N° 3807 tome V - Avis de M. François Loos sur le projet de loi de finances pour 2012 (n°3775)



N
° 3807

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME V
ÉCONOMIE

COMMERCE EXTÉRIEUR

PAR M. François LOOS,

Député.

——

Voir le numéro : 3805 (annexe 19).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I.— LA SITUATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS 9

A.— LA CONFIRMATION DE LA REPRISE GLOBALE DE NOS ÉCHANGES, PORTÉE PAR LE CONTEXTE INTERNATIONAL 9

B.— UN DÉFICIT COMMERCIAL INÉDIT ET INQUIÉTANT 11

1) Vers un déficit commercial « record » en 2011, dont l’amplification est loin de n’être due qu’à la facture énergétique 11

2) La baisse du taux de couverture et fluctuations de la balance des paiements et des flux d’investissements directs entre la France et l’étranger 13

C.— DES FACTEURS DE FRAGILISATION INDUITS PAR LE CHOIX RÉSOLU ET GLOBALEMENT PROFITABLE DE LA PLEINE INTÉGRATION AU COMMERCE MONDIAL 16

1) Des accords de libre-échange difficiles à mettre en place, mais qui ne sont pour autant pas remis en cause 17

2) La surévaluation de l’euro et volatilité des monnaies 17

3) Des délocalisations probablement à relativiser, mais qui demeurent mal évaluées 18

II.— LES STRUCTURATIONS GÉOGRAPHIQUE ET SECTORIELLE DE NOS ÉCHANGES COMMERCIAUX 21

A.— LA PERSISTANCE DE L’ORIENTATION MAJORITAIREMENT EUROPÉENNE DE NOS EXPORTATIONS 21

B.— UN REPLI DE L’AÉRONAUTIQUE ET DE LA PHARMACIE, UNE FAIBLESSE DE L’AUTOMOBILE ET UN MAINTIEN DE L’AGROALIMENTAIRE 23

III.— UN RENFORCEMENT JUSTIFIÉ DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AU COMMERCE EXTÉRIEUR 27

A.— LES GRANDES TENDANCES DU COMMERCE EXTÉRIEUR ET ORIENTATIONS DU SOUTIEN PUBLIC EN 2010-2011 27

1) La confirmation de la concentration de l’appareil exportateur français et de l’insuffisance des PME, parallèlement à une remontée du nombre d’exportateurs 27

2) Un parachèvement de la réforme des dispositifs d’aide à l’exportation et de soutien à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité du territoire 30

B.— LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES POUR 2012 32

CONCLUSION 35

TABLE DES DOCUMENTS (TABLEAUX ET GRAPHIQUES) 37

EXAMEN EN COMMISSION 39

Mesdames, Messieurs,

Depuis quelques mois, la presse se fait très régulièrement l’écho des débats suscités dans les milieux économiques et politiques par des notions telles que le protectionnisme ou la « démondialisation ». Elles alimenteront sans doute encore vivement dans les semaines à venir la campagne présidentielle car elles trouvent d’autant plus d’adeptes que la dégradation du déficit extérieur français s’est amplifiée cette année. Il atteint des chiffres inédits et est souvent désigné comme l’une des causes majeures de nos difficultés économiques, voire de l’accroissement de la dette française. Le déficit pour 2011, qui s’établissait déjà à près de 49 milliards d’euros en août, devrait dépasser 70 milliards d’euros à la fin de l’année, alors que le précédent « record » de déficit annuel, en 2008, était de 56,2 milliards.

Il serait trop commode de s’abriter derrière des facteurs conjoncturels, puisque la plupart sont loin de suffire à expliquer nos difficultés :

– la crise économique globale, malgré sa persistance, n’a pas empêché les échanges mondiaux d’avoir vivement repris depuis 2010, ceux de la France ayant suivi le mouvement, ce qui contribue d’ailleurs à amoindrir la détérioration du marché de l’emploi ;

– la crise de l’euro et sa surévaluation, qui pèsent sur notre compétitivité, n’empêchent pas certains de nos principaux partenaires de mieux s’en sortir, en premier lieu Allemagne (en vertu d’une politique de modération salariale et d’un assouplissement de son marché du travail, parallèlement au recours à une assez large externalisation de sa production des biens de consommation intermédiaire), soulignant ainsi que la demande mondiale adressée à la France est moins soutenue que la leur, que notre compétitivité / coût a régressé durant les années 2000 et que, dans une certaine mesure, la France subit un processus de désindustrialisation ;

– la hausse du coût de l’énergie, et en particulier du pétrole, malgré son importance, ne doit pas occulter que le solde du commerce extérieur hors facture énergétique, excédentaire jusqu’en 2007, s’est progressivement détérioré depuis, passant de - 2,8 milliards d’euros au deuxième semestre 2010 à - 7,1 milliards d’euros au premier semestre 2011 ;

– la conduite de la réforme des organismes de soutien aux exportations, notamment Ubifrance, qui pourrait être invoquée pour expliquer une moindre efficacité de nos dispositifs d’aide aux entreprises sur le marché international, est pratiquement aboutie, ces organismes faisant d’ailleurs preuve d’un dynamisme indéniable (présence sur les salons internationaux en hausse, nombre d’entreprises aidées, etc.) ; les résultats sont cependant encore « mitigés » (les PME exportatrices demeurent en nombre insuffisant et leur situation est souvent précaire sur le marché international).

Pour une large part, les derniers mois sont marqués, en ce qui concerne le commerce extérieur français, par une confirmation et, bien souvent, par une amplification de grandes tendances qui ne nous auront guère été favorables.

Il convient toutefois de ne pas se focaliser sur le seul « score » annuel, toujours très commenté. Le commerce extérieur français reproduit, année après année, certaines lignes de force mais aussi des faiblesses identifiées de longue date et auxquelles il reste difficile d’apporter des remèdes décisifs. Pour autant, cette question cruciale pour notre économie, et donc pour l’emploi, doit être sanctuarisée, c'est-à-dire traitée en excluant toute approche polémique. La situation du commerce extérieur dépend d’abord de la demande de nos partenaires, mais aussi de l’offre de produits et de la compétitivité, enfin des capacités budgétaires et des politiques fiscales, deux déterminants du soutien public à l’exportation.

L’examen des crédits annuellement consentis en faveur des activités exportatrices ne peut, à lui seul, constituer un travail exhaustif d’analyse. Notre pays a accompli un louable effort de réorganisation de l’appareil de soutien aux exportations, qui était rendue nécessaire par des failles et des effets pervers pointés par plusieurs études et rapports (en particulier celui de la Cour des comptes en février 2011) (1). Au terme de l’année 2011, le réseau d’Ubifrance sera totalement opérationnel et couvrira la totalité des zones commerciales du globe. Ce résultat est le fruit d’une profonde réforme menée avec détermination depuis quatre années. De très sensibles progrès, déjà perceptibles, sont à confirmer sur le terrain dans la répartition des rôles entre Ubifrance, la Coface et Oséo, et donc dans la complémentarité d’action de la chaîne d’intervention.

L’« Équipe de France de l’export » est désormais opérationnelle. Ce point est d’autant plus essentiel que le paysage économique se trouve bouleversé depuis la crise déclenchée en 2008. Une large redistribution des cartes est caractérisée par la montée en puissance de grands pays émergents et par l’aggravation de déséquilibres au sein même de la zone euro. Plus de 60 % des exportations françaises restent toujours concentrés au sein de l’Union européenne. C’est d’ailleurs dans ce dernier cadre que les performances françaises ont le plus souffert au cours des dernières années et qu’il convient de mettre tout en œuvre pour engager un rattrapage salutaire.

Dans un monde où les mutations sont de plus en plus rapides et où les rapports de force évoluent à grande vitesse, il n’est plus possible de se satisfaire de positions que d’aucuns auraient pu croire acquises de longue date, y compris pour des secteurs comme les industries du nucléaire ou de l’armement, pour lesquels les succès dans la « chasse aux grands contrats » sont plus aléatoires que jamais. Par exemple, au premier trimestre 2011, les ventes des secteurs de l’aéronautique et de la pharmacie, qui constituent traditionnellement deux de nos points forts, ont montré des signes d’essoufflement, même si l’alourdissement de la facture énergétique explique toujours plus de la moitié de la dégradation du solde commercial au premier semestre 2011. Comme la plupart de pays de la zone euro, la France a perdu des parts de marché par rapport aux autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), principalement du fait de l’impact monétaire. Au total, sa part de marché relative en volume enregistre un glissement durable vis-à-vis de tous les autres membres de l’OCDE : elle est passée de 8 % en 2002 à 6,5 % en 2009 et évolue depuis 2010 aux alentours de 6,3 %.

Cependant, il ne pourra être fait l’impasse sur la nécessité de trouver des aménagements au libre-échange, dont il ne peut plus être fait un dogme. S’il ne saurait s’agir de le remettre en cause totalement, il est illusoire de croire que l’Europe actuelle pourrait nous protéger, en particulier en ce qui concerne les emplois industriels, dont le déclin est net en France. De même est-ce un vœu pieux d’imaginer que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait créer des règles et surtout les faire respecter de la même façon à la Chine, aux Etats-Unis et au reste du monde. Il est dès lors parfaitement légitime de soutenir l’application aux frontières européennes de la taxe carbone, l’approbation et la réalisation concrète de la clause sociale (selon l’idée émise par Bill Clinton à Seattle), trop longtemps différées, même à l’Organisation internationale du travail (OIT), et l’instauration du principe de réciprocité dans les règles internationales (par exemple en matière d’accès aux marchés publics).

L’exportation de nos règles pour l’instauration de relations équitables, dont nous n’ignorons pas les résistances auxquelles elle se heurte, ne saurait suffire. Il est en effet indispensable d’élaborer une stratégie nationale aux objectifs bien identifiés, de la même manière que la Chine, qui est le pays envers lequel notre déficit commercial est le plus lourd (loin devant l’Allemagne), a très certainement planifié sa série de succès industriels (textile d’abord, électronique ensuite, puis nucléaire, avions, photovoltaïque, acquisition des réserves de matières premières dans le monde, etc.). Dès lors, une grande partie de notre réussite réside dans la détermination dont nous ferons preuve pour consolider, par exemple, nos industries de défense et aéronautiques, entre autres secteurs stratégiques. Une fois nos priorités bien choisies en cette période de mondialisation et de libre-échange aux enjeux inédits, nous devrons y imprimer notre volonté de façon durable.

La focalisation sur le seul déficit du commerce extérieur, qui fait depuis quelques mois l’objet de titres de presse alarmistes (le gouvernement lui-même ne dissimulant pas sa préoccupation en la matière), ne doit pas oblitérer la vision d’ensemble. Or, celle-ci relativise dans une certaine mesure l’ampleur de nos difficultés en la matière. L’insertion de la France dans les échanges mondiaux n’est en effet pas remise en cause, le volume de ses échanges suivant le mouvement global. L’année 2010 a été marquée par un fort rebond du commerce mondial, de 13,5 % selon l’OMC, après la forte contraction de 2009 (- 12 %), qui s’est traduit par une hausse de la demande mondiale adressée à la France. Dans ce contexte, les échanges extérieurs de la France ont rebondi tant à l’importation qu’à l’exportation en 2010, quasiment dans les mêmes proportions que les échanges globaux (+ 13 % en valeur en 2010 par rapport à 2009). A contrario, l’effondrement du commerce extérieur français en 2009 (- 17,1 % et – 17,7 %, respectivement pour les exportations et les importations) avait été plus fort que le reflux mondial.

Cette confirmation de la reprise du commerce mondial a permis aux échanges commerciaux de la France de continuer à se redresser au second semestre 2010 et au premier semestre 2011. Ainsi les exportations, en année glissante de septembre 2010 à août 2011, avoisinent-elles 420 milliards d’euros, ce qui leur permet, après le fort reflux de 2009 suite au déclenchement de la crise économique en 2008, de dépasser légèrement leur niveau de 2008, qui faisait pourtant suite à une décennie de hausse régulière, comme le montrent le tableau suivant et le graphique suivants.

ÉVOLUTION DES ÉCHANGES DE LA FRANCE, 2002-2010


(Échanges FAB-FAB 
(
2), y compris matériel militaire)

ÉVOLUTION TRIMESTRIELLE DES ÉCHANGES ET DU DÉFICIT DE LA FRANCE, 2008 – MI-2011


(Source : Douanes – Données estimées FAB-FAB, CVS-CJO 
(
3), en milliards d’euros)

On note toutefois un tassement au second trimestre 2011, voire une légère régression aussi bien des importations que des exportations. Il est la conséquence directe d’un ralentissement de la croissance du commerce mondial, qui a conduit l’OMC a annoncé, dans son dernier communiqué de presse relatif à ses prévisions pour 2011 (4), le 23 septembre 2011, que la croissance se confirmerait cette année, mais à un rythme cependant moins soutenu, puisqu’il avoisinerait les 6 % pour l’ensemble du monde et un peu moins de 3,7 % pour les économies développées, sous réserve d’une aggravation de la crise économique et des pressions protectionnistes : « les échanges ont augmenté plus lentement que prévu au cours des derniers mois et les perspectives de l’économie mondiale sont de plus en plus incertaines. »

Dans ce contexte nettement plus favorable que l’année dernière, mais précaire, la part française de marché mondial, qui tend à décroître assez régulièrement depuis 1992, s’est stabilisée en 2010 aux alentours de 4 %. La part de marché de la France vis-à-vis de ses partenaires de l’OCDE a également cessé de reculer et se fixe aux alentours de 6,5 %, comme le montre le document suivant :

PARTS DE MARCHÉ RELATIVES DE LA FRANCE EN VOLUME VIS-À-VIS DE SES PARTENAIRES DE L’OCDE, 2000 - DÉBUT 2011 (EN %)

Cette stabilisation de la part de marché de la France en volume ne doit cependant pas occulter que notre part de marché en valeur au niveau mondial, calculée en dollars, continue à diminuer, puisqu’elle est passée de 3,8 % en 2009 à 3,5 % en 2010, en raison d’un fléchissement de l’euro en 2010.

La reprise du commerce mondial en 2010, qui a permis à la France de quasiment retrouver le volume d’échanges qui était le sien avant la crise, s’est faite au prix d’un accroissement de son déficit, passé de 44 milliards d’euros en 2009 à 51 milliards en 2010. Ce déficit s’alourdit encore en 2011, puisqu’il s’établissait en août à près de 67 milliards sur les douze mois précédents. Il devrait, selon les chiffres annoncés le 25 octobre 2011 par M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État au commerce extérieur, lors de son audition par la Commission, avoisiner 75 milliards d’euros à la fin de l’année pour 2011, alors que le précédent record de déficit annuel, en 2008, était de 56,2 milliards.

Cette amplification du déficit commercial est d’autant plus préoccupante que, depuis 2007, elle est, ainsi que le montrent les documents suivants, de plus en plus sensible même quand n’est pas prise en compte la facture énergétique, cette dernière demeurant toutefois sa cause essentielle. Hors énergie, le poste de loin le plus déficitaire, puisqu’il représente les deux tiers du déficit total, est l’industrie manufacturière (- 24,5 milliards d’euros).

ÉVOLUTION ANNUELLE DES ÉCHANGES COMMERCIAUX DE LA FRANCE,
2001-2010


(en milliards d’euros, données FAB-FAB, y compris matériel militaire)

ÉVOLUTION DE LA FACTURE ÉNERGÉTIQUE, DU SOLDE HORS ÉNERGIE ET DU PRIX DE BARIL DE PÉTROLE, 1971-2010

Une note parue en juin 2011 dans une publication de la Direction générale des douanes et droits directs (5), d’où est extrait le document précédent, souligne que, si le déficit énergétique s’est aggravé en 2010 en raison de la remontée du cours du pétrole, notre dépendance à l’égard de ce dernier s’est amoindrie, à la fois parce que notre économie est moins « gourmande » en énergie et en raison du développement du nucléaire. Ainsi les importations d’énergie ne constitue-t-elle plus que 15 % du total des importations, contre 29 % en 1981, la facture énergétique ne représentant plus que 2,5 % du PIB en 2010 (respectivement 3,8 et 4,9 % en 1974 et 1981, après les deux premiers chocs pétroliers). Elle est en outre, relativement au PIB, moins importante que celles de l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie (environ 3 % pour les deux premiers pays et 3,3 pour le troisième).

Une autre note de la Direction générale des douanes et droits directs, parue en août 2011 (6), explique que la comparaison des taux de couverture (résultant du rapport exportations / importations) est plus pertinente pour établir des comparaisons historiques (notamment pour évaluer l’impact des grandes crises économiques) que celle des soldes commerciaux, dans la mesure où les niveaux des flux d’échanges sont sans commune mesure avec ce qu’ils étaient il y a moins d’un demi-siècle (ainsi les flux d’échanges de 1974, au moment du premier choc pétrolier était-il douze fois inférieur à ceux d’aujourd’hui). Or, les chiffres des tableau et graphique suivants montrent la constante diminution du taux de couverture des importations par les exportations :

TAUX DE COUVERTURE DES IMPORTATIONS PAR LES EXPORTATIONS POUR L’ENSEMBLE DES BIENS ET SERVICES (EN %), 2000-2010

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

103,6

104,2

105,9

103,6

101,6

97,7

96,3

94,5

92,8

92,8

91,6

FLUX ET TAUX DE COUVERTURE, 1971 – MI-2011

Le déséquilibre global de 2010 (88,5 %) fait retrouver à la France les niveaux les plus bas depuis l’après Seconde guerre mondiale, ceux du début des années 1980 (87,1 % en 1982), ainsi que ceux du milieu des années 1950, seules autres périodes où ils étaient passés nettement sous la barre des 95 % (mais ils avaient été suivis par un pic à 120 % vers 1960, en ce qui concerne les biens et services).

Cette diminution du taux de couverture se traduit dans les chiffres de la balance des paiements (calculés par la Banque de France), comme le montre le document suivant :

ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX POSTES DE LA BALANCE DES PAIEMENTS, 2001-2010

Il se confirme que ce sont les échanges de biens qui sont à l’origine du déficit : sa progression continue depuis 2004 de ce dernier en ce qui les concerne, reprenant en 2010 (- 53,7 milliards), après une légère décrue en 2009 (- 43,1 milliards). Le solde positif des échanges de services est très loin de la compenser, d’autant qu’il tend lui aussi à décroître (environ 10 milliards en 2009 et 2010, contre plus de 15 milliards au début des années 2000), même si la France demeure le cinquième exportateur mondial en la matière, derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Chine (la part de marché n’étant cependant pas très élevé, à 3,8 %). On notera à cet égard que l’industrie n’est donc pas seule affectée, puisque les services aux entreprises sont aussi en déficit.

En terme de flux d’investissements directs, on note une baisse depuis 2008 des flux français en direction de l’étranger (baisse de 14 % l’année dernière, de 74,1 milliards d’euros en 2009 à 63,5 milliards en 2009). Il serait préoccupant que se confirme dans les années à venir le fait que les désinvestissements à l’étranger les plus importants l’ont été en 2010 dans les entreprises de deux secteurs porteurs à l’international, l’information et la communication.

Après un important repli en 2008 et 2009, respectivement de 37 et 44 %, les investissements directs étrangers en France ayant pour leur part légèrement augmenté en 2010 (ils sont passés de 24,5 milliards d’euros en 2009 à 25,6 milliards d’euros en 2010) (7), le solde reste nettement positif. À plus long terme, ce solde poursuit donc son rétablissement excédentaire après sa chute du début des années 2000, comme le montre le document suivant :

FLUX D’INVESTISSEMENTS DIRECTS ENTRE LA FRANCE ET L’ÉTRANGER,
1990-2009

Il convient de noter que les opérations d’investissement en capital social sont en très fort recul par rapport à 2009 (de plus de 50 %), malgré, entre autres, le rachat de trois sociétés françaises dont l’activité concerne Internet (« leboncoin.fr », « PriceMinister », « SeLoger.com »). C’est le secteur des activités immobilières qui attirent le plus d’investissements étrangers et ceux-ci proviennent en premier lieu du Luxembourg, puis des Etats-Unis.

Globalement, la France conserve la troisième place mondiale en ce qui concerne les flux d’investissements directs étrangers entrants (loin derrière les Etats-Unis et la Chine, mais devant ses principaux partenaires européens). Leur stabilité en France contraste en effet avec leur chute de 20 % dans l’ensemble de l’Union européenne. Notre territoire demeure donc attractif, grâce en particulier à un renforcement, par la réforme du crédit d’impôt recherche (CIR), du dispositif de soutien à la recherche et développement (R&D), le nombre d’implantations de centres de R&D d’origine étrangère étant passé de 25 en 2007 à 51 en 2010 (42 en 2009).

Des accords multilatéraux continuent à se négocier ou sont en projet, notamment en vue de la constitution d’une zone Euro-méditerranéenne, que la Commission européenne va relancer dans le cadre du « processus de Barcelone », à la faveur des bouleversements politiques ayant eu lieu ces derniers mois. Ainsi était-il important de prendre position dans les pays d’Afrique du nord, et plus généralement le monde arabe, la visite du 12 octobre 2011 en Libye de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État au commerce extérieur, accompagné par environ quatre-vingts représentants d’entreprises françaises, allant dans ce sens, de même que l’ouverture début 2012 d’un bureau Ubifrance en Libye. Cependant, en cette période où les incertitudes économiques contribuent à envenimer les relations internationales, d’autres négociations menées par l’Union européenne en vue d’accords de libre-échange multilatéraux tardent à se concrétiser, en particulier avec le Mercosur et la Corée du Sud.

Alors que la nécessité d’une renégociation des traités européens est évoquée pour mieux faire face aux difficultés économiques de la zone euro, vu le recours de plus en plus fréquent à des dérogations aux règles communautaires, il serait souhaitable que les volets commerciaux et monétaires fassent l’objet d’une adaptation. Est-il en effet possible de laisser à la commission ou à la BCE toute compétence en la matière alors que les préconisations françaises (taxe carbone aux frontières de l’Union et prise en compte des règles de l’Organisation internationale du travail, entre autres) ne sont guère suivies d’effet ?

À tout le moins ne peuvent qu’être soutenues les initiatives du gouvernement pour promouvoir l’égalité des chances pour nos entreprises dans le commerce mondial grâce à l’instauration de relations équitables, par exemple grâce aux principes de la clause sociale et de réciprocité en matière d’accès aux marchés publics (un projet de texte européen devant être présenté à ce sujet à la fin de l’année 2011), ainsi qu’à un recours plus volontaire par l’Europe des instruments de défense commerciale (antidumping et antisubventions).

Les débats sur la « Guerre des monnaies », qui occupaient le devant de la scène l’année dernière, sont passés ces derniers mois au second plan, occultés par la crise de la dette et la crainte d’une dislocation de la zone euro. Le problème des rapports entre monnaies n’a pas pour autant cessé de peser sur les échanges commerciaux. Nous avions prévu dans notre rapport pour avis de l’année dernière que le budget pour 2011 avait été bâti sur la base d’un niveau de l’euro sous-évalué, ce qui s’est avéré exact, au détriment de nos exportations.

Mais, plus encore que la surévaluation de l’euro, aux alentours de 1,40 dollar depuis juillet 2011, qui pèse certes sur notre compétitivité, mais n’empêche pas certains de nos principaux partenaires de mieux s’en sortir, en premier lieu Allemagne, il ne saurait être fait l’impasse sur la nécessité d’influer sur les paramètres globaux, notamment en luttant contre la volatilité de l’euro. Celle-ci constitue en effet le premier frein aux velléités exportatrices des PME françaises d’après une enquête menée de mai à septembre 2010 par l’assureur crédit Euler Hermes auprès de 882 PME. Les constantes fluctuations de l’euro par rapport au dollar, entre autres, ne facilitent pas la vision à long terme des stratégies commerciales des entreprises et du gouvernement, de même que la sous-estimation du yuan n’est pas sans répercussions sur nos relations commerciales avec la Chine. Alors que les thèses sur les éventuels bénéfices que nous retirerions d’une sortie de l’euro prospèrent, est-il encore possible de s’abriter derrière l’impossibilité de mener une politique monétaire propre, la BCE menant celle de la zone euro, à laquelle la France appartient, en toute indépendance ? À défaut de restaurer notre souveraineté en la matière, n’y aurait-il pas urgence à retrouver une influence sur son cours ? Car force est de constater que la mise en place d’ « une coordination des politiques des différents pays » afin de lutter contre les déséquilibres de leurs comptes courants et « la volatilité des changes, qui ne permet ni aux investisseurs, ni aux acteurs du commerce international, de faire des prévisions économiquement saines », qu’appelait de se vœux madame Anne-Marie IDRAC, alors secrétaire d’État au Commerce extérieur, lors de la réunion en commission élargie le 25 octobre 2010 (8), n’a guère été suivie d’effets.

Dans notre rapport pour avis sur le commerce extérieur de l’année dernière (9), nous avions appelé l’attention sur la nécessité de reconstituer un indicateur d’évaluation statistique, si possible en l’améliorant, afin de permettre « une juste appréciation des délocalisations, ne serait-ce que pour relativiser leur impact aux yeux d’une opinion toujours très sensible sur le sujet » et bien que nous n’ignorions pas que l’évaluation du phénomène était délicate. Un « livre à scandale » a récemment pointé du doigt la lacune en la matière et l’absence « au-delà de 2005 [date du rapport d’information de l’Assemblé nationale, n°3407] de rapports sur les délocalisations publiés par les ministères concernés, ceux du Travail et de l’Industrie notamment » (10).

Or, aucune donnée sur le phénomène des délocalisations n’est toujours disponible pour la période postérieure à 2003, alors même qu’une augmentation de 2.000 pertes d’emplois en moyenne annuelle pour cause de délocalisations avait été enregistrée entre la période 1995-1999 et la période 2000-2003 (ce qui correspond à une hausse de 15,6 %), ces délocalisations s’effectuant alors majoritairement vers les pays émergents, et qu’une enquête de la division « Enquêtes de conjoncture » de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) (11), portant sur les déclarations de délocalisations réalisées sur la période 2002-2007, indiquait qu’une accélération était en cours.

Nous renouvelons donc notre demande de constitution d’un indicateur d’évaluation statistique des délocalisations, ne serait-ce que pour vérifier que le phénomène demeure relativement limité, puisqu’il n’aurait pas représenté plus de 3 % des pertes totales d’emplois en France dans l’industrie pour la période 1995-2003.

II.— LES STRUCTURATIONS GÉOGRAPHIQUE ET SECTORIELLE DE NOS ÉCHANGES COMMERCIAUX

Alors que les pays émergents ont pu apparaître comme les nouveaux moteurs de la croissance, notre commerce extérieur reste très majoritairement orienté vers l’Europe des 27 (environ 60 %), même si une légère diversification en direction des pays d’Europe hors Union européenne (UE) doit être notée. Les pays voisins (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Italie, Espagne et Portugal) restent nos principaux partenaires, puisque 85 % des échanges avec les membres de l’UE se font avec ceux-ci. Pourtant, les échanges de la France avec les nouveaux États membres (NEM) (12)n’ont cessé d’augmenter, mise à part en 2009, au cours de la décennie 2000, passant de 19 milliards d’euros en 2000 à 42,2 milliards en 2010. Et bien qu’un déficit commercial bilatéral avec ces NEM soit apparu et se creuse depuis 2007, la présence des entreprises françaises s’y est considérablement renforcée, le stock d’investissements directs étrangers en provenance de France y étant passé de 5,1 milliards d’euros en 1999 à 28,6 milliards en 2010.

En revanche, début peu, les exportations françaises sont distancées par celles de ses principaux concurrents européens sur les grands marchés émergents (Inde, Brésil et Russie principalement), exception faite de la Chine. Ainsi nos exportations vers les BRICS (13)ne représentent que 8,1 % du total de nos exportations, contre 11,8 % des leurs pour les Allemands.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES EXPORTATIONS, 2001/2010


(Source : Douanes ; données estimées FAB ; à gauche, en 2001 ; à droite, en 2010)

On notera qu’une zone qu’on pourrait croire particulièrement prometteuse, l’Afrique, ne « décolle » guère dans nos échanges, les exportations y ayant même légèrement reculé au premier semestre 2011 – et ce, malgré l’implantation récente d’Ubifrance en Afrique subsaharienne (où les deux premiers marchés français sont l’Afrique du Sud et le Nigéria), qui n’a donc pas encore vraiment porté ses fruits.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES IMPORTATIONS, 2001/2010


(Source : Douanes ; données estimées FAB ; à gauche, en 2001 ; à droite, en 2010)

Autant le déficit bilatéral vis-à-vis de l’Allemagne, principal exportateur européen, se stabilise, autant le déficit vis-à-vis de la Chine s’est alourdi de 4 milliards d’euros en un an, soit près de 20 % !

SOLDES BILATÉRAUX (PRINCIPAUX EXCÉDENTS ET DÉFICITS), 2009-2010


(Source : Douanes ; données estimées FAB – en milliards d’euros)

Néanmoins, la prédominance du commerce avec les pays voisins explique que les zones frontalières soient les plus actives en la matière, comme le montre la carte suivante :

CARTOGRAPHIE DES ÉCHANGES ET SOLDES DÉPARTEMENTAUX, PAR DÉPARTEMENT DE DÉPART ET DE DESTINATION DES MARCHANDISES, 2010


(Source : Douanes – Données CAF-FAB, hors matériel militaire) 
(
14)

La seule région centrale dont les échanges commerciaux figurent, parmi les plus importants, est l’Île-de-France, mais son taux de couverture des importations par les exportations est l’un des plus bas.

L’aéronautique et l’agroalimentaire ont été les deux secteurs les plus dynamiques en 2010, le troisième secteur excédentaire, la pharmacie, marquant le pas et l’automobile, malgré une amélioration, demeurant déficitaire.

PRINCIPAUX SOLDES SECTORIELS, 2009-2010


(Source : Douanes – Données estimées CAF/FAB, en milliards d’euros)

Un motif d’inquiétude réside dans le repli au premier semestre 2011 des secteurs moteurs du commerce extérieur de la France, ceux qui avaient donc le mieux résisté pendant la crise : il s’agit de l’aéronautique (en raison notamment d’une diminution des livraisons d’Airbus vers le Proche et Moyen-Orient et vers l’Asie) et de la pharmacie, l’excédent de cette dernière n’atteignant plus que 750 millions d’euros contre plus de 1.500 millions d’euros le semestre précédent. Parallèlement, l’automobile confirme ses difficultés à retrouver son niveau d’avant la crise de 2008, malgré une légère remontée (échanges en hausse de 4,1 % au premier semestre 2011, mais les perspectives de marché sont nettement moins favorables depuis l’été, dans un contexte de « guerre des prix » entre constructeurs européens, notamment sur les modèles les plus courants). A contrario, le secteur agroalimentaire contribue à atténuer le déficit commercial, puisque son excédent s’est amélioré de près d’un milliard d’euros pour se fixer à 5,4 milliards d’euros au premier semestre 2011. Il s’agit toutefois également d’un secteur où la part française sur le marché mondial est en léger recul (d’environ 3 %).

ÉVOLUTION SECTORIELLE DES EXPORTATIONS FRANÇAISES, 2008 – MI-2011


(Base 100 au T1 2008)

DONNÉES SECTORIELLES DES EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS FRANÇAISES, 2010 – PREMIER SEMESTRE 2011

Le tableau suivant montre que 4 % du nombre total des entreprises exportatrices, celles de plus de 250 salariés, assurent 60 % des montants totaux de l’ensemble de l’appareil exportateur français. Les grandes entreprises de plus de 1.000 salariés, qui ne représentent que 1 % du nombre total, en réalisent à elles seules 39 %. A contrario, les PME indépendantes représentent 83 % de l’ensemble des entreprises exportatrices, mais pas plus de 15 % du chiffre d’affaires à l’exportation.

RÉPARTITION DE L’APPAREIL EXPORTATEUR SELON LA TAILLE DE L’ENTREPRISE EN 2010

RÉPARTITION DE L’APPAREIL EXPORTATEUR SELON LE TYPE DE L’ENTREPRISE, 2010


(Source : Douanes, Insee, Calculs DG Trésor)

On note cependant en 2010, comme le montre le tableau suivant, une remontée du nombre d’exportateurs dont les effectifs sont compris entre 20 et 250 salariés, après une très forte baisse de 2008 à 2009 (- 13,4 %).

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’EXPORTATEURS SELON LEUR TAILLE, 2002-2010


(Source : Douanes, chiffres estimés -Base 100 en 2002)

Plus généralement, le nombre d’exportateurs, qui baissait de façon continue depuis 2003 (- 3,7 % en 2009), est remonté en 2010 (+ 3,2 %) pour atteindre 94.800 entreprises, alors que le nombre d’importateurs reste à peu près stable (105.000 entreprises). On reste toutefois très loin des chiffres de l’Allemagne (plus de 350.000 entreprises exportatrices), de l’Italie (près de 200.000) ou des États-Unis (275.000), et ce sont surtout les PME indépendantes qui ont vu leurs effectifs se réduire au cours de la décennie 2000, comme le montre le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTS TYPES D’EXPORTATEURS, 2001/2010

Type d’exportateur

2001

2010

Variation

PME indépendantes

93 000

78 000

-15 000

Entreprises de groupes français

6 000

6 000

0

Entreprises étrangères

9 000

11 000

2 000

Ensemble

108 000

95 000

-13 000

(Sources : Douanes, Insee, calculs DG Trésor)

Aussi bien le contingent d’importateurs que celui des exportateurs sont marqués par un assez fort mouvement, puisque, pour s’en tenir au nombre des exportateurs, le nombre des « sortants » (qui cessent d’exporter) baisse fortement, tandis que les nouveaux exportateurs en 2010 sont nettement plus nombreux qu’en 2009 (+ 9,4 %). Cela tiendrait toutefois plus à un « retour à l’international d’entreprises qui avaient pu être découragées qu’à un surcroît de primo-exportateurs » (15)(l’augmentation du nombre de ces derniers est de l’ordre de 3 %).

Ce dernier constat peut, d’une certaine façon, être jugé décevant, parce qu’il témoigne de la difficulté de faire entrer sur le marché international de nouvelles entreprises, l’un des objectifs de nos organismes de soutien à l’exportation ayant par conséquent du mal à être atteint. Pour autant, il convient de relativiser la nécessité de cet objectif, dans la mesure où, durant les périodes de forte croissance des exportations de la dernière décennie, ce sont de loin les exportateurs en place qui y contribuèrent le plus, de même que ce sont eux qui sont responsables de la décroissance de 2009, comme le montre le diagramme suivant :

CONTRIBUTION À LA CROISSANCE DES EXPORTATIONS SELON LA DURÉE DE PRÉSENCE À L’INTERNATIONAL DES OPÉRATEURS, 2000-2010

En outre, selon une étude douanière publiée en août 2010 (16), « les primo-exportateurs indépendants peinent à s’enraciner à l’international », puisque, sur cent nouveaux exportateurs en 2000, seulement trente continuaient à exporter un an après et huit étaient présents de manière continue à l’exportation jusqu’en 2009.

Favoriser la pérennité et l’accroissement de l’activité à l’exportation des entreprises déjà exportatrices, et, parmi elles, en particulier les PME, semble donc un objectif tout aussi prioritaire que le soutien à l’émergence de « primo-exportatrices ».

La conduite de la réforme des organismes de soutien aux exportations a poursuivi son cours en 2010 et 2011. Elle est pratiquement aboutie, en particulier celle d’Ubifrance, dont la mission est de favoriser l’internationalisation des entreprises françaises, tout particulièrement des PME, et leur développement sur les marchés extérieurs en réalisant ou coordonnant des actions d’information, de promotion, de coopération technologique et de volontariat international. Ainsi le périmètre de l’agence passera-t-il de 44 à 63 pays au terme de l’année 2012. Sa capacité d’accompagnement des PME sera renforcée suite au nouveau contrat de performances pour la période 2012-2014 qu’Ubifrance a signé avec l’État le 14 septembre 2011.

Malgré les réserves que la cour des comptes a émises en février 2011 sur l’appareil de soutien aux exportations, ces organismes, notamment Ubifrance, font preuve d’un dynamisme indéniable :

– hausse importante de la présence sur les salons et dans les congrès internationaux : près de 800 en 2011 (selon les chiffres du mois d’août), contre 648 en 2010 et 519 en 2009, la filière du vin en ayant particulièrement bénéficié (443 entreprises accompagnées en 2010 alors qu’elles n’étaient que 34 en 2008) ;

– hausse du nombre d’entreprises aidées : 22.018 en 2010, contre 19.494 en 2009 ;

– augmentation du nombre de volontaires internationaux en entreprise (6.664 V.I.E. en 2010, contre 6.357 en 2009).

Bien que la réforme d’Ubifrance semble réussie, il y a lieu de se demander si son action ne pourrait pas être rendue plus efficace par un effet de démultiplication en ayant plus recours aux opérations labellisées par l’agence (par délégation donnée à un organisme pour organiser des salons), qui coûtent moins cher que celles qu’elle organise directement. Or, ce type d’opérations a baissé en 2011 (337 participants pour 22 opérations en 2011 contre 382 participants en 28 opérations en 2010). Ne serait-ce pourtant pas une façon de disposer de plus de pavillons français sur les salons à l’étranger ?

Pour autant, si le gouvernement ne néglige aucunement la constitution d’un appareil de soutien à l’exportation cohérent, il fait porter l’effort sur la compétitivité de l’économie française, dans le sens d’une modération du coût du travail, à l’instar de ce qu’a fait l’Allemagne depuis dix ans, d’une réforme de la taxe professionnelle pour favoriser l’investissement en capital physique et d’une amélioration de la capacité d’innovation (soutien à la R&D). L’attractivité du territoire doit désormais s’accompagner d’une relocalisation de la production industrielle en territoire français : pôles de compétitivité, renforcement des liens noués par les universités avec les entreprises, grâce à leur nouvelle autonomie, renforcement des fonds propres des entreprises, grâce au FSI (Fonds stratégique d’investissement), créé en 2008. Un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental, « La compétitivité : enjeu d'un nouveau modèle de développement » (17), a également souligné la nécessité de réformer le tissu économique français, en vue notamment d’une réindustrialisation (en 2008, la part de l’industrie ne représentait plus que 14 % de la valeur produite en France, contre près de 26 % en Allemagne : une diminution en volume a suivi depuis 2005 une diminution en valeur) et d’un passage d’un système sous-traitance à une « cotraitance », dans lequel les donneurs d’ordres réuniraient et accompagneraient leurs sous-traitants pour définir leur stratégie d’ensemble puis partager la valeur produite.

Certains résultats de l’action gouvernementale demeurent néanmoins encore « mitigés », notamment en ce qui concerne l’approfondissement et la pérennisation de l’activité à l’exportation des PME déjà exportatrices, l’une des priorités d’Ubifrance. Le nombre de PME exportatrices demeure insuffisant et leur situation est souvent précaire sur le marché international. Malgré la remontée encourageante du nombre d’exportateurs en 2010 (+ 3,2 %), y compris parmi les entreprises dont les effectifs sont compris entre 20 et 250 salariés, alors qu’il baissait de manière continue depuis 2003, la concentration de l’appareil exportateur français se confirme (cf. page 27). Un tissu efficace de PME relativement importantes et d’ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) capable de s’implanter durablement à l’international fait encore défaut.

L’exemple de l’Allemagne, dont les réformes entamées au début des années 2000 n’ont porté leurs fruits que quelques années plus tard, incite à ne pas dresser un bilan trop précipité de l’action du gouvernement. Le secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur a lancé le 10 février 2011 un plan d’actions visant à améliorer les performances du dispositif français de soutien à l’export, dans la continuité des réformes précédemment engagées, qui s’articule autour de trois axes majeurs : accroissement de l’efficacité du soutien public à l’internationalisation des entreprises, et plus particulièrement des PME ; adaptation du régime de soutien financier aux exportations à la conjoncture internationale et à l’ensemble du cycle d’exportation, via les missions de la Coface ; promotion à plus long terme d’une politique commerciale de l’Union européenne plus efficace et l’établissement de conditions de concurrence loyales et équilibrées au niveau international.

Ce n’est probablement pas avant le terme du premier semestre 2012 qu’il sera possible de mesurer les effets de ce plan, d’autant qu’il s’est accompagné d’une série d’accords et de chartes pour sa mise en œuvre :

– charte du portage des PME à l’international, signé par douze grands groupes français le 5 mai 2011 ;

– charte nationale signée par les partenaires du commerce extérieur le 12 juillet 2011 pour clarifier le rôle des acteurs et améliorer leur coordination au niveau national et régional, notamment en liaison avec les chambres consulaires ;

accord entre la Coface, Oséo et Ubifrance, signé le 7 juin 2011, visant à créer une « Boîte à outils Export » à partir de l’automne 2011 pour mieux coordonner l’offre de financements vis-à-vis des PME exportatrices.

La mise à disposition des PME de guichets uniques régionaux à l’exportation et un nouveau site Internet délivrant des informations pratiques devraient également faciliter leurs démarches en vue de leur développement à l’international.

Ainsi les objectifs précisément fixés pour 2011 à « L’Équipe de France à l’export » ainsi constituée (10.000 nouvelles entreprises à l’export, 20.000 accompagnements annuels, 10.000 V.I.E. en poste à la fin de l’année) semblent-ils pouvoir être réalisés (l’objectif de 6.100 nouveaux exportateurs pour 2010 ayant presque été réalisé et celui de 17.200 accompagnements d’entreprises dépassés de près de 5.000), mis à part celui du nombre de V.I.E. (18), bien que ce dernier augmente tout de même (+ 8,2 % et un peu moins de 7.000 en poste au premier semestre 2011) et que le bilan des V.I.E. soit globalement satisfaisant (les jeunes qui en font l’expérience expriment dans l’ensemble leur satisfaction et 85 % sont embauchés à la sortie).

Dans le cadre de la mission « Économie », les crédits demandés en matière de commerce extérieur relèvent pour partie de l’action n° 2 (« Développement international de l’économie française ») du programme 305 (« Stratégie économique et fiscale »). Ils sont dévolus au réseau régional et international de la direction générale du Trésor avec pour priorité l’information, la mise en relation avec des partenaires et la promotion des entreprises françaises, notamment les PME, en vue de soutenir leur développement sur les marchés étrangers, ainsi que la promotion du territoire français auprès des sociétés étrangères susceptibles de s’y implanter. Ces activités contribuent à la réalisation des prestations menées, sous la tutelle de la DG Trésor, par les opérateurs Ubifrance et AFII (Agence française pour les investissements internationaux) au sein de l’action n° 7 (« Développement international et compétitivité des territoires ») du programme n° 134 (« Développement des entreprises et de l’emploi »).

Les crédits présentés ci-dessous concernent plus spécifiquement cette dernière action. Ils se rapportent à la mise en œuvre opérationnelle du dispositif en faveur du commerce extérieur, par l’intermédiaire d’Ubifrance et de l’AFII, la mission de cette dernière étant la prospection et l’accompagnement des investissements étrangers et la promotion du territoire français auprès des investisseurs internationaux et des relais d’opinion (19).

Ces crédits représentent 12,08 % des autorisations d’engagement pour 2011 de ce programme, soit, proportionnellement, une augmentation sensible (quoiqu’un peu moins nette que l’année dernière), puisqu’ils n’en représentaient que 11,32 % dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2010 et 9,59 % dans le PLF pour 2010.

L’année 2012 sera marquée par la finalisation des transferts budgétaires liés à la quatrième et dernière vague de dévolution des équipes des missions économiques à l’opérateur Ubifrance, qui concentre donc l’essentiel de l’effort budgétaire. À son terme, le champ d’intervention d’Ubifrance aura été étendu à 56 pays (28 en 2009, 16 en 2010, 2 en 2011 et 10 en 2012). D’ici la fin 2012, Ubifrance sera ainsi l’interlocuteur des PME françaises partout dans le monde, tandis que la DG Trésor conservera les missions régaliennes de soutien aux entreprises, notamment pour le suivi des situations économiques, la surveillance des conditions d'accès au marché et l’appui aux grands contrats.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012, en termes d’autorisations d’engagement, par rapport à la loi de finances de 2010 et au projet de loi de finances 2011.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT DE L’ACTION N° 7 (« DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL ET COMPÉTITIVITÉ DES TERRITOIRES ») DU PROGRAMME N° 134 (« DÉVELOPPEMENT DES ENREPRISES ET DE L’EMPLOI »)

(en millions d’euros)

LFI 2010

PLF 2011

Variation
2011/2010

PLF 2012

Variation
2012/2011

AFII

16,1

15,3

- 5 %

14,9

- 2,61 %

UBIFRANCE

91,4

104,4

+ 14,2 %

105,8

+ 1,05 %

Charges de service public

70,0

78,0

+ 11,4 %

79,4

+ 1,79 %

Crédits d’intervention

21,4

26,4

+ 23,3 %

26,4

0

Total

107,5

119,7

+ 11,4 %

120,8

+ 0,91 %

Ces crédits se caractérisent, par rapport à de fortes hausses de 2011, par une relative stabilisation pour 2012 (20). Il est en effet prévu, notamment, que les crédits d’intervention d’Ubifrance, destinés au financement des actions de promotion commerciale des PME à l’étranger (rencontres « BtoB », pavillons France, SIDEX/Innovex et opérations labellisées), restent à peu près stables de 2011 à 2013, à 26,40 millions d’euros, conformément au projet de loi de programmation (PLP) 2011-2013.

En revanche, le projet de loi de programmation pour 2011-2013 prévoyait une diminution progressive de la subvention pour charge de service public (SCSP), dotation couvrant les frais de personnel et de fonctionnement. La SCSP s’avère plus élevée d’environ 10 millions d’euros, malgré le rythme moins soutenu de la dévolution de moyens du réseau international de la direction générale du Trésor à Ubifrance, auparavant financés sur le programme 305, et l’application de la norme de réduction des dépenses publiques. Cette augmentation a toutefois été tempérée par un gel budgétaire, le montant réellement versé à Ubifrance étant ramené en 2011 à 75,55 millions d’euros. Mais Ubifrance dispose aussi de recettes commerciales propres, en croissance sensible au cours des quatre dernières années : + 14 % entre 2009 (environ 48 millions d’euros) et 2010 (près de 55 millions d’euros). Ces ressources devraient à tout le moins avoisiner 60 millions d’euros au terme de l’année 2012.

CONCLUSION

L’aboutissement des réformes des organismes d’accompagnement et de financement de nos entreprises à l’exportation, notamment celle de l’opérateur Ubifrance, ainsi que les mesures prises pour parfaire leur cohésion, commencent à porter leurs fruits. Comme, parallèlement, l’attractivité de la France n’est pas remise en cause, nos échanges ont suivi cette année le mouvement de hausse du commerce mondial. Cela justifie que les crédits demandés pour 2012 en matière de commerce extérieur, en particulier ceux d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux soient en légère augmentation.

Toutefois, face à l’accroissement préoccupant du déficit du commerce extérieur français, qui atteindra un « record » en 2011, c’est sur la compétitivité globale de notre économie que doit porter l’essentiel des efforts de l’État, qui, en la matière, ne peut pas tout faire, comme de ses partenaires (régions, réseaux consulaires, syndicats professionnels et secteur financier), notamment pour enrayer notre désindustrialisation afin de constituer une offre la plus compétitive possible de productions françaises par grandes filières.

TABLE DES DOCUMENTS
(TABLEAUX ET GRAPHIQUES)

Évolution des échanges de la France, 2002-2010 9

Évolution trimestrielle des échanges et du déficit de la France, 2008 – mi-2011 10

Parts de marché relatives de la France en volume vis-à-vis de ses partenaires de l’OCDE, 2000 - début 2011 (en %) 11

Évolution annuelle des échanges commerciaux de la France, 2001-2010 12

Évolution de la facture énergétique, du solde hors énergie et du prix de baril de pétrole, 1971-2010 12

Taux de couverture des importations par les exportations pour l’ensemble des biens et services (en %), 2000-2010 13

Flux et taux de couverture, 1971 – mi-2011 13

Évolution des principaux postes de la Balance des Paiements, 2001-2010 14

Flux d’investissements directs entre la France et l’étranger, 1990-2009 16

Répartition géographique des exportations, 2001/2010 21

Répartition géographique des importations, 2001/2010 22

Soldes bilatéraux (principaux excédents et déficits), 2009-2010 22

Cartographie des échanges et soldes départementaux, par département de départ et de destination des marchandises, 2010 23

Principaux Soldes sectoriels, 2009-2010 24

Évolution sectorielle des exportations françaises, 2008 – mi-2011 25

Données sectorielles des exportations et importations françaises, 2010 – premier semestre 2011 25

Répartition de l’appareil exportateur selon la taille de l’entreprise en 2010 27

Répartition de l’appareil exportateur selon le type de l’entreprise, 2010 28

Évolution du nombre d’exportateurs selon leur taille, 2002-2010 28

Évolution des différents types d’exportateurs, 2001/2010 29

Contribution à la croissance des exportations selon la durée de présence à l’international des opérateurs, 2000-2010 29

Évolution des autorisations d’engagement de l’action n° 7 (« Développement international et compétitivité des territoires ») du programme n° 134 (« Développement des enreprises et de l’emploi ») 34

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), la commission a auditionné M. Pierre Lellouche, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce extérieur.

M. le président Serge Poignant. Mes chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui l’examen des crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2012 en recevant, pour la seconde fois cette année, monsieur Pierre Lellouche, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, chargé du commerce extérieur.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes heureux de vous retrouver ici. Vous aviez déjà fait devant notre commission un point de votre action, le 29 mars dernier, environ quatre mois après votre entrée en fonction. Je pense pouvoir le dire, nous avions apprécié votre ambition et votre dynamisme. Vous nous aviez fait part à la fois des enjeux et de certains périls affectant le commerce extérieur français, et de votre volontarisme pour y porter remède.

Nous le savons, vous ne ménagez pas votre peine. En témoigne le déplacement que vous avez effectué en Libye il y a une dizaine de jours, et, plus largement, dans l’ensemble des pays ayant connu des bouleversements politiques ces derniers mois, au Maghreb bien sûr, mais pas seulement. Nous souhaiterions aussi connaître votre position sur la relance par la Commission européenne du « processus de Barcelone », qui prévoit que des accords multilatéraux soient coordonnés en vue d’aboutir à une zone de libre-échange Euro-méditerranéenne.

Force est de constater que les ambitions françaises ne se concrétisent pour l’instant que très partiellement. Notre économie a cependant connu ces derniers mois une reprise de ses échanges extérieurs, dans un contexte de forte reprise du commerce international. Certes, la remontée des exportations contribue à soutenir l’emploi. Mais il nous faut nous interroger sur notre déficit commercial : il atteignait déjà près de 49 voire 50 milliards d’euros en août, il devrait avoisiner, si mes chiffres sont bons, 70 milliards d’euros pour l’année 2011.

Des rapports et études, notamment de la Cour des comptes, dans son Rapport public qui date de février 2011, ont pointé certaines failles dans les dispositifs de soutien de nos entreprises à l’exportation, ainsi que dans la coordination des actions menées par les organismes qui en sont chargés. Pouvez-vous nous rappeler les mesures entreprises pour y remédier – vous nous en aviez déjà parlé au mois de mars – et, surtout, comment et quand vont-elles porter davantage leurs fruits ?

Notre collègue François Loos, rapporteur pour avis sur le Commerce extérieur, reviendra, après votre exposé introductif, sur les chiffres du budget, sur les dispositifs de soutien à l’exportation et sur l’état du commerce extérieur français. Je lui laisserai donc la parole aussitôt après votre exposé.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous dresser un bilan général de votre action, au-delà de votre budget, un peu moins d’un an maintenant après votre prise de fonctions, et nous indiquer en quoi le budget pour 2012 qui nous est présenté vous permettra de poursuivre l’effort de la manière la plus efficace possible ? Je vous cède tout de suite la parole.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. Merci monsieur le Président. Je vais faire court et, si vous voulez bien, je vais utiliser un langage de vérité, mais un langage très politique.

Les données globales du commerce mondial sont très simples : il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. En gros, le commerce mondial, c’est 15 200 milliards de dollars. 10 % de ce commerce, aujourd’hui, est le fait de la Chine, à elle seule, à 1 580 milliards ; la Chine qui, je le rappelle, ne représentait seulement 1 % des échanges il y a trente ans, qui était septième il y a dix ans. Dans cinq ans, c’est-à-dire à l’issue du prochain quinquennat, la Chine sera devenue la première puissance économique de la planète avant les États-Unis ; au maximum dans dix ans, mais probablement dans cinq ans ! Au coude à coude, suivent les États-Unis et l’Allemagne qui sont avec environ 1 280 milliards de dollars d’exportation, le Japon (770 milliards), les Pays-Bas (572 milliards) et la France qui occupe le sixième rang (521 milliards de dollars représentant 3,4 % de parts de marché).

Les zones excédentaires, sont en Asie et en Amérique latine, portées par la vague démographique ou la rente du sous-sol. La Chine enregistre 183 milliards de surplus commercial, le Moyen-Orient est globalement à + 444 milliards de surplus. Le monde occidental compte deux exceptions, deux pays qui gagnent : l’Allemagne, à plus de 200 milliards de dollars et le Japon qui, malgré le vieillissement de sa population, reste un pays net exportateur, à plus 77 milliards.

Les grands pays déficitaires sont, en gros, l’Occident, ce que j’appelle dans mon prochain livre « les anciens pays riches » : les États-Unis, l’Europe, l’Europe du sud surtout, la France, beaucoup, et beaucoup trop ! D’ailleurs, quand j’ai été nommé ministre en charge du commerce extérieur, j’ai tenu à donner les chiffres, que l’on ne donnait pas précédemment, parce que l’on considérait que ce n’était pas bien grave. Quand je suis arrivé, le déficit était à - 51 milliards d’euros. On m’a dit : « ne vous inquiétez pas, monsieur le ministre, - 51milliards, c’est la facture énergétique de la France. » Sauf que, de l’autre côté du Rhin, l’Allemagne a une facture énergétique plus forte (- 70 milliards) et parvient à réaliser un excédent de plus de 150 milliards, avec la même monnaie que nous, l’euro, avec quasiment les mêmes contraintes, avec les mêmes normes, avec les mêmes problèmes sis à vis de la Chine. Je dis cela au passage pour tous ceux que j’appelle « les charlatans de la démondialisation ». La faute ne revient pas à l’étranger, aux Indiens, aux Chinois ! La faute, ce n’est pas l’étranger. Il y a en Europe des pays qui gagnent et d’autres qui ne gagnent pas. Ceux qui ne gagnent pas sont les pays qui s’endettent. Le clivage constaté aujourd’hui dans la zone euro entre les pays qui sont en difficulté et ceux qui ne le sont pas, se retrouve dans le commerce extérieur. Il y a un lien absolument direct entre le déficit commercial et les déficits en général. La crise de l’euro est une crise de l’endettement, Mesdames et Messieurs les députés ; un endettement qui résulte des changements dans la compétition du commerce mondial. Ceux qui réussissent dans cette compétition ont aujourd’hui le plein emploi : l’Autriche est à 3,7 %, l’Allemagne à 6 % de taux de chômage. Et ceux qui n’arrivent pas à faire les réformes n’arrivent pas à réaliser ce plein emploi.

Pour ce qui me concerne, je suis en charge, dans ce gouvernement, de la « partie VRP ». Je m’occupe du bout de la chaîne, de l’accompagnement des entreprises à l’exportation. Mais je vous le dis, parce que nous sommes ici dans la Maison de la démocratie, le problème de la France n’est pas à chercher dans l’activité du VRP, qui peut toujours être améliorée, le problème c’est la compétitivité de son économie et c’est la production en France. Le commerce extérieur de la France, ou d’un autre pays, c’est le rapport entre ce que nous sommes capables de produire chez nous, et d’exporter, et ce que nous importons pour notre confort. Le delta aujourd’hui est de – 75 milliards d’euros, un chiffre que j’ai annoncé même si j’espère que nous serons légèrement en dessous au terme de cette année. Mais c’est un chiffre absolument considérable, un « record » franchement inquiétant. Surtout si on les met en rapport avec notre voisin allemand, qui sera à + 170 milliards d’euros. Vous avez là un delta de 10-15 points de PIB C’est considérable quand on veut, comme nous essayons de le faire, sauver notre zone économique, sauver notre zone monétaire. Donc, le problème du déficit commercial de la France, c’est un problème stratégique du « produire en France ».

Je ne vais pas entrer dans les détails, parce que je pense que vous aurez beaucoup de questions. Ce que je veux vous dire, c’est que la principale différence entre nous et les Allemands, ce n’est pas un problème de demande. La demande mondiale pour les produits européens, allemands ou français, ne fait qu’augmenter. La croissance de la demande chinoise est à + 10 %, l’Amérique latine, l’Afrique et le Moyen Orient exprime aussi des croissances de leur demande voisines de 6 %. Le problème, c’est l’offre : comment nous produisons et comment nous organisons notre offre. Or, en France, nous avons aujourd’hui quatre fois moins d’entreprises exportatrices que les Allemands : 94 000 en France, plus de 400 000 en Allemagne et près de 200 000 en Italie. Et les deux tiers de nos exportations sont réalisés par les 1 000 premières, c’est-à-dire par les grands groupes. Or, en ce qui concerne les fameux grands groupes – autre spécificité du capitalisme français –, nous avons le CAC 40 ! Les Allemands ont moins de multinationales que nous : nous sommes effectivement le pays européen qui compte le plus de multinationales. Sauf que les multinationales sont meilleures à l’investissement à l’étranger que pour la création de richesses et d’emplois chez nous. Les emplois sont créés par les PME. Le travail que nous devons faire consiste donc à recréer de la production au niveau de nos PME, en France. Deux millions d’emplois industriels ont été perdus en trente ans, essentiellement dans les grands groupes. Par conséquent, mon combat de chaque jour vise à recréer des filières à l’exportation à partir des régions et de les amener à l’autre bout du monde, là où il y a de la demande. Voilà le vrai sujet. Et je reviens, sans esprit polémique, sur ceux qui nous expliquent que c’est la faute des autres : je trouve cela consternant ! Franchement. Nous avons un problème de remise en ordre de notre appareil productif. Bien sûr qu’il y a des problèmes avec la Chine, sur les normes, sur l’accès aux marchés publics, sur les contrefaçons. Mais il y a aussi beaucoup de technologies transférées un peu vite, beaucoup de légèreté, beaucoup de comportements contre lesquels il faut lutter, tous ensemble et c’est pourquoi l’Assemblée nationale et le Sénat ont un rôle majeur à jouer. Mais, franchement, regardons d’abord nos problèmes. S’indigner et prétendre « démondialiser », ça ne suffit pas. Le sujet, c’est produire. Et donc d’aborder franchement les questions de coût du travail, de fiscalité, d’éducation, d’innovation : telles sont les clés de l’exportation.

Pendant très longtemps, pour les Français, le commerce extérieur signifiait d’abord les « grands contrats ». On voyait le Président de la République prendre l’avion, emmener avec lui des grands patrons du CAC 40 et à la fin, on signait des accords sur des ventes de TGV, d’Airbus, d’armement, de centrales nucléaires. Eh bien, Mesdames et Messieurs, on a changé de monde. Depuis vingt ans, les clients d’hier sont devenus les compétiteurs d’aujourd’hui. Quand vous voyez une filière coréenne, avec les mêmes réacteurs PWR exportés dans le temps depuis la France, nous battre à Abu Dhabi, cela veut dire que d’un côté il y a une équipe organisée pour l’exportation et de l’autre une équipe qui ne l’est pas, avec pourtant des technologies similaires. Quand vous constatez la compétition à laquelle nous nous confrontons avec la Chine sur les trains à grande vitesse, une technologie là aussi importée par les Chinois à partir de technologies dont les origines sont allemandes et japonaises et que vous savez que les Chinois travaillent sur seize marchés simultanément en amenant non seulement le train, mais aussi « le chèque », c’est-à-dire du financement, « la solution » du commerce extérieur français ne peut plus être que celle des « grands contrats », même si nous y travaillons d’arrache-pied dans ces domaines : j’étais par, exemple, il y a quinze jours à Tanger avec le Premier ministre pour lancer le premier TGV du monde arabe.

Le travail que nous avons à faire, c’est une reconstruction de notre outil industriel qui commence par les PME. L’idée selon laquelle on va résoudre les problèmes du commerce extérieur par de l’armement vingt ans après la fin de la Guerre froide, non ! J’ai signé au mois de juillet avec monsieur Medvedev les contrats conclus avec la Russie pour la vente de deux bateaux « Mistral », cela représente 1,2 milliard d’euros, alors que nous serons en déficit de 75 milliards : combien de « Mistral » faudrait-il vendre pour équilibrer nos échanges ? L’armement à lui tout seul ou encore les centrales nucléaires après Fukushima… il va bien falloir trouver des choses à vendre. Il faut donc recommencer un travail consacré aux filières, dans les régions, y compris en ce qui concerne l’agroalimentaire. C’est un domaine dans lequel nous sommes très bons. En témoigne le diplôme de l’Unesco reçu il y a un an pour la gastronomie française. Et bien, nous y perdons tout de même des parts de marché, puisque notre part de marché a baissé de 9 à 6 % en dix ans. Nous sommes même maintenant doublés par les Allemands et les Néerlandais dont on ne peut pas dire que la gastronomie soit le point fort ! Nous avons donc un travail systématique de remise en ordre de notre appareil productif, filière par filière, région par région.

Mon travail est de faire en sorte que notre force de vente soit aussi opérationnelle que possible. Et je n’ai pas attendu le rapport de la cour des comptes pour demander du « qualitatif » et plus seulement du « quantitatif » aux responsables d’Ubifrance, organisme qui fonctionne d’ailleurs plutôt bien. C’est une vraie révolution par rapport à ce qui existait auparavant et on peut en faire crédit à l’actuel gouvernement, ainsi qu’à François Loos, qui avait initié ce qu’est devenu Ubifrance qui est maintenant un outil moderne présent dans 56 pays, avec un contrat d’objectifs. Ce document lui assigne notamment pour mission que le tiers des entreprises qu’il aura emmenées à l’exportation devra avoir signé du « business », c'est-à-dire des contrats. Et Ubifrance sera comptable de ses résultats, il en ira de même pour nos postes d’expansion économique. C’est un réseau qui a besoin d’être modernisé. La mobilité se fait désormais en fonction du jugement des entreprises : on n’est plus seulement noté en interne, on écoute ce que les entreprises ont appris sur les postes. On travaille aussi à une autre modernisation, celle du réseau des conseillers du commerce extérieur et nous visons également à élargir le système les volontaires internationaux en entreprise (V.I.E.). Cela marche très bien. : nous avons ainsi 6 500 jeunes à l’exportation et nous nous fixons un objectif de 15 000 postes.

J’essaie aussi de faire en sorte que l’État travaille lui aussi en réseau, d’une part avec les grands groupes, d’autre part avec les régions. Un des problèmes que nous rencontrons, c’est l’accompagnement ou le portage des PME par les grands groupes. Encore une spécificité « gauloise ». Quand on a affaire à des Coréens en face de nous, ou à des Chinois, ou encore à des Japonais, leurs grands groupes arrivent avec leur écosystème, leurs sous-traitants. En France, ce n’est pas le cas. Nous considérons que le sous-traitant peut être trouvé sur la planète entière. Je dispose de lettres circulaires de grands groupes qui écrivent à leurs sous-traitants en anglais, en leur fixant les conditions pour rentrer dans tel programme, avec la nécessité de financer ceci ou cela. Je ne vais pas demander une préférence nationale sur les sous-traitants, ce qui est juridiquement interdit. Mais, au moins, j’estime que les grands groupes doivent consulter l’écosystème en France ! Seulement treize entreprises du CAC 40 ont signé la « Charte à l’exportation » («le  Pacte Export. ») entre les grands groupes et les PME. On n’est pas dans l’oukase, on est dans un rapport de forces et ma conviction est qu’il nous faut réhabiliter la notion de patriotisme économique. Mais cela ne peut pas se faire par la loi. Votre rôle à ce sujet est toutefois très important, je me permets de vous le dire.

Dernier point, parce que je ne veux pas vous lasser : le travail en région. La loi a donné aux régions une responsabilité première en matière de développement économique, y compris à l’exportation. La loi de 2010 a donné aux chambres régionales de commerce un rôle de leadership auprès des entreprises. J’ai donc besoin que ce que l’on appelle un peu pompeusement « l’Équipe de France de l’exportation », avec la mise en réseau de la COFACE d’Ubifrance et d’Oséo qui fonctionne de mieux en mieux à l’international, se retrouve dans chacune des régions, où nous avons besoin d’une « Maison de l’Export » : là, les PME ayant quelque chose à vendre peuvent trouver toutes les informations sur l’exportation, aussi bien sur l’Amérique latine, sur l’Allemagne, toutes les aides, sur les services d’Oséo ou encore d’Ubifrance, etc. Bref, du côté de l’État, nous faisons le maximum pour que la force de vente soit la plus efficace possible. Nous allons avoir une Charte nationale Export. et des objectifs région par région.

Mon directeur de cabinet vient de me donner d’autres chiffres qui donnent la mesure de notre problème, par rapport à nos voisins allemands. À l’intérieur de la zone euro (et non en Chine où tout est plus difficile), c'est-à-dire là où nous réalisons encore l’essentiel de nos exportations (ce qui donne tort à ceux qui disent que c’est la faute aux Chinois), nous sommes en recul : la France est passée de 18 à 12 % des exportations de la zone euro, tandis que l’Allemagne passait de 26 à 29 % en dix ans. Cherchez l’erreur !

Mesdames et Messieurs, et je m’adresse sur ce point plus spécialement aux représentants de l’opposition – ceci dit sans une ombre de polémique –, si vous voulez réellement comprendre pourquoi nous sommes à - 75 milliards d’euros de déficit, il y a d’autres explications que le livre de Monsieur Montebourg ou les appels à l’indignation ! Il faut regarder pourquoi notre économie est devenue moins compétitive et il y a à cela des raisons parfaitement objectives.

M. le président Serge Poignant. Merci, monsieur le ministre, d’avoir rappelé ces mécanismes que vous avez mis en place. Il va y avoir des questions sur ce que vous appelez la « boîte à outils » de l’exportation, avec la COFACE, Oséo et Ubifrance. Mais c’est assez récent, du mois de juin, et il faut lui laisser du temps.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. Tout ceci commence à produire petit à petit des résultats. On a connu cette année une augmentation, pour la première fois, du nombre de nos entreprises exportatrices, grâce à une meilleure organisation de l’accueil à destination des PME, et même une augmentation de 3 % des primo-exportateurs. Je suis donc convaincu que ce travail va payer sur la durée. Si les Allemands ont aujourd’hui des résultats qu’ils n’avaient pas auparavant, c’est grâce aux réformes de structure conduites par le Chancelier Schröder il y a dix ans. Il n’y a pas de mystère particulier aux résultats de la Finlande, des Pays-Bas, de l’Autriche ou de l’Allemagne. Ce sont des réformes de coût, de flexibilité, de fiscalité qui, à terme, sont payantes à l’export. Si vous alourdissez la barque en matière de fiscalité des entreprises, le seul résultat est d’amoindrir leurs capacités d’innovation et d’investissement, sans lesquelles vous ne vendez pas. Les clés de l’exportation sont l’innovation, la taille des entreprises et leur accompagnement. Sur ce dernier point, je prétends que nous commençons à devenir assez professionnels en France. Mais la force Export est une chose ; ce qui compte, c’est l’écosystème économique qui fait ou qui ne fait pas de la production nationale. Voilà le sujet, et ceci, encore une fois, sans polémique aucune.

M. le président Serge Poignant. Monsieur le rapporteur, François Loos, vous avez maintenant la parole sur le budget.

M. François Loos. Merci, monsieur le ministre, pour cette présentation politique de l’exportation. C’est vrai que la première chose à rappeler est la nécessité indispensable d’exporter. La garantie de qualité de notre industrie, c’est sa capacité à exporter. On dit parfois que si l’on sait exporter en Allemagne, ou au Japon, on sait tout faire. Pour gagner des emplois, il faut gagner des marchés. Et ce n’est pas en France, mais à l’international que cela se passe. Cette urgente nécessité de l’exportation, c’est la bataille de l’emploi qui se joue là. Il est important de le rappeler.

Bien qu’une hirondelle n’annonce pas le printemps, je voudrais tout de même rappeler que, cette année, les exportations sont en hausse. La crise avait vu baisser les exportations et augmenter les déficits. Cette année, à nouveau, il y a une hausse et nous sommes largement au-dessus des 400 milliards d’exportations. C’est un bon signe, quand même.

Je voudrais rendre hommage à ce que vous avez fait pour constituer la « boîte à outils », la force de vente, pour la mobilisation de « l’Équipe de France ». Celle-ci comprend à la fois les chambres de commerce et les conseils régionaux. C’est une addition de forces ayant chacune leur logique et leur méthode. Aussi est-il important qu’elles soient coordonnées suffisamment au plan local pour ne pas se contrarier les unes les autres. C’est important que « l’Équipe de France » joue bien comme une équipe et qu’elle tire au but régulièrement. Je voudrais rappeler aussi que le budget de cette année est en hausse. Même si tout ceci n’est qu’un aspect du problème et n’est pas forcément la clé de la compétitivité de notre économie, même si ce n’est pas suffisant pour créer des entreprises de taille moyenne innovantes, ce sont tout de même les instruments sur lesquels on peut agir pour obtenir quelques résultats dans ce domaine. C’est d’ailleurs intéressant de remarquer que des pays qui sont exportateurs ne sont pas forcément aussi bien outillés que nous, par exemple l’Allemagne. Mais, inversement, ils n’ont pas vraiment besoin d’une « boîte à outils » aussi bonne que la nôtre parce qu’ils ont le réflexe : les entreprises sont là pour faire ces exportations.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. Grâce surtout à leurs chambres de commerce.

M. François Loos. Mais ils n’ont pas les conseillers du commerce extérieur, ni ce que nous proposons désormais à travers Ubifrance.

Ces constats globalement positifs m’amènent à deux questions tout à fait pratiques sur le registre des actions que l’État mène en matière de commerce extérieur.

Premièrement, pour faire plus et mieux avec les PME, Oséo est un excellent outil. Ne faudrait-il pas par conséquent l’impliquer davantage dans le processus d’internationalisation ? Par exemple pour aider les entreprises à mettre au point les produits pour qu’ils soient exportables ; aider, au-delà de ce que la Coface fait, à accompagner financièrement à l’exportation les PME qui ne sont pas forcément organisées pour cela. Ne devrait-on pas confier à Oséo plus de missions pour aider les PME, son action en tant que couvreur de risques ayant bien fonctionné ?

Deuxièmement, au sujet des crédits d’Ubifrance. Celle-ci a considérablement augmenté son activité en général, et en particulier en ce qui concerne les salons à l’étranger, selon deux méthodes, direct ou par labellisation, les labellisations correspondant à une délégation donnée par Ubifrance à un organisme pour organiser des salons. Ne devrait-on pas aller plus loin dans ce domaine afin d’avoir plus de pavillons français sur les salons à l’étranger, étant donné que cela coûte moins cher de labelliser un salon que de le faire faire par Ubifrance ?

M. François Brottes. Monsieur le ministre, il vous est parfois difficile de vous réfréner. Vous aimez bien polémiquer. Mais permettez-moi de rappeler que, si je soutiens François Hollande, celui-ci n’a jamais, sauf erreur, évoqué une quelconque « démondialisation » !

J’ai une réelle estime pour vous monsieur le ministre car, lorsque les discussions ont eu lieu sur la privatisation de Gaz de France, vous vous y étiez opposé et, dans votre camp, vous étiez bien l’un des seuls ! Or, c’était une des chances de la France, sous l’impulsion du général de Gaulle et de certains de ses successeurs, que de bénéficier de grands groupes industriels publics, avec un actionnariat de l’État qui est malheureusement en constante diminution. Ces grands groupes conditionnaient l’activité de nombreuses petites et moyennes entreprises en aval. Or, à l’heure où il n’existe que des capitaux privés cherchant surtout à s’étendre au-delà de nos frontières, ces grands groupes ont perdu toute approche nationale, ce qui fragilise inévitablement le tissu de nos PME. En synthèse à vos propos, je note que vous nous avez bien dit que nous nous souffrons d’un défaut d’offre à l’exportation. Sincères, vos propos n’en sont pas moins dramatiques ! On a tourné le dos à ces grandes entreprises, ce qui est regrettable : si notre pays a toujours de véritables champions du monde dans certains secteurs comme l’automobile, l’aérospatial, les télécommunications et le numérique, ces champions « pompent » la recherche et le développement (R&D), ici même en France, puis ils vont ensuite développer leurs productions en-dehors de nos frontières. Il faut aussi savoir que, lorsque votre gouvernement supprime la taxe professionnelle, le lien entre l’entreprise et le territoire disparaît : de ce fait, il n’y a plus une seule commune pour souhaiter investir afin d’attirer un site classé « SEVESO », car il n’y a plus d’intérêt local !

Dans notre pays, on a longtemps pensé que le développement de la croissance émanerait du seul fait des services : certains prétendaient même que des miracles viendraient des services et beaucoup ont cru au « fabless ». Je suis heureux de constater que l’importance d’avoir une politique industrielle est de nouveau à l’honneur. Or, comment peut-on renouer avec ce tissu de production industrielle ? Parmi les faiblesses qui affectent nos entreprises, vous n’avez pas évoqué, monsieur le ministre, le prix de l’énergie qui représente pourtant une part importante des coûts de production. Je dispose de chiffres qui, contrairement à ce qui est souvent dit en France au travers de moyennes peu significatives, montrent que l’énergie coûte moins cher, en Allemagne ou en Suède, pour les industriels, ce qui n’est peut-être pas pour rien dans la perte de certaines de nos parts de marché. On doit prendre en considération cette variable très importante ! Il existe également le problème des entreprises électro-intensives dont on vient d’alourdir la taxation… En un mot, lorsque des discussions ont lieu au niveau interministériel sur les sujets de l’énergie, vous y associe-t-on ? Je n’insisterai pas sur le secteur du photovoltaïque et de l’argument des panneaux solaires chinois. En outre, on constate que les textes s’accumulent (Grenelle 1, Grenelle 2…), mais il faut veiller à ce que ce ne soit pas toujours les mêmes acteurs qui subissent de nouvelles contraintes.

Comme beaucoup d’élus, je vois régulièrement monsieur René Ricol, le commissaire général à l’investissement, qui mène une action absolument formidable. Je travaille sur différents dossiers et, actuellement, sur un projet d’usine qui fabrique de la laine de bois. Or, figurez-vous que celle-ci ne peut prétendre à aucune aide car ce projet ne fait pas appel à de l’innovation technologique ! Ne peut-on changer cette situation, dès lors qu’on ne trouve plus aujourd’hui en France, car ce n’est manifestement plus la mentalité, les 7 à 8 millions d’euros de capitaux propres nécessaires à des réalisations de cet ordre ?

On a déjà évoqué la notion de « juste échange » : quel regard et quelle action pouvez-vous mener pour que dans notre organisation on puisse imposer, à nos frontières, des voies plus respectueuses des règles sociales ou environnementales ?

Je constate donc qu’en France, du fait de la réticence des organismes financiers, on abandonne des projets d’entreprises faute de capitaux propres suffisants. Si l’on veut relancer l’industrie en France, il faut innover. Or, nous bénéficions d’atouts indéniables : de très bonnes écoles, des personnels compétents, un effet de levier public efficace etc. Pourtant, on a la fâcheuse impression que tout cela se délite.

Je conclurai mon propos en vous posant deux questions précises :

Pouvez-vous nous indiquer la part que représente l’Union européenne par rapport au reste du monde dans notre déficit commercial ?

Pouvez-vous nous préciser quelle est la part de l’énergie dans le déficit de notre commerce extérieur puisque, si j’en crois certains chiffres, notre taux de dépendance énergétique aurait été de 48,6 % en 2010, ce qui témoigne d’une dépendance croissante en la matière !

M. Daniel Fasquelle. Je salue votre action, monsieur le ministre, dans le secteur qui est le vôtre et qui nécessite, vous l’avez dit, une action convergente entre les différents acteurs que sont l’État, les organismes spécialisés , les régions… Je souhaiterais vous poser trois questions.

Tout d’abord, la France fait partie du Marché unique européen ; M. Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, travaille en vue de le renforcer. Que pensez-vous des cinquante actions qu’il a proposées à cet effet et comment pensez-vous qu’il soit possible de renforcer la position de la France dans ce cadre ?

Ensuite, je souhaiterais aborder le sujet de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) qui mérite qu’on s’y arrête. Comment pensez-vous qu’il soit possible de réorienter sa politique pour mettre fin au dumping fiscal ou social ? La France a-t-elle toujours été à même de défendre sa position dans ce cadre ? Je constate que depuis 1948-1949, on a toujours abaissé nos droits. On a aussi démantelé des accords dans de nombreux secteurs : élu du Pas-de-Calais, je connais bien la situation dramatique vécue par son industrie textile au terme de l’application de l’Accord  Multifibres. N’a-t-on pas fait preuve de naïveté ? Quand on sait que nos clients d’il y a vingt ans sont aujourd’hui devenus nos compétiteurs, je pense qu’il faut radicalement revoir nos comportements et notre façon d’appréhender la concurrence.

Enfin, j’ai eu l’occasion, il y a un peu plus d’un an, d’accompagner en Chine Hervé Novelli, alors qu’il était encore ministre ; nous y avons rencontré des chefs d’entreprises français qui s’étaient implantés sur le marché chinois, non pas pour délocaliser leur activité, mais, étant déjà présents sur le marché, pour y être plus compétitifs. Qu’en pensez-vous et comment travaillez-vous avec eux ?

M. André Chassaigne. Au préalable, monsieur le ministre, je souhaiterais dire que j’ai toujours apprécié votre volontarisme que je qualifierais « de bon aloi » et que, pour ma part, je n’ai jamais été un chantre de la « démondialisation »… Je souhaiterais donc intervenir sur plusieurs points, qui seront autant de questions.

Vous avez naturellement évoqué Ubifrance : il semblerait que cet établissement fournisse un soutien performant au développement international de nos entreprises, pour autant les résultats ne sont pas toujours probants. La France reste en crise du point de vue du commerce extérieur : quelles en sont les raisons ?

Nous avons été plusieurs à évoquer l’enchevêtrement des dispositifs entre l’État, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat, les collectivités territoriales, notamment les régions… C’est une bonne chose que de progresser dans la logique du « guichet unique » mais comment faire pour vaincre ce que j’appellerai certains potentats locaux qui demeurent attachés à leurs prérogatives ?

Aujourd’hui, la COFACE n’accompagne plus les PME ; on constate même que certaines PME ont abandonné des projets faute de financement ou de soutien de sa part. Que pouvez-vous faire à cet égard ?

On constate par ailleurs que le coût du travail est, à peu de choses près, le même en France qu’en Allemagne. Cela pose plusieurs questions incidentes. Certains problèmes actuellement rencontrés ne sont-ils pas la conséquence de la RGPP (révision générale des politiques publiques) qui a abouti à amoindrir l’efficacité des contrôles opérés aux frontières en ce qui concerne, par exemple, le bon respect du code des douanes en matière de contrefaçons et à rendre plus difficile de bien établir des constats, tout cela du fait des tensions sur les effectifs ? En France, les PME sont véritablement « desséchées » par la sous-traitance : le fait qu’elles dépendent, pour beaucoup d’entre elles, de grands donneurs d’ordres ne leur laisse pas l’opportunité de faire de la R & D pour leur compte, lorsque l’on ne leur demande pas de prendre tout en charge elles-mêmes dans le cadre d’un contrat de sous-traitance. Il s’agit là d’un véritable handicap. En considérant les pôles de compétitivité, on s’aperçoit qu’ils sont, certes, parvenus à réunir différents acteurs, à créer des synergies mais là il y avait déjà quelque chose. En fin de compte, ont-ils vraiment apporté du nouveau ? Par ailleurs, je ne peux pas ne pas dire un mot sur le fonctionnement du système capitaliste actuel. La France bénéficie encore d’organismes qui remplissent des missions essentielles comme Oséo et la Caisse des dépôts et consignations mais nous n’avons plus de pôle bancaire public alors que celui-ci est plus que jamais nécessaire, à une époque où les banques font plutôt preuve d’une véritable aversion à l’égard du risque.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le ministre, j’ai apprécié votre présentation axée sur le « produit français » davantage que sur le commerce extérieur.

Néanmoins, j’estime qu’il manque peut-être une analyse sectorielle à cet exposé. La France s’achemine vers un déficit commercial d’au moins 70 milliards d’euros, il serait intéressant de différencier les secteurs qui sont déficitaires de ceux qui sont excédentaires. Le ministre de l’agriculture monsieur Bruno Le Maire qui a présenté, ce matin même, le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », nous a indiqué, en commission élargie, que l’aéronautique et l’agroalimentaire étaient les deux seuls secteurs en situation réellement excédentaire. J’aimerais que vous nous présentiez, Monsieur le ministre, les points forts comme les faiblesses de l’appareil exportateur français. J’ai personnellement beaucoup travaillé sur l’un des facteurs de faiblesse, qui est le coût du travail. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’agriculture. Ma question est donc très simple. Y a-t-il des réflexions en cours sur l’« euro compatibilité » d’allègements des charges sociales dans certains secteurs très déficitaires, je pense au textile, par exemple ?

J’ai trouvé votre exposé très convaincant car il nous a rappelé que les chiffres du commerce extérieur sont le résultat du « produit France ». Pensez-vous que les consommateurs français sont effectivement mobilisés sur le « produire français » ? Cette thématique est-elle toujours de nature à mobiliser les Français, en tant que citoyens et en tant que salariés ? Quelle est votre stratégie en la matière ? Comment comptez-vous amener des organismes tels qu’UFC-Que Choisir à considérer, en plus des critères de prix et de qualité, des éléments comme le « produire en France » ?

M. Francis Saint-Léger. M. le ministre, en 2006, à la demande de Mme Christine Lagarde, alors en responsabilité ministérielle, j’ai produit le rapport « Évaluation du fonctionnement du plan export des éco-entreprises ». J’ai constaté avec un certain effarement le « maquis » des collectivités et organismes qui, sans aucune entente ou coordination, paticipent au soutien logistique et financier aux entreprises exportatrices. Je déplore que, chaque année, nous soyons contraints d’établir toujours ce même constat. Pensez-vous qu’il soit possible d’organiser un meilleur agencement du soutien à l’exportation ? N’y a-t-il pas d’ailleurs un trop grand nombre d’acteurs ?

Mme Frédérique Massat. Il est vrai que chaque année, nous sommes amenés à faire des observations similaires.

Selon une enquête réalisée en partenariat par Oséo et Ubifrance, 94 % des entreprises qui innovent exportent dans les trois ans. Or, le soutien à la politique de l’innovation est plus faible en France que dans d’autres pays. Comptez-vous, monsieur le ministre, faire des propositions visant à améliorer sensiblement ce soutien?

Je n’évoquerai pas ici le sujet des panneaux solaires chinois puisque notre collègue François Brottes en a déjà parlé, mais je m’associe à ses remarques.

Un plan d’action en faveur de l’exportation du secteur de l’agroalimentaire et aux arts de la table a été proposé en février 2011. Pouvez-vous nous détailler les premières retombées de ce plan ?

Lors de la commission élargie consacrée au budget de l’agriculture, M. Bruno Le Maire a évoqué le groupement d’exportation de viande bovine qui se mettra en place au cours du mois de novembre. Pourriez-vous nous préciser ce qu’il en sera de ce dispositif ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous nous décrire le calendrier de mise en place des Maisons régionales de l’export ainsi que les moyens qui leur seront alloués? Ces crédits sont-ils inscrits dans votre budget ?

Des Assises de l’exportation se sont tenues récemment. Elles ont donné lieu à plusieurs annonces telles que la mise en place d’un portail Internet « import/ export », une médaille de l’export, un soutien accru aux PME via un partenariat avec la COFACE et la nomination d’un commissaire général à l’internationalisation des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens et je m’en réjouis, mais sont-elles accompagnées des moyens financiers à la hauteur ?

M. Philippe Armand Martin. Je m’inquiète, M. le ministre, de l’ampleur du déficit commercial français. Je vous rejoins d’ailleurs sur le constat que le déficit ne peut pas être entièrement imputé à l’alourdissement de la facture énergétique. D’autres pays européens sont en situation d’excédent commercial alors même qu’ils subissent l’augmentation des prix de l’énergie de la même façon que la France.

Vous avez déclaré, Monsieur le ministre, vouloir « refaire de la production » en France. C’est une intention louable mais qui me paraît difficile à mettre en pratique, au moins dans certains secteurs, dans la mesure où le coût du travail y est beaucoup plus important que dans d’autres pays, y compris européens.

Vous avez peu parlé de l’agroalimentaire, et notamment des vins, qui jouent pourtant un rôle important à l’exportation. Les petites entreprises que je connais bien se heurtent à de nombreux obstacles quand elles cherchent à exporter. En effet, les droits d’accises sont très élevés dans des pays non producteurs de vins tels que la Suède ou la Finlande tandis qu’ils sont très faibles en France. Ne serait-il pas possible d’organiser une réflexion au niveau communautaire sur ce sujet ? Ensuite, les démarches administratives sont extrêmement lourdes et freinent les capacités de nombreuses PME à l’exportation, notamment vers la Chine.

Enfin, le tissu industriel français souffre indéniablement d’un manque d’entreprises de taille intermédiaire. Sur les 14 800 entreprises exportatrices françaises, les 1 000 premières assurent près de deux tiers du chiffre d’affaire total à l’exportation. Qu’est-il possible de faire dans ce domaine ?

M. William Dumas. Je vous remercie monsieur le président. Vous avez déclaré qu’il ne devait y avoir à l’exportation qu’une marque « France ». Dans ma région, le Languedoc-Roussillon, nous avons créé une marque « Sud de France ». Les Maisons régionales installées à New York et Shanghai évoquées précédemment fonctionnent très bien et favorisent la commercialisation des produits français puisque beaucoup d’entreprises ont gagné des parts de marché, notamment en Grande-Bretagne et en Chine, et en particulier dans le domaine du vin. L’agroalimentaire est un secteur important, qui est excédentaire de 5 milliards d’euros. En outre, il ne faut pas négliger, et j’imagine que mon collègue Daniel Fasquelle sera d’accord avec moi, que ces Maisons régionales ont un impact important sur le tourisme. Je m’en rends compte, chaque année, en tant que président de l’Établissement public de coopération culturelle (EPCC) du Pont du Gard. Par ailleurs, il s’agit de promouvoir notre savoir-faire, comme, par exemple, celui de l’entreprise BRL qui, dans le domaine de l’assainissement, remporte des succès à l’étranger, alors qu’elle n’est pas un grand groupe. Monsieur le ministre, au-delà des chartes de l’export, dont vous nous avez parlé, comment comptez-vous aider les régions à développer leurs exportations ? Quel va être le rôle d’Ubifrance dans votre politique ? Cette structure publique ne pourrait-elle pas être un guichet d’entrée unique pour les entreprises ?

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que le déficit commercial se montait à 70 milliards d’euros. Cette situation pourrait être encore plus critique si le secteur de l’agroalimentaire ne se trouvait pas dans une situation favorable – passant de 3 milliards d’excédent à près de 6 milliards en un an. L’aide à l’exportation des produits alimentaires dépendait jusqu’à présent de la SOPEXA, qui bénéficiait d’une délégation de service public du ministère de l’agriculture sur la période 2008-2012. Son action a été confortée par un récent audit. Pourtant l’action n°2 du programme 305 annonce le transfert progressif du réseau commercial de SOPEXA à Ubifrance. Quelle sera la répartition des compétences entre SOPEXA et Ubifrance ?

Vous avez effectué il y a peu un voyage en Libye, monsieur le ministre, avec 80 entreprises françaises. La France est déficitaire de 4 milliards d’euros dans son commerce avec la Libye. Afin de réduire le déficit commercial, vous avez annoncé une réduction du coût de l’assurance prospection proposée par la COFACE et la possibilité pour Ubifrance d’ouvrir de nouvelles agences dès janvier 2012, en Libye notamment. Pourriez-vous nous expliquer dans quelle mesure vos annonces ont une ambition et des perspectives européennes ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. J’estime que le déficit commercial extérieur n’est pas lié à la mauvaise qualité de nos produits mais au fait que nous n’ayons pas suffisamment de production en France. Le déficit est donc largement lié au faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire, nos entreprises sont souvent d’une taille insuffisante pour exporter.

Il ne faut pas négliger l’impact des contraintes environnementales sur la production en France. Il faut trouver une solution équilibrée, à même de satisfaire à la fois les entreprises et les associations environnementales. Dans des régions, il peut même arriver que des élus de l’Union pour un mouvement populaire soit parfois amené à soutenir le Parti socialiste, contre certains de ses alliés, afin de permettre l’émergence d’importants projets de développement.

Mme Pascale Got. On déplore souvent le faible nombre de PME françaises présentes à l’international, mais comment traitez-vous, Monsieur le ministre, le problème de la sécurisation des paiements à l’étranger, un problème vital pour ces entreprises ? En Gironde, de petites entreprises viticoles sont parfois amenées à freiner l’avancée de certains projets car la sécurité des paiements est insuffisante, car elles ont 15 000 voire 20 000 euros de paiements en souffrance.

Ensuite, je me demande pourquoi il n’est pas prévu un accompagnement rapide des « start-up » à l’international ? Ces entreprises, qui ont besoin, dès l’origine, de se développer hors de nos frontières, se heurtent bien trop souvent à des problèmes de financement.

Par ailleurs, beaucoup de PME rencontrent des problèmes linguistiques de même que le recrutement de jeunes diplômés avec une expérience à l’international. Comment traitez-vous ces problématiques dans le cadre de votre ministère ?

M. Jean-Michel Villaumé. Monsieur le ministre, vous avez souligné que malgré un contexte favorable de reprise mondiale des échanges, notre déficit va atteindre un niveau record. Dans cette perspective, une aide aux PME est-elle envisagée par votre ministère ?

Ensuite, s’agissant de la compétitivité, comment l’organisme Ubifrance peut-il tenter de remédier à la faiblesse générale des PME françaises en matière d’exportation? Vous avez évoqué les contrats d’objectif d’Ubifrance ainsi que les synergies que nous devons développer au niveau des Chambres de commerce. Quels sont les résultats de ces contrats d’objectif ? Quels moyens y sont alloués ?

Enfin, je pense qu’il est particulièrement important d’établir un vrai « guichet unique ». Est-ce que sa mise en place est déjà effective ?

M. Henri Jibrayel. Monsieur le ministre, mes préoccupations rejoignent celles de Mme. Marie-Lou Marcel. La situation actuelle de la Libye comporte bien évidemment une dimension humanitaire, mais il ne faut pas négliger l’enjeu économique. Quelles sont les perspectives françaises dans ce pays ? Il conviendrait de ne pas reproduire certaines erreurs passées ; je me souviens notamment que nous n’avions pas tiré de bénéfices de nos efforts vis-à-vis de l’Irak, par exemple.

M. Lionel Tardy. Le 14 septembre dernier, Ubifrance a signé un contrat d’objectifs et de performances avec l’État, dans lequel elle s’engage dans une logique de résultat. Un tiers des entreprises auxquelles elle propose ses services devront ainsi connaître un développement à l’exportation. C’est particulièrement rare et positif pour être salué.

L’« Équipe de France de l’exportation » repose sur une collaboration forte entre Ubifrance et les réseaux consulaires. À ce titre, l’article 1er de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires énonce le rôle de ces derniers en matière de représentation des intérêts de l’industrie et des services français à l’étranger. Malheureusement, les chambres consulaires ne semblent pas toutes s’investir dans cette mission qui leur est confiée, ce qui oblige Ubifrance à s’acquitter de tâches qui ne sont pas de son ressort.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. Je vous remercie pour ces nombreuses questions, et je prie ceux que j’ai pu choquer par des propos incisifs d’accepter mes excuses. Je crois néanmoins qu’il faut regarder les choses en face. S’il n’était pas convenable, c'est-à-dire en état, il y a de ça quelques années, notre appareil de vente devient acceptable. Désormais, il reste à faire un véritable effort pour structurer l’offre de produits et de services français pour l’exportation.

M. le rapporteur, la COFACE remplit de mieux en mieux les missions de service public qui lui sont confiées mais qui ne constituent qu’une partie de ses activités. Je rappelle qu’il s’agit d’une entreprise privée. Elle fait des bénéfices importants grâce à d’autres activités – essentiellement assurancielles, notamment en Asie. Pendant longtemps, son activité a été centrée sur les grands groupes, mais la COFACE accorde une attention croissante au PME. La prime acquittée par celles-ci a diminué de 25 % ; de plus sa mise en réseau avec Oséo permet de leur proposer des produits financiers adaptés.

Le manque de salons constitue une autre faiblesse de l’économie française. Vous avez indiqué, avec raison, que de tels salons sont particulièrement répandus en Allemagne. Les choses, là-bas, se font très naturellement : ce sont les chambres de commerce ou les grands groupes qui réunissent les acteurs, ce qui explique qu’ils n’aient pas besoin d’un ministre du commerce extérieur. Leur organisation à l’exportation est traditionnellement puissante, la nôtre est encore à inventer ! Face au manque d’implication des acteurs privés français, la puissance publique doit impulser ce mouvement. Ubifrance prend ainsi à sa charge l’organisation de nombreux salons.

Notre industrie agro-alimentaire est une perle. La croissance démographique de notre planète est constante, nous atteignons les sept milliards d’habitants. Comment peut-il se faire que la France perde 3 % de part de marché dans ce secteur ? L’explication est très simple : chacun est content dans son coin. L’industrie agro-alimentaire française tient encore d’une vision digne d’Ernest Lavisse. C’est l’histoire de France vue par les Gaulois !

Je ne peux évidemment me satisfaire de ces résultats. Il y a une telle demande mondiale de produits français que nous ne devrions pas atteindre six milliards d’euros d’excédent commercial dans ce secteur, mais le double. Élu des huitième et neuvième arrondissements de Paris, dans lesquels se trouvent les grands magasins, je suis bien placé pour savoir que les touristes chinois sont fous de produits français. Mais je me suis rendu dans des salons en Asie, et je n’ai guère trouvé de traces de ces derniers.

Les produits « haut de gamme », comme les grands vins de Bordeaux, n’ont aucune peine à trouver des débouchés. Ils sont même vendus, en Chine, avant d’être produits. En revanche, les petits producteurs sont incapables de vendre à l’étranger s’ils ne s’organisent pas. Pour tout vous dire, leurs produits, aussi excellents soient-ils, ne dépassent même pas la frontière de leur département… Dans le vin par exemple, l’entrée de gamme est dévastée car elle ne résiste pas à la concurrence de pays comme l’Espagne, l’Italie, l’Argentine, l’Afrique du Sud, et d’autres encore. Prenons exemple sur l’Italie, qui mène une véritable politique de filières. À New York, on trouve dans l’immeuble « Eataly » tous les produits de la gastronomie italienne avec des restaurants. Le jour où un tel immeuble verra le jour, à New York ou à Tokyo, pour promouvoir les produits français, je considérerai que j’aurai rempli ma mission. La France demeure engluée dans des querelles de boutique, entre la maison Sopexa et la maison Ubifrance, ou entre certaines régions. Au final, c’est le contribuable qui paie, mais nous sommes incapables de nous entendre pour structurer l’offre française à l’exportation.

M. Brottes, vous m’avez interpellé sur les prix de l’énergie pour les entreprises. Les voici : le prix moyen du gaz vendu en France est de 3,85 centimes d’euros par kilowattheure, contre 4,53 centimes d’euros par kilowattheure en Allemagne. Le prix de l’électricité est de 8,01 centimes d’euros par kilowattheure, contre 12,26 centimes d’euros par kilowattheure en Allemagne. Ces chiffres, datant de 2010, sont extraits d’une étude publiée en 2011.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. M. Dionis du Séjour, vous m’avez demandé le détail des chiffres du commerce extérieur par secteur. Les postes excédentaires sont les transports, et notamment l’aéronautique – nous sommes « Airbus A320 Neo dépendants » –, avec 14,5 milliards d’euros, les produits chimiques, les parfums et cosmétiques, avec 7 milliards d’euros, l’agro-alimentaire, avec 5,5 milliards d’euros, les produits pharmaceutiques, avec 3,9 milliards d’euros, ainsi que les produits agricoles, sylvicoles et piscicoles, avec 2,2 milliards d’euros. Tous les autres secteurs sont déficitaires ; certains sont même très déficitaires, comme l’énergie, avec un déficit de 37 milliards d’euros ou les produits manufacturés – moins 31 milliards d’euros. Au total, le déficit est de 51 milliards d’euros, dont 26 milliards vis-à-vis de la Chine.

M. François Brottes. Vous avez mentionné que les prix français étaient compétitifs par rapport à ceux pratiqués chez nos voisins européens, mais ils sont loin de rivaliser avec ceux du reste du monde. S’agissant du prix du gaz, il est de 50 euros par mégawatheure en Europe occidentale, il est compris entre 18 et 30 euros par mégawatheure aux États-Unis, entre 35 et 40 euros par mégawatheure en Chine, entre 10 et 15 euros par mégawatheure dans les pays du Golfe et il est voisin de 25 euros par mégawatheure au Canada et en Australie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. Voyez ça avec vos amis écologistes, qui refusent les gaz de schiste et le nucléaire, ce dont ne s’embarrassent pas les États-Unis.

S’agissant du coût du travail, toute une série de rapports, dont certains émanent des partenaires sociaux, ont relevé un différentiel de l’ordre de 10 % avec l’Allemagne.

L’action de la France est particulièrement volontariste en matière de promotion de règles du commerce international équitables. Sur ce sujet, nous sommes malheureusement bloqués par nos partenaires européens. D’une part, je rappelle que les négociations commerciales avec les pays extérieurs constituent une compétence communautaire. D’autre part, la France est le seul pays qui s’est fait l’avocate de la taxe carbone aux frontières de l’Union, de la prise en compte des règles de l’Organisation internationale du travail, ou encore d’un accès réciproque aux marchés publics. L’exemple de l’autoroute construite en Pologne par une entreprise chinoise, filiale de l’État chinois, sur des fonds européens me rend particulièrement amer. Aucune entreprise européenne ne peut rivaliser, car les prix proposés sont 50 % inférieurs. Le secteur ferroviaire est une autre illustration de concurrence déloyale : le Japon peut vendre des trains à grande vitesse au Royaume-Uni, mais ni Alstom ni Siemens n’ont accès au marché japonais…

M. Michel Barnier essaie de faire progresser ces idées dans sa fonction de commissaire européen, mais il n’est pas seul au sein de la commission de Bruxelles. En la matière, nous sommes pieds et poings liés aux autres États membres, qui sont encore favorables à la tradition libre-échangiste plutôt qu’à la tradition utilement interventionniste promue par le général de Gaulle. Le paradoxe, bien souligné par M. Brottes, c’est que nos concurrents comme la Chine, la Corée, la Russie, le Brésil, le Qatar ou les Émirats arabes unis, mènent, eux, une véritable politique gaulliste. Dans ces pays, ce sont de petites équipes disposant de gros moyens qui mettent en place des filières industrielles compétitives. Nous avons détricoté ce modèle, mais ce gouvernement travaille à le reconstruire, grâce au crédit impôt recherche, aux investissements d’avenir, à Oséo, etc.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. C’est la première fois que nous voyons renaître une politique industrielle en France et c’est bien qu’il y ait sur ce point un consensus dans le débat politique. Si nous pouvons tous faire campagne sur ce thème, je crois que nous ferons gagner notre pays.

Sur le traitement des PME, je suis encore plus sévère que vous. Je voudrais vous informer d’une chose que j’ai faite et dont je suis assez fier, parce que ce n’était pas évident. J’ai dit ceci aux patrons du CAC 40 : « Mesdames et messieurs les grands patrons, quand vous viendrez à Bercy chercher du financement d’accompagnement à l’exportation, vous serez toujours les bienvenus car nous sommes là pour les grands contrats et les grands investissements. Simplement, je vais vous demander : combien de PME amenez-vous avec vous et combien d’emplois allez-vous créer ? En effet, si vous n’amenez pas de PME et que cela ne profite pas à l’emploi, vous pouvez vous adresser au secteur bancaire privé». Cela, c’est une sorte de mini-révolution, croyez-moi, et ce n’est pas si simple à faire parce qu’il faut faire attention aux problèmes des aides d’État, aux problèmes de législations européenne et internationale notamment dans le cadre de l’OMC. De cette façon, nous essayons de réhabiliter l’idée de patriotisme économique, l’idée qu’il y a un lien entre le donneur d’ordres et les PME.

À l’autre extrémité, vous avez les entreprises qui ont carrément décidé de s’installer dans leurs marchés, en déménageant l’équipe dirigeante, y compris la direction des ressources humaines (DRH) ! Ce n’est pas franchement ma façon de concevoir la politique industrielle. Le déménagement de la technologie, le déménagement des chaînes d’assemblage comme des centres de recherche n’est pas dans l’intérêt national. Je le dis très clairement. À mon avis, ceux qui le font servent peut-être l’intérêt de leur entreprise, au plus près de leur marché, mais nous, nous avons en charge la politique industrielle et d’exportation de notre pays. Il est de mon devoir de le dire. Quand un grand groupe fait cela, je ne suis donc pas nécessairement d’accord.

Je pourrais continuer longtemps, mais, vu l’heure, il vaut mieux s’arrêter. Je vous remercie pour la qualité de ces échanges. Je sens, malgré les différences qu’on peut avoir sur des questions de fiscalité ou sur le coût du travail, selon nos sensibilités, qu’il émerge une prise de conscience de la gravité de la situation. C’est la seule chose qui m’importe.

M. le président Serge Poignant. Monsieur le ministre, merci. Merci aussi pour la qualité de cet échange et de vos réponses à des questions que nous nous posons tous. C’est toujours un moment très important que de se projeter dans l’avenir par rapport à la position française.

Mes chers collègues, si vous voulez bien rester quelques minutes, parce que nous devons donner un avis sur le budget. Je vais donc raccompagner monsieur le ministre que je remercie.

Puis la commission a examiné les crédits de la mission Économie : Commerce extérieur pour le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), sur le rapport de M. François Loos, rapporteur pour avis.

M. le président Serge Poignant. Avant que nous passions au vote, je donne la parole au rapporteur pour recueillir son avis sur les crédits du commerce extérieur (qui relèvent du programme 134 de la mission « Économie »).

M. François Loos. Je propose à la commission d’émettre un avis favorable. Vous avez pu constater que le ministre était en pleine harmonie avec les objectifs poursuivis et que les crédits à sa disposition lui paraissent largement suffisants pour rattraper les 75 milliards de déficit annoncés pour cette année ! La commission doit donc être favorable à ce budget qui permettra à ce ministère d’avoir les moyens d’investiguer dans toutes les directions, dans tous les pays, avec toutes les filières.

Plus sérieusement, le ministre a tout de même expliqué que le fond du problème était dans la base industrielle française, c'est-à-dire avant tout dans le tissu de nos PME. Ce n’est pas le budget du commerce extérieur qui est en cause. Ce budget, ce sont juste quelques instruments qui sont aujourd’hui tous alignés dans la bonne direction. C’est pourquoi je crois qu’il faut l’approuver et témoigner notre confiance envers la capacité du ministre à faire bouger les choses.

M. le président Serge Poignant. Merci monsieur le rapporteur, en particulier pour la deuxième partie de votre intervention, au-delà de l’humour par rapport à la situation actuelle.

M. François Brottes. Ce n’est pas pour vous étonner, nous voterons contre ce budget. Mais on doit reconnaître que l’avis du rapporteur et le point de vue du ministre montrent bien que le sujet du commerce extérieur n’est pas dans son budget. Au moins cette réunion aura-t-elle permis de faire cette démonstration.

Il y a beaucoup de manques dans la politique du Gouvernement en matière d’investissements d’avenir dans l’industrie, qui font qu’aujourd’hui, il y a un déficit d’offres qui rend impossible de redresser la barre d’un déficit du commerce extérieur qui s’aggrave de ministre en ministre.

M. le président Serge Poignant. Chers collègues, je vous propose, à la suite de l’avis favorable du rapporteur, d’émettre un avis favorable sur ce budget, au nom de la commission des affaires économiques.

Suivant l’avis de M. François Loos, rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du commerce extérieur pour 2012.

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