N° 2862 tome VIII - Avis de M. Alain Moyne-Bressand sur le projet de loi de finances pour 2011 (n°2824)


N° 2862

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME VIII

SÉCURITÉ

GENDARMERIE NATIONALE

PAR M. Alain MOYNE–BRESSAND,

Député.

——

Voir le numéro : 2857 (annexe n° 40).

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UN PROJET DE BUDGET EN LÉGÈRE AUGMENTATION, QUI PERMET À LA GENDARMERIE D’ASSUMER SES MISSIONS 7

A. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS TOUJOURS PRIORITAIREMENT AXÉE SUR LES ACTIONS DE POLICE 7

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN PROGRESSION, COMBINÉES À UNE RÉDUCTION DES EFFECTIFS 10

C. UN ACCROISSEMENT DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT COURANT, DÛ À L’AUGMENTATION DES LOYERS 12

D. UN NET FLÉCHISSEMENT DES CRÉDITS D’ÉQUIPEMENT ET D’INVESTISSEMENT 14

E. DES DÉPENSES D’INTERVENTION STABLES 17

F. UN BUDGET DANS L’ÉPURE DE LA LOPPSI 17

DEUXIÈME PARTIE : DES INDICATEURS DE PERFORMANCE CONFIRMANT UNE AMÉLIORATION GLOBALE 19

A. L’ORDRE ET LA SÉCURITÉ PUBLICS : UNE DÉLINQUANCE ET UNE CRIMINALITÉ EN BAISSE 19

B. LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE : DES PROGRÈS TRÈS SENSIBLES 20

C. LA POLICE JUDICIAIRE ET LES CONCOURS À LA JUSTICE : PEU D’AMÉLIORATIONS DANS L’ÉLUCIDATION DES CRIMES ET DÉLITS 21

D. LES MISSIONS MILITAIRES : UNE PERFORMANCE INSUFFISAMMENT ÉVALUÉE 21

E. LE COMMANDEMENT, LES RESSOURCES HUMAINES ET LA LOGISTIQUE : DES INDICATEURS TROP PARTIELS, NE FAISANT GUÈRE ÉTAT DE PROGRÈS 22

TROISIÈME PARTIE : DES PROBLÈMES RÉCURRENTS DE GESTION, DONT PLUSIEURS ATTENDENT TOUJOURS UNE SOLUTION 23

A. GARDES STATIQUES, TRANSFÈREMENTS JUDICIAIRES ET AUTRES MISSIONS PÉRIPHÉRIQUES 24

B. LA RÉNOVATION IMMOBILIÈRE 26

C. LA RENOUVELLEMENT DES BLINDÉS 27

D. LA MODERNISATION DES HÉLICOPTÈRES 28

E. LE FINANCEMENT DES OPEX 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

I —  AUDITION DU GÉNÉRAL JACQUES MIGNAUX, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE 31

II —  EXAMEN DES CRÉDITS 46

DÉPLACEMENTS ET AUDITIONS DU RAPPORTEUR 77

INTRODUCTION

Le programme 152, relatif à la gendarmerie nationale, représente, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2011, près de la moitié des crédits de la mission « Sécurité » (46 %), contre 54 % pour le programme 176, consacré à la police nationale. Cette proportion est globalement inchangée par rapport au budget de 2010, où la gendarmerie mobilise 47 % des crédits.

D’un montant prévu de 7 731,2 millions d’euros de crédits de paiement (CP), le programme enregistre, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2010, une augmentation de 97,4 millions d’euros, soit + 1,28 %. De son côté, la police nationale voit ses crédits augmenter de + 3,86 %.

Quant aux autorisations d’engagement (AE) du programme 152, elles connaissent, avec un montant prévu de 7 675,5 millions d’euros pour 2011, une légère baisse de 0,88 %.

Dans un contexte de gel des dépenses publiques, ces évolutions confirment la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.

On ne peut que s’en réjouir. Outre que la sécurité constitue l’une des principales préoccupations de nos compatriotes, elle exige, dans un contexte marqué par l’extrême diversité et l’évolution rapide des menaces, un effort soutenu. Cet effort a d’ailleurs été récompensé au cours de l’année écoulée puisque, après une dégradation des chiffres de la délinquance et de la criminalité l’an dernier, les résultats se sont à nouveau améliorés. Ainsi, la délinquance générale a–t–elle diminué de 2,91 % entre juin 2009 et juin 2010 et de 3,91 % au cours du premier semestre 2010.

Mais cet effort ne doit pas être relâché. Les violences aux personnes ont continué de progresser de 1,53 % entre juin 2009 et juin 2010, après une hausse de 4 % l’année précédente. Le taux d’élucidation des crimes et délits reste insuffisant et certaines formes de menaces, telle que la cybercriminalité, sont loin d’avoir trouvé une réponse définitive.

L’examen de ce projet de budget amène, dans ce contexte général, à faire trois constats principaux :

– en premier lieu, les crédits proposés, en légère augmentation, permettent à la gendarmerie d’assumer ses missions ;

– deuxièmement, les indicateurs de performance du programme confirment une amélioration ;

– enfin, des problèmes récurrents de gestion perdurent néanmoins, dont plusieurs attendent toujours une solution.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 17 septembre 2010, pour lui laisser le temps nécessaire à la préparation de son rapport.

À cette date, 10 réponses sur 40 lui étaient parvenues, soit 25 %, ce qu’il ne peut que regretter.

Au 10 octobre 2010, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, l’ensemble des réponses lui était transmis.

PREMIÈRE PARTIE : UN PROJET DE BUDGET EN LÉGÈRE AUGMENTATION, QUI PERMET À LA GENDARMERIE D’ASSUMER SES MISSIONS

Le projet de budget pour 2011 comporte plusieurs tendances principales : la répartition des crédits est toujours prioritairement axée sur les actions de police ; les dépenses de personnel progressent malgré une diminution des effectifs ; les crédits de fonctionnement s’accroissent, en raison de l’augmentation des loyers ; les crédits d’équipement et d’investissement connaissent en revanche un net fléchissement tandis que les dépenses d’intervention restent stables. Enfin, ce projet continue de s’inscrire, dans l’ensemble, dans le cadre fixé par la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI).

La répartition des crédits de paiement par actions demeure globalement identique dans le projet de loi de finances pour 2011 par rapport à 2010. L’action 1 (ordre et sécurité publics) absorbe 38,9 % des crédits et l’action 4 (commandement, ressources humaines et logistique) 27,5 %. Puis viennent l’action 3 (missions de police judiciaire et concours à la justice) avec 21,4 %, l’action 2 (sécurité routière) avec 10,4 % et l’action 5 (exercice des missions militaires) avec 1,8 %.

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2011

Source : projet de loi de finances pour 2011, projets annuels de performances, mission « Sécurité ».

Les crédits connaissant la plus forte augmentation concernent l’exercice des missions militaires qui, avec 140,7 millions d’euros, s’accroissent de 24,5 millions, soit + 21,1 %. Cet accroissement est lié au renforcement de l’engagement sur des théâtres d’opérations extérieurs, notamment en Afghanistan, où devraient être présents quelque 200 gendarmes à la fin de cette année.

Ceux relatifs aux missions de police judiciaire, d’un montant de près de 1,66 milliard d’euros, progressent de 151 millions d’euros, soit + 10 %, en raison de changements de périmètre et d’une prise en compte plus précise des effectifs consacrés à ces missions au sein du programme.

Avec 800 millions d’euros, le budget consacré à la sécurité routière s’accroît également, plus faiblement, de 9 millions d’euros ou + 1,1 %.

Récapitulation des crédits par action pour 2010 et 2011

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Évolution

Numéro et intitulé du programme
et de l’action

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Ouverts en LFI pour 2010

Demandés pour 2011

AE

CP

152

Gendarmerie nationale

7 743,78

7 675,50

7 633,80

7 731,22

– 0,88 %

+ 1,28 %

01

Ordre et sécurité publics

3 007,27

3 004,47

3 007,27

3 004,47

– 0,09 %

– 0,09 %

02

Sécurité routière

791,17

800,15

791,17

800,15

+ 1,14 %

+ 1,14 %

03

Missions de police judiciaire et concours à la justice

1 506,76

1 657,65

1 506,76

1 657,65

+ 10,01 %

+ 10,01 %

04

Commandement, ressources humaines et logistique

2 322,42

2 072,51

2 212,44

2 128,23

– 10,76 %

– 3 ,81 %

05

Exercice des missions militaires

116,16

140,72

116,16

140,72

+ 21,14 %

+ 21,14 %

Source : documents budgétaires.

En revanche, les crédits consacrés à l’ordre et la sécurité publics, avec un peu plus de 3 milliards d’euros, diminuent très légèrement, d’environ 3 millions d’euros (– 0,09 %).

Il en est de même de ceux relatifs au commandement, aux ressources humaines et à la logistique, qui sont réduits de 84 millions d’euros, soit – 3,8 %.

Comme en 2010, pour toutes les actions, le montant des autorisations d’engagement prévues est identique à celui des crédits de paiement, à l’exception de l’action 4, où elles passent de 2,32 à 2,07 milliards d’euros, soit une diminution de près de 250 millions d’euros, ou – 10,8 %, liée à des changements de périmètre et à la contraction des crédits de fonctionnement et d’investissement.

Cette répartition des crédits correspond aux principales orientations du Gouvernement pour 2011 en matière de sécurité, qui sont de six ordres :

– mettre en œuvre des plans opérationnels ciblés contre les phénomènes délinquants les plus inquiétants : lutte contre les bandes violentes et le hooliganisme, l’économie souterraine, la violence en milieu scolaire, les cambriolages ; plan de sécurisation des transports en commun ; opérations « tranquillité seniors » ;

– adapter les forces de sécurité aux évolutions de la délinquance, avec le déploiement de la police d’agglomération à Lille, Lyon, Marseille, et le renforcement de l’État dans les quartiers les plus sensibles ;

– poursuivre la modernisation des moyens techniques des forces de sécurité et la généralisation du recours à la police technique et scientifique ;

– poursuivre la lutte contre l’insécurité routière, avec trois priorités : les deux–roues motorisés, la conduite après usage de stupéfiants et les vitesses excessives ;

– développer les complémentarités opérationnelles entre la gendarmerie et la police ;

– organiser et développer les partenariats avec les autres acteurs de la sécurité, notamment les polices municipales et les acteurs du secteur privé.

D’un montant de 6,5 milliards d’euros de crédits de paiement prévus pour 2011, les dépenses de personnel (titre 2) constituent toujours de loin le premier poste avec 84 % du budget du programme.

Elles enregistrent une augmentation de 134 millions d’euros par rapport à la loi de finances (LFI) pour 2010, ou + 2,1 %.

Récapitulation des crédits par titre pour 2010 et 2011

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Évolution

Numéro et intitulé du programme

et du titre

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Ouverts en LFI pour 2010

Demandés
pour 2011

AE

CP

152 / Gendarmerie nationale

7 743,78

7 675,50

7 633,80

7 731,22

– 0,88 %

+ 1,28 %

Titre 2

Dépenses de personnel

6 366,86

6 500,57

6 366,86

6 500,57

+ 2,10 %

+ 2,10 %

Autres dépenses :

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

1 096,63

1 046,23

1 078,96

1 057,58

– 4,60 %

– 1,98 %

Titre 5

Dépenses d’investissement

265,27

114,05

171,98

160,81

– 57,01 %

– 6,49 %

Titre 6

Dépenses d’intervention

15,02

14,66

16,01

12,27

– 2,46 %

– 23,37 %

Source : documents budgétaires.

Hors pensions, cette augmentation est de 14,8 millions d’euros. Elle est le solde entre les mesures salariales catégorielles nouvelles et les économies engendrées par la baisse des effectifs.

Ces mesures salariales nouvelles sont principalement les suivantes :

– la poursuite du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) rénové (23,3 millions d’euros) ;

– la mise en œuvre de la troisième annuité de la nouvelle grille indiciaire des militaires (7,4 millions d’euros) ;

– le nouvel « espace statutaire » (transposition de la grille « B type ») (15,2 millions d’euros) ;

– le financement des statuts rénovés (2,2 millions d’euros) ;

– l’application des mesures ministérielles au personnel civil (0,98 million d’euros).

Il convient de préciser que le PLF n’intègre pas de mesure salariale générale, liée à une augmentation de la valeur du point d’indice de la fonction publique.

Les principaux autres éléments salariaux, dont le montant est globalement stable par rapport à 2010, sont constitués par :

– la réserve opérationnelle (44 millions d’euros) ;

– le surcoût de rémunérations liées aux opérations extérieures (OPEX) (11 millions d’euros) ;

– l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) (42 millions d’euros) ;

– la prime de résultats exceptionnels (15 millions d’euros).

S’agissant des effectifs, le plafond d’emplois autorisés pour 2011 est fixé à 97 198 emplois équivalents temps plein (ETPT), soit une baisse de 957 ETPT par rapport à 2010.

Cette baisse recouvre trois types de mesures : la suppression de 960 ETPT, la comptabilisation de 36 ETPT supplémentaires avec la mise en place du système Chorus et plusieurs mesures de transfert, conduisant à la réduction de 33 ETPT (notamment le transfert de 29 ETPT au profit du programme 216 (conduite et pilotage des politiques de l’intérieur) dans le cadre du rattachement du bureau des affaires immobilières de la gendarmerie à la direction de l’évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI)).

Parallèlement, des transformations de postes sont prévues. Le recentrage des gendarmes sur leur cœur de métier entraîne la transformation de 482 postes d’officiers, sous–officiers de gendarmerie (SOG) et gendarmes adjoints volontaires en 55 postes d’officiers du corps technique et administratif, 50 postes de sous–officiers du corps de soutien technique et administratif et 377 postes de civils recrutés, formés et gérés par le ministère de l’intérieur.

En gestion, le schéma d’emplois pour 2011 prévoit une diminution de seulement 96 emplois. Pour y parvenir, la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) recrutera 9 108 personnels, dont 377 officiers, 2 520 sous–officiers de gendarmerie, 207 sous–officiers du corps de soutien technique et administratif, 5 410 volontaires et 594 civils. Ces recrutements compenseront la quasi–totalité des départs, évalués à 9 204 personnes.

La DGGN affirme que « les mesures de réorganisation, de mutualisation et d’allègement de certaines tâches permettront de faire face » à cette réduction de 96 gendarmes « sans altérer la capacité opérationnelle ».

Les dépenses de fonctionnement (titre 3), qui représentent 13,7 % du budget, sont prévues à 1,058 milliard d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 21 millions d’euros ou près de – 2 %.

Mais il convient de distinguer, au sein de ces dépenses, celles relatives au fonctionnement courant et les autres, consacrées en grande partie à de l’équipement et participant à ce titre aux investissements.

Les dépenses de fonctionnement courant, d’un montant prévu de 968 millions d’euros de crédits de paiement pour 2010, connaissent une légère hausse par rapport à 2010, de 3 millions, soit + 0,34 %.

Présentation des crédits par titre pour 2010 et 2011

(en millions d’euros)

   

LFI 2010

PLF 2011

Évolution

Plafond d’emplois (en ETPT)

98 155

97 198

– 957

dont

Militaires

Civils

Militaires

Civils

Militaires

Civils

95 453

2 702

94 101

3 097

–1 352

395

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Titre 2

Titre 2 hors pensions

3 666

3 666

3 680

3 680

0,40 %

0,40 %

Pensions

2 701

2 701

2 820

2 820

4,41 %

4,41 %

Total

6 367

6 367

6 501

6 501

2,10 %

2,10 %

Titre 3

Fonctionnement courant

965

965

968

968

0,34 %

0,34 %

dont crédits loyers

432

432

436

436

0,84 %

0,84 %

dont alimentation

61

61

61

61

0,00 %

0,00 %

dont carburant

62

62

62

62

0,00 %

0,00 %

Hors fonctionnement courant (HFC)

131

114

78

89

– 40,82 %

– 21,67 %

dont SIC

22

24

18

24

– 18,58 %

– 2,33 %

dont mobilité

56

44

31

28

– 45,44 %

– 36,50 %

dont équipements

52

44

28

36

– 46,55 %

– 18,50 %

dont immobilier

2

2

2

2

– 3,85 %

12,82 %

Total

1 097

1 079

1 046

1 058

– 4,60 %

– 1,98 %

Titre 5

SIC

62

50

11

53

– 82,12 %

6,75 %

Mobilité

13

52

0

15

– 100,00 %

– 71,60 %

Immobilier hors AOT

70

65

95

82

35,71 %

24,89 %

Opérations AOT

121

5

8

11

– 93,36 %

132,77 %

Total

265

172

114

161

– 57,01 %

– 6,50 %

Titre 6

Subventions aux collectivités (construction de casernes locatives – décret de 1993)

15

16

15

12

– 2,46 %

– 23,37 %

Total « investissement »

(HFC + T5 + T6)

412

302

206

262

– 49,85 %

– 13,11 %

Total hors titre 2

1 377

1 267

1 175

1 231

– 14,67 %

– 2,86 %

Total programme 152

7 744

7 634

7 675

7 731

– 0,88 %

1,28 %

NB : pour plus de lisibilité, le programme 152 a harmonisé depuis 2010 la présentation du renouvellement annuel de ses flux d’équipement en les plaçant tous sous la rubrique du titre 3 hors fonctionnement courant (HFC). Comprenant originellement le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères et des SIC, l’habillement, les munitions, des petits matériels et la maintenance courante immobilière, le périmètre du titre 3 HFC a été élargi aux terminaux informatiques, aux véhicules de brigade et police de la route, à l’armement, aux matériels de protection, aux matériels techniques et au mobilier.

Source : direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Cette augmentation est, comme le rappelle la DGGN, uniquement liée à celle des loyers, due elle–même à l’évolution des indices immobiliers. Le ministère de l’intérieur estime néanmoins avoir contenu cette hausse grâce aux suppressions d’effectifs et aux transformations d’emplois.

Les autres dépenses de fonctionnement courant sont stabilisées au même montant que 2010, afin de permettre aux unités de mener leurs missions opérationnelles et de « conserver le niveau de performance du programme ».

Il en est tout autrement des autres dépenses de fonctionnement, consacrées essentiellement aux équipements au sens large.

Hors fonctionnement courant, les dépenses de fonctionnement prévues pour 2011 s’élèvent à 89 millions d’euros de crédits de paiement, soit une diminution de 25 millions par rapport à 2010 ou – 21,7 %. En autorisations d’engagement, dont le montant est fixé à 78 millions, la baisse est encore plus marquée, avec une réduction de 53 millions, soit près de – 41 %.

Ces dépenses permettent de financer le maintien en condition opérationnelle (MCO) des hélicoptères et des systèmes d’information et de communication (SIC), les terminaux informatiques, l’habillement, l’armement, les matériels de protection, les munitions, les matériels techniques et divers, le mobilier, la maintenance courante immobilière ainsi que les véhicules de brigade et de police de la route.

On note que si la part réservée en crédits de paiement aux systèmes d’information et de communication reste stable (24 millions), elle est fortement réduite pour la mobilité (véhicules légers) (28 millions contre 44 en 2010) et les équipements au sens strict (habillement, armements, matériels de protection, etc.) (36 millions, contre 44 en 2010).

Ces crédits financeront, dans le cadre de la LOPPSI, plusieurs équipements au titre du « saut technologique », qui bénéficie à cet effet de 4,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25,7 millions en crédits de paiement. Ils permettront de commander notamment 3 000 nouvelles tenues de maintien de l’ordre, 250 nouvelles tenues motocyclistes et 76 criminoscopes (cf. encadré ci–après).

Hors LOPPSI, ces crédits permettront, selon la DGGN, de couvrir les dépenses incompressibles, à savoir, notamment, les MCO des SIC et des moyens aériens, les paquetages « écoles », les munitions d’instruction et de service, les matériels du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou les matériels indispensables pour la sécurité des personnels.

Principaux programmes d’équipements prévus en 2011 

Principaux programmes d’équipements (titre 3)

LOPPSI 2

• 250 nouvelles tenues motocyclistes : 0,3 million d’euros

• 3 000 nouvelles tenues de maintien de l’ordre : 2,1 millions d’euros

• 76 criminoscopes, 100 lots de révélation des traces de foulage et 100 équipements de révélation d’empreintes : 2 millions d’euros

Renouvellement des équipements existants

• 200 véhicules de brigade et de police de la route : 4,6 millions d’euros

• Paquetages initiaux des élèves gendarmes et gendarmes adjoints volontaires : 7,7 millions d’euros

• Tenues de spécialistes : 2,7 millions d’euros

• Munitions de service et d’instruction : 6,3 millions d’euros

• Matériels de sécurité et d’intervention : 1,8 million d’euros

Principaux programmes d’informatique et de télécommunication (titre 5)

LOPPSI 2 (8 millions d’euros)

• 40 rampes LAPI combinées avec des caméras embarquées

• 2 200 systèmes mobiles de vidéoprotection

• 500 dispositifs d’analyse des téléphones portables

• 60 dispositifs d’analyse de disques durs

• 400 équipements radio embarqués pour la géolocalisation

NB : les montants sont exprimés en autorisations d’engagement.

Source : direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

Concernant les crédits d’investissement proprement dits (titre 5), qui représentent 2,1 % du budget du programme, ils sont prévus à un montant de 161 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 11 millions par rapport à 2010 ou – 6,5 %.

Les autorisations d’engagement, avec un montant prévu de 114 millions d’euros, connaissent une réduction encore plus sensible, de 151 millions d’euros, ou – 57 %.

Ces crédits financent principalement les gros équipements et les moyens mobiles divers (véhicules lourds, hélicoptères, motocyclettes, moyens nautiques…), les programmes des systèmes d’information et de communication, dont la vidéoprotection prévue par la LOPPSI, et les opérations immobilières domaniales.

On constate que si les moyens mobiles (15 millions d’euros) enregistrent une forte baisse (– 37 millions d’euros en crédits de paiement ou – 71,6 %), le montant prévu pour les systèmes d’information (53 millions) continue à progresser (+ 3 millions, soit + 6,8 %). En revanche, les opérations immobilières en AOT (autorisation d’occupation temporaire) et hors AOT, avec respectivement 11 millions et 82 millions d’euros, augmentent nettement (+ 6 millions ou + 132,8 % et + 17 millions ou + 24,9 %).

Sur l’enveloppe globale du titre 5, les crédits s’inscrivant dans le cadre de la LOPPSI s’élèvent à 75 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 57,6 millions en crédits de paiement. Ils permettront de financer les principales prestations suivantes :

– 2 200 systèmes mobiles de vidéoprotection, 400 équipements radio embarqués pour la mise en œuvre de la géolocalisation, 60 dispositifs d’analyse des données informatiques et 500 dispositifs d’analyse des téléphones portables (8 millions d’autorisations d’engagement) ;

– les constructions domaniales (55 millions d’autorisations d’engagement) ;

– la maintenance immobilière (12 millions d’autorisations d’engagement).

Concernant les AOT, 8,1 millions d’autorisations d’engagement sont prévus pour les « loyers de fonctionnement et de financement » des opérations livrées en 2011 (Châteauroux, Laval, Caen et Issy–les–Moulineaux).

Hors LOPPSI et hors AOT, les autorisations d’engagement serviront principalement à financer la maintenance immobilière (25 millions d’euros). Seulement 3 millions seront consacrés aux systèmes d’information et le même montant aux crédits immobiliers complémentaires.

En matière d’infrastructures, les principaux programmes prévus sont les suivants.

Principaux programmes d’infrastructure prévus en 2011

• Constructions domaniales (55 millions d’euros en titre 5) : construction des locaux de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) sur le site du pôle judiciaire de Pontoise et d’une hélistation à Villard–Saint–Pancrace (Hautes–Alpes) ;

• Constructions locatives (baux emphytéotiques administratifs (BEA), subventions aux collectivités locales en titre 6 (dépenses d’intervention) et montages privés) : mise en chantier de 1 163 unités–logements et livraison de 1 523 unités–logements ;

• Opérations de maintenance lourde (37 millions d’euros en titre 5) : réalisation d’opérations de mise aux normes d’emprises domaniales (électricité, amiante, ascenseurs, distribution d’eau potable dans les DOM–COM) et amélioration des conditions de travail et de vie des gendarmes (équipements sanitaires, de chauffage et de confort, isolation).

NB : les montants sont exprimés en autorisations d’engagement.

Source : direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

L’essentiel des crédits est, comme on le voit, consacré à la construction des locaux de l’IRCGN de Pontoise. Lors de sa visite de l’IRCGN en juin dernier, le rapporteur a pu constater l’intérêt du regroupement des locaux prévu, le bon avancement du projet et la qualité ainsi que la variété des techniques de recherche criminelle qui y seront déployées.

Les dépenses d’intervention (titre 6) prévues restent à un niveau modeste (0,2 % des crédits totaux). Ils passent de 16 millions de crédits de paiement en 2010 à 12 millions pour 2011.

Les autorisations d’engagement, d’un montant d’environ 15 millions d’euros, restent stables.

Ces crédits sont destinés à subventionner les collectivités territoriales en vue de financer la construction de casernes locatives. Ils permettront la livraison de 1 523 unités–logements en 2011 et la mise en chantier de 1 163 autres.

La programmation budgétaire fixée par la LOPPSI, dont le projet est toujours en discussion au Parlement, a été modifiée par rapport à l’an dernier. Ainsi, le montant des autorisations d’engagement prévu pour la période 2009-2013 est passé de 1 162 à 873 millions d’euros. Il en est de même pour les crédits de paiement, fixés à 480 millions d’euros pour la période, contre 764 millions prévus l’an dernier.

Pour 2011, le montant des autorisations d’engagement serait de 129 millions d’euros, au lieu de 219 millions. Mais celui des crédits de paiement resterait du même ordre (133 millions au lieu de 132).

En revanche, en 2012, les crédits de paiement seraient deux fois moindres : 100 millions d’euros au lieu de 200.

Programmation budgétaire des crédits de la gendarmerie entre 2009 et 2013
(hors dépenses de personnel)

(en millions d’euros)

 

LFI 2009

LFI 2010

PLF 2011

Prévision 2012

Prévision 2013

Total 2009–2013

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Saut technologique (1)

47

20

62

48

12

54

3

15

2

2

127

139

Force de souveraineté outre–mer (FSOM) (2)

77

                 

77

 

Immobilier domanial (3)

141

3

140

13

67

29

81

34

10

30

439

111

Resoclage du fonctionnement courant (4)

30

30

50

50

50

50

50

50

50

50

230

230

TOTAL LOPPSI

295

53

252

111

129

133

134

100

62

83

873

480

(1) Améliorations technologiques prévues (dématérialisation des procédures judiciaires, visioconférence, vidéoprotection, déploiement des capacités biométriques…).

(2) Reprise partielle de la mission des armées en outre–mer à partir de 2012.

(3) Constructions nouvelles sur 2009–2013 (maîtrise d’œuvre interne et privée ou avec financements innovants) et 12 millions d’euros de maintenance immobilière en 2011.

(4) Dotation supplémentaire visant à compenser la sous–évaluation structurelle des crédits de fonctionnement.

Source : DGGN.

Si les contraintes budgétaires ont conduit à réduire le volume des crédits prévus, les orientations générales de la LOPPSI, rappelées l’an dernier par le rapporteur, demeurent les mêmes (1). Elles visent – au–delà des objectifs stratégiques tendant à réduire la délinquance et la criminalité – à moderniser les moyens de la sécurité intérieure, tout en améliorant la gestion et en valorisant les potentiels humains.

Si les mesures budgétaires prévues pour 2011 s’inscrivent dans ce cadre, on ne peut que regretter, une nouvelle fois, le retard pris pour l’examen parlementaire de ce texte qui, bien que portant sur la période 2009–2013, n’est à ce jour toujours pas adopté.

DEUXIÈME PARTIE : DES INDICATEURS DE PERFORMANCE CONFIRMANT UNE AMÉLIORATION GLOBALE

Les indicateurs de performance du programme révèlent globalement un progrès depuis l’an dernier. Cette amélioration concerne principalement la sécurité routière ainsi que l’ordre et la sécurité publics. En revanche, les résultats en matière de police judiciaire ne progressent guère et les indicateurs proposés pour évaluer les missions militaires et le commandement, les ressources humaines et la logistique demeurent insuffisants.

L’évolution du nombre de crimes et délits en matière d’atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, qui avait augmenté de 1 % en 2009, devrait, selon les prévisions, baisser de 0,5 % en 2010 et 2011, pour atteindre respectivement moins de 95 330 et 94 900 faits.

S’agissant du nombre de crimes et de délits en matière d’atteintes aux biens, qui avait progressé de 0,1 % en 2009, il devrait diminuer de 0,5 % en 2010 (640 740 faits) et de 1,5 % en 2011 (631 130 faits).

En matière d’escroqueries et d’infractions, le nombre de crimes et de délits continue de baisser, avec – 5% prévus en 2010 après – 4,6 % en 2009, et - 2,5 % en 2011. Ces faits devraient être inférieurs à 119 000 en 2010, contre plus de 130 000 en 2008.

L’ensemble de ces prévisions devront néanmoins être confirmées.

Au–delà de l’évolution des chiffres de la délinquance, celle du nombre d’infractions révélées par l’action des services devrait également progresser, de 1 % en 2010 et de 3 % en 2011.

Cependant, le taux d’engagement des effectifs sur le terrain resterait à peu près au même niveau qu’en 2008 et 2009, soit plus de 68 %. Quant au taux d’interventions réalisées dans un délai supérieur à deux fois le délai moyen, qui était de 2,7 % en 2008 et 2009, il resterait inférieur à 3 % en 2010 et 2011, ce qui ne traduit, là non plus, guère d’amélioration.

Si l’indice d’efficacité de l’emploi de la gendarmerie mobile en sécurité générale – mesurant le nombre de personnes remises à un officier de police judiciaire par rapport au nombre d’heures gendarmes mobiles – devrait également rester stable, au–dessus des 50 %, le taux de capacité opérationnelle des escadrons de gendarmerie mobile passerait de 70,5 % en 2008 et 84,9 % en 2009 à 100 % en 2010 et 2011.

On le voit : des marges d’amélioration existent en matière d’efficacité des services, même si les tendances, qui restent là encore à confirmer, sont globalement positives.

Le nombre des accidents, des tués et des blessés en zone gendarmerie continue à nettement se réduire.

Le nombre global d’accidents serait en baisse continue depuis 2007, passant de 23 000 à 20 705 en 2008 (– 10 %), puis à 19 917 en 2009 (– 3,8%) et, selon les prévisions, à moins de 18 300 en 2010 (– 7 %).

Le nombre de tués, qui s’établissait à 3 539 en 2007, 3 281 en 2008 (- 7,3 %) et 3 305 en 2009 (+ 0,7 %), devrait descendre au–dessous de 2 800 en 2010 (– 8,5 %).

Quant au nombre de blessés, il continuerait également à se réduire : après 31 501 cas enregistrés en 2007, 28 123 en 2008 (– 10,7 %) et 26 706 en 2009 (- 5 %), il devrait tomber sous la barre des 25 000 en 2010 (– 6 %).

Si, là encore, les prévisions doivent être confirmées, le bilan global de l’action de la gendarmerie dans ce domaine est très positif.

L’indice d’efficacité du dépistage d’alcoolémie sur les accidents corporels dus à l’alcool reste stable, au–dessus de 1. L’indice d’efficacité du dépistage des stupéfiants sur les accidents mortels impliquant l’usage de ces produits est en revanche passé de 1,18 en 2008 à 1,59 pour 2009. La prévision pour 2010 se borne à indiquer un chiffre supérieur à 1 : les progrès enregistrés en la matière devront également être confirmés.

Quant à l’indice d’efficacité des opérations de contrôle de vitesses relevées dans les zones accidentogènes, il devrait passer, hors systèmes embarqués de contrôle automatisé, de 0,42 % en 2008 et 2009 à plus de 0,5 % en 2010. Avec ces systèmes embarqués, il passerait de 5,79 en 2009 à plus de 6 en 2010.

Si les tendances révélées par ces indices sont moins favorables, elles ne sauraient faire oublier l’essentiel : la réduction sensible et continue des accidents de la route constatés au cours des trois dernières années.

Comme l’an dernier, les résultats en termes de police judiciaire sont plus contrastés.

Le taux d’élucidation des atteintes à l’intégrité physique des personnes en zone gendarmerie ne s’améliore guère, puisque de 79,9 % en 2008 et 81,2 % en 2009, il se maintiendrait à 80 % en 2010 et 2011.

Il en est de même pour le taux d’élucidation des atteintes aux biens, qui resterait faible, autour de 17 % en 2010 et 2011, comme en 2008 et 2009.

Le taux d’élucidation des escroqueries et infractions économiques et financières ne progresse guère non plus, avec une prévision de 68 % en 2010, contre 66,7 % en 2009 et 69,3 % en 2008.

Ces résultats sont décevants, même s’il ne faut pas sous–estimer la difficulté d’améliorer ces taux d’élucidation au regard du nombre de crimes et de délits commis et de l’apparition de nouvelles formes de menaces, dont certaines, telle la cybercriminalité, sont malaisées à combattre.

Le taux des traces papillaires exploitables recueillies sur les scènes d’infraction progresse en revanche légèrement, passant de 13,6 % en 2008 à 17,5 % en 2009, avec une prévision de 18,5 % en 2010 et de 20 % en 2011. Les progrès technologiques accomplis en matière de police scientifique et technique et les nouveaux matériels acquis dans ce domaine expliquent largement cette amélioration.

Quant au taux de signalisation au fichier national d’analyse des empreintes génétiques des individus mis en cause, il passerait de 49,9 % en 2008 à 50,2 % en 2009 et plus de 51 % en 2010.

Deux indicateurs de performance sont proposés pour les missions militaires, qui représentent environ 5 % de l’activité de la gendarmerie.

Le premier correspond au taux d’engagement des unités dans les missions de protection et de contrôle gouvernemental. Il passerait de 1,69 % en 2008 et 1,55 % en 2009 à plus de 1,5 % en 2010 et 2011.

Le second mesure le nombre de jours en OPEX, qui était de 177 130 en 2008 et de 195 212 en 2009 et passerait à 250 000 en 2010 et 2011, en raison, notamment, de l’engagement des forces en Afghanistan.

À l’évidence, il s’agit plus d’indicateurs d’activité que de performance. Ils ne permettent guère, en effet, d’évaluer l’efficacité des missions militaires de la gendarmerie. Une réflexion sur de nouveaux indicateurs serait donc souhaitable à cette fin.

Trois indicateurs tendent à mesurer l’optimisation de l’emploi des ressources.

Le taux de disponibilité des véhicules devrait passer de moins de 92 % en 2008 et 94 % en 2009 à plus de 92 % en 2010 et 2011.

Le taux de vacance moyen des logements, qui était de 3,7 % en 2007, 3,3 % en 2008 et 3,2 % en 2009, devrait se situer à moins de 3,5 % cette année et l’an prochain.

S’agissant du coût global des loyers hors casernes, il diminuerait, selon les prévisions, de 7 % en 2010 et 2011, après une baisse de 12,4 % en 2009.

En dehors de ce dernier indicateur, qui ne mesure qu’une petite partie de l’impact de l’évolution des loyers, on ne constate donc guère de progrès.

Mais il est vrai que ces mesures ne permettent que très partiellement d’évaluer l’optimisation de l’emploi des ressources. Aucune ne permet notamment d’apprécier des aspects aussi importants que la rénovation immobilière ou la gestion des ressources humaines. Là encore, une réflexion sur l’élaboration de nouveaux indicateurs, plus complets et plus nombreux, s’impose.

TROISIÈME PARTIE : DES PROBLÈMES RÉCURRENTS DE GESTION, DONT PLUSIEURS ATTENDENT TOUJOURS UNE SOLUTION

La gendarmerie a pris plusieurs mesures pour améliorer sa gestion à la suite du référé adressé au ministre de l’intérieur le 18 juin 2009 (2), relatif à la revue du programme 152.

Ainsi, dès 2011, la mise en œuvre de la charte de gestion du programme se traduira par une cartographie comportant 7 budgets opérationnels de programme (BOP) zonaux et 3 BOP nationaux (commandement et soutien, outre–mer et écoles), au lieu d’un BOP unique.

Cette déconcentration de la gestion favorisera un dialogue rénové entre le responsable de programme et les responsables de zone et d’unités opérationnelles (commandants de région). Ordonnateur secondaire, le préfet de zone pourra déléguer sa signature au général commandant la gendarmerie pour la zone de défense et présidera la conférence de gendarmerie, qui deviendra l’instance de consultation sur les moyens de fonctionnement et d’équipement alloués aux formations de la zone.

Pour rationaliser la gestion immobilière, la gendarmerie a développé le projet de logiciel « @UTOCHARGES ». Son déploiement à l’horizon 2012 permettra une automatisation du traitement avec, à la clé, une réduction des délais de traitement ainsi qu’une diminution du nombre de personnels mobilisés par cette gestion.

Par ailleurs, en matière de mutualisations, la circulaire du 11 février 2010 (3) inscrit désormais police et gendarmerie dans une logique de synergies opérationnelles dans le domaine du soutien. Le rapporteur a rappelé, dans ses précédents avis budgétaires, les principaux domaines de mutualisation en cours avec la police nationale : le dialogue institutionnel, les actions opérationnelles, les fichiers de renseignement, les réseaux de communication, la mise en commun des moyens logistiques, les marchés publics ou la formation. Il en est ainsi, par exemple, pour l’acquisition des véhicules ou d’équipements communs tels que les systèmes de caméras embarquées et de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, ou bien pour la logistique des munitions – que la gendarmerie commencera à assurer prochainement outre–mer pour la police nationale –, comme l’a rappelé le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, lors de son audition devant la commission.

De même, la structure de pilotage des technologies et des systèmes d’information dédiés à la sécurité intérieure ou l’unité de coordination pour la lutte contre l’insécurité routière (UCLIR) sont rattachées à la DGGN, tandis que la direction de la coopération internationale et l’unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun le sont à la direction générale de la police nationale (DGPN). Le rapporteur se réjouit, à cet égard, à la suite de la visite qu’il a effectuée en juin dernier au GIGN, qu’une unité de coordination des forces d’intervention ait été créée et soit rattachée à la DGGN.

Enfin, le constat de la Cour des comptes sur la nécessaire refonte de la fonction habillement a donné lieu à une redéfinition du dispositif qui se concrétisera en 2012. Les effets courants feront l’objet d’une indemnité d’entretien et de la distribution – à l’instar de la police – d’un carnet à points, tandis que les effets techniques seront traités en régie avec une possible extension à d’autres administrations.

Malgré ces avancées, des problèmes récurrents demeurent, liés pour beaucoup à des contraintes budgétaires. Ils concernent l’accomplissement de missions périphériques, la rénovation immobilière, le renouvellement des blindés, la modernisation des hélicoptères et le financement des surcoûts des OPEX.

Le rapporteur a rappelé l’an dernier (4) que de nombreux gendarmes sont occupés chaque année à des gardes statiques de lieux ou monuments ainsi qu’à des opérations de transfèrements éloignées de leur « cœur » de métier.

Pour les gardes statiques, la gendarmerie consacre plus de 1 900 emplois à des missions de sécurité et de gardes au profit de différentes autorités, à Paris comme en province (Présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, mais aussi emprises de certaines ambassades (278 ETP), Palais de justice de Paris (540 ETP) ou résidences privées d’anciens présidents de la République (21 ETP)). Le rapporteur s’était, par exemple, étonné, dans son dernier avis (5), que 15 ETP soient mobilisés pour garder la résidence privée de M. Valéry Giscard d’Estaing à Authon et 6 pour veiller à la sécurité de celle de M. Jacques Chirac à Bity. Pourtant, ces effectifs n’ont pas été réduits.

Le ministère de l’intérieur indique que le dispositif actuel fait l’objet d’une révision en profondeur. Il évoque à cet égard le transfert de la gestion des centres de rétention administrative (CRA) placés sous responsabilité de la gendarmerie à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), qui s’effectuera en 2010 et 2011. Cette mesure devrait permettre à la gendarmerie de récupérer 900 ETPT.

Il convient que le Gouvernement précise le contenu de la révision en cours et les gains en termes d’emplois qu’elle pourra engendrer pour la gendarmerie.

Concernant les transfèrements judiciaires, qui mobilisent quotidiennement environ un millier de gendarmes, le Gouvernement affirme vouloir réduire leur nombre, notamment par le recours à la visioconférence.

Les ministères de la justice et de l’intérieur ont mis en place un mécanisme incitatif fondé sur une cible de réduction de 5% du volume des transfèrements en 2009 et 2010 : des transferts budgétaires sont prévus du ministère de l’intérieur vers celui de la justice en cas de dépassement et, inversement, en cas de sous-réalisation. Ainsi, la mission « Sécurité » du ministère de l’intérieur a versé 427 476 euros au programme 166 (justice judiciaire) du ministère de la justice, en raison d’une baisse de 6,4 % des effectifs constatés en 2009.

Le 18 septembre 2010, le Premier ministre a décidé que la responsabilité des transfèrements des détenus entre leur cellule et les palais de justice ainsi que des missions d’escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) serait transférée au ministère de la justice à compter du 1er janvier 2011 (6).

Le rapporteur ne peut que s’en réjouir. L’impact en termes d’effectifs pour la gendarmerie reste néanmoins à préciser.

Enfin, une réflexion est en cours pour réduire les autres missions périphériques, appelées aussi tâches « indues ». Elle comporte deux orientations principales.

La première tend à limiter les sollicitations des autorités judiciaires ne relevant pas directement d’actes d’enquête (notifications de décisions judiciaires ou de convocations – réalisables par les greffes, par la voie postale ou la visioconférence). Elle vise également à sensibiliser les préfets sur leurs requêtes de la force publique au profit d’administrations publiques ou de tiers et sur les actes réalisables par les services préfectoraux (notification de décisions administratives ; enquêtes administratives sans rapport direct avec la sécurité publique).

La seconde consiste à analyser les tâches administratives qui pourraient être effectuées par d’autres services de l’État ou des collectivités locales (déclarations de détention d’armes ; information des familles des personnes décédées ; exécution des « soit–transmis » des officiers du ministère public (OMP) ; photocopies et transmissions de procès–verbaux à certains organismes, notamment d’études et de recherches ; procurations de vote ; établissement d’actes d’huissier ; etc.).

Si ces mesures vont dans la bonne direction, il convient d’en préciser le calendrier de mise en œuvre ainsi que le gain prévisible en termes d’ETP pour la gendarmerie.

Comme le rapporteur l’a également indiqué l’an dernier (7), entre un quart et un tiers des casernes, selon les cas, seraient en mauvais état.

Or le niveau des crédits consacrés à la construction immobilière est insuffisant pour y remédier. Il sera de l’ordre de 88 millions d’euros d’autorisations d’engagement en moyenne annuelle de 2009 à 2013 au titre de la LOPPSI, contre 122 millions d’euros durant la période 2003–2008. Pourtant, le besoin de financement est estimé par la gendarmerie à au moins 160 millions d’euros par an.

La conséquence est un glissement permanent de la programmation des opérations immobilières domaniales. Le ralentissement du renouvellement du parc domanial est compensé par un développement du parc locatif, comme le montrent les tableaux ci–après.

Mises en chantier et livraisons selon le mode de financement

Mises en chantier (EUL)

Opérations domaniales

Opérations locatives

TOTAL

MOI / MOP (1)

AOT

Total

Décret 1993

BEA

Privé

Total

2008

195

 

195

226

812

338

1 376

1 571

2009

165

503

668

177

548

547

1 272

1 940

2010 (prév.)

49

 

49

968

394

645

2 007

2 056

2011 (prév.)

0

0

0

628

114

521

1 163

1 163

NB : aux 2 007 équivalents–unités–logements (EUL) prévus d’être mis en chantier en 2010 au titre des opérations locatives s’ajoute un projet de caserne pour 21 EUL dont le cadre juridique n’est pas encore déterminé (collectivités locales ou investisseurs privés).

Livraisons (EUL)

Opérations domaniales

Opérations locatives

TOTAL

MOI / MOP (1)

AOT

Total

Décret 1993

BEA

Privé

Total

2008

98

 

98

379

809

403

1 591

1 689

2009

306

 

306

544

1 067

428

2 039

2 345

2010 (prév.)

456

294

750

381

993

298

1 672

2 422

2011 (prév.)

98

 

98

379

809

403

1 591

1 689

(1) MOI : maîtrise d’œuvre interne ; MOP : maîtrise d’œuvre privée.

Source : documents budgétaires.

Ainsi, le nombre d’équivalents–unités–logements (EUL) domaniaux mis en chantier et livrés tend à se tarir en 2010 et 2011, tandis que les opérations locatives restent à un niveau élevé (1 163 mises en chantier et 1 523 livraisons prévues en 2011).

Il en résulte un accroissement du coût des locations immobilières, qui devrait atteindre 456,7 millions d’euros en 2010 (contre 423,4 prévus en LFI) et 458,6 millions en 2011.

La question du financement de la rénovation immobilière de la gendarmerie sur le moyen–long terme reste donc posée.

Le renouvellement des véhicules blindés est un autre problème structurel récurrent.

Le volume actuel du parc des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) représente 90 engins, dont l’état mécanique dépend de la situation géographique, du niveau d’emploi et de la qualification des personnels chargés de l’entretien.

La gendarmerie a redéfini son contrat capacitaire blindé le 31 juillet 2009.

Cela lui permet de concentrer le soutien sur un format plus réduit du parc, adapté au besoin opérationnel. Le stock des pièces détachées, qui sont rares, est complété par des prélèvements sur les engins réformés et permet parallèlement de réaliser des économies sur le maintien en condition opérationnelle (MCO).

Ce nouveau format est constitué de 82 VBRG répartis de la façon suivante :

– 41 VBRG stationnés au Groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM), à Satory, près de Versailles, et à Saint–Astier (Dordogne) ;

– 3 VBRG stationnés en Corse ;

– 30 VBRG en outre–mer ;

– 8 VBRG en OPEX.

Rappelons qu’une procédure de renouvellement des VBRG avait été initiée en 2005, avec un format de 92 véhicules blindés gendarmerie (VBG). Mais en raison des contraintes budgétaires, le marché de 39,5 millions d’euros, qui devait être notifié à Renault Trucks Défense en 2008, a été abandonné.

Par ailleurs, afin de remplir ses missions en opérations extérieures, notamment en Afghanistan, la gendarmerie a obtenu auprès de l’armée de terre, en 2009, la cession de 12 véhicules de l’avant blindés (VAB) permettant le transport de troupes. En 2010, 6 autres VAB ont été acquis pour un montant de 860 000 euros auprès de l’armée de terre, afin de renforcer les actions de formation en métropole.

En outre, dans le cadre de la LOPPSI, la gendarmerie avait prévu d’acquérir des engins du génie d’aménagement (EGAME) à raison de 3 véhicules entre 2010 et 2012 puis 3 autres en tranche conditionnelle après 2012. La rédaction d’un nouveau marché d’acquisition spécifique de ces engins a été suspendue à la suite des derniers arbitrages budgétaires.

Il n’en reste pas moins que le renouvellement du parc des VBRG, qui sera inévitable, n’est toujours pas budgété, que ce soit dans le cadre du PLF pour 2011, du budget triennal (2011-2013) ou de la LOPPSI.

Le parc des hélicoptères de la gendarmerie comporte deux composantes, dévolues respectivement à la surveillance et au sauvetage.

La composante « surveillance–intervention » est constituée de 12 EC135 et de 26 Écureuil. Cette flotte d’hélicoptères légers intervient principalement en métropole pour les missions judiciaires ou administratives de surveillance et d’intervention. Elle est également utilisée par la police nationale, qui dispose, au titre d’accords entre les deux forces, d’un droit de tirage de 1 300 heures par an.

L’emploi des Écureuil, mis en service en 1978, est limité par le vieillissement de leurs équipements et l’évolution de la réglementation européenne, qui leur interdit notamment de survoler les zones urbaines. La gendarmerie a entrepris leur remplacement par des EC135 depuis 2006 avec une tranche ferme de 12 appareils et une tranche conditionnelle de 25, prévue en 2009.

Si la tranche ferme a bien été réalisée, la tranche conditionnelle, qui porte sur 202 millions d’euros d’autorisations d’engagement, n’a pas encore pu être notifiée en raison des contraintes budgétaires. La date limite d’affermissement de cette tranche a été repoussée au 22 octobre 2010. La gendarmerie vient de demander à la direction générale de l’armement (DGA) de négocier avec l’industriel un nouveau report de six mois et l’acquisition d’un appareil par an pour les trois prochaines années.

On est donc loin des 25 appareils initialement prévus.

Quant à la composante « sauvetage–intervention », elle comporte 15 EC145. Dotée de larges moyens de radiocommunication, elle assure principalement les missions de police et de sauvetage en haute montagne, ainsi que les missions de transport et d’intervention des unités d’intervention de la gendarmerie en métropole et outre–mer.

Dans le cadre de la réorganisation des forces de souveraineté outre–mer, le nombre d’EC145 de la gendarmerie nationale hors métropole a vocation à passer de 2 à 11 unités. À cet effet, 137 millions d’euros de crédits de paiement, destinés à l’acquisition, au fonctionnement et à l’infrastructure des hélicoptères, avaient initialement été programmés en 2009. Mais, selon les informations communiquées par le ministère de l’intérieur, l’enveloppe budgétaire attribuée à la gendarmerie dans le cadre du prochain budget triennal ne lui permet pas de réorganiser son dispositif aérien outre–mer.

Les surcoûts engendrés par les OPEX constituent un autre problème de gestion récurrent.

La budgétisation des OPEX est mise en œuvre depuis 2004. À ce titre, la gendarmerie bénéficie depuis 2007 d’un financement de 15 millions d’euros, dont 11 millions sur le titre 2 (dépenses de personnel). Alors que ce montant permet généralement de couvrir les besoins de fonctionnement, il est structurellement insuffisant pour assurer les dépenses de personnel.

Coûts des OPEX entre 2003 et 2009

(en millions d’euros)

 

Masse salariale

Fonctionnement courant et transport (titre 3)

Alimentation (titre 3)

Investissement (titre 5)

Total tous titres

2003

18,9

3,8

1,4

0,9

25,0

2004

23,0

3,6

1,5

0,5

28,4

2005

20,0

3,4

1,3

0,3

25,2

2006

19,7

2,9

1,5

0,1

24,2

2007

17,9

2,2

1,3

0,1

21,4

2008

16,2

2,2

1,2

0

19,6

2009

18,8

2,9

1,0

0,1

22,8

Source : documents budgétaires.

Comme on le voit, le montant correspondant à la masse salariale est en moyenne de 5 à 10 millions plus élevé que celui prévu. En 2009, avec 18,8 millions d’euros, il a entraîné un besoin de financement de 7,8 millions.

Or, depuis l’intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur, la couverture des surcoûts n’est plus assurée par décret d’avance. En 2008 et 2009, ils ont été comblés par le dégel d’une partie de la mise en réserve des crédits du programme.

Pour 2010, en raison notamment de l’engagement en Afghanistan, où 173 gendarmes ont été envoyés (sur 722 mobilisés en OPEX), les dépenses de personnel non couvertes par le budget sont estimées à 14,6 millions d’euros. Quant aux dépenses de fonctionnement et d’investissement, pour lesquelles un montant de 4 millions d’euros a été budgété, le dépassement devrait être de 10,6 millions d’euros. Le surcoût global devrait donc excéder cette année 25 millions d’euros.

La gendarmerie a demandé que ces surcoûts soient pris en charge par la réserve interministérielle. Le rapporteur souhaite également que ce soit le cas.

Comme il l’avait déjà indiqué l’an dernier, il serait souhaitable à l’avenir de mieux évaluer le coût prévisible de ces OPEX, d’intégrer celui–ci en totalité dans le budget de la gendarmerie et, en cas de dépassement lié à des opérations imprévues, de financer le surcoût sur un fonds interministériel, afin de ne pas grever ce budget.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2010.

M. le président Guy Teissier. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue au général Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale, qui va nous présenter le projet de budget de la gendarmerie nationale pour 2011.

Nous suivons de très près le transfert au ministère de l’intérieur de la gendarmerie et nous nous sommes promis de veiller au respect de la militarité de l’arme. Mais nous voyons apparaître certaines tensions et cette fois du côté des armées. Les revalorisations salariales que connaissent les gendarmes suscitent quelques interrogations, voire jalousies, du côté de l’armée de terre.

D’une façon générale, les crédits sont marqués par la stabilité. Ces moyens permettront–ils à la gendarmerie de remplir pleinement ses missions en 2011 ?

Vous nous ferez notamment le point sur les investissements qui, eux, semblent en recul : comment cela va–t–il se traduire concrètement ?

M. le général d’armée Jacques Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. La gendarmerie nationale contribue, comme l’ensemble des composantes du ministère qui est désormais le sien, et comme d’ailleurs l’ensemble des ministères, à l’effort demandé pour diminuer la dépense publique. Dans ce contexte, ma responsabilité est de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie dans une tendance au resserrement budgétaire.

Naturellement, je n’oublie pas que ma responsabilité est également de conforter notre intégration au sein de la communauté de la sécurité intérieure, sans préjudice de notre appartenance à la communauté militaire.

La gendarmerie n’a pas changé de nature. Elle doit toujours faire face aux problèmes de sécurité en donnant une réponse pragmatique et modulée, adaptée aux spécificités de chaque bassin de vie. Ce modèle se décline individuellement en termes de disponibilité et de sens du service public dans un contexte de dispersion géographique des hommes et des moyens. Sur le plan collectif, il s’agit de mettre en avant la cohésion et l’adhésion à une culture commune forte. Pour notre organisation, ce modèle passe enfin par le maintien de notre capacité à monter rapidement en puissance pour tenir le terrain en situation de crise.

Avant de vous dresser un aperçu de la situation au regard des résultats de la gendarmerie et d’évoquer le projet de loi de finances, je souhaite revenir sur nos principaux chantiers.

J’insisterai tout d’abord sur la place de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur. Très objectivement, l’intégration s’est passée dans de bonnes conditions, sous l’égide du cabinet du ministre de l’intérieur et dans le respect du cadre que vous avez tracé en votant la loi du 3 août 2009. Je l’estime désormais réalisée. Pour aboutir à une organisation adaptée et complémentaire de la police et de la gendarmerie nationales, le ministère de l’intérieur a mené un travail d’analyse des compétences opérationnelles et des actions des deux forces.

Tous les acteurs, et notamment le ministre, son directeur de cabinet et les deux directeurs généraux, ont été particulièrement vigilants sur le respect des missions et identités respectives.

En prenant appui sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), qui doit donner aux deux forces de sécurité intérieure les moyens d’accroître leur performance dans la lutte contre l’insécurité, une nouvelle étape sera franchie dans notre coopération par l’approfondissement de la mutualisation des moyens logistiques et des capacités de soutien. Sans être exhaustif, je prendrai comme exemple l’acquisition commune de véhicules ou d’équipements tels les systèmes de caméras embarquées ou de lecture automatisée des plaques d’immatriculation. De même, la gendarmerie assurera prochainement la logistique des munitions pour la police en outre–mer.

En matière de synergies opérationnelles, au terme d’arbitrages justes et équilibrés qui ont été parfois longs à dégager, des structures communes, composées de gendarmes et de policiers, ont été mises en place à chaque fois que le besoin s’en faisait sentir. Sont désormais rattachées au directeur général de la police nationale la direction de la coopération internationale, qui doit renforcer la cohérence et la visibilité de l’action internationale du ministère, et l’unité de coordination de la sécurité dans les transports en commun. D’autres structures me sont rattachées comme celle du pilotage des technologies et des systèmes d’information dédiés à la sécurité intérieure (ST(SI)²), l’unité de coordination pour la lutte contre l’insécurité routière (UCLIR) ou l’unité de coordination des forces d’intervention (UCoFI) qui doit assurer une meilleure articulation entre le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et la force d’intervention de la police nationale (FIPN).

Enfin, lorsque la création de structures communes n’apparaissait pas comme la meilleure option, nous avons travaillé différemment. Pour le renseignement d’ordre public également appelé information générale, nous avons considéré qu’il s’agit d’une mission partagée par les deux forces. Il était important de dégager toute la plus–value que chacune d’elle peut apporter. Au niveau départemental, les commandants de groupement et les directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) animent toujours la recherche du renseignement effectuée par leurs personnels et peuvent, lorsqu’ils en éprouvent le besoin, transmettre des informations particulières. Nous avons simplement désigné un lieu de synthèse unique : le service départemental d’information générale (SDIG). Il reçoit l’ensemble des renseignements obtenus par l’une ou l’autre force et rédige une synthèse départementale, sous double sigle, qu’il transmet au préfet. Pour garantir une bonne fluidité entre les SDIG et les cellules renseignement de nos groupements, nous y avons détaché un gendarme. Pour être complet, deux officiers de gendarmerie occupent, à titre expérimental, la fonction de responsable de SDIG, l’un dans la Nièvre et l’autre à Mayotte. Au plan central, le principe est le même et 20 gendarmes de tout grade sont affectés dans la structure centrale de la police.

Dans le même temps, nous avons développé de nouvelles capacités avec par exemple la direction du renseignement outre–mer dirigée par un gendarme.

Nous venons de faire un premier bilan de ces avancées qui montrent que tout se passe bien, voire très bien. Notre intégration s’est déroulée dans le respect des équilibres.

J’ai veillé à faire vivre la notion de parité globale : le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), lancé début 2005, sera achevé fin 2012 et nous travaillons actuellement à la transposition aux sous–officiers de gendarmerie de la nouvelle grille indiciaire de catégorie B octroyée au corps d’encadrement et d’application de la police nationale. Sur ce dossier, le ministère de la défense était initialement assez réticent face à cette évolution ; je crois qu’il a toutefois rapidement mesuré qu’il ne pouvait l’écarter et je sais qu’il travaille désormais à l’application de cette mesure aux sous–officiers des armées.

En matière de dialogue interne, il m’est apparu indispensable de vivifier le dispositif de concertation existant, propre à notre communauté militaire. Pour ce faire, deux mesures ont été prises : concentrer le nombre des acteurs de la concertation passant de 2 000 présidents à 800 présidents et vice–présidents des personnels militaires. Ce changement améliorera leur visibilité et leur donnera les moyens de remplir cette fonction. Nous mettons ainsi en place, aux côtés des commandants de région et de groupement, un personnel conseiller ou un référent qui contribuera à faire vivre la concertation. Je crois que beaucoup des problèmes peuvent être réglés à cette échelle sans avoir à remonter au niveau central.

En outre, le ministre de l’intérieur copréside désormais le conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG). Il tient d’ailleurs, lors de chaque session, à recevoir l’ensemble du conseil et à s’exprimer devant lui. Je me félicite de cet engagement car il crédibilise le CFMG et limite les velléités d’expression ou les tentations de représentation par d’autres voies ; ce que nous ne souhaitons pas.

Enfin, les membres du CFMG qui siègent au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) apportent leurs contributions et ils sont toujours bien accueillis par leurs camarades des armées. Pour maintenir une osmose avec nos camarades militaires et faire vivre la militarité de l’arme, il est fondamental que nous restions au sein du CSFM.

L’intégration de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne remet nullement en cause sa participation aux missions de défense. Après six mois d’entraînement sous l’égide de l’armée de terre, nous avons engagé des gendarmes en Afghanistan dans la zone de responsabilité de la brigade La Fayette. Ils y remplissent une mission de mentoring au profit de la police afghane. Nous avons actuellement cinq unités (police operational mentoring and liaison team – POMLT) en Kapisa et Surobi. Simultanément nous sommes investis dans la formation initiale de l’afghan national civil order police (ANCOP), qui ressemble beaucoup à notre gendarmerie mobile, dans un centre au Nord de l’Afghanistan à Mazar–e–Shariff et prochainement nous renforcerons notre dispositif de formation dans un centre qui s’ouvrira dans le Wardak au Sud–Ouest de Kaboul.

Mes échanges réguliers et étroits avec le chef d’état–major des armées confirment la qualité de l’action de nos gendarmes aux côtés des autres militaires français. Les autorités afghanes et américaines ne manquent également pas de souligner qu’elles apprécient notre travail, nous demandant un accroissement de nos interventions.

Je souhaite à présent vous dresser le bilan de l’activité opérationnelle de la gendarmerie au cours des derniers mois. La lutte contre la délinquance enregistre, depuis le début de l’année 2010, une évolution favorable. Les atteintes aux biens, qui représentent plus de 64 % de la délinquance enregistrée par la gendarmerie, ont baissé de 3,5 % sur les neuf premiers mois de 2010, ce qui représente 17 500 faits en moins. Les atteintes volontaires à l’intégrité des personnes restent stables avec 160 faits constatés, soit une baisse de 0,2 % sur neuf mois, ce qui peut être considéré comme encourageant, au regard des hausses ininterrompues dans ce domaine au cours des cinq dernières années. Nous devons toutefois continuer nos efforts en la matière. Les escroqueries et infractions financières baissent de 15,5 % sur neuf mois mais représentent encore plus de 80 000 faits. Ce phénomène reste difficilement maîtrisable, compte tenu des méthodes d’escroqueries de plus en plus élaborées qui se développent grâce à Internet.

Par ailleurs, l’effort engagé au titre des priorités gouvernementales se poursuit en 2010. La lutte contre les trafics et reventes de stupéfiants s’est traduite par une augmentation de 24,8 % de personnes mises en cause, soit près de 2 000 de plus sur les neuf premiers mois de 2010 sur un total de près de 10 000 mises en cause dans ce domaine précis. S’agissant de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance spécialisée, le nombre de personnes mises en cause augmente de 410, soit 9,9 % ; corrélativement le nombre d’infractions constatées est en baisse de 557 faits, soit une diminution de 11,4 %. À titre d’illustration et pour les six premiers mois de l’année 2010, les saisies d’avoirs criminels réalisées par la gendarmerie, qui me semblent être un bon indicateur d’efficacité, se montent à 34,9 millions d’euros au 30 juin, soit une hausse de 37 % par rapport à la même période de 2009, représentant un gain supplémentaire pour l’État de 9,4 millions d’euros.

De même, les cambriolages dans les résidences principales et secondaires ont baissé de 2,4 % depuis le premier janvier, soit 1 330 faits de moins. Au total depuis le début de l’année, la gendarmerie a mis en cause plus de 240 000 personnes pour des crimes ou des délits et affiche un taux de résolution qui reste supérieur à 39 % sur les douze derniers moins.

La gendarmerie est donc au rendez–vous des objectifs qui lui ont été fixés.

Dans un contexte difficile lié à la révision générale des politiques publiques (RGPP), pour parvenir à ces résultats, la gendarmerie a conduit une politique dynamique de gestion de ses effectifs et de ses renforts. Je pense en particulier aux renforts dans les zones d’affluences saisonnières qui mobilisent d’importants moyens.

Pour gagner encore en efficacité contre la délinquance, la prochaine LOPPSI doit nous apporter les outils normatifs qui permettront de mieux identifier les délinquants récidivistes dont les agissements pèsent lourd dans le chiffre global de la délinquance. Ces outils seront complétés par des moyens techniques tel le lecteur automatique de plaques d’immatriculation qui permettra une identification en temps réel des véhicules volés et donc l’interpellation des auteurs. Nous allons déployer 200 de ces systèmes en 2010 et 2011.

En matière de lutte contre l’insécurité routière, les résultats sont bons depuis plusieurs années ; je rappelle que la route a tué 5 964 personnes en 2001 en zone gendarmerie et que ce chiffre a été ramené à 3 395 en 2009, ce qui est malheureusement encore trop, mais ce sont au total plusieurs milliers de vies qui ont été épargnées.

L’année 2009 enregistre une baisse de 4 % des accidents corporels constatés et les progrès se poursuivent également sur le nombre de blessés, en baisse de 5,5 %.

La tendance accidents–tués–blessés (ATB) actuelle sur les six premiers mois de l’année 2010 est encourageante avec une baisse de 12,9 % des accidents, de 10,8 % des tués et de 13,2 % des blessés.

L’analyse comportementale ciblant les contrôles et les nouveaux équipements, notamment les kits salivaires pour dépister les conduites sous l’emprise de produits stupéfiants, a permis de mieux lutter contre ce fléau qui touche les plus jeunes et a conduit à une nette augmentation des infractions relevées dans ce domaine.

La gendarmerie est partie prenante à ce bilan, aux côtés d’autres partenaires et acteurs de la sécurité routière. Je tiens cependant à vous rappeler si besoin en était, que cinq de nos gendarmes sont décédés depuis le début de l’année dans des missions de lutte contre l’insécurité routière.

Je vais maintenant vous présenter les grands axes du projet de budget.

Le programme 152 s’inscrit clairement dans la politique générale de maîtrise des dépenses publiques, participant à l’effort gouvernemental et collectif en baissant, en crédits de paiement (CP) hors pensions, de 0,4 % par rapport à l’année 2010.

Le plafond d’emplois pour la gendarmerie sera de 97 198 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Par rapport à l’année précédente, la baisse est de 957 ETPT.

Le volume de nos effectifs présents au 31 décembre 2010 sera cependant reconduit de manière quasiment identique au 31 décembre 2011. En recrutant et en gérant au mieux nos flux, la baisse ne sera que de 96 effectifs physiques (ETPE).

Pour y parvenir, la gendarmerie recrutera 9 108 personnels, soit 377 officiers, 2 520 sous–officiers de gendarmerie, 207 sous–officiers du corps de soutien technique et administratif, 594 civils et 5 410 volontaires des armées. Ces recrutements viendront compenser la quasi–totalité des départs.

Les crédits de masse salariale hors pensions n’intègrent pas d’hypothèse de revalorisation du point d’indice de la fonction publique pour 2011 mais ils augmentent principalement du fait de la mise en œuvre de mesures catégorielles.

Le financement de la nouvelle grille indiciaire des militaires est assuré à hauteur de 7,36 millions d’euros. Le financement d’une annuité PAGRE est prévu en 2011, soit 23,31 millions d’euros. La mise en œuvre de la grille indiciaire de catégorie B, qui sera appliquée, comme l’a voulu le ministre, au même rythme que dans la police nationale, bénéficie d’un financement de 15,15 millions d’euros.

Il me faut également souligner que les dotations de la réserve opérationnelle sont confirmées en 2011 au même niveau qu’en 2010, avec 44 millions d’euros. Nos unités, en prise quotidienne avec l’événementiel, continueront à bénéficier du concours précieux de plusieurs milliers de réservistes de la gendarmerie.

Dans un contexte de diminution des crédits hors titre 2, j’ai fait le choix de sanctuariser les crédits de fonctionnement courant des unités. Il m’apparaît important de le préciser. Mon objectif est en effet de leur permettre d’assurer l’ensemble de leurs missions opérationnelles et ainsi de conserver le niveau de performance pour l’ensemble du programme en 2011.

Afin de gagner en lisibilité, la présentation du renouvellement annuel des flux d’équipement de la gendarmerie est, depuis l’an dernier, présentée sous la rubrique des crédits de titre 3 hors fonctionnement courant. Avec le titre 5 et le titre 6, ces crédits reflètent clairement la composante « Investissement » du budget du programme 152.

Pour préserver le fonctionnement opérationnel, j’ai toutefois dû contraindre l’investissement, c’est pourquoi la dotation en CP, 262 millions d’euros, baisse de 13 % par rapport à 2010, se traduisant par une contraction de la capacité d’investissement.

Les crédits de paiement nous permettront de couvrir les engagements antérieurs sur les programmes pluriannuels pour 191 millions d’euros, c’est-à-dire 73 % des dotations ainsi que les engagements nouveaux de l’année 2011 pour 71 millions d’euros, soit 27 % des dotations.

Seront pleinement préservés le maintien en condition opérationnelle des moyens aériens, des systèmes d’information et de communication ainsi que le renouvellement des flux pour les équipements indispensables à la sécurité, à l’intervention et à l’instruction des personnels qu’il s’agisse des munitions, des protections individuelles, des paquetages « écoles », des matériels du GIGN, ou de la remise aux normes des gilets pare–balles.

D’ici à fin 2011 devraient être livrées 6 450 nouvelles tenues motocyclistes, 9 400 nouvelles tenues de maintien de l’ordre, plus de 700 voitures opérationnelles et 600 motocyclettes routières.

Les dotations de titre 6 s’inscrivent dans la continuité de 2010 afin de maintenir à un rythme dynamique les opérations locatives : 64 opérations seront lancées pour un total de 628 unités logement.

Au final, je crois que la gendarmerie prend toute sa part dans l’effort collectif de réduction de la dépense publique. Malgré cette contrainte, nous préservons l’avenir et nous conservons les moyens nécessaires pour accomplir nos missions.

M. Alain Moyne–Bressand, rapporteur pour avis. J’aurais souhaité connaître votre opinion sur la situation de la gendarmerie après le vote de la loi de 2009. Cette situation vous paraît–elle satisfaisante ? La réforme a–t–elle fait naître des déceptions ?

Récemment l’opération Mistral à Grenoble a mobilisé quelque 400 gendarmes et policiers. Comment s’est–elle passée sachant que c’était la première fois qu’autant de forces de sécurité travaillaient ensemble en milieu urbain ?

Vous avez prévu de limiter l’emploi de gendarmes pour des tâches indues, qu’il s’agisse notamment des transfèrements judiciaires ou des transfèrements administratifs. Comment ce projet avance–t–il ? Peut–on encore espérer un meilleur redéploiement des effectifs des gardes statiques ?

Pouvez–vous nous détailler la situation du parc de blindés ainsi que celle des hélicoptères ? Qu’en est–il de leur remplacement ?

M. le général Jacques Mignaux. J’ai tout fait pour accompagner au mieux cette réforme d’importance. Je n’ai pu que me féliciter de l’attention et de l’écoute de nos interlocuteurs. Certes, nous pourrions faire mieux si les moyens budgétaires étaient restés constants, mais cette situation de tension budgétaire n’est pas propre à la gendarmerie.

Les relations que j’entretiens avec l’ensemble des acteurs sont excellentes, que ce soit avec la police nationale et son directeur général, qui est par ailleurs un ami, avec le ministre de l’intérieur et son cabinet ou avec les conseillers du Président de la République qui suivent avec beaucoup d’attention cette réforme. Il va de soi que nous avons une identité à protéger et il faut rester vigilant à ce sujet, mais jusqu’à présent nous pouvons nous considérer satisfaits par la manière dont la réforme a été conduite. Ce changement de tutelle nous a en outre conduits à mener des réformes de notre propre chef de manière à être toujours une force en mouvement au service des citoyens. La modernisation de nos instances de concertation en est certainement le meilleur exemple.

Je suis par définition favorable à la disparition des tâches indues. Néanmoins, certaines questions exigent une concertation avec les différents interlocuteurs pour permettre un redéploiement des personnels concernés. Nous avons estimé qu’environ 1 200 ETP sont affectés aux transfèrements judiciaires. Nous pouvons réduire ce volume à 800 ETP, grâce notamment aux moyens modernes comme la visioconférence. Une fois cet effort accompli, nous déterminerons une clé de répartition entre la gendarmerie, la police et l’administration pénitentiaire, le redéploiement se faisant sur une période de trois ans.

Il faut garder à l’esprit que les gendarmes, comme les policiers, sont responsables de territoires. Les tâches indues désorganisent les services et les empêchent de se concentrer sur leur mission première qu’est la protection des citoyens.

Les gardes dans les unités hospitalières ne sont pas non plus des missions qui devraient être dévolues aux gendarmes, elles relèvent de l’administration pénitentiaire.

S’agissant des gardes statiques, de nombreux redéploiements ont été réalisés et il reste peu de gisements d’emploi. On pourrait imaginer par exemple que les effectifs affectés à la surveillance du Palais Bourbon sont trop importants. Pourtant, depuis trois ans le nombre de tentatives d’intrusions est en hausse constante ; il faut donc maintenir un dispositif de protection conséquent. Il en va de même au Palais de Justice de Paris, où sont jugées les affaires les plus sensibles.

La situation budgétaire ne nous permet pas de renouveler notre matériel comme nous le souhaiterions. Les véhicules blindés (VBRG) que nous utilisons sont à bout de souffle et nécessiteraient une rénovation complète. Nous sommes contraints à les « cannibaliser », Renault n’ayant plus de stock de pièces de rechange. Malgré ces difficultés, nous parvenons à maintenir un parc d’environ 70 à 80 véhicules. Face à cette situation tendue, j’ai choisi de privilégier l’entretien du matériel disposé outre–mer pour qu’il soit opérationnel en cas de désordres sociaux. Il en va de même pour les opérations sur les théâtres extérieurs, tels que le Kosovo ou la Côte–d’Ivoire.

En Afghanistan, les gendarmes utilisent le matériel que l’armée de terre a très obligeamment mis à notre disposition. Les véhicules de l’avant blindés (VAB) ont simplement été renforcés et suffisent à nos besoins en matière de déplacement et de formation. Nous disposons également de 26 4x4 blindés qui sont utilisés pour la formation dans les écoles. Les brouilleurs sont également des éléments indispensables à la protection de nos gendarmes. En août, un véhicule est ainsi tombé dans une embuscade après avoir été touché par un engin explosif improvisé. Les systèmes ont permis de protéger efficacement les gendarmes, même si le VAB concerné est désormais inutilisable, et aucune perte n’a été à déplorer. En opérations, nos besoins doivent répondre à la nécessité de disposer de matériels résistant à des armes automatiques et garantissant la protection des personnels.

Le parc actuel est encore utilisable mais il génère des dépenses de maintenance de plus en plus importantes et nous ne pourrons pas repousser éternellement leur remplacement.

Notre équipement aérien se compose de 53 hélicoptères. Il y a un contraste important entre les derniers appareils rentrés en service et les Écureuil âgés de 28 ans en moyenne. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) du parc est très coûteux et nous y consacrons chaque année près de 30 millions d’euros, c’est–à–dire autant que pour le renouvellement annuel des véhicules de la gamme commerciale.

Nous poursuivons la modernisation de la flotte. Les négociations portent actuellement sur la réalisation de la tranche conditionnelle avec l’acquisition de trois EC135 pour les trois ans à venir. Il nous faut aboutir sur ce dossier pour éviter de dénoncer le contrat en cours. En effet, il est important d’assurer une continuité et une homogénéité du parc, car entretenir une multitude de microflottes serait très coûteux.

Mme Françoise Hostalier. Lorsque vous avez évoqué les transfèrements, il me semble que vous n’avez pas insisté sur le rôle que joue le ministère de la justice en la matière.

Je souhaite revenir sur l’implication de la gendarmerie en opérations extérieures. Elle participe pleinement à la formation de la police afghane et je peux témoigner du fait que les compétences et le savoir–faire des gendarmes français sont extrêmement appréciés par les Afghans et par nos partenaires de la coalition. Pourriez–vous nous donner des précisions sur les effectifs engagés dans cette mission ?

Comme vous le savez, les alliés de l’OTAN vont approuver en novembre prochain une feuille de route pour transférer progressivement les missions de sécurité aux forces afghanes. Ce transfèrement devrait commencer en juillet 2011 et s’achever en 2014. Il devrait permettre d’alléger les effectifs militaires de la coalition, et donc le dispositif français. La gendarmerie sera–t–elle concernée par ce retrait ou au contraire devra–t–elle rester plus longtemps pour prendre le relais et continuer à former les forces locales ?

M. Christian Ménard. J’ai eu la possibilité de me rendre plusieurs fois au Kosovo et j’ai pu y constater l’évolution de la démocratie en quelques années. J’ai à cette occasion rencontré le contingent de gendarmes français en juin dernier et mesuré l’excellence de leur travail, mais il y a eu, depuis le mois de septembre, quelques échauffourées à Mitrovica et un gendarme français a été blessé.

Pensez–vous qu’un départ à court terme de notre contingent soit raisonnable au regard de l’instabilité qui règne encore dans ce pays ?

M. le général Jacques Mignaux. Je ne pensais pas avoir oublié de citer la justice qui est effectivement un partenaire déterminant pour les transfèrements. Les travaux sur ce dossier ont d’ailleurs été conduits entre les cabinets du garde des Sceaux et du ministre de l’intérieur. C’est bien parce que les deux ministres ont manifesté leur volonté commune d’avancer sur ce problème qu’il a été possible de dégager une solution.

En Afghanistan, nous intervenons pour des missions de mentoring et pour des missions de formation. Dans le premier cas, nous travaillons en étroite liaison avec la police afghane. Nous avons dû revenir sur l’ensemble des éléments fondamentaux : les agents n’avaient pas été formés ou seulement par des réservistes de la garde nationale américaine, c’est–à–dire par des personnels qui ne disposent pas de l’expérience de nos gendarmes.

Dans les écoles, nous formons ab initio les militaires jusqu’au grade de capitaine. Le rythme de formation est assez soutenu mais semble plaire puisque les autorités locales nous demandent sans cesse plus d’instructeurs. Notre présence est remarquée : pour les militaires que nous formons, le taux d’attrition est très faible.

L’effort qui a été voulu par le Président de la République se traduit par 40 formateurs supplémentaires dans la province du Wardak.

À ce jour, je n’ai connaissance d’aucun plan de désengagement ni de renforcement de notre dispositif. En tout état de cause, j’espère que nous ne serons pas les derniers à quitter ce théâtre.

Nous maintenons un escadron au Kosovo bien que j’aie manifesté le souhait de nous retirer de la zone. Les autorités ont estimé qu’il nous fallait pouvoir faire face à une brusque montée de violence et que le retrait total d’unités militaires ne serait pas pertinent à ce stade.

M. Daniel Boisserie. Vous avez évoqué la LOPPSI qui devrait prévoir un transfert d’effectifs vers des zones à forte délinquance ; cela m’inquiète pour les zones rurales, dont je suis l’élu, car nous sommes déjà, il me semble, arrivés à un plancher qu’il est impossible de revoir une fois encore.

La gendarmerie doit faire face, en même temps, à beaucoup de réformes et notamment à celle de la garde à vue. Comment allez–vous faire en zone rurale pour donner accès à un avocat lors d’une garde à vue ? Arriverez–vous à continuer à travailler dans les petites brigades ou faudra–t–il tout regrouper en ville, à proximité des cabinets ?

M. Michel Voisin. Je souhaiterais vous interroger sur les liens qu’entretient la gendarmerie avec les élus locaux et les sapeurs–pompiers.

Dans le premier cas, j’ai le sentiment que même si les relations sont globalement bonnes, elles gagneraient à être renforcées, les maires n’étant plus assez informés de ce qui se passe sur le territoire de leur commune.

Concernant les sapeurs–pompiers, j’avais déjà attiré votre attention sur le partage des compétences pour le secours en montagne. Je crois que cette question est encore d’actualité, comme le prouve l’ordre du jour des dernières assemblées générales des sapeurs–pompiers. Pourriez–vous nous indiquer l’état d’avancement de ce dossier ?

M. le général Jacques Mignaux. La réforme de la garde à vue nous préoccupe ; nous avons d’ailleurs été associés aux réflexions préalables et je n’ai pas manqué de présenter au garde des sceaux les enjeux pour la gendarmerie, en insistant tout particulièrement sur les conséquences en zone rurale. Il sera très compliqué de travailler dans de bonnes conditions si les gendarmes ne peuvent pas faire de garde à vue dans une petite brigade, faute de trouver un avocat à proximité.

Alors que nous réduisons les tâches indues pour recentrer les personnels sur le cœur de métier, il me semblerait préjudiciable de limiter notre action en compliquant excessivement la procédure.

Je note que la réforme de la médecine légale est également un sujet majeur d’inquiétudes. Nous devons absolument pouvoir continuer à nous appuyer sur des réseaux de proximité. Or, il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins pour les gardes à vue, notamment le week–end.

Les relations avec les élus locaux sont une préoccupation permanente. Je ne manquerai pas d’insister sur ce point lors de ma prochaine rencontre avec les commandants de groupement. Il faut également que les jeunes générations d’élus n’hésitent pas nous solliciter ou à venir vers nous. Pour renforcer les liens, nous allons utiliser plus largement les nouvelles technologies et notamment les messageries électroniques qui accélèrent la transmission de l’information et nous permettent de gagner en interactivité.

Les discussions se poursuivent avec les pompiers pour le secours en montagne. Nous avons commencé par évoquer les sujets qui font plutôt consensus ; il nous faut désormais aborder les points les plus délicats. Pour la haute montagne, l’État a développé des moyens extrêmement pointus, avec un effort très important pour l’entraînement des personnels ; il ne peut y avoir doublon ou confusion dans les compétences, chacun devant conserver son rôle.

M. Nicolas Dhuicq. Il y a encore des secteurs où des gendarmes vivent dans des logements indignes et je suis souvent confronté à des élus locaux qui refusent d’agir. N’y a–t–il pas urgence à intervenir ?

Il y a quelques années, il a été décidé de créer les communautés de brigades, tout en maintenant un réseau de brigades de proximité. Vu les difficultés immobilières, ne faudrait–il pas envisager un regroupement de tous les logements sur le site unique de la communauté de brigades et renoncer aux brigades de proximité dont l’entretien peut devenir coûteux ?

M. Patrick Beaudouin. Par le passé, dans le cadre de modernisation de la gendarmerie, nous avions évoqué la gendarmerie virtuelle. Je voudrais savoir où en est ce projet, s’il est efficace et apprécié des populations.

Avec plusieurs élus réservistes citoyens de la gendarmerie, nous avons participé à un groupe de travail pour améliorer les relations entre l’institution et les élus. Avez–vous eu connaissance de nos propositions et comment peut–on avancer plus globalement pour renforcer les liens entre nous ?

M. le général Jacques Mignaux. La situation du parc de logements est très contrastée : des constructions neuves ou rénovées cohabitent avec d’autres qui sont vétustes. Nous n’avons pas aujourd’hui la capacité d’accélérer le rythme de nos remises aux normes. Aussi, notre plan d’action n’avançant pas aussi vite que prévu, nous essayons de nous consacrer aux travaux les plus urgents dans les bâtiments les plus dégradés en changeant par exemple les huisseries ou les chaudières. Il est prévu de consacrer 54 millions d’euros à l’amélioration de l’immobilier en 2011.

Il n’existe pas de schéma global privilégiant une organisation en brigades ou un regroupement autour d’une communauté de brigades unique. C’est le terrain qui commande et il faut faire une analyse par bassin de vie. La qualité de l’immobilier est également une contrainte dont il faut tenir compte. Je suis personnellement très attaché au maillage territorial de la gendarmerie ; il serait dommage de se priver d’un tel atout.

Monsieur Beaudouin, la gendarmerie est aujourd’hui techniquement capable de généraliser le procès–verbal électronique, mais il ne faut pas créer une trop grande disparité avec la police nationale. Jusqu’à récemment, nous ne partagions pas les mêmes applications informatiques et nous devons travailler à la convergence de nos outils. Nous avons d’ailleurs créé un service commun dédié à cette tâche dont j’ai précédemment parlé. Nous avons néanmoins beaucoup avancé dans la dématérialisation : les plaintes en ligne fonctionnent et nous transmettons beaucoup d’éléments à l’autorité judiciaire par informatique.

S’agissant du groupe de travail sur la réserve citoyenne dont vous faites état, je crois qu’il faut établir un vrai diagnostic sur la relation des gendarmes avec les élus. Nous devons sensibiliser tous nos cadres et mettre en place des modules de formation dans nos écoles pour que l’importance de ce lien avec les élus reste un souci permanent.

M. Christophe Guilloteau. Je voudrais vous parler du département du Rhône où le redéploiement des forces de sécurité, conduit par le préfet de police, est aujourd’hui réglé et opérationnel. Je m’interroge néanmoins sur le devenir des deux brigades de gendarmerie de Rillieux et d’Écully : pourrez–vous m’apporter quelques éléments de réponse ?

M. Jean–Jacques Candelier. Je constate que la gendarmerie va quitter les palais de justice de Paris et va y être remplacée par des sociétés privées et des réservistes, abandonnant ainsi une partie de ses attributions, ce que je regrette. Par ailleurs, il a été annoncé que la gestion des procurations de vote va être transférée de la gendarmerie aux commissions locales des listes électorales et, là encore, je comprends mal ce transfert.

M. le général Jacques Mignaux. Dans le département du Rhône, les travaux avancent. Les mouvements se feront certainement à l’été 2011 avec une annonce des décisions finales avant la fin de l’année.

Concernant les palais de justice, il faut isoler le cas particulier de Paris. Des réflexions ont effectivement été engagées pour en améliorer la sécurité tout diminuant les effectifs de l’ordre aujourd’hui de 503 ETP pour un coût annuel de 25 millions d’euros. Les autres palais de justice sont, sauf exception, en zone police, nous n’en assurons donc pas la sécurité. On peut mettre en œuvre des moyens électroniques, faire appel à des sociétés de gardiennage ou à des réservistes, de la police ou de la gendarmerie. La question est celle du coût rapporté à l’efficacité du dispositif choisi. Ce travail doit être conduit en liaison avec les procureurs, les préfets et les responsables locaux de la police et de la gendarmerie.

Les procurations de vote sont une lourde charge pour la gendarmerie en période électorale, d’autant que nous avons constaté une explosion du nombre de procurations « de confort ». Les officiers de police judiciaire ne peuvent ainsi se consacrer à d’autres tâches et je ne crois pas que ce soit leur cœur de métier ! C’est donc avec un grand soulagement que nous verrions le transfert de cette compétence.

M. le président Guy Teissier. Ce transfert aura certainement un coût pour les communes qui devront reprendre à leur charge cette mission.

M. Jean Michel. Vous avez indiqué que la gendarmerie perdrait 957 ETP en 2011. Cela fait maintenant de nombreuses années que l’on assiste à une baisse des effectifs aussi bien dans la gendarmerie que dans la police. Je tenais à le souligner car cela contraste avec la volonté affichée du Gouvernement de faire de la sécurité sa priorité absolue !

Sur la garde à vue, je voudrais préciser qu’il s’agit bien de mettre en œuvre une décision du Conseil constitutionnel que la Cour de cassation va bientôt compléter. Il s’agit également de nous mettre en conformité avec les décisions rendues par la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le sujet. Je crois donc important de faire en sorte que les prévenus puissent bénéficier de l’assistance d’un avocat.

Concernant les relations entre les élus et la gendarmerie, je peux témoigner, en tant qu’élu local depuis trente–trois ans, que je les ai vues se dégrader peu à peu. Auparavant, il y avait une certaine réciprocité et un partage des informations, permettant de tisser des réseaux d’information très conséquents. Cela serait en outre tellement facile aujourd’hui avec les moyens de communication dont nous disposons ! Je crois qu’il faut revenir rapidement à ces bonnes pratiques.

Vous vous êtes félicité du rapprochement entre la police et la gendarmerie, j’aimerais savoir le bénéfice que vous en avez tiré et ce que vous avez pu apprendre de la police.

M. Jacques Lamblin. Je vous remercie d’avoir rappelé l’importance du maintien de la militarité de la gendarmerie et du respect de vos spécificités. Je crois que nous n’insisterons jamais assez sur point.

J’aimerais revenir sur la gestion de votre parc immobilier. Aujourd’hui, les bâtiments de la gendarmerie sont soit propriété des collectivités locales avec un loyer payé par la gendarmerie, soit propriété directe de l’État. Où va votre préférence ? Comment cela pourrait évoluer à moyen et long terme ?

M. Gilbert Le Bris. Vous avez évoqué les difficultés concernant le renouvellement de vos parcs de blindés et d’hélicoptères. Les crédits de titre 5 du programme 152 atteignent 332 millions d’euros dans le PLF pour 2011 dont 139 millions pour les nouveaux équipements technologiques. Cela comprend–il les drones tactiques ? Quel est l’état de votre réflexion à ce sujet ?

M. le général Jacques Mignaux. Nous sommes les derniers arrivés dans un ministère où la police se trouvait en situation quasi monopolistique. Son influence était prégnante dans les réflexions et les circulaires d’application du ministère. Il y avait bien un conseiller pour la gendarmerie au sein du cabinet du ministre de la défense mais nous n’étions pas au cœur des préoccupations. La refonte de notre partenariat avec la police a été déterminante : les relations sont désormais plus fluides et nous sommes pleinement intégrés au processus de décision. La gendarmerie n’est pas encore aussi influente que la police au sein du ministère mais les progrès sont réels. La décision de nommer un général de gendarmerie dans le corps préfectoral me paraît d’ailleurs significative. Dans les domaines de prestations croisées, les apports de savoir–faire sont réciproques, comme le montre bien l’exemple de notre coopération en matière de renseignement.

S’agissant du logement, sous réserve d’avoir le choix, je préfère recourir à des solutions locatives car l’État a du mal à entretenir le patrimoine domanial. Depuis des années nous avions constaté une paupérisation de notre parc immobilier. Les dispositifs introduits par la LOPSI, je pense notamment aux partenariats public–privé, ont donné des résultats mais au prix d’une envolée du coût des loyers. En moyenne, la solution locative nouvelle est 30 % plus chère que celle déjà existante. L’arbitrage est difficile entre ce surcoût et notre incapacité à entretenir nos propriétés.

Mme Françoise Hostalier. N’y a–t–il pas différentes qualités de logement ?

M. le général Jacques Mignaux. Les normes imposées à l’immobilier de la gendarmerie ont été déterminées par France Domaine. La qualité de l’opérateur est donc sans incidence sur le niveau des prestations et neutre budgétairement.

Le GIGN est doté de quelques drones tactiques. Il n’y a pas trop de contraintes sur ces matériels, hormis quelques problèmes d’intégration dans la circulation aérienne qui restent à régler. Une réflexion est en cours sur l’utilisation d’appareils assez élaborés pour remplir des missions de surveillances statiques notamment lors de manifestations. Des caméras embarquées dans les hélicoptères permettent déjà d’acquérir des images très précises, de jour comme de nuit, et ce, en toute discrétion. La gendarmerie n’a donc pas un besoin de drones complexes à ce stade ; les drones tactiques et les hélicoptères suffisent à couvrir nos besoins.

M. le président Guy Teissier. Une délégation de la commission de la défense nationale et des forces armées pourrait se rendre prochainement au GIGN et mesurerait alors l’apport de ces appareils lors des interventions.

M. le général Jacques Mignaux. Nous vous y accueillerons avec grand plaisir.

La commission a procédé, en commission élargie à l’ensemble des députés, lors de sa séance du mercredi 27 octobre 2010, à l’audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre–mer et des collectivités territoriales, sur les crédits de la mission « Sécurité ».

M. le président Jérôme Cahuzac. Avec Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale, et Jean–Luc Warsmann, président de la commission des lois, je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui, monsieur le ministre, à l’occasion de cette commission élargie qui nous permettra de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2011.

Vous savez que la procédure de la commission élargie tend à favoriser des échanges directs et vivants entre les ministres et les députés en donnant toute la place aux questions et aux réponses que vous leur apporterez.

Dans un premier temps, nous entendrons Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la Commission des finances, Alain Moyne–Bressand, rapporteur pour avis de la commission de la défense, et Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. le président Guy Teissier. Je suis très heureux de coprésider cette réunion consacrée à la mission « Sécurité ».

La commission de la défense a récemment auditionné le général Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. Un an après le rapprochement entre la gendarmerie et la police, pouvez–vous faire le point sur la cohabitation entre ces deux forces ? Nous avons observé que le rapprochement avait des effets sur d’autres armes, notamment l’armée de terre, où la revalorisation salariale des gendarmes a suscité des réactions qui peuvent paraître justifiées.

En second lieu, pourriez–vous revenir sur les conséquences de la baisse des crédits d’investissement pour la gendarmerie ?

Ma dernière question porte sur le redéploiement annoncé de 1 000 policiers et gendarmes aujourd’hui occupés à des « tâches indues ». Nous vous félicitons de cette mesure, mais nous aimerions en savoir davantage sur les critères retenus pour les nouvelles affectations.

M. le président Jean–Luc Warsmann. Je voudrais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre. La commission des lois accorde une grande attention à la mission « Sécurité », et je voudrais saluer le travail de grande qualité réalisé par notre rapporteur pour avis sur ce sujet.

J’observe qu’un important effort financier est consenti en faveur de la sécurité en cette période de rigueur budgétaire : la mission sera dotée de 16,8 milliards de crédits de paiement en 2011, ce qui représente une augmentation de 2,65 % par rapport à 2010.

Nous sommes d’autant plus attentifs à cette mission que nous espérons voter prochainement la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI). Dans le cadre de l’application de ce texte, les crédits que nous examinons aujourd’hui seront les bienvenus pour améliorer la lutte contre la délinquance et pour adapter les services à ses évolutions.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Il serait difficile de ne pas être impressionné par l’importance des changements intervenus au cours des dernières années.

Ils ont concerné, tout d’abord, les structures des services – rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, redéploiement des zones de compétence, mutualisation des moyens, fusion des services de renseignement, création d’une police d’agglomération, développement de la police de proximité, création – avec les services des douanes et des impôts – de structures spécialisées dans la lutte contre la grande délinquance.

Les méthodes de travail ont, par ailleurs, été modernisées, avec le recours systématique aux moyens de la police scientifique et le passage d’une culture de l’aveu à une culture de la preuve, mais aussi avec la lutte contre la récidive, le développement de la vidéosurveillance et le recours à la visio–conférence dans les procédures judiciaires.

Les moyens ont enfin été renforcés à de nombreux égards : les matériels, les véhicules, les systèmes radio et l’informatisation. À cela se sont ajoutées la revalorisation de la situation des agents, l’application du protocole « corps et carrières » dans la police et du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées dans la gendarmerie, ainsi que des efforts renouvelés en matière de formation.

Ces actions ont produit des résultats incontestables : la délinquance a baissé de 15 % depuis 2001, le taux d’élucidation des infractions est passé de 25 à 38 % et, dans un autre domaine, le nombre des tués sur la route a diminué de plus de 40 %.

Ces évolutions doivent aujourd’hui se poursuivre avec des moyens beaucoup plus contraints et des effectifs revus à la baisse. Il faudra maintenir et, si possible, renforcer l’engagement des services de police et de gendarmerie aussi bien en matière de maintien de l’ordre public qu’en matière d’action judiciaire. De récents événements ont en effet montré qu’il ne fallait pas baisser la garde en matière d’ordre public ; on constate, en outre, que la délinquance prend des formes de plus en plus imprévisibles et violentes.

Chacun peut comprendre que le Gouvernement n’ait pas voulu exonérer les services de police et de gendarmerie de l’effort imposé à tous les autres services de l’État. C’est une position juste et courageuse, mais elle ne pourra s’appliquer dans la durée que sous deux conditions : il faudra que les services gagnent en efficience ce qu’ils ont perdu en moyens, et la baisse des effectifs devra s’accompagner d’une baisse de la masse salariale. Pouvez–vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ces différents sujets ?

Comment envisagez–vous l’évolution de la part des rémunérations ? Elle représente aujourd’hui 87 % des crédits, ce qui est considérable. On peut également s’interroger sur la gestion de la masse salariale de la police nationale et de la gendarmerie : les prévisions seront probablement dépassées d’environ 230 millions d’euros. À quoi faut–il s’attendre exactement ? À quoi ce dépassement est–il dû, et comment sera–t–il financé ? Les avantages catégoriels accordés l’année dernière auront, par ailleurs, une incidence sur la gestion des crédits en 2011. Les prévisions réalisées l’été dernier risquent d’être déjà dépassées.

M. Alain Moyne–Bressand, rapporteur pour avis de la commission de la défense. Je me réjouis des crédits du programme « Gendarmerie nationale »  qui nous est présenté : une augmentation de 1,28 % est prévue en crédits de paiement. Dans le contexte actuel de gel des dépenses publiques, cette évolution témoigne de la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.

Même si des progrès doivent encore être réalisés en matière de violences aux personnes et d’élucidation des crimes et délits, vous méritez un satisfecit pour la baisse générale de la délinquance cette année. Je veux vous en remercier et rendre hommage au Gouvernement et à l’action de nos forces de l’ordre.

Alors que les crédits de paiement consacrés à la gendarmerie progressent de 1,28 %, ceux de la police nationale s’accroissent de 3,86 %. Certains gendarmes craignant que l’avenir ne leur réserve un sort moins favorable qu’aux policiers dans le cadre du rapprochement entre les deux forces, il me semblerait important que vous nous expliquiez cet écart.

J’en viens à la question des missions périphériques assurées par la gendarmerie – gardes statiques, transfèrements et autres tâches « indues ». Pouvez–vous préciser la nature des tâches que la gendarmerie n’aura plus à assurer, ainsi que le calendrier des transferts prévus et le nombre d’emplois ETP que la gendarmerie pourrait regagner pour l’exercice de ses missions principales ? Je vous avais interrogé, l’an dernier, sur la surveillance du domicile personnel des anciens chefs de l’État. Où en sommes–nous dans ce domaine ?

Les crédits prévus par la LOPPSI en matière de rénovation immobilière s’élèvent en moyenne à 88 millions d’euros d’autorisations d’engagement de 2009 à 2013. Or, le besoin de financement est estimé à 160 millions d’euros. Ajoutons à cela que le coût des opérations locatives ne cesse d’augmenter. Que comptez–vous faire dans ce domaine ?

Par ailleurs, aucun crédit n’est prévu, ni dans cette loi de finances ni dans la LOPPSI, pour renouveler les véhicules blindés qui sont en train de vieillir. À quelle échéance et grâce à quels moyens budgétaires leur renouvellement pourra–t–il avoir lieu ? Une même question se pose pour la modernisation des hélicoptères.

En dernier lieu, je rappelle que les opérations extérieures occasionnent, chaque année, un surcoût pour la gendarmerie. Afin de ne pas grever un budget déjà très contraint, ne serait–il pas normal que le surcoût, probablement supérieur à 25 millions d’euros cette année, soit pris en charge par la réserve interministérielle ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la commission des lois. Sans revenir sur les principaux chiffres, je rappellerai que les budgets de la police et de la gendarmerie augmentent malgré le caractère contraint du contexte actuel. On pourra apporter quelques nuances à ce constat général au fil des questions.

Ce budget tend à traduire la LOPPSI qui, je l’espère, sera bientôt adoptée. Peut–on estimer que nous suivons le chemin tracé par ce texte ? Qu’en sera–t–il au cours des années suivantes ?

La commission des lois a souhaité porter un regard particulier sur la police scientifique et technique – je remercie les collègues qui ont participé à nos auditions. Pouvez–vous nous dire quelles sont les évolutions qui se dessinent dans ce domaine ? Un dialogue approfondi vient de s’engager entre l’administration et les représentants de la police scientifique. Quelle est la feuille de route des six groupes de travail qui ont été instaurés ? Dans quelle mesure l’action de la police scientifique et technique pourra–t–elle porter non plus seulement sur la grande criminalité, mais aussi sur la délinquance de masse ?

Après plusieurs années de baisse, les effectifs devraient être stabilisés en 2011. Nous le devons en particulier à l’anticipation du recrutement de nombreux adjoints de sécurité (ADS) dans la police nationale. Pouvez–vous nous apporter des précisions sur les perspectives qui s’ouvrent à ces personnels, et sur la place qui leur reviendra dans l’ensemble du dispositif ?

Grâce aux redéploiements internes et à certaines réductions de format, notamment celui des forces mobiles, il semble que la présence constante des forces de l’ordre sur le terrain n’ait pas été altérée au cours de ces dernières années, malgré une mise en œuvre rigoureuse de la RGPP. Qu’en sera–t–il dans les années à venir ? Des réductions d’effectifs supplémentaires sont–elles à craindre ?

Quelles sont, par ailleurs, les perspectives en ce qui concerne les moyens de fonctionnement ? Tous nos interlocuteurs se sont inquiétés de leur réduction. On peut, en outre, penser que le mouvement de substitution entre les personnels actifs et les personnels administratifs va devoir s’interrompre : il semble difficile de continuer à mettre davantage les actifs sur le terrain en les remplaçant par des personnels administratifs si ces effectifs n’augmentent plus.

En plus des questions qui vous ont été posées sur le rapprochement entre la police et la gendarmerie, je voudrais vous interroger sur le statut des officiers de police. Il semble qu’il y ait aujourd’hui un certain nombre de difficultés en matière indemnitaire – je pense en particulier aux indemnités de sujétion spéciale police (ISPP). Des progrès sont–ils possibles dans ce domaine ? Je note toutefois que les programmes catégoriels ont été suivis d’effet dans la police nationale et la gendarmerie si l’on en croit l’évolution des crédits. Les intéressés semblent relativement satisfaits.

Les transfèrements judiciaires, qui font partie des tâches « indues », ont fait l’objet d’un accord avec le ministère de la justice, aux termes duquel un certain nombre d’ETPT devraient être transférés sur une période de trois ans. Quelle pourrait être la traduction de cet accord au plan budgétaire ?

Le développement des unités territoriales de quartier (UTeQ), qui a été bloqué pour des raisons essentiellement budgétaires, vient d’être relancé sous un autre nom : les anciennes UTeQ ont été transformées en brigades spécialisées de terrain (BST), et un nombre important de ces nouvelles brigades devrait être créé. Pouvez–vous nous apporter des précisions sur l’évolution de la doctrine d’usage de ces unités ?

En juillet dernier, j’ai remis un rapport d’information sur la contribution de l’État au développement de la vidéo–protection, qui est un outil important au service de la police et de nos concitoyens. L’objectif initial était de tripler le nombre de caméras à l’horizon 2011. Malgré les efforts très importants qui ont été réalisés par l’État, en particulier grâce au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), il semble que les objectifs ne pourront pas être atteints à moins d’un prolongement du dispositif en 2012. Dans quelle mesure est–ce envisageable ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre–mer et des collectivités territoriales. Le budget de l’État dépend forcément du contexte économique. La dette publique atteint 1 600 milliards d'euros, soit 26 000 euros par Français ; avec 46 milliards d'euros, sa charge annuelle représente près de deux fois le budget du ministère de l’intérieur, rémunérations comprises. Nous ne pouvions donc pas nous exonérer d’une gestion rigoureuse.

Avec ambition, nous avons choisi la voie de l’innovation et de la rationalisation. J’ai pu le constater lors de mes nombreux déplacements, les inquiétudes des personnels liées au rapprochement de la police et de la gendarmerie sont derrière nous. Les synergies qu’il ouvre, logistiques et opérationnelles, nous font gagner en efficacité. Je pense aux cellules communes destinées à lutter contre le fléau qu’étaient les cambriolages il y a encore plus d’un an, ou encore à la création de directions communes, comme la direction de la coopération internationale, réclamée par les deux forces de sécurité.

Nous avons fêté le premier anniversaire de la police d’agglomération. Les résultats obtenus à Paris et dans les trois départements de la petite couronne nous poussent à l’étendre à d’autres grandes villes. Après Lille, où elle est déjà opérationnelle, elle sera installée à Lyon, puis à Marseille et à Bordeaux, chaque fois en partenariat avec les élus.

Une nouvelle génération d’UTeQ (unités territoriales de quartiers) va être mise en place, sous le nom de BST (brigades spécialisées de terrain). Si l’efficacité des UTeQ a été démontrée, l’organisation de leur compétence par quartier s’est avérée une limite, la délinquance se déployant sur des zones plus étendues. Les territoires de compétence des BST sont donc élargis par rapport à ceux des UTeQ. Chaque brigade ajuste en outre son organisation et ses horaires de travail aux circonstances, notamment aux emplois du temps des délinquants. D’ici la fin de l’année, les 34 UTeQ seront transformées en BST et 26 nouvelles brigades créées. Deux sont déjà installées, l’une à Perpignan et l’autre à Toulon.

C’est par leur connaissance du terrain que les BST répondront aux attentes envers une police de proximité. Elles n’exerceront évidemment aucune tâche d’agent d’ambiance.

La révision générale des politiques publiques nous amène heureusement à réformer notre réseau de formation. Certains centres ont été fermés ou affectés à la formation continue. Les écoles de Vannes et de Marseille sont en cours de fermeture, celle de Paris et Draveil vont être transformées ; quatre écoles de gendarmerie seront supprimées.

Enfin, la garde des centres de rétention administrative sera transférée de la gendarmerie à la police.

Rationaliser notre action était aussi la clarifier : à difficulté identifiée, réponse ciblée. À cette fin, des plans opérationnels ont été adoptés. L’un est relatif à la lutte contre les cambriolages. Un autre vise les bandes violentes : faute d’actions appropriées, ce phénomène, au lieu de se concentrer à 80 % en région parisienne, s’étendrait inéluctablement aux villes de province – certaines sont déjà touchées.

Un troisième plan vise le trafic de stupéfiants. Le combat contre les petits dealers – à travers la pédagogie et la répression – doit être mené au même titre que la lutte contre les grands réseaux. Grâce à une coopération internationale très poussée, notamment avec les autorités espagnoles, nous obtenons de très bons résultats.

Après une légère hausse de la délinquance pendant la deuxième partie de l’année 2009 – les cambriolages avaient augmenté de 6,55 % entre octobre 2008 et septembre 2009 – nous avons réussi à inverser la tendance. La délinquance globale avait déjà diminué de 14,4 %, retrouvant ainsi son niveau de 1997, et la diminution, pendant les neuf premiers mois de l’année 2010, est encore de 3,4 %. Un signal négatif a été donné par le mois de septembre, mais il ne devrait pas obérer le bilan de l’année.

Après avoir, quant à lui, chuté de 29,9 % entre 2002 et 2009, le nombre d’atteintes aux biens a encore diminué de 3 % pendant les neuf premiers mois de l’année 2010. Même si, bien sûr, nous pouvons considérer qu’aujourd’hui, nous « grattons un peu l’os », nous poursuivons notre politique.

D’aucuns font observer néanmoins que les violences aux personnes ont continué de croître. À ce sujet, lors du débat de la LOPPSI au Sénat, j’avais suscité de vives protestations en faisant valoir au sénateur Jean–Pierre Chevènement, ancien ministre d’État, qu’entre 1997 et 2002, leur nombre avait augmenté de 55 %. Je m’étais en effet trompé : l’augmentation était non pas de 55 % mais de 60,8 %, soit de plus de 10 % par an ! C’est à cette aune qu’il faut comparer la progression annuelle de 3  %, évidemment trop forte, entre 2002 et 2007. L’Observatoire national de la délinquance a d’ailleurs constaté que, d’octobre 2009 à septembre 2010, l’augmentation n’avait été que de 1 %.

La criminalité organisée et la délinquance spécialisée ont quant à elles reculé de 18,1 % depuis 2002, et de 8,3 % pendant les seuls neuf premiers mois de 2010.

Enfin, nous luttons aussi contre ce qu’on pourrait appeler la vie quotidienne de la délinquance. Les violences dans les stades ont causé un mort le 28 janvier dernier, à la suite d’un match de football au Parc des Princes entre le Paris–Saint–Germain et l’AJ Auxerre. Nous avons mis en place des mesures très précises : création d’une division anti–hooligans, modification des systèmes de protection à l’intérieur et à proximité des stades, interdictions de stade. Nous sommes allés jusqu’à faire jouer une rencontre entre le PSG et Auxerre devant des tribunes vides ! Nous avons enfin dissous plusieurs clubs de supporters. Ces mesures ont été très efficaces, et aucun incident majeur n’a été signalé depuis leur adoption. L’œuvre entreprise contre la délinquance à l’intérieur des stades doit être maintenant poursuivie à leurs abords.

Nos actions de lutte contre les trafics de stupéfiants – je parle sous le contrôle des élus de la petite couronne parisienne – sont quotidiennes et très fortes. À l’initiative du préfet Christian Lambert, trois mille halls d’immeubles ont été visités et sécurisés en Seine–Saint–Denis. Depuis un an, les succès obtenus – saisies de drogue et de numéraire – sont très significatifs.

Notre action fait également reculer la délinquance envers les personnes âgées. Entre septembre 2009 et septembre 2010, la part des victimes d’escroqueries et d’infractions économiques et financières âgées de plus de 65 ans a diminué de 40,4 %. C’est le fruit de la pédagogie menée par les policiers, les gendarmes ainsi que, bien sûr, les élus locaux, qui sont associés à cette action. Nous constatons aussi une diminution en matière d’atteintes volontaires à l’intégrité physique.

En conclusion, la délinquance recule bel et bien.

J’en arrive au budget proprement dit. Ses grands équilibres sont constants. Avec 16,8 milliards d'euros, la mission « Sécurité » représente 70 % du budget de l'Intérieur.

Cela représente une progression de 2,6 %, due pour l’essentiel à la progression automatique de la masse salariale – 14,6 milliards d'euros – et des cotisations de retraite.

Le plafond d'emploi – 242 702 équivalents temps plein travaillés (ETPT) – représente 86 % des effectifs du ministère. Avec le rattachement de la gendarmerie, ses effectifs font du ministère de l'intérieur le troisième employeur de l'État après l'Éducation nationale et la Défense.

Comme chaque ministre, je me suis efforcé de limiter au maximum les réductions nettes d'emplois. Ainsi, pour tenter de compenser la diminution de 712 ETPT des effectifs de la police par rapport à 2010, j'ai obtenu que le recrutement de 500 adjoints de sécurité supplémentaires, initialement prévu en 2011, ait lieu par anticipation en décembre 2010. La diminution du nombre d’emplois dans la police sera ainsi limitée à 212. Si l’on ajoute à cela 96 ETPT supprimés dans la gendarmerie, la réduction totale se limite à 308, soit à peine 0,2 % des effectifs.

J’ai surtout veillé à ce que les policiers et les gendarmes puissent être progressivement, mais rapidement, déchargés des « tâches indues » qui leur incombent. En accord avec le ministère de la justice, c’est, en trois ans, l'équivalent de 1 000 gendarmes et policiers qui vont pouvoir être entièrement mobilisés pour des missions opérationnelles.

Les premiers effets de cette avancée majeure, très attendue, se feront sentir dès le 1er trimestre 2011. Dès le 1er janvier, sauf cas spécifiques, la police des audiences sera assurée par des sociétés privées et des réservistes de la police et de la gendarmerie, rémunérés et équipés par le ministère de la justice. Ce sont 530 postes qui seront ainsi économisés.

À compter de 2011 également, et selon un calendrier triennal, les transfèrements pénitentiaires seront progressivement pris en charge par le ministère de la justice. Ils mobilisent aujourd’hui 800 gendarmes et 400 policiers, soit 1 200 emplois. Comme vous l’avez signalé, monsieur Diefenbacher, grâce à la réorganisation, mais aussi à l’équipement en dispositifs de visioconférence des lieux de détention et des palais de justice, le nombre de transfèrements a déjà été réduit en 2010 de plus de 5 %. Le nombre des postes transférés au ministère de la justice pourra être limité à 800 – dont 200 en 2011. Le gain net pour le ministère de l'intérieur sera donc de 400 ETPT. Je souhaite qu’un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances rende effective cette nouvelle organisation au 1er janvier prochain.

Monsieur Moyne–Bressand, le ministère de la justice prendra aussi à sa charge la garde statique de ses locaux. Voilà encore 18 ETPT d’économisés. D'autres allégements de charges, au palais de justice de Paris notamment, sont en cours d'expertise.

Ces réaffectations seront organisées progressivement, en trois ans, région par région.

Nous souhaitons aller plus loin encore. Dès l'examen en seconde lecture de la LOPPSI, à partir du 22 novembre, je plaiderai devant vous en faveur de l’abandon d’autres tâches indues, de nature administrative cette fois. Monsieur le président Warsmann, je sais que vous êtes très réservé sur les procurations de vote. Mais, en cinq ans, entre l'élection présidentielle de 2002 et celle de 2007, avec 1,2 million de procurations supplémentaires, leur nombre a plus que doublé ! Or, les différentes vérifications qui justifiaient autrefois l’intervention de l'officier de police judiciaire ont été supprimées en 2004, pour être remplacées par une simple attestation sur l'honneur.

Je proposerai donc le transfert de l’établissement de la liste des procurations de vote aux commissions de révision des listes électorales. Ces instances sont collégiales et indépendantes. Les demandes de procuration seraient alors déposées, non plus auprès des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie, mais auprès des maires, ou des agents municipaux habilités par le juge d'instance. En revanche, le recueil à domicile des procurations des personnes ne pouvant se déplacer – les personnes âgées résidant en maison de retraite, par exemple – resterait à la charge de la police et de la gendarmerie.

Parallèlement, pour les tâches administratives, je poursuivrai la politique de substitution de personnels administratifs aux policiers et gendarmes. Ceux–ci pourront ainsi se concentrer sur leur métier opérationnel. Je remercie d'ailleurs M. Guy Geoffroy d'avoir souligné l'utilité de cette politique pour la vie quotidienne des services. À cette fin, près de 900 personnels administratifs et techniques seront recrutés en 2011.

En conclusion, je voudrais rappeler trois vérités.

D’abord, l’effectif des policiers et gendarmes – 243 000 – est aujourd’hui supérieur à celui de 2000 : l’accroissement à la fin 2010, il sera de 4 301 emplois, 1 842 policiers et 2 459 gendarmes.

Ensuite, le nombre de policiers et de gendarmes présents sur le terrain sera le même en 2011 qu'en 2010. C’est en effet dans les services de soutien et d'état–major que j’ai fait le choix de concentrer les réductions d'emplois. Le ministère de l'intérieur recrutera aussi plus de 14 000 agents, dont 13 200 agents des corps actifs de la police et des corps militaires de la gendarmerie.

Enfin, la disponibilité et l'organisation du travail des policiers et gendarmes a été améliorée. Depuis 2009, un changement dans le décompte du temps de travail des gradés et gardiens de la paix – « temps pour temps », et non plus « forfaitaire heure par heure », a permis de réduire celui des heures supplémentaires à récupérer.

Améliorer la disponibilité, c'est aussi adapter les horaires de travail aux horaires de la délinquance, développer l'emploi des réservistes, employer les forces mobiles à des tâches de sécurisation lorsqu'elles ne sont pas requises par le maintien de l'ordre, fermer les petites implantations, les petits bureaux de police et rationaliser l'accueil dans les communautés de brigades.

Notre objectif, c’est l’occupation du terrain, au contact des délinquants, pour les dissuader, et de la population, pour la rassurer.

Monsieur Diefenbacher, ce qu'on appelle le budget triennal n'est pas un budget établi sur trois ans : la loi de finances votée par le Parlement reste annuelle. Ce budget prend la forme d’une loi de programmation des finances publiques, de nature exclusivement financière. Cette loi décrit la trajectoire du retour progressif à l'équilibre des finances publiques.

Par ailleurs, si ce « budget triennal » énonce les perspectives de réduction d'emplois pour l'ensemble de la fonction publique de l'État, il n’en précise pas la répartition.

De même, il ne fixe que le montant des crédits dont disposera, en 2012 et 2013, chaque programme du ministère de l’intérieur. La répartition de ces crédits entre la masse salariale, les emplois, le fonctionnement et les investissements n'est en revanche ni fixée, ni même connue. Elle sera l'enjeu des lois de finances pour 2012 et pour 2013.

Je voudrais rappeler à l'opposition que la victoire contre la délinquance ne dépend pas seulement de l’évolution, positive ou négative, des effectifs. Comment effectuer une comparaison entre la progression spectaculaire – près de 50 % – du taux d’élucidation, et celle beaucoup plus modérée des effectifs ? C’est aux changements dans l’organisation, qui doit s’adapter à l’évolution de la délinquance, et au recours à la police technique et scientifique que ce succès est dû. Si le taux d’élucidation atteint aujourd’hui 93 % pour les meurtres, cela ne tient pas à l’accroissement des effectifs, mais bien à l’organisation, aux pratiques et aux moyens scientifiques mis à la disposition des forces de sécurité. Nul ne pourra d’ailleurs faire l’économie d’une réflexion sur l’efficacité de la fonction publique rapportée à l’évolution de ses effectifs, quand on sait que depuis 1992, on a recruté plus d’un million de fonctionnaires, soit une augmentation de 30 % des effectifs.

Le budget finance les engagements pris envers les personnels, à hauteur de 112 millions d’euros hors pensions. Il s’agit essentiellement de la poursuite des protocoles « corps et carrières » de la police nationale, du PAGRE, plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, de la mise en œuvre de la nouvelle grille de catégorie B des 104 000 gradés et gardiens de la paix ainsi que des 74 000 sous–officiers de gendarmerie. Toutes les organisations syndicales, qui avaient ardemment souhaité cette réforme de la catégorie B, ont signé le 21 septembre dernier un accord que Unité SGP Police (CGT–FO) a déclaré « historique ». Celui–ci prévoit une revalorisation indiciaire de l’ensemble des échelons de la grille avec un allongement corrélatif de la durée de carrière pour tous les grades. Il prend en compte les spécificités des missions et des carrières en intégrant des dispositions propres aux personnels actifs. Je rassure M. Diefenbacher : l’ensemble de ces mesures figure bien dans la masse salariale prévue pour 2011. L’écart entre la réalisation et la prévision initiale pour la masse salariale 2010, dépassements d’exécution 2009 inclus, est à peu près du même ordre que les années précédentes et sera couvert en fin d’année, comme d’habitude, par des gels ou des annulations de crédits.

Les crédits opérationnels et de modernisation sont préservés en 2011. Bien que la LOPPSI n’ait pas encore été adoptée, nous avions respecté en 2009 et 2010 les échéanciers et les objectifs qu’elle fixe. De même, en 2011, les ressources consacrées aux équipements seront maintenues à la hauteur prévue, soit 332 millions d’euros.

Nous consacrerons 139 millions aux équipements technologiques et à la police scientifique et technique. Mille véhicules supplémentaires seront équipés d’un système de géolocalisation par les réseaux radio–sécurisés ; cinq mille dispositifs vidéo individuels et mille dispositifs embarqués dans les véhicules avec déport d’images seront déployés ; cent dispositifs supplémentaires de LAPI, lecture automatique des plaques d’immatriculation, seront mis en service. Enfin, nous achèterons 1 600 terminaux informatiques embarqués. En matière de police scientifique et technique, chaque département sera doté de dispositifs de révélation et de relevé d’empreintes digitales et génétiques.

Par ailleurs, 142 millions d’euros seront consacrés au fonctionnement et à l’immobilier. Je partage votre préoccupation, monsieur Moyne–Bressand : soyez assuré que la rénovation des logements sera une priorité. Oui, monsieur Diefenbacher, les partenariats public–privé peuvent induire une rigidité accrue des dépenses de fonctionnement. Nous sommes vigilants. Ces partenariats sont extrêmement utiles, à condition de ne pas répondre exclusivement à une logique financière mais d’apporter vraiment un plus, notamment des savoir–faire que ne possède pas l’administration. Je pense par exemple au partenariat conclu par la préfecture de police de Paris en matière de vidéo–protection – 30 millions d’euros y seront consacrés. C’est un sujet sur lequel nous avançons avec pragmatisme, sans idéologie. Le procédé fait chaque jour la preuve de son utilité. Le rapport que vous y avez consacré, monsieur Geoffroy, en a démontré tous les atouts : dissuasion, anticipation et identification. J’ai pu moi–même, lors de mon récent déplacement à Lyon, en constater l’utilité pour lutter contre les pilleurs et les casseurs.

Au cours de cette année, le nombre de caméras de voie publique subventionnées par l’État sera passé de 28 000 à 37 000. Nous souhaitons maintenir l’effort en 2011 et financer environ 9 000 caméras supplémentaires. À Paris, le montage du projet est particulier car la répartition des responsabilités entre l’État et les communes n’est pas la même qu’ailleurs en France : le ministère de l’intérieur supporte pour l’essentiel le financement, la ville de Paris apportant une subvention d’investissement de 5 millions d’euros.

Treize millions d’euros seront consacrés à l’équipement en terminaux mobiles permettant aux policiers et aux gendarmes de rédiger des procès–verbaux électroniques et huit millions d’euros aux équipements de sécurité civile.

S’agissant du programme d’investissements lourds de la gendarmerie, j’ai obtenu le maintien du marché des hélicoptères et le renouvellement de trois appareils d’ici à 2013, dont un dès 2011.

Vous le voyez, les engagements pris ont été tenus. Le contexte financier, s’il oblige à la rigueur, n’empêche pas d’être innovant à condition d’avoir une stratégie bien définie, des priorités budgétaires ciblées et de ne pas craindre les réorganisations.

Avant de terminer, je souhaite rendre hommage aux cinq policiers et aux douze gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions depuis le début de l’année. Toute notre action vise à mieux assurer la sécurité de nos concitoyens mais aussi la protection de ceux qui en ont la charge.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous en arrivons aux questions des porte–parole des groupes

M. Éric Ciotti. Je tiens au nom du groupe UMP à vous féliciter, monsieur le ministre. Dans un contexte difficile, vous avez réussi à élaborer un bon budget. L’augmentation des crédits de la mission « Sécurité » doit à votre implication personnelle dans les arbitrages. Elle nous autorise à penser que vos objectifs seront atteints.

Je tiens à souligner l’efficacité de votre politique. Les chiffres parlent d’eux–mêmes : tous les indicateurs s’améliorent, même si les violences aux personnes demeurent une préoccupation. Leur progression s’observe dans tous les pays occidentaux, et dans le nôtre depuis une dizaine d’années ; son rythme vient cependant de se ralentir

Ce budget est parfaitement compatible avec les objectifs ambitieux de la LOPPSI – dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur – et permettra que tous soient atteints. Il traduit les efforts de modernisation engagés dans l’organisation de nos forces de sécurité. Il permet de relever de nouveaux défis, la lutte contre les cambriolages, le trafic de stupéfiants, les violences à l’encontre des personnes âgées, la violence scolaire, la violence dans les transports ou dans les stades.

En dépit des arbitrages rendus nécessaires par la RGPP, les effectifs opérationnels sur le terrain sont aujourd’hui plus nombreux qu’auparavant, il faut s’en féliciter. Je salue également le progrès que représente l’accord historique que vous avez réussi à conclure avec la Chancellerie pour le transfèrement des prévenus et des détenus, qui déchargera policiers et gendarmes d’une tâche indue. Comment cet accord se traduira–t–il dans les faits dès les premiers mois de 2011 ?

Je soutiens votre proposition en matière de procurations de vote, que j’avais moi–même formulée en commission des lois. Les explications que vous avez apportées, concernant notamment les procurations à domicile, devraient permettre de concilier l’ensemble des points de vue qui s’étaient exprimés en commission.

Je n’ai qu’une demande. Pourriez–vous dresser un bilan de la loi de 2009 qui a permis le rapprochement entre police et gendarmerie et qui, conjuguée à la mise en place de la police d’agglomération, porte aujourd’hui ses fruits ?

Mme Delphine Batho. Nous nous associons, monsieur le ministre, à l’hommage que vous avez rendu aux policiers et aux gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions. Nous vous donnons également acte d’avoir demandé aux préfets et aux chefs de service de faire preuve d’audace dans la collecte des statistiques de la délinquance.

Pour en venir au débat budgétaire, nous ne pensons pas que l’évolution de la délinquance et de l’insécurité autorise à réduire le format des forces de sécurité. Ce budget reflète, hélas, la logique de la RGPP. Hors pensions, les crédits de la police stagnent, et ceux de la gendarmerie diminuent de 2 %. De plus, la loi de programmation des finances publiques prévoit de nouvelles diminutions en 2012 et 2013. Compte tenu de l’accroissement mécanique de la masse salariale, il ne s’agit donc bien que d’un budget de survie, comme nous l’ont dit certains policiers.

La diminution des crédits de fonctionnement est préoccupante, se traduisant par des difficultés dans l’utilisation des véhicules ou du matériel informatique. S’agissant des véhicules, quelles suites a–t–on données au rapport de la Cour des comptes sur les grosses cylindrées de l’administration centrale de votre ministère ?

La baisse des investissements est également inquiétante : 77 % pour la police, 83 % pour la gendarmerie. Le directeur général de la police nationale n’a pas caché qu’on allait au–devant de grosses difficultés. Si l’actuel Président de la République était certain de n’être pas réélu en 2012, c’est exactement ce budget–ci qu’il présenterait, tant il va léguer aux gouvernements futurs une situation ingérable dans la police et la gendarmerie.

Depuis 2008, les effectifs ont diminué de 9 364 unités pour l’ensemble de la mission « Sécurité ». Je m’inscris en faux contre l’affirmation selon laquelle les effectifs seraient maintenus en 2011 : 1 925 postes de gardien de la paix sont supprimés, dont on ne peut pas considérer qu’ils sont remplacés par des adjoints de sécurité. Quelque bien que l’on pense de ceux–ci, il ne peut être question de les substituer sur le terrain aux gardiens de la paix ! Du reste, le nombre total des diminutions de postes en 2011 est de 712, et non de 112 comme vous le dites. En effet, si des adjoints de sécurité prévus dans le budget 2011 sont recrutés dès décembre 2010, ils sont comptabilisés dans les effectifs 2010… et ne figurent plus dans le budget 2011. On essaie de nous égarer entre effectif global, effectif théorique et effectif réel ; prenons plutôt un exemple parlant : à Grenoble, le nombre de policiers était tombé de 720 à 600 policiers, et vous avez été obligé, après les incidents qui s’y sont produits, de revoir les effectifs à la hausse.

S’agissant du problème récurrent des tâches indues effectuées par les policiers et les gendarmes, nous serions les premiers à nous réjouir s’il était résolu. La Garde des sceaux nous a, hélas, confirmé que le transfert de certaines de ces tâches à la Chancellerie suppose le transfert des ETPT correspondants : 200 ETPT du ministère de l’intérieur seraient déjà transférés dans le budget 2011, et un arbitrage en suspens pour 800 postes supplémentaires. Mais si les postes sont transférés en même temps que les tâches, quelles marges de manœuvre cela permet–il de dégager ? Le groupe de réflexion sur le transfert des tâches indues, mis en place par la direction générale de la police nationale, avait indiqué « qu’il ne pouvait être exclu que l’État abandonne complètement certaines activités au profit d’opérateurs privés. » Quelles tâches pourraient être concernées ?

S’agissant des procurations de vote, il faut préciser que cela représentait 223 ETPT en 2007, 78 en 2008 et 26 en 2009.

Pour la première fois depuis 1995, le nombre de personnels administratifs va diminuer dans la police et la gendarmerie, alors même que décharger policiers et gendarmes de certaines tâches administratives permettait d’affecter davantage de personnels sur le terrain. Aucun recrutement n’est prévu en 2011.

Une question sur les UTEQ, les unités territoriales de quartier. Nous avons demandé communication du rapport d’audit sur le sujet. Pourquoi ne l’avons–nous toujours pas reçu ?

Enfin, Alain Bauer et Christophe Soullez indiquent dans un rapport que 9 000 personnels de la direction centrale de la sécurité publique ont été ces dix dernières années retirés des circonscriptions de terrain pour être affectés dans les unités centrales. Envisagez–vous de réaffecter sur le terrain un certain nombre de ces personnels ?

M. Jean–Christophe Lagarde. Le groupe Nouveau Centre votera les crédits de cette mission. Au premier rang des points positifs de ce budget, le projet d’extension de la police d’agglomération. On a récemment pu en mesurer tout l’intérêt à Paris et dans les départements de petite couronne. Cette police permet de retrouver plus facilement les auteurs de crimes et délits que nous voyions il n’y a pas si longtemps s’évanouir au–delà du périphérique ! C’est une excellente idée que d’en étendre le principe à Lyon, Marseille et bientôt Bordeaux.

Je me félicite de la stabilisation des effectifs prévue en 2011, ayant assez regretté l’an passé que votre ministère soit touché au même titre que les autres par la RGPP. Permettez–moi néanmoins de redire, pour la huitième année consécutive, que les forces mobiles, notamment les compagnies républicaines de sécurité, me paraissent aujourd’hui surdimensionnées, alors qu’on aurait besoin d’étoffer les effectifs dans les commissariats. Il est un point, et un seul, sur lequel je rejoins notre collègue Delphine Batho : dans certaines directions, d’ailleurs moins centrales que départementales, les effectifs ont été accrus au détriment des commissariats. Le préfet Christian Lambert, sous l’autorité du préfet de police Michel Gaudin, est d’ailleurs en train d’essayer d’y mettre bon ordre en Seine–Saint–Denis.

Je salue l’effort fait pour alléger les forces de sécurité de tâches indues, même s’il reste encore à faire sur ce point. Il faut se féliciter de l’accord syndical unanime que vous avez obtenu, par le dialogue social, sur un sujet difficile, dont on parlait depuis longtemps mais sur lequel on n’avait jamais pu jusqu’alors aboutir.

Vous annoncez 26 nouvelles brigades spécialisées de terrain, les BST, qui s’ajouteront aux 34 actuelles. Nous nous en félicitons mais pourrions–nous connaître les critères de choix de tel ou tel territoire et la logique qui préside à ces créations ? Je n’ai pas bien compris celle des créations annoncées il y a peu par le préfet de police Michel Gaudin, sans que les élus locaux aient d’ailleurs été en rien consultés. Curieuse méthode !

En matière de trafic de stupéfiants, vous avez raison : lutter contre le trafic au bas des immeubles est tout aussi important que de démanteler les réseaux internationaux. La police d’agglomération semble pourtant agir parfois à l’inverse. Les petits trafics devraient constituer l’une de ses priorités, surtout quand des opérations de renouvellement urbain sont engagées dans certains quartiers, visant à améliorer la qualité de vie de leurs habitants. Peu importe à ces derniers qu’un dealer ait été arrêté s’il est remplacé par un autre ! Ce qu’ils veulent, c’est être débarrassés des trafics.

Je reviens enfin sur un sujet qui me tient à cœur : le rythme de sortie des écoles de police. Si la tendance générale est à la diminution de la délinquance, on observe néanmoins des variations ponctuelles tout au long de l’année, liées aux à–coups dans les sorties d’écoles et à une mauvaise gestion des mutations qui aboutissent à ce que certains commissariats soient momentanément en sous–effectif. Il devrait être possible de progresser sur ce point.

Pour terminer, permettez à l’élu que je suis de Seine–Saint–Denis, département dont nul n’ignore le passé politique, de n’être pas d’accord avec vous s’agissant des procurations de vote. Avec ce que vous préconisez, ce département, qui détient déjà le record de la délinquance, obtiendrait certainement aussi celui de la participation électorale, alors même que d’ordinaire, une abstention massive y sévit. Les commissions que vous évoquez ne seront pas à même d’effectuer le travail qui leur serait confié. Je crains que la très fine connaissance des listes électorales et du terrain, du quartier jusqu’à la rue, et même la cage d’escalier, qu’ont certains élus ne conduisent à une flambée subite de civisme, hélas trop univoque. Je suis donc totalement opposé à votre idée. Si elle avait été mise en œuvre lors des dernières élections législatives, vous n’auriez d’ailleurs pas la chance de pouvoir m’entendre aujourd’hui.

(M. Michel Diefenbacher remplace le président Jérôme Cahuzac.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre–mer et des collectivités territoriales. Je vous remercie de votre soutien, monsieur Ciotti, en particulier d’avoir souligné la parfaite cohérence entre le budget pour 2011 et la LOPPSI.

S’agissant du transfèrement pénitentiaire – question qui intéresse également Mme Batho –, l’accord que nous avons conclu avec la Chancellerie prévoit le transfert de 800 EQTP en trois ans dont 200 en 2011. Sur les 1 200 emplois concernés, le gain net pour le ministère de l’intérieur s’élève donc à 400 postes.

Madame Batho, il me paraît d’autant moins exact de parler de « budget de survie » que vos chiffres ne sont pas les bons. Pour la police nationale et la gendarmerie, le nombre de personnels est passé respectivement, du 31 décembre 2000 à la fin de 2010, de 143 258 à 145 100 – soit une hausse de 1 842 fonctionnaires – et de 93 654 à 96 113 – soit une augmentation de 2 459 EQTP. La contestation de cette évolution globale s’explique sans doute par une confusion des périmètres ainsi que par les modalités de décompte.

S’agissant des investissements dédiés à la modernisation des services, les 332 millions prévus dès 2009 par la LOPPSI sont intégralement maintenus. En revanche – et je vous en donne acte –, nos investissements immobiliers sont moindres, mais nos efforts financiers demeurent significatifs en matière d’équipement des policiers puisqu’ils s’élèvent à 139 millions.

Le rapport que j’avais demandé à l’Inspection générale de l’administration sur les BST relève strictement du ministère, mais je ne suis pas hostile, madame la députée, à l’idée de vous le transmettre.

La comptabilisation des ADS ne doit pas quant à elle varier en fonction des intérêts politiques. Si leur statut a été pensé par l’actuelle opposition, la LOPPSI le modifie légèrement puisqu’ils peuvent exercer deux fois trois ans contre une fois cinq ans auparavant. Quelles que soient les perspectives budgétaires de ces prochaines années, je suis convaincu de la prégnance de plus en plus grande des questions de sécurité et que nombre d’organismes auront besoin des services de professionnels auxquels s’offriront donc de nombreux débouchés.

Je vous remercie, monsieur Lagarde, pour votre soutien. Les effectifs des CRS – je sais que vous vous intéressez de près à cette question – ont été réduits de l’équivalent de cinq unités depuis 2009.

La présence des BST s’explique par des considérations opérationnelles, mais leur déploiement sera tributaire des efforts des acteurs locaux en matière de prévention de la délinquance.

Enfin, nous aurons l’occasion de reparler des procurations dans le cadre de la LOPPSI, mais j’entends parfaitement vos propos. Sans doute serait–il opportun de réfléchir à un dispositif plus précis, mais l’essentiel demeure d’alléger le travail des OPJ – vous avez bien compris que notre objectif n’est en rien d’encourager la fraude !

M. Michel Diefenbacher, président. Nous en venons aux questions des commissaires que je prie de bien vouloir être brefs compte tenu des contraintes horaires de M. le ministre.

M. Bruno Le Roux. Nous sommes tout de même dans un débat budgétaire !

M. le président Guy Teissier. M. le ministre étant obligé de nous quitter à dix–neuf heures, la plus élémentaire courtoisie veut que tous nos collègues puissent poser leurs questions et entendre la réponse de M. Hortefeux.

Mme Sylvia Pinel. Je tiens à associer à ma question M. Gérard Charasse.

Les objectifs chiffrés de votre politique sécuritaire, monsieur le ministre, ne riment pas à grand–chose. En Tarn–et–Garonne, les actes d’incivilité et de violences à l’encontre des personnes les plus vulnérables, les agressions physiques, les vols ont progressé et empoisonnent la vie de nombre de nos concitoyens. Que comptez–vous donc faire afin de lutter contre le sentiment d’insécurité qui ne cesse de croître, y compris dans les zones rurales ?

Outre que ces agressions sont par ailleurs le plus souvent liées au trafic de stupéfiants, elles sont le fait de bandes de mineurs formant le noyau dur de la délinquance. Alors que les forces de sécurité sont bien souvent démunies ou occupées à tenir la comptabilité de vos objectifs, la culture du résultat conduit précisément de plus en plus les policiers et les gendarmes à ne s’intéresser qu’à certains types de délits. Loin de remettre en cause leur travail, nous tenons à dénoncer leur manque de moyens matériels et techniques auquel s’ajoutent une baisse non négligeable des effectifs et l’absence de réponse pénale adaptée. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les forces de sécurité ne puissent mener à bien leurs missions de prévention, pourtant essentielles.

En outre, vous envisagez de doubler le nombre de caméras sur la voie publique. Or, si l’effet dissuasif d’un recours important aux nouvelles technologies est réel, la présence de caméras...

M. Patrice Verchère. Comme à Lyon ?

Mme Sylvia Pinel. ...ne doit pas moins s’accompagner de solides garanties afin d’en limiter les effets pervers.

Par principe, la vidéosurveillance répond prioritairement aux problèmes des zones à forte densité urbaine, mais elle contribue en fait à un déplacement de la délinquance. Quelles mesures entendez–vous prendre à cet égard ? De surcroît, l’efficacité de tels dispositifs requiert la mobilisation permanente de moyens humains par les communes afin que l’alerte puisse être donnée dès la constatation du moindre fait suspect ou délictueux. Quelle garantie financière pouvez–vous donc apporter sur ce point afin que ces dernières, une fois de plus, n’aient pas le sentiment que l’État se défausse sur elles pour assumer des missions pourtant régaliennes ?

Enfin, quelles mesures le Gouvernement compte–t–il prendre pour former ses agents afin de garantir les libertés individuelles ?

M. Michel Grall. La coopération internationale dans la lutte contre le trafic d’armes ou de stupéfiants, contre la délinquance financière et contre la cybercriminalité ou le terrorisme est d’autant plus fondamentale que les sécurités intérieure et extérieure sont de plus en plus étroitement liées comme en atteste le Livre blanc sur la défense et la sécurité intérieure. Quels sont les moyens qui y sont dévolus dans le cadre de la mission « Sécurité » ? Doivent–ils être renforcés ? Enfin, quid du fonctionnement des attachés de sécurité intérieure (ASI) ?

Mme Sandrine Mazetier. La rétention et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ne figurent plus dans les programmes de la police et de la gendarmerie, mais le « bleu » budgétaire concernant l’immigration souligne cependant que les mesures d’expulsions au titre de l’ordre public relèvent du ministère de l’intérieur : quels crédits y seront donc dévolus ?

Par ailleurs, dans un contexte économiquement contraint où la réduction des effectifs est constante, il semble que ceux de la police aux frontières (PAF) soient protégés. Quel est le statut de ses personnels ? Ne leur substitue–t–on pas de plus en plus des adjoints de sécurité ? De surcroît, si les moyens consacrés à la PAF augmentent, la moitié de ceux qui sont affectés au fonctionnement – en l’occurrence, à Roissy – servent à payer les loyers à Aéroport de Paris (ADP). Ne serait–il donc pas possible de procéder plus intelligemment dans le cadre d’une renégociation avec ADP ?

Enfin, le management par le taux d’élucidation ayant entraîné le placement de 800 000 personnes en garde à vue l’an dernier, ne conviendrait–il pas d’y renoncer alors qu’il engendre d’inutiles privations de liberté ?

M. Philippe Goujon. Vos réponses, monsieur le ministre, ont achevé de me convaincre du bien–fondé de votre budget et de votre politique.

Comme nous sommes entre sportifs, permettez–moi d’évoquer la lutte contre le hooliganisme, laquelle a été considérablement renforcée sous votre impulsion. Dans un contexte budgétaire contraint, ne vous semblerait–il pas opportun de faire contribuer davantage les organisateurs de manifestations sportives aux coûts que représente la mobilisation des forces de l’ordre ?

Ces dernières sont d’ailleurs de plus en plus sollicitées compte tenu de la montée du risque terroriste sur lequel je serais heureux que vous fassiez un point : quid de la menace et de l’implication de nos militaires et policiers dans les plans de protection ?

De ce point de vue, la vidéo–protection a un rôle à jouer – ainsi l’État financera–t–il à Paris à plus de 95 % des installations. Précisément, n’est–il pas opportun d’envisager un deuxième plan « Mille caméras », sachant que Londres n’en dénombre pas moins de 75 000 ?

Par ailleurs, cette forte sollicitation des unités de maintien de l’ordre sera–t–elle possible en cas de prolongement de troubles à l’ordre public alors que se profile la dissolution de certains escadrons de gendarmerie mobile ? N’y a–t–il pas là un risque en cas d’engagements massifs et prolongés – nombre d’entre nous pensons d’ailleurs que la RGPP a atteint un seuil en deçà duquel il ne faut pas descendre ?

Enfin, je suis solidaire de vous–même et des syndicats de policiers dans la dénonciation des déclarations scandaleuses accusant la police de s’être livrée à des provocations au sein des récentes manifestations : la police de la République a le droit d’être traitée de façon républicaine !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre–mer et des collectivités territoriales. Je gage, madame Pinel, que le manque de nuance qui caractérisait votre exposé s’explique par votre scrupule à respecter un temps de parole contraint...

Oui, nous avons la culture du résultat ! Je persiste et je signe : nous voulons renforcer la protection, la sécurité et la tranquillité des Français.

Par ailleurs, en un an, en Tarn–et–Garonne, les atteintes aux biens ont baissé de 10,9 %, même s’il est vrai que celles à l’intégrité physique ont, hélas, augmenté de 3 % ce qui, reconnaissez–le, ne constitue toutefois en rien une « explosion ». Les gendarmes sont en l’occurrence au nombre de 382 ce qui représente par rapport à 2002 un gain net de 10 militaires.

En effet, monsieur Grall, j’ai rendu publique le 1er septembre la décision de créer – dans un souci de rationalisation – la Direction de la coopération internationale, à la demande conjointe de la police et de la gendarmerie. Avec les ASI, nous disposons ainsi d’un réseau unique de 250 policiers et gendarmes déployés dans 90 services de sécurité intérieure couvrant 156 pays.

Madame Mazetier, je ne vais tout de même pas m’excuser des expulsions pour motif de trouble à l’ordre public : nous parlons en effet, notamment, de terroristes et de prêcheurs de haine ! Précisément, 84 activistes islamistes ont été interpellés depuis le début de l’année parmi lesquels 27 ont été écroués.

La PAF compte quant à elle 9 526 fonctionnaires et la RGPP a entraîné la fermeture de sept directions départementales en 2009 – ce qui représente 151 EQTP –, 49 EQTP ayant été supprimés en 2010.

Monsieur Goujon, j’entends bien votre remarque s’agissant de la deuxième phase de déploiement des moyens de vidéo–protection.

Des déclarations attribuées à Ben Laden ont par ailleurs été diffusées aujourd’hui même sur Al Jazeera. Les services procèdent à des vérifications qui, si elles étaient authentifiées, s’inscriraient dans le continuum des différentes menaces proférées contre notre pays, ses habitants et ressortissants. J’en ai d’ailleurs naguère fait part dans un souci d’honnêteté, de transparence et d’efficacité. J’ajoute qu’elles avaient été signalées ou confirmées par des services alliés, notamment américains, maghrébins et saoudiens concernant en particulier Al–Qaida Péninsule arabique, informations complétant celles dont nous disposions sur Al–Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Le maintien du plan Vigipirate au niveau rouge s’impose donc : si la menace est bien réelle, notre vigilance ne l’est pas moins.

Les calomnies touchant la police sont quant à elles scandaleuses. Outre que la présence des policiers lors de ces manifestations est bien entendu normale, ces derniers contribuent à assurer la protection des manifestants avec les services d’ordre des organisations syndicales, la démocratie sociale trouvant ainsi l’une de ses expressions les plus tangibles – d’ailleurs dans le calme et la sérénité, comme nous avons pu le constater.

Par ailleurs, c’est grâce à la présence policière que 2 554 casseurs ont été interpellés lors des deux dernières semaines.

De surcroît, les policiers étant l’une des professions les plus syndiquées au sein de la fonction publique, et la participation de ces derniers aux élections professionnelles s’élevant à 80 %, comment imaginer que les syndicats n’auraient pas dénoncé d’éventuelles provocations ? Le syndicat Alliance a évoqué des « insinuations scandaleuses et malsaines » quand Nicolas Comte, le secrétaire général d’Unité SGP Police–FO, a quant à lui fait part de son indignation ; je le cite : « Dire que certains policiers jouent le rôle d’agents provocateurs relève du fantasme. »

En outre, colporter de tels bruits témoigne d’un mépris d’autant plus injustifiable que policiers et gendarmes ont fait preuve d’un très grand sang–froid et d’un admirable professionnalisme – je regrette, en revanche, que nul ne relève que 72 d’entre eux ont été blessés lors de ces manifestations. Enfin, une telle accusation est d’autant plus choquante que la police est sans doute la profession la plus contrôlée de toute la fonction publique : les manquements et les fautes y sont sanctionnés plus lourdement que dans d’autres secteurs. De grâce, évitons d’inventer chaque jour de nouvelles polémiques dont les ficelles sont d’ailleurs on ne peut plus usées !

M. Christophe Guilloteau. Je tiens à souligner que, lors des incidents à Lyon, la coordination entre la police et la gendarmerie fut d’une remarquable efficacité, et qu’elle a permis de limiter les dégâts.

À ce sujet, pourriez–vous nous dire où en est la publication des décrets d’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ? Le malaise entre la gendarmerie et la police est–il apaisé ?

Par ailleurs, vous aviez annoncé que le dispositif de la police d’agglomération serait étendu à Lyon au premier semestre 2011, mais il se heurte à des difficultés d’application dans les communes d’Écully et de Rillieux–la–Pape. Je souhaiterais, ainsi que mon collègue Patrice Verchère, savoir ce qui va se passer.

Enfin, en tant qu’élu local, j’imagine mal que des mairies puissent établir des procurations pour des élections auxquelles les maires sont eux–mêmes candidats !

M. Philippe Armand Martin. Le commissariat d’Épernay est installé dans un bâtiment vétuste et peu fonctionnel. Plusieurs options ont été étudiées, allant de la réhabilitation à la reconstruction. La municipalité a proposé de financer le projet, en échange du versement d’un loyer par l’État. Entendez–vous répondre favorablement à cette proposition ? Dans la négative, quel serait le terme d’une construction assurée par l’État ?

M. Nicolas Dupont–Aignan. Monsieur le ministre, je ne doute pas un instant de votre sincérité ni des efforts de vos services pour essayer de réformer et de rationaliser l’action des forces de police et de gendarmerie – auxquelles je veux rendre hommage, car leur tâche est particulièrement difficile en ce moment –, mais je suis inquiet quant aux moyens dont vous disposez.

Le principe du non–remplacement d’un départ en retraite sur deux me paraît intenable. La délinquance est extrêmement violente, la réforme de la garde en vue, si elle est mise en œuvre, aura des conséquences dramatiques en termes de mobilisation des effectifs, et vous affichez des objectifs ambitieux dans tous les domaines. Or je maintiens que les effectifs ont diminué. Vous citez les chiffres de 2000, mais vous savez pertinemment que c’est tout l’effort fourni par notre majorité entre 2002 et 2006 qui se trouve annihilé par les actuelles réductions d’effectifs. On évite la catastrophe grâce aux adjoints de sécurité, mais vous savez bien qu’un ADS n’est pas un policier, et qu’il n’a ni la même formation ni la même perspective de carrière.

Chez les policiers et les gendarmes que j’ai rencontrés, j’ai perçu un réel découragement ; la diminution des effectifs sera préjudiciable aux missions que vous leur avez fixées. On ne peut continuer ainsi ! Même avec une réorganisation, vous ne parviendrez pas à remplir vos engagements.

S’agissant plus particulièrement de l’Île–de–France, la mutualisation des services de police de Paris et de la Petite couronne est assurément un succès, mais la situation est critique dans la Grande couronne. La création des unités territoriales a ponctionné les effectifs départementaux. Certes, on nous assure qu’à l’échelle du département les effectifs demeurent à peu près stables, mais dans les commissariats, on a atteint la cote d’alerte. À certains endroits, les effectifs ont diminué de 20 % ; les citoyens n’arrivent plus à joindre personne au commissariat.

Bref, il existe un décalage entre les discours et la réalité du terrain.

M. Jean–Jacques Urvoas. Je tiens à vous féliciter pour l’habileté avec laquelle vous avez présenté votre budget. Que d’innovations dans les documents budgétaires mis à notre disposition ! On nous parle tantôt d’« effectifs », tantôt d’« ETP », tantôt d’« ETPT », et même, pour la gendarmerie, d’« ETPE » ; reconnaissez que, pour un député de base, il est bien difficile de s’y retrouver !

Je ne veux pas engager ce débat maintenant, mais les chiffres que vous avez donnés concernant les années 2000, 2002, 2007 et 2010 ne correspondent pas à ceux qui apparaissent dans les projets de lois de finances initiales. Il reste une certitude : les effectifs sont en baisse.

Vous aviez dit, lors de la réunion de la commission élargie du 2 novembre 2009, que 1 200 agents administratifs avaient été recrutés en 2009 et que cet effort serait poursuivi en 2010, avec le recrutement de 1 000 agents supplémentaires. Or, je ne retrouve pas ces effectifs dans les documents, et les organisations syndicales ne nous ont pas confirmé leur existence. Les agents recrutés en 2009 ont–ils pris leurs fonctions et un nouveau recrutement a–t–il bien eu lieu en 2010 ?

Lors de la même réunion, vous m’aviez donné rendez–vous cette année pour évoquer le regroupement de la formation des agents administratifs sur le site de Lognes, à la suite de la fermeture de celui de Gif–sur–Yvette : ce regroupement n’a toujours pas eu lieu. L’État loue depuis trois ans, pour un million d’euros par an, un bâtiment vide !

Vous annoncez le recrutement d’adjoints de sécurité, mais il faut ensuite qu’ils deviennent gardiens de la paix. Y aura–t–il un concours en 2011 ? Combien de places seront proposées aux ADS ?

M. Patrice Martin–Lalande. Comme vous le savez – puisque vous êtes venu sur place dès le lendemain de ces tristes événements –, des dégâts importants ont été commis le 18 juillet dernier sur des bâtiments publics et privés à Saint–Aignan–sur–Cher, tandis que les mairies de Couddes et de Thésée étaient incendiées.

L’article L. 2216–3 du code général des collectivités territoriales prévoyant que l’État est civilement responsable des dégâts et dommages commis contre les biens dans certaines circonstances, vous vous étiez engagé, dans le cas où cet article ne s’appliquerait pas, à apporter l’aide de l’État, affirmant, toujours lors de votre visite à Saint–Aignan le 19 juillet, qu’aucun financement ne devait rester à la charge des communes.

Confirmez–vous cet engagement et, dans l’affirmative, pouvez–vous préciser les modalités de sa mise en œuvre ?

M. Michel Voisin. En ce moment se tiennent les congrès des associations départementales de maires, qui sont saisis d’un problème récurrent : l’accueil des gens du voyage. Les schémas départementaux ne sont pas toujours respectés par ces derniers, ce qui provoque d’importants désagréments dans les communes tels que des dépôts d’ordures sur la voie publique, des prélèvements d’eau à partir des bornes à incendie, voire des raccordements à l’électricité sur les bâtiments publics. Les préfets nous assurent qu’il est possible de faire respecter les schémas départementaux et d’obliger les contrevenants à s’installer sur les aires aménagées. Quelles procédures peuvent être mises en œuvre à cet effet ?

M. Arnaud Richard. Je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux forces de l’ordre qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.

Je salue également l’effort prévu par le programme « Police nationale » dans le domaine de l’immobilier, qui permettra le recentrage des policiers sur la lutte contre la délinquance. Dans ce contexte, je souhaite appeler plus particulièrement votre attention sur deux dossiers.

Les communes du canton de Triel–sur–Seine sont placées sous la responsabilité du commissariat de police de Poissy, avec une antenne à Vernouillet. Or, l’éloignement du commissariat de Poissy et les difficultés d’accès par le franchissement de deux, voire trois ponts justifient pleinement la création d’un commissariat dans ce secteur. L’un de vos prédécesseurs s’y était d’ailleurs engagé.

Pourtant, malgré la forte attente sur le terrain, le projet est aujourd’hui bloqué. En effet, l’État veut bien voir les autorités locales investir dans un nouvel équipement, mais il refuse de s’engager sur la pérennité de la présence policière ; de surcroît, il exige que le loyer versé pour ce nouvel équipement plus fonctionnel et plus moderne soit identique au loyer actuel.

Par ailleurs, à la suite de la réorganisation des rapports entre la police et la gendarmerie, plusieurs communes de ma circonscription ont été placées sous la responsabilité du commissariat des Mureaux. La ville de Meulan–en–Yvelines a réalisé un investissement afin de permettre l’accueil d’une antenne de police sur son territoire et desservir ainsi les communes alentour. Or, le nombre de fonctionnaires qui y sont affectés a été réduit à deux, ce qui rend impossible toute intervention sur le terrain.

Quelles mesures concrètes pourraient être mises en œuvre, conformément aux engagements pris dans votre budget, afin de régler ces deux problèmes ?

M. Bruno Le Roux. Je n’arrive pas à comprendre comment une dépêche peut annoncer, au moment même où nous discutons, qu’il y aura le même nombre de policiers sur le terrain en 2011 qu’en 2010 ! Tous nos calculs conduisent à conclure à une diminution ; même les 1 780 ADS supplémentaires n’arriveront pas à compenser les 1 922 et 229 postes qui disparaissent des corps de conception, de direction, de commandement, d’encadrement et d’application de la police nationale.

Vous affichez comme priorités la lutte contre l’économie souterraine et celle contre les bandes violentes, deux politiques particulièrement consommatrices d’effectifs. Aujourd’hui, les deux phénomènes tendent à se recouper, dans la mesure où les violentes compétitions entre gangs pour le contrôle des territoires de la drogue donnent lieu à des règlements de compte et à une nouvelle forme de délinquance. Comment comptez–vous développer ces deux actions alors que, sur le terrain, les effectifs diminuent ?

Je me félicite de l’annonce de la création d’une unité territoriale de quartier à Saint–Ouen. Toutefois, son personnel sera–t–il pris sur les effectifs actuels ou viendra–t–il en supplément ?

Voilà quelques mois, le regretté Philippe Séguin et moi–même avions souhaité connaître la répartition géographique des effectifs de police, afin de contrôler que leur affectation correspondait bien à la carte de la délinquance. Pourriez–vous nous transmettre ces documents ?

M. Jacques Alain Bénisti. Je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux fonctionnaires de police tombés dans l’exercice de leur mission, avec une pensée particulière pour Aurélie Fouquet, notre jeune policière municipale qui s’est fait massacrer par des monstres.

Le coût de la délinquance pour la société française est de 115 milliards d’euros. Si l’on ajoute les dépenses de personnel de la gendarmerie et de la justice, soit 90 milliards, on arrive à 205 milliards d’euros, c’est–à–dire plus de trois fois le budget de l’éducation nationale. La lutte contre la délinquance – plus de 4 millions de faits par an, soit un toutes les neuf secondes – doit être, pour le Gouvernement, une priorité de tous les instants.

Si une politique de répression et de dissuasion est inévitable et incontournable, elle ne peut être la seule réponse. De surcroît, la délinquance évolue : bien qu’en diminution, elle est de plus en plus juvénile et violente. C’est pourquoi nous devons lancer un plan Marshall de prévention de la délinquance juvénile, qui est souvent récidivante.

Je présenterai dans quelques jours le rapport de la mission que m’a confiée le Premier ministre, qui comportera des mesures concrètes, chiffrées et, je l’espère, pertinentes. Ce rapport est le fruit de quatre mois de travail durant lesquels j’ai auditionné plus de 350 acteurs de la prévention de la délinquance, qui vivent au quotidien, sur le terrain, dans les quartiers les plus difficiles. Ces femmes et ces hommes passent leur temps à récupérer, à réinsérer ou à reconstruire des jeunes en perdition, qui ont un passé d’échec scolaire, familial et souvent professionnel, et qui forment le terreau de cette primodélinquance en manque d’existence et de repères, avide d’en découdre avec la société, avec une violence dépassant souvent la raison.

Je partage votre volonté de voir se réorganiser et se rationaliser l’ensemble des services de sécurité intérieure, en redéfinissant leurs missions et leurs objectifs et en tenant compte de l’évolution de la délinquance. Mais ce n’est pas en augmentant les effectifs de police d’intervention qu’on réglera le problème de la délinquance : ceux qui le pensent se trompent, car ils ne connaissent ni les causes, ni la réalité du terrain. D’autres solutions existent. Donnerez–vous les moyens nécessaires à une vraie politique de prévention ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre–mer et des collectivités territoriales. Monsieur Guilloteau, trente–six décrets et trente–six arrêtés d’application de la loi du 3 août 2009 doivent être élaborés. Ils concernent le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, des transferts de compétences en matière de ressources humaines ainsi que des mesures concernant l’emploi et le soutien. Certains de ces textes nécessitent des consultations, ce qui prend du temps. À ce jour, trente décrets et vingt arrêtés ont déjà été publiés ; le reste doit l’être au cours du dernier trimestre 2010.

Le dispositif de la police d’agglomération est en préparation. J’ai demandé au préfet Gérault de mener les concertations nécessaires, mais, ensuite, il faut bien prendre des décisions. Le décret concernant Écully et Rillieux a été soumis à l’examen du Conseil d’État ; on verra ce que celui–ci décidera.

Monsieur Martin, le coût de la construction d’un nouveau commissariat sur le terrain actuel d’Épernay serait de l’ordre de 7,5 millions d’euros. Lorsque je suis venu sur place en mars dernier, à la suite de l’agression dont avait été victime le brigadier–chef Michel Husson, j’avais constaté le caractère très vétuste du commissariat – tout comme, à Sevran, j’avais été stupéfait par l’état du commissariat, qui avait un côté tiers–mondiste. Ces propriétés de l’État ne répondent pas aux besoins d’une police moderne, je vous l’accorde.

Toutefois, le budget de la police nationale pour les trois prochaines années ne permet pas la programmation d’une telle opération. Une solution pourrait être la prise en charge de la maîtrise d’ouvrage de la construction par la collectivité locale. Le projet de loi « LOPPSI 2 » prévoit le renouvellement de ce dispositif. Dans l’attente de l’adoption définitive du texte, j’ai donné instruction à mes services de lancer sans plus attendre les travaux d’aménagement et d’accorder une autorisation d’engagement de 110 000 euros.

Monsieur Dupont–Aignan, aucun ministère ne peut être exonéré de la RGPP, car une exception produirait des effets en cascade. Cependant, nous essayons de maîtriser au mieux ses effets.

S’agissant de la garde à vue, je ne vous cache pas que je suis préoccupé par la décision de la Cour de cassation. Nous avions conçu un système globalement satisfaisant, où la garde à vue n’était pas contrôlée par un juge du siège, mais par le parquet, et où la présence de l’avocat pouvait être différée par l’officier de police judiciaire sur décision du procureur. J’étais par ailleurs favorable à l’audition libre comme solution de remplacement. Mais il est vrai que les statistiques incluaient les gardes à vue en matière de délinquance routière, ce qui pouvait s’expliquer en termes de dégrisement, mais ce qui aboutissait à un total de plus de 780 000, soit un chiffre trop élevé d’un point de vue européen.

Je pense sincèrement que le taux d’élucidation élevé que nous avons atteint provient pour partie des conditions de la garde à vue. Je suis convaincu que, si les trafiquants de stupéfiants, qui sont organisés et financés, bénéficient tout de suite de la présence d’un avocat spécialisé, cela compliquera la tâche des enquêteurs pour les aveux.

Cependant, la Cour de cassation s’étant prononcée, il faut bien agir en conséquence. J’ai évoqué le sujet hier devant les organisations syndicales et les représentants de la gendarmerie, que j’avais souhaité rencontrer pour discuter de questions d’ordre public relatives aux dernières manifestations. La garde des sceaux a accepté que les organisations syndicales et les gendarmes soient consultés afin de préparer un amendement qui puisse protéger les droits et les libertés individuelles – préoccupation partagée par tous – sans pour autant nuire au taux d’élucidation.

Pour le reste, j’ai précisé dès le départ que je n’étais pas hostile à une réforme de la garde à vue. Par exemple, c’est le ministère de l’intérieur qui a proposé la suppression des fouilles au corps, qui pouvaient parfois être indignes.

Monsieur Urvoas, un des axes majeurs de la réforme était la fusion des corps des personnels administratifs, afin de créer un corps unique pour chaque catégorie de personnel. Cette fusion est effective pour les attachés depuis le 1er janvier 2007 et pour les catégories B et C depuis le 1er janvier 2010.

En 2010, j’ai obtenu le recrutement de 1 500 ADS supplémentaires, qui viennent s’ajouter aux 4 240 incorporations prévues cette année : 500 ont pris leurs fonctions en juillet, 500 en octobre et 500 le feront en décembre. Pour 2011, 4 969 recrutements sont prévus dans la police, dont 119 officiers et commissaires, 500 gardiens de la paix, 3 175 ADS, dont 2 337 en contrats aidés, 900 cadets, et 275 personnels administratifs, concours internes compris. Pour la gendarmerie, le total s’élève à près de 9 100 recrutements, dont 377 officiers, 2 727 sous–officiers, 5 400 gendarmes adjoints volontaires et 594 civils, concours internes compris. Le nombre de recrutements est supérieur dans la gendarmerie car il y a davantage de contrats courts.

Un concours sera ouvert en 2011, afin de recruter 500 gardiens de la paix. Conformément à la règle, la moitié des postes seront pourvus par concours interne.

S’agissant de Lognes, des malfaçons et des dysfonctionnements ont été constatés à l’occasion des visites du maître d’œuvre. J’ai fait procéder à un audit général de l’immeuble, qui s’est déroulé de novembre 2009 à février 2010. Il y a eu une négociation, longue et difficile, avec la société propriétaire des lieux afin qu’elle prenne en charge la mise en conformité du bâtiment. Les travaux correctifs ont eu lieu en mars et avril 2010 et les procédures pour obtenir le permis de construire et notifier les marchés publics de travaux n’ont abouti que le 2 juillet dernier. Les travaux commenceront donc cet automne.

Quant au recrutement des personnels administratifs, voici les chiffres : 1 106 en 2008, 1 002 en 2009, 1 000 en 2010, 275 en 2011, soit un total de 3 383 recrutements en quatre ans.

Monsieur Martin–Lalande, après ce qui s’est passé le 18 juillet dans le Loir–et–Cher, je me suis rendu sur place avec les élus. L’État ne peut évidemment pas être tenu d’indemniser les victimes des dégradations commises en réunion et il ne le fera que dans un nombre très limité de cas. Les dédommagements relèvent de la responsabilité des assureurs. Cela dit, j’avais indiqué au cours d’une réunion avec les maires que nous ferions un effort pour deux communes.

M. Patrice Martin–Lalande. Couddes et Thésée, dont les mairies ont été incendiées.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre–mer et des collectivités territoriales. Vous avez bien fait de me le rappeler parce que me s services avaient quelque peu oublié… La préfecture a participé à chacune des expertises, le préfet a demandé aux maires de lui signaler tout décalage entre la prise en charge par les assurances et la réalité du coût des dégradations.

Je vous confirme que la solidarité nationale s’exercera. Il n’est pas question de revenir là–dessus.

Monsieur Voisin, vous avez évoqué les gens du voyage – sujet qui donne lieu à débats… L’aménagement des aires doit se poursuivre. Je ne reviens pas sur les chiffres, vous les connaissez : 15 % au moment de la loi Besson et, maintenant, deux tiers dont le financement est prévu aujourd'hui. Le progrès est donc très sensible, mais il faut aller au–delà. En réalité, 298 communes sont toujours défaillantes. Les aires de grand passage ne sont pas encore suffisantes : on en compte 117 pour un objectif de 335. La différence explique les problèmes liés aux campements illicites auxquels la population et les élus sont confrontés, surtout pendant la période estivale.

Par ailleurs, les occupations illicites ne doivent plus être tolérées. Le droit de propriété est constitutionnel et il doit être respecté, que le propriétaire soit l’État, une collectivité ou un particulier. Enfin, l’organisation des grands rassemblements annuels continuera à être accompagnée par l’État. Je serai attentif aux travaux qui sont conduits par la mission d’information présidée par Didier Quentin et à laquelle participe Charles de La Verpillière, de même qu’aux propositions qui seront faites par le sénateur Hérisson, qui anime la commission nationale consultative des gens du voyage. Telle est la ligne de conduite du Gouvernement et il ne s’en écartera pas, quel que soit le climat ambiant.

Arnaud Richard m’a interrogé à propos de son canton, dont la population – sinon l’ensemble de vos commissions ! – s’intéresse au projet de création de la circonscription de Vernouillet, qui remonte à 1997. L’implantation d’un commissariat était prévue sur un terrain mis à disposition gracieusement par le conseil régional. Le commissariat a, si vous me permettez cette expression triviale, du plomb dans l’aile, à cause des contraintes budgétaires, de l’évolution démographique – la population s’est stabilisée – et de la forte baisse de la délinquance. En effet, sur les neuf premiers mois de l’année, les atteintes aux biens sont en recul de 14,7 % à Vernouillet, de 21 % à Triel–sur–Seine et de 15 % à Verneuil. De surcroît, une compagnie de sécurisation et d’intervention, basée à Limay, contribuera au rééquilibrage institutionnel et opérationnel de la sécurité publique. La présence policière, qui n’est pas négligée, relève de la compétence territoriale de Poissy. Il faudra donc que nous reparlions de ce projet qui est pour le moins incertain – ce qui est un euphémisme.

Monsieur Le Roux, la fraude, le trafic de stupéfiants, le phénomène de bandes ont partie liée. Et nous obtenons des résultats. Ainsi, les quantités saisies de stupéfiants sont très impressionnantes : 59 tonnes de cannabis, plus de 50 tonnes de cocaïne, et près de 1 000 tonnes d’héroïne en 2009. Nous parvenons à désorganiser les circuits. L’année dernière, en brûlant l’équivalent de 30 millions d’euros de drogues, nous avons porté un coup aux trafiquants. À Tremblay, après une enquête très minutieuse, nous avons récupéré des armes, de la drogue et 960 000 euros en espèces dans un appartement.

J’ai recentré l’activité des trente–six groupes d’intervention régionaux autour du trafic de stupéfiants. Nous nous sommes adjoints dans cette lutte les services fiscaux : cinquante et un contrôleurs suivent aujourd'hui plus particulièrement quarante–trois quartiers sensibles. Le Président de la République, quand il s’est rendu à Bobigny, avait veillé à ce que les services fiscaux soient installés au siège de la direction départementale de la sécurité publique. Un inspecteur du fisc est ainsi à pied d’œuvre pour suivre certains quartiers. En outre, le préfet de police Michel Gaudin a étendu le plan antidrogue, qui fonctionne très bien à Paris, à la Petite couronne dans le cadre de la mise en place d’une police d’agglomération.

Notre action locale doit se doubler d’une action sur le plan international. Au niveau européen, nous avons fédéré nos partenaires européens autour d’un pacte de lutte contre la drogue adopté à l’unanimité à Luxembourg en juillet dernier. Au–delà des déclarations d’intention qui sont le propre des accords internationaux, les choses ont avancé avec la désignation de correspondants dans certains points sensibles. L’objectif est de couper les routes de la cocaïne et de l’héroïne. Une répartition des rôles s’opère de fait. Avec l’Espagne et la Grande–Bretagne, nous nous concentrons sur les réseaux qui acheminent la marchandise en provenance d’Amérique latine jusqu’au Cap Vert, puis au Sénégal en remontant ensuite par le Maroc pour inonder le marché de l’Europe de l’Ouest. Les Allemands, eux, sont plus spécialisés dans les filières asiatiques.

Il y a, d’un côté, la lutte contre le trafic de proximité qui nécessite des moyens importants et, de l’autre, l’action internationale. Dans votre département, le préfet Christian Lambert est en train de réorganiser la police pour réaffecter des effectifs départementaux dans les commissariats. D’où le débat que j’ai pu avoir avec Claude Bartolone. En réalité, on compte 500 policiers de plus en Seine–Saint–Denis qu’il y a dix ans – ils sont passés de 4 500 à 5 000. Ne vous arrêtez pas au nombre de policiers par commissariat. La réorganisation est en cours. En sécurisant les halls d’immeuble, on lutte contre le trafic de proximité. Nous le savons vous et moi pour nous être rendus sur place.

L’année dernière, vous m’aviez déjà demandé la répartition des effectifs sur le territoire. Elle ne relève pas de la loi de finances. Vous connaissez le fonctionnement des municipalités. Le maire fait voter les effectifs par le conseil municipal et il ne donne pas communication aux conseillers municipaux. Je m’étonne que vous qui êtes un élu local soucieux, avec raison, de vos prérogatives, me posiez la question. Je vous fais donc la même réponse que l’année dernière.

Monsieur Bénisti, je m’associe à votre hommage à la mémoire d’Aurélie Fouquet. Comme vous le savez, les enquêteurs ont accompli un travail très minutieux pour identifier la dizaine de personnes présentes au moment du meurtre. Des informations précieuses ont été glanées. La police est déterminée à retrouver ceux qui ont été identifiés et ils seront inéluctablement interpellés. J’attends les propositions de la mission sur la prévention de la délinquance que je vous ai confiée, à vous à et à Bernard Reynès. Nous ne manquerons pas de nous en inspirer.

M. Michel Diefenbacher, président. Monsieur le ministre, il me reste à vous remercier pour les réponses très complètes et très précises que vous nous avez apportées, et d’être de ce fait resté parmi nous bien au–delà de l’horaire initialement prévu.

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À l’issue de l’audition du ministre, la commission de la défense a examiné pour avis, sur le rapport de M. Alain Moyne–Bressand, les crédits pour 2011 du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité ».

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur et a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité ».

DÉPLACEMENTS ET AUDITIONS DU RAPPORTEUR

Le rapporteur s’est rendu, en juin dernier, à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Rosny–sous–Bois, et au Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), à Satory.

À l’IRCGN, il s’est notamment entretenu avec le général David Galtier, directeur adjoint des opérations et de l’emploi, le général Jacques Hébrard, conseiller criminalistique du directeur des opérations et de l’emploi de la DGGN, le colonel François Daoust, directeur de l’IRCGN, le colonel François Hubert, commandant du service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD), le colonel Olivier Guerif, commandant du centre technique de la gendarmerie nationale, et le colonel Damien Choutet, chef du bureau du cabinet du DGGN.

Au GIGN, il s’est entretenu avec le général Denis Favier, commandant du GIGN, et son adjoint, le colonel Laurent Phelip.

Il tient à remercier l’ensemble des personnes rencontrées pour leur accueil et leur coopération.

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