N° 3811 tome I - Avis de Mme Anny Poursinoff sur le projet de loi de finances pour 2012 (n°3775)


N° 3811

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2012

TOME I

SANTÉ

PRÉVENTION ET SÉCURITÉ SANITAIRE

Par Mme Anny POURSINOFF,

Députée.

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Voir les numéros : 3775, 3805 (annexe n° 39).

INTRODUCTION 5

I.- PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DESTINÉS À LA VEILLE ET LA PRÉVENTION SANITAIRES : LES CRÉDITS DES ACTIONS 11, 12, 13, 14 ET 18 7

A. ÉCLAIRAGE SUR LES AGENCES À COMPÉTENCES TRANSVERSALES : L’INSTITUT DE VEILLE SANITAIRE ET L’INSTITUT NATIONAL DE PRÉVENTION ET D’ÉDUCATION POUR LA SANTÉ (ACTIONS 11 ET 12) 7

1. Les crédits de l’action 11 « Pilotage de la politique de santé publique » sont en recul 7

a) La dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux est nettement inférieure à la loi de finance initiale pour 2011 malgré l’élargissement de ses missions à l’indemnisation des victimes du Mediator 7

b) L’Institut de veille sanitaire voit également ses moyens diminuer 8

2. Les crédits de l’action 12 « Accès à la santé et éducation à la santé » sont stables 10

a) Des crédits principalement destinés à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé 10

b) La taxe sur les produits alimentaires et les objectifs retenus dans le programme de travail interrogent votre rapporteure pour avis 10

3. Ne pas précipiter un rapprochement des deux agences 11

B. LES AUTRES DISPOSITIFS 12

1. Les crédits de l’action 13 « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » progressent 12

b) La lutte antivectorielle 12

b) Les conséquences de la recentralisation des actions de vaccination 13

2. Les crédits de l’action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » sont en net recul 13

a) Les ressources de l’Institut national du cancer, pilote de plusieurs mesures du plan Cancer, sont sous contraintes 14

b) La poursuite du plan Alzheimer : une minorité des crédits du plan sont inscrits sur le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » 15

3. Les crédits de l’action 17 « Réponse aux alertes et aux situations exceptionnelles » sont en très forte progression 16

4. La diminution des crédits de l’action 18 « Projets régionaux de santé » 17

II.- UNE ILLUSTRATION DE LA THÉMATIQUE DE LA RÉFORME DES AGENCES : RETOUR SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DU MÉDICAMENT ET SUR LES PREMIÈRES ACTIVITÉS DE L’ANSES 19

A. LA RÉFORME PORTÉE PAR LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ, QUI A NOTAMMENT CONDUIT À UN REMANIEMENT DE L’ACTION 17, EST INACHEVÉE 19

1. Les dispositions générales réformant les conditions de l’expertise des agences sanitaires sont insuffisantes 19

2. La réforme inachevée de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui devient l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et ses conséquences sur l’action 17 20

a) La modification de la structure de financement de l’agence (crédits de l’action 17) est une grande avancée 20

b) Compétences et organisation : une réforme inachevée 21

B. LES CRÉDITS DE L’ACTION 15 : LES ACTIVITÉS DE L’AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L’ALIMENTATION, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL, UN AN APRÈS SON INSTALLATION 23

1. Le renforcement des crédits budgétaires de l’agence est absolument inséparable de l’indépendance et de la qualité de ses travaux 23

a) Les crédits budgétaires et le plafond d’emplois équivalent temps plein sont en recul… 23

b) …ce qui risque de porter préjudice à la qualité de travaux et au recrutement des experts 25

2. Un cadre a priori innovant que la pratique doit conforter 26

a) Les dispositions garantissant l’indépendance de l’expertise peuvent encore progresser, en agissant par exemple sur le statut des experts 26

b) L’agence doit poursuivre son ouverture à la société civile et aux risques émergents 29

CONCLUSION 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 35

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 35

III.- AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 43

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

INTRODUCTION

Les crédits du projet de loi de finances pour 2012 en faveur de la santé sont inscrits, à quasi parité, sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et sur le programme 183 « Protection maladie ».

L’architecture de la mission « Santé » a été modifiée à plusieurs reprises lors des derniers projets de lois de finances : les programmes « Prévention et sécurité sanitaire » et « Modernisation de l’offre de soins » avaient été fusionnés par la loi de finances pour 2011 pour donner naissance au nouveau programme 204, tandis que la prévention et la sécurité sanitaire faisaient eux-mêmes l’objet de deux programmes séparés jusqu’à la loi de finances pour 2009.

Si la présentation de la mission n’est pas modifiée dans le projet de loi de finances pour 2012, la modification de la structure de financement de la nouvelle Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) entraîne mécaniquement une croissance des crédits inscrits sur le programme par rapport à 2011. Une contribution de l’État de 134,1 millions d’euros se substitue en effet aux anciennes taxes et redevances de l’industrie qui étaient affectées à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Les crédits prévus sont par conséquence en augmentation de 27 % par rapport à la loi de finances pour 2011.

Cette augmentation masque de profondes disparités parmi les opérateurs, qui reçoivent d’ailleurs la majorité des crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Dans leur quasi-totalité, leurs crédits et plafond d’emplois en équivalent temps plein (ETP) sont en baisse, ce qui risque de nuire à la qualité de leurs travaux.

Votre rapporteure pour avis déplore que la prévention et la sécurité sanitaire subissent des restrictions budgétaires dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et une réduction des effectifs. Il ne s’agit d’ « économies » qu’à très court terme. La rhétorique de « maîtrise des dépenses » et de « redéploiement des ressources » nuit à la prévention sanitaire, qui doit s’inscrire sur la durée.

Votre rapporteure pour avis a choisi cette année de consacrer la première partie de ce rapport à une présentation générale des crédits des actions 11, 12, 13, 14 et 18. Dans une seconde partie, les actions 15 et 17 ont été envisagées sous l’angle de la thématique de la réforme des agences à travers les dotations et les actions de la nouvelle Agence nationale de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de la santé, de l’environnement et du travail (Anses), installée il y a un an.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 82 % des réponses lui étaient parvenues.

Évolution des autorisations d’engagement et des crédits de paiement

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2011

PLF 2012

Variation en %

LFI 2011

PLF 2012

Variation en %

Action 11 Pilotage de la politique de santé publique

86 081 595

83 887 425

- 2,6

86 101 595

83 887 425

- 2,6

Action 12 Accès à la santé et éducation à la santé

31 657 500

31 630 000

- 0,1

31 657 500

31 630 000

- 0,1

Action 13 Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

9 288 000

9 671 330

+ 4

9 288 000

9 671 330

+ 4

Action 14 Prévention des maladies chroniques et qua-lité de vie des malades.

69 523 771

66 845 000

- 4

69 560 360

66 845 000

- 4

Action 15 Prévention des risques liés à l’environ-nement, au travail et à l’alimentation

19 590 000

21 633 400

+ 9,4

19 390 000

21 633 400

+ 10,4

Action 16 Réponses aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

21 300 000

27 263 280

+ 21,9

21 300 000

27 263 280

+ 21,9

Action 17 Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

13 328 500

161 364 160

+ 91,7

13 428 500

161 364 160

+ 91,7

Action 18 Projets régionaux de santé

189 359 000

182 464 000

- 3,8

189 359 000

182 464

- 3,8

Source : projet annuel de performance pour 2012.

Les crédits de l’action 19, correspondant à l’ancien programme « Modernisation de l’offre de soins » sont étudiés dans le rapport pour avis de M. Vincent Descoeur.

La subvention à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) s’élève à 1,5 million d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre 1,6 million d’euros en 2009 et 3,18 millions d’euros en 2010. Ce recul est d’autant plus étonnant que la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 a élargi sa mission à l’indemnisation des personnes victimes du Mediator. Ces dernières peuvent en effet déposer auprès de lui depuis le 1er septembre 2011 une demande d’indemnisation. L’office pourra intenter contre le responsable une action récursoire lui permettant de récupérer les sommes versées et, éventuellement, le montant d’une pénalité pouvant atteindre 30 % de l’indemnité.

La loi de finances rectificative a prévu une ouverture de crédits de 5 millions d’euros sur le programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé » au titre de 2011, gagée par une annulation sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », afin de permettre à l’office de diligenter des expertises et d’instruire les dossiers de demandes d’indemnisation et, s’il est conduit à se substituer au responsable défaillant, de verser les indemnités aux victimes.

Votre rapporteure pour avis s’étonne que ces crédits aient été ouverts sur le programme « Protection maladie », qui regroupe uniquement les financements du fonds d’aide aux victimes de l’amiante et l’aide médicale de l’État, au détriment du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Il serait au contraire nécessaire d’augmenter les crédits de ce programme, afin de renforcer notamment l’éducation pour la santé, aspect essentiel de la politique de prévention qui est actuellement insuffisante et nécessite une attention toute particulière.

Activités de l’Institut

Pourcentage des dépenses du budget primitif

Maladies infectieuses

32 %

Maladies chroniques et traumatismes

23 %

Coordination des alertes et des régions (Cellules interrégionales d’épidémiologie…)

17 %

Santé environnementale (risques liés à la pollution de l’air, aux expositions aux polluants chimiques…)

13 %

Santé au travail (cancers d’origine professionnelle, troubles musculo-squelettiques…)

10 %

Autres activités scientifiques

3 %

Veille internationale

2 %

Source : questionnaire budgétaire.

L’institut est quasi exclusivement financé par le budget de l’État, et ce pour l’essentiel sur le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » à hauteur de 53,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2012, soit une subvention pour charges de service public en recul de 3% par rapport à la loi de finances initiale pour 2011. Une dotation complémentaire est inscrite sur le programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », inchangée par rapport à l’année dernière, soit 1,5 million en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Le plafond d’emplois de l’institut est diminué de 19 postes, soit 424 emplois équivalent temps plein au total.

Votre rapporteure pour avis déplore la diminution des ressources de l’Institut de veille sanitaire, dont les moyens ne sont pas à la hauteur des besoins.  La progression des maladies chroniques et des problématiques de santé environnementale justifierait de consacrer une part plus importante du budget à ces domaines.

Pour Mme Françoise Weber, directrice générale de l’institut, des ressources supplémentaires seraient bienvenues pour étoffer le réseau régional, constitué par les cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire), qui sont installées dans les agences régionales de santé. Une trentaine d’emplois supplémentaires, qui seraient à répartir entre l’institut et les agences régionales de santé, permettraient de leur conférer une taille critique.

L’institut travaillera activement en 2012 à l’étude nationale de biosurveillance, dont l’objet est de recueillir des données en matière d’exposition aux polluants, d’état de santé et de nutrition. Votre rapporteure pour avis remarque que l’exposition au bisphénol, aux phtalates et à certains pesticides sera également mesurée.

L’étude nationale « Biosurveillance santé nutrition »

L’Institut de veille sanitaire participe actuellement à la préparation, dans le cadre du Plan National Santé Environnement 2, d’une enquête portant sur un échantillon de 5 000 personnes résidant en métropole et âgées de 6 à 74 ans. Cette enquête regroupera des objectifs en matière de biosurveillance (description et suivi des niveaux d’imprégnation de la population résidant en France, sur une centaine de substances retenues au regard de leurs impacts présumés et/ou observés sur la santé), de surveillance des maladies chroniques et de surveillance nutritionnelle. Pour les plus jeunes enfants, la biosurveillance s’appuiera sur la cohorte « Elfe » (Étude longitudinale française depuis l’enfance).

Les objectifs principaux de cette étude nationale sont de décrire :

– les niveaux d’imprégnation à des substances de l’environnement ayant un impact présumé et/ou observé sur la santé en vue d’établir des valeurs de référence nationales et de rechercher certains de leurs déterminants ;

– la prévalence de certaines maladies chroniques, allergies respiratoires et alimentaires, et facteurs de risque vasculaire, ainsi que leur part méconnue et mal contrôlée ;

– les consommations alimentaires, l’activité physique, la sédentarité et l’état nutritionnel (corpulence et marqueurs biologiques), notamment au regard des objectifs du Plan National Nutrition Santé.

Depuis mars 2010, l’Institut de veille sanitaire a mis en place, pour préparer cette enquête, un comité de pilotage, un conseil scientifique, un comité des parties prenantes et une équipe-projet.

Le protocole provisoire de l’étude doit être finalisé d’ici la fin de l’année 2011. Des tests d’acceptabilité seront réalisés auprès d’un échantillon de 400 personnes. Le protocole final sera examiné par le conseil scientifique en novembre 2011. Des prestataires seront recrutés courant 2012. La partie terrain de l’enquête démarrera au premier trimestre 2013, pour une durée de quatorze mois.

Les crédits de l’action 12, qui concernent, dans une large mesure, l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), sont stables par rapport à la loi de finances pour 2011. Des crédits sont également alloués à des associations intervenant principalement auprès de publics en situation de vulnérabilité ou dans le domaine de la santé de la mère et de l’enfant.

Établissement public, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé est notamment chargé de la mise en œuvre, pour l’État, des programmes de santé publique, de l’expertise et du conseil en matière de prévention et d’éducation pour la santé et de l’établissement de programmes de formation. La subvention pour charges de service public de l’institut est inchangée par rapport à 2011 soit 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

L’institut perçoit les recettes de la taxe sur certains produits alimentaires, qui résulte de l’application du décret du 27 février 2007. Cette taxe avait été prévue par l’article 29 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Le texte prévoit que « les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajout de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire ». À défaut de l’apposition de ce message sanitaire, l’annonceur ou le promoteur doit s’acquitter d’une contribution financière reversée à l’institut. Son taux est fixé à 1,5 % du coût de la publicité en cas de refus d’apposer un message sanitaire.

Mme Thanh Le Luong, directrice générale de l’institut, a regretté devant votre rapporteure pour avis que les recettes, qui contribuent au financement d’appels à projets « nutrition », s’avèrent minimes par rapport aux prévisions. Le montant du produit de la taxe s’élève à 380 000 euros pour 2009 et 310 000 euros en 2010, loin de l’objectif initial de 3 millions d’euros. Mme Thanh Le Luong constate également une confusion entre le message sanitaire et publicitaire, ce qui est très inquiétant.

Votre rapporteure pour avis préconise de réformer cette taxe dont les résultats ne sont pas à la hauteur des prévisions, de renforcer et clarifier les messages sanitaires et d’interdire les publicités destinées aux enfants.

Elle souhaite par ailleurs que la dose journalière admissible de l’aspartame soit très rapidement révisée et que, dans l’attente de cette révision, des messages spécifiques destinés aux populations à risque, notamment les femmes enceintes, soient apposés sur les produits contenant cet édulcorant.

Le rapport de la Cour des comptes sur la prévention sanitaire transmise à la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) en septembre dernier constate, comme l’Inspection générale des affaires sociales en 2009, une disproportion « entre les moyens affectés à certains risques et le niveau de morbidité et mortalités évitables qui leur est associé. » Votre rapporteure pour avis rappelle l’importance de mettre en place des politiques de santé publique visant à diminuer le tabagisme, l’alcoolisme et l’addiction aux jeux.

Plus largement, votre rapporteure pour avis préconise également de :

– renforcer l’éducation pour la santé, en prenant mieux en compte les facteurs environnementaux et l’alimentation qui jouent un rôle essentiel ;

– prendre en compte les risques émergents, absents des priorités de l’Institut ;

– mettre en place une approche par « produits », afin de mettre en avant la dangerosité de certains composants à usage quotidien. Cette approche serait complémentaire des messages de prévention actuellement délivrés qui s’attachent principalement aux facteurs de mortalité évitable et non aux produits, et tendent à culpabiliser les consommateurs plutôt qu’à responsabiliser les industriels.

Elle rappelle également que les messages en faveur des « saines habitudes de vie », tels que consommer « cinq fruits et légumes par jour », doivent être accompagnés de mesures pour améliorer les conditions socio-économiques des familles.

M. Yves Bur, président-rapporteur de la mission parlementaire sur les agences sanitaires, propose un rapprochement entre l’Institut de veille sanitaire et l’Institut national d’éducation et de prévention pour la santé, car « leurs missions sont les deux maillons d’une même chaîne complémentaire liée à l’ensemble des risques susceptibles d’affecter l’état de santé de la population. » Votre rapporteure pour avis craint qu’un éventuel rapprochement ne dilue les crédits de prévention, qu’il faut au contraire augmenter au profit notamment des maladies émergentes et des maladies chroniques.

Mme Françoise Weber estime qu’un rapprochement des deux agences « pourrait avoir du sens », sur le modèle du Center for disease control and pevention (CDC) américain, dont les compétences s’étendent de la surveillance, en amont, à la réalisation de campagnes de prévention, dont les alertes permettent d’identifier les thèmes. Elle ajoute néanmoins qu’« il est encore trop tôt ». Pour Mme Thanh Le Luong, si un rapprochement des fonctions support est envisageable (1), les approches des deux agences sont très différentes : « il faut sanctuariser la prévention. »

M. Jean-Yves Grall, directeur général de la santé a répondu à votre rapporteure pour avis qu’une fusion n’est pas à l’ordre du jour. Elle « risquerait d’engendrer beaucoup d’incertitudes sur le fonctionnement de ces opérateurs ». Le directeur général de la santé estime essentiel de conforter l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé dans le recentrage stratégique de son corps de métier, comme l’a préconisé le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales.

La lutte anti-vectorielle consiste en la surveillance des insectes vecteurs de maladies humaines tels le paludisme et le chikungunya, pour minimiser les risques de transmission d’agents pathogènes. Rappelons que la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane ont été récemment touchées par des épidémies de chikungunya ou de dengue. La prévention concerne également la partie méridionale de la métropole. Les outils utilisés sont la lutte chimique, biologique, et l’assainissement des milieux. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) puis l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ont été saisies afin d’évaluer les produits insecticides.

Votre rapporteure pour avis préconise de s’intéresser également aux résistances générées par l’utilisation d’insecticides et aux risques induits sur la biodiversité et la santé, tout comme de comparer les effets de ces actions avec, d’une part, ceux du nettoyage des décharges sauvages et, d’autre part, ceux des messages de santé publique visant à supprimer les eaux stagnantes autour des habitations.

Il est prévu de poursuivre en 2012 les études entamées en 2011, notamment celles menées par le centre national d’expertise sur les vecteurs. Des crédits seront également attribués aux agences régionales de santé concernées pour financer des actions programmées dans le cadre de leurs projets régionaux de santé.

Le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » intègre depuis plusieurs années les crédits liés à la recentralisation des actions de vaccination, pour un total de 125 millions d’euros prévus en 2012 : l’article 71 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a en effet donné aux conseils généraux la possibilité de se désengager de certaines actions, à savoir les programmes de dépistage des cancers, les vaccinations, la lutte contre la tuberculose et contre la lèpre ainsi que la lutte contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles. Cinquante-huit départements se sont désengagés des actions de prévention de la tuberculose, tandis que quarante-trois ont conservé cette compétence. Soixante-deux départements se sont désengagés des actions de vaccination, et trente-neuf l’ont conservée.

Les crédits de l’action sont en diminution de 4 % par rapport à la loi de finances pour 2011. Votre rapporteure pour avis déplore que les maladies chroniques et la qualité de vie des malades subissent une telle restriction budgétaire.

La faible part des financements de l’État au titre du plan « Amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques » sur l’ensemble de la période 2007-2011 est regrettable. En 2011, dernière année du plan, 1,5 million d’euros ont été versés par l’État (hors crédits régionaux), l’Assurance-maladie ayant participé à hauteur de 151 millions d’euros. Les crédits de l’État devaient notamment contribuer à l’information des malades, au financement de formations pour les soignants, d’expérimentations dans le domaine de l’éducation thérapeutique du patient. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), saisi en juin dernier, doit évaluer la réalisation du plan. Des crédits sont inscrits sur le projet de loi de finances pour la poursuite d’actions parfois engagées tardivement, telle la création d’un portail Internet destiné à l’information des patients sur les maladies chroniques.

Votre rapporteure estime qu’il faut faire de la maîtrise de ces maladies chroniques une priorité. Aujourd’hui responsable de près de deux tiers des remboursements de soins, leur réduction permettra de répondre à des exigences de santé publique et de réduire les dépenses de santé.

Au premier poste de l’action figure la dotation pour charges de service public de l’Institut national du cancer (INCa) qui s’élève à 56 millions d’euros, dont 16 millions d’euros pour le financement du plan Cancer 2009-2013, inférieure de 5 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement à celle de l’année passée.

L’Institut national du cancer, doté d’une mission générale de coordination des actions de lutte contre le cancer, est un groupement d’intérêt public constitué entre l’État et les principaux acteurs de la lutte contre le cancer (caisses nationales d’assurance maladie, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Centre national de la recherche scientifique, fédérations hospitalières, associations de patients). Il reçoit également une dotation du ministère de la recherche de 40 millions d’euros ainsi que des contributions d’autres membres du groupement d’intérêt public.

L’institut pilote plusieurs mesures du plan Cancer. Il a notamment mené des actions dans les domaines du soutien de la recherche et d’un transfert rapide des découvertes au bénéfice des patients, la diminution des inégalités de santé face au cancer, la personnalisation des parcours de soins et l’amélioration de la qualité de vie pendant et après le cancer. Ces actions seront poursuivies en 2012. S’y ajouteront des actions de soutien à la réinsertion professionnelle et à l’amélioration de l’accès au crédit, notamment.

Parallèlement à la généralisation des dépistages organisés, notamment pour celui du cancer du sein et du cancer colorectal, l’institut constate un creusement des écarts territoriaux et socioéconomiques dans les taux de participation des populations. Des actions spécifiques de sensibilisation de proximité sont désormais déployées.

Votre rapporteure pour avis rappelle qu’il faut se garder de confondre la prévention et les actions de dépistage, et qu’il serait bon de consacrer plus de moyens pour agir en amont et réduire les causes de cancers, en accélérant l’abandon des pesticides, en interdisant les perturbateurs endocriniens et autres substances suspectées d’être cancérigènes, et en réduisant l’exposition aux ondes électro-magnétiques.

Elle estime donc qu’il faut augmenter les crédits du plan Cancer pour mettre en œuvre un véritable volet environnemental et mener des actions concrètes de prévention.

Le financement du plan Alzheimer 2008-2012 est principalement assuré par l’Assurance-maladie et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour les volets médico-social et sanitaire, tandis que le volet « recherche » est financé par le budget de l’État, de même que des actions dites de pilotage.

Depuis le lancement du plan, les crédits destinés au financement d’actions menées par la direction générale de la santé sont inscrits sur le programme « Prévention et sécurité sanitaire ». Doivent être notamment financés en 2012, à hauteur de 500 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, le soutien à la ligne téléphonique ouverte par France Alzheimer et le financement d’un colloque.

 La nécessité de mener une réforme globale de la compensation de la perte d’autonomie

Ces dispositions sont insuffisantes. Votre rapporteure pour avis déplore que le Gouvernement ait abandonné une réforme globale de la prise en charge de la compensation de la perte d’autonomie. Cette réforme devrait également inclure la préparation d’un véritable plan de prévention pour les personnes faiblement dépendantes et éviter ainsi à celles-ci de devenir très dépendantes.

 Des interrogations avant la généralisation des Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA)

Mesure n° 4 du plan Alzheimer, les Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA), expérimentées depuis 2009, ont pour objectif de proposer aux patients et à leurs familles une porte d’entrée unique dans le dispositif de prise en charge, et d’améliorer cette dernière en créant des « gestionnaires de cas ».

Ce dispositif a bénéficié entre 2009 et 2011 de crédits budgétaires, inscrits à l’action 14 du programme « Prévention et sécurité sanitaire » : 1,8 million d’euros environ ont été utilisés sur ce programme en 2009 et environ 200 000 euros en 2010 et 150 000 euros en 2011. Une disposition adoptée en loi de finances l’année dernière confirme le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) comme principal financeur du dispositif. Les structures expérimentales sont désormais financées par convention avec les agences régionales de santé, qui reçoivent elles-mêmes un financement de la caisse nationale.

Dix-sept structures ont fonctionné de manière expérimentale entre 2009 et 2011, une quarantaine de nouveaux projets ont été sélectionnés en 2010, l’objectif du plan Alzheimer étant de les généraliser à partir de 2012.

Votre rapporteure pour avis s’étonne de la création d’une nouvelle instance de coordination des acteurs du champ de la santé et du médico-social, mission qui devrait être déjà remplie par les Clics, centres locaux d’information et de communication.

Le docteur Olivier Dupont, chef de projet, a précisé à votre rapporteure pour avis que le public cible « a rapidement été élargi au public en perte d’autonomie. » Le cahier des charges de l’appel à candidature de 2009 précise d’ailleurs qu’« elles seront labellisées "Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer", ou de façon plus large « Maison départementale de l’autonomie ». Votre rapporteure pour avis estime, en effet, que cette problématique peut concerner un public plus large. Elle s’étonne néanmoins qu’au cours du débat sur la dépendance, il ait été fait peu de cas des MAIA et que l’élargissement de leur champ de compétence ne soit pas clairement affirmé ni, de ce fait, discuté avec l’ensemble des acteurs.

L’association France Alzheimer craint pour sa part que les MAIA ne deviennent un lieu d’accueil général pour les personnes dépendantes, au détriment des spécifiés de la pathologie des malades Alzheimer pour qui elles avaient été créées.

Au sein de chaque MAIA, le rôle des nouveaux « gestionnaires de cas » est de proposer à la personne malade et à sa famille un accompagnement personnalisé et multidimensionnel. Vu le caractère stratégique de leur rôle, leur légitimité auprès des personnels de santé, sociaux et médico-sociaux, doit être sans faille.

Compte tenu des analyses diverses des parties prenantes qui ont participé aux expérimentations, votre rapporteure pour avis estime nécessaire de clarifier le champ de compétences des MAIA en s’assurant de leur bonne articulation avec les autres acteurs.

L’action 17 rassemble les crédits destinés à la préparation et mise en œuvre de mesures de gestion des alertes, qui relèvent du département des urgences sanitaires de la direction générale de la santé. Elle enregistre une forte progression, de l’ordre de 27 %, en raison de la forte augmentation des crédits destinés à l’Établissement de prévention et de réponse à l’urgence sanitaire (ÉPRUS).

Celui-ci est chargé de la gestion administrative et sanitaire de la réserve sanitaire tout comme de la réponse à des situations exceptionnelles susceptibles de désorganiser le système de soins. Il a, à ce titre, la mission d’acquérir et de stocker les produits et services nécessaires à la protection des personnes.

La dotation budgétaire prévue pour cet établissement s’élève à 26,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement contre 18,8 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2011, soit une progression de près de 40 %. La direction générale de la santé justifie cette dotation par le renouvellement en 2012 de l’iode, des antibiotiques et des antidotes qui arrivent à péremption en 2012. Une dotation complémentaire de 43,4 millions d’euros est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre rapporteure pour avis rappelle que le représentant du Préfet de police de Paris a reconnu, en avril dernier, qu’il ne disposait pas de pastilles d’iodure de potassium en dosage adapté aux enfants. Elle émet également des craintes sur la capacité des services publics à réagir en cas d’accident lors d’un passage de trains transportant des déchets nucléaires en zone fortement urbanisée. Elle rappelle que, concernant le nucléaire, le risque zéro n’existe pas et que seule la sortie de ce modèle énergétique permettra de réellement protéger les personnes.

Les crédits qui ont vocation à financer les actions territoriales des agences régionales de santé en faveur de la prévention, de la promotion et de la sécurité sanitaire s’élèvent à 182,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances, soit près de 25 % des crédits du programme 204. Ils sont en diminution de 3,6 % par rapport à 2011. Les crédits de l’État seront complétés par une participation de l’Assurance maladie qui devrait s’élever à 40 millions d’euros.

Ces crédits seront utilisés par les agences régionales de santé pour la mise en œuvre du volet « prévention et sécurité sanitaire » de leurs projets régionaux de santé. Créés par la loi du 21 juillet 2009, dite « HPST », portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, et se substituant à tous les plans régionaux actuels, les projets régionaux de santé doivent, en effet, comprendre plusieurs schémas sectoriels, dont un schéma régional de prévention, qui sera le support de ces actions (2).

Le schéma régional de prévention s’étend de la prévention et la promotion de santé, à la veille, l’alerte et l’urgence sanitaires. Il pourra être décliné en programmes régionaux tels le programme relatif à l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (PRAPS) ou le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, par exemple.

Les crédits portés par l’action 18 sont des crédits d’intervention, les crédits de fonctionnement des agences régionales de santé étant portés par le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Votre rapporteure pour avis considère comme fondamental de pouvoir décliner une politique nationale de santé publique en fonction des spécificités régionales pour réduire efficacement les inégalités de santé tout en assurant une réelle péréquation à l’échelle nationale.

II.- UNE ILLUSTRATION DE LA THÉMATIQUE DE LA RÉFORME
DES AGENCES : RETOUR SUR LE PROJET DE LOI
RELATIF AU RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE
DU MÉDICAMENT ET SUR LES PREMIÈRES ACTIVITÉS DE L’ANSES

Le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, qui a déjà fait l’objet d’un examen en première lecture par les deux assemblées, devait mettre en œuvre des préconisations développées par plusieurs rapports suite au scandale du Mediator. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales pointait notamment la trop grande proximité des industriels pharmaceutiques avec l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

D’un point de vue général, si les précisions apportées aux déclarations des liens d’intérêt, étendues à tous les intervenants de l’expertise sanitaire, sont une avancée, l’absence de dispositions générales protégeant les « lanceurs d’alerte » (3)et leur donnant un véritable statut est regrettable.

Le projet de loi, tel qu’il a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale puis au Sénat, ajoute certes au code de la santé publique des dispositions protectrices en matière de signalement de faits qui relèvent de la sécurité sanitaire (4), mais elles ne concernent que les produits de santé qui entrent dans le champ de compétence de la nouvelle agence du médicament.

Ces nouvelles dispositions sont un premier pas. Une réflexion sur la protection de toutes les personnes signalant plus largement un risque sanitaire est néanmoins indispensable. Qu’il s’agisse d’un chercheur ou d’un individu isolé, toute personne qui défend de bonne foi une analyse controversée sur une information nouvelle ou existante doit être entendue. Les scandales sanitaires des dernières années nous montrent à quel point ils peuvent être précieux.

Les recettes financières de l’agence se sont caractérisées, les années passées, par une part toujours plus importante occupée par les taxes payées par les industriels (taxe annuelle sur le chiffre d’affaires du médicament, taxe annuelle sur les dispositifs médicaux, droits progressifs sur les autorisations de mise sur le marché…), et à une disparition de la participation de l’État.

Rappelons, en effet, qu’aucune subvention pour charge de service public n’a été versée à l’agence par la loi de finances pour 2011, contrairement aux années précédentes : l’État prétextant que les recettes liées aux taxes sur les autorisations de mise sur le marché suffisaient à équilibrer son budget.

Comme l’un de l’objet du projet de loi était de « déconnecter » l’agence des industries pharmaceutiques, pour reprendre les termes de M. Jean-Yves Grall, directeur général de la santé, votre rapporteure pour avis estime comme lui qu’un changement de la structure du financement était indispensable.

Les taxes qui étaient auparavant versées à l’agence seront désormais perçues par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) en vertu de l’article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. L’État lui versera en retour une subvention pour charges de service public qui devrait s’élever en 2012 à 134,9 millions d’euros (à titre de comparaison, elle s’était élevée en 2010 à 9,8 millions d’euros (5)). Cela explique la très forte progression de l’action 17 « Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain », dont les crédits sont multipliés par 12.

Le projet de loi de finances prévoit également vingt-cinq emplois équivalent temps plein supplémentaires pour la nouvelle agence.

Il était prioritaire de réformer les compétences et la gouvernance de l’agence. Votre rapporteure pour avis déplore une réforme laissée au milieu du chemin. Elle craint que les pouvoirs accrus donnés à la nouvelle agence en termes d’études pharmacologiques, de sanctions administratives et financières à l’encontre des entreprises pour défaut de déclaration d’effet indésirable, ne restent lettre morte. Il demeure en effet des failles que les industries pharmaceutiques pourront exploiter, telles l’invocation du secret professionnel et de la confidentialité commerciale ou encore les exceptions relatives aux déclarations de liens, comme les hospitalités consenties aux étudiants.

 Le conseil d’administration : les industriels disparaissent heureusement du texte

L’article 5 du projet de loi prévoyait d’installer au conseil d’administration de l’agence des représentants des industriels pharmaceutiques, à côté des patients et des professionnels de santé, au titre de la « diversification » de celui-ci. Votre rapporteure pour avis salue l’amendement, adopté en séance publique à l’Assemblée nationale, qui a supprimé cette présence.

 La publicité pour les médicaments : pourquoi maintenir une exception pour les vaccins ?

Le cadre antérieur au projet de loi interdisait toute publicité pour les médicaments et produits de santé, à l’exception de ceux non remboursés par l’assurance-maladie et des vaccins. De plus, seule la publicité à l’attention du grand public devait faire l’objet d’un contrôle a priori, ce qui n’était pas satisfaisant. Conformément à cette réglementation, une publicité à destination des professionnels de santé concernant un vaccin contre les papillomavirus n’a été interdite en 2010 par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qu’après sa diffusion, l’agence la déclarant contraire aux dispositions de l’article L. 5122-2 du code de la santé publique qui prévoit que « la publicité définie à l’article L. 5122-1 ne doit pas être trompeuse ni porter atteinte à la protection de la santé publique. Elle doit présenter le médicament ou produit de façon objective et favoriser son bon usage. »

Le projet de loi étend le contrôle a priori aux publicités destinées aux professionnels de santé. Il fixe également un nouveau cadre pour les vaccins. Seuls les vaccins inscrits sur une liste établie par le ministre chargé de la santé après avis du Haut Conseil de la santé publique pourront faire l’objet d’une campagne publicitaire non institutionnelle.

Votre rapporteure pour avis s’interroge au sujet du maintien de cette dérogation, qui peut faire l’objet d’abus, comme les dernières campagnes de promotion d’un vaccin contre le papillomavirus l’ont illustré. L’État devrait seul, dans un objectif de santé publique, assurer les campagnes de promotion de la vaccination.

La politique vaccinale

La politique vaccinale est élaborée et mise en œuvre par le ministre chargé de la santé après avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Le comité technique des vaccinations, rattaché au Haut Conseil, élabore des recommandations et le calendrier vaccinal qui fixe des recommandations et obligations applicables aux personnes résidant en France selon leur âge.

La direction générale de la santé finalise une nouvelle stratégie vaccinale afin de tenir notamment compte de l’expérience de la campagne de vaccination concernant la grippe A(H1N1).

Sont obligatoires les vaccinations antidiphtérique, antitétanique et anti-poliomyélitique, à réaliser avant la scolarisation. Une action publique peut être engagée à l’encontre des parents ou tuteurs légaux qui soustrairaient leurs enfants à cette obligation. Le conditionnement de certains vaccins prive toutefois dans certains cas les parents de toute liberté de choix, ce que dénonce votre rapporteure pour avis. Certains vaccins obligatoires ne sont en effet disponibles que conditionnés avec des vaccins non obligatoires, comme les vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite conditionnés avec des vaccins contre la rougeole, la rubéole, l’hépatite B ou la coqueluche.

Par ailleurs, le calendrier vaccinal présente, par âge, les vaccinations obligatoires et fortement recommandées. Votre rapporteure pour avis s’interroge sur la pertinence de la catégorie dite des « vaccins recommandés » qui peut engendrer des confusions dans la population et complexifie le message sanitaire.

 La nécessaire réforme de la visite médicale

Le projet de loi n’apporte pas de réponse à la question des visiteurs médicaux, contrairement à ce que préconisait l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport publié en juin 2011, ce qui est profondément regrettable. Seules sont visées les visites en milieu hospitalier, qui devront désormais être collectives, disposition insuffisante selon votre rapporteure pour avis.

Le projet de loi n’apporte également aucune réponse quant à l’évolution de la formation continue et indépendante des professionnels de santé.

 De nombreuses dispositions sont renvoyées au domaine réglementaire 

Le seuil au-delà duquel les avantages en nature ou en espèces procurés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé à usage humain ou assurant des prestations associées à ces produits est renvoyé à un décret, comme beaucoup d’autres dispositions essentielles du texte. Votre rapporteure pour avis craint la perte de temps liés aux délais de publication des décrets, ainsi qu’un recul par rapport aux objectifs affichés. Elle estime précisément que le seuil cité plus haut doit être le plus bas possible, comme aux États-Unis.

Les crédits de l’action n° 15 sont en progression de 10 % par rapport à la loi de finances pour 2011, et s’élèvent à 21,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

L’action porte principalement sur les crédits de l’Anses inscrits sur la mission santé (13,70 millions d’euros), mais comporte également des financements à destination du Plan National Santé Environnement 2. Celui-ci, prévu aux articles L. 1311-6 et L. 1311-7 du code de la santé publique, décline de manière opérationnelle les engagements du « Grenelle de l’environnement » relatifs à la préservation de la santé des populations au regard des facteurs environnementaux. Il est articulé autour de deux axes : la réduction des expositions responsables de pathologies à fort impact sur la santé, et celle des inégalités environnementales de santé sous l’angle des inégalités de sensibilité aux agents pathogènes en fonction de l’âge, en fonction de l’état de santé, mais aussi dans le cadre du contexte socio-économique et des inégalités géographiques d’environnement.

Les crédits doivent financer en 2012 des études sur la réduction des expositions à l’amiante, la poursuite des actions d’amélioration de la connaissance de l’exposition de la population aux polluants de l’air intérieur, la prévention des allergies d’origine environnementale, la poursuite de la préparation de l’étude de biosurveillance, etc.

Votre rapporteure pour avis salue les derniers travaux de l’Anses concernant le bisphénol A et les pesticides, qui témoignent d’une meilleure prise en compte de l’ensemble des expertises scientifiques et du changement de paradigme concernant la toxicité des produits.

L’agence est née, le 1er juillet 2010, de la fusion entre l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). Elle assure aujourd’hui des missions de veille, d’expertise, de recherche et de référence sur un large champ couvrant la santé humaine, la santé et le bien-être animal, et la santé végétale.

Programmes budgétaires

Missions

LFI pour 2011

PLF pour 2012

 %

206 - Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

67,2

66,8

68

204 - Prévention et sécurité sanitaire

Santé

13,7

13,7

14

111 - Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

Travail et emploi

9,2

9

9,2

181 - Prévention des risques et lutte contre les pollutions

Écologie, développement et aménagement durables

7

7

7,1

190*- Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durable

Recherche et enseignement supérieur

1,6

1,6

1,7

 

98,1

100

Source : projets annuels de performances pour 2012.

Comme la plupart des opérateurs du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », le budget de l’agence est soumis à une trajectoire de diminution pluriannuelle des crédits de l’ordre 10 % sur trois ans. Le plafond d’emplois équivalent temps plein recule de dix-huit emplois. Cela implique pour l’agence de se « recentrer sur ses objectifs prioritaires », selon son directeur général, M. Marc Mortureux. Celui-ci a également indiqué à votre rapporteure pour avis que la diminution des crédits sera portée en priorité par les fonctions support.

Étant donné les efforts déjà consentis par l’agence en 2011, il risque d’être difficile pour elle de faire porter la restriction budgétaire uniquement sur les fonctions dites support. Les activités d’expertise et de recherche risquent donc d’en souffrir.

Votre rapporteure pour avis déplore également la disproportion entre les contributions des cinq programmes évoqués plus haut, le programme « Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation » fournissant à lui seul 68 % des crédits. La participation des quatre autres programmes mériterait d’être augmentée.

 E Coli, ou comment des travaux de recherche inscrits sur la durée ont favorisé la réactivité de l’agence

Pour M. Gilles Salvat, directeur du pôle santé animale et santé des animaux, la qualité et la rapidité de la réponse apportée par l’Anses à la crise provoquée par des bactéries de la famille des Escherichia Coli ont été favorisées par des programmes de recherche menés en laboratoire. Un protocole de détection rapide du sérotype de la bactérie qui a précisément été à l’origine de la crise sanitaire avait été mis au point dès 2010. Ce protocole de détection rapide a été diffusé en urgence à tous ses partenaires européens. Cet exemple illustre le caractère indispensable de la recherche et le besoin de doter les laboratoires et l’enveloppe des appels à projets de recherche de moyens conséquents.

 L’auto-saisine concernant les travailleurs agricoles : l’illustration d’une expertise qui subit les contraintes budgétaires

Le conseil scientifique de l’agence a validé en mai dernier deux auto-saisines sur le thème des pesticides, portant précisément sur :

– les moyens de protection utilisés par les travailleurs agricoles, dans le but de limiter l’exposition aux produits phytosanitaires ;

– l’évaluation des impacts réels pour les travailleurs agricoles des expositions aux produits phytosanitaires.

Ces travaux, qui doivent s’appuyer sur les compétences des équipes chargées de l’évaluation des produits avant leur mise sur le marché, et de l’observatoire des résidus des pesticides, récemment intégré à l’agence, sont susceptibles de conduire à des recommandations de révision des dispositifs normatifs comme des modèles d’évaluation avant la mise sur le marché des produits phytosanitaires et de modification des pratiques.

L’agence a soumis à ses tutelles une demande de crédits complémentaires à hauteur de deux emplois équivalent temps plein et de 300 000 euros. Interrogé par votre rapporteure pour avis, son directeur général lui a répondu que la demande était toujours en cours, mais ce financement pourrait être obtenu au titre du plan Ecophyto.

Il est étonnant que l’agence n’ait pas encore reçu de réponse claire. Cette auto-saisine aurait d’ailleurs pu être étendue avec profit à l’ensemble des riverains des zones agricoles.

Trois emplois équivalent temps plein seulement sont affectés à l’observatoire des résidus des pesticides. Votre rapporteure pour avis estime que les moyens humains de l’observatoire devraient être renforcés.

 L’importance de consolider les moyens de la direction des produits réglementés pour renforcer le contrôle des études demandées aux industriels

La direction des produits réglementés de lagence instruit les demandes dautorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et des supports de culture, des biocides et des produits assimilés, et toutes les demandes associées, dans le cadre de la réglementation en vigueur. Elle prépare les avis qui seront transmis pour décision aux ministères chargés de délivrer les autorisations de mise sur le marché en évaluant l’efficacité de ces produits sur les cultures concernées et les risques qu’ils peuvent représenter pour la santé humaine et l’environnement.

Les industriels doivent fournir, à lappui de leur demande, un certain nombre détudes correspondant à un cahier des charges fixé par lagence. La direction des produits réglementés vérifie ensuite la validité scientifique de ces données. Mme Pascale Robineau, sa directrice, a détaillé à votre rapporteure pour avis les conditions « très strictes » que doivent remplir les industriels, comme remettre à lagence des données brutes, non traitées.

Votre rapporteure pour avis déplore que lagence doive utiliser des données transmises par les industriels et ne peut que souhaiter lattribution dune dotation et/ou de moyens supplémentaires pour contrôler ces études « sur le terrain ».

L’agence a été dotée de moyens tendant à prévenir les conflits d’intérêt et assurer l’indépendance de l’expertise. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur l’expertise publié en avril 2011 a salué le caractère novateur de son organisation, tel que la présence d’un comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts. Les déclarations publiques d’intérêt des experts intervenants dans les comités d’experts et groupes d’études sont publiées sur le site internet de l’agence, et les liens directs sont proscrits dans tous les cas.

Le comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts peut être saisi de toute situation particulière et peut demander à accéder à toutes les informations nécessaires. Il formule des avis et recommandations à l’instance qui l’a saisi, ainsi qu’au conseil d’administration et au directeur général. Il a été saisi par le conseil d’administration suite aux deux décisions du Conseil d’État qui ont annulé des décisions ministérielles prises sur la base d’un avis de l’agence. Il lui a été demandé de proposer des améliorations aux principes méthodologiques et des recommandations pour renforcer les règles déontologiques.

Votre rapporteure pour avis se veut prudente et préconise plutôt de confier à une instance extérieure le soin de vérifier la situation des experts de toutes les agences.

La question de la méthodologie de l’expertise est, pour votre rapporteure pour avis, d’une importance capitale. Elle rappelle la mise en garde de M. André Cicollela, du réseau environnement santé, qui estime qu’en matière toxicologique, par exemple, la notion de « seuil » est dépassée, ce qui implique de repenser tout le référentiel d’expertise.

Deux rapports de l’Anses sur le bisphénol A qui feront date

En prenant enfin en compte l’ensemble des études scientifiques disponibles, la récente expertise de l’Anses sur le bisphénol A procède d’un véritable changement de paradigme. Elle pose ainsi clairement le principe que les effets sanitaires des perturbateurs endocriniens, même à des doses infinitésimales, sont liés non à la dose, mais à la durée d’exposition et aux changements d’environnement.

Les deux rapports mettent en effet en évidence des effets sanitaires avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme, même à de faibles niveaux d’exposition, à des doses très inférieures aux doses de référence : l’agence remet ainsi en cause dans ce domaine le principe de la fixation d’un seuil au-dessous duquel il n’y aurait aucun risque.

Elle a simultanément lancé un appel à contributions afin de recueillir d’ici la fin du mois de novembre 2011 toute donnée scientifique concernant, notamment, les produits de substitution disponibles et les données relatives à leur innocuité et leur efficacité.

Pour votre rapporteure pour avis, il est indispensable de conforter l’indépendance de l’expertise en reconnaissant davantage le travail des experts, et en favorisant les expertises pluridisciplinaires. L’expertise doit également s’ouvrir aux questions de pluri-expositions et aux effets « cocktails ».

 Agir sur la reconnaissance du travail des experts et susciter la participation des « contradicteurs » est fondamental

Au cours de l’audition des représentants de l’Anses, ces derniers ont regretté devant votre rapporteure pour avis connaître parfois des difficultés pour recruter des experts, en particulier pour certains groupes de travail ad hoc, comme actuellement sur l’aspartame. Sur des sujets sensibles, « cela ne se bouscule pas. Les experts souffrent du climat de suspicion. »

La formation du groupe de travail sur l’aspartame

L’Anses a évalué au début de l’année 2011 deux études présentant, l’une, l’augmentation de cancers chez la souris, et l’autre, une association entre la consommation de boissons gazeuses avec édulcorants et le risque d’accouchements prématurés. Elle a estimé que les données scientifiques n’étaient pas suffisantes.

Au printemps dernier, l’agence a décidé la création d’un groupe de travail chargé d’ « évaluer les bénéfices et les risques des édulcorants intenses ». Le groupe d’experts, pour lequel l’appel à candidatures est en cours, travaillera notamment sur la question suivante : faut-il diffuser des messages pour les populations sensibles comme les femmes enceintes ?

Votre rapporteure pour avis s’inquiète de la lenteur du processus et de l’absence de mesures d’urgence face au risque sanitaire qu’encourent notamment les femmes enceintes.

Elle espère que les travaux lancés par l’agence dans ce domaine se dérouleront dans le même esprit d’ouverture que celui qui a prévalu lors des travaux sur le bisphénol A.

Plusieurs mesures permettraient de susciter des candidatures d’experts plus nombreuses. Votre rapporteure pour avis préconise de :

– Rénover le statut des experts. Plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteure pour avis lui ont indiqué à quel point la fonction de l’expert devait être revalorisée. Votre rapporteure pour avis partage cette opinion et préconise de favoriser la reconnaissance, au cours de la carrière scientifique, des travaux d’expertise.

Les critères d’évaluation des enseignants-chercheurs utilisés par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) s’avèrent notamment défavorables à l’expertise, en comparaison avec l’élaboration d’une publication internationale. Plus largement, votre rapporteure pour avis souhaite attirer l’attention sur la nécessité de conforter la recherche publique, trop souvent dépendante de crédits privés.

L’Anses mène actuellement une réflexion sur la question des experts. Sur le plan de la valorisation par la publication scientifique, la possibilité de référencer les experts en tant qu’« auteurs », en accord avec les standards internationaux de l’évaluation de la recherche, est évoquée. L’évaluation individuelle pourrait quant à elle prendre la forme d’une « lettre de valorisation », signée du directeur général, qui enrichirait le dossier personnel des chercheurs.

– Améliorer leur rémunération, facteur de reconnaissance symbolique. Les experts sont actuellement rémunérés sous forme de vacation, de l’ordre de 75 euros la demie journée, pour un budget annuel prévisionnel de 830 000 euros en 2012, inchangé par rapport à 2011. Votre rapporteure pour avis estime indispensable de les indemniser à la mesure de leur travail.

– Solliciter davantage les experts anglophones.

Pour M. Marc Mortureux, directeur général de l’agence, certains experts préféreraient « l’indépendance » plutôt que de rentrer dans une démarche collective. « L’agence dialogue avec toutes les parties prenantes. Si certains experts compétents préfèrent rester en dehors, et ne pas participer aux travaux d’un groupe d’experts ou d’études, ils seront en tout cas auditionnés. »

 L’ouverture de l’expertise à l’ensemble des sciences doit être renforcée

Votre rapporteure pour avis soutient l’ouverture de l’expertise à l’ensemble des sciences, notamment aux sciences humaines et sociales, afin de favoriser la transversalité et de décloisonner les approches.

 La question des pluri-expositions aux substances doit être intégrée aux expertises, en menant des études sur les effets « cocktails »

L’étude des effets « cocktails » est jugée prioritaire pour les différentes associations entendues par votre rapporteure pour avis. Elle entend l’argument selon lequel une telle évaluation serait très difficile, mais il est indispensable de s’y atteler, d’autant que l’une des motivations d’une fusion entre les deux anciennes agences était de proposer une lecture transversale des questions sanitaires et d’appréhender, de manière globale, les expositions auxquelles l’homme peut être soumis, tant à travers ses modes de vie et de consommation que par son environnement, y compris professionnel.

Pour le directeur général de l’agence, si le débat concernant l’opportunité de la fusion n’est plus à l’ordre du jour, il reste néanmoins, un an après l’installation de l’Anses, à stabiliser les rapports entre les parties prenantes.

Cela concerne notamment les relations avec les représentants de la société civile, dont certains ont été reçus par votre rapporteure pour avis. Il semble aujourd’hui globalement plus facile d’engager le dialogue avec la nouvelle agence tandis que le cercle des associations parties prenantes se serait élargi.

 Le mode de composition du conseil d’administration est une avancée, mais ses membres doivent être renouvelés régulièrement

Le conseil d’administration est organisé en collèges. Selon la répartition du « Grenelle de l’environnement », y siègent : des représentants de l’État, et, à parité, des organisations professionnelles, des organisations syndicales et patronales, des représentants des associations, des personnalités qualifiées, des représentants des élus et des représentants du personnel.

Celui-ci est complété par des comités d’orientation thématiques, solution intermédiaire retenue pour donner un lieu d’expression à la diversité des parties prenantes, tout en gardant au conseil d’administration une taille raisonnable.

Votre rapporteure pour avis entend cet argument, mais rappelle qu’une présence au conseil d’administration reste stratégique. Il doit faire l’objet d’un renouvellement régulier. Votre rapporteure pour avis déplore par ailleurs l’absence au conseil d’administration de la Confédération paysanne et de Sud-Solidaires.

 Les associations reçues par votre rapporteure pour avis souhaitent être non seulement « entendues » mais « écoutées »

Il faut reconnaître à l’ANSES son rôle pionnier en matière de dialogue avec la société civile. Une direction est d’ailleurs consacrée au dialogue avec la société, qui organise des réunions avec les associations et où une personne, au sein de la division « risques et société » est chargée d’une veille systématique sur les positions des acteurs de la société civile ce qui doit favoriser la remontée de thèmes « de terrain ».

Plusieurs associations auditionnées par votre rapporteure pour avis ont regretté qu’il soit difficile, dans les faits, de suggérer des travaux d’expertise et de recherche. Il leur est souvent opposé « le manque de moyens budgétaires ». Votre rapporteure pour avis s’interroge dès lors sur la possibilité de réserver certains crédits à des projets proposés par les parties prenantes, et notamment les structures associatives.

 Les premiers travaux du comité de dialogue « radiofréquences et santé » sont très attendus

Le comité de dialogue « Radiofréquences et santé », qui s’est substitué à l’ancienne fondation Santé et radiofréquences, a été installé en juin 2011. Il doit devenir un lieu de concertation et d’échanges sur des travaux scientifiques, des orientations de recherche ou d’expertise, entre les différentes parties prenantes : représentations d’associations et syndicats, opérateurs de téléphonie mobile et des radiodiffuseurs, des institutions, des collectivités territoriales et des élus. Il est présidé par M. Georges Mercadal, ancien vice-président de la Commission nationale du débat public. L’agence projette d’installer en 2012 un comité de dialogues sur les nanotechnologies, sur le même modèle.

L’Anses et les champs électromagnétiques : actualité des travaux

Concernant les champs électromagnétiques et les radiofréquences, l’Anses est désormais compétente non seulement en matière d’expertise, mais également en matière de recherche, suite à l’intégration, en 2010, de l’ancienne fondation Santé et radiofréquences.

Deux programmes de recherche

– le programme « Environnement santé travail »

Un appel à projets de recherche a été lancé au printemps à partir de thématiques jugées prioritaires par l’Organisation mondiale de la santé et du rapport publié par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail en 2009. Seront notamment abordés :

– les effets de l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences supérieures à 3GHz. Votre rapporteure pour avis regrette le caractère tardif de cette recherche.

– la faisabilité d’une enquête épidémiologique au sein de populations particulièrement exposées aux champs électromagnétiques et aux radiofréquences, notamment chez les travailleurs. Pour votre rapporteure pour avis, il est indispensable que les travaux débouchent sur une véritable enquête, qui prendra en compte non seulement les professionnels exposés mais également les riverains d’antennes relais, avec une attention particulière pour les personnes souffrant d’électro-sensibilité.

Le comité d’orientation a retenu six candidatures. Votre rapporteure pour avis ne peut qu’espérer qu’ils travailleront en toute indépendance.

– le programme de recherche "Radiofréquences et Santé"

Suite à l’intégration par l’Anses des missions de la fondation Santé et radiofréquences, l’agence dispose désormais d’un financement supplémentaire qui sera spécialement consacré aux effets des radiofréquences.

Une taxe additionnelle forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), applicables aux stations radioélectriques a été instituée par la loi de finances pour 2011. Elle remplace la contribution que la fondation Santé et radiofréquences percevait directement de la part des opérateurs. Votre rapporteure pour avis se réjouit qu’il ait été mis fin à cette contribution directe.

Un groupe de travail permanent

Un appel à candidatures pour la constitution d’un groupe de travail permanent Radiofréquences et santé a été lancé au printemps dernier. Il devrait se composer d’une douzaine d’experts chargés de suivre "au long cours" les publications scientifiques. Leur sera notamment demandé d’évaluer le rapport de l’expertise collective relative aux effets sanitaires des radiofréquences, paru en 2009, au regard des nouveaux éléments connus. Il pourra également recommander des orientations de recherche.

Un comité de dialogue

Nouvellement installé (cf supra), le comité de dialogue doit encore faire ses preuves. Votre rapporteure pour avis espère que les représentants de la société civile pourront clairement contribuer à la définition des orientations de recherche.

Un partenariat avec des équipes de l’hôpital Cochin

L’Anses participe également à une étude d’évaluation d’un protocole d’accueil et de prise en charge médicale individualisée des personnes hypersensibles aux champs électromagnétiques, élaboré par des équipes de l’hôpital Cochin. Les premières consultations devraient être organisées par le réseau national des centres de pathologie professionnelle d’ici à la fin de l’année 2011.

Pour votre rapporteure pour avis, il faut porter la plus grande attention possible aux risques que présentent les ondes et les champs électromagnétiques pour la santé publique. Elle préconise la création de zones exemptes d’ondes électromagnétiques dites zones blanches, à l’instar de ce que propose le Conseil de l’Europe, et de salles blanches, y compris dans les hôpitaux.

CONCLUSION

« Le principe de précaution est destiné à prendre en charge des situations où le risque, compte tenu des connaissances du moment, n’est pas avéré, mais seulement suspecté. Rien n’est donc plus éloigné de la démarche de précaution que le fait d’attendre d’obtenir des certitudes scientifiques au sujet d’une menace pour adopter des mesures visant à s’en prémunir. (6) »

Votre rapporteure pour avis partage pleinement cette remarque du rapport « Mise à jour de l’expertise des radiofréquences » publié par lAfsset en 2009. Le principe de précaution est trop souvent confondu avec le principe de prévention par ceux qui préconisent dattendre la mise en évidence deffets chez lhomme avant dagir.

Elle espère que le débat qui sest tenu à lAssemblée nationale à loccasion de la discussion de la proposition de loi visant la suspension de la fabrication, de limportation, de lexportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A sera un élément dune large prise de conscience.

Il est indispensable de conforter les bases posées lors de la création de lAnses en lui attribuant des financements budgétaires solides sur le long terme, afin de mieux rémunérer les experts et de garantir ses activités, quil sagisse dexpertises ou de recherches. La capacité dauto-saisine de lagence, à côté des saisines de ses cinq tutelles ministérielles et des parties prenantes, risque dans le cas contraire dêtre privée deffets.

Plus globalement, le recrutement dexperts indépendants, parfois difficile, pose la question des crédits affectés à la recherche publique. Il est pour votre rapporteure pour avis indispensable de la conforter en lui accordant les financements nécessaires.

Quil sagisse de la vaccination, de la prévention des cancers, des maladies chroniques, ou encore de la perte dautonomie, des priorités budgétaires doivent être dégagées dans une vision de long terme, afin de mener une réelle politique de prévention et de santé environnementale.

Votre rapporteure pour avis estime que ces mesures sont indispensables tant pour améliorer la santé publique que pour maîtriser les dépenses de santé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission procède, le 3 novembre 2011, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé, sur les crédits de la mission « Santé » pour 2012 (7).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits de la mission « Santé » pour 2012 sur le rapport de Mme Anny Poursinoff (Santé, prévention et sécurité sanitaire) et M. Vincent Descoeur (Santé et système de soins), au cours de sa séance du 9 novembre 2011.

Article 32 : État B - Mission « Santé »

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis pour la prévention et la sécurité sanitaire. Je rappelle que mon avis est défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé ».

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis pour la santé et le système de soins. Je suis pour ma part favorable à leur adoption.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Santé », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 32.

Article 60 : Création d’un dispositif de couverture mutualisé des risques exceptionnels de responsabilité civile des professionnels de santé exerçant à titre libéral

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 60 sans modification.

Après l’article 60

Les amendements AS 16 et AS 15 de Mme Valérie Boyer ne sont pas soutenus. La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS 3 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à demander un rapport étudiant les conditions de mise en œuvre d’un plan national de développement de l’ergonomie participative dans les milieux professionnels. Un tel plan permettrait d’améliorer les conditions de travail en diminuant les maladies professionnelles qui y sont liées et le stress.

M. Vincent Descoeur. J’émets un avis défavorable à cet amendement : je rappelle que le deuxième plan « Santé au travail 2010-2014 » a été élaboré selon une démarche participative ; il me semble satisfaire l’objectif poursuivi.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Je pense qu’il existe une différence fondamentale entre d’une part, l’ergonomie participative et, d’autre part, l’élaboration d’un plan selon une démarche participative. D’où l’utilité du rapport que je propose de demander au Gouvernement, afin de bien préciser ces notions.

L’amendement AS 3 est rejeté.

La Commission est saisie de l’amendement AS 4 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Cet amendement demande un rapport au Gouvernement étudiant les modalités d’intégration de la direction générale de l’alimentation au sein du ministère de la santé afin que cette direction ne soit plus en prise avec les lobbys de l’industrie agro-alimentaire. Cette mesure permettrait de mener une politique de santé publique plus efficace.

M. Guy Lefrand. Nous avons déjà eu un tel débat dans l’hémicycle. Il n’est pas choquant que la direction générale de l’alimentation soit rattachée au ministère de l’agriculture, compte tenu du lien qui existe entre l’alimentation et les agriculteurs, d’autant que si lobby agricole il y a, il pourrait tout autant s’exprimer auprès du ministère de la santé. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Paul Jeanneteau. J’observe que des lobbys interviennent aussi auprès du ministère de la santé…

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Je tiens à souligner que je visais le lobby de l’industrie agro-alimentaire. Et pour répondre à Paul Jeanneteau, sans doute des lobbys interviennent-ils aussi auprès du ministère de la santé, mais je pense que leur action est moins pressante.

La Commission rejette l’amendement AS 4.

Puis, elle examine l’amendement AS 5 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Je demande au Gouvernement un rapport proposant un plan de prévention des maladies chroniques prenant en compte l’ensemble des facteurs environnementaux, ces maladies étant de plus en plus liées à nos conditions de vie et de travail car nous sommes soumis à de nombreuses pollutions. Je rappelle, en effet, que les maladies chroniques sont responsables des deux tiers des remboursements de soins. Prévenir ces maladies serait donc une mesure d’économie et nous aurions tout intérêt à juguler l’épidémie de cancer.

M. Paul Jeanneteau. On nous propose un rapport de plus ! Je rappelle que le Président Pierre Méhaignerie a récemment dénoncé l’accumulation des rapports demandés au Gouvernement et l’engorgement des services administratifs qu’ils entraînent.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je suis d’accord avec Paul Jeanneteau, d’autant qu’il ne faut pas, non plus, oublier les aspects positifs : notre pays détient le deuxième ou le troisième rang en termes d’espérance de vie. Donnons un peu d’optimisme au pays !

La Commission rejette l’amendement AS 5.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 6 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. À ceux qui me reprochent de demander trop de rapports, je rappelle que je n’ai guère d’autre possibilité vu les contraintes pesant sur l’initiative parlementaire. Je dirai aussi au Président Pierre Méhaignerie que nous vivons certes plus longtemps, mais pas forcément en bonne santé. C’est pourquoi je demande un rapport proposant un plan de prévention de la perte d’autonomie.

M. Bernard Perrut. La perte d’autonomie est effectivement un sujet important, mais je ne peux vous laisser penser que rien n’a été fait alors qu’existent de nombreux dispositifs, tant nationaux que locaux. Le rapport que vous demandez ne serait donc qu’une compilation de ce qui existe déjà sur cette question. Ce serait de l’énergie perdue. Mieux vaut la dépenser auprès des personnes en perte d’autonomie !

L’amendement AS 6 est rejeté.

La Commission en vient à l’amendement AS 8 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Vous avez raison, monsieur Perrut, les collectivités locales font beaucoup en termes de prévention de la perte d’autonomie, mais il est toujours bon de dresser le bilan de ce qui marche ou pas. Mon amendement AS 8 demande précisément un rapport pour mieux évaluer l’expérimentation des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer – les MAIA – afin de disposer de davantage d’éléments avant leur généralisation. Il nous faut, en effet, vérifier si leurs interventions sont bien articulées avec celles des autres acteurs de terrain.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je vous invite à mesurer le nombre de rapports que nous avons déjà à lire au regard de notre temps disponible ! La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a certes accru la transparence des missions, programmes et actions mais nous n’exploitons pas tous les documents mis à notre disposition – 14 000 pages cette année ! Notre travail d’évaluation devient une mission impossible et nous ne le menons pas correctement. Il est vrai que de nombreux projets et propositions de loi complexifient encore la situation alors que nous devrions nous concentrer sur la gestion de la dépense publique…

M. Gérard Bapt. Je partage votre analyse, et j’observe que le travail d’évaluation peut utilement être mené par les rapporteurs spéciaux ou pour avis. En tout état de cause, il est nécessaire d’évaluer les actions expérimentales. Cela devrait ainsi être le cas pour le dossier médical personnel. Je rappelle qu’un dispositif similaire a été abandonné en Allemagne, mais aussi aux Pays-Bas et au Royaume-Uni où plus d’un milliard de livres a été investi en sa faveur. Nous en sommes pour notre part à la phase d’expérimentation ; peut-être une pause dans l’engagement des dépenses devrait-elle être envisagée, d’autant que nous sommes en période de restriction budgétaire – nous avons déjà dépensé près de 185 millions d’euros – pour évaluer la manière dont les 39 000 dossiers médicaux personnels déjà créés seront utilisés. Si le temps médical qui peut y être consacré se révèle insuffisant, nous aurons bâti une cathédrale vide ! Je me permets d’aborder ce sujet car Pierre Morange et Philippe Vittel sont attachés au dossier médical personnel sur support mobile, qui ne coûterait pas grand-chose et qui est lui aussi expérimenté.

M. Vincent Descoeur. Pour en revenir aux MAIA, je tiens à signaler que les quinze sites expérimentaux ont fait l’objet d’une évaluation préalable à leur généralisation.

M. Paul Jeanneteau. Encore une demande de rapport ! « Trop de rapports tue le rapport » ! Nous perdons notre temps sur des amendements inutiles…

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Encore une fois, je souligne que je ne pouvais guère proposer autre chose… Par ailleurs, les auditions auxquelles j’ai procédé me laissent à penser que les quinze expérimentations de MAIA n’ont pas donné satisfaction. On ne sait même pas les relations que ces maisons entretiendront avec les comités locaux d’information et de coordination – les CLIC ! Le rapport que je vous propose de demander constitue une nécessité.

M. Georges Colombier. Je peux vous assurer que l’expérimentation menée en Isère a montré que les MAIA étaient très intéressantes et nous comptons beaucoup sur elles.

La Commission rejette l’amendement AS 8.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 7 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé a montré que les champs électromagnétiques des radiofréquences pouvaient être cancérigènes. En outre, certaines personnes dites « électro-hypersensibles » connaissent des intolérances particulières à ces champs qui nécessitent d’aménager leurs conditions et mode de vie. C’est pourquoi je demande le dépôt d’un rapport relatif à la création de « zones blanches », non couvertes par des réseaux sans fil.

M. Guy Lefrand. Si des personnes souffrent d’une telle hypersensibilité – que l’on ne doit pas confondre avec un risque potentiel cancérigène –, je les invite à venir dans mon département où existent de nombreuses zones blanches !

M. Fernand Siré. Vous nous parlez de personnes électro-hypersensibles mais, que je sache, cette maladie n’est pas reconnue sur un plan médical... On sait aussi que certaines personnes peuvent être simplement sectaires ou présenter des troubles psychiatriques. Procéder à une distinction entre ces trois catégories de personnes n’est pas toujours aisé... Créer des « zones blanches » reviendrait à pénaliser les personnes normales qui y vivent !

Mme Michèle Delaunay. Je m’interroge, pour ma part, sur la possibilité de demander l’établissement d’une densité maximale des antennes afin que celles-ci soient mieux réparties sur le territoire. Par ailleurs, ne pourrait-on demander aux opérateurs de mutualiser leurs antennes au lieu de les multiplier ?

M. le président Pierre Méhaignerie. C’est ce que nous essayons de faire, en tant que maires.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Peut-être, mais un décret vient de vous ôter cette compétence !

Au-delà, les réactions que cet amendement suscite sont désolantes et montrent la méconnaissance de cette question. Les malades électro-hypersensibles ne sont pas des malades psychiatriques. Ils sont aussi normaux que nombre d’entre nous. Je me réjouis que Guy Lefrand veuille bien les accueillir dans son département, mais ce dernier ne sera probablement pas assez grand ! Je rappelle que ces personnes ne peuvent même pas se rendre à des consultations hospitalières car les lieux d’accueil sont couverts par les radiofréquences. Il faudrait donc être plus sérieux sur cette question et moins psychiatriser ces personnes. Je regrette les mauvaises volontés et le poids du lobby de la radiotéléphonie.

La Commission rejette l’amendement AS 7.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 10 de Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis.

Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis. Cet amendement demande un rapport présentant des propositions concrètes pour lutter contre l’alcool et le tabac.

M. Bernard Perrut. Nous sommes tous conscients de l’importance du sujet mais nous disposons déjà sur celui-ci de nombreux rapports. Des actions très concrètes en matière de prévention ont d’ailleurs été mises en œuvre, par exemple par des organismes tel « Vin et société ». Le rapport demandé ne serait donc qu’une compilation des documents existants.

M. Vincent Descoeur. Permettez-moi de rappeler quelques mesures concrètes prises s’agissant du tabac : le dispositif d’aide Tabac info service, l’interdiction de fumer dans les lieux publics ou encore une aide forfaitaire pour prendre en charge des traitements d’aide à l’arrêt du tabac. S’agissant de l’alcool, une nouvelle campagne de prévention est en cours, une ligne téléphonique « Alcool écoute » est en service et le site « Alcool info service » peut être consulté. Des mesures très variées et concrètes ont donc été prises. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement AS 10 est rejeté.

L’amendement AS 13 de M. Yves Bur n’est pas soutenu.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 1 de Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Cet amendement demande au Gouvernement un rapport sur les conséquences, en matière d’accès aux soins, de l’augmentation du taux de la taxe sur les conventions d’assurance applicable aux contrats d’assurance maladie solidaires et responsables.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rouvrir un débat déjà tranché en septembre dernier dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011.

Je pense que la crainte d’une éventuelle restriction de l’accès aux soins n’est pas fondée car nous avons relevé le plafond de ressources pour bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) et le montant de cette aide a par ailleurs été revalorisé par la loi « HPST » du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, puis par la loi de finances pour 2010. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement AS 1 est rejeté.

La Commission examine l’amendement AS 2 de Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Je demande un rapport au Gouvernement sur les difficultés d’accès aux soins des étudiants ; en particulier, il permettrait d’évaluer l’efficacité du relèvement du plafond de ressources pour bénéficier de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, j’émets un avis défavorable.

M. Gérard Bapt. Je vous appelle à être attentifs à la situation de La mutuelle des étudiants (LMDE) qui risque d’être en difficulté dans les prochains mois et même de déposer le bilan car elle sera soumise au même traitement fiscal que les autres mutuelles et assurances. Cela va forcément accroître les problèmes d’accès à la santé du monde étudiant.

La Commission rejette l’amendement AS 2.

Puis, elle est saisie de l’amendement AS 9 de Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Un rapport de Médecins sans frontières, publié en septembre 2011, considère que l’accueil en France des demandeurs d’asile et autres exilés précaires ne répond pas aux besoins de ces étrangers fragiles. Le soutien psychologique des mineurs isolés est particulièrement délaissé. Face à ce constat, il est urgent de mener une évaluation de la situation afin d’apporter les réponses nécessaires.

Mme Catherine Lemorton. Les centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO), tels ceux du Médecins du Monde, doivent faire face à une affluence accrue liée à leur fréquentation par de nouvelles populations : des retraités et des étudiants pauvres, qui sont Français. Ce n’est pas parce qu’ils recourent à ce système de soins parallèle que cela doit occulter le débat sur l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé qu’ils n’utilisent pas… Même si cela doit en faire hurler certains, un rapport sur cette question me semble important.

M. Christophe Sirugue. Je tiens à rappeler que j’ai été l’auteur, avec Claude Goasguen, au nom du Comité d’évaluation et de contrôle, d’un rapport d’information sur l’aide médicale de l’État qui a souligné l’urgence de la situation des demandeurs d’asile et des personnes en situation irrégulière. La proposition d’Anny Poursinoff va dans le bon sens car la situation est terrible. C’est un vrai problème de santé publique qu’il nous faut prendre en compte.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. J’estime que nous disposons déjà d’une documentation abondante sur cette question : un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales de 2007 sur l’aide médicale de l’État, puis un autre rapport des mêmes instances sur le même sujet en novembre 2010. Nous disposons également de l’évaluation de l’aide médicale de l’État par nos collègues Claude Goasguen et Christophe Sirugue. Je pense que nous sommes donc bien informés et j’émets un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AS 9.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je ferai part de ce que vient d’être dit sur cette question afin que nous disposions d’éléments d’information. Je rappelle que nous avons eu vendredi dernier, lors de l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » en séance publique, un débat sur les maisons de l’emploi au cours duquel nous avons suivi la position défendue par la Commission, contre l’avis du Gouvernement : au cours d’un scrutin public demandé par le groupe GDR, l’amendement de la Commission a été adopté à plus de 50 voix contre 8. Cela démontre qu’en nous concentrant sur quelques sujets importants, nous pouvons dégager une position qui n’est pas forcément celle de l’exécutif et obtenir gain de cause.

III.- AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par Mme Anny Poursinoff

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conséquences sur l'accès aux soins de l'augmentation de la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) applicable aux contrats d'assurance maladie dits « solidaires et responsables ». 

Amendement n° AS 2 présenté par Mme Anny Poursinoff

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux difficultés spécifiques d'accès aux soins des étudiants et aux mesures permettant de remédier à cette situation.

Amendement n° AS 3 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les conditions de mise en oeuvre d'un Plan national de développement de l'ergonomie participative dans les milieux professionnels. Celui-ci permettra notamment de faire le bilan des expériences actuellement menées et de présenter les conditions de généralisation de ces pratiques.

Amendement n° AS 4 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les modalités d'intégration de la direction générale de l'alimentation au ministère de la santé.

Amendement n° AS 5 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant un plan de prévention des maladies chroniques prenant en compte l'ensemble des facteurs environnementaux.

Amendement n° AS 6 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant un plan de prévention de la perte d'autonomie.

Amendement n° AS 7 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la création de zones blanches, c’est-à-dire non couvertes par les réseaux sans fil, pour les personnes souffrant d'électro hypersensibilité (EHS) sur l'ensemble du territoire.

Amendement n° AS 8 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation des Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) y compris sur la question de leur articulation avec les autres acteurs de la perte d'autonomie.

Amendement n° AS 9 présenté par Mme Anny Poursinoff

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'accès aux soins des personnes venant chercher asile ou protection en France.

Amendement n° AS 10 présenté par Mme Anny Poursinoff, rapporteure pour avis

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant des propositions concrètes permettant de lutter contre deux causes évitables de maladies et de décès précoces, à savoir l'alcool et le tabac.

Amendement n° AS 13 présenté par M. Yves Bur

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Le Gouvernement dépose auprès du Parlement, avant le 31 décembre 2012, un rapport sur les conditions dans lesquelles pourrait être mis en oeuvre un fonds d'indemnisation des personnes victimes du tabac et contribuant à des actions de prévention et de lutte contre le tabagisme ainsi que l'aide au sevrage tabagique, financé par une taxe de 10 % du chiffre d'affaires réalisé en France par les fabricants de produits du tabac.

Amendement n° AS 15 présenté par Mme Valérie Boyer, M. Michel Heinrich, Mme Gabrielle Louis-Carabin et M. Céleste Lett

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

Aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 2133-1 du code de la santé publique, les mots : « 1,5 % » sont remplacés par les mots : « 5 % ».

Amendement n° AS 16 présenté par Mme Valérie Boyer, M. Michel Heinrich, Mme Gabrielle Louis-Carabin et M. Céleste Lett

Après l’article 60

Insérer l’article suivant :

À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2133-1 du code de la santé publique, les mots : « peuvent déroger à cette obligation sous réserve » sont remplacés par les mots : « sont assujettis au ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Réseau environnement santé – M. André Cicolella, porte-parole

Ø Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) – M. Marc Mortureux, directeur général, M. Gérard Lasfargues, directeur général adjoint scientifique, M. Gilles Salvat, directeur du pôle santé animale et santé des animaux, Mme Pascale Robineau, directrice des produits réglementés, et Mme Alima Marie, directrice de l’information, de la communication et du dialogue avec la société

Ø Direction générale de la santé (DGS) – Dr Jean-Yves Grall, directeur général, M. Christian Poiret, secrétaire général, et Mme Caroline Foedit, chef du bureau du budget

Ø Institut de veille sanitaire  – Mme Françoise Weber, directrice générale, Mme Caroline Gardette, directrice générale adjointe, et Mme Sophie Martinon, chargée de mission

Ø Équipe projet nationale « Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer » (MAIA), Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – Dr Olivier Dupont, chef de projet, Mme Catherine Périsset, expert en organisation des services intégrés, et Mme Nadia Arnaout, expert en méthode et organisation

Ø Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) – Mme Thanh Le Luong, directrice générale, M. Christophe Coudroy, secrétaire général, et M. Pierre Bachelot, chargé des relations institutionnelles

Ø Robin des toits – M. Étienne Cendrier, porte-parole

Ø Générations futures – Mme Nadine Lauverjat, chargée de mission

Ø Priartem – Mme Janine Le Calvez, présidente

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