N° 3808 tome IV - Avis de M. Jean-Michel Boucheron sur le projet de loi de finances pour 2012 (n°3775)



N
° 3808

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME IV

DÉFENSE

par M. Jean-Michel BOUCHERON,

Député

Voir le numéro 3805 (annexes n° 10 et 11).

INTRODUCTION 5

I – DEPLOYER NOS FORCES POUR LES ADAPTER A LA MENACE 7

A – DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES INÉGALEMENT DOTÉES 7

1) L’importance du dispositif en Afghanistan ne se justifie pas 9

2) L’opération en Libye révèle des manques à combler 11

3) Les autres OPEX doivent évoluer plus vite 13

a) Des engagements qui s’enlisent en Europe et au Proche Orient 13

b) La lutte contre la piraterie au large de la Somalie 14

c) Une présence nécessaire en Afrique 16

B – UN DISPOSITIF PERMANENT EN TRANSFORMATION 16

1) Une rationalisation en Afrique sans possibilité de retrait 17

2) La base d’Abou Dabi, un choix stratégique 17

C – DES ALLIANCES STRATÉGIQUES À DÉVELOPPER 18

1) Tirer les conséquences des évolutions de l’OTAN 18

2) Rebâtir l’Europe de la défense par le bilatéral 20

II – PREPARER NOS ARMEES POUR LES CONFLITS DE DEMAIN 23

A – UN RENFORCEMENT BIENVENU DES CAPACITÉS DE RENSEIGNEMENT 23

1) Maintenir les efforts financiers déjà entrepris 23

2) Affermir la communauté française du renseignement 24

3) Garantir un bon niveau technologique dans un secteur crucial 25

B – DES EFFORTS CAPACITAIRES INDISPENSABLES 27

1) Aéromobilité : le début de livraisons attendues 27

2) Une dissuasion nucléaire moderne 28

3) Des moyens pour la lutte cybernétique 29

C – DES DÉFIS MAJEURS POUR LES TECHNOLOGIES FUTURES 30

1) Un contexte budgétaire partout difficile 30

2) Préserver la recherche 32

3) Eviter le piège de l’anti-missile 32

4) Restructurer l’industrie de défense européenne 34

III – LA DIFFICILE APPLICATION DE LA LPM 37

A – LA POURSUITE EN 2012 DES RÉFORMES DE STRUCTURE 38

1) La réorganisation des bases de défense 38

2) Le rééquilibrage des dépenses vers l’équipement 39

B – LE RETARD DES RESSOURCES EXTÉRIEURES ET SES CONSÉQUENCES 40

1) Les ressources exceptionnelles incertaines 41

2) Exportations militaires : une évolution heurtée 41

CONCLUSION 45

EXAMEN EN COMMISSION 47

Mesdames, Messieurs,

L’opération lancée conjointement par la France et la Grande-Bretagne en Libye, en mars de cette année et à la demande de l’ONU, est un tournant important pour l’analyse stratégique de notre effort de défense. En effet, elle est la première opération armée européenne d’envergure pour laquelle les Etats-Unis et l’OTAN se sont contentés d’apporter un soutien, certes décisif, mais n’ont pas assumé le rôle de leaders. Le contexte nouveau qu’elle crée dans la continuité du printemps arabe doit nous amener à réfléchir à la place de notre pays sur la carte militaire mondiale.

La reconfiguration de nos implantations permanentes de défense est en cours, conformément aux engagements pris par le livre blanc sur la sécurité et la défense nationale, repris dans la loi de programmation militaire pour 2009-2014. Mais les opérations extérieures dans lesquelles nos armées sont engagées, et dont les coûts sont croissants – et devraient l’être tout particulièrement cette année du fait de l’opération en Libye – restent trop souvent otages du passé. Notre implication dans le conflit afghan doit être repensée à l’heure où la disparition d’Oussama Ben Laden, tué au Pakistan, incite à revoir les objectifs de la présence militaire internationale en Afghanistan.

Par ailleurs, les frappes aériennes, très majoritairement franco-britanniques, contre la Libye et l’incapacité de l’Union européenne à assumer un rôle dans cette crise soulignent la nécessité de revoir notre approche de l’Europe de la défense. La signature des accords stratégiques entre la France et la Grande-Bretagne le 2 novembre 2010 à Londres est une première manifestation de cette nouvelle conception, qui passe par les initiatives bilatérales en cherchant par la suite à réunir le plus de partenaires européens possibles.

Enfin, le choix qui a été fait par les leaders français et britanniques de ne recourir aux moyens de l’OTAN que de manière limitée semble montrer que l’organisation du traité de l’Atlantique Nord devient progressivement une boîte à outils militaire, et plus une enceinte politique majeure. Les réformes, déjà en partie engagées, dans les structures de l’Alliance doivent prendre en compte cette dimension.

Sur un plan plus technique, cette opération a également permis de souligner quelques déficiences de notre outil de défense, en matière de collecte du renseignement notamment par les drones, ou de soutien aux frappes en profondeur par le ravitaillement des aéronefs. Ces points font l’objet depuis longtemps d’incertitudes, dont certaines ont été levées cette année.

Toutefois, l’avenir à plus long terme de notre outil de défense est suspendu à des éléments sur lesquels notre emprise n’est pas totale. Les sommes engagées au titre de la mission défense restent globalement conformes aux prévisions de la loi triennale de programmation des finances publiques, avec 40,2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 39,4 milliards d’euros en crédits de paiement.

Mais l’adéquation entre les dépenses effectivement réalisées et les perspectives de la loi de programmation militaire reste incertaine. En particulier, l’équilibre du budget exécuté pour 2011 et de la loi de finances pour 2012 reposent sur la mise à disposition des ressources exceptionnelles que le ministère de la défense devrait tirer de la cession de fréquences hertziennes et de la rationalisation de son parc immobilier. Or, ces apports de fonds ont tardé à se réaliser.

De la même manière, l’équilibre de plusieurs programmes majeurs continue d’être influencé par les perspectives d’exportations des matériels militaires français, qui ont été négativement impactées par la crise mondiale.

I – DEPLOYER NOS FORCES POUR LES ADAPTER A LA MENACE

La France compte environ 15 000 hommes déployés hors de ses frontières, dans le cadre d’opérations extérieures ou sur des bases permanentes. L’évolution globale de ce chiffre est faible, passant de 15150 à 15450 entre 2010 et 2011, l’opération en Libye n’étant pas incluse. Mais la répartition géographique de cet effort, que peu de pays assument dans le monde en-dehors de la France et des Etats-Unis, a considérablement varié, notamment sous le poids croissant de notre engagement en Afghanistan.

Un tel déséquilibre doit nous inciter à aborder directement la question de nos alliances. L’Europe de la défense ne passant plus par l’Union européenne, notre pays a intérêt à développer un partenariat fort avec le Royaume-Uni, seul pays européen dont l’effort de défense est comparable au nôtre, sans donner à l’OTAN un poids trop important dans notre prise de décision stratégique.

A – Des opérations extérieures inégalement dotées

L’examen de l’évolution du coût de nos opérations extérieures depuis dix ans révèle plusieurs points saillants. D’abord, une augmentation générale de ce poste : le surcoût global en 2001 était de 525 millions d’euros, contre 1,3 milliard d’euros en 2011 (estimation incluant l’intervention en Libye). Le nombre d’hommes déployés en OPEX, en moyenne annuelle, n’a pas connu une augmentation aussi significative, passant de 10 707 à 11 146 sur la même période.

Ensuite, le poids très important, et sans cesse croissant, de notre engagement en Afghanistan. Les trois opérations françaises Pamir (participation à la force internationale d’assistance à la sécurité de l’OTAN), Héraklès (soutien naval à l’opération américaine Enduring Freedom) et Epidote (formation des militaires afghans) concernaient, en 2011, 4315 personnels, et un surcoût anticipé pour 2011 de 522 millions d’euros, soit environ 40 % du nombre de personnels déployés et plus de 50 % du surcoût des OPEX avant l’intervention en Libye.

Nos opérations en Afghanistan représentent un surcoût journalier de 1,4 million d’euros, pour un surcoût journalier global des OPEX de 2,4 millions.

Enfin, la difficulté de se retirer rapidement d’un théâtre une fois nos objectifs atteints, particulièrement dans le cadre de missions multilatérales dites « civilo-militaires ».

Le graphique ci-dessus intègre l’ensemble des effectifs déployés en opération extérieure, y compris les effectifs de gendarmerie rattachés budgétairement au ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration (MIOMCTI).

Théâtre d'opération

Moyenne annuelle 2009

Moyenne annuelle 2010

Moyenne annuelle 2011

Part en 2011

Kosovo

1416

791

432

4 %

Bosnie

29

1

1

0,01 %

Tchad et République centrafricaine

2530

1236

1220

11 %

Côte d'Ivoire

1427

1133

1112

10 %

Libye (1)

-

-

1861

16,7 %

Océan indien (Atalanta)

270

495

284

2,5 %

Liban

1558

1460

1395

12,5 %

Afghanistan

3810

4361

4315

38,7 %

Haïti (séisme)

-

95

-

-

Autres

117

387

526

4,7 %

Total effectifs engagés

11157

9959

11146

-

(1) L’engagement de la France en Libye a commencé le 19 mars 2011. La moyenne annuelle des effectifs étant calculée sur une durée de 12 mois, elle est minorée pour cette opération à cause du début d’année pendant lequel aucun militaire n’était déployé.

Surcoût par an et par jour des OPEX en millions et milliers d’euros

1) L’importance du dispositif en Afghanistan ne se justifie pas

Décidée dans le cadre de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, en soutien aux Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre, la première intervention française en Afghanistan a entraîné le déploiement de 4217 hommes (fin 2001) participant alors à l’opération américaine Enduring Freedom. Le but de cette intervention était le renversement du régime des talibans, la destruction des bases d’entraînement et de repli des groupes terroristes internationaux, notamment Al Qaïda, que le régime tolérait sur son territoire, l’arrestation ou l’élimination du plus grand nombre possible de leaders terroristes dans la région.

Cette opération a été un succès majeur, et a permis un retrait rapide des forces d’intervention engagées initialement. Le régime des talibans a été balayé en moins de deux mois, la totalité des infrastructures utilisées par Al Qaïda détruite, et un grand nombre de responsables de groupes djihadistes arrêtés, à l’exception, toutefois, d’Oussama ben Laden et du mollah Omar. A la suite de ce succès, l’ONU a chargé l’OTAN d’offrir un soutien à l’Etat afghan pour aider celui-ci à prendre le contrôle de son territoire.

Alors même que l’engagement de la force internationale changeait de forme et devenait un simple soutien aux forces afghanes, le nombre d’hommes déployés en Afghanistan par la France a explosé à partir de 2005, comme le souligne le tableau ci-dessous.

Engagement français en Afghanistan (ministère de la défense, hors gendarmerie)

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Effectifs

200

1379

1392

1427

1377

2010

1950

2747

3810

4361

4315

à terre

200

550

700

700

1700

1800

1800

2300

3650

3750

3900

Surcoût (mill. €)

 

132

75

82

90

122

172

255

407

503

522

Cette augmentation considérable des moyens affectés à l’opération en Afghanistan pose des difficultés sérieuses. Sur le plan très pratique, elle oblige l’armée française à engager ses matériels les plus modernes – hélicoptères de combat Tigre, véhicules de l’avant blindés et véhicules blindés de combat d’infanterie, hélicoptères de transport Caracal – sur un théâtre très exigeant. Les taux d’usure des matériels déployés en Afghanistan sont très importants.

Surtout, la justification politique et militaire de l’opération n’apparaît plus clairement. Depuis 2001, Al Qaïda a subi des coups très durs, mais rarement par l’intermédiaire de la force de l’OTAN en Afghanistan. Depuis 2008, on estime à 16 le nombre de responsables d’Al Qaïda tués au Pakistan par les frappes ciblés américaines (dont Oussama Ben Laden le 2 mai 2011), alors que la force de l’OTAN n’a pas annoncé de telles réussites.

Encore plus significatif, ce sont les frappes américaines au Pakistan qui ont porté les coups les plus durs au réseau de Jalaluddin Haqqani, principal allié d’Al Qaïda en Afghanistan, et à d’autres groupes liés. Deux membres de la famille d’Haqqani, dont son propre fils, ont été tués au Pakistan en 2010. Par ailleurs, les chefs de mouvements djihadistes non pachtounes, notamment ouzbèks, ont également été éliminés au Pakistan.

Ainsi, paradoxalement, les effectifs français en Afghanistan en 2011 rejoignent ceux atteints en 2001 alors que la menace sur notre sécurité que représente Al Qaïda a quitté le sol afghan et n’est efficacement combattue qu’au Pakistan.

Prenant acte de ce constat, la France a décidé, à la suite des Etats-Unis, d’entamer dès 2011 un retrait progressif d’Afghanistan, devant aboutir en 2014. Dans un premier temps, à l’instar des 30 000 soldats américains envoyés en renfort en 2010 et dont le président Obama a annoncé le retrait cet été, la France pourrait rapatrier les 500 militaires supplémentaires envoyés en 2010. Mais le calendrier de retrait total, s’il devait rester conforme aux échéances fixées par l’OTAN et les Etats-Unis, est encore long et incertain.

En effet, l’OTAN s’est engagée à assurer un transfert progressif de la responsabilité sécuritaire aux forces afghanes, une fois atteints les objectifs de recrutement (195 000 soldats et 157 000 policiers au total doivent former les forces afghanes de sécurité). A l’heure actuelle, la cible quantitative est proche d’être atteinte, avec 168 000 soldats et 126 000 policiers (une partie de leur formation étant assurée par des gendarmes français, dont la présence est incluse dans les chiffres mentionnés précédemment). L’efficacité de ces forces et leur loyauté restent cependant extrêmement aléatoires.

Le relais pris par les autorités afghanes est en effet très inégal suivant les régions. La zone de commandement de Kaboul est globalement bien sécurisée par l’armée nationale afghane, le nombre d’attentats devant être relativisé par l’activité insurgée très intense aux abords de la capitale. En revanche, d’autres régions, au Sud (Hérat, Helmand) et au Nord-est (Laghman) restent peu voire pas contrôlées par l’armée afghane. En l’état actuel de son mandat, la force internationale d’assistance à la sécurité continue dès lors d’assurer des missions qui devraient normalement revenir aux autorités afghanes dans ces régions.

Une concentration des moyens en Afghanistan sur la coopération, y compris militaire et dans le domaine de la sécurité, implique de la part de la coalition un nouveau consensus sur l’objectif politique visé dans ce pays. En l’état actuel du dispositif, notre présence dans le pays nous conduit à un enlisement très préjudiciable en ce qu’il accapare une part massive de nos marges de manœuvre militaires, dont les événements récents ont montré qu’ils pouvaient être sollicités rapidement dans d’autres régions de la planète.

2) L’opération en Libye révèle des manques à combler

Mise en oeuvre conformément à la résolution n°1973 (1) du Conseil de sécurité, adoptée le 17 mars 2011, l’intervention militaire en Libye a démontré l’autonomie politique des Européens, mais leur dépendance technologique. En effet, cette opération a été décidée à la demande de la France et de la Grande-Bretagne, qui ont joué un rôle moteur dans sa conduite.

L’intervention vise trois objectifs (tels que fixés par les chefs d’Etat membres de la coalition) :

– Toutes les attaques et menaces d’attaques à l’encontre des civils et des zones civiles devront avoir cessé ;

– Le régime devra avoir fait rentrer dans leurs bases toutes les forces militaires, tireurs isolés, mercenaires et autres forces paramilitaires après les avoir retirées aussi, de façon vérifiable, de toutes les zones civiles dans lesquelles elles sont entrées par la force, qu’elles ont occupées ou assiégées, sur tout le territoire libyen ;

– Le régime devra permettre à tous les Libyens qui ont besoin d’une aide humanitaire d’y accéder immédiatement, en toute sécurité, sans restriction et sans entrave.

Avec la disparition de Mouammar Kadhafi, cette opération a été déclarée terminée par les responsables politiques français et britanniques. Le surcoût estimé de cette opération au 1er octobre 2011 est compris entre 300 et 350 millions d’euros.

Le mandat fixé par l’ONU pour cette opération n’impliquant pas de présence au sol, l’opération en Libye a principalement mobilisé des moyens aériens et aéronavals. Avec plus de 70 aéronefs engagés dans le cadre de l’opération nationale Harmattan, la France est le principal contributeur. Le Charles de Gaulle a ainsi été déployé, la majorité des moyens aériens français ayant été utilisés à partir, dans un premier temps, de la base française de Saint-Dizier, puis depuis la base de Solenzara. La Grande-Bretagne, pour sa part, a utilisé 22 avions de combat et des hélicoptères.

La participation des autres nations, utile, a varié avec le temps. Les Etats-Unis ont ainsi retiré les 40 aéronefs de combat qu’ils avaient affectés à cette mission. D’autres engagements nationaux n’ont pas donné lieu à l’utilisation des moyens mis à disposition. Il est toutefois remarquable que les moyens de pays membres de la Ligue arabe, les Emirats arabes unis et le Qatar, aient été mis au service de la coalition.

L’engagement français en Libye est un succès, ayant réussi à faire évoluer la situation favorablement pour les populations civiles de Benghazi, menacées d’être attaquées par les forces fidèles au régime en place.

Toutefois, les opérations menées en Libye doivent attirer l’attention sur plusieurs insuffisances de nos armées. D’abord, en matière d’acquisition du renseignement, l’absence de drones de moyenne altitude – longue endurance (MALE) suffisamment équipés a rendu nécessaire le recours aux moyens américains.

De la même manière, la grande sollicitation des moyens aériens et la difficulté d’organiser de manière optimale l’implantation des aéronefs de combat à proximité de la Libye ont également plongé la France et le Royaume-Uni dans une dépendance vis-à-vis des moyens américains dans le domaine des ravitailleurs.

Enfin, les moyens de lutte contre les systèmes de défense antiaérienne ont été principalement déployés par les Etats-Unis, en l’absence de dotation européenne équivalente aux missiles de l’armée américaine.

L’opération en Libye a montré le souhait américain de réduire son implication dans les régions les moins immédiatement en lien avec leurs intérêts stratégiques immédiats. Si la France et le Royaume-Uni ont prouvé leur capacité de susciter une action diplomatique puis militaire internationale, les modalités d’intervention de leurs armées ont également montré des déficiences qu’il convient de pallier.

Par ailleurs, l’opération en Libye a rappelé la menace stratégique importante que représente l’organisation Al Qaïda au Maghreb islamique, auteur de plusieurs prises d’otages contre des ressortissants français, dont deux ont coûté la vie à des compatriotes. La désorganisation des forces libyennes provoquée par l’opération franco-britannique a suscité de sérieuses inquiétudes, notamment sur la possibilité pour les membres du groupe d’accéder à des armements sophistiqués de type sol-air, portables.

Ces informations ne sont pas vérifiées mais pourraient modifier le contexte stratégique de la lutte contre AQMI. Celle-ci implique, de toutes façons, un déploiement de moyens de renseignement, humain et matériel, mais également la présence à proximité de la zone sahélienne concernée (frontières maliennes, mauritaniennes et nigériennes) d’unités opérationnelles françaises, qui sont aujourd’hui présentes dans le cadre d’OPEX ou sur des bases de défense.

3) Les autres OPEX doivent évoluer plus vite

La France comptait, au 30 septembre 2011, 10 230 hommes déployés en OPEX, en excluant les forces de gendarmerie (11 136 en les incluant). L’Afghanistan représente pratiquement la moitié de ce total, sans qu’il soit avéré que la présence de nos troupes sur le territoire soit adéquate aux missions que nous pouvons encore y remplir. Toutefois, l’autre moitié de nos OPEX révèle également des situations bloquées qui pourraient être rééxaminées, alors que d’autres théâtres révèlent des menaces plus directes sur nos intérêts vitaux.

a) Des engagements qui s’enlisent en Europe et au Proche Orient

Plusieurs contingents conséquents sont actuellement déployés sur des théâtres pourtant anciens, et dans le cadre de missions de maintien de la paix où les matériels mis à disposition ont pu apparaître disproportionnés.

Si la présence militaire française en Bosnie-Herzégovine est désormais réduite à la portion congrue, avec un seul officier présent dans le cadre de la mission de police européenne, l’opération de l’OTAN KFOR au Kosovo, sous mandat de l’ONU, comprend encore 315 militaires français, pour des missions de police. Bien qu’en diminution sensible, le surcoût attendu pour 2011 reste de 40 millions d’euros.

Théoriquement, la KFOR devrait passer, fin 2012, à une nouvelle étape de son désengagement, réduisant son effectif de 5675 hommes actuellement à 2500 hommes. La France devrait alors retirer la majorité de ses unités opérationnelles et ne laisser qu’une dizaine d’officiers au sein du commandement de la force. Toutefois, les événements intervenus au cours de l’été, avec notamment le blocage des frontières du Nord Kosovo, pourrait amener l’OTAN à retarder encore la mise en œuvre de son retrait.

La présence française au Proche-Orient est principalement centrée au Sud Liban. 1395 militaires français participent en 2011 à trois missions internationales, la grande majorité d’entre eux étant intégrés à la FINUL, force intérimaire des Nations unies pour le Liban. Le surcoût total de notre présence militaire au Liban est évalué à 77 millions d’euros.

Alors que la participation française a été revue dans ses objectifs, se recentrant autour de la force de réserve au service du commandement de la FINUL, les effectifs n’ont que peu varié, passant de 1 500 à 1 300 hommes. En revanche, les matériels mis à disposition des troupes ont été adaptés, les chars lourds Leclerc ayant été remplacés par des VBCI. Les pièces d’artillerie AUF-1 ont été quant à elles remplacées par le système d’armes plus moderne et plus mobile Caesar.

Au total, la présence militaire française en Europe et au Proche-Orient représenterait environ 1 600 hommes en 2011, pour un surcoût proche de 120 millions d’euros. D’autres théâtres proches constituent sans doute une menace plus directe pour nos intérêts vitaux.

b) La lutte contre la piraterie au large de la Somalie

Les attaques contre des navires dans le golfe d’Aden par des pirates trouvant refuge sur les côtes somaliennes ont fortement augmenté ces dernières années. L’opération européenne Atalante a permis de stabiliser le niveau d’insécurité depuis 2010. L’effort de la France dans le cadre d’Atalante représentait en 2011 284 militaires déployés pour un surcoût d’environ 30 millions d’euros.

Carte des zones à risque :

Si l’augmentation du nombre d’attaques annuelles semble interrompue, le niveau d’insécurité reste élevé dans la région, avec environ 200 attaques de navire par an, soit plus d’une tous les deux jours, et 400 otages.

L’opération contre la piraterie imposerait sans doute d’étendre le mandat des forces pour s’assurer que la capture des pirates donne lieu à leur incarcération sur le territoire somalien. Des efforts importants ont déjà été menés par les pays de la région, notamment le Kenya, pour aider à accélérer les procédures menées contre les pirates et garantir que ces derniers ne puissent reprendre leur activité trop rapidement.

Toutefois, l’impéritie du régime somalien nuit à l’efficacité de notre action. Un plan européen pour la Somalie devrait être mis en œuvre mais les retards pris dans certains domaines font douter de son efficacité à court terme. La décision récente du gouvernement kenyan d’intervenir militairement en Somalie, en octobre 2011, souligne la difficulté croissante pour les Etats de la région d’assurer la sécurité sur les côtes, et donc au large, d’une des régions clés pour le commerce international à destination et en provenance de l’Europe.

c) Une présence nécessaire en Afrique

Continent naturellement privilégié pour notre sécurité et notre approvisionnement stratégique, l’Afrique reste au cœur du dispositif militaire français extérieur. Notre présence se manifeste notamment sous la forme de deux opérations extérieures de grande dimension, en Côte d’Ivoire et au Tchad. D’autres interventions de plus petite taille perdurent notamment en République centrafricaine.

Après avoir assuré l’entrée en fonction du président élu Ouattara en Côte d’Ivoire, la force française Licorne devrait connaître une nouvelle réduction. Dotée, en 2011, de 1112 hommes pour un surcoût estimé de 65 millions d’euros, l’opération devrait passer à 930 puis 650 hommes dans la perspective des élections législatives. A terme, toutefois, il convient d’imaginer une nouvelle configuration pour assurer une coopération militaire avec la Côte d’Ivoire. Des négociations devraient être entamées pour aboutir à la conclusion d’un accord de partenariat de défense sur le modèle de ceux déjà ratifiés avec le Gabon, le Cameroun, le Togo et la République centrafricaine.

Ainsi, en Centrafrique, la force de maintien de la paix de l’ONU FOMAC/MICOPAX, à laquelle l’opération française Boali contribue, devrait terminer son mandat en 2013. A compter de cette date, la présence militaire française se justifiera par les engagements de formation et de soutien à la coopération africaine de sécurité pris lors de la signature de l’accord de coopération militaire entre la France et la RCA le 8 avril 2008 à Bangui.

De la même manière, l’opération Epervier, qui concerne 974 militaires français déployés au Tchad pour un surcoût de 91 millions d’euros, doit évoluer pour garantir notre présence dans une région essentielle à notre sécurité, à proximité de la zone sahélienne notamment. Cependant, aucun agenda n’a été fixé pour l’heure concernant l’évolution de ce dispositif, dans l’attente de l’ouverture de négociations avec N’Djamena pour un nouvel accord de défense. Une réduction de nos forces présentes sur place pourrait en résulter.

B – Un dispositif permanent en transformation

L’originalité de l’outil militaire français est l’existence de plusieurs bases de défense situées hors de notre territoire. Seuls les Etats-Unis disposent ainsi d’implantations militaires permanentes hors de leurs frontières, le Royaume-Uni ne pouvant compter que sur quelques centres de commandement ou bases aériennes de relais.

Notre réseau de bases de défense à l’étranger va être profondément réorganisé, avec la transformation de notre base sénégalaise en centre de formation et de coopération, et la montée en puissance de notre implantation aux Emirats arabes unis. Globalement, le nombre d’hommes présents sur ces bases évoluera en légère baisse entre 2010 et 2011, de 5 157 à 4 294, les coûts globaux du dispositif, de 413 millions d’euros en 2010, devant être stable ou en légère hausse.

1) Une rationalisation en Afrique sans possibilité de retrait

Comme pour les OPEX, la présence militaire française en Afrique joue un rôle majeur. Nos troupes présentes au Gabon et au Sénégal ont permis d’assurer une intervention rapide lors des événements ayant suivi l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, et notre base à Djibouti joue un rôle majeur pour le soutien de notre effort, et de l’opération européenne, contre la piraterie.

Progressivement, la présence permanente des armées françaises en Afrique sera organisée autour de deux bases, à Djibouti et au Gabon. Les implantations de Libreville seront renforcées en partie, par le transfert de certaines unités détachées antérieurement à Dakar.

Ainsi, la base de Dakar devrait passer de 988 hommes à 432 personnels entre 2010 et 2011, principalement sous l’effet du départ d’unités de l’armée de terre. Dans le même temps, les bases françaises au Gabon (camp « capitaine N’Tchorere » à Port Gentil, camp de Gaulle et emprise « Guy Pidoux » à l’aéroport de Libreville) passeront d’un total de 876 personnels militaires à 988 sur la même période.

La concentration des forces françaises au Gabon est en ligne avec la demande sénégalaise de se voir rétrocéder l’emprise française à Dakar, les autorités gabonaises ayant, pour leur part, confirmé leur souhait de reconnaître à la France le droit d’utiliser ses bases traditionnelles. Des travaux d’aménagement pour renforcer les structures existantes en vue d’assurer le rôle de base unique de la façade atlantique du continent seront engagés en 2011.

Au Sénégal, la France devrait à l’avenir déployer un maximum de 300 militaires (objectif fixé à 2014), afin de remplir des missions de formation et de coopération avec les armées sénégalaises.

La base la plus importante de la France dans le monde reste celle de Djibouti, dotée de 2 162 militaires en 2011, pour un coût global de 230,3 millions d’euros annuels (comprenant la contribution forfaitaire de 30 millions d’euros versée au gouvernement djiboutien). La dotation de cette base évolue à la baisse depuis quelques années dans la mesure où une partie des personnels et matériels qui y sont déployés ont été affectés à la nouvelle implantation militaire permanente des Emirats arabes unis. L’objectif est de maintenir 1900 hommes

2) La base d’Abou Dabi, un choix stratégique

En accord avec les autorités émiriennes avec lesquelles des accords de défense ont été signés, la base des Emirats arabes unis, située à un carrefour stratégique mondial, monte progressivement en puissance.

Les principales évolutions de l’année 2011 sont :

– l’organisation en base de défense dès janvier et le retrait du bâtiment de commandement et de ravitaillement ;

– l’interarmisation, à l’été, de l’état-major qui était jusque-là à très forte dominante navale mais qui conservera la capacité d’être en partie embarqué sur un bâtiment de la marine pour conduire une opération interarmées ou à dominante navale ;

– le déploiement de 3 Rafale et l’arrivée de la 13e demi-brigade de légion étrangère en provenance de la base de Djibouti.

Les forces françaises aux Emirats arabes unis sont réparties sur trois emprises : le « camp de la paix » à Abou Dhabi qui regroupe l’état-major, les éléments de soutien et la base navale ; la base aérienne BA 104 qui est installée sur la base aérienne émirienne d’Al Dhafra ; une partie du camp Cheik Zayed.

L’évolution progressive de la base se transcrit tant dans le nombre de personnels affectés (417 en 2010, 717 en 2011) que dans le coût budgétaire (de 34,5 à 54 millions d’euros).

C – Des alliances stratégiques à développer

L’équilibre de nos opérations extérieures et de nos implantations à l’étranger le souligne : l’autonomie stratégique de notre pays dépend étroitement du contexte juridique de son engagement. Alors que l’opération Harmattan en Libye a pu évoluer de manière flexible, notre présence en Afghanistan, et notre calendrier de retrait, reste dominée par les choix stratégiques de l’allié le plus investi sur le théâtre, les Etats-Unis.

Nos choix d’alliances doivent refléter ce souci d’autonomie. Tant à l’OTAN qu’en Europe, l’évolution de nos partenaires doit nous inciter à privilégier les options qui garantissent notre indépendance et nos intérêts, quitte à poursuivre des démarches plus bilatérales que multilatérales.

1) Tirer les conséquences des évolutions de l’OTAN

L’opération en Libye a montré que la France et la Grande-Bretagne pouvait politiquement assumer seuls la conception d’une intervention militaire de grande envergure sous mandat onusien. Si les capacités de l’OTAN ont été mises à contribution, c’est uniquement par souci logistique : les ressources technologiques de l’Alliance étaient utiles pour la mise en réseau de nombreuses unités aériennes d’origine différente, ayant recours à des matériels tout aussi variés.

La France assume, depuis 2009, une montée en puissance de sa présence au sein des structures de commandement de l’OTAN. Notre réintégration devrait être achevée en 2012. Cet investissement représentera, à terme, un surcoût annuel de 78 millions d’euros, et le détachement de 925 personnes. En 2011, 915 personnels civils et militaires français étaient déjà présents au sein des structures de commandement de l’OTAN, pour un surcoût proche du régime normal, à 72 millions d’euros environ en 2011.

Les objectifs français ont été revus à la baisse dans la mesure où l’OTAN a entamé une réforme importante de son organisation interne et notamment de ses commandements. Approuvée le 8 juin 2011, la nouvelle structure de commandement est d’un format plus limité. Le nombre d’états-majors passe ainsi de 20 à 13, deux Etats européens sur 12 perdant leur site (Danemark et Grèce). Le nombre de personnels affectés aux structures de commandement doit également fortement diminuer, de 11 700 à 6 800 personnes.

Cette évolution est conforme aux exigences françaises et britanniques et doit être poursuivie. Ainsi, les quatorze agences de l’OTAN, qui interviennent dans des domaines trop variés, doivent être rationalisées autour de trois pôles, avec une économie de fonctionnement attendue de 20 %. De la même manière, les 400 comités et sous-comités, déjà réduits de moitié dans le cadre de la réforme des commandements, doivent être encore rationalisés, certains comités se réunissant en autant de formats que d’anciens comités.

L’amincissement de l’OTAN permet de faire évoluer l’Alliance vers une logique de support technique offert aux Etats qui la composent, à défaut d’une organisation politique disposant d’objectifs propres. La France peut continuer à y défendre ses intérêts sans surestimer pour autant le rôle de l’organisation dans la relation transatlantique.

Ainsi, l’attribution du commandement allié pour la transformation, second commandement militaire suprême de l’OTAN, à un général français, permet à nos armées d’influer sur les choix d’avenir de l’Alliance. Mais il est surtout vital que la structure dirigée par le général Abrial reste en contact avec les équivalents américains.

Traditionnellement, le commandement allié pour la transformation (ACT) se trouvait sur la base de Norfolk en Virginie, à proximité de l’homologue américain, le JFCOM. Celui-ci ayant été démantelé le 9 août 2010, la question se posait du maintien du lien entre JFCOM et l’ACT. La permanence d’un Joint coalition warfighting (centre pour le combat en coalition) sur le site de Norfolk réduit le risque d’une perte totale de lien entre l’ACT et l’armée américaine.

Le transfert de certaines unités du JFCOM au Pentagone doit s’accompagner du développement de liens directs entre l’ACT et le Pentagone, ce que le commandement français de l’ACT semble avoir décidé d’entreprendre.

Au-delà des déclarations de principe, l’OTAN semble avoir entamé une profonde évolution dans la conception de son rôle et de ses missions vis-à-vis de ses membres. La réintégration complète de la France dans l’OTAN ne saurait être une occasion pour notre pays de surinvestir dans une organisation dont la fonction politique semble de moins en moins claire. En revanche, notre nouvelle place dans l’OTAN permet d’assurer une partie de la relation transatlantique dans le domaine militaire, d’autant plus importante que les développements de l’Europe de la défense restent balbutiants.

2) Rebâtir l’Europe de la défense par le bilatéral

Le paysage qu’offre l’Europe de la défense n’incite pas à l’optimisme. Les négociations pour définir le format de la coopération structurée permanente prévue par le traité de Lisbonne ont été interrompues, faut d’accord sur la définition des critères à remplir pour y être éligible. L’agence européenne de défense, si elle a réglé une partie de ses difficultés budgétaires, n’assume pas de rôle pilote dans un programme d’envergure et se contente d’apporter une expertise supplémentaire pour la définition de programmes de recherche ensuite affectés à des agences multilatérales propres, notamment l’OCCAr mais aussi, parfois, les agences de l’OTAN.

Un programme d’initiative franco-allemande destiné à développer un hélicoptère lourd avait été confié à l’agence, mais les solutions proposées sont trop coûteuses et le programme ne devrait pas être lancé pour cette raison.

Alors que l’Europe ne parvient pas à faire fonctionner ses institutions pour construire un outil de défense commun aux Européens, nos relations bilatérales en Europe, et particulièrement avec le Royaume-Uni, sont extrêmement prometteuses.

Les deux accords signés avec la Grande-Bretagne le 2 novembre 2010 permettent en effet à nos deux pays de lancer des programmes bilatéraux très nombreux dans les domaines les plus stratégiques. L’accord portant sur la mise en commun de capacités d’expérimentation pour la simulation des essais nucléaires, s’il permet d’économiser environ 400 millions d’euros par rapport à la mise au point de deux programmes nationaux parallèles, respecte l’entière autonomie des deux partenaires (2).

Mais les développements du partenariat franco-britannique vont bien au-delà de la question pourtant essentielle de la dissuasion nucléaire. De très nombreux partenariats ont été lancés qui répondent directement aux besoins opérationnels les plus urgents de nos deux pays, qui ont pu être affinés davantage par le retour d’expérience de l’opération libyenne.

Depuis le sommet de Londres du 2 novembre 2010, les progrès les plus notables concernant la création d’une force d’intervention conjointe sont : le développement d’un concept d’emploi y compris pour les opérations d’évacuation de ressortissants ; l’établissement d’un calendrier à cinq ans d’exercices conjoints ; des travaux d’harmonisation des doctrines accompagnant cette coopération opérationnelle.

Par ailleurs, une planification commune doit être achevée fin 2012 pour permettre le déploiement d’un groupe aéronaval franco-britannique en 2020. L’interopérabilité entre la composante future de l’aviation britannique, le Joint strike fighter F35, et le porte-avions français Charles de Gaulle, doit être en partie traitée dans le cadre des études conduites par l’OTAN. Les Britanniques ayant choisi de relancer la construction de porte-aéronefs, capacité qu’ils avaient progressivement abandonné, des études devraient être menées pour assurer la portabilité des matériels français par des navires britanniques. A terme, la possibilité d’assurer une permanence à la mer commune sera étudiée.

En matière de drones de surveillance, la France et le Royaume-Uni ont lancé les phases d’évaluation d’un modèle de drone moyenne altitude – longue endurance lourd, sur la base du modèle Mantis développé par British Aerospace. Le programme d’études représente pour la France un budget de 25 millions d’euros.

Concernant les drones de combat, un projet de démonstrateur technologique et opérationnel commun est attendu sur la période 2013-2020. Le budget prévu par la France est de 720 millions d’euros. Les industriels BAe et Dassault ont été invités à prendre part aux discussions pour analyser le niveau de coopération envisageable et les leviers sur la rationalisation.

S’agissant des missiles, une structure de gouvernance réunissant des représentants du ministère de la défense britannique, de la délégation générale à l’armement et de l’industrie a été constituée afin de mettre en place la vision stratégique du secteur des missiles agréée lors du sommet de 2010, basée sur un maître d’œuvre unique MBDA et une chaîne de fournisseurs optimisée, avec 30 % de gains espérés de la rationalisation. En parallèle de ce plan d’action, des projets-tests ont été lancés en 2010, notamment :

– Future Air to Surface Guided Weapon/Anti-Navire Léger (FASGW/ANL) : le projet entrera dans sa phase de développement / fabrication au début de l’année prochaine. Le budget maximum provisionné par la France pour la période 2012-2020 s’élève à 434 millions d’euros ;

– Storm Shadow Capability Enhancement Programme (SSCEP)/SCALP EG : un besoin militaire commun pour la rénovation du Storm Shadow et du SCALP-EG a été élaboré par les équipes de projet respectives. Le budget provisionné par la France pour la période 2012-2020 est de 200 millions d’euros couvrant le développement et le début de la production.

D’autres domaines donnent lieu à des coopérations plus ciblées, en matière de lutte contre la guerre des mines navales (programme géré par l’OCCAr, budget français de 900 millions d’euros pour la période 2012-2020), une analyse commune des besoins en matière de sous-marins nucléaires, le remplacement des capacités actuelles de communication par satellite (budget français estimé : 540 millions d’euros entre 2012 et 2020), de soutien des flottes aériennes de transport (dans le cadre de l’entrée en service de l’A400M et en respectant l’engagement franco-allemand de partage d’une partie des responsabilités dans ce domaine).

En revanche, une première proposition de partage des capacités en matière d’avions ravitailleurs n’a pas permis de dégager de consensus, dans l’attente de l’entrée en service du ravitailleur MRTT d’EADS du côté français.

Le dynamisme de la coopération franco-britannique doit conduire à élargir cette démarche à nos autres partenaires en Europe. Dores et déjà, une revue des coopérations a été engagée avec l’Italie depuis 2010, pays avec lequel notre coopération en matière notamment de surveillance par satellite et de navires de combat a déjà donné des résultats positifs.

Les autres partenaires européens n’offrent pas, pour le moment, de perspectives réelles de coopération. Certains, notamment l’Espagne ou la Grèce, ne disposent pas des ressources financières suffisantes pour engager des programmes structurants. D’autres, au premier rang desquels l’Allemagne, ont fait un choix politique de réduire drastiquement leur effort de défense, rendant difficile l’élaboration de partenariats technologiques ou opérationnels dans ce domaine.

II – PREPARER NOS ARMEES POUR LES CONFLITS DE DEMAIN

De même que le déploiement de nos forces et nos choix d’alliance doivent refléter les évolutions contemporaines, notre outil de défense doit être en permanence adapté à la menace réelle. Des choix importants ont été faits depuis quelques années, notamment l’accent mis sur le renseignement, qui donnent de premiers résultats. Certains manques capacitaires portant sur d’autres domaines pourraient enfin être comblés, avec des retards importants.

Toutefois, des incertitudes demeurent dans des domaines pourtant essentiels pour l’avenir technologique de nos armées. Celles-ci doivent être levées, ce qui implique, dans un contexte budgétaire qui ne saurait être préservé, d’empêcher que nos moyens, déjà sous pression, ne soient utilisés dans des programmes qui ne concernent pas directement nos intérêts stratégiques.

A – Un renforcement bienvenu des capacités de renseignement

Entrepris par la loi de programmation militaire pour 2009 – 2014, un effort considérable d’organisation et de renforcement des moyens de renseignement de nos armées est en cours. Dans le cadre de la nouvelle fonction « connaissance et anticipation » de la défense, des recrutements importants ont été réalisés, et les moyens essentiels à notre autonomie de décision ont été préservés. Il convient de préserver cet investissement.

1) Maintenir les efforts financiers déjà entrepris

Le budget global de la fonction « connaissance et anticipation » est en baisse entre 2011 et 2012, passant de 2 à 1,8 milliards d’euros en crédits de paiement et de 4,5 à 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement. L’essentiel de la baisse est dû à la conduite du programme de communication par satellites SYRACUSE III, en coopération avec l’Italie, dont l’essentiel des commandes a été passé avant 2011, et à la modification du calendrier du programme d’imagerie par satellite MUSIS. En 2011, 1,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement ont ainsi été attribués à ces deux programmes.

Plafonds d’effectifs autorisés
pour les services de renseignement

 

2009

2010

2011

2012

DGSE

4491,5

4619,5

4759

4897

DPSD

1295,5

1260

1224

1190

DRM

1677

1633

1614

1592

Total

7464

7512,5

7597

7679

Sur le plan des moyens humains, le nombre de personnels affectés aux services de renseignement depuis 2009 connaît une augmentation régulière.

L’essentiel des augmentations d’effectifs concernent la DGSE, qui gagne près de 400 personnels entre 2009 et 2012. Parallèlement, les deux autres directions du renseignement, la direction du renseignement militaire et la direction de la protection et de la sécurité de la défense, connaissent une baisse de leurs effectifs, respectivement d’une centaine et d’une trentaine postes entre 2009 et 2014. Cette baisse ne concerne toutefois pas majoritairement les missions directement liées à la collecte du renseignement, mais plutôt des fonctions de soutien.

L’importance des services rendus par la DPSD est indéniable. De même, la multiplicité des missions réalisées par la DRM oblige à préserver le niveau de son plafond d’emplois autorisés. A titre de comparaison, son homologue britannique, à périmètre égal, emploie 4000 personnes environ. Il faut donc saluer la décision d’ouvrir environ 80 postes supplémentaires entre 2012 et 2013 pour la DRM, augmentation qui devra être validée par la prochaine loi de finances.

Ce déséquilibre se traduit également par une légère baisse des crédits de fonctionnement de la DRM, une quasi-stabilité de ceux de la DPSD, contrastant avec des hausses conséquentes pour la DGSE.

Le renforcement de la DGSE n’est pas issu de transferts de personnels de la DRM, de la DPSP, ou d’autres services. Les créations de postes restent donc excédentaires par rapport aux suppressions décidées dans les autres services. Il convient cependant de ne pas aller trop loin dans la soumission des services de renseignement, cœur de l’action contre la menace la plus directe sur notre sécurité qu’est le terrorisme, à un effort budgétaire global.

2) Affermir la communauté française du renseignement

L’expansion des moyens de renseignement de notre outil de défense s’est accompagnée d’une réforme importante des structures, avec la création du conseil national du renseignement, présidé par le coordinateur national du renseignement et élaborant le plan national du renseignement, ensemble d’instruments placés auprès du Président de la République et permettant de recentrer nos capacités sous l’égide du chef de l’Etat.

Cette nouvelle organisation n’a pas pour conséquence une centralisation des moyens, chaque service restant autonome, mais permet une meilleure coopération au sommet, les équipes opérationnelles étant déjà accoutumées à travailler ensemble. L’évolution ainsi lancée permet, à terme, de développer une véritable communauté française du renseignement, qui regrouperait les services impliqués dans le renseignement. Emblématique, la création d’une académie du renseignement vise à accélérer ce processus.

Rattachée au premier ministre dans le cadre du décret n °2010-800 du 13 juillet 2010, l’académie du renseignement permet de rassembler l’ensemble des services au sein d’une même structure de formation. Son ambition n’est pas d’assurer la même formation pour tous, chaque service disposant de ses propres programmes. Les premières sessions ont permis de s’assurer que les nouveaux personnels des services aient accès à des informations identiques concernant l’insertion du renseignement dans l’ensemble des politiques publiques, afin de développer une culture commune.

Les activités de l’académie du renseignement devraient progressivement être développées dans au moins deux directions. D’abord, la mise au point de formations communes plus ciblées, destinées aux meilleurs potentiels des services de renseignement, afin de diffuser une culture commune aux principaux responsables des différentes directions. Ensuite, diffuser et sensibiliser les acteurs privés aux problématiques du renseignement.

Des progrès juridiques ont également été accomplis en matière de mobilité des personnels entre les différents services, notamment s’agissant des personnels de la DGSE.

3) Garantir un bon niveau technologique dans un secteur crucial

Les technologies clés en matière de collecte du renseignement, d’intérêt militaire ou plus largement concernant nos intérêts stratégiques, sont en nombre relativement restreints : observation spatiale, écoute, observation embarquée et drones. Toutefois, l’excellence de nos moyens dans l’ensemble de ces domaines est une exigence fondamentale, impliquant un effort constant pour se maintenir au plus haut niveau.

Dans le domaine du renseignement image, la France dispose, avec les satellites de la classe Hélios encore en orbite (Hélios 1A, Hélios 2A et 2B), de capacités autonomes. Toutefois, en raison de l’âge de ces satellites, une rupture capacitaire entre 2016 et 2017 est possible. La France avait alors choisi de lancer un programme en coopération européenne, baptisé MUSIS, permettant de rassembler, outre notre pays, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Belgique et l’Espagne. Grâce à l’action de l’agence européenne de défense, à laquelle les Etats partenaires ont dévolu un rôle de coordination avec la Commission européenne et d’identification de nouveaux partenaires, la Suède a rejoint le programme.

Toutefois, malgré la signature d’une lettre d’intention commune, les partenaires n’ont pas souhaité s’engager par la signature d’un accord de coopération. Dans ce contexte, la France a choisi de lancer dès 2010 la réalisation de la composante spatiale optique du programme MUSIS. D’un montant de 1,3 milliards d’euros, le programme de fabrication et de mise en orbite de deux satellites de haute définition, et la réalisation des centres de traitement des données adéquats, devrait permettre un premier lancement fin 2016.

Un manque capacitaire entre la fin de vie des satellites Hélios et le lancement du premier satellite de la contribution française à MUSIS est possible. Le lancement de deux satellites Pléiades, prévu en 2012 et 2013 pour une durée de vie théorique de 7 ans, permet de combler en partie ce risque.

En-dehors de l’imagerie spatiale, et en l’absence de réalisation du programme MUSIS qui devrait permettre une mutualisation de tous les moyens d’observation satellite, la France continue de recourir aux moyens italiens (COSMO-SkyMed) et allemands (SAR-Lupe) pour répondre, respectivement, aux besoins d’images radar duales et d’images radar militaires.

En matière d’écoute, les moyens français sont actuellement constitués par deux satellites expérimentaux, Essaim (bandes basses) et Elisa (bandes hautes). Les premiers ont cessé de fonctionner depuis fin 2010, tandis que le lancement du satellite Elisa n’est pas prévu avant l’année prochaine. A terme, le programme français d’écoute électromagnétique par satellite, baptisé CERES, devrait être constitué de trois ou quatre satellites.

Le lancement des satellites CERES était prévu pour 2016, mais a été repoussé cette année entre 2018 et 2020. D’un montant estimé de 350 millions d’euros à l’achat, et 11 millions d’euros de maintien en condition opérationnelle, ce programme est potentiellement ouvert à la coopération avec les partenaires du programme MUSIS ainsi que la Suisse. Toutefois, aucun de ces partenaires n’a confirmé son intention d’y participer.

Enfin, la collecte du renseignement technique passe par la maîtrise des capacités embarquées mais surtout de drones de surveillance, domaine dans lequel le retard technologique français est frappant. Les forces françaises sont dotées, en nombre limité, de deux types d’appareils (système intérimaire de drone MALE – SIDM et système de drone tactique intérimaire – SDTI) dont la fin de vie (dans le cas du SIDM) est attendue en 2013, les systèmes définitifs issus de ces deux modèles étant attendus pour 2020, dans le cadre du partenariat franco-britannique.

Dans l’intervalle, l’entreprise Dassault Aviation a été sollicitée pour proposer une solution intérimaire 2014-2020, qui devrait être basée sur le modèle de drone Heron TP développé par la société Israel Aerospace Industries. Cette solution, d’un coût global estimé à 370 millions d’euros, a été préférée à l’achat de drones américain de la gamme Predator, dont le service opérationnel est apparu non-conforme aux attentes françaises. D’autres solutions industrielles ont été proposées, comme la location d’appareils existants, mais n’ont pas été retenues en raison notamment de leur inadéquation aux théâtres sur lesquels la France est engagée.

De manière générale, les solutions techniques retenues devront prendre en compte deux obligations opérationnelles. D’abord, la double capacité imagerie et renseignement d’origine électromagnétique des drones. En effet, les zones d’intérêts stratégiques français, particulièrement le Sahel, sont de dimensions si vastes que seule la capacité « spectre large » offerte par l’électromagnétique permet d’identifier les régions potentiellement utiles à traiter par le biais de l’imagerie. En deuxième lieu, notamment dans cette zone éloignée des centres de traitement situés sur le sol national, il convient de s’assurer que les drones soient dotés des capacités de transmission adéquates pour de telles volumes de données, et des relais satellites indispensables pour assurer le suivi en temps réel de la collecte de renseignements.

B – Des efforts capacitaires indispensables

Au-delà des besoins technologiques en matière de renseignement, plusieurs programmes d’équipement poursuivent leur modernisation dans le cadre du budget 2012. Deux points méritent d’être particulièrement soulignés, qui concernent soit des manques identifiés en passe d’être comblés, en matière de transport aérien de théâtre ou stratégique, soit des investissements essentiels concernant notre capacité de dissuasion.

1) Aéromobilité : le début de livraisons attendues

Les armées françaises accusent un manque grave en matière de transport aérien, par avion comme par hélicoptères. Les programmes, engagés en coopération, d’avion de transport militaire, d’hélicoptères de transport terrestre et maritime et de ravitailleurs accusent des retards considérables. De nouveaux calendriers ont été fixés, qui doivent être tenus, les solutions intermédiaires n’étant pas durables.

En matière de transport stratégique et tactique, l’avenant signé le 7 avril 2011 au programme A400M doit permettre de confirmer la première livraison aux armées françaises en 2013, puis de 8 avions en 2014, et 35 jusqu’en 2020. La livraison du cinquantième et dernier avion est prévue en 2024.

180 avions ont été commandés par 7 pays, l’Allemagne et le Royaume-Uni ayant posé des options pour 7 (sur 60 commandes) et 3 (sur 25) appareils. Les autres pays impliqués sont l’Espagne (27), la Turquie (10), la Belgique (7) et le Luxembourg (1). Au titre du nouvel accord, une augmentation du prix de 11 millions d’euros par appareil a été acceptée par les Etats membres, qui ont pris à leur charge, en outre, un versement de 1,5 milliard d’euros pour financer les investissements d’EADS dans le programme, une contrepartie étant prévue sous forme de rémunération perçue sur les ventes à l’export. La France assume 400 millions d’euros au titre de cette participation.

Dans l’attente de la mise en service de l’A400M dans les armées, les mesures palliatives adoptées en 2010 sont confirmées : acquisition de huit Casa CN 235, dont les livraisons sont prévues en 2012 et 2013, maintien des C160 Transall en service jusqu’en 2018 contre un retrait prévu initialement en 2015.

Dans le domaine des avions ravitailleurs, l’entrée en service des Airbus MRTT a été repoussée. La première livraison est désormais prévue en 2017 pour une entrée en service en 2018. Le décalage repose la question de l’acquisition des deux A340 TLRA actuellement loués par les armées, et dont la location a été pour le moment prolongée jusqu’en 2015. Le maintien en condition opérationnelle des C-135 FR et KC-135 actuellement en service n’est pas garanti au-delà de 2020, malgré les résultats rassurants des études sur leur tenue structurale.

Enfin, concernant l’aéromobilité de théâtre, la livraison des hélicoptères de transport terrestre NH90 TTH va être en partie décalée. La première livraison a eu lieu conformément au calendrier arrêté en 2007, lui-même repoussant de dix mois les délais initiaux. Les livraisons prévues en 2012 seront de 4 appareils au lieu des six prévus. Le rattrapage sera effectué en 2014 et 2015, avec la livraison de 9 hélicoptères au lieu de huit. Le rythme de livraison annuel de huit appareils devrait ensuite être tenu jusqu’à la dernière commande conditionnelle de 2020, une commande conditionnelle intermédiaire pour 2015 devant être confirmée l’an prochain.

Les hélicoptères de transport et d’attaque maritimes NH90 NFH ont, pour la part, été reçus pour exercice par les forces en 2010, alors que les premières livraisons étaient initialement prévues pour 2005. Le nouveau calendrier de livraison s’étale de 2010 à 2021, alors qu’il était prévu de s’achever en 2018 selon un premier avenant au contrat signé en 2001 (le calendrier d’origine prévoyait la fin du programme en 2011…). Trois exemplaires ont été livrés en 2011 et 4 sont attendus en 2012.

Dans l’attente de l’entrée en service définitive de ces deux hélicoptères, plusieurs solutions ont été retenues : achat de cinq Caracal (EC 725) pour un coût de 227 millions d’euros, rénovation de 26 Cougar pour un budget prévu de 268 millions d’euros, mise au normes civiles de 43 Puma pour un montant de 26 millions d’euros, soit près de 600 millions d’euros au total.

2) Une dissuasion nucléaire moderne

La modernisation de l’outil français de dissuasion suit le calendrier prévu. La composante maritime recevra les nouvelles têtes nucléaires océaniques à partir de 2015, pour un coût global de 3 milliards d’euros. Dans le même temps, le missile M51 sera progressivement implanté dans les trois sous-marins nucléaires lanceurs d’engins en voie de rénovation, celle-ci impliquant un budget de 2 milliards d’euros. Le développement de la nouvelle version du M51 (M51.2) sera lancé en 2011. Le quatrième SNLE français est déjà adapté au M51. Le dernier SNLE français devrait emporter le M51 à partir de 2018.

La composante aérienne est déjà dotée de la nouvelle tête aérienne TNA depuis 2009 (un milliard d’euros) et des nouveaux vecteurs ASMPA qui ont achevé de remplacer les ASMP en mai 2011. En l’absence d’une deuxième escadrille de Rafale au standard nucléaire, les Mirage 2000N ont été modernisés de façon à pouvoir emporter l’ASMPA. Le remplacement définitif des Mirage 2000 par les Rafale devrait intervenir en 2018.

Si les éléments opérationnels de notre dissuasion sont en cours de modernisation, notre outil de simulation nucléaire connaît un ralentissement. L’outil franco-britannique EPURE (expérience de physique utilisant la radiographie éclair) doit permettre d’étudier la réaction des matériaux dans des conditions similaires à celles de l’explosion d’une arme nucléaire. Pour un budget global d’environ un milliard d’euros (dont 707 millions d’euros partagés par la France et le Royaume-Uni), il mettra en œuvre, à partir de 2022, une installation unique regroupant trois appareils d’étude sur un même site, à Valduc.

Les capacités de calcul du commissariat à l’énergie atomique progressent également conformément au rythme attendu, avec des investissements compris autour de 60 millions d’euros.

En revanche, le calendrier de mise en fonctionnement du laser mégajoule a été étalé, le début des expérimentations étant désormais attendu en 2014. Avec un coût global estimé à 3 milliards d’euros, le laser mégajoule est le principal élément de l’outil national de simulation nucléaire.

3) Des moyens pour la lutte cybernétique

L’attaque dont ont été victimes les serveurs du ministère de l’économie et des finances en mars 2011 a rappelé la fragilité des Etats modernes face à la menace cybernétique. Celle-ci possède un potentiel destructeur très important, si les infrastructures essentielles d’un pays sont touchées.

La défense passive, qui consiste à exclure les serveurs vitaux des principales infrastructures de tout réseau extérieur, et à entretenir des protocoles relativement anciens et frustres, donc plus robustes, a été et reste employée dans de nombreux pays.

Toutefois, la montée en puissance de groupes criminels et des attaques cybernétiques souveraines impose de renouveler les efforts dans deux directions : la protection des données essentielles et le développement d’outils puissants de contre-offensive. La menace cybernétique a en effet ceci de particulier qu’il n’est pas possible d’en déterminer l’origine exacte sans moyens sophistiqués à sa disposition.

L’augmentation des moyens de l’agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information, en charge notamment d’une mission de conseil auprès des autres institutions et des acteurs privés, répond en partie à la logique défensive. En 2012, l’agence sera ainsi dotée de 40 personnels supplémentaires, après une augmentation de même niveau en 2010 et 2011. L’objectif reste ainsi d’atteindre un effectif total de 357 équivalents temps plein à l’horizon 2013.

Cet effort est également transcrit dans les investissements, à hauteur de 14,7 millions d’euros pour les études et 10,6 millions d’euros pour des matériels spécifiques de sécurité informatique, le tout exprimé en autorisations d’engagements.

La mise au point d’outils de cyberdéfense active, baptisés moyens de lutte informatique offensive dans la LPM, relève d’un effort commun aux différents services du ministère de la défense et de l’agence. Ces programmes font l’objet d’une attention particulière et doivent être soutenus tant ils sont essentiels à la défense de nos intérêts stratégiques.

C – Des défis majeurs pour les technologies futures

La nécessité de combler des déficits capacitaires majeurs et de maintenir notre niveau technologique dans les domaines clés du renseignement et de la dissuasion nucléaire rend difficile tout effort supplémentaire en matière d’équipement des forces. La pression budgétaire ne doit pas s’exercer sur les dépenses d’avenir, notamment la recherche. Par ailleurs, ce contexte financier est un argument supplémentaire pour refuser des choix stratégiques contraires à nos intérêts.

1) Un contexte budgétaire partout difficile

La loi de programmation triennale pour les finances publiques 2011-2013 prévoit une stabilisation en euros courants des dépenses de l’Etat. Un tel choix place la France dans une situation budgétaire difficile, quoique comparable dans son évolution aux principales puissances. En effet, ce ralentissement s’inscrit dans un contexte mondial de réduction de la dépense militaire.

Les trois premiers budgets militaires mondiaux en milliards d’euros

 

2007

2008

2009

2010

2011

Etats-Unis

523,4

647,4

664,7

686,7

642,2

Chine

134,6

148,2

175,3

178,9

 

Russie

65,1

70,9

81,1

77,8

 

Le budget américain, quoique d’un niveau très supérieur au reste du monde, accuse ainsi pour la première fois depuis trente ans une baisse significative, passant entre 2010 et 2011 de 686 à 642 milliards d’euros.

En Russie, la réduction du budget est intervenue dès 2010, passant de 81 à 78 milliards d’euros. Seule la Chine a augmenté son effort de dépense militaire, de 175 à 179 milliards d’euros entre 2009 et 2010 (seules données disponibles).

Dans quasiment tous les pays de l'Union européenne, les répercussions de la crise économique ont commencé à se manifester sur les budgets en 2010 et la tendance devrait se prolonger, la priorité étant partout à la réduction des déficits.

Au Royaume-Uni, suite à l'annonce du plan d'économies globales du ministre des finances George Osborne, le Royal United Services Institute (RUSI) estime que la réduction du budget de la défense sera d'environ 15% entre 2010 et 2014. Cette réduction devrait toucher les programmes d'armement (production moins rapide des porte-avions, des sous-marins, réduction des commandes d'hélicoptères) mais aussi les dépenses de fonctionnement.

En Allemagne, un plan de rigueur court sur quatre ans. Ce plan prévoit une réduction du déficit fédéral de 65,2 milliards d’euros (soit 2,5% du PIB) en 2010 à 24,1 milliards (moins de 1% du PIB) en 2014. La réduction des déficits se traduira par de fortes économies dans le domaine de la défense. Au niveau du ministère de la défense, les réformes concernent la réorganisation des structures et la réduction des frais de fonctionnement. La réduction du budget de la défense devrait être de l’ordre de 14% entre 2010 et 2014.

Si le plan quadriennal 2011-2014 et le plan budgétaire pour l’année 2011 n’ont pas encore été votés par le Parlement, les crédits relatifs au budget de défense (information fournies par notre correspondant au ministère allemand de la défense) sont plutôt susceptibles d’être revus à la baisse par les parlementaires qu’augmentés.

Au-delà de ces comparaisons, qui prouvent que la situation budgétaire française est commune à celle de nos partenaires européens et extra-européens, il convient de souligner que les dépenses d’investissement doivent être préservées, quand d’autres pourraient être au contraire évitées.

Ainsi, aux Etats-Unis, malgré une baisse globale des crédits militaires, l’investissement dans la défense (comprenant la recherche) augmente, passant entre 2010 et 2011 de 172,7 à 177 milliards d’euros (en parité de pouvoir d’achat).

De la même manière, en Russie, il est certain que plusieurs postes de dépenses en équipement, mais aussi, de recherche et développement ne subiront pas les effets de la crise actuelle. Il s'agit essentiellement de la modernisation de l’arsenal nucléaire (missiles intercontinentaux de type RS-24 mais aussi les SS-27 Topol-M) ; la finalisation de la constellation Glonass (GPS russe) ; le remplacement du parc aérien militaire à hauteur d’une centaine d’appareils (chasseurs et chasseurs bombardiers) ; la continuation du plan de modernisation du parc de blindés (52 T-90 et 250 véhicules blindés de transport de troupes achetés en 2008).

Les exemples étrangers montrent que la crise budgétaire ne doit pas entraîner de pression trop importante sur les dépenses engageant l’avenir, ce qui a souvent été le cas pour les budgets de notre défense. Les perspectives offertes en 2012 tendent à confirmer cette tendance.

2) Préserver la recherche

Dans le contexte budgétaire actuel, il est difficile de maintenir au même niveau les efforts dans les domaines non directement opérationnels. Ainsi, les crédits de paiement affectés à la recherche militaire accusent une baisse depuis 2009.

Evolution des crédits de paiement de la recherche en millions d’euros

 

2009

2010

2011

2012

Etudes amont

660,1

653,2

645,2

633,2

Etudes de défense

1 571,30

1 620,10

1 647,90

1 649,50

Développements

2 253,10

1 948,50

1 629,60

1 800,00

Total R&D

3 824,30

3 568,60

3 277,50

3 499,50

On observe, sur la durée, une diminution des crédits affectés à la recherche développement, qui passe de 3,8 à 3,5 milliards d’euros.

En revanche, en autorisations d’engagement, les études amont connaissent une hausse entre 2011 et 2012, passant de 707 à 732 millions d’euros. Ces montants permettent de financer les priorités fixées par le livre blanc, notamment les technologies d’interception, le démonstrateur de drone de combat, le démonstrateur de radar très longue portée, l’autoprotection des hélicoptères et les matériaux entrant dans la composition des missiles.

La baisse des budgets alloués à la recherche est un choix d’autant plus risqué que la maîtrise des technologies clés par notre pays est incertaine. Dans ce contexte, il paraît d’autant plus absurde d’investir dans un système de défense anti-missile balistique qui, en plus d’une efficacité très douteuse, reste un outil dont la direction et la réalisation sont le monopole des Etats-Unis.

3) Eviter le piège de l’anti-missile

A l’heure actuelle, deux programmes sont proposés aux Européens, sous l’égide de l’OTAN et directement par les Etats-Unis.

A la suite du sommet de Prague en 2002, l’Alliance Atlantique a décidé en 2005 le lancement du programme Active Layered Theater Ballistic Missile Defense (ALTBMD). Ce programme vise à doter l’Alliance d’une capacité de défense anti-missile de théâtre capable de protéger, à terme, des zones d’une superficie de quelques milliers de kilomètres carrés contre des missiles balistiques d’une portée maximale de trois mille kilomètres. Cette capacité s’articule autour d'un segment de commandement et de contrôle s'appuyant sur des systèmes de l'OTAN adaptés aux besoins de la défense antimissile balistique et de contributions volontaires apportées, sous forme de capteurs et de systèmes d'armes, par différents alliés.

Ce programme représente, dans son format initial, un coût total d’environ 800 millions d’euros. Toutefois, seul le financement de la première étape de ce programme (capacité opérationnelle de la « couche basse ») a fait l’objet d’un accord de la part de tous les alliés, pour un montant d'environ 400 millions.

Le sommet de Lisbonne de novembre 2010 a été l’occasion de valider politiquement le principe de l’extension des capacités de contrôle du programme de défense de théâtre ALTBMD à une défense antimissile des territoires et des populations de l’OTAN. Une telle évolution représente un surcoût de 147 millions d’euros, la charge financière additionnelle pour la France restant limitée à un maximum de 18 millions d’euros versés sur plusieurs années. Au total, pour l’ensemble du programme OTAN, la charge financière maximale pour la France, dans l’hypothèse d’un accord sur le financement total, serait ainsi d’environ 120 millions d’euros (12 % d’un milliard d’euros) étalés jusqu'en 2020, date à laquelle la pleine capacité de l’OTAN est attendue.

Concernant la défense anti-missiles de territoire, celle-ci entre en contradiction avec l’idée même de dissuasion nucléaire à laquelle la France reste attachée.

Seuls les aspects de détection et d’alerte avancée d’une défense anti-missile de territoire sont compatibles avec le maintien de notre posture de dissuasion. Ils permettent même de la rendre plus adaptée dans la mesure où ils permettent l’identification de l’agresseur. La France poursuit d’ailleurs un programme propre dans ce domaine, pour un coût global de 894 millions d’euros, avec le développement du radar très longue portée et des satellites démonstrateurs Spirale, dont une version définitive pourrait être mise en orbite en 2020.

En revanche, la proposition américaine d’approche européenne adaptative par étapes (EPAA) qui vise à faire financer par l’OTAN une défense antimissile de territoire n’est pas acceptable. Elle remplace le projet de l’administration Bush d’implantation d’intercepteurs en Pologne et de radars en République tchèque, abandonné par le président Obama le 17 septembre 2009, et se compose de quatre phases :

– Phase I (2011) : déploiement d’un nombre limité de navires Aegis équipés de SM-3 Block IA en Méditerranée orientale et mise en place d’un radar de trajectographie en Europe du Sud (Turquie ou Roumanie) ;

– Phase II (2015) : déploiement d’une version terrestre du SM-3 Block IB (Aegis Ashore) sur un seul site en Europe du Sud, potentiellement la Roumanie ;

– Phase III et IV (2018-2020) : déploiement de SM-3 (versions Block IIA puis IIB) permettant de disposer d’une capacité d’interception des missiles balistiques intercontinentaux et implantation d’un deuxième site d’intercepteurs SM-3 en Pologne, celle-ci n’ayant pas exercé son droit de refus.

Les deux premières phases correspondent à un redéploiement des capacités existantes privilégiant la surveillance de la menace iranienne, alors même que la dissuasion nucléaire des membres de l’OTAN rend impossible toute agression nucléaire depuis Téhéran. Au-delà, la faisabilité des phases III et IV n’est pas techniquement prouvée, et l’implantation d’intercepteurs en Pologne constitue une provocation évidente vis-à-vis de la Russie.

La participation au programme de défense antimissile de théâtre proposé par l’OTAN est contraire à nos intérêts, et le coût d’une participation à la connexion entre ce programme et d’éventuels programmes de défense antimissile balistique de territoire reste inutile. Les propositions américaines de défense antimissile de territoire, en plus d’être extrêmement coûteuses (les chiffres avancés sont supérieurs à 100 milliards d’euros), sont contraires à nos intérêts stratégiques et absorberaient nos ressources d’avenir dans un contexte de forte raréfaction des crédits.

Il convient donc de ne pas aller au-delà de la position actuelle de l’OTAN, et de privilégier notre programme national de détection et d’alerte avancée. La France dispose, avec le radar GRAVES, d’un système d’observation spatiale et de trajectographie. Elle développe également un radar de très longue portée, dont la commande devrait être passée en 2015 et la livraison théoriquement attendue en 2018. Un démonstrateur doit être testé dans l’intervalle. L’ensemble du projet représente un coût évalué à 175 millions d’euros environ.

Parallèlement, un ensemble de satellites doit assurer l’alerte optique depuis l’espace. Le démonstrateur SPIRALE a permis d’approfondir les connaissances techniques sur la version définitive du système qui devrait être livrée en 2020, pour un coût global estimé à 720 millions d’euros.

4) Restructurer l’industrie de défense européenne

Dans un contexte marqué par la relative modestie des dépenses nationales d’équipement militaire chez nos partenaires européens et par le coût croissant des systèmes d’armes, les acteurs industriels européens doivent poursuivre les rapprochements.

Dans le domaine aéronautique, des rapprochements sont en cours, notamment entre Dassault et BAe Systems dans le cadre du partenariat franco-britannique pour la réalisation du drone MALE « Télémos ». A terme, ce rapprochement pourrait conduire à la mise en place d’un pôle européen capable de mettre au point l’aviation de combat (pilotée et non pilotée) de nouvelle génération.

En revanche, l’offre industrielle, dans l’Union européenne, reste dispersée dans plusieurs secteurs, notamment dans les systèmes d’armes maritimes (DCNS, ThyssenKrupp Marine Systems, BAE Systems, Fincantieri, Navantia) et l’armement terrestre (Nexter, Rheinmetall, Krauss-Maffei Wegmann, BAE Systems, General Dynamics à travers ses filiales européennes…) ou les moteurs d’aéronefs (Safran, MTU, Rolls-Royce, Avio, ITP…).

Dans ces secteurs des opérations structurelles pourraient avoir lieu à moyen terme. Ainsi coopération entre DCNS et Atlas Elektronik (société allemande) pour la réalisation de futures torpilles lourdes (programme dit « Artemis ») pourrait développer à terme un pôle européen en matière d’armes sous-marines.

Toutefois, les opérations européennes sont souvent conditionnées à la réalisation de rapprochements préalables sur une base nationale. Ceux-ci restent difficiles à anticiper, mais sont impératifs, comme l’ont montré les exemples de la société nationale des poudres et explosifs et la société Safran, ou le rapprochement entre Thalès et Dassault Systèmes. A terme, la société Nexter Systèmes devrait être concernée par cette recherche de partenariat.

III – LA DIFFICILE APPLICATION DE LA LPM

Les engagements budgétaires pris pour l’an prochain restent significatifs, avec des crédits de paiement hors pension de 30,63 milliards d’euros. Toutefois, la décision prise en 2011 de geler les crédits en euros courants dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour 2011 – 2013 conduit à modifier sensiblement l’évolution du budget de la défense pour les années à venir. La tenue des objectifs fixés par la LPM devient donc plus difficile.

En plus de ces difficultés purement budgétaires, l’affectation prévue de recettes exceptionnelles tirées de la vente de fréquences et de cessions immobilières, et qui n’a pu être réalisée qu’avec beaucoup de retard, tend à faire apparaître une dégradation des dépenses effectivement exécutées au profit de la mission « Défense ». Pour 2011, certains anticipent déjà un manque d’un milliard d’euros, dont le financement devra être organisé, et risque d’amputer prioritairement le budget affecté aux équipements.

Déjà, des étalements de programmes pourtant cruciaux, comme le laser mégajoule ou les satellites de détection et d’alerte avancée ont vu leur calendrier étalé dans le temps. De la même manière, la rénovation de certains Mirage 2000 ne pourra être réalisée à temps.

Malgré ce contexte global difficile, les orientations essentielles de la LPM pour le budget de la défense restent les mêmes : réorganisation du schéma territorial de nos armées et privilège accordé au budget des équipements. L’équilibre sera toutefois d’autant plus difficile à tenir que les recettes exceptionnelles semblent encore une fois incertaines, et que les ressources potentiellement apportées par l’exportation de nos matériels militaires subissent encore le contrecoup de la crise économique et financière.

A – La poursuite en 2012 des réformes de structure

Le budget pour 2012 maintient l’objectif de rationalisation de l’organisation des armées, en avançant dans la réduction du nombre d’implantations de défense et en poursuivant l’effort de réduction des effectifs permettant d’affecter un budget plus important aux investissements.

1) La réorganisation des bases de défense

L’année 2012 marque une étape importante du regroupement des implantations de défense sur 51 sites en métropole et quatre outre-mer. 184 mouvements (transferts ou disparition d’unités) sont programmés en 2012, notamment la disparition de cinq régiments (517ème régiment du train de Déols, 402ème régiment d’artillerie de Châlons-en-Champagne, 41ème bataillon d’infanterie de marine de Pointe-à-Pitre, 33ème régiment d’infanterie de marine de Fort-de-France, régiment d’infanterie de marine du Pacifique) et de quatre bases aériennes (BA 103 de Cambrai, BA 128 de Metz-Frescaty, BA 217 de Brétigny-sur-Orge, BA 943 de Roquebrune-Cap Martin).

La rationalisation de l’organisation territoriale de la défense est également appliquée à l’administration centrale du ministère, qui sera regroupée au sein d’un bâtiment unique à Balard. Les constructions neuves devraient être achevées en 2014 et les dernières rénovations en 2016.

Les économies attendues de ces réformes ne sont pas négligeables, d’environ 7 milliards d’euros sur la période 2008-2016. La principale source d’économie consiste en la suppression de 54 000 postes de soutien, permettant une baisse des crédits de 6,5 milliards d’euros. En contrepartie, des aides sociales au reclassement sont prévues, pour un montant total d’1,1 milliard.

En matière immobilière, les cessions d’emprises de défense devraient générer des ressources à hauteur d’1,2 milliard d’euros sur la période, les coûts des restructurations immobilières (travaux dans les nouvelles implantations et traitement des sites vendus) coûtant 1,4 milliard d’euros.

Enfin, le ministère attend 1,7 milliard d’euros d’économies de frais de fonctionnement sur la période 2008 – 2016.

La réforme des bases de défense permet d’économiser des crédits dont l’importance s’accroît en période de raréfaction de la dépense publique. Pour être menée conformément au calendrier et dégager les économies attendues, des dysfonctionnements conjoncturels doivent être réglés, concernant notamment la gestion de certains approvisionnements, la rationalisation des implantations de certaines unités et la définition exacte du périmètre de responsabilité des bases de défense.

2) Le rééquilibrage des dépenses vers l’équipement

Au titre de la loi de programmation militaire, le budget de la défense connaît un mouvement de fond, une baisse des effectifs devant permettre une augmentation de la dotation pour l’équipement des armées, afin de rendre notre outil de défense plus compact et mieux équipé.

Ainsi, après une baisse de 7 585 postes en 2011, le projet de loi de finances prévoit la suppression de 7 411 équivalents temps plein pour la mission défense. Ce rythme est globalement conforme aux engagements pris dans le cadre de la LPM, respectivement de 7 577 et 7 462 suppressions pour 2011 et 2012.

Les personnels amenés à quitter les armées bénéficient d’aides au reclassement et d’indemnités de reconversion. Par ailleurs, en contrepartie de cette baisse globale et afin de renforcer l’attractivité de la carrière militaire, le programme de réduction du format des armées s’accompagne d’une revalorisation de la condition militaire, dont le coût pour 2011 est chiffré à 66 millions d’euros, et d’une amélioration statutaire et indemnitaire pour les personnels civils, à hauteur de 24 millions d’euros.

Contrepartie de cet effort, le budget total alloué aux équipements progresse, passant de 10,1 à 10,6 milliards d’euros, voire de 16 à 16,5 milliards d’euros si l’on y adjoint les budgets de la dissuasion, de la recherche, de l’entretien et de la conduite des programmes et opérations d’armement par la DGA.

Cette augmentation permet d’assurer la poursuite de plusieurs programmes majeurs. Les principales livraisons attendues pour 2011 sont les suivantes : 1 aéronef spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique C160 Gabriel rénové ; 10 stations sol et navales SYRACUSE III ; 11 avions Rafale ; 228 armements air-sol modulaires (AASM) ; 3 hélicoptères de manoeuvre EC725 CARACAL ; 6 hélicoptères de combat TIGRE; 4 036 équipements FÉLIN ; 100 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) ; 38 véhicules haute mobilité (VHM) ; 16 missiles EXOCET MM40 bloc 3 ; 1 frégate multimissions FREMM ; 1 bâtiment de projection et de commandement (BPC) ; 5 avions de transport CN235 Casal; 4 hélicoptères COUGAR rénovés ; 8 hélicoptères NH-90 ; 200 petits véhicules protégés (PVP) ; 2 systèmes de missiles sol-air moyenne portée terrestre (FSAF SAMP/T) ; 61 missiles ASTER ; 10 missiles MICA ; 15 missiles rénovés MISTRAL.

Par ailleurs, des commandes pour plusieurs programmes stratégiques seront passées en 2011 : poursuite de la rénovation des avions ravitailleurs C135 ; poursuite de la réalisation de deux satellites optiques à très haute résolution dédiés à l’observation spatiale (MUSIS) ; 8 systèmes de drones tactiques SDTI ; lancement de la rénovation des avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) ; rénovation de 5 hélicoptères COUGAR ; 34 hélicoptères NH-90 ; 100 petits véhicules protégés (PVP).

De plus, trois sous-marins nucléaires d’attaque de classe Barracuda ont été commandés, la dernière commande datant du 28 juin 2011. La commande des trois derniers bâtiments est prévue en 2013, 2015 et 2017. La réception du premier SNA est planifiée mi-2017, celle du deuxième fin 2019, la réception des sous-marins suivants s’établissant tous les deux ans.

B – Le retard des ressources extérieures et ses conséquences

Soumis à la règle de la stabilité en valeur, le budget de la mission « Défense » doit être complété, en 2012, par des recettes exceptionnelles à hauteur de 1,09 milliard d’euros pour tenir l’objectif fixé par la programmation triennale. Celles-ci sont censées également abonder le budget 2011 en fin d’exécution pour un montant de 1,05 milliard d’euros. Or, force est de constater que les délais de mise en œuvre de la cession de fréquences militaires et les difficultés du programme immobilier font peser de lourdes incertitudes sur l’avenir du financement de la modernisation de notre défense.

Par ailleurs, plusieurs programmes, notamment le programme Rafale, voient leurs développements futurs soumis à des perspectives d’exportation qui sont d’autant plus difficiles que la crise économique réduit les débouchés.

La réalité du budget dont la défense nationale bénéficiera en 2011 et en 2012 dépend donc en grande partie d’apports extérieurs très incertains.

1) Les ressources exceptionnelles incertaines

Deux sources de recettes extérieures sont attendues par le ministère de la défense : la cession de l’usufruit de certaines fréquences hertziennes à des acteurs privés, et un programme de ventes immobilières qui accompagne la rationalisation de l’empreinte territoriale des armées. Les deux projets présentent des incertitudes fortes.

S’agissant des fréquences hertziennes, leur vente était programmée (et budgétée) à hauteur de 600 millions d’euros pour la période 2009-2010. Aucune recette n’ayant été tirée de ces cessions à cause du retard pris dans les procédures, des gels de crédits ont dû être ordonnés.

Pour la période 2011 – 2013, le chiffre de 2 milliards d’euros est avancé. La vente d’une première partie des fréquences a été organisée en septembre 2011, permettant de dégager la somme de 930 millions d’euros pour un prix de réserve de 700 millions d’euros. Cette opération exceptionnelle a toutefois été amputée par la contribution interministérielle de 230 millions d’euros demandée au ministère de la défense.

Le prix final de la vente réalisée en 2011 a été légèrement supérieur à la prévision de 850 millions d’euros faite en 2010. Pour 2012, une autre gamme de fréquences devrait être vendue, pour un montant prévu à peu près équivalent.

Concernant le programme de cessions immobilières, celui-ci a rapporté, en 2009, 561 millions d’euros et, en 2010, 199 millions. Les prévisions actuelles d’encaissement pour 2011 se situent entre 110 et 180 millions d’euros, ce qui permettrait de tenir l’équilibre budgétaire en exécution pour 2011.

Pour 2012, les ressources tirées des ventes immobilière devraient être d’un montant équivalent à 2011, une augmentation étant attendue en 2013 avec la cession de l’îlot Saint-Germain, mais les données restent particulièrement floues.

Ainsi, dans un contexte où le budget de la défense est dores et déjà inférieur à l’annuité 2012 prévue par la LPM du fait de la loi de programmation des finances publiques touchant l’ensemble des dépenses de l’Etat, les incertitudes pesant sur les ressources exceptionnelles pourraient rendre son exécution encore plus difficile et mettre en péril l’ensemble de l’équilibre budgétaire, faisant peser des menaces sur le niveau d’équipement de nos armées.

2) Exportations militaires : une évolution heurtée

L’exportation de matériels militaires français permet de réduire les commandes passées par la France tout en maintenant le calendrier de livraison de l’industriel au-dessus du niveau de rentabilité. Le cas s’est notamment posé pour le Rafale, dont la LPM prévoyait un abaissement des livraisons en 2011, 2012 et 2013 (10, 7 et 5 appareils) dans l’espoir d’une vente à l’international, calendrier qui a dû être modifié en raison de l’inaboutissement des prospects attendus.

Un autre programme dépend directement des exportations. L’accord passé par les Etats clients d’EADS pour l’A400M prévoit ainsi une rétrocession d’une partie des recettes à l’export pour compenser la dotation en investissements reçue par l’entreprise.

Année

2006

2007

2008

2009

2010

Montant des prises de commandes en millions d’euros courants

5 754,3

5 660,4

6 583,5

8 164,1

5 117,6

De manière générale, la situation des exportations d’armement française a souffert de la crise, avec une baisse notable de près de 30 % des commandes entre 2009 et 2010. Les effets sur les finances publiques des principaux Etats acheteurs de matériels militaires devraient durer encore plusieurs années.

Plus précisément, concernant les matériels pour lesquels l’exportation est un enjeu à court ou moyen terme, des perspectives existent mais restent incertaines.

Ainsi, plusieurs négociations sont en cours pour le Rafale. Les dossiers les plus avancés restent celui des Emirats arabes unis (60 appareils) et du Brésil (36 avions) mais les décisions finales ne sont toujours pas prises. Le Brésil a par ailleurs fait savoir qu’il pourrait retarder la réalisation du programme de modernisation de son aviation de combat.

En Inde, le Rafale participe à une compétition pour l’acquisition de 126 avions. Depuis deux mois, le Rafale et l’Eurofighter sont les deux seuls appareils retenus par le Ministère de la défense indien. D’autres prospects existent au Qatar, en Malaisie ou au Koweït, mais les données exactes des marchés ne sont pas encore clairement définies.

Concernant l’A400M, si l’entreprise annonce un volume potentiel de 400 appareils vendus dans le monde (dont 180 aux Etats clients), seule la Malaisie a pour le moment émis une demande pour 4 appareils.

D’autres matériels français réussissent mieux à l’export, notamment le bâtiment de projection et de commandement BPC. La Russie a signé, en juillet dernier, un contrat pour l’acquisition de deux BPC construits en France. Un nouveau contrat devrait être signé à l’issue de la livraison, portant sur deux autres bâtiments, cette fois construits en Russie.

Cette première vente a suscité l’intérêt d’autres Etats comme la Turquie ou le Venezuela.

De la même manière, la pièce d’artillerie mobile CAESAR, déjà vendue en Arabie Saoudite (76 exemplaires) et en Thaïlande (6 exemplaires), a suscité l’intérêt d’une dizaine de pays dont la Malaisie, le Danemark, l’Inde, la Colombie, l’Algérie, le Portugal, et la Belgique.

Les autres perspectives d’exportations concernent les frégates multi-missions FREMM, les sous-marins Scorpène et le VBCI mais n’ont pas fait l’objet d’engagements précis.

CONCLUSION

L’année 2011 a vu le paysage stratégique évoluer considérablement, sous l’effet du printemps arabe et de l’opération franco-britannique en Libye. Cet événement majeur doit nous amener à revoir rapidement notre position, tant dans le monde, où l’investissement que représente notre participation à l’opération de l’OTAN ne se justifie plus, qu’à travers nos alliances. Nos partenariats en Europe doivent être relancées sur un plan bilatéral, tandis que notre participation à l’OTAN doit tenir compte de l’évolution de cette organisation vers un modèle d’alliance logistique à la carte.

Si l’année 2012 pourrait être marquée par des inflexions stratégiques, elle ne doit pas entamer l’effort entrepris pour moderniser notre outil de défense. Certains programmes cruciaux commencent à être exécutés, avec des retards importants, mais déjà des dépenses d’avenir sont rendues incertaines par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. La loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 ne pourra que difficilement être tenue et des arbitrages majeurs devront être faits pour retrouver un équilibre budgétaire.

Les perspectives ouvertes par notre partenariat avec le Royaume-Uni sont sans doute la piste la plus intéressante à creuser pour réduire le fardeau budgétaire de la modernisation de notre défense. La conduite des programmes franco-britanniques prévus dans les domaines les plus stratégiques, notamment les drones et la simulation nucléaire, doit être exemplaire, car elle engage, à terme, notre autonomie stratégique.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Michel Boucheron, les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2012 au cours de sa séance du mercredi 26 octobre 2011.

Après l’exposé du rapporteur pour avis, un débat a lieu.

M. le président Axel Poniatowski. Je rappelle que nous auditionnons tout à l’heure le ministre des affaires étrangères afghan et que vous pourrez l’interroger. Nous sommes plusieurs à avoir souhaité le retrait de nos troupes. Les premiers soldats sont rentrés, il y en aura 1000 de moins en 2012 et la totalité aura été rapatriée en 2014.

M. Jean Glavany. On sait que le futur drone intérimaire est en réalité à 90 % israélien. La thèse que vous avez présentée n’est pas partagée, notamment par EADS, où l’on estime que l’on a été forcé de travailler vite avec les Britanniques pour finalement voir le marché emporté par les Israéliens.

M. Jean-Paul Lecoq. Je vois beaucoup de contradictions dans ce qui a été dit. Si la cybernétique est autant au point, pourquoi a-t-on eu besoin d’envoyer des militaires sur le terrain en Libye et ne les a-t-on pas neutralisés à distance ? Pourquoi avoir envoyé des armes ? Si nos renseignements sont aussi performants, on a donc été renseignés de l’intérieur sur les composantes du CNT. La question est alors la suivante : a-t-on fait la guerre pour une force islamiste, en le sachant, et quel est alors le sens du combat que l’on a mené ? J’étais en Tunisie ce week-end pour l’observation des élections. J’ai été interpellé par la population sur le fait que France 24 a été la seule chaîne de télévision à avoir donné autant de place à Ennahda. Les Tunisiens ont été choqués par le positionnement de la France. Le rapporteur a donné des explications sur la cybernétique, mais la dernière fois, il nous expliquait qu’il fallait absolument en passer par les Etats-Unis car ils étaient seuls à pouvoir centraliser toutes les informations. Nos systèmes sont-ils en accord avec ceux des Américains ?

M. François Rochebloine. Je voudrais connaître le nombre de nos militaires en OPEX et ce qu’il en est du programme Félin à l’export. Quant à l’Afghanistan, si la situation est déplorable et si rien n’a changé, nous allons donc abandonner ces gens à leur sort et cela pose la question de notre départ dans ces conditions.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. Nous avons calé notre retrait d’Afghanistan sur le rythme de celui des Américains et il serait souhaitable qu’on les incite à accélérer le mouvement. A la fin du mois de mai prochain, il y a aura un sommet des chefs d’Etats de l’OTAN sur l’Afghanistan, ce sera au Président de la République nouvellement élu de faire connaître sa politique.

Le drone intérimaire de Dassault est d’inspiration fortement israélienne quant à l’intégration des systèmes. Pour le reste, la voilure est celle de Dassault, les systèmes sont ceux de Thalès. Ce n’est que l’intégration que l’on prend chez les Israéliens. Cela étant, notre collaboration avec le Royaume-Uni sur le drone lourd sera ouverte à d’autres. La Turquie, entre autres, est intéressée, et d’autres entreprises, EADS notamment.

Les massacres de Benghazi ne pouvaient être stoppés avec une attaque cybernétique. Il fallait une intervention armée. Quant au CNT, il ne faut pas oublier que la Libye est un pays musulman, d’une culture différente de la nôtre. Il nous a fallu près d’un siècle pour installer la république après 1789. Si en 15 ans la Libye le fait, ce ne sera pas mal ! Le point fondamental est que le vote ait été reconnu comme base de désignation des dirigeants.

Concernant la cyberdéfense, les Etats-Unis ont un monopole de l’attribution des adresses Internet, cela permet d’aller plus vite mais ne résout pas toutes les questions posées par les attaques cybernétiques.

Nous avons actuellement 11000 hommes en OPEX et 4000 dans nos bases à l’étranger, en Afrique notamment. Soit 15000 hommes en tout hors de nos frontières.

4000 systèmes FELIN, équipements intégraux des fantassins intégrant les systèmes électroniques, seront livrés à nos armées en 2012. De très nombreux pays se sont déclarés intéressés par ce programme.

M. Jacques Myard. Je partage l’appréciation positive du rapporteur sur le très bon rapport coût-efficacité de nos armées, ainsi que l’idée que la France doit absolument disposer d’yeux et d’oreilles. Si notre pays décide d’investir massivement dans certains domaines pour relancer l’économie, il serait bien inspiré de le faire dans le domaine militaire où nous disposons d’une avance importante en termes de recherche et développement.

Je regrette en revanche que les effectifs des armées françaises diminuent encore de 7 500 personnes en 2012. Quelle que soit la qualité de nos équipements et de nos efforts de coordination des moyens, il faut garder des effectifs en nombre suffisant. Je crains que nous regrettions rapidement la baisse du nombre de nos militaires alors qu’on peut s’attendre à de nombreux troubles sur le continent africain et en zone méditerranéenne, notamment.

Mme Nicole Ameline. Il me semble que le traité franco-britannique est déjà un succès. Nous en tirons des avantages militaires, politiques et économiques dans la mesure où il contribue à l’agrégation d’initiatives privées, grâce à la dynamique qu’il a enclenchée. A-t-on évalué les gains financiers et budgétaires que l’on pouvait en attendre, à moyen et long terme ? Il devrait en effet se traduire par des économies, mais aussi conduire à des investissements créateurs de richesses et d’emplois.

Il faut améliorer notre défense dans le domaine cybernétique, c’est évident. Le niveau européen n’est-il pas à privilégier en la matière ? Comme nous avons construit une Europe de l’espace et une Europe de la connaissance, ne faudrait-il pas en construire une de la cybernétique ?

M. Hervé de Charette. Je n’ai toujours pas compris pourquoi il y avait encore des troupes françaises en Afghanistan. Nous avons l’intention de nous retirer en suivant le rythme du retrait américain : c’est bien le moins que l’on puisse faire ! Mais, ce faisant, nous ne sommes pas maîtres de nos décisions. La situation est pourtant très mauvaise : la présence des forces alliées s’avère contraire aux buts poursuivis ; ses résultats sont négatifs. Notre pays doit le dire et prendre lui-même la décision de quitter l’Afghanistan.

Pourriez-vous nous indiquer, M. le Rapporteur, le coût de la composante aérienne de notre dissuasion nucléaire ? Elle me semble dépourvue de justification, contrairement à la composante navale, dont l’efficacité est incontestable. J’ai le sentiment que, en matière nucléaire, l’avion est un peu comme la flèche du XVIIème siècle en plein XXIème siècle.

M. Michel Terrot. Je suis, comme M. Myard, inquiet de la diminution des effectifs de nos armées. Pour ce qui est des bases françaises en Afrique, j’ai bien compris ce que vous avez dit sur la montée en puissance de la base de Libreville, sur la reconfiguration entre Djibouti et Abou Dabi, le repli de la force Licorne et le désengagement du Sénégal. Qu’en est-il de la base de N’Djamena ? Sera-t-elle maintenue ? Etant donné les problèmes géostratégiques qui se jouent dans la bande sahélienne, cela se justifierait pleinement, mais la force Epervier approche de la fin d’après ce que je sais. Je suis persuadé qu’il ne faut pas baisser la garde dans cette zone dangereuse et qu’il vaudrait bien mieux retirer nos hommes d’Afghanistan pour renforcer notre présence au Tchad.

M. Jean-Marc Roubaud. M. le Rapporteur, pourriez-vous nous indiquer si vous avez l’intention de voter les crédits de la mission ?

M. Claude Birraux. A l’occasion d’une mission à Washington, j’ai appris que la CIA finançait des programmes de recherche sur la sécurité informatique et biologique. Ce type de pratiques a-t-il cours en France ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. La réduction des effectifs de nos armées pose effectivement problème, mais l’ensemble des agents de l’Etat est touché par ce phénomène et la Défense ne peut y échapper.

Pour ce qui est du traité franco-britannique, il y a des aspects qui fonctionnent très bien. Certains secteurs soulèvent plus de difficultés du fait de différences culturelles. Les Britanniques restent ainsi convaincus, malgré la participation pleine et entière de leurs industriels au projet de drone MALE lourd, que l’équipement de leurs armées dans le futur passe par un appel d’offres international dans ce domaine. Les Français partent du principe que le développement et la construction d’un matériel par nos industriels en fait un candidat naturel pour l’équipement de nos forces.

Pour ce qui est de l’idée d’une Europe de la cybernétique, il n’y a pas de projet capacitaire en cours. La difficulté dans ce domaine est d’identifier l’agresseur, qui n’est pas toujours notre adversaire.

Les programmes de modernisation de notre outil de dissuasion ont coûté, pour la composante aérienne, environ 2,5 milliards d’euros, contre 30 milliards d’euros pour la composante navale. La dissuasion océanique est évidemment la plus massive, mais la composante aérienne offre une réactivité et une flexibilité d’emploi qui la rendent parfaitement complémentaire des sous-marins nucléaires lanceurs d’engin.

Notre dispositif au Tchad n’est pas une base permanente. Il s’agit d’une opération extérieure qui dure depuis longtemps, notamment à cause de la crise au Darfour et des tentatives de déstabilisation contre le gouvernement tchadien. Je pense que cette présence va se prolonger, d’une part car les armes libyennes ont transité vers le Darfour, où elles risquent d’être utilisées dans une nouvelle guerre civile opposant cette fois le Nord à Khartoum, d’autre part car les tensions au Sahel et les risques de prise d’otages français rendent nécessaire la présence de forces françaises à faible distance de cette zone.

Les services de renseignement américains financent effectivement des programmes de recherche universitaires. Il est utile de développer les liens entre le monde universitaire et la communauté du renseignement, un axe de travail important pour nos propres services qui n’en ont pas toujours les moyens.

Pour ce qui est du vote des crédits de la mission, je serai le fidèle rapporteur de l’avis de la commission.

Le président Axel Poniatowski. Sur les 15 milliards d’euros annuels d’investissements militaires, environ 5 milliards d’euros vont au CEA : quelle part de cette somme est destinée à la composante aérienne de notre dissuasion nucléaire ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. Dans la recherche sur le nucléaire militaire, la distinction se fait entre ce qui porte sur la tête et ce qui porte sur le lanceur, quelle que soit la composante. On peut estimer qu’environ 10 % de nos investissements dans la recherche sont consacrés à la composante aérienne. L’essentiel va à la composante navale. La France est très en avance pour ce qui est des sous-marins de nouvelle génération, qui sont les plus silencieux du monde.

M. Hervé de Charette. A mon avis, le seul intérêt de conserver cette composante est la perspective d’un nouveau traité de non-prolifération : les pays nucléaires devront faire des concessions ; la France pourrait alors renoncer à cette composante.

Le rapporteur s’en remettant à la sagesse de la commission, celle-ci émet alors un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense pour 2012.

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