagne, le Japon et la Norvège l’ont rejointe, comme ces pays l’ont fait savoir dans une déclaration en marge du Sommet des Objectifs du millénaire pour le développement. Enfin, le groupe d’experts de haut niveau sur le financement de la lutte contre le changement climatique, au sein duquel notre pays est représenté par Christine Lagarde, qui y siège aux côtés de Nicholas Stern, George Soros ou Larry Summers, a reconnu le potentiel de ces financements. La taxation des émissions de CO2 du transport aérien, du transport maritime, ou bien encore celle des transactions de change, trois hypothèses à l’étude, pourrait rapporter chacune une dizaine de milliards de dollars par an. Enfin, le Président de la République a souhaité que cette question des financements innovants de l’aide publique au développement, dont il fait une priorité, comme il l’a confirmé lors du récent sommet de la Francophonie  à Montreux, soit abordée dans le cadre du G 20, au même titre que celle de la volatilité des prix des matières premières agricoles ou celle du financement du développement des infrastructures.

Monsieur Emmanuelli, vous vous interrogez sur la dotation relative aux dons-projets. Nous avons cherché, comme le souhaitait le Parlement, à valoriser les aides-projets. La répartition des crédits entre le Fonds de solidarité prioritaire et l’Agence française de développement s’effectue toujours en fin d’année, en fonction des projets effectivement prévus. Le travail est en cours. Aucune modification particulière n’est prévue cette année. La répartition des crédits au sein de cette ligne unique vous sera communiquée dès qu’elle aura été opérée.

Madame Martinez, nos contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations-unies ne s’élèvent plus qu’à 56 millions d’euros, comme cela est logique après la priorité que nous souhaitons donner sur la période 2011-2013 aux instruments bilatéraux, et elles ont été recentrées. En 2010, 85% des crédits iront à quatre bénéficiaires : l’UNICEF, le HCR, le PNUD et l’UNRWA. Notre contribution obligatoire au budget général ainsi qu’au financement des opérations de maintien de la paix et du fonctionnement des tribunaux internationaux n’en demeure pas moins importante.

La stratégie européenne, dont vous souhaitez très légitimement avoir connaissance, figurera en détail dans le document cadre de coopération au développement. Nous souhaitons mieux articuler notre stratégie nationale avec celles de chacun de nos voisins européens et de l’Union européenne dans son ensemble. Nous sommes satisfaits du rééquilibrage de la politique européenne de développement vers la lutte contre la pauvreté, le soutien à la croissance économique et la préservation des biens publics mondiaux, dont le climat. Nous souhaitons, dans un souci de plus grande efficacité encore, qu’il soit possible de mixer les dons de la Commission et les prêts de la Banque européenne d’investissement et que l’action conduite au niveau européen soit mieux coordonnée avec celle des agences de développement nationales, l’AFD en France, la KfW en Allemagne… Comme vous le savez, la France milite depuis longtemps, avec votre soutien, en faveur de la budgétisation du FED. La diminution de la part multilatérale de notre aide s’explique notamment par l’évolution de notre contribution au FED.

Notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida augmentera de 20 % sur trois ans, comme l’a annoncé le Président de la République. Cet engagement sera tenu. Les arbitrages sur la façon dont cela s’articulera avec les recettes issues de la contribution de solidarité sur les billets d’avion ne sont pas encore définitivement rendus. Nous avons suivi, madame Martinez, votre excellente proposition d’affecter 5 % de ces crédits aux ONG spécialisées dans la lutte contre la maladie. La France doit-elle avoir un siège au conseil d’administration du Fonds mondial ? Les discussions sont encore en cours avec l’Espagne qui peut y prétendre également. Nous pensons pouvoir parvenir à nos fins, comme à la Banque africaine de développement.

Sur les 39 documents-cadres partenariat (DCP) signés depuis la création du dispositif 2005, deux tiers arrivent à échéance fin 2010. De nouveaux seront négociés ou sont en train de l’être. Nous avons l’intention d’en ramener la durée de cinq à trois ans, de façon qu’elle soit alignée à compter de 2014 sur le prochain FED, dans un souci de cohérence avec la politique européenne. Ils reflèteront nos nouveaux partenariats, différenciés comme je l’indiquais tout à l’heure entre l’Afrique subsaharienne, la Méditerranée, les pays émergents et les pays en crise. Ces documents qui fournissent un diagnostic et formulent des orientations à moyen terme sont très utiles pour déterminer avec les pays bénéficiaires la meilleure stratégie. Ils permettent aussi de coordonner notre approche avec celle des autres bailleurs. Nous souhaitons qu’ils soient encore plus précis, sélectifs et rigoureux. La réduction de leur durée devrait y aider.

M. le président Axel Poniatowski. Nous en venons aux questions de nos collègues. Les porte-parole des groupes s’exprimeront en dernier, leur intervention valant explication de vote.

M. Michel Terrot. Je souhaite revenir, bien que vous ayez partiellement répondu sur le sujet, madame la ministre, sur la question de l’équilibre entre bilatéralisme et multilatéralisme. Les crédits de l’APD se montent à quelque neuf milliards d’euros, bientôt dix, avez-vous dit, mais une fois retranchés de ce montant quantité d’artifices, ne restent que 4 à 4,5 milliards pour l’aide directe et une fois retranchés encore les prêts de l’AFD et ce qui relève de l’aide multilatérale, la part réelle de l’aide bilatérale ne dépasse pas 200 à 300 millions d’euros. C’est un montant très modeste, d’autant qu’il se répartit entre plusieurs pays, même si un effort de recentrage a été fait. La France n’a pas encore de vision géopolitique de son aide publique au développement, contrairement à d’autres pays, comme la Grande-Bretagne qui alloue plus d’un milliard là où nous nous contentons de ces 200 à 300 millions. Il est illusoire de penser qu’un siège au conseil d’administration d’une institution multilatérale nous permettra de peser davantage. L’aide bilatérale, au contraire, joue un rôle de levier : il n’est pas rare qu’une aide de quelques dizaines de millions d’euros génère des investissements beaucoup plus importants d’autres bailleurs, notamment de la Banque mondiale. Notre pays, qui a perdu tout contrôle sur les milliards d’euros qu’il verse aux institutions multilatérales, doit se ressaisir. Il serait bon qu’il parvienne à consacrer rapidement à l’aide bilatérale 600 à 700 millions d’euros puis un milliard à moyen terme. On ne peut bien sûr y parvenir que par des redéploiements. Il n’y a pas si longtemps, la France contribuait à plus de 60 fonds des Nations-Unies. On peut certainement encore tailler dans certains de ces fonds !

J’ai été frappé que des personnalités comme Hubert Védrine et Alain Juppé, auditionnées par la mission d’information présidée par notre collègue Jean-Paul Bacquet, reconnaissent tous deux que le déséquilibre est vraiment trop grand entre aide bilatérale et aide multilatérale. Un effort a certes été fait par rapport à l’an passé, mais c’est moins évident si on se réfère aux années antérieures. Le projet de budget n’amorce, hélas, aucun rééquilibrage sérieux, et il reste à s’attaquer sérieusement au problème. Je voterai ces crédits par esprit de discipline, pour ne pas dire par réflexe de Pavlov, mais je ne n’en suis pas satisfait.

M. Jean-Paul Bacquet. Je partage entièrement l’analyse de nos deux rapporteurs sur la complexité et l’illisibilité de ce budget, encore accrues cette année par le fait que nous n’avons pas disposé des documents nécessaires. Comment voter ces crédits dans de telles conditions ?

La France est certes le deuxième bailleur mondial en montant mais le douzième seulement pour le montant d’aide rapporté à son revenu national brut. Le montant de l’APD en représente 0,44 %, mais une fois retranchés les frais d’écolage, les dépenses d’accueil des réfugiés, le remboursement de la dette, voire les crédits destinés à Mayotte ou Wallis-et-Futuna, on tombe à 0,34 % – puissiez-vous me démentir ! De plus, les institutions internationales ont proliféré – d’une quinzaine dans les années 1940, on est passé à 47 en 1960 et 263 aujourd’hui ! –, ce qui rend encore plus difficile toute appréciation.

Quel équilibre entre bilatéralisme et multilatéralisme ? Certes, l’aide bilatérale est plus lisible – j’ai coutume de dire que dans le bilatéral, on sait ce qu’on fait, dans le multilatéral, on sait ce qu’on paie ! Il n’en faudrait pas moins définir des priorités. Or, quand le Parlement est exclu de tout choix politique sur les orientations de l’aide publique au développement, faute notamment des informations nécessaires, nous ne pouvons qu’être dans le flou, d’autant qu’il y a clairement un problème de gouvernance. M. Dov Zerah, directeur général de l’AFD, nous a expliqué que lorsque l’Agence prêtait 600 millions d’euros, 200 millions revenaient, qui étaient reversés à Bercy sans être ensuite réinjectés dans l’aide au développement.

Quel est donc le montant réel de l’aide publique au développement, une fois retranchés tous les éléments que j’ai indiqués plus haut ? Quelle est la véritable clé de répartition entre l’aide bilatérale et l’aide multilatérale ? Enfin, qui pilote réellement cette politique ? Je préférerais personnellement que ce soit le Quai d’Orsay plutôt que Bercy.

M. François Rochebloine. Depuis 2010, le financement des projets d’ONG a été transféré à l’AFD. La dotation allouée aux ONG s’élevait à 42,5 millions d’euros en 2009. Quel a été son montant en 2010 et quel est celui prévu en 2011 ? Quelle aide apporte-t-on aux ONG qui luttent contre les mines anti-personnel à l’instar de Handicap international qui réalise un travail remarquable ? Figure-t-elle sur cette ligne ?

Trente millions d’euros d’autorisations d’engagement et vingt millions d’euros de crédits de paiement avaient été inscrits en 2010 au bénéfice d’Haïti. Combien a-t-on dépensé exactement, puisque les crédits 2011 devraient être sensiblement identiques au réalisé 2010 ?

Pour le reste, il est vrai qu’on peut toujours souhaiter davantage en matière d’aide au développement, mais il faut aussi tenir compte de la situation budgétaire très difficile dans laquelle nous nous trouvons. La participation de notre pays à l’aide au développement n’est tout de même pas négligeable.

M. Jean Glavany. On pourra toujours dire que les critiques sévères formulées par M. Emmanuelli à l’endroit de ce budget et de votre méthode relèvent de son devoir d’opposant. Mais la sévérité encore plus grande de Mme Martinez révèle un problème politique grave. Je suggère donc que son intervention figure en annexe de l’explication de vote du groupe socialiste. La révision constitutionnelle adoptée l’année dernière visait à renforcer les droits du Parlement : on voit ce qu’il en advient au quotidien.

M. Douste-Blazy, que nous avons reçu voici quelques mois, nous a fait part avec son enthousiasme juvénile du succès de sa mission à la tête d’UNITAID. Je dispose pour ma part d’informations très différentes à ce propos, et plusieurs articles de presse ont fait état d’une situation proche du dépôt de bilan, en tout cas d’une grande difficulté à connaître clairement l’état financier d’UNITAID. Qu’en est-il réellement ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Pour ce qui est, monsieur Terrot, de la répartition entre l’aide bilatérale et multilatérale, comment pourrait-on qualifier d’« artifices » les prêts bilatéraux de l’AFD ? L’aide multilatérale a augmenté l’an dernier du fait de la crise et des décisions prises sous l’impulsion du G20 en vue notamment de contribuer au renforcement des banques multilatérales. Le budget qui vous est soumis prévoit, je le rappelle, que le montant de l’aide multilatérale redescende à 36 %. Quant à l’« effet de levier » que vous évoquez, il joue dans les deux sens, car nous nous efforçons de mixer de plus en plus des financements divers.

Monsieur Bacquet, le mode de calcul de l’aide publique au développement est absolument conforme aux pratiques du CAD de l’OCDE. Quant aux écolages, ils ne représentent que 600 millions d’euros.

Pour ce qui concerne Mayotte, du fait de changement de statut de cette collectivité, nous avons réajusté l’effort précédemment comptabilisé au titre de l’aide publique au développement.

Monsieur Rochebloine, le soutien aux ONG reste au niveau de l’an dernier, soit 45 millions d’euros. Sur ce montant, 2 millions seront consacrés à la lutte contre les mines antipersonnel.

S’agissant de Haïti, plus de 50 % des 326 millions d’euros annoncés par le Président de la République en février dernier ont été consommés ou sont engagés. La loi de finances rectificative pour 2010 prévoit un réajustement d’un montant de 45 millions, dont 30 millions au titre de l’aide projet, qui devront être utilisés avant la fin de 2010. Ces crédits seront principalement affectés à l’aide budgétaire, qui permet toute la souplesse nécessaire, à l’hôpital universitaire et à divers projets d’aménagement urbain, notamment en matière d’assainissement en milieu urbain pour lesquels j’apporterai une aide complémentaire au titre du FASEP lors d’un déplacement que j’effectuerai prochainement en Haïti.

Monsieur Glavany, nous considérons qu’UNITAID fonctionne bien, avec pour critère que cet organisme contribue à sauver des vies. Peut-être s’agit-il d’un malentendu et les problèmes que vous évoquez concernent-ils un autre projet : la Fondation du Millénaire, qui a bénéficié d’un appui d’UNITAID au titre de contributions volontaires allouées à des réservations de billets d’avion, lesquelles ne sont peut-être pas pleinement satisfaisantes et ont pris du retard.

M. le président Axel Poniatowski. Voici d’autres questions.

M. Philippe Tourtelier. Mes questions étant assez précises, je comprendrai que vous ne puissiez y répondre précisément aujourd’hui, madame la ministre, et le fassiez dans les jours prochains.

La première concerne la contribution française au Fonds mondial. Si celui-ci a permis de fournir des traitements à un plus grand nombre de personnes, on n’observe cependant, alors que le SIDA s’est féminisé, aucun progrès de la prévention chez les femmes et les jeunes filles, notamment dans des pays d’Afrique subsaharienne, où les nouveaux cas d’infection touchent trois à huit fois plus les jeunes filles que les garçons du même âge. La France a-t-elle une politique spécifique pour la prévention du SIDA chez les jeunes filles ? Combien dépense-t-elle à cette fin ? Le Fonds mondial est-il le meilleur instrument pour protéger les jeunes filles vulnérables des abus qui les exposent au VIH ? Peut-être le développement d’une politique de santé plus générale aurait-il des résultats plus probants. De fait, les objectifs du Millénaire pour le développement relatifs à la santé maternelle et infantile sont relativement peu financés.

En deuxième lieu, les 25 millions de femmes qui, dans le monde, n’ont pas accès aux services du planning familial ne peuvent pas choisir leur nombre d’enfants et sont exposées à des grossesses à risque à la fois pour la mère et pour l’enfant. Cela est particulièrement vrai dans les pays du Sahel. Quel est l’apport de la France aux programmes nationaux de population de chacun de nos partenaires sahéliens, en particulier pour ce qui relève du planning familial ?

S’agissant enfin des 500 millions d’euros annoncés par le Président de la République sur les cinq prochaines années, nous avons pris note de l’augmentation de 20 % de la contribution française au Fonds mondial, mais d’où proviendront les fonds nécessaires pour assumer le reste de cette promesse ? S’ils doivent provenir de financements innovants, la promesse n’est que virtuelle. Si les sources de financement sont trouvées, le Gouvernement envisage-t-il une augmentation de la contribution française au Fonds des Nations unies pour la population, gardien de la santé des femmes dans le système onusien, et à l’ONG GAVI, compétente en matière de santé des enfants et des nouveau-nés ?

M. Gérard Charasse. Je fais miennes les critiques portant sur la manière dont est traité ce domaine important qu’est l’aide publique au développement. L’APD est un engagement ancien de la France en faveur des pays en développement, dont les objectifs se sont diversifiés en raison principalement de l’apparition des trois défis déjà évoqués.

Nous avions évoqué l’an dernier la nécessité d’une redéfinition de cette politique et de ses objectifs, que je crois lire dans les priorités sectorielles et géographiques du budget – je pense en particulier aux cinq choix de la France.

En 2011, l’APD représenterait 0,47 % du RNB, c’est-à-dire qu’on est encore loin des 0,70 % prévus à l’horizon 2015, et même des 0,51 % promis à nos partenaires européens. Du reste, ce taux de 0,47  % doit être examiné de plus près. Certaines missions renferment des dépenses étonnantes, comme les 38,5 millions affectés aux équipes de reconstruction provinciale en Afghanistan ou les 400 millions destinés à Mayotte, qui sera en 2011 un département d’outre-mer – comme l’est déjà Wallis-et-Futuna.

Par ailleurs, le Parlement pourrait-il disposer d’un zonage plus précis des crédits, afin de s’assurer que, sur les crédits de la mission dévolue aux pays pauvres prioritaires, l’Afrique subsaharienne continue d’être une priorité pour la France dans un cadre plus bilatéral ?

M. Philippe Cochet. Ce budget me semble, quant à moi, tout à fait honorable dans la période de crise que nous connaissons. Ce qui affirme une politique n’est pas le fait de dépenser plus, mais de dépenser mieux.

Avec des montants relativement faibles, le programme 301, consacré à l’aide à la réinstallation des migrants dans leur pays d’origine, a une incidence sur notre politique migratoire. Quels sont les pays concernés par cette aide, qui a pour effet que ses bénéficiaires ne reviennent plus dans notre pays et qui représente donc un investissement très important pour l’avenir ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. En tant que médecin, Bernard Kouchner, sera certainement heureux de vous répondre, monsieur Tourtelier, sur les politiques de santé, notamment en matière de lutte contre le SIDA pour les femmes et les jeunes filles. L’initiative prise par le G8 à Muskoka, rappelée par le président Poniatowski, vise bien en particulier la santé des jeunes filles. Avec une augmentation de 20 %, le Fonds mondial contribuera fortement à cette priorité, à laquelle nous travaillons en outre avec le GAVI et toutes les associations spécialement mobilisées en faveur de ce combat très important.

Monsieur Charasse, nous prévoyons bien que l’APD atteigne en 2011 le taux de 0,5 %, voire 0,51 % du RNB – étant entendu qu’il est impossible d’avancer un chiffre plus précis car, par définition, celui du RNB est lui-même encore inconnu. Cet objectif est en ligne avec celui de 0,7 % en 2015. Nous sommes parvenus à concilier, pour le triennium concerné, l’objectif de consolidation budgétaire et le respect de nos engagements.

Sans doute me suis-je mal exprimée à propos de Mayotte : il est clair que son nouveau statut de département d’outre-mer a conduit à réajuster le budget consacré à cette collectivité. Dans la situation précédente, nous étions en totale conformité, sur ce point comme sur les autres, avec les méthodes de calcul du CAD.

Enfin, je répète une fois encore que l’Afrique subsaharienne est notre priorité géographique. Cette région recevra au moins 60 % de l’effort financier de l’État. Il s’agit là de montants inédits, après un triplement des financements sur les années 2005-2009.

Monsieur Cochet, je vous remercie de votre appréciation et de vos encouragements à propos du contrôle et de l’évaluation de la dépense. Je tiens à souligner à ce propos que j’ai été favorablement impressionnée par l’évaluation récemment effectuée par l’OCDE sur la politique d’aide de la France, en termes tant de stratégie que de mise en œuvre.

L’aide à la réinstallation concerne en particulier le Mali et le Sénégal, dans le cadre d’un programme de codéveloppement. Cette aide peut atteindre 7 000 euros pour des projets ordinaires et 20 000 euros lorsque ces projets s’inscrivent dans le cadre d’un accord bilatéral de gestion concertée et créent des emplois. Le montant total de ces aides est de 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3,5 millions en crédits de paiement. J’ajoute enfin que la Roumanie est un autre pays de destination important.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’AFD, opérateur de l’État, est aussi un opérateur financier, lié jusqu’en 2008 par deux contrats désormais obsolètes. En 2009, le Premier ministre avait souhaité qu’un contrat unique lie l’AFD à l’État. À ma connaissance, ce contrat n’est pas encore conclu. Pouvez-vous nous indiquer pour quelles raisons, et dans quel délai cette demande sera satisfaite ?

Par ailleurs, si une partie des ressources de l’AFD est fournie par l’État, une autre partie, majoritaire, provient d’emprunts obligataires émis par cette agence sur les marchés. Quel en est le montant cumulé ?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. La convention unique qui doit régir les relations entre l’Agence française de développement et l’État est en cours de discussion et d’élaboration. Le retard de ce processus s’explique en particulier par la nomination récente d’un nouveau directeur général – M. Dov Zerah. Celui-ci a reçu à la fin de l’été une lettre de mission du Premier ministre, qui a été diffusée au sein de l’Agence et rappelle les priorités auxquelles celle-ci doit se conformer. Ces priorités sont celles, tant géographiques que thématiques, de l’action de notre pays pour le développement.

Deux mots forts sont à souligner en la matière : l’Afrique et l’alimentation. Cette dernière occupe une place croissante dans nos interventions et, conformément au souhait du Président de la République, dans celles des institutions financières internationales. Elle est indissociable des enjeux de santé.

Le nouveau contrat sera conclu d’ici la fin de 2010 ou au début de 2011. Le montant des obligations émises par l’AFD s’élevait en 2009 à 2,2 milliards d’euros et sera du même ordre en 2010 – soit un peu plus de 2 milliards d’euros.

M. le président Axel Poniatowski. Nous en arrivons aux explications de vote.

M. François Rochebloine. Ce ministère, s’il n’est pas clinquant, n’en réalise pas moins, en profondeur, un travail très technique. Je tiens à en féliciter la ministre et l’ensemble de ses collaborateurs.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Il s’agit d’un travail interministériel. Je représente ici l’ensemble du Gouvernement, et suis d’ailleurs accompagnée des meilleurs collaborateurs de M. Kouchner et de M. Besson.

M. François Asensi. Notre groupe remercie les deux rapporteurs pour l’éclairage qu’ils ont donné à ces débats. Nous sommes très réservés sur ces crédits : sans remettre en question la volonté humaniste des membres du Gouvernement d’avoir une politique progressiste d’aide au développement, nous n’en voyons guère la traduction budgétaire.

L’objectif du Millénaire consistant à consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement ne sera probablement pas atteint, alors qu’il pouvait l’être en 2014 ou 2015. On en est à 0,51 % pour 2010, et il semble que la France ait demandé aux autres pays européens de renoncer à cet engagement. Nous ne voterons donc pas pour ces crédits.

Nous sommes en revanche très attachés à une mesure qui peut paraître utopique : la taxation des transactions financières. À défaut de faire trembler le capitalisme sur ses bases, une taxation de 0,5 % – et non pas de 0,05 % comme l’avait proposé M. Kouchner – pourrait apporter beaucoup à l’aide internationale. Les 400 milliards de dollars qu’elle produirait annuellement permettraient d’agir pour éradiquer la faim dans le monde et lutter contre les maladies. Il ne s’agit pas d’une utopie, mais certains pays adoptent en la matière une position idéologique, au nom de la sacro-sainte liberté des changes. Nous espérons que, lors du G20, le Président de la République, comme il l’a annoncé, s’engagera fermement pour cet objectif.

L’aide internationale de la France n’est pas de nature éthique, ni même une question de repentance. La France a été longtemps une puissance coloniale et, même après la décolonisation, elle a bénéficié d’échanges peu égalitaires avec certains pays, lui permettant de disposer de matières premières dans des conditions intéressantes et d’écouler ses produits manufacturés, tandis que ces pays s’appauvrissaient.

Il s’agit aujourd’hui de solidarité, car la crise financière a pénalisé plus encore les pays pauvres. Les pays émergents, quant à eux – comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Vietnam –, n’ont pas forcément besoin d’une aide internationale. Cela est particulièrement vrai de la Chine, qui est aujourd’hui le principal banquier et le principal atelier du monde.

Notre groupe ne votera pas ces crédits.

M. François Loncle. Trois observations. Sait-on que les sommes envoyées dans leurs pays d’origine par les travailleurs immigrés présents sur notre territoire sont trois fois plus importantes que l’APD ? Cela se passe de commentaire.

Ensuite, maintenir l’outre-mer dans le cadre de l’aide publique au développement devient incohérent et insupportable.

Enfin, le débat entre multilatéral et bilatéral n’est pas clos – nous y travaillons d’ailleurs dans le cadre de la mission que préside M. Bacquet. Nous avons constaté encore récemment à New York l’effondrement des contributions volontaires de la France aux organisations internationales, qui place notre pays à des rangs inavouables. La comparaison avec la Grande-Bretagne ou l’Espagne – pourtant en difficulté –, mais aussi avec la Belgique ou les Pays-Bas n’est guère à notre honneur.

Pour les raisons déjà exprimées par les deux rapporteurs et par mes collègues du groupe SRC, nous ne voterons pas ces crédits.

Mme Chantal Bourragué. Vous venez, madame la secrétaire d’État, de confirmer les orientations de la politique d’aide publique au développement et l’engagement de la France en faveur des pays les plus pauvres : bien que la crise financière n’ait pas épargné notre pays et que le projet de budget pour 2011 nous appelle tous à des efforts, nous maintenons nos objectifs de coopération et de développement pour relever le défi de la pauvreté, pour soutenir la croissance et pour préserver les biens publics mondiaux.

La France, vous l’avez dit, reste le deuxième contributeur mondial, et vous nous avez annoncé une nouvelle impulsion de notre politique d’aide au développement fondée sur des priorités géographiques et sectorielles et sur un meilleur pilotage. Le Parlement partage ces préoccupations.

S’agissant des politiques de santé, notamment à destination des femmes et des enfants, nous sommes heureux que l’amendement de Mme Martinez relatif au Fonds mondial de lutte contre le SIDA ait été approuvé. Il faut néanmoins poursuivre les efforts en ce domaine.

Vous avez par ailleurs confirmé l’engagement de notre pays en Afrique subsaharienne, ce dont il convient de se féliciter.

Enfin, l’évaluation de nos politiques par l’OCDE est désormais très positive, ce qui n’était pas le cas auparavant. L’AFD s’est beaucoup transformée ces dernières années, et nous sommes convaincus que la convention avec l’État sera signée rapidement. Le fait que l’aide publique au développement représente un euro par jour et par ménage est mal connu de nos concitoyens : nous aurions intérêt à leur rappeler notre engagement en faveur des politiques de développement.

Compte tenu de ces efforts, j’invite bien entendu mes collègues de l’UMP à voter ces crédits.

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous remercie.

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A l’issue de l’audition, la commission procède au vote sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2011.

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Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement» du projet de loi de finances pour 2011.

ANNEXES

Liste des personnalités rencontrées par votre rapporteure

– Mme Joëlle Tanguy, directrice des relations extérieures, et Mme Violaine Messager, directrice des relations avec les donateurs, GAVI Alliance (2 juin 2010)

– M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation au ministère des affaires étrangères et européennes (entretien téléphonique - 13 juillet 2010)

– M. Vincent Picard, membre de la communauté Sant Egidio (14 septembre 2010)

– M. Eckhard Deutscher, président du CAD de l'OCDE (16 septembre 2010)

– M. Serge Michailof, économiste, professeur à Science-Po, ancien directeur à la banque mondiale et à l'Agence française de développement (6 octobre 2010)

– M. Pierre N'Gahane, Préfet des Alpes-de-Haute-Provence (8 octobre 2010)

– M. Dov Zerah, directeur général de l'Agence française de développement (13 octobre 2010)

– Représentants de Coordination Sud : M. Jean-Denis Crola, Oxfam France, M. Frédéric Naulet, Coalition Eau et Mme Flore Tixier (20 octobre 2010)

– M. Philippe Thiébaud, directeur des Biens publics mondiaux, à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes (20 octobre 2010)

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