N° 3810 tome IV - Avis de M. Sébastien Huyghe sur le projet de loi de finances pour 2012 (n°3775)


N°3810

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME IV

JUSTICE

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
ET PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR M. Sébastien HUYGHE,

Député.

——

Voir le numéro : 3805 (annexe 28).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2011, pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

INTRODUCTION 7

I. – L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE 11

A. UN BUDGET À NOUVEAU EN AUGMENTATION POUR LA POURSUITE DE L’AGRANDISSEMENT ET DE LA RÉNOVATION DU PARC IMMOBILIER ET LA MISE EN œUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE 11

1. Des crédits en augmentation de 44 % en autorisations d’engagement et de 7,4 % en crédits de paiement par rapport à 2011 11

2. La poursuite de la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places et le lancement d’un nouveau programme de construction 13

a) La poursuite de l’effort financier pour la mise en œuvre du programme de construction de 13 200 places 13

b) Une année 2012 marquée par le début de la mise en œuvre du nouveau programme immobilier 17

3. L’exercice des missions d’extractions judiciaires 22

4. De nouveaux recrutements pour l’ouverture des nouveaux établissements et la poursuite du développement des aménagement de peines 24

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est à nouveau en augmentation 24

b) Les recrutements restent importants en vue des ouvertures de nouveaux établissements et de l’intensification du développement des aménagements de peine 24

c) La modernisation statutaire des emplois de l’administration pénitentiaire se poursuit 27

B. LA CONTINUITÉ DU SUIVI DES MAJEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE 32

1. Un contexte d’augmentation du nombre de personnes placées sous main de justice faisant l’objet d’une mesure de milieu ouvert 33

2. Des efforts réels de l’administration pénitentiaire pour assurer la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice 36

a) Les efforts pour améliorer la définition de l’intensité du suivi mis en œuvre 36

b) La recherche d’une accélération de la mise en œuvre des mesures de milieu ouvert pour les sortants de prison 38

3. Des difficultés à régler pour optimiser la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice 40

a) Améliorer l’utilisation du logiciel APPI et, plus largement, les relations avec le corps judiciaire 40

b) Réajuster les besoins en personnels des SPIP 41

c) Achever le recentrage des SPIP sur leur cœur de métier : la prévention de la récidive 43

C. LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE MOBILE 44

1. Le cadre légal du PSEM 45

2. Les objectifs et le fonctionnement du PSEM 47

3. Le bilan du PSEM 49

a) Un dispositif contraignant au public cible nécessairement restreint 49

b) Un dispositif de plus en plus fiable 50

c) Des résultats concrets en termes de prévention de la récidive 51

d) Des progrès possibles dans la mise en œuvre concrète du PSEM 51

II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE 53

A. UN BUDGET DE RENFORCEMENT DE LA PERFORMANCE DE L’ACTION DE LA PJJ DANS LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS DÉLINQUANTS 53

1. Une reconcentration achevée des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants et un développement attendu des centres éducatifs fermés 53

2. Une diminution légère du nombre d’ETPT pour un renforcement de la performance de la PJJ 55

a) Le plafond d’autorisations d’emplois est en légère baisse par rapport à 2011 55

b) Les mesures statutaires et indemnitaires 56

B. LA CONTINUITÉ DU SUIVI DES MINEURS PLACÉS SOUS MAIN DE JUSTICE 61

1. Des efforts réels de la protection judiciaire de la jeunesse pour améliorer la continuité entre le prononcé des sanctions et leur mise à exécution 61

2. Des difficultés à régler pour optimiser la continuité de la prise en charge des mineurs placés sous main de justice 64

a) Mieux accompagner la transition vers les dispositifs de droit commun 64

b) Améliorer la coordination avec les autres acteurs impliqués dans la prise en charge des mineurs en difficulté 66

C. LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS 67

1. Les centres éducatifs fermés : des structures ayant fait la preuve de leur efficacité 69

a) L’efficacité des centres éducatifs fermés en tant qu’alternative à l’incarcération 69

b) L’efficacité des centres éducatifs fermés dans la lutte contre la récidive 70

2. Le coût des centres éducatifs fermés 75

a) Un coût élevé justifié par le haut niveau d’encadrement et par l’efficacité du dispositif des CEF 75

b) Une augmentation temporaire à venir du coût des CEF du secteur public en raison de l’ouverture de vingt nouveaux centres 77

EXAMEN EN COMMISSION 79

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 111

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 113

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 115

MESDAMES, MESSIEURS,

Tout au long de l’actuelle législature, l’exécution des décisions de justice pénale aura été l’une des premières priorités du Gouvernement et de la majorité parlementaire. Plusieurs textes importants améliorant l’exécution des peines ont été votés, tandis qu’un suivi parlementaire régulier a été assuré par la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale créée pour toute la durée de la XIIIe législature par la commission des Lois de l’Assemblée nationale. Parallèlement, les moyens de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) consacrés à la prise en charge des mesures pénales ont augmenté de façon très importante.

L’administration pénitentiaire et la PJJ ont, chacune dans leur domaine de compétence, pour mission d’exécuter les décisions de justice. De ce fait, elles sont des institutions essentielles au bon fonctionnement de la chaîne pénale. Les crédits ouverts par le projet de loi de finances pour 2012 pour ces deux administrations, qui font l’objet des deux programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice », traduisent l’importance accordée par le Gouvernement à l’exécution des peines. Ainsi, les crédits de l’administration pénitentiaire augmentent-ils de 44,1 % en autorisations d’engagement et de 7,4 % en crédits de paiement par rapport à 2011, afin de permettre la poursuite de l’agrandissement et de la rénovation du parc immobilier et la mise en œuvre de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 (1). De même, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent de 4,6 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement, ce qui permettra l’achèvement de la reconcentration des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs faisant l’objet d’une mesure pénale, ainsi que l’ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) destinés à permettre l’application de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs qui a élargi les cas de placement sous contrôle judiciaire des mineurs de treize à seize ans.

Outre la présentation des crédits ouverts pour chacun des deux programmes et des mesures statutaires et indemnitaires relatives à chacune des deux administrations, votre rapporteur pour avis a souhaité, dans la continuité de la démarche engagée dans les avis établis au nom de la commission des Lois lors de l’examen des derniers projets de loi de finances, étudier plus particulièrement trois thèmes liés à l’actualité de l’administration pénitentiaire et de la PJJ.

Le premier de ces thèmes, commun aux deux programmes, concerne la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice. Alors que le nombre des mesures de milieu ouvert prononcées à l’encontre des auteurs d’infractions, qu’ils soient mineurs ou majeurs, a considérablement augmenté au cours des dernières années, comment ces deux administrations font-elles en sorte d’assurer un suivi présentant la plus grande continuité possible, élément essentiel dans une perspective de réinsertion de la personne condamnée et de prévention de la récidive ? C’est à cette question que votre rapporteur pour avis s’est intéressé, tant pour l’administration pénitentiaire dans la prise en charge des condamnés majeurs que pour la PJJ dans le suivi des mineurs.

Le deuxième thème retenu pour l’administration pénitentiaire est le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM). Mesure de sûreté créée par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, le champ d’application du PSEM a fait l’objet de plusieurs extensions successives dans différents textes législatifs (2). Dès lors, il est apparu nécessaire à votre rapporteur pour avis de proposer, dans le cadre du présent avis budgétaire, un bilan du PSEM.

Enfin, le dernier thème retenu, pour la PJJ, concerne une structure elle aussi de création récente et ayant vu son champ d’application progressivement étendu, pour laquelle il est apparu pertinent à votre rapporteur pour avis de proposer une évaluation dans le cadre du présent avis budgétaire : les centres éducatifs fermés (CEF).

Dans le cadre de la préparation du présent avis, votre rapporteur pour avis a effectué plusieurs déplacements et échangé avec les personnels concernés par ces différents thèmes. Lors de ses visites de plusieurs établissements pénitentiaires (le centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes, le centre de détention de Nancy-Maxéville et la maison d’arrêt de Paris-La Santé), ainsi qu’au cours d’une visite du pôle centralisateur du suivi des personnes placées sous surveillance électronique de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille, il a échangé avec les personnels de ces établissements et des services pénitentiaires d’insertion et de probation des départements concernés sur les thèmes de la continuité du suivi et du PSEM ; ensuite, il a visité les directions interrégionales de la PJJ Sud-Est (à Marseille) et Grand-Est (à Nancy) en ayant avec les personnels d’établissements situés dans le ressort de ces deux directions des échanges sur la continuité du suivi des mineurs placés sous main de justice ; enfin, il a visité les centres éducatifs fermés de Liévin, Saint-Venant et Savigny-sur-Orge, ce qui lui a permis d’entendre les personnels de ces différents établissements sur le fonctionnement des CEF. Votre rapporteur pour avis tient à adresser ses plus sincères remerciements aux personnels qu’il a rencontrés au cours de ces différentes visites ; il salue leur très grand professionnalisme et leur très grande disponibilité pour éclairer la représentation nationale.

I. – L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2012 s’élèvent à 4,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 3 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit des augmentations de 44,1 % en AE et de 7,4 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2011. Cette hausse des AE et des CP pourrait toutefois être ramenée à 43,8 % en autorisations d’engagement et 7 % en crédits de paiement, si est adopté en séance publique l’amendement présenté par le Gouvernement et auquel la Commission a donné un avis favorable, amendement tendant à minorer de 10 millions d’euros les crédits du programme « Administration pénitentiaire », dans le cadre du plan d’économies supplémentaires d’un milliard d’euros annoncé le 24 août 2011 par le Premier ministre, M. François Fillon.

Cette hausse conjointe des AE et des CP traduit le fait que le budget de l’administration pénitentiaire pour 2012 est – comme l’était déjà le budget pour 2011 – un budget permettant non seulement la poursuite de l’exécution du programme immobilier « 13 200 », mais aussi l’engagement d’un nouveau programme immobilier destiné à porter à 70 000 le nombre de places de détention en 2017. Cet objectif devrait même être porté à 80 000 places de détention par la future loi de programmation pour l’exécution des peines annoncée par le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, à l’occasion de l’inauguration du centre pénitentiaire de Réau le 13 septembre dernier, et dont le projet doit être déposé par le Gouvernement dans les prochains jours. Le projet de budget de l’administration pénitentiaire pour 2012 a également pour objet de permettre la mise en œuvre de la loi pénitentiaire (3), en particulier de son volet relatif aux aménagements de peine.

Le périmètre des actions du programme « Administration pénitentiaire » est resté inchangé depuis la modification intervenue lors du projet de loi de finances pour 2007. Votre rapporteur pour avis ne peut, à nouveau, que saluer cette stabilité de la structure du programme.

Les actions composant le programme « Administration pénitentiaire » sont au nombre de trois :

• l’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les dépenses de personnel pour la garde des détenus et les dépenses d’équipement, représente 79 % des autorisations d’engagement du programme, avec un montant de 3,73 milliards d’euros.

• l’action n° 02, intitulée « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », qui regroupe les moyens nécessaires à l’accueil et à l’accompagnement des personnes détenues dans des conditions dignes et satisfaisantes (maintenance et entretien des établissements, réinsertion). Cette action représente 15,5 % des autorisations d’engagement du programme, soit 735 millions d’euros.

• l’action n° 04 « Soutien et formation » s’articule autour de trois axes prioritaires : la fourniture de moyens pour l’administration générale, le développement du réseau informatique et la formation du personnel. Elle représente 5,5 % des autorisations d’engagement du programme, soit 262 millions d’euros.

Les tableaux suivants présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur une année.

En autorisations d’engagement

 

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits consommés en 2010

Crédits votés en LFI pour 2011

Crédits demandés pour 2012

Évolution 2011-2012

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice
(Action 01)

2 138

1 667

2 251

3 730

+ 65,73 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

531

388

653

735

+ 12,58 %

Soutien et formation (Action 04)

394

360

376

262

- 30,28 %

Total

3 063

2 415

3 280

4 728

+ 44,13 %

En millions d’euros

En crédits de paiement

 

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits consommés en 2010

Crédits votés en LFI pour 2011

Crédits demandés pour 2012

Évolution 2011-2012

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice
(Action 01)

1 563

1 586

1 646

1 844

+ 11,98 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

771

752

820

924

+ 12,75 %

Soutien et formation (Action 04)

357

372

356

262

- 26,21 %

Total

2 691

2 710

2 822

3 030

+ 7,39 %

En millions d’euros

L’imputation prévue de la réduction des crédits au sein du programme « Administration pénitentiaire », qui résulterait de l’adoption de l’amendement du Gouvernement présenté précédemment, appelle toutefois une observation de la part de votre rapporteur pour avis. En effet, la diminution s’imputerait sur le programme à hauteur de 9,5 millions d’euros pour le programme immobilier et 500 000 € pour l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Pour l’ENAP, cette baisse représenterait 1,8 % des crédits qui étaient prévus pour 2012 au titre de la subvention pour charge de services publics qui lui est versée, dont le montant était fixé, pour 2012, à 27,9 millions d’euros. Une telle baisse pourrait s’avérer problématique, dans un contexte où la formation – tant initiale que continue – des agents revêt une importance particulière, notamment parce qu’elle devra, en 2012, intégrer l’exercice de nouvelles missions sur la voie publique dans le cadre des extractions judiciaires. Dès lors, votre rapporteur pour avis estimerait souhaitable que le Gouvernement envisage une répartition de la réduction des crédits qui soit moins défavorable à l’ENAP.

Notre pays a connu, depuis 1986, trois grands programmes de construction de places de prison. Aux 13 000 places décidées en 1986 par M. Albin Chalandon et aux 4 000 nouvelles places lancées en 1995 par M. Pierre Méhaignerie, a succédé le programme de 13 200 places de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation pour la justice (LOPJ), initiée par M. Dominique Perben. Ces trois programmes, soutenus par un effort financier ininterrompu, témoignent sans ambiguïté possible de la détermination des gouvernements qui les ont décidés et conduits d’agir résolument pour lutter contre la vétusté du parc pénitentiaire et la surpopulation carcérale, deux des maux dont souffraient depuis trop longtemps les établissements pénitentiaires français. Au programme « 13 200 », en cours d’achèvement de mise en œuvre, succédera un nouveau programme immobilier, lancé depuis la fin de l’année 2010 et devant aboutir en 2017, destiné à porter à 70 000 le nombre de places de prison (4).

Le programme « 13 200 » prévoyait la construction de près de 13 200 places et la fermeture de 2 485 places, soit un solde net d’environ 10 800 places. Les places construites se décomposent de la manière suivante :

—  360 places destinées aux mineurs, réalisées dans six établissements spécialisés, dénommés établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Les mises en service des EPM de Meyzieu, Lavaur, Quiévrechain et Marseille sont intervenues en 2007, tandis que celles d’Orvault et de Porcheville se sont opérées en 2008. Un septième EPM, implanté à Meaux-Chauconin, était initialement prévu, mais a finalement été transformé en quartier courtes peines (QCP) et de semi-liberté, compte tenu de la stabilité du nombre de mineurs incarcérés et de l’absence de besoin de places supplémentaires pour les mineurs.

—  2 000 places destinées à l’application de nouveaux concepts pénitentiaires spécifiquement dédiés à la réinsertion (quartiers nouveaux concepts) et à la construction de trois quartiers de semi-liberté ou de centres pour peines aménagées. Plusieurs quartiers de ce type ont ainsi été mis en service depuis 2009 : le quartier courtes peines de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses (60 places, ouvert en 2009), le quartier de semi-liberté – quartier pour peines aménagées (QSL-QPA) de Gradignan (82 places, ouvert en 2011), le QSL-QPA d’Aix-en-Provence (82 places, ouvert en 2011) et le QSL d’Avignon (51 places, ouvert en 2011). En 2012, le quartier courtes peines de la maison d’arrêt de Nantes (60 places) sera livré en même temps que celle-ci.

Pour atteindre l’objectif d’environ 2 000 places initialement fixé par le programme pénitentiaire 13 200, la réalisation de 1 620 places complémentaires est projetée sur les sites de 18 établissements pénitentiaires. Les sept premières livraisons des quartiers relevant de ce nouveau concept pénitentiaire sont envisagées entre 2014 et 2015 à Valence, Longuenesse, Varennes le Grand, Lorient, Brest, Laon et Toulon la Farlède.

—  enfin, 10 900 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires pour majeurs, dont 9 200 en métropole et 1 188 en outre-mer. Sur ces 10 900 places, 8 687 places ont, d’ores et déjà, été livrées depuis 2007, soit 80 % des places prévues.

Le tableau suivant détaille l’ensemble des places ouvertes depuis 2007, année de mise en service des premières places du programme.

PLACES DE DÉTENTION OUVERTES ENTRE 2007 ET 2011

Année

Établissements ouverts (5)

Nombre de places

2007

Extension du CP de Ducos

80

Total 2007

80

2008

CP de Mont-de-Marsan

703

CP de Saint-Denis de La Réunion

574

Total 2008

1 277

2009

CD de Roanne

602

MA de Lyon-Corbas

690

CP de Nancy-Maxéville

693

CP de Béziers

810

CP de Poitiers-Vivonne

578

Total 2009

3 373

2010

MA du Mans Les Croisettes

401

CP du Havre

690

CP de Bourg-en-Bresse

690

CP de Rennes-Vezin

690

Total 2010

2 471

2011

CP de Lille-Annoeullin

688

CP sud-francilien de Réau

798

Total 2011

1 486

Total des places livrées entre 2007 et 2011

8 687

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Compte tenu des places déjà créées, le solde de places restant à ouvrir dans le cadre du programme « 13 200 » s’élève à 2 213. Le calendrier d’ouverture de ces places est détaillé dans le tableau suivant, étant précisé que le nombre de places des établissements devant ouvrir après 2014 peut faire l’objet d’ajustements ultérieurs.

CALENDRIER D’OUVERTURE DES PLACES DE DÉTENTION
DU PROGRAMME « 13 200 » RESTANT À LIVRER

Année

Etablissements ouverts

Nombre de places

2012

MA de Nantes

510

MC de Condé-sur-Sarthe

249

Extension n° 1 du CP de Rémire-Montjoly

78

Total 2012

837

2013

MC de Vendin-le-Veil

238

MA de Rodez

100

Total 2013

338

2014 et années suivantes

Extension n° 2 du CP de Rémire-Montjoly

145

Extension du CP de Baie-Mahault

200

MA de Basse-Terre

180

Extension de la MA de Majicavo

267

Réhabilitation ou reconstruction de la MA de Nice

560

Total 2014 et années suivantes

1 352

Total des places livrées entre 2012 et la fin de l’exécution du programme « 13 200 »

2 527

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Parallèlement à la mise en œuvre du programme « 13 200 », des opérations de rénovation de grande envergure ont été engagées dans quatre établissements importants par leur taille et leur localisation :

—  la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis : les travaux de rénovation ont d’ores et déjà permis la rénovation complète de deux « tripales » (6). La fin des travaux est prévue en 2017. À l’issue de la rénovation, la capacité théorique d’hébergement de Fleury-Mérogis devrait être de l’ordre de 3 590 places ;

—  le centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes : le projet de réhabilitation du centre pénitentiaire de Marseille, un temps envisagé, a été abandonné, au profit d’un remplacement par deux établissements neufs, l’un sur une emprise attenante au domaine de la maison d’arrêt d’Aix-Luynes (Aix 2, pour 672 places), l’autre sur la zone du site dit « Martini » du centre pénitentiaire de Marseille (Baumettes 2, pour 528 places). Pour cette dernière opération, la consultation des entreprises est en cours. La reconstitution des places de détention du centre pénitentiaire de Marseille sera ainsi répartie sur deux sites, dont la livraison est prévue en 2015-2016 ;

—  la maison d’arrêt de Paris-La Santé : l’opération, qui avait été suspendue, est désormais intégrée au nouveau programme immobilier (NPI) en cours de programmation (voir infra). La nouvelle procédure s’inscrit donc dans le cadre défini par la loi pénitentiaire (taux d’encellulement individuel de 95 % notamment). Les études ont été reprises en 2010 sur ces nouvelles bases ; la livraison est envisagée pour 2018, pour une capacité de 905 places ;

—  le centre de détention de Nantes : la rénovation du quartier centre de détention du centre pénitentiaire de Nantes, qui se déroule en site occupé, doit s’achever en 2013.

Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de la réalisation de ces travaux de réhabilitation, ainsi que du taux de réalisation de 80 % du nombre des places prévues dans le cadre du programme « 13 200 » neuf ans après son lancement et de l’achèvement prévu à bref délai de la mise en œuvre de ce programme, le plus ambitieux que notre pays ait jamais connu. Ce programme, venant après les précédents efforts réalisés dans le cadre des programmes « 4 000 » et « 13 000 » aura ainsi permis un renouvellement de la moitié du parc pénitentiaire en vingt-cinq ans, ce qui aura largement contribué à améliorer les conditions de détention des personnes détenues et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

Conformément aux engagements publics pris par M. le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès en juin 2009 et confirmés le 28 juillet 2010 par Mme Michèle Alliot-Marie, alors garde des Sceaux, un nouveau programme de construction et de réhabilitation de places de détention a été engagé dès 2011, avec l’objectif d’un parc de 70 000 places à la fin de l’année 2017, objectif qui devrait être porté à 80 000 par la future loi de programmation pour l’exécution des peines qui sera présentée par le Gouvernement dans les prochains jours.

Dénommé « nouveau programme immobilier » (NPI), ce plan de restructuration du parc immobilier pénitentiaire vise, d’une part, à assurer des conditions de détention plus dignes, en conformité avec les Règles pénitentiaires européennes et les prescriptions de la loi pénitentiaire, et, d’autre part, à augmenter les capacités d’hébergement de l’administration pénitentiaire afin d’améliorer le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement prononcées par les juridictions pénales et d’assurer l’encellulement individuel des personnes détenues.

Le NPI prévoit la construction de 25 nouveaux établissements, dont 2 en outre-mer, ainsi que des réhabilitations (la maison d’arrêt de Paris-La Santé et le centre pénitentiaire de Nouméa) et une extension (centre pénitentiaire de Ducos). Concomitamment à la livraison de ces structures, la fermeture de 36 sites est programmée. D’ici à la fin de l’année 2017, environ 14 282 nouvelles places remplaceront 7 570 places vétustes, soit un solde net de 6 712 places, comme le montre le tableau suivant.

Nombre d’ouvertures

+ 14 282 places

+ 13 966 cellules

Nombre de fermetures (places théoriques)

- 7 570 places

- 5 788 cellules

Solde

+ 6 712 places nettes

+ 8 178 cellules nettes

Source : direction de l’administration pénitentiaire

La capacité du parc pénitentiaire français sera ainsi portée à 70 400 places, réparties dans 62 500 cellules, ce qui garantira un meilleur taux d’encellulement individuel conformément à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

PROJECTION DU NOMBRE DE PLACES ET DE CELLULES APRÈS EXÉCUTION
DU NOUVEAU PROGRAMME IMMOBILIER

 

Nombre de places théoriques

Nombre de cellules

État actuel (1er avril 2011)

57 254

47 939

À l’échéance du nouveau programme immobilier

70 400

62 500

Source : direction de l’administration pénitentiaire

—  Les ouvertures d’établissements prévues dans le cadre du nouveau programme immobilier

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par le ministère de la Justice et des libertés, la priorité de l’administration pénitentiaire s’agissant des nouvelles constructions est de rechercher des sites suffisamment proches des grandes agglomérations, afin de bénéficier d’une offre de services indispensable à ce type d’établissement (hôpitaux, police, éducation nationale, réseau associatif dense, offres de logements) et d’une desserte satisfaisante par les transports en commun. Votre rapporteur pour avis avait souligné, dans le cadre de son avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2011, les difficultés qu’avaient pu engendrer certains choix d’implantations trop excentrées dans le cadre du programme « 13 200 », et avait préconisé que « l’administration pénitentiaire, sous réserve de la recherche du meilleur équilibre entre coût et centralité de l’implantation, privilégie à chaque fois que cela est possible des implantations centrales, afin de faciliter l’intégration des nouveaux établissements dans leur environnement dès leur ouverture » (7). Dès lors, il ne peut que se réjouir de la nouvelle orientation définie par l’administration pénitentiaire pour la recherche des sites d’implantation des établissements du NPI.

Le tableau suivant détaille les différents sites envisagés et le nombre de places prévues pour chaque établissement du NPI. Selon les précisions données par la direction de l’administration pénitentiaire, la construction des établissements de Marseille (Baumettes 2, pour 528 places) et Aix-Luynes (Aix 2, pour 672 places) n’est pas rattachée au programme NPI mais au programme « grandes réhabilitations » (voir supra).

ÉTABLISSEMENTS OU QUARTIERS PRÉVUS DANS LE CADRE
DU NOUVEAU PROGRAMME IMMOBILIER

Direction interrégionale des services pénitentiaires

Lieu de la nouvelle construction (8)

Nombre de places créées (9)

Bordeaux

St Jean d’Angély

336

Eysses (Villeneuve-sur-Lot) (10)

504

Bordeaux

589

Dijon

Dijon

476

Aube/Troyes

514

Orléans-Saran

770

Lille

Lille

762

Beauvais

594

Béthune

672

Rouen

612

Lyon

Valence

456

Riom

554

Marseille

Marseille (Baumettes 3)

640

Outre-mer

Ducos (Martinique)

160

Saint-Pierre (La Réunion)

200

Nouméa (Nouvelle-Calédonie)

500

Papeari (Polynésie)

410

Paris

Réhabilitation de la MA Paris-La Santé

900

Région parisienne – site 1

732

Région parisienne – site 2

630

Région parisienne – site 3

339

Rennes

Angers

504

Manche

366

Caen

569

Vendée

336

Strasbourg

Oermingen/Bas-Rhin

336

Lutterbach (Mulhouse)

732

Toulouse

Sauzet

336

Total

27 opérations

14 529

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par la direction de l’administration pénitentiaire, 22 sites sont d’ores et déjà prévus budgétairement sous la forme de contrats de partenariat, en prévoyant une première signature de contrat dès 2012. Pour l’ensemble du NPI, le besoin en autorisations d’engagement « signature » est évalué à 5,8 milliards d’euros, dont 5,4 milliards d’euros ont été prévus sur la période triennale 2011-2013. Les autres sites seront traités budgétairement sous la forme de montages de maîtrise d’ouvrage publique, de type conception-réalisation. L’allotissement et la planification de la livraison des nouveaux établissements sont en cours de finalisation.

—  Les fermetures d’établissements prévues dans le cadre du nouveau programme immobilier

Le choix des établissements à fermer s’est effectué sur des critères de vétusté et d’inadaptation fonctionnelle, se traduisant par une impossibilité à mettre en œuvre les prescriptions de la loi pénitentiaire et les règles pénitentiaires européennes sauf à engager d’importants travaux de restructuration.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la fermeture de 86 établissements avait été initialement évoquée. Après que ce nombre eut été une première fois abaissé à 45 en juillet 2010, un nouvel examen réalisé par le garde des Sceaux dans le cadre d’une large concertation avec les élus locaux et les personnels de l’administration pénitentiaire a conduit à fixer à 36 le nombre de sites devant être désarmés. Pour déterminer ces sites, ont été particulièrement pris en compte les conditions de détention, notamment au regard des normes de la loi pénitentiaire, l’impossibilité de rénover ou de mettre aux normes les établissements du fait des contraintes financières ou de contre-indications techniques, la distance avec l’établissement de remplacement, l’enclavement des sites et leur situation géographique particulière, le respect de l’aménagement du territoire et des équilibres territoriaux, l’impact sur les extractions judiciaires dont la compétence va être progressivement assumée par le ministère de la Justice, l’implantation géographique des personnels et le respect du maintien des liens familiaux pour les personnes détenues.

Dans le cadre de la politique de modernisation des prisons françaises, le garde des Sceaux a annoncé le 5 mai 2011 que les 9 établissements qui sont, en définitive, maintenus par rapport aux annonces de juillet 2010 seront rénovés et mis aux normes au regard des prescriptions posées par la loi pénitentiaire. Des expertises des sites maintenus sont en cours, afin d’établir un diagnostic de la situation existante et de déterminer les travaux à conduire pour assurer leur pérennisation. Le bilan de ces expertises, prévu pour la fin de l’année 2011, permettra à l’administration pénitentiaire de mettre en œuvre un plan de remise à niveau dans le cadre du prochain plan budgétaire triennal.

Le tableau suivant détaille les sites qui seront désarmés dans le cadre du NPI, le nombre de places fermées et le calendrier prévu pour ces fermetures.

ÉTABLISSEMENTS OU QUARTIERS DONT LA FERMETURE EST PRÉVUE
DANS LE CADRE DU NOUVEAU PROGRAMME IMMOBILIER

Direction interrégionale
des services pénitentiaires

Établissement

Nombre de places fermées

Année de fermeture

Bordeaux

MA Rochefort

51

2016

MA Saintes

83

2016

MA Bordeaux-Gradignan

405

2015

MA Agen

146

2017 ou 2018

CD Eysses (réhabilitation) (11)

301

2017

Dijon

MA Orléans

105

2014

MA Troyes

116

2016

MA Dijon

187

2016

MA Chartres

112

2014

Lille

MA Compiègne

82

2015

MA Beauvais

117

2015

QCD de Liancourt

162

2015

QMA et QCD de Loos

807

2011

MA Rouen

649

2016

MA Béthune

180

2016

MA Dunkerque

105

2016

Lyon

MA Riom

114

2015

CD Riom

168

2015

MA Clermont-Ferrand

86

2015

MA Valence

137

2015

Outre-mer

MA Saint-Pierre de La Réunion

121

2018

Paris

CD Melun

310

2016

MC Poissy

309

2016

MA Paris-La Santé

483

2014

Rennes

MA Fontenay-le-Comte

39

2017 ou 2018

MA Caen

310

2017

CP Caen

467

2017

MA Coutances

48

2017

MA Cherbourg

46

2017

MA Angers

267

2017

MA La Roche-sur-Yon

40

2017 ou 2018

Strasbourg

MA Sarreguemines

71

2017

CD Oermingen

268

2017

MC Ensisheim

216

2015

MA Colmar

120

2015

MA Mulhouse

283

2017

Toulouse

MA Cahors

59

2012

Total

36 fermetures et 1 réhabilitation

7570

 

À la suite d’un arbitrage interministériel rendu en septembre 2010, avait été arrêté le principe du transfert de la charge des extractions judiciaires, jusque-là exécutées par la police et la gendarmerie nationales, de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice ». En effet, depuis plusieurs années, la question de l’administration compétente pour exécuter les missions d’extractions judiciaires ainsi que les missions de garde statique des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) avait fait l’objet de discussions, voire de tensions entre les ministères de la Justice et de l’Intérieur. Le ministère de l’Intérieur considérait ces missions comme des « charges indues », tandis que celui de la Justice estimait que ces missions de sécurité en milieu ouvert ne correspondaient pas au « cœur de métier » de l’administration pénitentiaire.

Une première expérimentation avait été mise en place au sein des tribunaux de grande instance d’Épinal et de Cusset, en lien respectivement avec la maison d’arrêt d’Épinal et le centre pénitentiaire de Moulins, depuis avril 2011. Cette première étape a permis à l’administration pénitentiaire d’apprécier et d’évaluer la réalité de la charge de cette mission et a mis en évidence les éventuelles difficultés susceptibles de se poser. Depuis le 5 septembre 2011, la charge des extractions a été entièrement transférée à l’administration pénitentiaire dans les régions Auvergne et Lorraine.

Les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle compétence ont été définies par une circulaire du garde des Sceaux en date du 2 septembre 2011 (12). Pour l’organisation de cette nouvelle mission, a été institué dans chaque tribunal concernés un référent unique « extractions judiciaires », chargé d’être « l’interlocuteur unique et reconnu des services concernés de la juridiction et de l’administration pénitentiaire ». Dans chaque direction interrégionale concernée, a été créée une autorité de régulation et de programmation des extractions judiciaires (ARPEJ), chargée de centraliser la réception des réquisitions et d’en assurer la mise en œuvre. Enfin, dans chaque établissement pénitentiaire concerné, a été créé un pôle de rattachement des extractions judiciaires (PREJ), dont les agents sont chargés de l’exécution des missions d’extractions. Le « prêt de main forte » de la part de la police et de la gendarmerie nationales est prévu par la circulaire, « pour les missions d’extractions de personnes présentant un risque grave de trouble à l’ordre public ou inscrites sur le registre des détenus particulièrement signalés ».

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, votre rapporteur pour avis avait soutenu le principe de ce transfert de charge, considérant qu’il pourrait permettre de valoriser le rôle de troisième force de sécurité publique de l’administration pénitentiaire en confiant à ses agents des missions de sécurité sur la voie publique. Du reste, à l’exception des représentants du SNEPAP/FSU, les représentants des autres syndicats de l’administration pénitentiaire ne s’étaient pas déclarés hostiles au principe de ce transfert de compétence. Cependant, votre rapporteur pour avis avait souligné que ce transfert de mission ne pourrait s’opérer dans des conditions satisfaisantes que si les emplois permettant l’exercice de cette mission étaient créés au sein de l’administration pénitentiaire et si les agents concernés étaient effectivement préalablement et correctement formés.

L’arbitrage interministériel de septembre 2010 prévoyait que 800 emplois seraient transférés en trois ans de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice » pour l’exercice de ces nouvelles missions, à raison de 200 en 2011, 250 en 2012 et 350 en 2013. Cet arbitrage du transfert de 800 emplois, alors que le coût en emplois pour la mission « Sécurité » était estimé à 1 200, avait été réalisé en prenant en compte les perspectives de réduction significative du nombre d’extractions ouvertes par le développement de la visioconférence et de la télémédecine. L’augmentation importante du recours à la visioconférence par les juridictions corrobore cette prévision : alors que les juridictions avaient utilisé la visioconférence à 12 500 reprises en 2010, la prévision actualisée pour 2011 est de 14 000 utilisations, soit une augmentation de 12 % (13).

S’agissant des deux premières années de mise en œuvre de ce transfert de compétence, les engagements de transferts d’ETPT entre les missions « Sécurité » et « Justice » ont été respectés. Ce sont donc 200 emplois qui ont été créés en 2011 et 250 emplois qui seront créés en 2012 au profit de la mission « Justice », pour l’exécution des missions d’extractions judiciaires. Votre rapporteur pour avis se félicite de ce respect des engagements de transferts d’emplois. Toutefois, le ministère de la Justice et des libertés a d’ores et déjà fait savoir à votre rapporteur pour avis qu’il considérait que la contrainte des ressources allouées à la mission ne permettrait pas d’assurer l’ensemble des extractions judiciaires sur tout le territoire national. Il a fait part de son souhait qu’une inspection interministérielle soit conduite à la fin du premier semestre 2012 pour tirer les conclusions des premiers mois de mise en œuvre de la réforme. Votre rapporteur pour avis partage cette préoccupation, et estime indispensable que le volume d’emplois nécessaire à l’exercice par l’administration pénitentiaire, dans de bonnes conditions, de sa nouvelle mission de réalisation des extractions judiciaires soit réévalué avec la plus grande objectivité et la plus grande précision possibles.

S’agissant de la formation des agents, M. Henri Masse, directeur de l’administration pénitentiaire, a indiqué lors de son audition par votre rapporteur pour avis qu’une formation d’une semaine avait été organisée à l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) à destination des agents appelés à rejoindre les PREJ. Plusieurs représentants des syndicats entendus par votre rapporteur pour avis ont estimé que cette formation était d’une durée trop courte et que son contenu avait pâti d’une certaine précipitation dans sa conception. Votre rapporteur pour avis estime indispensable pour la sécurité des personnels pénitentiaires ainsi que pour la sécurité du public que, pour l’avenir, le contenu des formations puisse être perfectionné, en lien avec les écoles de la police et de la gendarmerie nationales, afin de permettre aux agents pénitentiaires d’exercer ces nouvelles missions sur la voie publique dans les meilleures conditions possibles.

Action 01 : Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice

25 627

Action 02 : Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice

6 636

Action 04 : Soutien et formation

3 248

Total du programme

35 511

 

Plafond autorisé
pour 2011

Demandés
pour 2012

Variation 2011/2012

Magistrats

17

17

0

Personnel d’encadrement

1 392

1 391

- 1

Métiers du greffe, de l’insertion et de l’éducatif (catégorie B)

4 090

4 131

+ 41

Administratifs et techniques (catégorie B)

1 028

1 019

- 9

Personnels de surveillance (catégorie C)

25 525

26 033

+ 508

Administratifs et techniques (catégorie C)

3 005

2 920

- 85

Total

35 057

35 511

+ 454

En 2012, la catégorie d’emploi dont les effectifs augmenteront le plus significativement est la catégorie des surveillants pénitentiaires. Cette augmentation prolonge les précédentes augmentations des effectifs de cette catégorie de personnels et traduit la constance de l’action du Gouvernement dans la volonté de permettre l’ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, pour la catégorie des surveillants pénitentiaires, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit 508 ETPT supplémentaires. Ces postes permettront la mise en service des nouveaux établissements dont le calendrier d’ouverture a été détaillé précédemment, la poursuite du développement des aménagements de peine et en particulier du placement sous surveillance électronique, et la mise en œuvre progressive du transfert de la charge des extractions judiciaires. Venant après des augmentations de 665 ETPT en 2010 et 729 ETPT en 2011, cette nouvelle hausse de 508 ETPT marque la poursuite de l’engagement déterminé du Gouvernement à permettre à l’administration pénitentiaire d’exercer ses missions dans les meilleures conditions possibles, dans un contexte budgétaire dont il ne faut pas oublier le caractère extrêmement contraint.

La catégorie des métiers du greffe et de l’insertion connaît également une légère augmentation de 41 ETPT. Certains représentants des syndicats entendus par votre rapporteur pour avis ont estimé cette hausse insuffisante, dans un contexte pénal marqué par une forte augmentation du nombre des mesures de milieu ouvert suivies par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), passées de 141 697 en 2001 à 173 022 en 2011 (+ 22,1 % en dix ans). Par ailleurs, le rôle des SPIP dans le développement des aménagements de peine a également été sensiblement accru par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, d’une part en raison du relèvement d’un an à deux ans du seuil de peine en deçà duquel les peines d’emprisonnement doivent en principe être exécutées dans le cadre d’un aménagement (articles 132-24 du code pénal et 723-15 du code de procédure pénale), et d’autre part en raison de la nouvelle règle selon laquelle les quatre derniers mois de toute peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans doivent, en principe, être exécutés sous le régime du placement sous surveillance électronique (article 723-28 du code de procédure pénale).

Une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires avait été chargée en mars 2011 d’une évaluation de l’organisation et des besoins en effectifs des SPIP. Dans son rapport qu’elle a remis en juillet dernier, la mission a estimé que « le niveau actuel des effectifs de personnels d’insertion et de probation apparaît globalement adapté » et que « les marges de progression sont à rechercher dans l’amélioration de la gestion des ressources humaines, de l’organisation et du management opérationnel des SPIP davantage que dans une augmentation de leurs effectifs ». Pour autant, la mission a formulé trois préconisations concernant les effectifs des SPIP. Premièrement, ayant relevé que la direction de l’administration pénitentiaire « ne dispose pas actuellement d’un système d’informations lui permettant de connaître avec précision et de façon actualisée la situation des équivalents temps plein travaillé des SPIP », la mission a préconisé que soit engagé à titre préalable un « chantier de définition des organigrammes de référence, comprenant pour chaque structure la définition du niveau d’encadrement, du volume de personnel administratif et du mode d’organisation de la structure ». Deuxièmement, une fois ce préalable satisfait, la mission a préconisé que soit fixé avec précision – en intégrant notamment les entrées en poste, les taux d’absence de longue durée et les départs à la retraite – le nombre de recrutements nécessaire pour atteindre l’effectif de référence des personnels d’insertion et de probation, qu’elle a évalué entre 2 931 et 3 004 ETPT. Troisièmement, pour faire face aux « variations sensibles » que connaît de façon structurelle l’activité des SPIP, la mission a préconisé « d’introduire davantage de souplesse dans la gestion des effectifs par la mise en place d’équipes mobiles de renfort » (14).

Votre rapporteur pour avis partage les conclusions formulées par cette mission et invite l’administration pénitentiaire à mettre en œuvre sans délai ses préconisations concernant la réorganisation des SPIP et la redéfinition de leurs effectifs (15).

La poursuite de l’évolution des métiers pénitentiaires a amené l’administration pénitentiaire à mener plusieurs réformes statutaires et indemnitaires en 2011. De nouvelles évolutions indemnitaires et statutaires sont en projet pour l’année 2012.

●  Les réformes statutaires et indemnitaires intervenues en 2011

—  Les modifications statutaires et indemnitaires concernant les personnels d’insertion et de probation

L’administration pénitentiaire a mené en 2011 une réforme statutaire concernant les personnels d’insertion et de probation, destinée à traduire la refonte de l’organisation des missions et des modes d’intervention des personnels d’insertion avec la mise en place d’équipes pluridisciplinaires au sein des SPIP, dans le cadre d’un protocole signé avec les organisations syndicales le 9 juillet 2011 conformément aux arbitrages rendus par le Premier ministre lors des réunions interministérielles des 30 avril et 25 mai 2009. Cette réforme, traduite dans une série de quatre décrets en date du 23 décembre 2010 (16), s’inscrit également dans le prolongement de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Entrée en vigueur le 1er janvier 2011, cette réforme a un coût estimé à 5,5 millions d’euros hors charges sociales sur cinq ans.

▪ Le statut d’emploi de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d’insertion du ministère de la Justice a été révisé par le décret n° 2010-1638 du 23 décembre 2010. Ce statut d’emploi est rénové et revalorisé, conformément aux principes posés par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) fixant le cadre général des emplois fonctionnels de débouché de la catégorie A type. Il est restructuré en deux groupes distincts selon le niveau des responsabilités exercées et l’importance des services d’insertion et de probation. Des arrêtés en date du 23 décembre 2010 ont fixé la liste et la localisation des emplois de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d’insertion et de probation du ministère de la Justice classés en première catégorie ou en deuxième catégorie, le nombre d’emplois de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d’insertion et de probation ainsi que les grilles indiciaires correspondant aux différentes catégories.

▪ Le statut du corps des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (DPIP) a été modifié par le décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010. Les directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation, classés en catégorie A, exercent des fonctions d’encadrement, de direction, de conception, d’expertise et d’évaluation des politiques publiques, en matière d’insertion et de probation. Responsables de l’organisation et du fonctionnement des SPIP, ils sont chargés d’élaborer et de mettre en œuvre la politique de prévention de la récidive et d’insertion des personnes placées sous main de justice.

La réforme du corps d’encadrement de la filière tire les conséquences de la politique impulsée par la DGAFP en matière de promotion professionnelle interne, de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle et de refonte des concours. Ce corps d’encadrement devient ainsi le corps de débouché des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, avec un accès facilité selon deux modalités : l’examen professionnel et le choix.

Cette évolution se double en parallèle de la mise en extinction du corps des chefs des services d’insertion et de probation, dont le principe est acté par le décret n° 2010-1636 du 23 décembre 2010. La mise en extinction de ce corps, qui comprend actuellement 156 fonctionnaires, se réalisera par intégration progressive dans le corps des DPIP par le biais d’un examen professionnel exceptionnel et d’une nomination au choix pendant cinq ans.

▪ Le statut de corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) a également fait l’objet d’une évolution en 2011, figurant dans le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010, destinée à tenir compte des évolutions législatives nécessitant un recentrage du métier des CPIP sur le champ pénal et criminologique, dans un objectif de prévention de la récidive.

Les CPIP bénéficient désormais, à l’instar des officiers pénitentiaires (lieutenants et capitaines), d’un dispositif de surindiciarisation : les deux grades de ce corps sont placés sur des bornages indiciaires similaires à ceux de lieutenant et capitaine, ce qui leur garantira une réévaluation indiciaire conséquente pour une durée de carrière de 28 ans, durée de carrière inférieure à celle des autres corps de catégorie B type qui ont un déroulement de carrière de 33 ans. Un dispositif transitoire de quatre ans prévoit une montée en charge progressive en cinq ans. Les gains indiciaires individuels seront fonction du grade détenu par l’agent, de l’échelon de reclassement et de l’ancienneté dans l’échelon.

De même, il est procédé à la modernisation des modalités d’accès au grade d’avancement de CPIP hors classe par la mise en place d’un examen professionnel fondé sur la reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle. De plus, un droit d’option sera ouvert aux agents détachés dans l’ancien corps des conseillers d’insertion et de probation pour leur intégration dans le nouveau corps surindiciairisé de CPIP.

Enfin, une clause de fidélisation sur le premier poste de deux ans est instituée, afin d’éviter les mouvements massifs qui nuisent au suivi efficient de la population pénale et déstabilisent les services de certaines directions interrégionales des services pénitentiaires.

—  Les modifications statutaires et indemnitaires concernant les personnels de surveillance

Les modifications statutaires et indemnitaires concernant les personnels de surveillance réalisées en 2011 ont concerné les départements et collectivités d’outre-mer.

▪ La première série de modifications statutaires a concerné le corps de surveillants pénitentiaires de l’État pour l’administration de Mayotte. Le principe d’un réaménagement de carrière pour les surveillants pénitentiaires de l’État pour l’administration de Mayotte a été retenu, sur la base de ce qui a été réalisé pour les agents administratifs et les agents techniques de Mayotte par un décret du 5 novembre 2009, ainsi que pour les agents des douanes de Mayotte par un décret du 30 décembre 2009 (17).

Un accord de principe a émergé avec trois objectifs : premièrement, mettre fin à la disparité de traitement entre le corps des surveillants mahorais et celui des agents administratifs et les agents techniques de Mayotte ; deuxièmement, indexer la rémunération des surveillants sur le SMIC mahorais ; troisièmement, réduire la durée de la période d’intégration dans la grille État, répondant ainsi à la revendication des organisations syndicales tenant à voir leur traitement indiciaire revalorisé. Le ministre chargé de l’Outre-mer a émis un avis favorable le 20 août 2010, de même que le conseil général de Mayotte le 22 novembre 2010.

Cette réforme s’est concrétisée à travers un décret en date du 1er avril 2011 (18). Pour le grade de surveillant, la revalorisation se traduit par l’alignement de la grille sur celle des agents techniques et agents administratifs des autres administrations. De plus, il est procédé à une intégration plus rapide des agents dans le corps des personnels de surveillance de métropole du fait d’une accélération de l’échelonnement indiciaire. Enfin, lors de leur intégration dans la grille des personnels de surveillance, les surveillants ne seront pas reclassés au 1er échelon, mais directement au 3e échelon, ce qui représente un gain en temps de carrière de quatre années et un gain de quinze points d’indice. Pour le grade de premier surveillant, une revalorisation de la grille indiciaire est également réalisée.

L’ensemble de cette réforme permettra de réduire la durée de la phase transitoire. Initialement, l’intégration du corps transitoire de 33 surveillants mahorais au sein du corps d’État des surveillants pénitentiaires actuellement en service à la collectivité départementale de Mayotte devait s’échelonner de janvier 2012 à avril 2019 : avec la réforme menée, l’ensemble des surveillants mahorais seront intégrés dans le statut applicable en métropole au plus tard en décembre 2016.

▪ La seconde modification statutaire concernant les personnels de surveillance, réalisée par un décret en date du 30 décembre 2010 (19), a eu pour objet de mettre en place une déconcentration du recrutement des membres du corps d’encadrement et d’application des personnels de surveillance dans les collectivités d’outre-mer.

Jusqu’à cette réforme, les postes étaient pourvus par les admissions au concours national, ce qui posait de sérieuses difficultés pratiques en raison du décalage horaire. Seule l’organisation matérielle des concours en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon était déléguée au directeur interrégional, chef de la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer.

La déconcentration mise en place en 2011 permettra désormais de délier les phases nationales et locales de recrutement des personnels de ce corps afin de faire coïncider ces dernières avec les besoins des établissements de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par ailleurs, compte tenu des coûts budgétaires de l’organisation du concours national, dont le nombre d’inscrits est généralement compris entre 15 000 et 20 000, la direction de l’administration pénitentiaire avait recours à la liste complémentaire. Mais dans l’intervalle, il était impossible d’ouvrir un nouveau concours, même limité aux établissements ultramarins confrontés à d’importantes vacances de postes, sous peine d’éteindre la liste complémentaire nationale.

La réforme menée permettra d’améliorer la gestion des recrutements des personnels du corps d’encadrement et d’application en permettant une adéquation entre l’expression des besoins (vacances de postes non couvertes par la mobilité) et leur satisfaction. Des concours déconcentrés seront désormais organisés pour pourvoir aux besoins de recrutement des établissements situés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui permettra un gain de souplesse dans la gestion des ressources humaines.

●  Les réformes statutaires et indemnitaires envisagées en 2012

—  La revalorisation du statut des directeurs des services pénitentiaires (DSP)

Les mutations importantes que connaît le service public pénitentiaire conduisent les directeurs des services pénitentiaires (DSP) à développer de nouvelles compétences et à assumer des responsabilités de plus en plus importantes. En effet, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est venue considérablement modifier la gestion de la détention et le fonctionnement de l’ensemble des structures. Les DSP sont désormais les garants du déploiement des mesures prévues par cette loi sur la lutte contre la récidive, mais également sur les garanties des droits fondamentaux des personnes détenues, avec notamment les nouvelles règles relatives aux régimes de détention des détenus. Les DSP exercent donc des missions particulièrement difficiles, stratégiques et en pleine évolution. Cadres responsables de la population carcérale qui leur est confiée, ils sont également les responsables hiérarchiques d’équipes en charge de missions différentes mais complémentaires. Ils sont enfin des gestionnaires garants de la bonne tenue des établissements pénitentiaires, ayant pour mission de mettre en œuvre les réformes de modernisation de l’État.

La réforme statutaire du 15 mai 2007 a positionné le corps des directeurs des services pénitentiaires comme un corps d’encadrement supérieur à travers la structuration en deux grades et la revalorisation des grilles indiciaires. Or, la DGAFP a depuis enclenché des projets de revalorisation statutaire des corps d’encadrement (A type) et d’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État. Un projet de réforme statutaire d’une telle nature ne peut donc se concevoir sans une mise en perspective avec les autres corps d’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État. Dés lors, le projet en cours d’élaboration s’inscrit dans cette démarche, afin que le corps des DSP puisse également, à l’instar des autres corps d’encadrement de l’État, bénéficier d’avancées statutaires semblables.

Le projet en cours d’élaboration vise donc à revaloriser le déroulement indiciaire du corps en ajoutant un échelon spécial contingenté au grade de directeur des services pénitentiaires et à modifier le grade d’avancement des DSP. Compte tenu de la revalorisation de la grille indiciaire, il serait proposé de modifier le mode de sélection des DSP pour l’accès au grade d’avancement. Le projet prévoit un nouveau dispositif d’accès au grade d’avancement de DSP hors classe avec la mise en place d’une voie de sélection basée exclusivement sur un examen professionnel, qui se substituera à la seule nomination au choix prévue à ce jour pour y accéder. L’examen professionnel sera construit essentiellement sur la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP). Ce projet de réforme s’inscrit donc pleinement dans la politique impulsée par la DGAFP en matière de promotion professionnelle interne, de reconnaissance des acquis et de l’expérience professionnelle.

Le coût estimé de cette revalorisation serait de 700 000 € sur quatre ans.

—  L’extension de l’indemnité de fonction et d’objectifs (IFO) aux personnels d’encadrement de la filière insertion et probation

La direction de l’administration pénitentiaire envisage en 2012 d’étendre l’indemnité de fonction et d’objectifs (IFO) aux personnels d’encadrement de la filière insertion et probation. Au-delà de la nécessité d’introduire une culture d’objectifs et de résultats parmi les personnels d’encadrement de la filière insertion et probation, cette réforme a pour objet de permettre de différencier de manière transparente et objective les niveaux différents de responsabilité et d’emploi ainsi que les écarts dans la manière de servir de ces personnels.

Le passage d’une logique statutaire vers une logique fonctionnelle basée sur l’exercice des responsabilités serait recherché. La modulation la plus souple possible serait poursuivie afin de disposer de marge de manœuvre en fin de gestion et de disposer d’un élément juridique de gratification et de motivation dans l’exercice des fonctions. L’IFO comprendrait deux parts : une part fonctionnelle tenant compte des responsabilités, du niveau d’expertise et des sujétions spéciales liées aux fonctions exercées, et une part individuelle liée aux résultats de la procédure d’évaluation de l’agent et de sa manière de servir.

Par grade, le montant individuel annuel serait déterminé par addition des deux parts auxquelles serait appliqué un coefficient multiplicateur (coefficient de gestion décidé par l’administration chaque année) dans la limite d’un plafond par grade. La fixation des montants individuels donne lieu à une négociation avec les organisations syndicales engagée depuis le printemps 2011. Le projet de texte est à l’étude auprès de la DGAFP.

Dans l’opinion publique et les médias, l’image de l’administration pénitentiaire est souvent associée – à titre principal, voire à titre exclusif – à la prison. Cependant, il faut rappeler que la mission de l’administration pénitentiaire s’exerce non seulement en milieu fermé au sein des établissements pénitentiaires, mais aussi en milieu ouvert, et que le nombre de personnes condamnées pour une infraction faisant l’objet d’une mesure exécutée en milieu ouvert est près de quatre fois supérieur au nombre de personnes incarcérées. Mais qu’elles soient exécutées en milieu ouvert ou en milieu fermé, les peines décidées par les juridictions poursuivent toutes le même objectif : assurer la réinsertion de la personne condamnée et prévenir la récidive.

Or, en milieu ouvert, un facteur essentiel pour atteindre cet objectif de réinsertion et de prévention de la récidive réside dans la continuité du suivi de la personne placée sous main de justice. Pour qu’elle puisse être considérée comme utile et efficace, une peine exécutée en milieu ouvert doit donner lieu à un suivi assuré par les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) répondant à deux caractéristiques : il doit être mis en place rapidement après son prononcé ou après l’exécution d’une mesure précédente, et il doit présenter un caractère d’intensité suffisant au regard de la personnalité et du risque de récidive de la personne condamnée.

Preuve de son importance, la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice constitue, aux côtés de la garantie de la sécurité de la détention, l’un des deux axes stratégiques définis par l’administration pénitentiaire et présentés dans le projet annuel de performances accompagnant le projet de loi de finances pour 2012 (20).

Dans un contexte d’augmentation du nombre de personnes placées sous main de justice faisant l’objet d’une mesure de milieu ouvert (1), les efforts réels de l’administration pénitentiaire pour assurer la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice méritent d’être salués (2). Pour autant, certaines difficultés doivent être réglées pour optimiser la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice (3).

Année
(au 1er janvier)

Ensemble des personnes suivies en milieu ouvert

Variation annuelle

2001

141 697

2002

140 622

- 0,8 %

2003

129 269

- 8,1 %

2004

123 492

- 4,5 %

2005

129 784

+ 5,1 %

2006

146 567

+ 12,9 %

2007

142 285

- 2,9 %

2008

148 077

+ 4,1 %

2009

159 232

+ 7,5 %

2010

168 671

+ 5,9 %

2011

173 022

+ 2,6 %

Source : direction de l’administration pénitentiaire

La tendance à la hausse constatée depuis 2004 s’explique par la volonté partagée du Parlement et du Gouvernement de développer les peines alternatives à l’incarcération et les mesures de milieu ouvert. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité puis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ont traduit cette volonté du législateur, notamment par l’institution du principe de l’exécution sous une forme aménagée des peines d’une durée inférieure ou égale à deux ans (21) et par un assouplissement des conditions d’octroi de la libération conditionnelle (22). Des conférences régionales des aménagements de peine ont été créées en 2007 et réunissent deux fois par an, sous la présidence du premier président de la cour d’appel et du procureur général, l’ensemble des acteurs de l’exécution des peines, avec l’objectif de fixer des orientations régionales en matière d’aménagements de peine (23).

Le tableau suivant atteste de l’efficacité de la démarche de développement des mesures de milieu ouvert entreprise depuis 2002.

ÉVOLUTION DE CERTAINES MESURES PRISES EN CHARGE PAR LES SPIP
EN MILIEU OUVERT ENTRE LE 1ER JANVIER 2001 ET LE 1ER JANVIER 2011

Année
(au 1er janvier)

Sursis avec mise
à l’épreuve

Libérations conditionnelles

TIG et sursis TIG

Suivi socio-judiciaire

2001

119 764

5 013

25 411

534 (24)

2011

143 670

7 347

30 746

4 241

Evolution 2001-2011

+ 20 %

+ 46,6 %

+ 21,0 %

+ 694,2 %

Source : direction de l’administration pénitentiaire

À ces mesures de milieu ouvert stricto sensu, il convient, pour mesurer la pleine ampleur du développement des mesures pénales exécutées à l’extérieur des établissements pénitentiaires, d’ajouter également les mesures de placement sous surveillance électronique. Juridiquement, ces mesures ne sont pas des mesures de milieu ouvert, puisque les condamnés qui en font l’objet sont placés sous écrou. Cependant, ces personnes n’étant pas hébergées en établissement pénitentiaire et disposant de plages horaires pendant lesquelles elles peuvent quitter leur domicile, elles peuvent être considérées au sens large comme des personnes exécutant une mesure de milieu ouvert.

En dix ans, le placement sous surveillance électronique a connu une évolution très importante, au point de devenir aujourd’hui la première mesure d’aménagement de peine suivie par l’administration pénitentiaire sur le plan quantitatif.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PLACEMENTS SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE
EXÉCUTÉS ENTRE 2001 ET 2011

Année

Placements effectués

Évolution

2001

130

2002

359

+ 176,2 %

2003

948

+ 164,1 %

2004

2 915

+ 207,5 %

2005

4 128

+ 41,6 %

2006

6 288

+ 52,3 %

2007

7 900

+ 25,6 %

2008

11 259

+ 42,5 %

2009

13 994

+ 24,3 %

2010

16 797

+ 20 %

Source : direction de l’administration pénitentiaire

En stock, le nombre de personnes placées sous surveillance électronique représente désormais plus de 10 % de la population écrouée : ainsi, au 1er janvier 2011, ce nombre était de 5 767 pour 51 273 condamnés sous écrou, soit 11,2 %.

173 022 mesures de milieu ouvert, 5 767 mesures de placement sous surveillance électronique : ces chiffres, ramenés au nombre de condamnés écroués et hébergés dans des établissements pénitentiaires, qui s’élevait au 1er janvier 2011 à 45 506, montre toute l’importance des mesures exécutées en milieu ouvert dans les missions exercées par l’administration pénitentiaire. Comme le souligne un récent rapport remis au garde des Sceaux par un groupe de travail constitué sur l’amélioration du fonctionnement des SPIP, « le centre de gravité du service public pénitentiaire, qui a longtemps été polarisé sur le fonctionnement des établissements pénitentiaires, a tendance à se déplacer vers la prise en charge par les services pénitentiaires d’insertion et de probation » (25). La mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires qui a remis son rapport sur les SPIP en juillet 2011 en a conclu que « les priorités de l’administration pénitentiaire devraient être rééquilibrées au profit des missions d’insertion et de probation pour assurer un meilleur suivi des personnes placées sous main de justice » (26).

Au cours des années passées, l’administration pénitentiaire a largement pris en compte ces évolutions, en accomplissant de réels efforts pour assurer la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice.

S’il importe évidemment que le suivi mis en place par les SPIP ne souffre pas de rupture injustifiée, il est avant tout indispensable que l’intensité du suivi assuré soit individualisée pour chaque condamné, pour tenir compte de sa personnalité et de son risque de récidive. Par exemple, il est tout à fait acceptable qu’un condamné exécutant une peine de sursis avec mise à l’épreuve (SME) présentant un faible risque de récidive au regard de son insertion dans la société ne rencontre un CPIP qu’une fois tous les deux mois. En revanche, il est indispensable que le suivi assuré soit beaucoup plus intensif pour une personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente à une peine de suivi socio-judiciaire, présentant de graves difficultés d’insertion et dont le risque de nouveau passage à l’acte est élevé.

Afin de mieux évaluer l’intensité du suivi devant être mis en place pour chaque condamné, l’administration pénitentiaire a développé un nouvel outil d’évaluation de la personnalité : le diagnostic à visée criminologique (DAVC). Effectué par les CPIP, le DAVC a pour objet d’évaluer la personne placée sous main de justice et de définir le type de prise en charge que sa situation nécessite. Réalisé dès le début de la prise en charge sous la forme d’un bilan de personnalité, le DAVC vise à connaître et comprendre non seulement la personne et sa situation, mais aussi les circonstances et les causes de son passage à l’acte, afin de prévenir la récidive de la manière la plus efficace possible. Plus largement, le DAVC permet d’homogénéiser les pratiques des CPIP en matière d’évaluation des personnes placées sous main de justice et de définition des mesures de suivi et de contrôle à mettre en place.

Cette évaluation de la personne et de son parcours, tant dans sa dimension sociale que criminologique, est en effet essentielle pour déterminer les axes de travail et les modalités d’accompagnement de la personne. Il s’agit notamment de travailler sur l’insertion ou la réinsertion des personnes condamnées, le passage à l’acte et le sens de la peine ainsi que sur le contrôle du respect des obligations. Pour chaque personne suivie, le DAVC permet ainsi :

—  d’identifier ses problématiques et les facteurs ayant contribué au passage à l’acte ;

—  de repérer les « forces » et les « freins » dans la situation de chaque personne, c’est-à-dire les éléments susceptibles de favoriser et ceux susceptibles d’empêcher une évolution positive ;

—  de définir les changements nécessaires et d’élaborer un projet d’intervention pour prévenir la récidive ;

—  enfin, de choisir les types d’interventions adaptés à la personnalité et aux besoins de chaque personne dans le cadre des obligations judiciaires.

Au cours des échanges qu’il a eus avec les personnels des SPIP lors de ses déplacements à Marseille, Nancy et Paris, votre rapporteur pour avis a pu mesurer toute l’importance et la pertinence du DAVC dans la prévention de la récidive. Votre rapporteur pour avis a certes entendu, au cours de ses déplacements, un certain nombre de critiques émises à l’encontre du DAVC, émanant pour l’essentiel de certains CPIP issus du corps des assistants sociaux, qui voient dans l’utilisation du terme « criminologique » un dévoiement de leur métier. Mais sans doute faut-il voir, dans ces quelques réticences, les incertitudes inhérentes à toute évolution professionnelle importante, que le temps et l’adaptation aux nouvelles méthodes de travail requises des CPIP permettront d’apaiser.

Votre rapporteur pour avis voit donc dans le DAVC un outil particulièrement pertinent dans la prévention de la récidive, qui doit nécessairement commencer par une évaluation aussi fine que possible de la personnalité de la personne condamnée et des causes de son passage à l’acte délictueux ou criminel. Ce dispositif devrait être généralisé avant la fin de l’année 2011 à l’ensemble des SPIP, ce dont votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter.

La continuité du suivi des personnes qui, ayant achevé de purger une peine d’emprisonnement, doivent à la suite de celle-ci exécuter une mesure de milieu ouvert, est un facteur essentiel dans la protection de la sécurité de nos concitoyens et la prévention de la récidive. Or, aujourd’hui encore, il arrive encore trop fréquemment qu’une personne condamnée à une peine assortie d’un sursis partiel avec mise à l’épreuve ne soit convoquée ni devant le juge de l’application des peines (JAP) ni devant le SPIP pendant plusieurs semaines après sa libération. La raison principale réside dans le fait que l’organisation du travail des acteurs de l’exécution des peines – magistrats et fonctionnaires de l’administration pénitentiaire – ne leur permet pas de faire en sorte que les condamnés à une peine dite mixte, c’est-à-dire à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel, ou encore à une peine de suivi socio-judiciaire devant être exécutée à la suite d’une peine d’emprisonnement, soient pris en charge sans délai après leur libération.

Le constat fait sur ce point par la mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires est sans ambiguïté : « S’agissant de la continuité de la chaîne pénale, une personne détenue peut actuellement se trouver, une fois libérée, sans suivi et ce pendant plusieurs mois, en raison des insuffisances de communication entre milieu fermé et milieu ouvert, des difficultés inhérentes aux modalités d’exécution des mesures sur le territoire national et de la sous-performance de l’application APPI » (27).

Sur ce point, le drame survenu à Pornic en janvier 2011 (28) a permis une prise de conscience parmi l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale sur la nécessité de mieux assurer la continuité du suivi des sortants de prison devant ensuite exécuter une mesure de milieu ouvert, en prenant en compte leur dangerosité réelle et pas uniquement la dernière infraction commise ou la dernière mesure prononcée.

Le DAVC, présenté précédemment, doit faciliter la mise en place d’un suivi individualisé et mis en œuvre dans des délais déterminés en fonction de la dangerosité de la personne. Mais l’amélioration de la mise en œuvre des mesures de milieu ouvert pour les sortants de prison a également été recherchée par le développement par certains JAP et certains SPIP d’une pratique consistant à remettre aux sortants de prison devant exécuter une mesure de milieu ouvert, avant leur libération, une convocation à comparaître devant eux. Cette pratique, tout à fait souhaitable, permet en effet d’améliorer la continuité du suivi du condamné en s’assurant qu’il a bien eu connaissance de la convocation qui lui est remise.

Du reste, cette pratique pertinente a été récemment consacrée par le législateur qui, dans la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, a introduit deux dispositions nouvelles rendant obligatoire la remise, avant leur libération, aux sortants de prison condamnés soit à un sursis partiel assorti d’une mise à l’épreuve soit à un suivi socio-judiciaire d’une convocation à comparaître devant le SPIP. Pour les condamnés à un SME, le délai de la comparution devant le SPIP est fixé par le nouvel article 741-1 du code de procédure pénale à huit jours à compter de la libération pour les personnes condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, et à un mois dans les autres cas. Pour les condamnés à une peine de suivi socio-judiciaire, le nouvel article 763-7-1 du code de procédure pénale a fixé le délai de comparution à huit jours.

En outre, la mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires a préconisé la « mise en place d’une procédure d’alerte et de convocation pour sécuriser la prise en charge, en milieu ouvert, des personnes condamnées à des peines mixtes » (29). Cette préconisation, qui viendrait conforter les efforts en cours pour accélérer la convocation des condamnés à des peines mixtes devant le JAP ou le SPIP, ne peut naturellement que recevoir l’appui de votre rapporteur pour avis.

Les mesures déjà prises pour accélérer la mise en œuvre des mesures de milieu ouvert pour les sortants de prison ne peuvent qu’être saluées par votre rapporteur pour avis. Pour autant, certaines difficultés doivent encore être réglées afin d’optimiser la continuité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice.

Le logiciel d’Aménagement des Procédures Pénales (APPI) est un outil informatique commun aux services de l’application des peines et aux SPIP, destiné à permettre la gestion commune des mesures dont ces services ont la charge. Son objectif est de faciliter, par le partage d’informations, le suivi de l’aide apportée à la personne libérée et des mesures d’enquêtes et de contrôle confiées aux SPIP. L’efficacité de cet outil repose largement sur sa mise à jour en temps réel aussi bien par les magistrats chargés de l’application des peines que par les personnels des SPIP.

Outil de dialogue entre les magistrats et les SPIP, APPI doit également permettre aux conseilleurs pénitentiaires d’insertion et de probation de dialoguer entre eux, notamment en cas de peine mixte ou de rattachement de la personne suivie à un autre SPIP.

Dans les faits, APPI fait l’objet d’utilisations très variables. Notamment, certains magistrats n’intègrent pas les données relatives à la condamnation ou référencent les obligations auxquelles est astreinte la personne libérée de manière inexacte. La mise à jour du dossier est également difficile à mettre en œuvre du côté des SPIP. En effet, en l’absence d’une dématérialisation totale des procédures, l’enrichissement du logiciel oblige les CPIP à réaliser de nombreuses opérations par deux fois, en version papier et en version électronique. Or, comme pour les magistrats, leur charge de travail ne leur permet pas toujours de se consacrer à cette tâche.

Les défauts dans l’utilisation du logiciel par les magistrats peuvent avoir un effet bloquant sur le travail des SPIP. En effet, si le magistrat chargé de l’application des peines omet de valider une mesure par le biais du logiciel, le SPIP peut ne pas être en mesure de faire exécuter la mesure dont il est pourtant juridiquement saisi. Les personnels des SPIP rencontrés par votre rapporteur pour avis souhaiteraient dès lors avoir davantage « la main » sur l’alimentation du logiciel.

Enfin, l’application elle-même pourrait, sous certains aspects, être améliorée. En effet, plusieurs défauts ont été indiqués à votre rapporteur pour avis. En termes de statistiques, APPI ne permet pas de connaître le nombre de personnes suivies, mais uniquement le nombre de mesures en cours d’exécution. Par ailleurs, une fois la mesure exécutée, les rapports réalisés par les CPIP ne sont plus disponibles via le logiciel, alors même que la communication de ces informations peut se révéler essentielle par la suite.

Au demeurant, l’utilisation du logiciel APPI apparaît symptomatique des relations insuffisamment développées qui existent parfois entre les agents des SPIP et les magistrats. En effet, certains personnels des SPIP entendus par votre rapporteur pour avis ont souligné d’importants et fréquents problèmes de communication entre les deux entités. Notamment, les agents des SPIP déplorent que certains juges chargés de l’application des peines leur fassent parvenir des dossiers insuffisamment alimentés, qui ne leur permettent pas d’évaluer correctement la situation et les contraignent à demander des documents supplémentaires qui, souvent, leur parviennent sous des délais importants. En outre, les pratiques des magistrats semblent extrêmement variables, ce qui contraint les CPIP à s’adapter à différentes méthodes de travail, en fonction des magistrats. Il conviendrait donc que soit assurée la transmission systématique et rapide du dossier de la personne libérée au SPIP chargé de son suivi en milieu ouvert et que, au moins au sein d’un même service de l’application des peines, et idéalement au niveau de chaque cour d’appel, les pratiques des JAP soient harmonisées.

Année

Ensemble des personnels affectés dans les SPIP (30)

Variation annuelle

2002

2 262

2003

2 350

+ 3,9 %

2004

2 527

+ 7,5 %

2005

2 707

+ 7,1 %

2006

2 887

+ 6,6 %

2007

3 244

+ 12,4 %

2008

3 491

+ 7,6 %

2009

3 747

+ 7,3 %

2010

3 941

+ 5,2 %

Évolution 2002-2010

+ 74,2 %

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Cependant, la question qui se pose depuis plusieurs années et continue de se poser aujourd’hui est celle de savoir si cette augmentation a été suffisante pour permettre aux SPIP de remplir leurs missions dans des conditions satisfaisantes. En 2009, le rapporteur du projet de loi pénitentiaire à l’Assemblée nationale, M. Jean-Paul Garraud, après avoir relevé que de très importants recrutements avaient été réalisés entre 2002 et 2007 pour renforcer les SPIP, avait souligné que l’augmentation intervenue n’avait « toutefois pas permis aux SPIP de disposer de davantage de temps pour le suivi de chaque mesure qui leur est confiée ni à chaque agent des SPIP de voir le nombre de mesures dont il est saisi baisser significativement. En effet, l’augmentation du nombre de mesures de milieu ouvert, passé de 125 000 en 2005 à 146 000 en 2007, les moyens consacrés à la préparation des projets d’insertion et d’aménagement de peine en milieu fermé, l’exécution d’un nombre considérable de mesures en attente ainsi que les nouvelles tâches confiées aux SPIP ont absorbé l’essentiel des nouveaux moyens qui leur ont été alloués, sans permettre d’améliorer ni les conditions de travail des agents ni la qualité du suivi mis en place ». Ayant rappelé qu’« un simple placement sous PSE sans accompagnement ou des aménagements octroyés sans réel effort de réinsertion ne permettront pas de prévenir efficacement la récidive », il avait en conséquence appelé à un renforcement significatif des moyens des SPIP (31).

Dans son avis sur les crédits de l’administration pénitentiaire dans le projet de loi de finances pour 2010, votre rapporteur pour avis s’était également interrogé « sur le caractère suffisant de l’augmentation des effectifs de SPIP prévue par l’administration pénitentiaire (262 créations de postes en 2010 et 80 en 2011), calculée principalement en fonction de l’augmentation prévue du nombre de PSE ». Il avait indiqué qu’il se montrerait « vigilant dans le cadre de l’exécution budgétaire et des futurs projets de loi de finances sur l’éventuelle nécessité d’accroître cet effort de recrutement des personnels d’insertion et de probation pour permettre la mise en œuvre effective et efficace de la partie de la loi pénitentiaire consacrée aux aménagements de peine » (32).

Au début de l’année 2011, le drame survenu à Pornic a malheureusement mis en évidence les difficultés pour les SPIP à faire face à l’augmentation de leur charge de travail avec les effectifs dont ils disposent aujourd’hui. Le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy a, à l’occasion de l’inauguration du centre pénitentiaire de Réau le 13 septembre 2011, tout en saluant le travail accompli par les personnels des SPIP dans la prévention de la récidive, reconnu les difficultés de personnels de ces services.

C’est pour cette raison que la mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires, déjà mentionnée précédemment, avait été chargée en mars 2011 d’une évaluation de l’organisation et des besoins en effectifs des SPIP. Comme votre rapporteur pour avis l’a déjà indiqué en présentant les plafonds d’emploi ouverts pour le programme « Administration pénitentiaire », la mission a estimé que le niveau actuel des effectifs de personnels d’insertion et de probation était « globalement adapté » et que les marges de progression étaient surtout à rechercher dans l’organisation du travail des services et dans l’amélioration de la gestion des ressources humaines. Cependant, la mission a formulé trois préconisations concernant les effectifs des SPIP :

—  premièrement, ayant constaté les insuffisances des informations dont dispose la direction de l’administration pénitentiaire sur les effectifs des SPIP, la mission a préconisé que soit engagé à titre préalable un « chantier de définition des organigrammes de référence, comprenant pour chaque structure la définition du niveau d’encadrement, du volume de personnel administratif et du mode d’organisation de la structure » ;

—  deuxièmement, une fois ce préalable satisfait, la mission a préconisé que soit fixé avec précision – en intégrant notamment les entrées en poste, les taux d’absence de longue durée et les départs à la retraite – le nombre de recrutements nécessaire pour atteindre l’effectif de référence des personnels d’insertion et de probation, qu’elle a évalué entre 2 931 et 3 004 ETPT. Cet effectif de référence permettrait que soient respectés les ratios de nombre de mesures prises en charge par CPIP que la mission estimerait satisfaisants, à savoir 86 personnes suivies par CPIP en milieu ouvert et 73 personnes suivies par CPIP en milieu fermé ;

—  troisièmement, pour faire face aux « variations sensibles » que connaît de façon structurelle l’activité des SPIP, la mission a préconisé « d’introduire davantage de souplesse dans la gestion des effectifs par la mise en place d’équipes mobiles de renfort » (33).

Votre rapporteur pour avis partage les conclusions formulées par cette mission et invite l’administration pénitentiaire à mettre en œuvre sans délai ses préconisations concernant la réorganisation des SPIP et la redéfinition de leurs effectifs, afin de permettre à ces services d’assurer dans des conditions satisfaisantes leur mission essentielle dans la prévention de la récidive.

Outre les aspects quantitatifs qui viennent d’être développés, une réflexion de nature qualitative est actuellement à l’œuvre sur le rôle des SPIP. Afin d’assurer un suivi individualisé et de prévenir au mieux la récidive, l’administration pénitentiaire a entrepris de recentrer les SPIP sur leur cœur de métier, la prévention de la récidive, et de doter les CPIP d’outils leur permettant de mieux accomplir leur mission.

D’une part, afin de permettre aux CPIP de mettre en œuvre un suivi adapté au profil de la personne libérée, une nouvelle méthode de gestion, appelée « segmentation », a été expérimentée dans plusieurs SPIP. Il s’agit d’établir, dans les six mois qui suivent le début de la prise en charge en milieu ouvert, les besoins de la personne libérée en matière de suivi et de contrôle, et de répartir les condamnés, en fonction de leur profil et des risques de récidive qu’ils présentent, en quatre ou cinq catégories appelées « segments ». Dans ce cadre, les segments les moins problématiques, qui ne nécessitent pas de prise en charge socio-éducative, sont pris en charge par des surveillants pénitentiaires. Cette prise en charge différenciée a pour intérêt de faciliter la gestion des dossiers confiés aux CPIP et de concentrer leur action sur les personnes nécessitant le suivi le plus poussé.

D’autre part, certaines tâches anciennement dévolues aux CPIP sont aujourd’hui confiées à d’autres personnels. Ainsi, les associations prennent aujourd’hui le plus souvent en charge les permanences d’orientation pénale, ce qui a permis de décharger les CPIP de ces missions. Une réflexion est également en cours en ce qui concerne le rôle des assistants sociaux, des psychologues, des personnels administratifs ou encore des coordonnateurs socioculturels (34). L’introduction d’une certaine pluridisciplinarité au sein des SPIP est un axe privilégié pour permettre aux CPIP de se recentrer sur leur cœur de métier.

Toutes ces évolutions, qui amélioreront l’efficacité des SPIP dans leur mission de prévention de la récidive grâce à une plus grande continuité et une plus grande adaptation de l’intensité du suivi des personnes placées sous main de justice, ne peuvent qu’être encouragées par votre rapporteur pour avis.

Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) est une mesure de sûreté introduite en droit français par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Issue d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par nos collègues Pascal Clément et Gérard Léonard, la création de cette mesure faisait suite aux travaux d’une mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, qui avait préconisé l’instauration du PSEM afin de « contribuer à la réinsertion des personnes concernées en facilitant leur mobilité géographique tout en permettant aux services de contrôle de s’assurer, le cas échéant, de la localisation du condamné avec précision et rapidité » (35).

Initialement prévu uniquement dans le cadre du suivi socio-judiciaire, de la libération conditionnelle et de la surveillance judiciaire, le PSEM a vu son champ d’application progressivement étendu. Six ans après son introduction, il est apparu nécessaire à votre rapporteur pour avis d’en proposer une évaluation dans le cadre du présent avis budgétaire. Pour ce faire, votre rapporteur pour avis a effectué plusieurs déplacements et réunions : au cours de ses différents déplacements à Marseille, Nancy et Paris, il a échangé avec les personnels de l’administration pénitentiaire (personnels de surveillance et personnels des SPIP) en charge de la mise en œuvre du PSEM. Il a également visité le pôle centralisateur du suivi des personnes placées sous surveillance électronique de Lille. Initialement installée au sein du centre de semi-liberté d’Haubourdin, dans des locaux qui se sont rapidement révélés trop exigus et inadaptés à cet usage, cette plateforme a été transférée en 2011 dans les locaux de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille. Ce transfert a permis une très nette amélioration des conditions de travail des personnels, ce dont votre rapporter se réjouit.

Après une présentation du cadre légal du PSEM (1), puis de ses objectifs et de son fonctionnement technique (2), votre rapporteur pour avis en présentera un bilan (3).

Exclu pour les mineurs, le PSEM peut aujourd’hui être ordonné dans six cadres procéduraux différents :

—  le suivi socio-judiciaire : le PSEM peut assortir la peine de suivi socio-judiciaire, à titre de mesure de sûreté, à l’encontre des personnes condamnées soit à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à sept ans, soit à une peine égale ou supérieure à cinq ans pour des faits commis en double récidive (article 131-36-10 du code pénal), soit, par dérogation, à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans pour des faits de violences ou de menaces commis dans le cadre conjugal ou intrafamilial (article 131-36-12-1 du code pénal) ;

—  la libération conditionnelle : le PSEM peut accompagner la mesure de libération conditionnelle pour les personnes condamnées soit à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à sept ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru (article 731-1 du code de procédure pénale), soit par dérogation à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans pour des faits de violences ou de menaces commis dans le cadre conjugal ou intrafamilial (article D. 539 du code de procédure pénale). La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a prévu que, pour les condamnés à de longues peines (36), la mesure de libération conditionnelle devrait désormais obligatoirement être assortie d’un PSEM, sauf à être précédée de l’exécution d’une mesure de semi-liberté ou de placement sous surveillance électronique probatoire (nouvel article 730-2 du code de procédure pénale, applicable à compter du 1er janvier 2012) ; en outre, afin de permettre le développement du PSEM dans le cadre d’une libération conditionnelle, l’obligation de procéder à l’évaluation de dangerosité prévue à l’article 763-10 du code de procédure pénale a été supprimée (37).

—  la surveillance judiciaire : le PSEM peut être l’une des mesures de contrôle accompagnant la surveillance judiciaire pour les personnes condamnées soit à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à cinq ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire était encouru, soit à une peine égale ou supérieure à cinq ans pour des faits commis en double récidive (article 723-29 du code de procédure pénale) ;

—  la surveillance de sûreté : le PSEM peut constituer l’une des obligations de la surveillance de sûreté, laquelle peut être prononcée à l’issue d’une rétention de sûreté, d’une surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire (article 706-53-19 du code de procédure pénale) ;

—  la rétention de sûreté : le PSEM peut être ordonné en tant qu’obligation accompagnant une permission de sortie accordée aux personnes placées sous le régime de la rétention de sûreté (article 706-53-22 du code de procédure pénale) ;

—  l’assignation à résidence : créée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 avec l’objectif de créer une mesure de contrôle intermédiaire entre la détention provisoire et le contrôle judiciaire, l’assignation à résidence peut être décidée pour les personnes mises en examen lors d’une information judiciaire. Elle peut être accompagnée d’un PSEM soit pour les infractions punies de plus de sept ans d’emprisonnement pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru (article 142-12 du code de procédure pénale), soit, par dérogation, pour des faits de violences ou de menaces commis dans le cadre conjugal ou intrafamilial et punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement (article 142-12-1 du code de procédure pénale).

Ainsi, le PSEM ne constitue jamais une mesure autonome : il est toujours l’accessoire d’une autre mesure, dont il est un moyen de contrôle renforcé. Il s’adresse à des personnes mises en examen ou condamnées pour des faits graves, présentant une dangerosité particulière et un risque de récidive considéré comme important.

Ordonné par l’autorité judiciaire (38), pour une durée maximale de deux ans, renouvelable, le PSEM est subordonné à l’accord de la personne placée, qui doit nécessairement être recueilli avant la mise à exécution de la mesure.

Après une phase d’expérimentation en 2006, le PSEM est devenu applicable sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, de la libération conditionnelle et de la surveillance judiciaire à partir du 3 août 2007 (39). L’application dans le cadre de la surveillance de sûreté et de la rétention de sûreté est possible depuis le 1er septembre 2008 (40). Enfin, dans le cadre de l’assignation à résidence, elle est possible depuis le 25 novembre 2009 (41).

Les objectifs du PSEM sont de contribuer à la réinsertion de personnes majeures réputées dangereuses et de prévenir leur récidive, en permettant aux services pénitentiaires compétents, mandatés par l’autorité judiciaire, d’assurer un suivi et de disposer d’une localisation continue des personnes placées. Ce placement rend possible la vérification du respect des obligations et interdictions fixées par l’autorité judiciaire, la détection immédiate des incidents et violations et l’amélioration de la réinsertion des personnes placées grâce à un accompagnement individualisé assuré par les SPIP.

Il se distingue du placement sous surveillance électronique (PSE), simple restriction à la liberté d’aller et venir se limitant au contrôle de la présence de la personne concernée à son domicile. Au contraire, le PSEM permet de déterminer à distance, à tout moment et sur l’ensemble du territoire national, la localisation géographique de la personne placée, grâce au système GPS (42). Il « concrétise avec une perfection inédite les principes fonctionnels du Panopticon de Bentham : légèreté, adaptabilité, intériorisation, discrétion et réactivité de la surveillance » (43). Concrètement, le PSEM permet de s’assurer que la personne respecte les horaires d’assignation à son domicile, mais également qu’elle ne se rend pas dans les zones d’exclusion définies par l’autorité judiciaire, comme par exemple le domicile de la victime.

En ce qui concerne le dispositif technique, votre rapporteur pour avis a pu constater qu’il était relativement léger. Il est composé d’un bracelet électronique, fixé à la cheville de la personne, en lien avec un récepteur de la forme d’un téléphone portable, porté à la taille. Le récepteur vérifie la proximité du bracelet, reçoit sa localisation grâce au système GPS et transmet ces informations, via le réseau de téléphonie mobile GSM (44), au centre de contrôle. En cas de perte du signal GPS, une localisation via le réseau GSM assure un relais, afin de limiter autant que faire se peut les alertes injustifiées et les vérifications inutiles de localisation de la personne concernée.

Pour mettre en œuvre la surveillance électronique, l’administration pénitentiaire fait appel à un prestataire privé auquel elle loue les dispositifs et logiciels associés nécessaires, ainsi que les prestations afférentes aux dispositifs (maintenance, livraisons et premier niveau de télésurveillance). Attribué à un groupement de sociétés (Datacet, Guidance, Onet-Télem, Accès Sites), le marché actuellement en cours a été notifié au titulaire le 31 août 2009 pour une durée de quatre ans. Ce marché s’applique à tout le territoire national, à l’exception de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie française, où le PSEM n’est pas déployé à l’heure actuelle. Le coût mensuel unitaire de location d’un matériel PSEM est de 171 € hors taxes. Ce prix comprend la location du dispositif ainsi que les prestations de télésurveillance et de maintenance des logiciels et des dispositifs.

Mais, au-delà de ce seul aspect technique, il convient de souligner le fait que la réussite de la mesure dépend fortement du travail des agents pénitentiaires, qui permet, d’une part, l’analyse et l’interprétation nécessaires des données fournies par le système informatique, et, d’autre part, l’orientation des personnes placées dans leurs démarches d’insertion et le respect de leurs obligations.

Trois acteurs pénitentiaires interviennent pour le suivi des mesures de surveillance électronique :

—  le SPIP, qui est chargé par le JAP de l’enquête de faisabilité de la mesure, puis du contrôle du respect des obligations imposées au condamné (vérifications téléphoniques, visites au lieu d’assignation, convocations à l’établissement d’écrou ou au SPIP) ;

—  le pôle centralisateur, implanté auprès de chaque direction interrégionale des services pénitentiaires. Composé de surveillants pénitentiaires et d’un officier, fonctionnant sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce pôle reçoit les alarmes de violation (absence, dégradation de son matériel par le placé,...), les traite (notamment en contactant le placé pour les faire cesser) et établit les rapports d’incident transmis à l’autorité judiciaire ;

—  enfin, les agents de pose, surveillants pénitentiaires, sont chargés des enquêtes techniques de faisabilité, de l’installation du dispositif et des interventions qui doivent avoir lieu sur celui-ci. Des astreintes sont organisées afin de pouvoir remplacer à tout moment un matériel défectueux.

Après une expérimentation engagée en avril 2010 dans dix SPIP pilotes, la généralisation du transfert de la surveillance électronique des établissements pénitentiaires vers les SPIP a été actée (gestion logistique des dispositifs, opération de pose et de dépose et intervention technique en cours de mesure). Au 1er septembre 2011, on comptabilisait 181 surveillants affectés dans les SPIP pour prendre en charge la surveillance électronique.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par le ministère de la Justice et des libertés, au 1er octobre 2011 et depuis le début de la mise en place du PSEM, 132 personnes ont été placées sous surveillance électronique mobile, dont 97 dans le cadre d’une surveillance judiciaire, 17 dans le cadre d’une libération conditionnelle, 17 dans le cadre d’une assignation à résidence sous surveillance électronique mobile (ARSEM) et 1 dans le cadre d’une surveillance de sûreté. À cette même date, 53 mesures étaient en cours, dont 40 prononcées dans le cadre d’une surveillance judiciaire, 3 dans le cadre d’une libération conditionnelle, 9 dans le cadre d’une ARSEM et 1 dans le cadre d’une surveillance de sûreté.

Ce nombre de placements peut paraître relativement modeste, par comparaison avec les 15 997 PSE ordonnés en 2010 et les 7 511 PSE en cours au 1er octobre 2011. Pour autant, ces chiffres ne sont pas réellement comparables, en raison des publics très différents de ces deux mesures et des niveaux de contrainte qu’elles impliquent pour les personnes placées. En effet, alors que le PSE s’adresse à l’ensemble des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans ou dont le reliquat est inférieur ou égal à deux ans, ainsi qu’à tous les condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans auxquels il reste quatre mois d’emprisonnement à purger, le prononcé du PSEM est subordonné à des conditions très restrictives quant aux infractions qui peuvent y donner lieu et aux cadres procéduraux dans lesquels il peut avoir lieu.

Quant aux contraintes imposées aux personnes concernées, elles sont évidemment bien plus fortes pour la personne faisant l’objet d’un PSEM, qui se sait suivie et surveillée à tout instant. Mais cette surveillance permanente est justifiée, compte tenu de la gravité des infractions commises et du risque de récidive élevé que présentent les personnes concernées.

Le nombre de personnes sous PSEM est donc appelé à demeurer, fort logiquement, très inférieur au nombre de personnes sous surveillance électronique fixe. Pour autant, le nombre de placements ordonnés augmente régulièrement, preuve de l’intégration progressive par les juridictions du PSEM dans la palette des mesures de sûreté auxquelles elles peuvent avoir recours.

Dans ses premiers temps d’existence, il a parfois été reproché au PSEM de connaître de trop nombreux problèmes techniques, entraînant pour la personne placée des alarmes et des vérifications de localisation se révélant finalement inutiles en raison de l’absence de violation des obligations.

Votre rapporteur pour avis tient tout d’abord à souligner que certains risques inhérents aux technologies utilisées sont inévitables : tout utilisateur des technologies GPS et GSM, qui restent soumises à certains aléas techniques incompressibles, connaît la possibilité de pertes temporaires de signal. Cependant, les performances techniques des dispositifs, notamment en matière de géolocalisation, s’améliorent au fur et à mesure des évolutions technologiques et du développement des infrastructures de télécommunication.

La surveillance des placés est ainsi de plus en plus fiable, comme l’ont indiqué à votre rapporteur pour avis les personnels de l’administration pénitentiaire en charge de la mise en œuvre du PSEM, avec lesquels il a pu échanger au cours de ses visites à Lille, Marseille, Nancy et Paris. Ainsi, alors que la première génération d’équipements de PSEM, qui ne fonctionnait qu’avec la seule technologie GPS sans relais GSM en cas de perte de signal, entraînait de nombreux appels injustifiés à la personne surveillée afin de s’assurer de sa localisation, la nouvelle génération connaît beaucoup moins de dysfonctionnements, même si la persistance de difficultés liées à la géolocalisation dans certains lieux fermés (supermarchés, cinémas, transports publics en souterrain…) a été signalée à votre rapporteur pour avis au cours de certains de ses déplacements.

L’efficacité de la surveillance en est ainsi nettement accrue, tandis que le poids psychologique de la mesure pour la personne surveillée est atténué.

Sur les 132 placements ordonnés, 23 mesures (17,4 %) ont fait l’objet d’un retrait total et 10 (7,6 %) d’un retrait partiel. Les causes des retraits sont en général multifactorielles et liées au non respect des obligations de suivi de soins ou d’une formation, des interdictions de fréquenter des mineurs et du non-respect des zones d’exclusion ou d’inclusion. Les trois quarts des mesures de PSEM se déroulent donc sans incident d’importance suffisante pour en justifier le retrait total ou partiel.

Le placement sous surveillance électronique mobile soulève toutefois parfois certaines difficultés en termes de réinsertion. En effet, en dépit de son caractère relativement discret, le port du bracelet peut s’avérer stigmatisant, car il atteste d’une certaine dangerosité chez l’individu placé sous surveillance. Ainsi, pour les personnes ne disposant pas de ressources familiales, l’hébergement en foyer social s’avère parfois difficile, certains foyers refusant d’accueillir ces personnes.

Malgré cette difficulté, ce taux de succès de 75 % atteste de l’efficacité du PSEM en tant qu’outil de prévention de la récidive et d’incitation à respecter les obligations judiciaires auxquelles la personne est soumise.

La mise en œuvre concrète du PSEM pourrait être améliorée par deux mesures : d’une part, une amélioration des moyens dont disposent les agents pénitentiaires pour exercer leur mission ; d’autre part, une meilleure communication sur le fonctionnement du PSEM.

Tout d’abord, il a été indiqué à votre rapporteur pour avis que l’efficacité de la surveillance reposait en majeure partie sur la réactivité des acteurs assurant la gestion de ce dispositif. Or, si les agents pénitentiaires sont tenus de réagir dans l’heure, il n’en va pas de même des magistrats, notamment lorsqu’ils sont de permanence. Il a pu ainsi arriver, à l’occasion d’une panne du dispositif, que des agents pénitentiaires ne puissent pas intervenir sur place, faute d’un accompagnement policier qui s’avérait pourtant nécessaire au vu des circonstances locales (intervention de nuit dans une zone urbaine sensible). En effet, le magistrat de permanence avait refusé d’enjoindre aux forces de l’ordre d’accompagner le surveillant pénitentiaire d’astreinte. Celui-ci, afin d’assurer la continuité de la surveillance, avait été contraint de rester en communication téléphonique toute la nuit avec la personne placée sous surveillance. Il pourrait donc être utile de renforcer les moyens dont disposent les agents pénitentiaires pour accomplir leur mission.

En second lieu, il serait nécessaire de mieux communiquer autour du PSEM. En effet, certains magistrats insuffisamment au fait du fonctionnement du dispositif établissent des zones d’exclusion beaucoup trop larges, qui empêchent en réalité toute circulation de la personne placée ou entraînent un nombre d’alertes beaucoup trop élevé, qui ne permet pas de différencier l’alerte pertinente de celle qui ne l’est pas. Les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur pour avis préconisent qu’une communication plus poussée soit réalisée à destination des magistrats, afin que le dispositif conserve toute sa cohérence.

En conclusion, en dépit de ces quelques problèmes pratiques, qui pourront avec l’expérience être résolus relativement aisément, votre rapporteur pour avis considère, six ans après l’introduction du PSEM en droit français et quatre ans après le commencement de sa mise en œuvre sur l’ensemble du territoire, qu’un bilan très positif peut être tiré du fonctionnement du PSEM en tant qu’outil de lutte contre la récidive de personnes présentant une dangerosité élevée. A posteriori, les extensions successives du champ d’application du PSEM apparaissent pleinement justifiées, d’autant plus que ces extensions ont toujours maintenu de strictes conditions de gravité des infractions permettant le placement et de dangerosité de la personne.

Le PSEM apparaît donc désormais comme un élément très important et particulièrement efficace dans le dispositif de prévention de la récidive des criminels les plus dangereux élaboré depuis 2002 par l’actuelle majorité.

II. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du ministère de la Justice concourt à la préparation et à l’exécution des décisions prises par les juridictions pour mineurs. Jusqu’à la mise en place du projet stratégique national de la PJJ pour 2008-2011, cette mission était exercée indistinctement en matière pénale (le public pris en charge étant les mineurs délinquants) et en matière civile (le public pris en charge étant celui des mineurs en danger). Depuis lors, la PJJ a recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants. Le projet de budget pour 2012 traduit un objectif de renforcement de la performance de l’action de la PJJ dans ce domaine.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, la structure du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » avait été modifiée pour tenir compte du recentrage des missions de la PJJ et de l’achèvement désormais quasi complet de l’abandon de la prise en charge des mineurs en danger, conformément à la répartition des compétences entre l’État et les départements telle qu’elle résulte des lois de décentralisation de 1982 et des deux lois du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et relative à la prévention de la délinquance. Pour autant, la PJJ n’a pas entièrement délaissé le champ civil des mineurs en danger, mais se concentre dans ce domaine sur l’aide à la décision des magistrats, l’exécution des décisions de justice civile de prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs relevant du secteur associatif habilité.

Ainsi, l’action n° 02 « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » a-t-elle été supprimée, pour être remplacée par une action n° 05 « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger », qui regroupe désormais les investigations, qu’elles relèvent du civil (ex-action n° 02) ou du pénal, jusque là imputées sur l’action n° 01. Le programme comporte donc désormais deux actions opérationnelles (action n° 01, « Mise en œuvre des décisions judiciaires : mineurs délinquants » et action n° 05) et deux actions d’appui (action n° 03, « Soutien » et action n° 04, « Formation »).

Les tableaux suivants présentent la ventilation des crédits par action ainsi que leur évolution sur un an.

 

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits consommés en 2010

Crédits votés en LFI pour 2011

Crédits demandés pour 2012

Évolution 2011-2012

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

549

527

562

602

+ 7,27 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action 02)

72

75

 

 

 

Soutien (Action 03)

116

110

98

90

- 8,12 %

Formation (Ecole nationale de la Protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

34

32

34

31

- 7,19 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

 

 

64

69

+ 7,11 %

Total

770

744

758

793

+ 4,62 %

En millions d’euros

En crédits de paiement

 

Crédits votés en LFI pour 2010

Crédits consommés en 2010

Crédits votés en LFI pour 2011

Crédits demandés pour 2012

Évolution 2011-2012

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants (Action 01)

549

532

562

582

+ 3,71 %

Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs (Action 02)

74

77

 

 

 

Soutien (Action 03)

118

115

98

90

- 8,10 %

Formation (Ecole nationale de la Protection judiciaire de la jeunesse en 2008) (Action 04)

34

32

34

31

- 7,19 %

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (Action 05)

 

 

64

69

+ 7,11 %

Total

774

757

758

773

+ 1,98 %

En millions d’euros

Les crédits ouverts dans le projet de budget pour 2012 du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » sont marqués par un objectif de performance de l’intervention publique dans la prise en charge des mineurs délinquants : cet objectif se traduit, d’une part, par l’achèvement de la reconcentration des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, et, d’autre part, par le renforcement de l’offre de placement en centres éducatifs fermés, dont le nombre passera à terme de 44 à 64. Ainsi, les moyens sur l’action n° 01 « Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » augmentent-ils fortement, tant en AE (+ 7,3 %) qu’en CP (+ 3,7 %). L’action n° 05 « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger » progresse de 7,1 % tant en AE qu’en CP, concrétisant l’effort croissant consacré à l’aide à la décision des magistrats.

L’augmentation des crédits de l’action n° 01 traduit également la dotation supplémentaire de 10 millions d’euros en crédits de paiement destinée à financer la transformation de vingt unités éducatives d’hébergement collectif en centres éducatifs fermés (CEF). Cette augmentation du nombre de CEF a pour objet de permettre la mise en œuvre de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, qui prévoit désormais la possibilité de placer sous contrôle judiciaire – et donc, le cas échéant, en CEF – des mineurs de treize à seize ans encourant une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour un délit de violences volontaires, d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, sans qu’il soit nécessaire qu’ils aient déjà été pénalement poursuivis ou condamnés.

En revanche, les actions n° 03 « Soutien » et n° 04 « Formation » reculent respectivement de 8,1 % et 7,2 % aussi bien en AE qu’en CP, traduisant les efforts de performance et de rationalisation de l’organisation administrative réalisés par la PJJ. La baisse de l’action n° 03 s’explique par des économies en personnel résultant, d’une part, de la poursuite de la réorganisation territoriale de la PJJ (fusion des petites directions territoriales) et, d’autre part, du transfert de 76 ETPT au profit du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de justice », dans le cadre de la mise en œuvre de plateformes inter-directionnelles de mutualisation des fonctions support relevant du secrétariat général.

La baisse de l’action n° 04 s’explique, quant à elle, par la réforme de la formation initiale des éducateurs (dont les salaires sont comptabilisés sur cette action pendant le temps de formation), ainsi que par la baisse du nombre de stagiaires dans les promotions, conséquence de la légère baisse des effectifs (voir infra).

Action

Plafond d’ETPT ouverts en LFI pour 2011

Plafond d’ETPT demandé pour 2012

Évolution
2011-2012

Action 01 : Mise en œuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants

5 825

5 857

+ 32

Action 03 : Soutien

1 399

1 305

- 94

Action 04 : Formation

557

450

- 107

Action 05 : Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger

720

783

+ 63

TOTAL

8 501

8 395

- 106

Comme en 2010 et 2011, l’évolution des effectifs de la PJJ traduit le souci de la performance dans l’intervention publique. Sans être extrêmement forte, la réduction des effectifs est néanmoins significative (- 106 ETPT, intervenant après des diminutions de 333 ETPT en 2010 et de 117 ETPT en 2011).

Mais, comme l’a souligné au cours de son audition par votre rapporteur pour avis M. Jean-Louis-Daumas, directeur de la PJJ, cette baisse n’affecte pas la capacité opérationnelle de la PJJ sur son cœur de métier qu’est la prise en charge des mineurs délinquants, puisqu’elle est réalisée uniquement grâce à la poursuite de la rationalisation de l’organisation administrative des fonctions de soutien et de formation. Cette rationalisation s’est traduite par la limitation à neuf du nombre de directions interrégionales et à cinquante-trois du nombre de directions territoriales compétentes sur un ou plusieurs départements.

Les réformes statutaires et indemnitaires menées au cours de l’année 2011 visaient à poursuivre la revalorisation des cadres d’emploi de la PJJ et à assurer une prise en compte plus individualisée des contraintes propres liées aux différents emplois. Les réformes envisagées pour 2012 poursuivent ce même objectif.

—  Les réformes statutaires et indemnitaires menées en 2011

●  La réforme des statuts d’emplois de la filière de direction

La réforme de l’administration territoriale de la PJJ a considérablement élargi le champ d’intervention des cadres territoriaux sous statut d’emploi et complexifié leurs missions. Pour cette raison, il a été décidé de redéfinir le cadre réglementaire et de simplifier la classification des statuts d’emploi pour l’adapter aux évolutions de l’organisation territoriale des services déconcentrés de la PJJ en directions interrégionales et directions territoriales, en substituant aux cinq grilles indiciaires antérieures (DF1 et DIR (45), DF2-1 et DF2-2, DF3) trois nouvelles grilles (DF1, DF2 et DF3).

Outre la répartition des emplois de directeurs fonctionnels en trois groupes, le nouveau statut réduit la période de détachement dans un emploi fonctionnel à quatre ans au plus, renouvelable une fois dans les mêmes fonctions et sur le même emploi.

Par ailleurs, afin de prendre en compte l’allongement des carrières, un véritable parcours de carrière sera établi pour les directeurs sous statut d’emploi. Parallèlement, les échelons de fin de grille seront revalorisés afin de mettre en place des fins de carrière plus attractives.

Les deux projets de décret relatifs aux statuts d’emploi de directeur fonctionnel et à l’échelonnement indiciaire applicable ont été présentés aux différentes instances paritaires à l’automne 2010 pour le comité technique central, puis en juillet 2011 pour le comité technique ministériel. Le passage pour avis au Conseil d’État et le recueil des contreseings de la DGAFP et de la direction du budget sont prévus à l’automne 2011, pour une publication des décrets et une entrée en vigueur en novembre 2011.

●  La mise en place du régime indemnitaire des responsables d’unité éducative

Le corps des responsables d’unité éducative (RUE), mis en place depuis 2010, a pour mission d’exercer la direction pédagogique et administrative des unités de la PJJ. Accessible aux corps de catégorie A des chefs de service éducatif, professeurs techniques et conseillers techniques de service social, ce nouveau corps a été régi dans un premier temps par un régime indemnitaire transitoire, qui était modulé dans la limite des plafonds réglementaires liés au corps d’appartenance des personnels ayant accédé au statut de RUE.

Il a été décidé en 2011 d’étendre aux RUE le régime indemnitaire des directeurs de la PJJ. Ils bénéficieront ainsi, en fin d’année 2011, de l’indemnité de fonctions et d’objectifs, indemnité liée à la manière de servir et à la performance (sur le modèle de la prime de fonction et de résultat). Le coût de cette mesure en 2012 est estimé à 458 333 €.

Par ailleurs, en septembre 2011, 40 nouveaux postes de RUE ont été offerts aux chefs de service éducatif, professeurs techniques et conseillers techniques de service social, qui bénéficieront donc du régime indemnitaire des RUE mis en place en fin d’année 2011. Le coût de cette mesure en 2012 est estimé à 81 333 € et à 122 000 € en année pleine.

●  L’ajustement de la part fonctionnelle de la prime de fonctions et de résultats

Depuis le 1er janvier 2011, la prime de fonctions et de résultats (PFR) est versée aux attachés, attachés principaux, conseillers d’administration du ministère de la Justice (CAMJ) et administrateurs civils, avec effet rétroactif au 1er janvier 2010. Elle est composée d’une part fonctionnelle liée aux fonctions exercées, qui a vocation à rester stable pendant toute la durée d’occupation du poste, et d’une part liée aux résultats, corrélée au compte-rendu de l’entretien professionnel.

Pour 2010, seule la part fonctionnelle a été déterminée. La part individuelle pour 2011 est égale au régime indemnitaire actuel, duquel sera soustraite la part fonctionnelle. Cependant la PJJ prévoit de procéder en 2011 à un versement exceptionnel pour les agents s’étant vu gratifier d’un niveau « excellent » à leur dernier compte-rendu d’entretien professionnel et pour les agents dont la part résultats est inférieure à 40 % de leur régime indemnitaire total (pourcentage préconisé par la DGAFP).

Une enveloppe budgétaire de 67 000 € est prévue à cet effet, pour une mise en œuvre rétroactive à compter de janvier 2011.

●  La revalorisation indemnitaire des astreintes

La PJJ a décidé de mettre en place en 2011 une revalorisation la rémunération des astreintes effectuées par ses agents les samedi, dimanche et jours fériés à hauteur de 40 €, au lieu de 30 € actuellement. Cette mesure est justifiée par deux raisons : d’une part, la modification des périmètres de responsabilité des agents sous astreintes, et, d’autre part, la mission de coordination des acteurs de la justice des mineurs désormais assurée par les agents de la PJJ, qui induit de nouvelles responsabilités dans les dispositifs avec les partenaires et une mission de veille sur le secteur associatif.

Le coût de la mesure pour 2011 est évalué à 160 560 €, pour une date d’application en septembre 2011. En année pleine, le coût est évalué à 240 840 €.

●  La revalorisation indemnitaire des psychologues, des assistants de service social et des conseillers techniques de service social

La revalorisation du régime indemnitaire des psychologues, des assistants de service social et des conseillers techniques de service social intervenue en 2011 vise à accompagner la mise en place de la nouvelle mesure judiciaire d’investigation éducative, destinée à renforcer le rôle d’aide à la décision des personnels de la PJJ auprès des magistrats. Cette revalorisation, d’un montant annuel de 500 € par agent, a été mise en œuvre en août 2011.

—  Les réformes statutaires et indemnitaires prévues en 2012

●  La fusion du corps des infirmiers de la PJJ avec le corps interministériel des infirmiers de l’État.

Dans une perspective de renforcement de l’attractivité des carrières, est envisagée l’intégration du corps des infirmiers de la PJJ dans le corps interministériel des infirmiers de l’État régi par un décret du 23 novembre 1994 (46). Les infirmiers de la PJJ passeraient d’une grille indiciaire structurée en trois grades à une grille indiciaire structurée en deux grades. Cette intégration présenterait l’intérêt de s’inscrire dans la politique interministérielle de rapprochement des corps qui remplissent des missions voisines et de résorption des petits corps.

Ce projet a été présenté aux organisations syndicales représentatives du corps, qui ont donné leur accord de principe sur ce projet de fusion. Deux groupes de travail réunissant des représentants de la PJJ et des représentants de la sous-direction du droit des personnels et des relations du ministère de la Santé ont examiné les modalités de fusion des deux corps et rédigé un projet de décret, qui devrait être publié au cours du dernier trimestre 2011. La mise en œuvre de la fusion est prévue au 1er janvier 2012.

●  La poursuite de la mise en place du régime indemnitaire des responsables d’unité éducative

En septembre 2012, 60 nouveaux postes de RUE seront offerts aux chefs de service éducatif, professeurs techniques et conseillers techniques de service social, qui bénéficieront du régime indemnitaire des RUE mis en place fin 2011.

Le coût de cette mesure en 2012 est estimé à 30 853 €. En année pleine, le coût estimé est de 92 000 €.

●  La mise en œuvre des réformes statutaires interministérielles

La PJJ prévoit en 2012 de mettre en œuvre plusieurs réformes statutaires interministérielles.

▪  La mise en place du nouvel espace statutaire de la catégorie B pour les secrétaires administratifs, les éducateurs de la PJJ et les assistants de service social.

En application du troisième volet du relevé de conclusions du 21 février 2008 relatif aux carrières et aux politiques indemnitaires dans la fonction publique, un nouvel espace statutaire a été créé pour les agents relevant de la catégorie B par un décret du 11 novembre 2009 (47), qui fixe les règles désormais applicables aux corps de cette catégorie (nombre de grades, modalités de recrutement, modalités d’avancement…). La nouvelle grille proposée concernera, pour la direction de la PJJ, les éducateurs, les secrétaires administratifs et les assistants de service social.

L’ensemble de ces personnels de catégorie B aura désormais vocation à dérouler sa carrière dans un espace indiciaire unique. Structurée en trois grades, cette nouvelle grille est directement accessible par la voie du concours au niveau des premier et deuxième grades.

Le nouvel espace statutaire de la catégorie B sera mis en place au 1er janvier 2012 pour les secrétaires administratifs et les assistants de service social et en août 2012 pour les éducateurs.

▪  La mise en place du statut particulier du corps interministériel des attachés de l’administration de l’État.

Le projet de mise en place d’un corps interministériel à gestion ministérielle des attachés de la fonction publique d’État coordonné par la DGAFP a obtenu l’adhésion du ministère de la Justice et des libertés. Ce statut interministériel simplifiera la mobilité des agents d’un département ministériel à un autre et facilitera la gestion prévisionnelle des effectifs.

Dans ce cadre, la grille indiciaire pour les attachés sera modifiée par l’ajout d’un grade fonctionnel (attaché hors-classe), ainsi que par la revalorisation du 1er échelon du grade d’attaché. La mise en place de ce nouveau statut est prévue au 1er janvier 2012.

▪  La mise en place d’un échelon spécial pour la catégorie C

Un projet de création d’un échelon supplémentaire pour la catégorie C est à l’étude, mais la direction de la PJJ a indiqué à votre rapporteur pour avis que, pour l’heure, aucune modalité précise d’application n’était encore arrêtée.

●  Les conséquences indemnitaires de la transformation de structures d’hébergement en centres éducatifs fermés (CEF).

La transformation prévue de vingt unités éducatives d’hébergement collectif en centres éducatifs fermés aura pour effet de modifier à la hausse le régime indemnitaire des agents exerçant leurs nouvelles fonctions dans ces CEF. En effet, eu égard au caractère particulier de ces établissements, les agents exerçant dans les CEF bénéficient de la modulation indemnitaire la plus élevée de toutes les structures de la PJJ.

Le coût de cette modulation est estimé à 444 905 € pour l’année 2012 et à 1 334 716 € en année pleine.

Dans le rapport qu’il avait remis en avril 2011 au Président de la République sur le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs, notre collègue Yvan Lachaud avait souligné qu’« un délai excessif entre la commission d’un acte (délit ou incivilité) et la réponse apportée à l’adolescent auteur peut lui laisser penser que son acte est resté sans conséquence et contribue ainsi à développer chez lui un sentiment d’impunité. L’adolescent ayant commis un délit (ou des incivilités) doit être confronté aux conséquences de son acte aussi vite que possible afin que le lien entre l’acte et la réponse apportée soit clairement établi » (48).

Pour lutter efficacement contre ce sentiment d’impunité et empêcher l’ancrage des mineurs dans un processus délinquant, il importe que la justice des mineurs fasse preuve d’une célérité suffisante, dans le respect des principes régissant la justice des mineurs et en particulier de la nécessité de la connaissance de la personnalité des mineurs. La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a récemment apporté de nouvelles réponses pour accélérer le cours de la justice des mineurs, en particulier en créant une nouvelle procédure de convocation par officier de police judiciaire à comparaître devant le tribunal pour enfants.

Mais il importe également – et peut-être même surtout – que, une fois qu’une peine ou qu’une sanction ou mesure éducative a été prononcée, elle soit mise à exécution sans délai inutile après son prononcé, en assurant la continuité entre le prononcé de la sanction et son exécution. Sur ce point, force est de reconnaître que la PJJ a réalisé au cours des dernières années de réels efforts pour accélérer la mise à exécution des décisions prononcées par les juridictions pour mineurs (1). Toutefois, de très sérieuses difficultés doivent aujourd’hui impérativement être réglées pour optimiser la continuité de la prise en charge des mineurs placés sous main de justice (2).

Dans le premier rapport de la mission d’information créée par la commission des Lois sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les mineurs, présenté en 2008, notre collègue Michèle Tabarot avait déploré le trop grand nombre de mesures en attente d’exécution par la PJJ, l’importance de ce stock ayant pour corollaire un allongement des délais de mise à exécution. Elle avait estimé que la réduction du nombre de mesures en attente devait « être une priorité » pour la PJJ, car, « à l’évidence, si le mineur n’est pas pris en charge ou pris en charge trop tardivement après le jugement, la sanction perd de sa valeur pédagogique et le sentiment d’impunité peut se développer » (49).

Trois ans après, de réels progrès ont été accomplis par la PJJ dans la mise à exécution des mesures de milieu ouvert.

ÉVOLUTION DES MESURES DE MILIEU OUVERT EN ATTENTE D’EXÉCUTION PAR LA PJJ
ET DES DÉLAIS D’EXÉCUTION ENTRE 2001 ET 2011

Année
(au 1er janvier)

Mesures de milieu ouvert en cours

Mesures en attente

Taux de mesures en attente

Délai de mise à exécution (en jours)

2001

34 001

4 346

12,8 %

Non communiqué

2002

36 495

3 951

10,8 %

54,7

2003

36 506

3 203

8,8 %

54,2

2004

38 032

2 376

6,2 %

56,1

2005

40 557

3 058

7,5 %

56,1

2006

42 040

3 002

7,1 %

53,5

2007

43 053

3 076

7,1 %

48,2

2008

44 824

2 287

5,1 %

43,4

2009

45 071

1 454

3,2 %

40,1

2010

45 165

1 303

2,9 %

36,7

2011

44 826

1 591

3,5 %

Pas encore disponible

Source : direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Alors même que le nombre des mesures de milieu ouvert a crû de 32 % entre 2001 et 2011, le nombre des mesures de milieu ouvert en attente d’exécution a connu une importante et salutaire diminution. Les mesures en attente, qui représentaient 12,8 % du total des mesures en cours en 2001, ne représentent plus en 2011 que 3,5 % du total des mesures en cours. Corollairement, le délai moyen de mise à exécution des mesures de milieu ouvert s’est également amélioré, passant de 54,7 jours en 2002 à 36,7 jours en 2010.

Dans le troisième rapport de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les mineurs qu’il a présenté en juin 2011, notre collègue Michel Zumkeller a également mis en évidence les progrès réalisés dans les délais d’exécution d’une mesure de milieu ouvert en particulier : le sursis avec mise à l’épreuve (SME). Ayant constaté que « la mesure de sursis avec mise à l’épreuve (SME) voit son délai de prise en charge diminuer très nettement entre 2004 et 2009 passant de 95,5 jours à 53 jours avec en parallèle une stabilisation du nombre des décisions, jusqu’en 2008, une diminution de 8 % étant observée en 2009 », il a relevé que « l’essentiel de la réduction des délais a été réalisé par les services éducatifs, même si les tribunaux ont également contribué à l’effort » (50). Le tableau suivant, qui figurait dans le rapport de la mission d’information, met en évidence la réduction très significative du délai de prise en charge des mesures de SME par la PJJ, passé de 41,1 jours en 2004 à 6,3 jours en 2009.

DÉLAIS DE PRISE EN CHARGE EN JOURS

SME

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Tribunal

54,4

51,8

59,5

51,9

44,2

46,7

DPJJ

41,1

11,5

18,3

11,5

10,0

6,3

Source : ministère de la Justice

Les efforts réalisés par la PJJ pour diminuer le nombre de mesures en attente et les délais de prise en charge et les résultats déjà obtenus méritent d’être appréciés à leur juste valeur et salués par la représentation nationale. Ces résultats récompensent les orientations retenues par la direction de la PJJ, qui dans le cadre de son projet stratégique a fait de la continuité de la prise en charge l’un de ses objectifs principaux. Ainsi, le projet annuel de performances pour 2012 souligne-t-il que l’objectif de continuité implique d’organiser la « réactivité de la prise en charge afin d’assurer la cohérence d’un parcours centré sur l’insertion, tout en évitant le fractionnement des prises en charge. La réactivité des services doit garantir des délais de prise en charge courts ainsi que la capacité à se mobiliser dans un contexte d’urgence ».

C’est la raison pour laquelle la PJJ a fait de la réduction des délais de prise en charge l’un de ses indicateurs de performance, en observant que « le choix de cet indicateur se justifie pour des raisons éducatives : il convient de réduire au maximum la durée s’écoulant entre les faits à l’origine de la mesure éducative et sa mise en exécution. À défaut, la réponse aussi bien judiciaire qu’éducative ne sera pas nécessairement perçue comme directement liée à ces faits » (51).

Certains interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur pour avis au cours de ses déplacements ont émis des réserves à l’égard du raccourcissement des délais de jugement et d’exécution de la peine. Faisant valoir que leur action est temporellement bornée par le mandat pénal, ils ont estimé que des délais de jugement et d’exécution réduits conduisaient à limiter leur temps d’intervention, notamment au stade présententiel (52). Cependant, votre rapporteur pour avis considère que l’idée selon laquelle la sanction pénale est mieux comprise lorsqu’elle intervient peu de temps après la commission de l’infraction est fondée, et qu’il convient donc de persister dans cette voie, en dépit du changement culturel que cela peut impliquer pour les services de la PJJ.

Ainsi, les efforts déjà consentis doivent encore être approfondis, pour rendre encore plus tangible pour le mineur la continuité entre le prononcé de la sanction et sa mise à exécution et éviter toute rupture dans la chaîne pénale, génératrice de sentiment d’impunité.

Dans le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour l’année 2012, la direction de la PJJ souligne que « l’intégration sociale, par l’insertion scolaire et professionnelle des mineurs, est une des missions de la PJJ. (…) Pour les mineurs ne pouvant bénéficier d’emblée des dispositifs de droit commun, la circulaire d’orientation du 25 février 2009, relative à l’action éducative structurée par les activités de jour, prévoit la construction d’un parcours personnalisé pour chaque mineur à partir d’un emploi du temps structuré. L’organisation d’activités de jour a pour objectif le maintien ou la réinscription des mineurs sous mandat judiciaire dans les dispositifs de droit commun en matière de formation et d’insertion professionnelle » (53).

Afin de mesurer l’atteinte de cet objectif, le projet annuel de performances prévoit un indicateur de performances mesurant le taux d’inscription des mineurs pris en charge dans un dispositif d’insertion ou de formation.

Les objectifs fixés en la matière semblent relativement ambitieux, et les résultats obtenus paraissent globalement positifs, même s’ils ne sont pas exactement conformes aux objectifs.

INDICATEUR 1.2 DU PROGRAMME « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE » :
TAUX D’INSCRIPTION DES MINEURS PRIS EN CHARGE DANS UN DISPOSITIF
D’INSERTION OU DE FORMATION

 

Unité

2009
Réalisation

2010
Réalisation

2011
Prévision PAP 2011

2011
Prévision actualisée

2012
Prévision

2013
Cible

Nombre de mineurs inscrits dans un dispositif d’insertion ou de formation / nombre total de mineurs pris en charge

%

80

82

90

84

86

95

Source : Projet annuel de performances de la mission « Justice », programme « Protection judiciaire de la jeunesse »

Pour autant, la réalité du terrain semble moins flatteuse, en particulier pour les mineurs les plus difficiles. En effet, l’indicateur retenu ne distingue pas le taux d’insertion dans un dispositif de droit commun en fonction de la mesure judiciaire dont le mineur fait l’objet ou du nombre d’infractions qu’il a commises. De fait, les résultats de cet indicateur sont vraisemblablement tirés vers le haut par la grande majorité des mineurs pris en charge par la PJJ, qui ont commis une infraction unique, généralement de faible gravité, et font l’objet d’une mesure peu contraignante telle qu’une mesure d’activité de jour. Or, ces mineurs ne sont – fort heureusement – pas majoritairement désinsérés sur le plan de la scolarité ou de la formation professionnelle : leur inscription dans un dispositif de droit commun ne saurait donc être considérée comme un succès de la PJJ si, au début de la mesure dont ils font l’objet, ils y étaient déjà inscrits.

En revanche, il serait beaucoup plus pertinent pour la PJJ de se fixer comme objectif d’atteindre un taux élevé d’inscription dans les dispositifs d’insertion ou de formation pour les mineurs qui, au moment où ils sont confiés à la PJJ, ne sont plus inscrits dans un tel dispositif. De fait, les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur pour avis au cours de ses déplacements ont souligné les difficultés qu’ils rencontraient fréquemment à faire prendre en charge par l’Éducation nationale des mineurs faisant l’objet de mesures judiciaires lourdes, qui ne peuvent dès lors être accueillis qu’au sein des unités d’activité de jour. Ainsi, il serait certainement intéressant que soit fixé, aux côtés de l’objectif général d’insertion des mineurs pris en charge par la PJJ dans les dispositifs de droit commun, un objectif spécifique pour les mineurs les plus difficiles, et notamment pour ceux qui font l’objet de placements en CER ou en CEF ou qui sont incarcérés.

Pour atteindre de bons résultats avec ces mineurs les plus difficiles, votre rapporteur pour avis préconise une amélioration de la coordination avec les autres acteurs impliqués dans la prise en charge des mineurs en difficulté.

L’amélioration de la continuité de la prise en charge des mineurs délinquants requiert que l’ensemble des acteurs de l’enfance joue pleinement leurs rôles respectifs. Tel doit être le cas, en particulier, de l’Éducation nationale, de l’administration pénitentiaire et des conseils généraux.

Tout d’abord, votre rapporteur pour avis estime que l’action de la PJJ devrait être mieux coordonnée avec celle de l’Éducation nationale, notamment, pour les mineurs en situation de grande difficulté scolaire, par une utilisation accrue par la PJJ des dispositifs des classes ou ateliers relais et des internats des établissements de réinsertion scolaire.

Les classes ou ateliers relais sont un dispositif partenarial piloté au niveau national et académique par l’Éducation nationale et reposant sur une coopération entre le ministère de la Justice, les collectivités territoriales et les associations, ayant pour objectif le maintien des jeunes dans un cursus scolaire. Les équipes d’encadrement des classes et ateliers relais sont constituées d’enseignants de l’Éducation nationale, d’éducateurs des conseils généraux ou de la PJJ et, éventuellement, de personnels associatifs du secteur de l’animation. La direction de la PJJ contribue au dispositif des classes ou ateliers relais par l’affectation de 72 ETPT. En 2010-2011, 454 dispositifs, se répartissant en 311 classes relais et 143 ateliers relais, ont pris en charge près de 8 900 élèves. Parmi eux, 450 jeunes faisaient l’objet d’une décision judiciaire pénale, 258 de mesures judiciaires civiles et 511 de mesures administratives (soit 1 219 mesures au total). L’intérêt du dispositif est d’entraîner, grâce à une pédagogie adaptée, à une équipe pédagogique renforcée et au petit nombre de mineurs par dispositif, une réelle remobilisation des jeunes sur leurs études et l’élaboration de leur projet professionnel.

Les internats des établissements de réinsertion scolaire (ERS), créés à la rentrée 2010, étaient au nombre de 16 à la rentrée 2011. Ils accueillent chacun une vingtaine d’élèves de treize à seize ans, qui se sont révélés perturbateurs dans leur établissement scolaire d’origine et qui ont été exclus à plusieurs reprises. Les ERS s’adressent à des élèves certes perturbateurs mais dont les problèmes de comportement ne relèvent ni de pathologies, ni d’une prise en charge en établissements de placement dans le cadre des dispositions de l’ordonnance du 2 février 1945. La direction de la PJJ a conclu une convention de partenariat avec la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) le 13 octobre 2010, prévoyant la participation de la PJJ au comité de pilotage national, au suivi et à l’évaluation des ERS aux côtés de la DGESCO. Les directions territoriales de la PJJ s’impliquent dans le comité de pilotage académique pour le montage, le suivi et l’évaluation de ces dispositifs. La PJJ est également présente dans les commissions d’affectation des élèves. La DPJJ contribue en moyens humains à raison d’un poste d’éducateur jusqu’à 15 élèves puis de deux personnels à partir de 16 élèves répartis sur un poste de cadre (chef de service éducatif) et un poste d’éducateur. Les ERS dépourvus d’internat ou ceux mis en œuvre par des établissements compétents en matière de protection de l’enfance ne sont dotés que d’un personnel. Une première évaluation du dispositif par la DGESCO est en cours.

Compte tenu des difficultés que connaissent sur le plan scolaire les mineurs délinquants les plus difficiles, votre rapporteur pour avis estime donc nécessaire que la PJJ s’efforce, dans toute la mesure du possible et avec un accompagnement personnalisé et adapté à chaque mineur, de s’appuyer davantage sur ces dispositifs des classes ou ateliers relais et des ERS.

En dernier lieu, la continuité de la prise en charge repose également sur la capacité des acteurs à gérer les transitions, notamment lorsque le cadre juridique de l’action publique change. C’est notamment le cas à la fin de la mesure pénale, où le mineur délinquant peut devenir un mineur à protéger et relever du champ civil, ou à la majorité de la personne suivie par la PJJ qui dépend alors, dans un cadre pénal, des SPIP. Les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur pour avis au cours de ses déplacements ont souligné le caractère problématique de ces deux transitions, notamment lorsque les autres acteurs, conseils généraux et SPIP, ne souhaitent pas prendre en charge ces nouveaux dossiers.

Face à cette situation, il est fréquent que la PJJ soit contrainte d’assurer elle-même la continuité de la prise en charge, en suivant le mineur devenu majeur (54) ou, à la fin de la mesure pénale, le mineur qui aurait encore besoin d’être pris en charge. La relation de confiance qui s’instaure entre les éducateurs et les mineurs qu’ils suivent, comme la réticence de certains conseils généraux à prendre en charge ces mineurs considérés comme délinquants, permettent la poursuite du suivi. Toutefois, votre rapporteur pour avis estime indispensable que chacun des acteurs impliqués dans la protection des mineurs, notamment les conseils généraux, exerce pleinement ses prérogatives, conformément aux textes qui régissent, depuis les lois de décentralisation de 1982, l’action sociale et la prise en charge des jeunes majeurs.

Créés par la LOPJ de 2002 et encadrés par l’article 33 de l’ordonnance du 2 février 1945, les CEF sont « des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État ». Les mineurs susceptibles d’y être placés sont les mineurs âgés de treize à dix-huit ans. Les CEF peuvent accueillir des mineurs placés soit en application d’un contrôle judiciaire, soit dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve (depuis leur création), soit à la suite d’une libération conditionnelle (depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité) soit dans le cadre d’un placement à l’extérieur (depuis la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance). S’agissant du contrôle judiciaire, l’article 10-2 (III) de l’ordonnance du 2 février 1945 permet de placer sous ce régime les mineurs de treize à seize ans poursuivis pour des faits de nature correctionnelle dans trois cas : premièrement, « si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et si le mineur a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs mesures éducatives (…) ou d’une condamnation à une sanction éducative ou à une peine » ; deuxièmement, depuis la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, « si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans » ; troisièmement, depuis la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, « si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans pour un délit de violences volontaires, d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences ».

La loi prévoit que les mineurs placés en CEF doivent faire « l’objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité ». Seuls peuvent être habilités les « établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service ». Une prise en charge permanente des mineurs placés, 24 heures sur 24 et tout au long de l’année, est assurée par 24 à 27 agents, conformément à la règle de continuité du service énoncée dans la loi.

Au 1er octobre 2011, 44 CEF étaient en fonctionnement, dont 34 appartenant au secteur associatif habilité (SAH) et 10 au secteur public, pour un total de 488 places. Chaque centre a une capacité d’hébergement comprise entre 10 et 12 mineurs ; toutefois, la capacité de tous les CEF passera progressivement à 12 places, d’ici au début de l’année 2012. 11 CEF sont mixtes, tandis qu’un CEF n’accueille que des jeunes filles. Par ailleurs, depuis 2007, 13 CEF bénéficient de moyens renforcés en santé mentale. Depuis leur création en 2002, les CEF ont accueilli 3 800 mineurs, dont 94 % de garçons et 6 % de filles. 74 % des mineurs placés en CEF sont des réitérants.

Dans un rapport d’information présenté en juillet dernier, les sénateurs Jean-Claude Peyronnet et François Pillet ont présenté une évaluation relativement complète du fonctionnement des CEF (55). Votre rapporteur pour avis, qui a dans le cadre de la préparation du présent avis budgétaire visité les centres éducatifs fermés de Liévin et Saint-Venant (Pas-de-Calais) et de Savigny-sur-Orge (Essonne), s’intéressera quant à lui plus particulièrement au bilan des CEF sur deux points : leur efficacité, tout d’abord, leur coût, ensuite.

En 2002, la commission d’enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs écrivait au sujet de l’incarcération des mineurs : « L’enfermement des mineurs délinquants est parfois une nécessité. Il peut être une nécessité à l’égard de la société qui demande une protection vis-à-vis de jeunes particulièrement violents. Il peut être une nécessité à l’égard du mineur ancré dans un parcours d’auto-destruction » (56). Pour autant, et surtout pour des mineurs, l’incarcération doit toujours demeurer une solution ultime, comme le prévoient, en matière de détention provisoire, l’article 137 du code de procédure pénale et, en matière de peine d’emprisonnement, l’article 132-24 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (57).

Cette volonté de rechercher des solutions alternatives à l’incarcération et, en particulier, à la détention provisoire des mineurs, a été l’une des causes qui ont conduit à la création des CEF par la LOPJ de 2002. En effet, en 2001, la population des mineurs écroués se caractérisait par une très forte surreprésentation des prévenus : alors que, au 1er janvier 2001, la part des prévenus dans l’ensemble de la population pénale représentait 30,1 %, la part des prévenus mineurs parmi l’ensemble des mineurs incarcérés s’élevait à 73,7 %. Ce niveau exceptionnellement haut de recours à la détention provisoire traduisait en réalité l’absence de solutions de placement crédibles à la disposition des magistrats dans l’attente de la comparution des mineurs auteurs de faits graves se trouvant en situation de réitération ou de récidive.

La création des CEF a permis de réduire l’importance du recours à la détention provisoire pour les mineurs, en offrant aux magistrats une solution de placement crédible pour des mineurs réitérants ou récidivistes particulièrement difficiles. Ainsi, la part des prévenus parmi l’ensemble des mineurs incarcérés est passée de 73,7 % au 1er janvier 2001 à 54,8 % au 1er janvier 2011, preuve de la réussite des CEF en tant qu’alternative à la détention provisoire.

Le tableau suivant met en évidence ce recul de l’importance du recours à la détention provisoire pour les mineurs.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE MINEURS INCARCÉRÉS ENTRE 2001 ET 2011

Année
(au 1er janvier)

Nombre total de mineurs écroués

Nombre de mineurs condamnés écroués

Nombre de mineurs prévenus écroués

Part des prévenus

2001

616

162

454

73,7 %

2002

826

196

630

76,3 %

2003

844

216

628

74,4 %

2004

739

272

467

63,2 %

2005

623

209

414

66,5 %

2006

732

243

489

66,8 %

2007

716

262

454

63,4 %

2008

727

311

416

57,2 %

2009

681

290

391

57,4 %

2010

672

275

397

59,1 %

2011

692

313

379

54,8 %

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Instruments efficaces de limitation du recours à l’emprisonnement des mineurs, les CEF ont également fait la preuve de leur efficacité dans la lutte contre la récidive.

Basé sur la conciliation de l’éducation et de la contrainte, le fonctionnement des CEF a pu, à ses débuts, susciter des critiques auxquelles des réponses appropriées ont depuis été apportées. Ce principe donne de réels résultats en termes de prévention de la récidive. Cependant, seules des constatations empiriques permettent aujourd’hui de vérifier cette efficacité, qui devrait être mieux mesurée par un suivi régulier du devenir des mineurs sortis de CEF. Enfin, l’efficacité des CEF pourrait être encore renforcée avec une meilleure anticipation de ce qu’on peut appeler l’« après CEF », que rendrait possible la mise en place d’un véritable parcours de prise en charge du mineur par la justice.

—  Le principe des CEF : l’éducation sous contrainte

Au-delà de la réduction du recours à la détention provisoire pour les mineurs, la création des CEF visait également à améliorer la lutte contre la récidive des mineurs les plus difficiles, engagés dans une spirale délinquante les ayant conduits à commettre en récidive ou en réitération des actes d’une particulière gravité. Pour ce faire, l’objectif poursuivi était de diversifier l’offre des structures à la disposition de magistrats pour ces mineurs, en créant un nouveau type de structure comprenant une forte dimension éducative, tout en offrant un cadre suffisamment « contenant » – sans pour autant consister en une privation de liberté en établissement pénitentiaire. Le terme « contenant », utilisé pour qualifier le fonctionnement des CEF, désigne une structure caractérisée par un encadrement et une discipline stricts, permettant de contrôler le comportement et le risque d’attitude violente des jeunes qu’elle accueille.

Le principe même des CEF est donc de conjuguer la contrainte et l’éducation. Comme l’ont souligné à de nombreuses reprises les personnels des CEF que votre rapporteur pour avis a visités, les CEF ont été conçus dans ce but : apporter aux mineurs de l’éducation dans un cadre de contrainte. C’est la raison pour laquelle aucune négociation n’y est admise sur les activités suivies par les mineurs, qui sont imposées et non proposées.

—  Les réponses apportées à la difficulté de concilier éducation et contrainte

Lors des débats ayant précédé la création des CEF et dans les mois qui ont suivi l’ouverture des premiers établissements, la possibilité même d’éduquer dans un cadre de contrainte était remise en cause par les opposants au dispositif. Aujourd’hui, le fonctionnement concret des CEF a mis en évidence l’absence de contradiction fondamentale entre l’éducation et la contrainte, qui ne saurait être remise en cause par tous ceux qui ont pu voir fonctionner un CEF et échanger avec ses personnels.

Pour autant, le juste équilibre entre contrainte et éducation n’est pas nécessairement aisé à trouver, comme ont pu le montrer les débuts difficiles de quelques CEF aux équipes insuffisamment expérimentées et encadrées. Ainsi, dans des recommandations publiées au Journal officiel le 8 décembre 2010 (58), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait souligné, parmi les difficultés relevées dans les quatre CEF faisant l’objet de ces recommandations, deux défauts pouvant affecter la mise en œuvre du principe de l’éducation sous contrainte : d’une part, une formation inégale des agents exerçant dans les centres, se traduisant par le fait qu’« une part du personnel est notamment constituée d’éducateurs "faisant fonction", parfois sans compétences particulières, peu ou pas formés à l’encadrement des mineurs » ; d’autre part, l’existence de « grandes incertitudes (…) dans la manière de définir la discipline et les moyens de la faire respecter », qui se traduit dans certains centres par « le recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique, laquelle est parfois érigée, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative ».

Sur ces deux points, la direction de la PJJ a, d’ores et déjà entrepris, des actions correctrices destinées à améliorer le fonctionnement des CEF, en développant la formation des personnels et en encadrant davantage le recours aux moyens de contrainte physique. Sur le premier point relatif à la formation, une politique volontariste est mise en œuvre pour améliorer la formation et la qualification des personnels exerçant en CEF. Un questionnaire transmis en janvier 2011 à l’ensemble des établissements a permis de compléter l’étude des besoins en formation et permettra, à la fin de l’année 2011, de mettre en place un programme de formation qui sera proposé à l’ensemble des personnels du secteur public et du secteur associatif habilité. Votre rapporteur pour avis souhaite que l’accès aux formations qui seront proposées aux personnels des CEF soit ouvert dans les mêmes conditions aux personnels du secteur public et du secteur associatif habilité. En effet, certains personnels de CEF appartenant au SAH ont indiqué à votre rapporteur pour avis que l’accès des personnels associatifs aux formations proposées par l’École nationale de la PJJ était en pratique extrêmement délicat, les places disponibles s’avérant assez largement insuffisantes. Compte tenu de l’importance du SAH dans l’offre de places de CEF (75 % des CEF actuellement en service appartiennent au SAH), il est essentiel que leurs personnels puissent être formés dans les meilleures conditions possibles.

Sur la seconde critique relative aux moyens de contrainte employés, un référentiel « Action d’éducation et violence », issu de la circulaire d’orientation du 2 février 2010 relative à l’action d’éducation dans le cadre pénal, sera intégré dans le cahier des charges des CEF et de tout établissement de placement. Ce référentiel traitera des attitudes professionnelles « contenantes » pouvant être utilisées, de manière exceptionnelle, à l’égard des mineurs, pour prévenir un danger ou gérer une situation de crise.

—  L’efficacité des CEF : une réalité de terrain incontestable, attestée par le fort niveau de demande des autorités judiciaires

Les visites de CEF que les parlementaires peuvent effectuer régulièrement, ainsi que les échanges qu’ils peuvent avoir avec les personnels de ces centres et les magistrats prescripteurs, ne laissent aujourd’hui plus de place à l’ambiguïté quant à l’appréciation générale positive portée sur l’efficacité des CEF dans la prévention de la récidive.

Le double effet de l’action éducative et de la vie dans un cadre de discipline stricte a, de l’avis général des professionnels de l’enfance délinquante, un impact très positif sur le comportement des mineurs placés en CEF, permettant de réduire sensiblement le risque de récidive ou de réitération. Comme l’ont relevé les sénateurs Peyronnet et Pillet dans leur rapport d’information précité, les professionnels de la justice des mineurs soulignent « le fait qu’un placement en CEF [permet] d’éviter l’incarcération du mineur et de lui offrir "une dernière chance", alors même que de précédentes prises en charge auraient échoué » (59).

Cette réalité de terrain est attestée de façon incontestable par le fort niveau de demande des autorités judiciaires. Ainsi, les demandes de placement en CEF émises par les magistrats de la jeunesse dépassent dans certains endroits les capacités d’accueil des centres existants. Les personnels des équipes de direction que votre rapporteur pour avis a rencontrés lors de ses visites de CEF ont ainsi fait état de nombreux appels téléphoniques hebdomadaires de demandes d’accueil de mineurs, excédant très largement leurs possibilités. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le taux moyen d’occupation des CEF est de 87 % depuis le début de l’année 2011. À elle seule, cette forte demande des autorités judiciaires atteste donc du fait que les CEF ont répondu à un double besoin de diversification des structures destinées aux mineurs délinquants et d’accueil dans des structures à fort niveau d’encadrement et de discipline.

—  La nécessité de mieux évaluer l’efficacité des CEF par un suivi des mineurs qui y ont été placés

Mais au-delà de l’évaluation empirique de l’efficacité des CEF et de l’appréciation positive dont ils bénéficient désormais, il serait nécessaire de disposer de données statistiques sur le devenir des jeunes ayant été placés en CEF. Or, comme ont déjà pu le déplorer les sénateurs Peyronnet et Pillet, les données objectives sur les résultats des CEF sont, pour l’heure, extrêmement insuffisantes.

Les seules données objectives existantes sont issues d’une étude réalisée au cours de l’année 2008 par le ministère de la Justice. Réalisée en examinant le bulletin n° 1 du casier judiciaire de 358 mineurs placés entre 2003 et 2006 dans treize CEF, cette étude avait pour objectif de mesurer le taux de réitération à l’issue du placement. Cette étude a mis en évidence l’existence d’un lien direct entre la durée du placement et le taux de réitération. Ainsi, il apparaît qu’au-delà de quatre mois de placement en CEF, le taux de réitération des mineurs diminue : le risque de réitération d’un mineur resté moins de quatre mois en CEF est plus élevé de 60 % que le risque de réitérer d’un mineur resté entre quatre et sept mois, et le risque de réitération d’un mineur resté plus de sept mois est inférieur de 40 % au risque de réitérer d’un mineur resté entre quatre et sept mois.

Il apparaît extrêmement anormal que ces données, qui ont pour double défaut d’être déjà relativement anciennes et d’être extrêmement partielles voire superficielles, soient les seules dont l’on dispose aujourd’hui pour évaluer l’efficacité des CEF. Votre rapporteur pour avis estime donc indispensable et urgent que le Gouvernement mette en place un suivi permanent des jeunes ayant fait l’objet d’un placement en CEF pour connaître leur devenir après leur placement. Du reste, ce « devenir » devrait être entendu dans un sens relativement large, en ne se contentant pas d’étudier la non-réitération mais en s’intéressant à l’insertion des jeunes dans l’emploi ou la formation à l’issue de leur placement. Sur ce point, votre rapporteur pour avis rejoint pleinement la position exprimée par les sénateurs Peyronnet et Pillet, qui dans leur rapport d’information précité ont estimé qu’« un indicateur plus pertinent de la "performance" de ces établissements pourrait être établi à partir de l’examen de la réinsertion des mineurs dans un dispositif de droit commun à l’issue du placement » (60).

—  Une efficacité qui pourrait être renforcée par une meilleure préparation de l’« après CEF »

Au cours des visites de CEF que votre rapporteur pour avis a effectuées, l’une des difficultés évoquées par les personnels des CEF est la question de l’« après CEF ». En effet, les professionnels de la PJJ peinent souvent à trouver une solution de placement adaptée au mineur après le passage en CEF, et sont contraints de faire des propositions de placement dans l’urgence et, trop fréquemment, par défaut.

Pour remédier à cette difficulté, il serait souhaitable de construire pour les mineurs délinquants un véritable « parcours » de prise en charge par la justice, élaboré conjointement par le juge des enfants saisi et par les services de la PJJ, et fondé sur l’idée de progressivité des mesures. Par exemple, un mineur placé en CEF sous contrôle judiciaire pourrait, dès l’audience où est décidé le placement, être informé par le magistrat que, si ce placement se passe bien, il envisage de prononcer ensuite une mesure éducative consistant en un placement en un foyer, suivi d’un retour dans sa famille accompagné par une mesure d’activité de jour.

Un tel parcours – qui ne nécessiterait pas de mesure législative, mais uniquement une volonté commune des magistrats et des services de la PJJ – permettrait de donner de la lisibilité aux mesures prises et d’anticiper les transitions entre les différentes structures, qui se révèlent aujourd’hui souvent difficiles et insuffisamment préparées.

 

Coût journalier en 2010 (en €)

Établissement non spécialisé d’accueil de mineurs délinquants (SAH)

181

Unité éducative d’hébergement collectif (secteur public)

500

Centre de placement immédiat (SAH)

375

Centre éducatif renforcé (secteur public)

704

Centre éducatif renforcé (SAH)

503

Centre éducatif fermé (secteur public)

659

Centre éducatif fermé (SAH)

603

Source : direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Si le coût du placement en CEF est indéniablement nettement plus élevé que le coût de placement en établissement non spécialisé du SAH, il apparaît en revanche assez proche de celui des Unités éducatives d’hébergement collectif ou des centres éducatifs renforcés (le coût journalier en CER du secteur public étant même plus élevé que celui du CEF, qu’il relève du secteur public ou du SAH). Cette proximité de coût avec les autres types de structures accueillant des mineurs délinquants permet donc de relativiser le coût parfois présenté comme élevé du CEF, qui jusqu’ici a accueilli essentiellement des mineurs récidivistes que toutes les autres institutions de la République et les autres modes de placement ont échoué à insérer.

Les CEF pouvant relever soit du secteur public, soit du SAH, il est également intéressant de s’intéresser à l’évolution des coûts journaliers dans ces deux catégories de CEF.

ÉVOLUTION DU COÛT JOURNALIER DES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS
DU SECTEUR PUBLIC ET DU SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ ENTRE 2008 ET 2012

 

 

2008 Réalisation

2009 Réalisation

2010 Réalisation

2011 Prévision actualisée à mi-année

2012 Prévision PLF

Secteur public

Coût journalier (en €)

663

603

659

625

641

Évolution annuelle

- 9 %

+ 9,3 %

- 5,2 %

+ 2,6 %

Secteur associatif habilité

Coût journalier (en €)

625

599

603

579

553

Évolution annuelle

- 4,2 %

+ 0,7 %

- 4,0 %

- 4,5 %

Source : direction de la protection judiciaire de la jeunesse

Ce tableau met en évidence des évolutions des coûts très différentes pour le secteur public et le SAH. Pour le SAH, de réels progrès dans la maîtrise du coût journalier ont été réalisés : après une baisse sensible entre 2008 et 2009 (- 4,2 %) et une stabilisation du coût entre 2009 et 2010, une nouvelle diminution significative (- 4 %) est prévue pour l’année 2011. En revanche, l’évolution du coût de placement en CEF du secteur public est marquée par d’importantes fluctuations : à une forte baisse en 2009 (- 9 %) a succédé une forte hausse en 2010 (+ 9,3 %), qui devrait être heureusement suivie d’une nouvelle baisse en 2011 (- 5,2 %). Selon la direction de la PJJ, la hausse du coût journalier dans le secteur public intervenue en 2010 s’expliquerait par une détérioration du taux d’occupation de certains CEF publics.

En conséquence de ces fluctuations du coût journalier dans le secteur public, l’écart de coût entre le secteur public et le SAH, qui s’était comblé en 2009, s’est à nouveau accentué en 2010. Les prévisions d’évolution des coûts pour 2012 devraient conduire à une nouvelle augmentation de cet écart : en effet, les coûts du SAH sont prévus en baisse en 2012, en raison de l’harmonisation des effectifs à 24 ETPT, mais aussi parce qu’il n’y aura aucune ouverture de nouveau CEF associatif. À l’inverse, ceux du secteur public devraient augmenter du fait du lancement du programme d’investissement destiné à transformer vingt UEHC en CEF.

La loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a élargi les conditions de placement sous contrôle judiciaire des mineurs âgés de treize à seize ans. Le placement sous contrôle judiciaire de ces mineurs sera dorénavant possible lorsque ceux-ci encourent une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour un délit de violences volontaires, d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violence. Cette modification de l’ordonnance du 2 février 1945 permettra ainsi d’augmenter les possibilités de recourir au placement en CEF, ce qui sera de nature à éviter une éventuelle réitération en apportant une prise en charge éducative adaptée avec un éloignement provisoire du mineur de son lieu de vie.

La mise en œuvre de ces nouvelles dispositions implique une augmentation de la capacité d’accueil de 244 places et impose la création de vingt nouveaux CEF. La direction de la PJJ évalue actuellement, en lien avec ses directions interrégionales, les modalités d’implantation de ces nouvelles structures, qui seront créées par transformation d’unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC) existantes. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par la direction de la PJJ, l’implantation des nouveaux établissements tiendra compte des bassins de délinquance et devra permettre une répartition géographique plus équilibrée des centres. Les premières ouvertures des nouveaux CEF sont prévues pour 2012.

Une étude d’impact, concernant les aspects financiers et de ressources humaines, a chiffré les besoins en personnels à 60 ETPT et les besoins en financement à 30 millions d’euros pour la transformation de vingt UEHC en CEF. Les unités ayant vocation à être transformées seront déterminées au dernier trimestre 2011, ce qui permettra de connaître précisément l’impact sur la répartition des UEHC.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 26 octobre 2011, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2012.

M. Yves Censi, vice-président de la commission des Finances. Monsieur le garde des Sceaux, M. Sébastien Huyghe, vice-président de la commission des Lois et moi-même sommes heureux de vous accueillir. Le président de la commission des Finances, M. Jérôme Cahuzac, retenu ailleurs, vous prie d’excuser son absence.

Nous sommes réunis en commission élargie afin d’examiner les crédits de la mission Justice pour 2012. Cette année, les débats seront chronométrés, ce qui nous incitera à respecter la durée prévue, qui, pour la mission « Justice », a été fixé à trois heures.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Pour la première année, j’ai l’honneur d’être rapporteur spécial sur la mission « Justice », laquelle constitue une prérogative régalienne et se trouve au cœur du quotidien des Français. En 2012, le budget de la justice, en hausse pour la huitième année consécutive, augmente de 4 % en crédits de paiement, les autorisations d’engagement s’élevant à 9,8 milliards, et les crédits de paiement à 7,42 milliards.

Je me félicite que le Gouvernement continue à en faire une priorité, alors que la dépense publique est plus que jamais contenue. Depuis 2002, les gouvernements successifs ont eu à cœur de rattraper le retard français de la justice, dont le budget passera de 1,6 % du PIB en 2002 à 2,6 % pour 2012, ce qui nous rapproche de la moyenne de l’OCDE.

En 2010 et 2011, les réformes ont été nombreuses : loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, du 5 juillet 2011 relative au droit et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, et du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Le budget proposé se caractérise par un vaste programme d’investissements pour le parc judiciaire, surtout pénitentiaire, qui fait appel au partenariat public-privé, et par une politique d’emploi ambitieuse, particulièrement saillante dans un contexte général de diminution des effectifs publics.

Pour l’immobilier judiciaire, le rythme est plus soutenu que l’an dernier. Aux investissements de 175 millions qui permettront d’achever les regroupements décidés dans le cadre de la réforme judiciaire, s’ajoute une enveloppe complémentaire de 190 millions, qui financera de nouvelles opérations de rénovation. Pour l’immobilier pénitentiaire, l’État consent un effort considérable, en vue d’accroître le nombre de places de prison – le Président de la République a fixé l’objectif de 80 000 places – et de mettre le parc carcéral aux normes prévues par la loi pénitentiaire, notamment en matière d’encellulement individuel. Ces investissements sont inscrits à hauteur de 1,85 milliard dans le nouveau programme immobilier. En trente-cinq ans, le nombre de détenus a été multiplié par deux et demi, passant de 26 300 à 64 900.

La mission « Justice » est la seule à connaître des créations de postes, qui se montent à 515 équivalents temps plein ; 285 postes de greffier sont créés, ce qui est considérable. En tout, le ministère compte 6 625 emplois de plus qu’en 2002.

Si le budget de 2012 est à la fois généreux et ambitieux, quelques questions se posent. Sur le programme « Justice » judiciaire, la gestion des ressources humaines semble complexe. La charge de travail varie fortement d’une juridiction à l’autre. Le nombre d’affaires par magistrat ou par fonctionnaire peut aller du simple au double, voire au triple. Les redéploiements d’effectifs ne sont peut-être pas assez nombreux. Le ministère profitera-t-il du grand nombre de départs à la retraite pour mener une politique volontariste ? Si l’on veut rendre des postes plus attractifs, pourquoi ne pas utiliser le levier indemnitaire ou l’attribution de bonifications d’ancienneté, comme on le fait pour l’outre-mer ?

Le 1er juin 2011, la France disposait de 56 358 places opérationnelles pour 64 971 détenus, soit un taux d’occupation moyen des établissements de 115,3. La construction de nouvelles places de prison est donc une nécessité, même si, depuis vingt-cinq ans, les plans de construction se sont enchaînés. L’administration s’est appuyée sur la gestion privée. Le nouveau programme immobilier sera réalisé uniquement via des partenariats public-privé. La Cour des comptes estime que les dépenses de loyers correspondant aux investissements passeraient en 2017 de 25 à plus de 263 millions. La question de la soutenabilité budgétaire se pose-t-elle pour les PPP ? La hausse significative des dépenses obligatoires de l’administration sous forme de loyers ne va-t-elle pas provoquer l’éviction d’autres dépenses du programme ?

L’administration pénitentiaire devra assumer, à compter de 2012, l’extraction de détenus entre les palais de justice et les centres de détention, mission coûteuse en personnel jusque-là assurée par les forces de police et de gendarmerie. L’enveloppe de 250 emplois supplémentaires prévue à cet effet est-elle suffisante ? Ne faut-il pas changer les méthodes de travail des magistrats, en recourant par exemple à la visioconférence pour limiter le nombre d’extractions judiciaires ?

Depuis 2009, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a recentré son intervention auprès des mineurs délinquants. Dans le cadre de la RGPP, son organisation connaît une modernisation profonde, qui l’oriente davantage vers les mineurs ayant commis des actes de délinquance. Cette année, après avoir diminué pendant trois années consécutives, les crédits de paiement du programme augmentent de 4,6 %, comme le reste de la mission, mais une réforme aussi importante ne se fait pas sans quelques grincements de dents des personnels, particulièrement de ceux qui sont chargés de la fonction éducative. La création de 60 postes d’éducateur est-elle suffisante au regard de la mise en route de nouveaux centres éducatifs fermés ? Comment la PJJ initiera-t-elle la généralisation des mesures judiciaires d’investigation éducative ?

M. Sébastien Huyghe, vice-président et rapporteur pour avis de la commission des Lois, pour l’administration pénitentiaire et la protection judicaire de la jeunesse. Je vous prie d’excuser l’absence du président de la commission des Lois, qui ne peut être présent.

Je ne peux que me féliciter de l’évolution des crédits ouverts pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de loi de finances pour 2012. L’évolution des crédits amorcée depuis le début de la législature prouve que l’exécution des décisions de justice pénale est une priorité du Gouvernement et de la majorité parlementaire.

Les crédits de l’administration pénitentiaire augmentent de 44 % en autorisations d’engagement et de 7,4 % en crédits de paiement, afin de poursuivre l’agrandissement et la rénovation du parc immobilier, ainsi que la mise en œuvre de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. De même, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmentent de 4,6 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement, ce qui permettra non seulement d’achever la reconcentration des moyens de la PJJ sur la prise en charge des mineurs faisant l’objet d’une mesure pénale, mais aussi d’ouvrir vingt centres éducatifs, afin d’appliquer la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Le Gouvernement a déposé un amendement visant à réduire les crédits de la mission « Justice » de 20 millions d’euros, imputés à parts égales entre les programmes « Justice judiciaire » et « Administration pénitentiaire ». La mesure s’inscrit dans le plan d’économies de 1 milliard annoncé fin août par le Premier ministre et dicté par la situation de nos finances publiques.

Pour ce qui concerne l’administration pénitentiaire, la baisse de 10 millions d’euros représente une diminution globale des crédits de 0,2 %. Si l’amendement est voté, la hausse des crédits passera de 44,1 % à 43,8 % en autorisations d’engagement et de 7,4 % à 7 % en crédits de paiement. La hausse restant importante, je ne suis pas défavorable à l’amendement.

J’émets cependant une réserve sur l’imputation de la réduction des crédits au sein du programme « Administration pénitentiaire ». La baisse s’imputerait à hauteur de 9,5 millions pour le programme immobilier et de 0,5 million pour l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP). Il serait problématique que celle-ci voie diminuer de 1,8 % les crédits prévus pour 2012, alors que la formation tant initiale que continue revêt une importance particulière. Peut-on répartir la réduction des crédits d’une manière moins défavorable à l’ENAP ?

À cette réserve près, les crédits de l’administration pénitentiaire et de la PJJ prévus dans le PLF pour 2012 ne pouvant qu’être pleinement approuvés, je me contenterai de poser cinq questions sur les évolutions liées au fonctionnement et aux missions de ces deux acteurs essentiels du service public de la justice.

Commençons par l’administration pénitentiaire.

Depuis la fin de l’année 2010, un nouveau programme immobilier a été engagé pour prendre la suite du programme « 13 200 », dont les derniers établissements doivent être livrés en 2014 ou en 2015. L’objectif du nouveau programme, qui prévoit l’ouverture de vingt-sept établissements et la fermeture de trente-six autres devenus inadaptés, est de porter la capacité d’hébergement de nos établissements pénitentiaires à 70 000 places en 2017. Depuis, le chef de l’État a annoncé que le projet de loi de programmation pour l’exécution des peines, que nous examinerons sous peu, porterait la capacité du parc pénitentiaire à 80 000 places. Comment ce nouvel objectif se traduira-t-il sur le plan budgétaire ? Quel est le calendrier prévu ?

Fin 2010, il a été décidé de transférer progressivement la compétence des extractions judiciaires à l’administration pénitentiaire, ce qui doit s’accompagner du transfert de 800 emplois en trois ans de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice ». Depuis le 1er septembre, c’est-à-dire depuis presque deux mois, l’administration pénitentiaire assure les extractions judiciaires dans deux régions, l’Auvergne et la Lorraine. Pouvez-vous dresser un premier bilan ? Comment se passent sur le terrain les relations avec les forces de police et de gendarmerie lorsque l’administration pénitentiaire ne peut assurer des extractions par manque de moyens ou en raison du profil du détenu ? Enfin, le nombre de 800 emplois devant être transférés de l’administration pénitentiaire vers la mission « Sécurité », fixé par un arbitrage interministériel fin 2010, suffira-t-il pour que l’administration pénitentiaire assume sa charge dans de bonnes conditions sur l’ensemble du territoire ?

Troisièmement, début 2011, l’affaire de Pornic a révélé des difficultés concernant la continuité du suivi des personnes placées sous main de justice, notamment lors de la transition entre milieu fermé et milieu ouvert. Les travaux et déplacements que j’ai effectués pour préparer la discussion budgétaire m’ont permis de constater que, si des efforts réels ont été accomplis dans ce domaine, il faut encore résoudre des difficultés, notamment de communication entre les services de l’application des peines des tribunaux et les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Quelles orientations le ministère a-t-il retenues pour améliorer la continuité du suivi des personnes placées sous main de justice ?

Les effectifs des SPIP, qui ont pourtant augmenté de 75 % depuis 2002, sont fréquemment invoqués pour expliquer qu’ils peinent à assurer le suivi des condamnés. Récemment, un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des services judiciaires vous a été remis sur leur organisation et leurs éventuels besoins en personnels. Quelles en sont les conclusions et quelles suites envisagez-vous de lui donner ?

J’en viens à la protection judiciaire de la jeunesse. La loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et la justice des mineurs a élargi les cas de placement sous contrôle judiciaire, donc les possibilités de placement en centre éducatif fermé (CEF) pour les mineurs de treize à seize ans. Afin de mettre ces dispositions en application, le Gouvernement prévoit de créer vingt CEF. Quel est l’impact budgétaire de cette mesure et quel est l’état d’avancement des travaux ?

Si tout le monde ou presque reconnaît le bien-fondé des principes qui fondent l’action éducative dans les CEF, on manque de données objectives sur leur efficacité en termes de prévention de la récidive et de réinsertion. Le ministère va-t-il effectuer un suivi régulier du devenir des jeunes qui sont passés par ces centres, ce qui permettrait de mesurer leur efficacité ?

Les personnels des CEF que j’ai rencontrés posent la question de l’« après-CEF ». Souvent, les professionnels de la PJJ, qui peinent à trouver pour les mineurs une solution adaptée, formulent des propositions dans l’urgence et par défaut. Pour remédier à cette difficulté, il serait souhaitable de construire pour les mineurs délinquants un parcours de prise en charge par la justice, fondé sur la progressivité, et élaboré conjointement par le juge des enfants et par les services de la PJJ. Dès l’audience, un mineur placé en CEF sous contrôle judiciaire serait informé par le magistrat que, si le placement se passe bien, on envisagera une mesure éducative comme un placement en foyer, suivi d’un retour dans la famille accompagné d’une mesure d’activité de jour. Un tel parcours – qui nécessiterait, non une mesure législative, mais seulement une volonté commune des magistrats et des services de la PJJ – améliorerait la lisibilité des mesures et anticiperait les transitions, souvent difficiles et insuffisamment préparées, entre les différentes structures. Que pensez-vous de cette proposition ?

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des Lois, pour la justice et l’accès au droit. Je suis heureux d’assurer, cette année encore, la fonction de rapporteur pour avis du budget de la mission « Justice ». Continuellement en hausse depuis 2002, il progresse cette année de 4 % en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » augmentant de 0,7 % et le programme « Accès au droit et à la justice » de 7,7 %.

Le budget intègre la réforme de la garde à vue, de l’hospitalisation sous contrainte, de la carte judiciaire et du rôle des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels. Au cours de mes déplacements dans les juridictions – j’ai rédigé un rapport d’information budgétaire sur leur fonctionnement –, j’ai mesuré, outre le dévouement des personnels de justice, notamment des magistrats, les difficultés qu’ils rencontrent.

Les premières portent sur les effectifs des fonctionnaires des services judiciaires et sur leur régime indemnitaire. Je me réjouis que vous ayez prévu de recruter 90 magistrats par concours exceptionnel et de porter de 105 à 180 le nombre de postes d’auditeur de justice offerts au concours. Il faut croire que j’ai été entendu sur ce point.

Je me félicite aussi que l’on compte désormais par magistrat 0,92 greffier et, toutes professions réunies, 2,5 fonctionnaires, preuve que l’équipe qui les entoure a été étoffée. Cependant, est-il opportun d’améliorer à nouveau le régime indemnitaire des magistrats sans rien prévoir pour les greffiers ? Plus généralement, quelles sont les perspectives indemnitaires des fonctionnaires du ministère de la justice, qui souffrent d’un manque de reconnaissance ? Quelles sont les perspectives d’intégration des greffiers, qui se sentent parfois déclassés, dans le nouvel espace statutaire ?

Depuis 2006, l’effectif des fonctionnaires de catégorie C diminue, ce qui est préjudiciable au fonctionnement des juridictions. L’exécution, la gestion des archives, la numérisation et le rangement des scellés nécessitent du personnel technique. J’entends dire qu’à Nanterre plus personne n’assure la distribution du courrier ou le transfert des dossiers entre le parquet et les services de l’instruction.

Venons-en à la situation des juridictions et à certaines fonctions spécifiques.

Comment les juges d’instance feront-ils face au surcroît d’activité induit par la révision systématique des mesures de protection des majeurs d’ici à 2014, et à la suppression des juridictions de proximité, qui ramènera vers eux le petit contentieux civil au-dessous de 4 000 euros ?

Certaines des personnes que j’ai auditionnées s’interrogent sur la répartition des tribunaux d’instance spécialisés par le décret du 23 août 2011 dans le contentieux du surendettement. Est-il exact que le tribunal d’instance de Villejuif a été choisi pour traiter, dès le 1er septembre 2011, l’ensemble des procédures de surendettement et de rétablissement personnel de tout le département de Val-de-Marne sans recevoir de moyens supplémentaires ?

Qu’en est-il du recrutement de cent nouveaux juges de l’application des peines, prévu par la loi pénitentiaire dont j’ai été le rapporteur ?

Dans la suite logique de la réforme de la garde à vue, les crédits de l’aide juridictionnelle augmentent fortement. Dans le même temps, une contribution de 35 euros est exigée du demandeur en justice à compter du 1er octobre 2011, dont le montant global attendu se monte à 84 millions. Les avocats ont dénoncé l’impréparation de la mesure. Les timbres n’ont pas toujours été faciles à trouver, et la question des timbres électronique est posée. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier ? Par ailleurs, l’institution de la taxe a un effet pervers : l’exemption que procure toute demande d’aide juridictionnelle a fait sensiblement augmenter le nombre de dossiers.

La maîtrise des frais de justice, qui représentent encore 470 millions, est essentielle.

Les associations d’aide aux victimes voient diminuer leurs crédits. J’ai déposé en septembre 2011 une proposition de loi visant à pérenniser leur financement, en instituant un prélèvement en cas de condamnation. Peut-on explorer cette piste ?

Compte tenu des efforts imposés à tous les ministères, on peut comprendre que le Gouvernement dépose un amendement portant un coup de rabot de 20 millions, mais j’ai moins de mal à admettre les restrictions imposées à la justice pénitentiaire qu’à la justice judiciaire, car le fonctionnement courant des juridictions pose nombre de difficultés. Faut-il vraiment réduire de 500 000 euros les crédits pour charge de service public de l’École nationale de la magistrature, qui doit effectuer des recrutements complémentaires, compte tenu de l’augmentation du nombre d’auditeurs ?

M. Yves Censi, vice-président de la commission des Finances. Monsieur le garde des Sceaux, selon une étude de la direction de l’administration pénitentiaire, parue cet été, 60 % des détenus sortants sont condamnés dans les cinq ans qui suivent leur libération, et, dans les mêmes délais, 78 % des mineurs ont de nouveaux ennuis avec la justice. L’absence d’aménagement de peine semble aggraver le risque de récidive, qui augmente également avec la durée d’enfermement. Quelles actions comptez-vous mener pour développer les aménagements de peine ?

Les centres éducatifs fermés constituent une réponse à la lutte contre la délinquance des jeunes. La loi du 10 août 2011 sur le jugement des mineurs élargit les conditions de placement en CEF. Le projet de budget de la justice pour 2012 prévoit l’ouverture de vingt centres, en plus des quarante-quatre qui existent aujourd’hui. Sans remettre en cause leur existence, je m’interroge sur leur coût, qui se monte à 120 000 euros par an. Compte tenu du taux d’encadrement des mineurs délinquants, une journée coûte 663 euros dans ces centres contre 111,5 euros dans les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDe). Comment justifier que les premiers soient cinq fois plus chers que les seconds ? Sont-ils réellement efficients ?

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Le budget de 2012, comme ceux qui l’ont précédé depuis 2002, et plus particulièrement depuis 2007, vise à donner plus de moyens à la justice, afin de rattraper un retard historique. Cela dit, un amendement du Gouvernement, qui ne peut s’affranchir de la crise financière actuelle, prévoit de réduire l’augmentation de 4 % prévue pour les crédits de la justice car, si les missions de mon ministère constituent une priorité, il doit, comme les autres, lutter contre la crise.

Le ministère de la justice affichera des créations nettes d’emplois en 2012, comme c’est le cas depuis 2007. Le budget triennal pour 2011-2013 prévoyait que le ministère serait autorisé à créer 200 emplois en 2012 ; ce sont finalement 515 emplois qui seront créés, sans compter les 250 emplois transférés du ministère de l’intérieur au titre de la reprise progressive des missions d’extraction judiciaire. Ces moyens supplémentaires doivent être mis au service d’un effort de modernisation des méthodes et de l’organisation du ministère, afin d’assurer une plus grande efficacité collective au service des justiciables.

Le budget de la mission « Justice » donnera au ministère les moyens de mettre en œuvre les réformes adoptées cette année, qu’il s’agisse de l’introduction des citoyens assesseurs dans les juridictions correctionnelles et les juridictions d’application des peines, de la réforme de l’hospitalisation sans consentement ou de celle de la garde à vue. Pour chaque réforme, le Gouvernement s’est efforcé de mobiliser les moyens nécessaires à une exécution effective et rapide des peines prononcées par les juridictions. Ainsi, les crédits relatifs au bracelet électronique augmenteront de 20 %, afin de permettre à l’administration pénitentiaire d’atteindre l’objectif de 12 000 bracelets.

Ce budget ouvre aussi des autorisations d’engagement à hauteur de plus de 1,8 milliard d’euros au titre des investissements prévus dans le cadre du nouveau programme immobilier, et pour renforcer la prise en charge des mineurs délinquants : 60 emplois d’éducateur seront ainsi créés au profit des vingt nouveaux centres éducatifs fermés. Sur ces points, le budget de 2012 annonce le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines que le Président de la République m’a demandé de soumettre au conseil des ministres, puis au Parlement, dans les prochaines semaines.

Je remercie le rapporteur spécial, M. Alain Joyandet, pour sa présentation rapide mais exhaustive. Sa nouveauté dans la fonction lui a permis de faire litière des considérations historiques, et d’être ainsi plus bref que ses collègues, que M. le vice-président Yves Censi a laissé s’exprimer plus longtemps.

Dans son rapport, M. Joyandet pose plusieurs questions fondamentales au sujet de l’organisation du service public de la justice. La première d’entre elles concerne les différences entre les juridictions quant à la charge de travail, différences qui, selon le référé adressé à la chancellerie par le premier président de la Cour des comptes, peuvent aller du simple au double ou au triple. Si l’activité d’une juridiction n’est pas forcément quantifiable, les différences restent indéniables.

Depuis 2009 au moins, le Gouvernement s’efforce, à l’issue des dialogues de gestion avec les cours d’appel, de mieux localiser les emplois de magistrat et de fonctionnaire, en tenant compte des postes disponibles et, surtout, des règles statutaires. Mais le caractère inamovible des magistrats du siège, par exemple, gêne la mobilité des personnels. Néanmoins, 223 redéploiements – dont 190 au sein d’une même cour d’appel – ont été réalisés en 2010, et 49 – dont 32 à l’intérieur d’une même cour d’appel – en 2011. La localisation est encore loin d’être idéale. Aussi un groupe de travail, composé de magistrats et de représentants d’organisations syndicales, a-t-il été créé pour y réfléchir. Il fonctionne très bien, mais la question qu’il traite se heurtera toujours aux contraintes statutaires de la magistrature et aux effets des nominations décalées, pour les magistrats comme pour les fonctionnaires : compte tenu de la procédure de validation par le Conseil supérieur de la magistrature, une nomination proposée en février, et annoncée plusieurs mois plus tôt pour respecter la transparence, ne devient effective qu’en juillet ou septembre, si bien qu’au total elle prend pratiquement un an. De surcroît, on ne peut muter les gens contre leur gré. Néanmoins, la localisation s’améliore.

Les extractions judiciaires concernent, pour l’essentiel, le transfert des détenus devant les juges ou les tribunaux. Il a été décidé en 2010 que ces missions, nombreuses et difficiles, seraient désormais assurées par l’administration pénitentiaire, après l’avoir été par la police et la gendarmerie. À cette fin, 800 emplois seront transférés du ministère de l’intérieur à l’administration pénitentiaire d’ici à 2014. Ce chiffre me semble toutefois insuffisant, pour une raison simple : utiliser des policiers ou des gendarmes pour extraire des détenus peut désorganiser une brigade ou un commissariat, mais cela reste possible ; en revanche, on ne peut demander aux personnels qui surveillent les prisonniers de quitter leur poste. Cette difficulté s’est constatée dès la mise en œuvre de l’expérimentation dans les deux régions concernées, d’autant que la prison d’Aurillac et le palais de justice de Riom, par exemple, sont si éloignés l’un de l’autre que toute opération d’extraction prend une journée entière. Les agents de l’administration pénitentiaire qui assureront cette tâche ne feront donc pratiquement rien d’autre : il faudra une tout autre organisation, y compris dans les méthodes de travail des magistrats. Les extractions doivent être regroupées quand c’est possible, et n’être utilisées qu’en l’absence de tout autre moyen technique ; ainsi les visioconférences, qui ont augmenté de 35 % en un an, avaient permis de réduire le nombre d’extractions de 10 % en 2008.

Les expérimentations ont vite révélé que la méthode à suivre n’était pas de proratiser les effectifs en fonction du nombre de transferts réalisés dans chaque région. L’ensemble des postes transférés ont donc été utilisés pour les deux régions concernées ; mais le problème est que les personnels correspondants ne sortiront de l’École nationale d’administration pénitentiaire, à Agen, qu’en mars prochain. Jusqu’à cette date, et à titre d’expérimentation, l’administration pénitentiaire continuera d’affecter tous les personnels disponibles – équipes régionales d’intervention et de sécurité ou réservistes – sans toucher aux effectifs des personnels pénitentiaires. C’est sur cette base, et non sur celle de l’arbitrage initial, que seront évalués les besoins réels.

Des réunions ont eu lieu, tant au niveau national qu’au niveau régional. Les préfets de région ont ainsi rappelé les principes de la nouvelle organisation aux directeurs départementaux de la sécurité publique et aux colonels commandant les groupements de gendarmerie. Je rappelle que le code de procédure pénale, qui n’a pas été modifié, permet aux tribunaux de procéder à des réquisitions en cas de besoin. En attendant la mise en place de la nouvelle organisation, les tribunaux s’efforcent d’anticiper les dates des extractions en informant la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), laquelle, en cas de manque d’effectifs, fait appel aux forces de police et de gendarmerie. L’expérimentation est en ce sens utile pour évaluer les besoins.

S’agissant du programme immobilier, l’objectif est de créer 80 000 places supplémentaires dans les prisons d’ici à 2017, conformément aux annonces du Président de la République et aux orientations du futur projet de loi de programmation. Ces places ne sont pas toutes identiques : les prisons destinées aux peines courtes, par exemple, seront plus simples à construire que d’autres.

L’objectif sera atteint grâce à l’achèvement de programmes antérieurs – notamment le programme « 13 200 », qui touche à son terme –, au maintien en activité d’établissements dont la fermeture était prévue et à la création de nouveaux établissements. Le ministère prendra directement en charge la transformation des anciens établissements, et les nouvelles constructions seront réalisées via des partenariats public-privé. L’avantage de ces derniers est qu’ils permettent de mener rapidement à bien plusieurs projets à la fois ; leur inconvénient est qu’ils mobilisent, pendant toute leur durée, l’essentiel des ressources publiques – il faut bien payer ceux qui ont investi. Reste que, sur le nombre de places de prison, notre pays doit combler son retard par rapport à ses voisins. À cet égard, s’ils ne constituent peut-être pas en eux-mêmes la formule idéale, les PPP permettent des réalisations plus rapides.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Merci pour vos réponses, monsieur le garde des Sceaux. Je veux revenir sur un point que je n’ai pas abordé tout à l’heure, ayant strictement respecté mon temps de parole.

S’agissant des affectations de personnels, est-il possible d’utiliser des moyens indemnitaires ou d’attribuer des bonifications d’ancienneté pour favoriser le volontariat dans les régions où celui-ci demeure insuffisant ?

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Le régime indemnitaire est déjà utilisé à cette fin. Le problème est que les régimes indemnitaires des fonctionnaires et des greffiers font actuellement l’objet d’une refonte. Si les greffiers sont gagnants au départ, ils le sont moins à l’arrivée. Les discussions portent davantage sur le régime indemnitaire commun que sur les éventuelles différenciations entre les juridictions. Je demanderai cependant à mes services d’engager des négociations avec les syndicats sur les moyens d’intéressement des personnels.

Certains postes sont difficiles à pourvoir, pour des raisons qui tiennent, par exemple, au prix des logements. C’est par exemple le cas à Compiègne, où nul ne s’est porté candidat, ou à Montargis, où il a fallu un an pour trouver un candidat au poste de procureur.

M. Yves Censi, vice-président de la commission des Finances. Je vous rappelle, chers collègues, que vous ne disposez chacun que de deux minutes pour poser vos questions.

M. Patrice Verchère. Le budget que vous nous présentez, monsieur le garde des Sceaux, illustre la priorité donnée à la justice, et répond ainsi aux préoccupations légitimes des Français.

Alors que des efforts substantiels sont demandés aux autres ministères, celui de la justice est l’un des rares à voir ses crédits augmenter, et ce à hauteur de 4 %. Il atteindra ainsi 7,42 milliards d’euros en 2012, soit une hausse de 19 % depuis 2007.

Cette progression continue traduit la volonté du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité de replacer les missions de la justice au cœur de notre société, et vise à combler les retards accumulés dans le passé. Nous devons nous en féliciter.

Des difficultés sont apparues cette année quant à l’exécution des peines. Quelles sont les avancées prévues par le budget de 2012 en ce domaine ?

Les nombreuses réformes engagées nécessitent des moyens humains supplémentaires ; or plusieurs rapports ont fait état d’un manque de personnels, notamment de greffiers. Des créations de postes sont-elles prévues ?

Enfin, la délinquance des mineurs augmente, tant par sa fréquence que par la violence des actes commis. Quelles sont les réponses envisagées par le ministère ?

M. Dominique Raimbourg. N’ayant que deux minutes pour poser sept questions, j’irai vite.

Je me félicite de l’augmentation du budget de la justice, mais mon satisfecit s’arrêtera là, puisque les retards historiques dont vous avez parlé tiennent aux demandes croissantes dont la justice fait l’objet. M. le rapporteur spécial a ainsi souligné que le nombre de détenus avait été multiplié par 3,5. À quand un véritable plan de rattrapage ?

Pour le coup, vous annoncez un plan de rattrapage en matière d’exécution des peines. Pourquoi vous cantonner à ce domaine, et ce, semble-t-il, à la demande du Président de la République, dont les initiatives en matière de justice n’ont pas été des plus heureuses jusqu’à ce jour ?

On se plaint de la délinquance des mineurs, mais le nombre de postes dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse est en diminution de 106 équivalents temps plein travaillé, alors que l’on annonce l’ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés. En d’autres termes, selon mes informations, le nombre d’encadrants par centre passera de 27 à 24, quand le nombre de mineurs, lui, augmentera quant à lui de 10 à 12. Dans ces conditions, l’efficacité des CEF est-elle garantie ?

Par ailleurs, vous dites attendre 215 emplois de la simplification des procédures, mais le projet de loi en la matière n’est toujours pas voté. Votre optimisme n’est-il pas excessif ?

Quand disposerons-nous d’une évaluation du coût des PPP sur l’ensemble de leur durée ?

Quant aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, cette année a été marquée par d’importantes difficultés. Quel est le ratio ?

Enfin, pourquoi la mesure de l’activité de l’administration pénitentiaire n’inclut-elle pas un ratio de la surpopulation pénale ?

M. Michel Hunault. Je n’ai pas de question à vous poser à ce stade, monsieur le garde des Sceaux : nous débattrons du présent budget dans l’hémicycle.

L’exercice est convenu : la majorité se félicite, comme je le fais moi-même, de l’augmentation du présent budget dans une période difficile, et l’opposition juge que l’on n’en fait jamais assez.

Tout au long de la législature, le groupe Nouveau Centre a apporté son soutien et sa contribution à un certain nombre de réformes. Je souhaite que celles-ci soient appliquées. Qu’il s’agisse de la carte judiciaire, des avoués ou des magistrats, des besoins existent, qui justifient les créations de postes annoncées. L’accès au droit est en effet une question importante.

Vous vous êtes rendu vendredi dernier à Nantes pour la Convention nationale des avocats. Répondre aux besoins croissants de l’aide juridictionnelle est un défi.

Nous avons voté des réformes, qui concernent par exemple la protection des droits – en application de la Convention européenne des droits de l’homme – ou la garde à vue, réformes dont l’application suppose des moyens, notamment budgétaires. Je vous demande donc d’y veiller, main dans la main avec les magistrats et les professionnels du droit, notamment avec les avoués.

Enfin, je le répète, l’accès de nos concitoyens à la justice doit être amélioré.

M. Marc Dolez. Limiter l’intervention des porte-parole des groupes à deux minutes sur un sujet de cette importance est à mes yeux inacceptable : nous ne manquerons pas de le signaler à la Conférence des présidents.

Les chiffres tels qu’ils sont présentés masquent mal le fossé qui sépare les discours de la réalité. On nous parle ainsi de crédits en augmentation, mais jamais les juridictions, les établissements pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse n’ont été dans une situation aussi difficile. Quant à la prétendue augmentation des effectifs, il s’agit d’un trompe-l’œil puisque, si tant est qu’elle soit avérée, elle ne rattrape pas les retards accumulés au cours des années précédentes, et ne permet pas davantage d’appliquer les réformes que vous avez fait voter. Enfin, il y a un manque criant de fonctionnaires dans les juridictions.

Ma première question portera sur l’immobilier. En ce domaine, l’essentiel du budget est consacré à la création de nouvelles places de prison, mais les investissements pour 2012 ne concerneront qu’un nombre restreint de tribunaux. Combien d’entre eux sont concernés, et quels sont les crédits prévus pour l’entretien des bâtiments ?

La protection judiciaire de la jeunesse étant le secteur sacrifié du ministère, avec 632 éducateurs en moins depuis 2008, comment celle-ci peut-elle assumer sa mission ?

Enfin, les 336 millions d’euros de crédits de paiement prévus pour l’aide juridictionnelle incluent-ils les 85 millions d’euros attendus de la taxe de procédure de 35 euros, que combattent l’ensemble des syndicats d’avocats et de magistrats ?

M. Yves Censi, vice-président de la commission des Finances. Je rappelle que c’est la Conférence des présidents qui a fixé la nouvelle procédure, cher collègue : je crains donc que vos protestations ne soient vaines.

M. Marc Dolez. Nous ferons valoir à la Conférence des présidents qu’il vaut mieux revenir à l’ancienne formule.

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. M. Huyghe m’a interrogé à propos des centres éducatifs fermés. Les vingt centres supplémentaires seront créés en transformant des unités éducatives d’hébergement collectif : la PJJ a organisé dès cet été, avec les directeurs interrégionaux, une étude de faisabilité pour sélectionner les établissements susceptibles de devenir des CEF. L’opération est en cours de lancement à Bures-sur-Yvette, Laon, Épinay-sur-Seine, Aix-en-Provence, Angoulême, Villeneuve-d’Ascq, Épernay, Marseille Chutes-Lavie, Saint-Genis-les-Ollières et Pluguffan. Ce choix répond en particulier aux besoins importants en matière de placement dans la direction interrégionale d’Île-de-France et d’outre-mer et dans celle du Sud-Est. Une seconde liste de douze établissements est actuellement à l’étude.

Le coût d’investissement est évalué à 30 millions d’euros, et les autorisations d’engagement sont d’ores et déjà ouvertes dans le projet de loi de finances pour 2012. Outre les opérations immobilières, la mise en place de ces nouveaux centres nécessite la création de 60 postes d’éducateurs.

Je précise, monsieur Dolez, qu’aucun poste d’éducateur n’a été supprimé à la protection judiciaire de la jeunesse depuis 2008. Au contraire, leur nombre s’est accru de 17 %. En revanche, d’autres postes ont pu être supprimés, notamment dans les fonctions support.

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est du jésuitisme !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Vous pouvez critiquer, mais vous ne pouvez nier la vérité ! Il est facile de vérifier que le nombre d’éducateurs de la PJJ a augmenté : ils sont payés tous les mois, et s’ils ne l’étaient pas, vous le feriez savoir !

S’agissant du prix de journée en centre éducatif fermé, il est vrai qu’il est relativement élevé : plus de 600 euros par personne. Cela tient au fort taux d’encadrement.

Bien que nous ayons affaire à un public très difficile, nous avons choisi de lui éviter la prison « sèche », afin de rester fidèle à la conception française de la justice pour les mineurs – une justice qui donne la primauté à l’éducatif sur le répressif. Des moyens importants sont donc consacrés à la formation dans les CEF.

Mais il faut aussi des gardiens, car il s’agit tout de même d’établissements pénitentiaires : en cas d’échec, l’étape suivante est l’établissement pour mineur, puis la prison. Nous avons en effet essayé de diversifier les modes de placement des mineurs afin d’offrir au juge la palette la plus large possible.

Ce public difficile nécessite donc un encadrement important : éducateurs, psychologues et enseignants à plein temps, directeurs, chefs de service, personnel doublé la nuit. Les frais d’équipement sont également importants. Tout cela explique l’ampleur du coût de fonctionnement de ces centres.

L’expérience en est encore à ses débuts, et nous essayons d’en évaluer les résultats. Une enquête a ainsi été réalisée dans sept centres éducatifs fermés, ce qui a permis d’en améliorer notablement le fonctionnement. Une autre, en cours de finalisation, est destinée à mesurer l’impact du séjour en CEF dès la sortie du mineur, et six mois après celle-ci. Enfin, une troisième étude est en projet, afin de procéder à l’évaluation comparée de l’impact sur la réitération des différentes décisions de justice concernant les mineurs délinquants.

La continuité du parcours éducatif des mineurs sortant de CEF est une préoccupation majeure. Des travaux permettant de prévenir toute rupture dans le suivi éducatif ont donc été initiés. Une circulaire du 13 novembre 2008 définit les modalités précises d’audiences et d’échanges pendant la durée du placement afin de préparer au mieux la sortie de chaque mineur. L’ordonnance du 2 février 1945 prévoit d’ailleurs qu’à l’issue du placement « le juge des enfants prend toute mesure permettant d’assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société ».

Les mineurs sortant de CEF peuvent aussi faire l’objet d’un suivi renforcé par le trinôme judiciaire réunissant le parquet, le juge des enfants et le service éducatif. Les services de la PJJ se sont récemment réorganisés afin de garantir à la fois la mise en œuvre sans délai des décisions du magistrat, la qualité de la prise en charge, le caractère pluridisciplinaire des équipes et la continuité de l’action éducative, au sein de chaque unité éducative mais aussi entre les unités de plusieurs établissements.

La continuité de la prise en charge éducative à la sortie d’un CEF ne peut s’envisager uniquement en termes de placement. Les modalités d’un accompagnement renforcé en milieu ouvert font donc actuellement l’objet d’une réflexion. À cet égard, l’affaire de Pornic a marqué les esprits, car elle touchait aussi bien à la question du suivi des personnes incarcérées qu’à celle de l’agrément donné aux familles d’accueil.

J’ai rappelé à l’administration pénitentiaire la nécessité d’une affectation nominative des dossiers de prise en charge par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, sous la responsabilité d’un cadre de ce service. Un choix a été fait il y a quelques années, celui de placer les SPIP dans le cadre de l’administration pénitentiaire plutôt que dans celui de la pure administration judiciaire. Il faut donc donner une nouvelle orientation à l’administration pénitentiaire, qui va devoir modifier ses métiers et se tourner vers le milieu ouvert, ce qui ne correspond pas à sa tradition. J’ai demandé au nouveau directeur de veiller à doter les SPIP des moyens dont ils ont besoin. L’utilisation de l’informatique, notamment le système « APPI », devra être automatique et vérifiée régulièrement.

J’en viens aux questions de M. Garraud.

Est-il opportun d’améliorer à nouveau le régime indemnitaire ? J’observe tout d’abord que, sur les 90 postes de magistrat mis au concours, tous ne sont pas pourvus. Ensuite, les magistrats ont toute liberté pour fixer la date de leur départ à la retraite, si bien que l’on ne sait pas combien vont partir chaque année. L’estimation effectuée lors du recrutement des auditeurs de justice peut être juste ou non et, souvent, elle ne l’est pas. Cela explique que l’on puisse manquer de magistrats même lorsque l’on crée de nombreux postes. Le mode de fonctionnement des carrières dans la magistrature est donc peu compatible avec une bonne gestion des ressources humaines.

Nous avons essayé, dans le cadre du budget qui nous est alloué, d’améliorer le régime indemnitaire. Ainsi, la prime modulable versée aux magistrats va passer de 9 à 12 %, ce qui représente un effort relativement important. Les greffiers ne sont pas oubliés, puisqu’une enveloppe de 3,4 millions d’euros leur a été spécialement dévolue en 2011 et qu’une autre enveloppe de 1,05 million est prévue en 2012, afin d’augmenter leurs primes à l’occasion de la mise en place dans leur corps du nouvel espace statutaire.

Nous menons depuis plusieurs années une politique de promotion sociale qui permet aux personnels de catégorie C de passer le concours pour devenir greffiers. Le problème est que l’on commence à manquer d’agents dans cette catégorie. En outre, nous devons veiller à éviter tout déclassement de la fonction de greffier, faute de voir ce dernier accomplir un travail relevant de la catégorie C. Il faut non seulement que l’équipe formée par le magistrat et le greffier puisse bien fonctionner, mais aussi qu’elle bénéficie du soutien des fonctionnaires de catégorie C pour la réalisation de travaux simples, ne nécessitant pas des connaissances juridiques poussées. Nous n’allons pas payer des gens titulaires d’un master 2 pour faire des photocopies ou classer des dossiers !

D’ailleurs, pourquoi n’a-t-on plus recours, pour effectuer ces tâches, aux personnes condamnées à un travail d’intérêt général ? Il est pour le moins paradoxal que la justice soit la seule administration à ne pas en accueillir, ni, d’ailleurs, à recourir à des emplois aidés.

L’important est de permettre aux greffiers de faire leur métier. Ils n’ont jamais été aussi nombreux à s’y préparer, puisque l’école de Dijon accueille 800 élèves. Les candidats sont de très haut niveau : la plupart sont titulaires d’un master 2, alors qu’il y a encore quelques années, on passait le concours après avoir obtenu le DEUG. Ainsi, de nombreux greffiers sont plus diplômés en droit que les magistrats qu’ils assistent…

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis. Cela dépend !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Bien entendu, je ne parle pas du premier président de la Cour de cassation, ni de certains juges d’instruction…

Vous avez par ailleurs évoqué l’augmentation de la charge de travail du juge d’instance. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la répartition des contentieux, j’ai confirmé que la situation des juridictions d’instance ferait l’objet d’un examen attentif en lien avec les chefs de cour et de juridiction, dans le cadre des dialogues de gestion actuellement en cours. Nous en tirerons toutes les conséquences en termes de localisation des emplois et donc d’augmentation des effectifs dans les tribunaux d’instance où cela sera justifié. Des transferts depuis les TGI vers les tribunaux d’instance sont en effet envisageables puisque les juges de proximité siégeront désormais dans les formations collégiales civiles des TGI, libérant ainsi des emplois de magistrat. Il pourra également être mis fin aux tâches annexes qui étaient jusqu’à présent confiées aux juges d’instance, comme la participation aux sessions d’assises ou aux audiences correctionnelles.

La prochaine législature devra par ailleurs être l’occasion d’examiner l’hypothèse d’une fusion des juridictions de première instance, car la coexistence de juridictions d’instance et de grande instance pose des problèmes d’organisation et manque de souplesse.

En ce qui concerne la répartition des tribunaux spécialisés dans le contentieux du surendettement, prévus par le décret du 23 août 2011, vous avez affirmé que le tribunal de Villejuif était, dans le département du Val-de-Marne, le seul qui n’ait pas bénéficié dans ce cadre de moyens supplémentaires. Le choix des tribunaux d’instance concernés a été effectué à partir des propositions des chefs de cour et de juridiction. Dans le Val-de-Marne, le président du TGI de Créteil a désigné le tribunal d’instance de Villejuif et prévu le redéploiement d’effectifs depuis le tribunal de grande instance. Un magistrat du siège, deux greffiers et un adjoint administratif de la deuxième chambre civile seront ainsi attribués au tribunal de Villejuif, qui bénéficie donc bien de moyens supplémentaires.

Le groupe de travail sur l’exécution des peines a élaboré trente et une recommandations autour de deux grands axes : évaluation de la charge de travail des services d’application des peines et pilotage de ces services. Nombre de ces mesures pouvaient être mises en œuvre immédiatement : elles ont fait l’objet de la circulaire ministérielle du 7 octobre 2011, qui a notamment diffusé les tableaux de bord destinés à la modélisation du rapport d’activité des juges d’application des peines afin de mesurer l’activité du service dans chaque tribunal. Cette circulaire a également repris les préconisations destinées à améliorer la communication entre les différents acteurs de la chaîne pénale : promotion de l’ensemble des instances de dialogue déjà existantes, organisation de réunions thématiques entre le parquet et le service de l’application des peines ou entre ce dernier et les services du tribunal pour enfants.

Le groupe de travail a par ailleurs estimé que la charge d’activité des magistrats compatible avec la nécessité de rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables était de 700 à 800 dossiers par juge de l’application des peines. Nous en avons tenu compte lors des travaux préparatoires au projet de loi de programmation sur l’exécution des peines, qui sera présenté dans quelques semaines au Parlement.

Plusieurs questions ont été posées sur l’aide juridique.

Du point de vue pratique, tout d’abord, il est exact que l’on ne trouve pas partout des timbres à 35 euros, mais à partir du 1er janvier 2012, la contribution pourra être réglée par voie électronique. En attendant, il est nécessaire de recourir à des timbres en papier.

Il manquait 85 millions d’euros, sur un coût total de 103 millions, pour financer l’intervention des avocats consécutive à la réforme de la garde à vue. Après avoir examiné différentes voies possibles, le Gouvernement a tranché en faveur d’une contribution reposant sur la solidarité entre justiciables. Certains proposaient de taxer tous les actes, y compris les actes notariés, mais il nous a semblé qu’il y avait eu suffisamment de discussions entre avocats et notaires cette année, et qu’il était préférable de ne pas lancer un nouveau chantier de cet ordre. De son côté, le rapport de Mme Pau-Langevin et de M. Gosselin sur l’aide juridique et l’accès au droit a présenté plusieurs pistes, dont celle d’une taxe sur les actes juridiques – notamment sur ceux soumis à la procédure d’enregistrement ou d’immatriculation au registre du commerce – et d’une contribution à la charge des assureurs.

S’agissant de la première hypothèse, la question était de savoir s’il était légitime de taxer l’activité économique – celle des entreprises, mais aussi celle des particuliers, notamment quand ils vendent ou achètent un bien immobilier – pour financer l’intervention de l’avocat en garde à vue. Techniquement, les droits d’enregistrement sont actuellement partagés entre communes, départements et État. Ajouter une tranche d’imposition additionnelle affectée au Conseil national des barreaux aurait inutilement accru la complexité de ce prélèvement et réduit sa lisibilité.

Quant à taxer les assureurs, cela serait indirectement revenu à taxer les contrats d’assurance, et donc les assurés, ce qui aurait posé à peu près les mêmes questions que le droit finalement créé.

Dès lors qu’il avait été décidé de financer la réforme de la garde à vue par une taxe affectée, il était sain que cette taxe ait un rapport avec la dépense considérée. De ce point de vue, le droit de timbre était la moins mauvaise des solutions.

La justice a un coût, il faut l’assumer et l’organiser pour prendre en compte les facultés contributives de chacun !

En termes d’organisation, la contribution pour l’aide juridique – qui ne doit pas être confondue avec le droit de timbre sur appel – sera affectée au Conseil national des barreaux et gérée par la profession. Le produit attendu est estimé à 86 millions d’euros compte tenu du nombre de procédures annuelles enregistrées, déduction faite du nombre de bénéficiaires exonérés – notamment les attributaires de l’aide juridictionnelle.

Sur les premiers mois d’application de la réforme de la garde à vue, la dépense liée à l’intervention de l’avocat reste dans les limites de ce qui avait été prévu : il n’y a pas lieu de craindre, à ce stade, une insuffisance de financement. Par ailleurs, rien ne permet d’affirmer que la mise en place de la contribution aura pour effet d’augmenter de façon significative le nombre de demandes d’aide juridictionnelle. Le cas échéant, les bureaux d’aide aux victimes seraient à même de traiter ces demandes supplémentaires. Le nombre de bureaux d’aide juridictionnelle dans lequel le délai de traitement moyen est supérieur à deux mois est d’ailleurs redescendu à cinq ; il devrait être de douze en 2012.

Répondant à M. Verchère, je préciserai que nous allons créer cette année 370 nouveaux emplois de greffier, après en avoir créé 399 en 2011. L’École nationale des greffes n’avait d’ailleurs jamais connu de recrutements aussi importants : cette année, 774 greffiers stagiaires y sont entrés, et ils seront autant l’année prochaine.

Ces recrutements massifs vont permettre d’augmenter le ratio entre nombre de magistrats et nombre de greffiers, de façon à parvenir à une proportion de 1 pour 1. Aujourd’hui, ce taux est d’environ 0,92 : nous avons donc déjà notablement progressé.

La délinquance des mineurs, qui marque beaucoup les gens, connaît une aggravation en termes tant de fréquence que de violence des actes. Lorsque l’on visite des établissements pénitentiaires, on rencontre de nombreux jeunes, mais peu de mineurs. Nous avons en effet, et c’est une bonne chose, réduit le nombre de mineurs incarcérés en prison : alors qu’ils étaient plus de 1 000, ils sont désormais moins de 800, notamment grâce à la création des CEF. Je précise, monsieur Dolez, que les crédits attribués à la PJJ augmenteront de 1,98 % en 2012 pour atteindre 773 millions d’euros. Cela devrait permettre d’assurer une meilleure prise en charge des délinquants et surtout d’éviter la récidive. C’est en effet le vrai problème s’agissant des mineurs : il ne suffit pas de les suivre au moment de leur placement, mais aussi après. Le placement est destiné à rompre avec l’état de délinquance ; par la suite, le suivi permet de maintenir cette rupture.

Je rappelle que la loi du 10 août 2011 a permis d’apporter un certain nombre de réponses pénales plus efficaces et plus visibles, notamment avec le tribunal correctionnel pour mineurs. De son côté, le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, a eu l’occasion de préciser le contenu du principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la justice des mineurs, en s’appuyant sur les lois de 1906 et de 1912 ainsi que sur l’ordonnance de 1945. Cette décision est capitale en ce qu’elle permettra à la prochaine législature de rédiger un code pénal des mineurs, dont nous avons le plus grand besoin.

Je répondrai maintenant à M. Raimbourg.

Je suis d’accord avec lui : nous avons lancé un véritable plan de rattrapage…

M. Dominique Raimbourg. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Les crédits ont en effet augmenté de 19 % depuis 2007, et de 63 % depuis 2002.

En ce qui concerne l’évaluation des partenariats public-privé, je crois avoir déjà répondu. Les établissements construits selon cette procédure sont récents, et la direction de l’administration pénitentiaire travaille sur la comptabilité analytique afin de comparer les coûts. J’y suis très favorable, car nous devons savoir qui paye quoi. Si des services entiers sont transférés au contractant privé, cela doit se traduire sur les effectifs, au moins dans l’établissement concerné – quitte à les redéployer.

Les SPIP ont eu recours aux moyens existants lors de leur création, ce qui explique la forte présence des travailleurs sociaux. Ces derniers sont nécessaires, mais nous avons aussi besoin d’équipes pluridisciplinaires, entre autres de personnes ayant des connaissances en criminologie.

Le nombre de conseillers d’insertion et de probation a fortement augmenté : il est passé de 1 300 à 2 671 entre 2002 et 2011. Un rapport conjoint de l’inspection générale des services judiciaires et de l’inspection générale des finances a d’ailleurs jugé le niveau des effectifs globalement satisfaisant. Il préconise toutefois de mettre en place des équipes mobiles afin de faire face à des pics d’activité. Naturellement, nous en tiendrons compte.

M. Raimbourg a réclamé des indicateurs pour mesurer la surpopulation carcérale. Le phénomène est réel – il existe environ 58 000 places en prison pour 65 000 personnes incarcérées –, mais il se manifeste très inégalement sur le territoire. En Loire-Atlantique, la surpopulation est très forte – nous allons d’ailleurs construire un nouveau centre à Nantes –, mais à Marseille, par exemple, il y a des places libres.

Nous devons trouver les moyens de réduire cette surpopulation. C’est le premier objectif de la loi pénitentiaire. Si nous y parvenons, nous pourrons alors appliquer les autres dispositions de la loi – ce qui est impossible si des détenus doivent dormir par terre, comme cela a pu arriver à Nantes.

Mme George Pau-Langevin. Ou en Guyane !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Monsieur Dolez, les opérations immobilières du ministère de la justice concernent tout d’abord, c’est vrai, le pénitentiaire, mais plus de 1 300 visent les palais de justice – la plus grosse opération, qui est nécessaire compte tenu de l’évolution du fonctionnement de la justice judiciaire, concernera le palais de justice de Paris. Ce sont 135 millions d’euros de crédits qui seront consacrés à ces opérations. De 2009 à 2011, l’investissement de la carte judiciaire s’est élevé à 330 millions d’euros.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le garde des Sceaux, vous avez déclaré dans la presse que l’année prochaine serait la première de la mise en œuvre du projet stratégique national (PSN) 2012-2014, visant notamment à optimiser l’emploi des moyens humains dans la magistrature. Dans ces conditions, pourquoi le nombre de personnels de la PJJ diminuera en 2012 par rapport à 2011, passant de 8 837 personnes à 8 395 ? Il est vrai que cette baisse ne concerne pas les éducateurs spécialisés, et c’est fort heureux. Mais pouvez-vous nous assurer qu’elle n’aura aucune incidence sur les actions éducatives menées par la PJJ, notamment dans les établissements publics d’insertion de la défense – EPIDe – dont nous avons voté la semaine dernière l’extension aux jeunes de seize à dix-huit ans ?

Je me réjouis par ailleurs que des moyens supplémentaires – 30 millions d’euros – soient alloués aux centres éducatifs fermés, ce qui permettra d’en créer vingt supplémentaires. Toutefois, où en est ma proposition de les transformer en plateformes de réinsertion des multirécidivistes, prolongeant de six mois la période de reconstruction sociopsychologique par une seconde période vouée à la formation et à l’apprentissage d’un métier ?

Je vous enverrai mon rapport sur les CEF, monsieur le garde des Sceaux, où chacun s’accorde à reconnaître que six mois, c’est trop court pour remettre sur le droit chemin un délinquant désocialisé, désœuvré et en perte d’identité.

M. Bernard Gérard. Au cours de l’examen du texte sur la participation des citoyens à la justice pénale, nous avons voté le renforcement des évaluations de dangerosité : vous avez alors annoncé la création d’un centre national d’évaluation à Lille – sujet qui me tient à cœur compte tenu du drame qui s’est déroulé dans cette ville. Où en est ce dossier ?

Par ailleurs, quels moyens seront affectés au renforcement, qui a été adopté, de l’usage du bracelet électronique ?

M. Yves Nicolin. Monsieur le garde des Sceaux, pourriez-vous faire un point sur la situation du centre pénitentiaire de Roanne qui, ouvert en décembre 2008, a fait récemment l’objet de manifestations de la part de personnels ?

Le tribunal de Roanne manque également de psychiatres, ce qui allonge les délais des demandes d’aménagement de peine.

Enfin, quelles actions avez-vous développées ou allez-vous développer pour rattraper les pays anglo-saxons qui règlent l’immense majorité de leurs conflits par le biais de la médiation, laquelle est une alternative à l’action en justice ?

M. Serge Blisko. En dépit des efforts déjà accomplis en matière de modernisation des places de prison, il en reste encore beaucoup à réaliser pour que les règles pénitentiaires européennes soient appliquées dans leur totalité et que l’objectif raisonnable de 95 % d’encellulement individuel, inscrit dans la loi pénitentiaire de 2009, soit atteint. Or nous sommes encore loin du compte – on a évoqué le chiffre de 400 matelas par terre !

C’est pourquoi nous sommes opposés au programme immobilier visant à atteindre les 80 000 places. Compte tenu de la loi pénitentiaire, des alternatives à l’incarcération et du programme très justifié d’augmentation de la présence des SPIP auprès des personnes en sursis avec mise à l’épreuve (SME), il n’est pas utile de prévoir plus de 60 000 à 62 000 places de bonne qualité, telles qu’elles ont été définies. Il faut rappeler qu’une place de prison coûte aujourd'hui entre 80 000 et 100 000 euros, ce qui surenchérit le programme. Alors que, comme vous l’avez noté, monsieur le garde des Sceaux, Paris aura bientôt un beau palais de justice, qui coûtera 250 millions d’euros, est-il besoin de dépenser autant d’argent pour l’enfermement ?

De plus, la volonté du Président de la République de multiplier les places de prison va à l’encontre du développement du bracelet et des actions que la PJJ, notamment, peut mener en matière d’alternative à la prison, laquelle doit prendre le pas sur la construction de 15 000 places supplémentaires.

Mme George Pau-Langevin. Monsieur le garde des Sceaux, ce débat laisse les parlementaires sur leur faim car nous devons nous contenter de la portion congrue.

La hausse du budget de la justice profite en grande partie à la pénitentiaire. Or l’augmentation du nombre de places de prison a un impact évident sur l’accès au droit, dont le budget ne prévoit aucun crédit en relation avec les nouvelles missions que nous avons votées.

Le budget de l’accès au droit, nous dit-on, permettrait de pallier les nouvelles sujétions liées à la garde à vue, alors même que vous n’avez pas retenu les préconisations que M. Gosselin et moi-même avions faites pour élargir l’assiette finançant l’aide juridictionnelle. Vous avez déclaré que ces préconisations ne vous semblaient pas justes, mais est-il juste que ce soient des justiciables entamant des procédures de divorce ou faisant des réclamations pour leur loyer ou l’obtention d’une allocation handicapée qui financent la garde à vue ? Il aurait été plus juste de faire payer les compagnies d’assurances !

Par ailleurs, s’il est vrai qu’on ouvre des maisons de justice et du droit (MJD), c’est également une manière de faire reposer l’accès au droit en partie sur les collectivités territoriales, qui sont déjà taxées en matière de politique de la ville puisque les crédits dédiés à celle-ci sont asséchés.

Si vous avez créé des postes de greffiers, vous avez supprimé des agents de catégorie C, si bien que les greffiers se trouvent obligés de faire eux-mêmes des photocopies, ce qui, comme vous l’avez vous-même observé, est une anomalie.

M. Yves Censi, vice-président de la commission des Finances. Je tiens à rappeler que, en vertu de la Constitution, le Gouvernement prend la parole lorsqu’il le souhaite.

De plus, l’objet des commissions élargies est d’obtenir des réponses du Gouvernement.

Enfin, la procédure actuelle a été proposée par tous les groupes, y compris le vôtre, madame Pau-Langevin : vous n’avez pas à la remettre en cause à chaque prise de parole.

Mme Sylvia Pinel. Alors que ce budget devrait être une priorité, la justice connaît de graves difficultés de fonctionnement.

Quels moyens prévoyez-vous pour accélérer l’activité judiciaire, raccourcir les délais de jugement ou éviter l’inexécution des peines – 80 000 peines n’ont pas été appliquées cette année ? Que répondez-vous aux forces de l’ordre exaspérées par le décalage entre l’action qu’elles mènent pour lutter contre une délinquance croissante et l’absence de sanctions dont peuvent bénéficier des délinquants parfois dangereux, qui commettent des délits à la chaîne, puisque les sanctions ne sont ni systématiques ni suffisamment rapides ?

De même, plutôt que de se fixer comme principale priorité budgétaire le programme immobilier pénitentiaire pour satisfaire les dernières annonces du Président de la République, ne serait-il pas plus judicieux de développer les peines alternatives à la prison pour désengorger les centres de détention ? Le système judiciaire prévoit pourtant de nombreuses dispositions alternatives qui permettraient d’y parvenir, dispositions insuffisamment utilisées par manque de moyens. Que comptez-vous faire pour les développer ? Je pense notamment, pour la justice des mineurs, aux centres éducatifs renforcés, aux centres éducatifs fermés et aux foyers ouverts, dont plus de la moitié a fait l’objet d’une fermeture depuis 2008, ce qui a pour triste conséquence le placement en détention d’un trop grand nombre de mineurs, avec tous les effets contre-productifs qu’un tel placement peut engendrer.

Pourquoi ne pas pérenniser ce qui fonctionne ? Il faut, pour éviter de porter atteinte régulièrement à la justice des mineurs, la doter des moyens nécessaires. Or la PJJ est depuis dix ans une grande sacrifiée des arbitrages budgétaires et elle devra encore supporter l’année prochaine une diminution de ses effectifs – moins 106 ETP –, alors même qu’elle manque déjà de magistrats, de personnels de greffe et d’éducateurs, si bien qu’à l’heure actuelle une décision d’assistance éducative attend entre trois et cinq mois avant d’être appliquée et une peine prononcée près de dix mois pour être exécutée. Comment la baisse considérable du budget des services judiciaires pourrait-elle permettre de remédier à cette situation ?

Enfin, monsieur le garde des Sceaux, pensez-vous que ce budget permettra à la France de ne plus être classée au trente-septième rang des pays du Conseil de l’Europe pour la part de PIB consacrée à la justice ?

M. François Rochebloine. Monsieur le garde des Sceaux, permettez-moi d’appeler votre attention sur la situation de la maison d’arrêt départementale de La Talaudière, dans le département de Loire, dont nous espérons la prochaine réhabilitation ou reconstruction.

Je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir répondu favorablement à mon invitation et effectué une visite complète de cet établissement l’été dernier. Vous avez ainsi pu constater directement l’état des locaux qui, sans être très anciens, posent de vrais problèmes quant à la sécurité, aux conditions de travail des personnels pénitentiaires et aux conditions de détention des personnes incarcérées, non conformes au principe de dignité.

Cette maison d’arrêt n’étant plus aux normes, il convient ou de la moderniser ou de la reconstruire.

De plus, les riverains immédiats de l’établissement subissent depuis de très longues années d’importantes nuisances en raison des parloirs sauvages.

Monsieur le garde des Sceaux, la décision de réhabilitation ou de reconstruction sur un autre site a-t-elle été prise ? Si oui, quels en seraient les coûts respectifs et à quelle date débuteraient les travaux ?

Votre visite a été appréciée de tous : elle a permis des échanges de qualité. À ce titre, elle a suscité beaucoup d’espoir du côté des personnels.

M. Marcel Bonnot. Le budget de la justice, qui s’élève à 7,42 milliards d’euros, a des objectifs ambitieux.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, quelle jauge vous a permis de fixer le montant des crédits à 422 millions d’euros, d’autant que la prestation des avocats se trouve accrue dès la première heure de garde à vue et pendant toute la durée de celle-ci ?

Il ne faudrait pas que l’accès au droit, désormais garanti pour chacun, entraîne la création d’une sorte de sécurité sociale sur le dos de la corporation des avocats.

En outre, une contribution pour l’aide juridique a été instaurée pour tous les justiciables, donnant lieu à l’acquittement d’un timbre de 35 euros, payé, suivant ses ressources, par celui qui appréhende une procédure devant le tribunal de grande instance. À combien les ressources dégagées par cette contribution sont-elles estimées ? Sera-t-elle affectée en partie à l’indemnisation des avoués ? Quelle est la part de l’État ? Est-elle suffisante pour faire face à l’exigence financière engendrée par la loi du 14 avril 2011 sur la réforme de l’aide juridictionnelle ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le garde des Sceaux, quel est le montant des crédits prévus pour la rénovation du parc immobilier pénitentiaire, notamment pour le centre de Mende ? Mme Alliot-Marie avait conservé cette prison pour des raisons d’aménagement du territoire mais, faute d’entretien, elle risque de disparaître.

Par ailleurs, les prisons ouvertes concernent en France moins de 1 % des détenus, contre 34 % au Danemark, 32 % en Finlande et 24 % en Suède. La moyenne de l’Union européenne s’élève à 6 %. Jean-Marie Bockel avait beaucoup œuvré sur le sujet. Quelles sont les réflexions engagées à ce sujet ?

La France, enfin, est régulièrement condamnée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme pour délai non raisonnable par la CEDH. Quel montant atteint la totalité de ces condamnations ? Quelles réponses envisagez-vous d’apporter à cette situation ?

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le garde des Sceaux, vous m’avez tenu informée, le 30 août dernier, de la répartition des effectifs dans les juridictions de la Guyane et des créations de postes à Cayenne et à Saint-Laurent-du-Maroni. Je tiens à saluer ici cette avancée.

Vos avez précisé que le nombre de fonctionnaires prévus s’élevait à 81 : 69 postes étant actuellement pourvus, je présume que le rattrapage sera réalisé en 2012.

La création de la cour d’appel de Cayenne a été actée pour le 1er janvier 2012. Quand entrera-t-elle effectivement en fonctions pour répondre aux besoins des justiciables et des professionnels de la justice ?

Prévoyez-vous un effort pour l’aide juridictionnelle en Guyane, compte tenu du taux élevé d’affaires dans lesquelles les justiciables y ont recours ?

Le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly a été épinglé par l’Observatoire international des prisons : il n’y a que 532 places pour 665 détenus. De plus, les syndicats dénoncent régulièrement le manque de surveillants. Quand annoncerez-vous la création d’un centre de rétention à Saint-Laurent-du-Maroni ? Surtout, quand mettrez-vous en place les services de justice dans l’ouest de la Guyane, à Saint-Laurent précisément, services qui font à l’heure actuelle cruellement défaut ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Je souhaite revenir sur la protection judiciaire de la jeunesse. Vous avez affirmé que son budget augmentait de 1,2 % : l’honnêteté devrait vous conduire à rappeler que, de 2008 à 2011, il a baissé continûment de 6 %. De plus, cette augmentation ne compense pas l’inflation, qui s’élève à 2 %. Enfin, vous transformez plusieurs établissements de placement éducatifs actuellement gérés par la PJJ en CEF – vous consacrez à cet objectif 30 millions d’euros. L’augmentation que vous avez évoquée ne se traduit donc pas en moyens supplémentaires pour la PJJ.

S’agissant des personnels, vous ne cessez de confier, à longueur de textes, des missions supplémentaires à la PJJ – c’est une marque de reconnaissance – et vous souhaitez toujours plus d’éducateurs dans les établissements de réinsertion scolaire. Or, dans le même temps, vous supprimez 130 équivalents temps plein travaillé. Ainsi, sur la période 2007-2012, vous aurez supprimé 7 % des 9 000 agents de cette administration, soit quelque 650 postes. Alors que vous affirmez vouloir améliorer la qualité du traitement de la délinquance des mineurs, comment réussirez-vous à réduire les délais de prise en charge et à renforcer la réinsertion des mineurs – tel est l’objectif – tout en supprimant des agents – je n’ai pas dit : « éducateurs » – dont c’est précisément la compétence ? Comment ferez-vous mieux avec, au total, moins de personnels ?

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le garde des Sceaux, j’ai déjà posé, il y a un an et demi, à M. Jean-Marie Bockel la question de l’inadaptation des moyens, en nombre de magistrats, dans les tribunaux administratifs pour traiter rapidement des recours relatifs à des projets publics importants en termes de création d’activités et d’emplois.

Le département du Loir-et-Cher offre trois exemples.

Le premier concerne l’ancien site Giat Industries de Salbris, où 600 emplois se sont évaporés du fait des procédures qui ont traîné en longueur durant cinq ans, aboutissant au retrait de l’investisseur. À Dhuizon, Pierre et Vacances attend depuis quatre ans et demi de pouvoir créer un village de vacances. Enfin, à Romorantin, Unibail s’est désengagé après avoir attendu quatre ans, de recours en recours, une décision lui permettant de réaliser le projet de Carré des Marques.

Monsieur le garde des Sceaux, l’État doit assurément faire des économies : nous en sommes tous persuadés. Toutefois, les économies que l’État réalise, d’un côté, en nombre de magistrats, économies qui retardent le traitement des dossiers, ne les perd-il pas, de l’autre, en même temps que les collectivités locales, en termes d’emplois, de chômage et d’assistance ? Les pertes engendrées par la disparition de projets créateurs d’activités et d’emplois sont bien plus lourdes pour la collectivité nationale que ne sont importantes les économies réalisées par le ministère de la justice.

M. Jacques Valax. Première observation : nous sommes passés du trente-cinquième au trente-septième rang des pays du Conseil de l’Europe pour la part de PIB consacrée à la justice.

Ma deuxième observation est tirée du rapport sur le budget de la justice de M. Jean-Paul Garraud, rapporteur spécial, qui note la persistance, l’aggravation parfois, des difficultés quotidiennes rencontrées par les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires.

Troisième observation : l’USM « dénonce un budget de la justice en trompe-l’œil, en réalité en baisse en ce qui concerne les services judiciaires et la protection judiciaire de la jeunesse, malgré quelques recrutements qui demeurent insuffisants pour faire face aux nouvelles charges nées de lois adoptées en cours d’année 2011 ».

Enfin – quatrième observation –, s’agissant de l’accès au droit et à la justice, si le budget de l’aide juridictionnelle, après des années de baisse, est de nouveau en hausse, c’est au détriment des budgets du développement de l’accès au droit, de l’aide aux victimes et de la médiation – médiation dont on parle beaucoup mais qui demeure le parent pauvre de la justice : depuis dix ans, rien n’a été fait pour son développement.

Quant à la contribution complémentaire de 35 euros, que je dénonce et dont je prétends qu’elle est contraire au principe du libre accès à la justice, je suis certain qu’elle servira à abonder les fonds de l’aide juridictionnelle. Et ce ne sont pas les quelques explications que vous nous avez données qui ont pu me rassurer.

En ce qui concerne le transfert des charges d’escorte et de garde des palais de justice, le rapport de l’USM évalue à 1 000 le nombre d’agents nécessaires – il y est même question de 2 000 à 3 000 ETPT. Or vous avez affirmé que 250 agents suffiraient. Qu’en est-il exactement ? Peut-être vos services pourront-ils me répondre sur le sujet.

Quel sera le nombre de greffiers en 2011 et 2012 ?

M. Jean-Michel Clément. Je partage la préoccupation de M. Michel Hunault relative à l’application des lois que nous votons, et ce ne sont pas les chiffres dont nous débattons aujourd'hui qui nous rassureront en la matière.

L’augmentation du budget de la justice traduit son recentrage général sur la justice pénale au détriment implicite de la justice civile et de la justice judiciaire.

Les parents pauvres du budget sont les procédures autres que les procédures pénales. Or les indices des documents budgétaires ne nous permettent pas d’apprécier la qualité de cette justice autrement qu’en en ressentant, au quotidien, les méfaits sur la vie de nos concitoyens. Je pense notamment à la justice familiale et aux procédures de tutelle, qui ne peuvent pas être appliquées conformément aux lois et aux décrets existants.

Vous avez évoqué le juge de proximité, monsieur le garde des Sceaux. Mais ce n’est pas lui qui réglera la situation. Nous sommes face à un dysfonctionnement majeur. Par-delà les chiffres, je le répète, il y va de la qualité de la justice !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier a évoqué le coût de cette lenteur pour le budget de l’État, remarquant qu’il nous manque un indicateur en la matière.

Il faut savoir en effet que, trop souvent, parce que la justice ne peut pas rendre ses décisions en temps utile, nos concitoyens sont victimes de cette lenteur sur le plan économique, notamment lorsque la vie des entreprises est en jeu, si bien qu’ils demandent réparation financière à l’État. Cette lenteur fait donc deux victimes : l’entreprise et l’État. Les documents budgétaires nous masquent ce coût, qu’il conviendrait à l’avenir d’identifier.

M. Philippe Goujon. Où en est le regroupement des services centraux du ministère – je fais allusion à différents projets, notamment dans le 5e arrondissement de Paris et à Bagnolet ?

Par ailleurs, nous avons voté des lois en vue de lutter contre des désordres préoccupants pour nos concitoyens – attroupements dans les halls d’immeubles, racolage passif, vente à la sauvette –, ce qui conduit à de nombreuses interpellations. Or les jugements rendus montrent que la justice a des difficultés à appréhender ces contentieux. Qu’en est-il exactement ?

M. Laurent Hénart. Monsieur le garde des Sceaux, disposez-vous d’éléments d’appréciation des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), qui ont été installées dans plusieurs villes afin de permettre une concentration des compétences sur certaines affaires particulièrement techniques et complexes ?

Puisqu’il s’agit de petites unités, la défaillance d’un poste de magistrat ou d’agent administratif suffit pour nuire au bon fonctionnement de l’ensemble de la structure. Une attention particulière pourrait-elle être portée à ces nouvelles unités, notamment en termes de moyens humains ?

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Monsieur Martin-Lalande, je ne peux vous répondre, pour la simple raison que le budget des juridictions administratives relève, non du ministère de la justice, mais du vice-président du Conseil d’État. Soyez toutefois assuré que je transmettrai à ce dernier les questions que vous avez posées.

Au total, quelque 250 000 personnes sont placées sous main de justice en France, parmi lesquelles 175 000 exécutent leur peine en milieu ouvert. Il est donc erroné de prétendre que l’on ne fait que du carcéral ! La population écrouée est de 64 000 personnes. Il est vrai que l’on compte 85 000 personnes qui ont été condamnées, mais dont la peine n’a pas été exécutée ; encore faut-il préciser qu’il s’agit de condamnations à de courtes peines.

Il convient d’adapter le système pénitentiaire à ces courtes peines : les besoins ne sont pas les mêmes suivant que les gens sont condamnés à trois mois ou à trois ans de prison. L’une des ambitions du programme de 80 000 nouvelles places est de différencier les établissements pénitentiaires, afin de répondre aux particularités individuelles. L’exécution des peines a été diversifiée grâce au placement sous bracelet électronique, qui concerne aujourd’hui 12 000 personnes ; cela impose toutefois une surveillance spécifique, qui peut être compliquée à mettre en œuvre, notamment pour les délinquants sexuels.

La protection judiciaire de la jeunesse est-elle, comme vous l’affirmez, le parent pauvre de la justice ? J’admets que vos critiques soient recevables, même s’il convient de noter, premièrement, que l’on essaie cette année de mettre un terme à des coupes certes nombreuses et, deuxièmement, que l’on n’a jamais touché au cœur du métier, notamment aux effectifs des éducateurs. Il reste que des suppressions de postes ont touché les fonctions de support, ce qui a imposé une réorganisation territoriale des services. En 2012, cent quarante emplois de soutien seront supprimés, tandis que cent dix postes d’éducateur seront créés, dont soixante pour les centres éducatifs fermés – soit un solde négatif de trente emplois.

Monsieur Gérard, outre le Centre national d’évaluation de Fresnes, un deuxième centre vient d’être créé au sein du nouvel établissement pénitentiaire de Réau, et la décision d’en ouvrir un troisième dans le Nord a été prise. La direction de l’administration pénitentiaire travaille sur plusieurs scénarios : celui qui semble actuellement privilégié consisterait à transformer le quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Lille-Sequedin en centre national d’évaluation à l’occasion de l’ouverture de la maison centrale de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, prévue pour 2013.

Monsieur Nicolin, vous avez raison, il convient de développer la médiation. Mais quand on le propose dans un texte, il serait bon de voter celui-ci ! Il faut savoir que 60 % du temps des juridictions est occupé par le traitement du contentieux familial, dont une part importante pourrait être réglée par la médiation : ce n’est pas nécessairement au juge d’intervenir dans la vie d’un couple.

M. Yves Nicolin. Il faudrait aussi développer la médiation économique…

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Commençons déjà par la médiation sociale !

Le centre de détention de Roanne semble effectivement aller mal. J’irai le visiter après les élections professionnelles.

Il est également vrai que cette région manque de psychiatres. Il s’agit toutefois d’un problème national, que le ministère de la justice ne pourra régler seul.

L’objectif de 80 000 places est-il nécessaire ? M. Blisko et Mme Pinel ont tenu à ce sujet des propos contradictoires. Il est vrai que l’on n’a pas besoin de 80 000 places identiques, dans des maisons d’arrêt, mais il convient de différencier les places suivant les peines à accomplir. Il est également vrai que, même si l’on mène ce programme à bien, on restera à un niveau inférieur à celui de l’Espagne ou de l’Angleterre. Il est tout aussi vrai que des peines ne sont pas exécutées et que l’on doit y remédier. Mais, pour ce faire, il existe d’autres solutions que la prison : on peut notamment augmenter le nombre de placements sous bracelets électroniques – même si l’on atteindra bientôt, pour des raisons techniques, le maximum. Il reste que Mme Pinel a raison : il faut davantage de places.

Madame Pau-Langevin, le budget consacré à l’accès au droit et à la justice augmentera de 7,1 % en 2012, ce qu est bien. Néanmoins, on constate que le recours à un avocat lors de la garde à vue est, pour l’instant, plus modeste que prévu. Il faut voir comment les choses évolueront et attendre la décision du Conseil constitutionnel sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité concernant la garde à vue dont il a été saisi. Je pense toutefois que les mesures qui ont été prises permettront d’assurer le bon fonctionnement du service.

On a en effet supprimé de nombreux emplois de catégorie C dans les services judiciaires. Je pense que l’on peut difficilement aller plus loin. Je tiens, comme vous, à préserver la spécificité des missions des greffiers. Je suis persuadé qu’il faudra demain repenser leur rôle dans les juridictions et, pour les affaires de première instance, comme la vérification de la gestion des comptes de tutelle ou les injonctions de payer, peut-être modifier la répartition des compétences entre magistrats d’instance et greffiers, comme cela se fait en Allemagne. En tout cas, laissons-nous la possibilité de le décider, et faisons en sorte que les autres tâches puissent être remplies par d’autres fonctionnaires.

Madame Berthelot, la situation en Guyane est bien délicate. Nous essayons de l’améliorer. Je viens de proposer la nomination d’un nouveau procureur à Cayenne. L’installation d’une cour d’appel à Cayenne – demande ancienne – sera effective au début du mois de janvier ; j’y assisterai. Je proposerai au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) un candidat pour le poste de procureur général. Je sais que la formation du siège du CSM est en train de procéder à la sélection du candidat au poste de premier président de la cour d’appel de Cayenne.

S’agissant de la délicate affaire de Saint-Laurent-du-Maroni, je ne vous promettrai pas la création d’un tribunal de grande instance. En revanche, nous essayons d’établir une présence constante de la justice ; on dispose d’ores et déjà d’un greffe détaché renforcé, comprenant deux fonctionnaires et deux magistrats, un vice-président et un vice-procureur.

Mme Chantal Berthelot. Ils ont quitté les lieux !

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. De nouvelles personnalités viennent d’être nommées, qui arriveront sous peu. Je vous promets que, lorsque j’irai à Cayenne pour l’installation de la cour d’appel, je me rendrai aussi à Saint-Laurent-du-Maroni.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, la maison d’arrêt de Mende doit recevoir 57 prisonniers ; 357 970 euros ont été prévus pour la sauvegarde du bâtiment, 53 000 euros pour la sécurité incendie et 51 000 euros pour le système d’interphonie.

Monsieur Rochebloine, on ne réhabilitera pas l’établissement de La Talaudière : on construira une nouvelle prison sur un terrain disponible. Si vous ne parvenez pas à trouver un terrain disponible, je pourrai vous en montrer un.

Monsieur Valax, vous savez fort bien que le budget de la justice est en hausse ! Il est en outre erroné de prétendre que tout est destiné au pénal. Sur ce point, l’USM s’est trompée – j’en ai d’ailleurs discuté avec M. Régnard.

Monsieur Goujon, deux sites seront en réalité conservés : la place Vendôme et un autre. On parle de ce projet depuis des années. L’objectif est de réaliser des économies, le ministère de la justice utilisant des locaux dont les loyers sont extrêmement élevés. Parmi les nombreuses propositions qui ont été faites, j’étais pour ma part favorable à celle du président Giscard d’Estaing d’installer nos services dans l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde. Cet avis n’a pas été partagé. Une mission a donc été confiée par le ministère et par France Domaine à un cabinet, qui a sélectionné cinquante-deux sites, parmi lesquels nous en avons retenus quatre : deux à La Défense, un dans le 15e arrondissement de Paris et un autre vers la porte de la Chapelle. Les négociations sont en cours.

Mme George Pau-Langevin. Et le projet d’une installation à la porte de Bagnolet ?

M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés. Personne ne voulant y aller, je ne l’ai pas retenu. Quoique je ne sois pas spécialiste des questions immobilières, je trouve fort curieux que ces locaux n’aient pas trouvé preneur depuis trente ans. Je me dis qu’il doit bien y avoir une raison…

Monsieur Hénart, les juridictions interrégionales spécialisées font du très bon travail. Si certaines ont démarré tardivement, comme à Lyon, toutes fonctionnent correctement aujourd’hui. À Marseille, la JIRS est même devenue indispensable.

J’entends veiller à ce que ces juridictions disposent des outils nécessaires à leur bon fonctionnement, notamment en termes de profils de postes pour les magistrats, d’assistants spécialisés et de fonctionnaires détachés d’autres ministères, ainsi que de moyens techniques spécifiques, qui seront financés notamment grâce au fonds de concours géré par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). À ce jour, les JIRS ont traité 1 843 procédures.

M. Yves Censi, vice-président de la commission des Finances. Monsieur le garde des Sceaux, nous vous remercions pour la précision de vos réponses.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Michel Mercier, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés, la Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l’accès au droit, et de M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis des crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, suppléé par M. Jean-Paul Garraud, les crédits de la mission « Justice » pour 2012.

Article 32 : Crédits du budget général. État B mission « Justice ».

La Commission examine l’amendement n° II-9 du Gouvernement.

M. Guy Geoffroy, président. Cet amendement a déjà fait l’objet d’une présentation lors des débats qui viennent de se tenir en présence de M. le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés.

Suivant l’avis de M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l’accès au droit et suppléant M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis des crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, la Commission donne un avis favorable à l’amendement n° II-9.

Conformément aux conclusions de M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l’accès au droit, et de M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis des crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, suppléé par M. Jean-Paul Garraud, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2012.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement n° II-9 présenté par le Gouvernement :

Article 32 (état B)

Mission Justice

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Justice judiciaire

Dont titre 2

0

0

10 000 000

0

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

0

0

10 000 000

0

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

0

0

0

0

Accès au droit et à la justice

0

0

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

0

0

0

0

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

0

0

0

0

TOTAUX

0

20 000 000

SOLDE

-20 000 000

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement a pour objet de réévaluer le plafond des crédits de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre de la mise en œuvre du plan d’économies supplémentaires d’un milliard d’euros annoncé par le Premier ministre le 24 août 2011.

Il est proposé de réduire de 20 millions d’euros le montant des autorisations d’engagements (AE) et des crédits de paiement (CP) de cette mission. Cette diminution se décompose de la manière suivante :

– minoration de 9,5 millions d’euros des crédits de chacun des programmes « Administration pénitentiaire » et « Justice judiciaire » ; il a en effet été observé au cours des derniers exercices une sous-consommation récurrente des crédits d’investissements immobiliers hors partenariats public-privé (PPP) sur ces deux programmes, liée notamment au décalage de certaines opérations programmées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (sous-consommation moyenne de ces dépenses respectivement de 9 % et 18 % sur les programmes « Administration pénitentiaire » et « Justice judiciaire » au cours des trois dernières années). Une programmation au plus proche des besoins tenant compte des aléas de nature à retarder certaines opérations justifie l’ajustement proposé sur chacun des programmes ;

– minoration de 1 million d’euros portant sur deux des opérateurs rattachés à la mission : les subventions pour charges de service public de l’École nationale de la magistrature, rattachée au programme « Justice judiciaire », et de l’École nationale d’administration pénitentiaire, rattachée au programme « Administration pénitentiaire », sont chacune réduites de 0,5 million d’euros.

PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Ministère de la Justice et des libertés

Direction de l’administration pénitentiaire

—  M. Henri MASSE, directeur

—  M. Philippe COMBETTES, sous-directeur des personnes placées sous main de justice

—  M. Francis LE GALLOU, sous-directeur de l’organisation et du fonctionnement des services déconcentrés

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

—  M. Jean-Louis DAUMAS, directeur

Syndicats

Syndicat national des directeurs pénitentiaires

—  M. Jean-Michel DEJENNE, premier secrétaire

Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP/FSU)

—  M. Sylvain ROUSSILLOUX, secrétaire général adjoint

Syndicat national pénitentiaire – Force Ouvrière (FO)

—  M. Jimmy DELLISTE, secrétaire national (personnels de direction)

—  M. Adhérald HOURNON, secrétaire général adjoint (personnels techniques)

—  M. Jean-François LOUAVER, secrétaire national (personnels de direction)

—  M. René SANCHEZ, secrétaire général adjoint (personnels de surveillance)

Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP)

—  M. David BESSON, secrétaire général adjoint

—  M. Stéphane BARRAUT, secrétaire général adjoint

Union générale des syndicats pénitentiaires – Confédération générale du travail (CGT)

—  M. Fabrice DORIONS

—  Mme Delphine TROUSSARD-COLLIN

Syndicat des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse –  Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

—  M. Laurent HERVÉ, secrétaire général

Associations

Citoyens et justice (Fédération d’associations socio-judiciaires)

—  M. Francis BAHANS, directeur général adjoint

Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)

—  Mme Karine MÉTAYER, conseillère technique

Fédération nationale des services sociaux spécialisés (FN3S)

—  M. Michel FOLLIOT, président

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille

Pôle centralisateur du suivi des personnes placées sous surveillance électronique

—  M. Alain JEGO, directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille

Établissements pénitentiaires

Centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes (Bouches-du-Rhône)

—  M. Pierre RAFFIN, directeur interrégional adjoint des services pénitentiaires de Marseille

—  M. Jean-Paul BOUTTIER, chef du département des politiques d’insertion et de probation et de prévention de la récidive

—  M. Jean-Charles BARRANDON, lieutenant pénitentiaire, chef du pôle centralisateur du suivi des personnes placées sous surveillance électronique

—  M. Thierry ALVES, chef d’établissement du centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes

—  Mme Laurence PASCOT, directrice au centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes

—  Mme Florence GAGNEUX, directrice adjointe du service pénitentiaire d’insertion et de probation des Bouches-du-Rhône

—  M. Claude RAMBAUD, chef de service d’insertion et de probation du service pénitentiaire d’insertion et de probation des Bouches-du-Rhône, attaché au centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes

—  Mmes Nicole BRUN, Sylviane COMPANS, Leslie LAMBERTI, conseillères pénitentiaires d’insertion et de probation du service pénitentiaire d’insertion et de probation des Bouches-du-Rhône (milieu ouvert)

—  MM. Antoine MAZZELLA, Jérémy THERY, Fabien RIGAUD, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation du service pénitentiaire d’insertion et de probation des Bouches-du-Rhône (milieu fermé)

—  M. Ali ZOGHLAMI, surveillant pénitentiaire, affecté au service pénitentiaire d’insertion et de probation des Bouches-du-Rhône

Centre de détention de Nancy-Maxéville (Meurthe-et-Moselle)

—  Mme Laure PERRIN, directrice adjointe, chef d’établissement par intérim du centre de détention de Nancy-Maxéville

—  M. Michaël MERCI, directeur adjoint du centre de détention de Nancy-Maxéville

—  Mme Paloma CASADO-TORRES, directrice adjointe du centre de détention de Nancy-Maxéville

—  M. Cyrille PERROT, chef de service du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Meurthe-et-Moselle (milieu fermé)

—  Mme Béatrice YAGER, chef de service du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Meurthe-et-Moselle (milieu ouvert)

—  Mme Stéphanie SADOUNE, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Meurthe-et-Moselle (milieu ouvert)

—  Mme Brigitte GUILLAUME, assistante sociale du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Meurthe-et-Moselle (milieu ouvert)

Maison d’arrêt de Paris-La Santé

—  Mme Sylvie MANAUD, directrice de la maison d’arrêt

—  M. Patrick MADIGOU, directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation de Paris

—  M. Philippe VAFIADES, lieutenant pénitentiaire, chef du pôle centralisateur du suivi des personnes placées sous surveillance électronique

—  M. Jean-Marie AKERA, chef de détention à la maison d’arrêt

Centres éducatifs fermés

Centre éducatif fermé de Liévin (Pas-de-Calais)

—  M. Hamady CAMARA, directeur

—  Mme Marie-Pierre TILLOY, responsable d’unité éducative.

—  Mme Caroline FOVET, éducatrice

—  Mme Julie RONDELART, psychologue

—  Mme Anne-Aymone ROLIN, infirmière

Centre éducatif fermé de Saint-Venant (Pas-de-Calais)

—  M. Jean-François BROCH, président de l’association A.B.C.D

—  M. Étienne AUBIN, directeur adjoint du Centre

—  Mme Sophie PLAZA, directrice des établissements et services

—  M. Christophe HEROGUER, directeur des établissements et services

Centre éducatif fermé de Savigny-sur-Orge (Essonne)

—  M. Salem KESSAR, directeur territorial de la Protection judiciaire de la jeunesse de l’Essonne

—  M. Alain RENAUDEAU, directeur du Centre

—  Mme Valérie POTEL, psychologue

Directions interrégionales de la Protection judiciaire de la jeunesse

Direction interrégionale de la PJJ Sud-Est (Marseille)

—  Mme Michèle GUIDI, directrice interrégionale Sud-Est

—  M. Luc CHARPENTIER, directeur territorial des Bouches-du-Rhône

—  Mme Adidi ARNOULD, directrice de service éducatif en EPM

—  Mme Carole SOLLOSSI, responsable d’unité éducative (Unité éducative de milieu ouvert de Martigues)

—  Mme Catherine BATAILLE, éducatrice (Unité éducative de milieu ouvert de Bougainville)

—  Mme Stéphanie MARTINON, éducatrice (Unité éducative de milieu ouvert de Viton)

—  M. Benoît BELVALETTE, responsable des politiques institutionnelles à la Direction territoriale des Bouches-du-Rhône

—  M. Serge HALLÉPÉE, directeur du Service territorial éducatif de Marseille-Est

—  M. Jérôme HALOIN, responsable d’unité éducative (Unité éducative d’activités de jour d’Aix-en-Provence)

Direction interrégionale de la PJJ Grand-Est (Nancy)

—  M. Dominique SIMON, directeur interrégionale Grand-Est

—  M. Clément METZ, directeur de service (Établissement de placement éducatif de Colmar)

—  M. Martin ROUSSEL, responsable d’unité éducative (Unité éducative d’activité de jour de Nancy)

—  Mme Muriel ROTH, éducatrice (Unité éducative de milieu ouvert de Briey)

© Assemblée nationale