N° 4061 - Rapport d'information de Mme Marietta Karamanli déposé par la commission des affaires européennes sur le droit commun européen de la vente




No 4061

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le droit commun européen de la vente
(COM (2011) 635 final/E 6713)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Marietta KARAMANLI,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Jean-Yves Cousin, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Pierre-Alain Muet, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 7

REPORT SUMMARY 13

INTRODUCTION 19

I. UNE INITIATIVE ÉTONNANTE SUR LE PLAN DE LA MÉTHODE 23

A. LA RÉOUVERTURE D’UN DÉBAT RÉCENT QUI VIENT À PEINE DE S’ACHEVER 23

1. Un second texte général sur le droit de la consommation, présenté avant même la publication de la directive 2011/83/CE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs 23

a) Une redondance qui rouvre le débat sur les questions aussi sensibles que la garantie des biens et les clauses abusives 23

b) L’impossibilité d’invoquer les contenus numériques et le droit des transactions commerciales interentreprises des PME ou des éléments d’agenda comme justifications suffisantes 24

B. L’ABSENCE D’ÉTUDE D’IMPACT OFFICIELLE 24

C. UNE OPPOSITION TRÈS LARGE DE LA PART DES REPRÉSENTANTS TANT DES CONSOMMATEURS QUE DES ENTREPRISES 25

D. UN PARLEMENT EUROPÉEN CERTES FAVORABLE, BIEN QU’AVEC DES NUANCES, MAIS DES OPPOSITIONS SOLIDES DE LA PART D’UN NOMBRE SUBSTANTIEL D’ETATS MEMBRES 26

E. DES JURISTES PARTAGÉS 27

II. UN TEXTE INNOVANT ET AMBITIEUX, MAIS AUSSI TRÈS CLAIREMENT CONÇU POUR S’IMPOSER À L’ACQUÉREUR DANS LES TRANSACTIONS COMMERCIALES, NOTAMMENT PAR INTERNET 29

A. LA PRÉSENTATION FORMELLE : DEUX NIVEAUX DE RÈGLES DE DROIT, AVEC LE RÈGLEMENT PROPREMENT DIT ET DEUX ANNEXES 29

B. UN DROIT EXTRÊMEMENT COMPLET PRÉVU POUR UNE MISE EN œUVRE AUTONOME SELON LE SCHÉMA DU SECOND RÉGIME, SANS IMPACT SUR LE DROIT NATIONAL EXISTANT (LE PREMIER RÉGIME) 29

C. UN DISPOSITIF RÉELLEMENT FACULTATIF POUR LE SEUL FOURNISSEUR 31

1. Une fausse option pour le client, consommateur ou PME, dont le choix s’exercera en fait entre l’achat assorti du droit commun européen de la vente et la renonciation à l’achat 31

2. L’insuffisance de la procédure de recueillement du consentement formel du client 32

3. Un problème majeur pour le consommateur ou le client en cas de monopole du vendeur 33

D. DES CLAUSES D’EXTENSION TRÈS LARGES VISANT, AU-DELÀ DES TRANSACTIONS TRANSFRONTALIÈRES, L’ENSEMBLE DES TRANSACTIONS COMMERCIALES NATIONALES AU SEIN DES ETATS MEMBRES, DE MÊME QUE L’ENSEMBLE DES TRANSACTIONS INTERENTREPRISES, AU-DELÀ DES SEULES PME 33

1. Une invitation à l’extension du DCEV aux transactions purement nationales et au remplacement du premier régime de droit national existant 33

2. Une possibilité d’extension à l’ensemble des transactions entre entreprises, au-delà des seules PME 34

3. Un dispositif précis pour le seul champ d’application matériel : les biens mobiliers corporels et les contenus numériques pour l’essentiel 34

III. DES POSTULATS INCOHÉRENTS ET DES DIFFICULTÉS DE FOND QUI INTERDISENT EN TOUT ÉTAT DE CAUSE L’ADOPTION DU DROIT COMMUN EUROPÉEN DE LA VENTE, SI CE N’EST, SOUS RÉSERVE D’UN EXAMEN APPROFONDI DU DÉTAIL DE SES DISPOSITIONS, COMME « BOITE À OUTILS » OU COMME BASE DE TRAVAIL POUR LES CONTENUS NUMÉRIQUES 35

A. UNE BASE JURIDIQUE SOIGNEUSEMENT CHOISIE, MAIS TRÈS VRAISEMBLABLEMENT ERRONÉE 35

1. Une impossibilité, également constatée au Bundestag allemand, d’invoquer raisonnablement l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et la procédure de codécision avec majorité qualifiée 35

2. Une compétence qui ne peut être exercée qu’au titre de l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui implique un accord du Conseil à l’unanimité 36

B. DES DIFFICULTÉS DE SUBSIDIARITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ QUE LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT A SU ÉVITER 37

C. DES PROBLÈMES DE FOND, EN REVANCHE, AUSSI APPARENTS QUE DIRIMANTS 41

1. Des difficultés d’articulation avec les autres corps de règles, au-delà de l’interdiction de « panachage » 41

a) L’interdiction de « panachage » 41

b) Un certain manque de sécurité juridique en raison de la persistance « d’angles morts », de lacunes et d’incertitudes sur l’articulation avec les autres règles de droit : le règlement Rome I et certaines règles de droit national 41

2. Des dispositions soit inutiles soit en recul du point de vue de la protection du consommateur comme des PME 43

a) La mise à l’écart de certaines dispositions du droit civil en cas d’option pour le droit commun européen de la consommation 43

b) L’exclusion très problématique, car contraire au règlement Rome I et aux garanties essentielles du droit international privé, de dispositions d’ordre public du droit de la consommation et du code de commerce 44

c) Des redondances inutiles et des régressions par rapport au droit national de la consommation et même par rapport à la directive 2011/83/UE du 25 octobre dernier relative à la protection des consommateurs 45

d) Une menace pour les règles et équilibres actuels des transactions entre les PME et leurs fournisseurs dans les Etats membres 47

3. Une source majeure de confusion dans la juxtaposition du second régime au droit national initial 48

a) Les défauts inhérents à une mise en compétition de deux droits sur un même sujet 48

b) Un risque de confusion accru en présence de deux corps de règles parfois voisins mais souvent différents 48

c) Des divergences très probables entre les Etats membres, en dépit de la base de données européenne sur les décisions de justice devenues définitives, prévue par la proposition de règlement 49

d) Une complication inutile des tâches des professionnels du droit et des juridictions 49

4. Un risque de mise en concurrence des Etats membres pour l’implantation des professionnels et, par conséquent, de dumping juridique 50

D. LA POSSIBILITÉ DE CONSERVER NÉANMOINS, LE CAS ÉCHÉANT, LA TENEUR DU DROIT COMMUN EUROPÉEN DE LA VENTE COMME « BOÎTE À OUTILS » POUR LES ETATS MEMBRES QUI SOUHAITENT FAIRE ÉVOLUER LEUR DROIT DE LA CONSOMMATION OU LEUR DROIT COMMERCIAL ET, SOUS RÉSERVE D’EXPERTISE APPROFONDIE, COMME BASE DE TRAVAIL POUR UNE ÉVENTUELLE INITIATIVE SECTORIELLE SUR LES CONTENUS NUMÉRIQUES 50

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 55

CONCLUSIONS ADOPTED BY THE COMMITTEE 57

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 59

ANNEXE 2 : AVIS D’INFORMATION TYPE 61

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Lorsqu’elle a présenté, le 11 octobre dernier, sa proposition de règlement sur le droit commun européen de la vente (DCEV), la Commission européenne a pris une initiative qui suscite l’étonnement.

Ce texte concerne l’ensemble des dispositions relatives à la vente de biens de consommation et de contenus numériques, et de services connexes, dans le cadre transfrontalier, lorsque vendeur et acquéreur sont installés dans deux Etats membres différents. Il vise principalement les ventes par Internet.

Il rouvre donc un débat qui vient à peine de s’achever, puisque la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs qui concerne, entre autres, ce même sujet, vient juste d’être publiée. D’ailleurs, la Commission des affaires européennes avait déjà envisagé, lors du dernier rapport sur le projet correspondant, en février dernier, pour la rejeter, cette hypothèse d’un droit contractuel optionnel.

Ce débat, la Commission européenne y revient dans des conditions qui ne sont pas les meilleures.

D’abord, la proposition de règlement concerne, parmi d’autres, les questions relatives aux garanties et aux clauses abusives. Or ce sont des sujets qu’il a fallu expressément disjoindre de la proposition de directive relative aux droits des consommateurs pour obtenir un accord politique. Et ce ne sont pas les questions nouvelles, telles que les contenus numériques ou les transactions commerciales entre entreprises et impliquant les PME, qui peuvent donner une justification suffisante à un texte aussi général que celui qui est proposé. Ensuite, il n’y pas eu d’étude d’impact officielle. De plus, le texte proposé suscite bien des oppositions de la part de ceux qu’il concerne, notamment des organismes représentant les consommateurs et de ceux représentant les PME, à savoir le BEUC et l’UEAPME au niveau européen. Businesseurope n’est pas non plus convaincu. Les notaires sont également opposés à ce projet. De même, il y a déjà de fortes réticences de la part de certains Etats membres, même si elles ne sont pas encore toutes exprimées, car les travaux en vue du Conseil commencent à peine et la Commission européenne ne peut qu’en tenir compte, en dépit il est vrai du vote en faveur d’un tel projet de la part du Parlement européen, en mars dernier.

Cette proposition de règlement est porteuse d’une très grande ambition, avec son dispositif assez léger mais sa volumineuse annexe 1 et ses 186 articles. Cette dernière couvre l’ensemble de la question, allant des principes généraux de la liberté contractuelle jusqu’aux prescriptions.

Le mécanisme juridique prévu pour sa mise en œuvre n’est pas non plus celui du droit européen commun, du 28e droit, mais celui, plus exigeant, d’une insertion en bloc dans le droit de chaque Etat membre, dans le cadre d’un « second régime » de droit contractuel coexistant avec les règles actuelles, qui seraient ainsi celles du « premier régime ». Ce second régime est régi par le principe d’autonomie, ce qui explique qu’il soit aussi complet.

Enfin, même si le dispositif est présenté comme facultatif et destiné aux transactions transfrontières, l’objectif à terme n’est pas de s’arrêter à un tel stade.

D’abord, le caractère facultatif ne vaut réellement que pour le professionnel qui vend à un consommateur ou à une autre entreprise. Une fois que celui-ci a opté, l’acheteur n’a de fait que le choix entre soit acquérir le bien ou le contenu numérique sous le régime du DCEV, soit renoncer à l’achat. En effet, le dispositif prévoit le consentement du client au DCEV mais ne prévoit pas l’application du droit habituel en cas de refus de sa part.

Ensuite, la proposition de règlement donne aux Etats membres la faculté d’une extension du DCEV à leurs transactions internes, de même qu’à l’ensemble des transactions entre entreprises. Il y a donc clairement une invitation à entrer dans une démarche où le DCEV remplacerait le droit national.

Eu égard à ces objectifs, les défauts de la proposition de règlement n’en apparaissent que plus dirimants.

Le premier d’entre eux tient à la base juridique choisie par la Commission européenne.

Le texte est en effet indiqué comme fondé sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif à l’harmonisation et au rapprochement des législations pour la réalisation du marché intérieur, ce qui présenterait, du point de vue de la Commission européenne, l’avantage de la codécision avec majorité qualifiée au Conseil.

Or, le second régime national autonome n’harmonise ni ne rapproche, mais il crée au contraire de la diversité juridique. Ce n’est donc pas cet article que l’on peut invoquer comme base juridique du texte, comme l’a aussi considéré le Bundestag allemand.

C’est au contraire l’article 352 du traité qui peut constituer la base juridique du texte, puisqu’il reconnaît à l’Union européenne une compétence supplétive pour les actions nécessaires à l’un des objectifs du traité, sans que celui-ci n’ait prévu les pouvoirs d’action correspondants.

Du point de vue de la Commission européenne, deux difficultés majeures s’élèvent alors. D’abord, l’unanimité du Conseil est exigée, ce qui donne à tout Etat membre un pouvoir de veto. Ensuite, lorsqu’elle recourt à cet article, la Commission européenne doit toujours attirer l’attention des parlements nationaux dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité.

Effectivement, la question de la subsidiarité et de la proportionnalité mérite très clairement d’être examinée sur ce texte, même si, contrairement à la Chambre des communes du Royaume-Uni, au Bundestag allemand et au Conseil fédéral autrichien, ce n’est pas pour conclure à l’adoption d’un avis motivé.

En effet, les difficultés de subsidiarité et de proportionnalité ont su être évitées, d’autant que les questions de fond n’ont pas été tranchées par la Cour.

La première d’entre elles, sur l’utilité du DCEV et le bien fondé de l’intervention européenne, est de savoir si l’Union européenne peut proposer un tel droit supplétif, qui n’a pas vocation, au moins dans un premier temps, à concerner l’ensemble des acteurs économiques, mais une partie d’entre eux.

Sur ce point, face à l’argument selon lequel les entreprises, et les consommateurs, ne sont pas, pour une part appréciable, demandeurs d’un tel droit de la transaction transfrontière, on constate que la Commission européenne indique ne viser qu’une partie des entreprises, et non toutes, et qu’il s’agit d’un droit optionnel. En outre, les transactions transfrontières relèvent, en principe, de l’Union européenne, puisqu’il s’agit du marché intérieur.

La deuxième question, qui touche à la proportionnalité et concerne l’étendue du DCEV, concerne les exigences du fonctionnement autonome d’un second régime national tel que celui proposé. Le champ couvert par le DCEV est très large, mais un considérant précise aussi qu’il y a application du seul droit national existant pour le cœur du droit civil, notamment la personnalité juridique et l’incapacité, ainsi, d’ailleurs, que pour la question linguistique.

Dans ces circonstances, plutôt que de s’engager dans un débat difficile et des échanges d’habiletés, il est plus efficace d’indiquer d’emblée les éléments de fond qui conduisent à recommander le rejet de la proposition de règlement.

Le premier d’entre eux est un manque de sécurité juridique sur l’articulation avec le règlement Rome I, avec lequel il apparaît rester des « angles morts », de même qu’avec certaines dispositions de droit national.

Le deuxième tient à un recul de la protection du consommateur ou de la PME par rapport au droit existant. Ainsi, on peut dire que s’il n’apporte pas de protection supplémentaire, le DCEV est redondant et inutile, et que s’il est en retrait par rapport au niveau de protection existant, il est préjudiciable.

De manière inhérente au mécanisme du second régime, qui fonctionne de manière autonome par rapport aux règles de droit national, à coté d’elles, mais sans les affecter ni impliquer leur modification, contrairement à une directive, on constate ainsi une mise à l’écart, d’une part, de certaines dispositions du code civil et, d’autre part, des dispositions d’ordre public du droit national, de la consommation et, plus largement, des transactions commerciales. En effet, le mécanisme du second régime national est exclusif du point 2 de l’article 6 du règlement (CE) no 593/2008 « Rome I », qui interdit le choix de la loi lorsque ce choix ferait échec à des dispositions d’ordre public protectrices pour le consommateur.

En outre, par rapport au droit européen, le DCEV entraîne deux régressions : d’abord, vis-à-vis de la directive 2011/83/UE qui vient d’être publiée, car il revient notamment sur l’interdiction de paiement pendant la période de rétractation en cas de vente hors établissements commerciaux, alors que c’est un mécanisme essentiel, pour la France ; ensuite, vis-à-vis du règlement communautaire (CE) no 2006/2004 du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, pour les infractions intracommunautaires.

Par ailleurs, le DCEV est dommageable pour les PME, car dans un domaine qui n’est pas harmonisé au niveau européen, celui des transactions commerciales entre entreprises, il est de nature à bouleverser les équilibres nationaux actuels, notamment les dispositions qui permettent de réguler les relations entre entreprises de poids très différents.

Dans l’ensemble, ces reculs du niveau de protection créent un risque de dumping juridique, avec transfert d’une entreprise dans un autre Etat membre pour faire passer la clientèle sous le régime du DCEV, hors de la protection du droit national.

Enfin, et c’est le dernier point, le DCEV ne peut que se heurter à d’importantes difficultés d’application tant en raison de la confusion qu’il ne manquera pas d’engendrer dans un même Etat, avec deux corps de règles, à la fois voisins et différents, applicables à des problèmes identiques, qu’en raison des divergences d’interprétation et de jurisprudence qui ne manqueront pas d’intervenir entre les différents Etats membres.

La Commission européenne est d’ailleurs consciente de ce problème car elle propose une base de recueil des décisions de justice définitives, mais en raison tant des difficultés de traduction que d’interprétation de décisions intervenues dans un contexte et une tradition juridiques différents, l’efficacité de cette solution peut être mise en doute.

Dans ces circonstances, il convient de conclure nettement au rejet de la proposition de règlement, tout en réservant la possibilité, eu égard à l’important travail qui a été fait et à son utilité pour une convergence à long terme des Etats européens, de conserver, sous réserve d’un examen politique et technique, le DCEV comme une « boîte à outils » à la disposition des Etats membres comme du législateur communautaire et, pour ce qui concerne les contenus numériques, comme base de travail pour un éventuel texte sectoriel.

REPORT SUMMARY

When it tabled, on 11 October, its proposal for a Regulation on a Common European Sales Law (CESL), the European Commission took an initiative that caused amazement.

This text concerns all the provisions relating to the sale of consumer goods and digital content, and related services, in the cross-border framework, when the seller and buyer are located in two different Member States. It mainly concerns Internet sales.

It therefore re-opens a debate which has barely been closed, since Directive 2011/83/UE of 25 October 2011 on consumer rights, which concerns, inter alia, this same subject, has just been published. Moreover, the European Affairs Committee had already envisaged, in the last report on the corresponding project, in February, this hypothesis of an optional contract law, but to reject it.

The European Commission returns to this debate in conditions which are not the best.

First, the proposal for a Regulation concerns, inter alia, issues relating to guarantees and unfair contract terms. However, these are subjects which had to be expressly separated from the proposal for a Directive on consumer rights to obtain a political agreement. And it isn't new topics, such as digital content or trade transactions between companies and also concerning SMEs, which can provide sufficient justification for such a general text as that proposed. Second, no official impact study was made. Furthermore, the text proposed gives rise to much opposition from those it concerns, especially bodies representing consumers and those representing SMEs, in other words the BEUC, the European Consumers' Organisation and the UEAPME, the European Association of Craft, Small and Medium-sized enterprises, at European level. Nor is Businesseurope convinced. Solicitors are also opposed to this project. Similarly, there is already great reluctance on the part of some Member States, even if such hesitations are not all expressed yet because the work with a view to the Council is barely beginning and the European Commission must take account of it, admittedly despite the European Parliament's vote in favour of such a project in March.

This proposal for a Regulation bears a very great ambition, with its relatively short enacting terms but its voluminous 186-article-long Annex 1. This annex covers the entire topic, ranging from general principles on freedom of contract all the way to prescriptions.

Nor is the legal mechanism laid down for its implementation that of ordinary European law, that of the '28th regime', but that, more demanding, of en-bloc insertion in the law of each Member State, within the framework of a 'second contract law regime' co-existing with the present rules, which would thus be those of the 'first regime'. This second regime is governed by the principle of being self-standing, which explains why it so comprehensive.

Last, even if the system is presented as optional and aimed at cross-border trade, the future goal is not to stop at such a stage.

First, the optional nature really applies only for the trader selling to a consumer or to another company. Once the trader has opted, the buyer can in fact only choose between buying the good or digital content under the CESL regime or foregoing the purchase. In effect, the system provides for the consent of the client to the CESL but does not provide for the application of customary law should he refuse to consent.

Second, the proposal for a Regulation gives the Member States the option of extending the CESL to their internal trade, as well as to all trade between companies. There is clearly an invitation to take up an approach where the CSEL would replace national law.

Given these aims, the defects of the proposal for a Regulation appear even more invalidating.

The first defect relates to the legal basis chosen by the European Commission.

The text indeed states that it is based on Article 114 of the Treaty on the Functioning of the European Union, on the harmonisation and approximation of laws to achieve the internal market, which would present, from the viewpoint of the European Commission, the advantage of co-decision with a qualified majority in the Council.

However, the self-standing second national regime neither harmonises nor approximates but, on the contrary, creates legal diversity. That article cannot therefore be invoked as the legal basis of the text, and this is also the view of the German Bundestag.

On the contrary, it is Article 352 of the treaty which can form the legal basis of the text as it acknowledges that the European Union has additional competence to take the necessary action for a given aim of the treaty, without the latter having laid down the corresponding powers of action.

From the European Commission viewpoint, two major difficulties then arise. First, unanimity of the Council is required, which gives any Member State a power of veto. Second, when it has recourse to this article, the European Commission must always attract the attention of the national parliaments as part of the procedure of monitoring the subsidiarity principle.

Indeed, the issue of subsidiarity and proportionality is very clearly worth being examined with respect to this text, even if, unlike the House of Commons in the United Kingdom, the Bundestag in Germany and the Federal Council in Austria, it isn't to conclude with the adoption of a reasoned opinion.

In effect, it has been managed to avoid the difficulties of subsidiarity and proportionality, all the more so as the underlying issues have not been settled by the Court.

The first of these issues, on the utility of the CSEL and the validity of European intervention, is to know whether the European Union can propose such an additional law, which does not set out, at least in a first stage, to concern all the economic players, but only some of them.

Regarding this point, faced with the argument that an appreciable share of companies and consumers are not on the outlook for such a cross-border transaction law, it can be observed that the European Commission states it is aiming at only some companies, not all, and that it is an optional law. Furthermore, cross-border transactions are a matter, theoretically, for the European Union, since it is a matter of the internal market.

The second issue, which addresses proportionality and relates to the scope of the CSEL, concerns the requirements of the self-standing operation of a second national regime like that proposed. The field covered by the CSEL is very broad, but a recital also specifies that the sole pre-existing national law applies for the key matters of civil law, in particular legal personality, lack of capacity and also, in another respect, the determination of the language of the contract.

In these circumstances, rather than engaging in a difficult debate and exchanges of cleverness, it is more effective to state straightaway the underlying factors that lead to recommending the rejection of the proposal for a Directive.

The first factor is a lack of legal security relating to the interconnection with the Rome I Regulation, with which 'dead angles' appear to remain, as well as with some provisions of national law.

The second relates to a decline in the protection of consumers or SMEs with respect to the existing law. Therefore it can be said that if it does not provide any additional protection, the CSEL is superfluous and useless, and that if it represents a regression compared with the existing level of protection, it is harmful.

It can thus be seen that the second regime mechanism, which operates independently from the rules of national law, alongside them, but without affecting them or entailing their modification, unlike a Directive, inherently brushes aside some of the provisions of civil law and also the provisions of public order of national law, of consumer law and, more broadly, of trade transactions. In effect, the mechanism of the second national regime excludes point 2 of Article 6 of Regulation no. 593/2008/EC 'Rome I', which bans choosing the law when this choice would countercheck the public order provisions protecting the consumer.

Additionally, compared with European law, the CSEL leads to two regressions: first, with respect to Directive 2011/83/EU which has just been published, as it repeals in particular the ban on payment during the withdrawal period in the event of off-premises sales, whereas France considers this an essential mechanism; second, with regard to Community Regulation no. 2006/2004/EC of 27 October 2004 on cooperation between national authorities responsible for the enforcement of consumer protection laws, for intra-Community offences.

The CSEL is also harmful for SMEs because in a field which is not harmonised at European level, that of trade transactions between companies, it is likely to disrupt the present national balances, especially the provisions regulating relations between companies of highly different weights.

Overall, these declines in the level of protection create a risk of legal dumping, with the transfer of a company into another Member State so that the clientele passes under the CSEL regime, outside the protection of national law.

Finally, and this is the last point, the CSEL will automatically encounter major application difficulties both owing to the confusion which it will not fail to cause in one and the same State, with two sets of rules, both close yet different, applying to identical issues, and also on account of divergences of interpretation and of jurisprudence which will not fail to arise between the different Member States.

The European Commission is moreover aware of this problem since it proposes a data base forming a compendium of definitive court decisions but, owing both to difficulties of translation and interpretation of the decisions reached in a different legal context and tradition, the efficacy of this solution can be called into question.

In these circumstances, it should clearly be concluded that the proposal for a Directive should be rejected. However, given the large amount of work done and its utility for a long-term convergence of European States, there should be a possibility of keeping, subject to political and technical examination, the CSEL as a 'toolbox' available to Member States and the Community legislator. As for digital content, there should also be a possibility of keeping the CSEL as a basis for work on a possible sectoral text.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 11 octobre dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement pour un droit commun européen de la vente (DCEV). Bien qu’il ne ressortisse pas strictement à sa compétence, ce texte relève de Mme Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne, chargée de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, originaire du Luxembourg.

L’objectif qu’il poursuit est de créer, pour les ventes transfrontalières, un droit européen commun, non obligatoire, mais facultatif et optionnel, utilisable en lieu et place de l’actuel droit national.

Le résultat escompté est de développer les transactions transfrontalières, en levant ce que la Commission européenne estime être un frein majeur à leur accroissement, à savoir la diversité juridique des Etats membres.

Cette méthode d’un droit supplémentaire, ou plus précisément supplétif, diffère de celle de l’harmonisation. Les règles proposées coexisteraient en effet avec les règles actuelles, étant juxtaposées aux autres règles du droit européen et aux droits nationaux applicables.

C’est une logique qui est inspirée de celle du 28e droit, de ce que l’on l’appelle également le « blue button », car c’est un droit essentiellement destiné aux achats sur Internet et accessible à l’écran, par clic sur un pictogramme bleu originellement.

Le texte proposé est cependant différent du 28e droit, car il s’agit de créer dans chaque Etat membre à côté du droit actuel, un « second régime » de droit contractuel au sein de chaque Etat membre et coexistant avec les règles actuelles du droit national, qui deviendrait ainsi le « premier régime ».

Il s’agit en fait de contourner la règle actuelle du règlement (CE) no 593/2008 « Rome I » qui prévoit à son article 6 que dans les transactions entre un professionnel et un consommateur établis dans deux Etats membres différents, c’est le droit du pays de résidence du consommateur qui s’applique en principe, et dont le point 2 de ce même article interdit de déroger, même d’un commun accord, aux dispositions d’ordre public de ce même pays.

De manière habile, ce nouveau droit tel qu’il est proposé serait appelé doit commun européen de la vente (DCEV).

Cette formulation n’apparaît pas des plus heureuses, car elle est de nature à engendrer la confusion. Certes, ce droit serait un droit européen et ce droit serait commun aux Etats membres. En revanche, il ne s’agirait en aucun cas, dans un premier temps, d’un droit commun au sens juridique du terme, mais au contraire d’un droit dérogatoire, car spécifique.

Cette hypothèse d’un droit facultatif, d’un droit dont l’application repose sur un accord des parties est a priori séduisante, à plusieurs points de vue.

D’abord, celui du droit. Elle apparaît comme la pure incarnation du principe de la liberté contractuelle, avec un droit choisi même si la forme et certaines obligations proviendraient d’un nouveau texte normatif, et non plus imposé.

Ensuite, le projet vise à apporter une nouvelle dimension, très concrète à la citoyenneté européenne avec un droit véritablement européen, car le plus détaché possible des droits nationaux, et tenant même à s’y substituer, car s’y incorporant, selon le principe du second régime national.

Enfin, sur le plan institutionnel, le projet se veut l’illustration d’une démarche qui vise à contourner les difficultés de l’harmonisation. L’harmonisation minimale, si elle permet aux Etats membres d’aller au-delà des règles communautaires pour des objectifs tels que la protection des consommateurs, maintient en revanche la diversité des droits nationaux. L’harmonisation maximale, si elle homogénéise au contraire les droits nationaux, se heurte à l’attachement des peuples à des aspects spécifiques, mais essentiels, de leurs droits, tels que la garantie des vices cachés en France.

En outre, les initiateurs de cette proposition ne peuvent manquer de rappeler qu’elle est l’un des actuels résultats d’une démarche très ancienne et de très grande ampleur, engagée en 2003 avec le cadre commun de référence. L’objectif de long terme est de parvenir, si possible, à un droit européen des contrats.

C’est un travail essentiel, qui a fait l’objet de contributions très précieuses de la part des universitaires européens, à côté de celle des magistrats, des entreprises, des associations de consommateurs et des juristes. Quatre ans après la dernière en date, il a fait l’objet d’une communication récente de la Commission européenne, du 11 juillet 2001, concernant le droit européen des contrats (COM (2001) 398 final).

Pour ce qui concerne la période la plus récente, la Commission européenne a publié en juillet 2010 un Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises.

Dans ce document, elle a présenté sept hypothèses sur la voie à suivre pour réaliser des progrès dans le domaine du droit européen des contrats, l'objectif étant de renforcer le marché intérieur. L’une d’entre elles concernait la présente proposition de règlement (option 4).

Les autres étaient clairement en retrait avec, à savoir, la publication des résultats des travaux du groupe d’experts (option 1), une « boîte à outils » officielle destinée au législateur (option 2), un recommandation de la Commission sur le droit européen des contrats (option 3), ou au contraire trop contraignantes, une directive (option 5), un règlement (option 6) et un règlement instituant un code civil européen (option 7).

Pour ce qui est de la commission des affaires européennes, la question de ce droit européen, commun et non unique, optionnel et « choisi », n’est pas nouvelle. Tel est le cas non seulement en raison de l’ancienneté de la période où elle a commencé à être évoquée dans le débat européen, mais aussi parce qu’elle a déjà été abordée, très récemment, à l’occasion du dernier rapport sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs, présenté par Mme Marietta Karamanli, le 8 février dernier (rapport no 3151), à propos de l’hypothèse, différente, du 28e droit.

La Commission des affaires européennes a, dans ce rapport, exprimé ses réserves quant à l’opportunité « de prévoir d’ores et déjà, à ce stade de la construction européenne, un 28e régime, optionnel, pour le droit européen des contrats pour les consommateurs et pour les entreprises, en dépit de son intérêt, au premier abord, pour le développement de la citoyenneté européenne ».

L’initiative de Mme Reding la contraint à réinscrire cette question à l’ordre du jour, dans le cadre des obligations prévues à l’article 88-4 de la Constitution.

En dépit de la différence d’approche, car c’est le second régime national qui est aujourd’hui proposé, aucun élément ne conduit à changer de point de vue.

Il ne s’agit donc que de développer des arguments déjà esquissés, en espérant que l’effort pédagogique inhérent à la répétition finisse par porter.

C’est pourquoi, dans un délai plus rapide qu’accoutumé, il est possible de conclure nettement à un rejet de la proposition de règlement.

I. UNE INITIATIVE ÉTONNANTE SUR LE PLAN DE LA MÉTHODE

La proposition de règlement concerne essentiellement les transactions transfrontalières sur les biens mobiliers, lorsque le vendeur et l’acquéreur sont établis dans deux Etats membres différents.

Le terme de vente ne recouvre pas une notion aussi large que dans le domaine usuel. Si la définition du contrat de vente proposée vise les « biens », ces derniers sont définis comme les objets mobiliers corporels à l’exception des fluides (eau, gaz et électricité). Les biens immobiliers ne sont pas concernés.

Le domaine couvert est donc celui de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui vient d’être publiée le 22 novembre dernier au Journal officiel de l’Union européenne et qui ne l’était pas encore au moment où la proposition de règlement a été présentée.

Comme le dispositif de cette dernière est essentiellement centré sur les ventes hors établissements commerciaux et les ventes à distance, dont les ventes par Internet représentent une part croissante, l’initiative de la Commission européenne revient clairement à reprendre une négociation qui vient à peine de se clore.

Cette redondance entre un projet qui vient d’être présenté et un texte qui vient d’être adopté n’est pas acceptable sur le plan de la méthode.

Elle apparaît comme une remise en cause des décisions de la majorité des Etats membres au sein du Conseil, quelque mois seulement après leur intervention.

Ce sentiment est d’autant plus vif que la proposition traite les deux sujets majeurs, la garantie et les clauses abusives, qu’il a fallu disjoindre de la proposition de directive relative aux droits des consommateurs pour être en mesure de parvenir à un accord politique.

Face aux éléments qui viennent d’être évoqués, les arguments de fond qui peuvent être invoqués en faveur de l’initiative de la Commission européenne, qui tiennent essentiellement à la différence de champ d’application entre la directive en cours de publication et la proposition de règlement, s’avèrent bien minces.

Les contenus numériques peuvent, sous réserve qu’une expertise en cours le confirme, parfaitement faire l’objet d’initiatives plus limitées, dans le cadre d’un texte spécifique qui pourrait d’autant mieux traiter leurs cas que le débat serait d’emblée sérié.

De même, l’insertion des transactions interentreprises (B2B), concernant les PME comme client, ne peut non plus justifier ce texte, en dépit du nombre important des entreprises couvertes, car la définition européenne classique de ces entreprises est reprise : 250 salariés et soit un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, soit un bilan de 43 millions d’euros, au maximum.

L’argument d’agenda suivant lequel le dépôt de la proposition de règlement n’est pas une surprise, car il a non seulement été annoncé, mais également inscrit au programme de travail de la Commission européenne pour cette année, ne saurait non plus convaincre. Ce programme de travail n’est qu’un instrument indicatif.

De même, la Commission européenne ne saurait invoquer l’importance et la durée de la concertation réalisée en la matière, avec notamment une table ronde en octobre 2010 et une étude de faisabilité sur la base de laquelle les différentes organisations représentatives ont été consultées. Dans ce cadre, les oppositions et les réserves, très générales, se sont clairement exprimées.

La Commission européenne n’a pas publié d’étude d’impact relative à sa proposition de règlement. Le seul élément dont elle ait assorti sa présentation a été une communication du 11 octobre dernier intitulé « un droit commun européen de la vente pour faciliter les transactions transfrontières sur le marché unique » (document COM (2011) 636 final).

Compte tenu de son importance, un tel texte devrait faire l’objet d’une véritable étude d’impact qui soit empreinte d’un souci d’exhaustivité.

Pour être exact, un projet a été diffusé sur le site Internet de la Commission européenne, sous l’item « Justice – droit des contrats », mais il s’agit bien d’un simple projet sans numéro d’enregistrement ni date et selon les éléments transmis, il ne fait l’objet d’aucune communication officielle.

A la date de la rédaction du présent rapport, le site Internet de l’Observatoire législatif du Parlement européen ne donnait d’ailleurs accès à aucune étude d’impact.

Une telle situation n’est pas courante.

Le projet de DCEV rencontre clairement soit l’opposition, soit les réticences de ceux auxquels il s’adresse, à savoir les consommateurs et les entreprises.

Même si c’est pour des raisons différentes qu’il y a rejet, cette rare conjonction représente pour les parlements nationaux un signal d’alerte qu’il n’est guère possible d’ignorer.

Au chapitre des oppositions clairement exprimées, on trouve d’abord les consommateurs et les petites entreprises, ceux-là mêmes à l’égard desquels la Commission européenne souhaite, par son initiative, faire preuve de sollicitude.

Dès les travaux préparatoires, dès le moi de juin 2011, à l’occasion de la publication de l’étude de faisabilité, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) et l’UEAPME ont manifesté leur opposition à la démarche.

Ensuite, lors de la présentation de la proposition de règlement, le 11 octobre dernier, l’UEAPME a publié un communiqué indiquant que là n’était pas la solution aux problèmes auxquels se heurtent les petites entreprises qui souhaitent développer leurs activités dans le marché intérieur. Selon les déclarations de M. Luc Hendrickx, directeur de son département « Entreprises », la priorité devrait plutôt être donnée à la fragmentation des régimes de TVA, des régimes fiscaux et des régimes linguistiques.

Pour sa part, le BEUC a réaffirmé sa position dans un communiqué du 10 octobre, se déclarant très inquiet et soulignant qu’avec un droit européen optionnel qui rendrait ipso facto le droit national lui-même optionnel, la protection des consommateurs deviendrait en Europe un « jeu de devinettes ».

De manière également très significative, la proposition de la Commission européenne a rencontré l’opposition des notaires ainsi que d’Eurocommerce, organisation qui a fait part, dans sa réponse à la Commission européenne sur « l’étude de faisabilité », de la « confusion » qu’introduirait l’instrument optionnel commun aux transactions entre entreprises et aux transactions avec les consommateurs, pour les premières.

Pour sa part, Businesseurope a publié le 28 octobre dernier un mémorandum indiquant que s’il partageait l’objectif d’une plus grande cohérence du droit européen des contrats et d’un marché unique davantage opératoire, la proposition de la Commission devait néanmoins être examinée avec prudence et attention pour ce qui concerne les consommateurs, et ne semblait clairement apporter aucune plus-value, pour ce qui concerne les relations commerciales entre les entreprises, le « B2B ».

Quant à Eurochambres, aucune prise de position officielle n’est intervenue, selon les éléments communiqués.

Sur le plan politique, la proposition de la Commission européenne ne manque pas il est vrai d’un soutien certain.

Tel est le cas, et c’est certainement un élément qui a pesé, de la part du Parlement européen.

Celui-ci a en effet adopté, le 8 juin dernier, à une large majorité, sur le rapport de Mme Diana Wallis (Royaume-Uni, ADLE) au nom de la commission des affaires juridiques (JURI), une résolution sur les actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises (P7_TA (2011) 0262). Il s’est donc prononcé en faveur de l’instrument optionnel tel qu’il est proposé par la Commission européenne, dans le cadre de la proposition de règlement.

Néanmoins, le détail de cette résolution révèle que la prise de position du Parlement européen recèle quelques nuances que le contexte mérite de rappeler, pour deux d’entre elles au moins.

D’une part, le Parlement européen a estimé que l’instrument optionnel peut être utilement complété par une « boîte à outils », de manière à rendre ses dispositions plus claires et à offrir le cadre et la base juridique appropriés. Sur le calendrier, la mise en œuvre de la « boîte à outils » est envisagée de manière progressive, par étape, d’abord sous la forme d’un outil de la Commission européenne, avant sa conversion ultérieure en un instrument législatif à la suite d’un accord interinstitutionnel. La proposition de règlement ne correspond pas à ce schéma.

D’autre part, la résolution insiste sur la nécessité de procéder à une analyse d’impact, ce qui n’a clairement pas été fait de manière satisfaisante.

Face à ce soutien modéré du Parlement européen, le poids des Etats membres opposés au projet de la Commission européenne n’en est que plus important.

Or, selon les premiers éléments disponibles, ces oppositions regroupent un nombre suffisant de pays pour atteindre la minorité de blocage, si le texte relève bien de la procédure de codécision à la majorité qualifiée comme le prétend la Commission européenne, mais ce qui n’est pas avéré étant donné l’incertitude, évoquée ci-après, quant à la base juridique choisie.

En l’état, se sont en effet manifestés comme opposés à la proposition des assemblées parlementaires d’Autriche, d’Allemagne et du Royaume-Uni, en invoquant des atteintes au principe de subsidiarité.

Selon les éléments communiqués, ne seraient véritablement pour le projet que le Luxembourg, pays dont est d’ailleurs originaire Mme Reding, la Bulgarie, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie et la Roumanie.

S’agissant des juristes, au sens le plus large du terme, c’est à dire non seulement des universitaires, mais également des magistrats, des avocats, des notaires, ainsi que des autres professionnels du droit et des juristes d’entreprises, on constate également un clivage.

Si l’étude de faisabilité conclut de manière positive, le groupe d’experts qui l’a établie ne comprenait que dix-huit personnes certes éminentes, mais ne représentant pas tous les Etats membres, ni toutes les professions.

Deux de ses membres étaient originaires de France, d’une part, le professeur Luc Grynbaum, professeur de droit à l’Université de Paris V René Descartes et, d’autre part, Me Pierre Lévêque, avocat au Barreau de Paris.

Selon les informations communiquées, il n’y a pas d’opinion convergente en France à ce propos.

II. UN TEXTE INNOVANT ET AMBITIEUX, MAIS AUSSI TRÈS CLAIREMENT CONÇU POUR S’IMPOSER À L’ACQUÉREUR DANS LES TRANSACTIONS COMMERCIALES, NOTAMMENT PAR INTERNET

Le DCEV a vocation à créer au sein des Etats membres un second régime de droit contractuel qui n’impose pas de modifier la législation actuelle, car reposant sur le principe d’autonomie.

Ce droit doit donc pouvoir fonctionner de la manière la plus indépendante possible et couvrir l’ensemble des éléments relatifs au cycle du contrat.

Il propose donc un corps de règles très complet et identiques pour l’ensemble des Etats membres.

Par conséquent, le dispositif proposé à l’annexe I de la proposition de règlement couvre, avec ses 186 articles et deux appendices, un champ particulièrement vaste.

La première partie, relative aux dispositions introductives, s’attache aux principes et élément généraux relatifs au contrat : la liberté contractuelle, la bonne foi et la loyauté, l’obligation de coopération entre les parties, le caractère raisonnable, le libre choix de la forme, les clauses ne faisant pas l’objet d’une négociation individuelle, c'est-à-dire les clauses type, le cas des contrats mixtes, la résolution du contrat, les notifications, le décompte ou la computation des délais, les déclarations ou comportement unilatéraux.

Sont évoqués, entre autres, les principes de bonne foi et de loyauté, de coopération entre les parties, de caractère raisonnable, ainsi que de libre choix de la forme, qui a pour effet de dispenser de toute obligation d’un écrit ou d’un support durable, même quand la loi nationale, ou la directive relative aux droits des consommateurs, le prévoit expressément.

La deuxième partie traite de la formation du contrat, avec notamment les informations précontractuelles, dont celles relatives aux contrats à distance ou hors établissement, les informations relatives au prix et aux suppléments, l’identité et l’adresse du professionnel, les informations relatives au droit de rétractation lors de la conclusion d’un contrat à distance ou hors établissement, les exigences supplémentaires d’information et de confirmation pour les contrats hors établissement, les exigences spécifiques aux contrats à distance, la charge de la preuve. Sont également prévues l’obligation de s’assurer de l’exactitude des informations fournies et les moyens d’action en cas de manquement aux obligations de l’autre partie.

Cette partie comprend également deux sections spécifiques : l’une relative aux informations précontractuelles pour les relations commerciales entre professionnels et l’autre aux contrats par Internet (contrats à distance conclus par voie électronique).

Elle traite aussi de la conclusion du contrat, du droit de rétractation pour les contrats à distance et les contrats hors établissements commerciaux, ainsi que des vices de consentement.

La troisième partie concerne l’appréciation du contenu du contrat, avec notamment l’interprétation, le contenu et les effets du contrat, au titre desquels sont notamment mentionnés les usages et pratiques dans les contrats entre professionnels, la détermination du prix et la stipulation pour autrui, et, enfin, les clauses contractuelles abusives.

Les quatrième et cinquième parties concernent les obligations des parties, notamment la livraison, le transfert des risques, la résolution, la réfaction.

La sixième partie porte sur les dommages et intérêts, et les intérêts de retard, la septième partie sur la restitution et la huitième partie sur la prescription, notamment sur ses délais, leur prorogation et ses effets.

On constate donc que le texte va jusqu’à régler des questions qui relèvent clairement du droit civil et que son application met à l’écart des normes essentielles du droit national, dont certaines sont des règles d’ordre public.

Dans le même ordre d’idées, la notion de cause, importante en droit français des contrats et jouant un rôle de protection individuelle et sociale, disparaîtrait.

La disposition la plus importante de la proposition de règlement proprement dite est celle qui prévoit le caractère facultatif du nouveau droit ainsi proposé. Elle est complétée par celles relatives aux modalités d’exercice de cette faculté.

Contrairement à ce que pourrait laisser penser la rédaction de son article 3, selon laquelle « les parties peuvent convenir de soumettre au droit commun européen de la vente leurs contrats transfrontières », l’exercice de cette faculté ne sera pas nécessairement des plus libres pour l’acheteur, à savoir le consommateur ou la petite entreprise.

En effet, le dispositif est conçu pour imposer le recours au DCEV dès lors que l’entreprise qui est vendeur le souhaite.

D’une part, tout repose sur l’initiative du vendeur, qui « aura la main », puisque c’est lui qui propose d’appliquer le DCEV.

D’autre part, et c’est l’essentiel, le consommateur ou la PME cliente n’aura pas le choix du droit applicable, mais uniquement le choix d’acquérir le bien ou le contenu numérique proposé sous le régime du droit commun européen de la vente, ou de ne pas acquérir.

En effet, si le consommateur ou la PME refuse le droit commun européen de la vente, il n’aura en pratique pas de possibilité de conclure le contrat sous un autre régime juridique.

Comme rien ne s’y oppose en droit, ce sera la situation de fait.

En effet, l’objectif de la Commission européenne est précisément d’éviter aux entreprises d’avoir à disposer de 27 contrats types différents, ce qui resterait nécessaire s’il était véritablement loisible au consommateur ou à la PME de refuser le droit commun européen de la vente et d’opter pour le droit national et si la proposition de règlement précisait, ce qu’elle ne fait pas, qu’à défaut d’acceptation du DCEV, c’est le premier régime qui s’applique.

Les réponses données par la Commission européenne dans le cadre du document intitulé « droit commun européen de la vente à caractère facultatif : la foire aux questions » (MEMO 11/680) ne mentionnent d’ailleurs aucun exemple où le consommateur refuse le droit commun européen de la vente et bénéficie de son droit national.

Enfin, tel qu’il est rédigé, l’avis d’information type prévu à l’annexe II (cf. Annexe 2 du présent rapport) et avertissant l’acheteur qu’il va conclure un contrat régi par le droit commun européen de la vente ressemble pour le consommateur à un simple rappel du droit auquel il est habitué et ne donne aucun élément lui permettant de faire une comparaison par rapport à son droit national : sa formulation est en effet très neutre et elle ne comprend aucune mise en garde indiquant que ce droit n’est pas celui de son Etat membre de résidence et que les règles applicables ne sont pas celles auxquelles il est habitué. Chacun peut le constater à la lecture de son texte intégralement reproduit dans l’encadré ci-après.

Rien n’est donc fait pour faire prendre conscience au client de ce qu’il fait.

Pour aller au fond des choses, en appelant le droit optionnel « droit commun européen de la vente » et en ne mentionnant nulle part que ce droit est une alternative au droit national auquel il est habitué, le dispositif proposé est clairement de nature à induire le client, particulier ou PME, en erreur.

Le constat d’un consentement forcé du client n’est pas gommé par les trois précautions prévues à l’article 8 de la proposition de règlement, à savoir :

– d’une part, la condition d’une convention des parties pour l’application du droit commun européen de la vente ;

– d’autre part, pour les contrats conclus avec un consommateur, c'est-à-dire un particulier, l’exigence d’un consentement séparé de celui au contrat, sous la forme d’une déclaration expresse distincte de celle exprimant l’accord au contrat ;

– enfin, l’adjonction, pour ces mêmes relations entre professionnel et consommateur, à côté des informations précontractuelles, d’un avis d’information type indiquant au particulier que le contrat sera régi, s’il y consent, par le DCEV et résumant les principaux éléments de ce droit, comme on l’a vu.

Du point de vue du client, elles apparaissent clairement insuffisantes pour que l’on puisse parler sans risquer inexactitude de droit facultatif : toute faculté exige en effet de se trouver face à une alternative, or tel n’est pas le cas en l’espèce.

En ce qui concerne le champ d’application du droit commun européen de la vente, le texte proposé révèle la même conception extensive.

Si le champ d’application territorial tel qu’il est affiché se limite bien aux transactions transfrontières, puisque l’article 4 qui ne mentionne qu’elles, tel n’est pas le cas de l’ambition des auteurs du projet.

L’article 13 donne aux Etats membres la faculté de permettre l’application du droit facultatif aux transactions purement nationales.

C’est une incitation forte à l’endroit de ceux dont la législation est, pour des raisons historiques, moins développée.

Il faut néanmoins voir que dans ce cas, s’il devient applicable aux transactions nationales dans les Etats membres qui auront fait ce choix, le DCEV se substituera au premier régime, et le remplacera. Ainsi, ceux-ci ne pourront plus modifier librement ce qui sera devenu leur seul et unique droit national.

Or, comme elle l’a déjà indiqué à propos de la proposition de directive relative aux droits des consommateurs, la rapporteure ne peut qu’insister sur l’importance pour les Etats membre de toujours pouvoir adapter les règles de droit aux spécificités nationales. L’impossibilité de parvenir à des listes communes de clauses abusives en raison des particularités des pratiques dans les différents Etats membres le rappelle. En l’espèce d’ailleurs, le DCEV figerait la liste des clauses réputées abusives en toutes circonstances et celle des clauses simplement présumées abusives.

Le même constat d’une invitation à l’extension du champ d’application du DCEV vaut pour le champ d’application personnel de la proposition.

Si l’article 7 de la proposition de règlement indique que celui-ci ne doit en principe concerner que les transactions entre une entreprise et un consommateur, ou les transactions entre entreprises à condition que l’une d’entre elles soit une PME au sens du droit européen (moins de 250 salariés et soit un bilan de moins de 43 millions d’euros), soit un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros, ce même article 13 offre là encore aux Etats membres une faculté d’extension hors champ, aux transactions entre entreprises dont aucune n’est une PME.

C’est une possibilité assez libre, car la rédaction donne aux Etats membres la faculté de permettre, mais elle n’interdit pas non plus de remplacer le droit national par le DCEV, si c’est jugé opportun.

Ce n’est que sur le champ d’application matériel que le dispositif de la proposition de règlement est en revanche précis et sans option d’extension.

Il vise d’abord les contrats de vente, ce qui ne concerne comme on l’a vu que les biens mobiliers corporels, mais aussi les contenus numériques, ainsi que leurs services connexes. Ce champ d’application matériel est lui-même limité par deux exclusions : les contrats mixtes, comprenant un autre élément que celui du champ d’application, les ventes à crédit.

III. DES POSTULATS INCOHÉRENTS ET DES DIFFICULTÉS DE FOND QUI INTERDISENT EN TOUT ÉTAT DE CAUSE L’ADOPTION DU DROIT COMMUN EUROPÉEN DE LA VENTE, SI CE N’EST, SOUS RÉSERVE D’UN EXAMEN APPROFONDI DU DÉTAIL DE SES DISPOSITIONS, COMME « BOITE À OUTILS » OU COMME BASE DE TRAVAIL POUR LES CONTENUS NUMÉRIQUES

Bien qu’elle soit souvent ressentie comme liée à la subsidiarité, la question de la base juridique doit faire l’objet d’un développement spécifique, car elle est juridiquement distincte.

Elle est d’ailleurs liée au principe d’attribution, relatif aux compétences attribuées à l’Union européenne, que l’article 5 du traité sur l’Union européenne distingue bien de la subsidiarité et de la proportionnalité.

La Commission européenne fonde sa proposition de règlement sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif « au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur. »

Cette référence est de son point de vue avantageuse à un double titre.

D’abord, en ce qui concerne la procédure, puisque les textes adoptés sur ce fondement relèvent de la procédure législative ordinaire, avec la codécision, ce qui lui permet de s’appuyer sur le Parlement européen, dont on a vu qu’il était favorable au projet, et avec la décision à la majorité qualifiée au Conseil, avec l’espoir pour elle d’une « cornérisation » des Etats membres hostiles au projet.

Ensuite, sur le fond, ce choix de l’article 114 conforte la Commission européenne dans son objectif réel, qui n’est pas tant l’unification du droit des transactions transfrontières, qu’à terme, l’unification du droit européen des contrats dans les conditions et avec les modalités qu’elle souhaite. La faculté précitée d’une application aux transactions nationale du DCEV n’est pas une disposition secondaire ou accessoire du dispositif. Il en est tout au contraire une pièce majeure, même si discrète. A terme, le DECV aurait ainsi pour vocation à constituer le seul droit national.

Néanmoins, on peut retourner la tentative d’argumentation sur ce point.

En effet, le dispositif n’est pas à proprement parler de rapprochement des législations nationales, puisqu’il introduit au contraire de la diversité en dédoublant, pour les transactions transfrontalières, et même pour les transactions internes, si les Etats exercent l’option proposée sans supprimer leur premier régime, le droit des transactions courantes, à savoir le droit des contrats de consommation et celui des achats entre professionnels.

On ne peut pas non plus invoquer l’harmonisation, d’autant qu’il n’y a entre le rapprochement des législations et l’harmonisation une distinction autre que de degré entre l’harmonisation et le rapprochement des législations, selon la jurisprudence de la Cour de justice.

Un tel dédoublement du droit est d’autant plus critiquable qu’au surplus le droit de la consommation est lui-même au niveau européen, comme on l’a vu, un droit harmonisé par directive, et qu’une nouvelle étape vient d’être franchie en la matière avec l’adoption l’été dernier de la directive relative aux droits des consommateurs.

Ce n’est pas sur l’article 114 précité que l’on peut fonder avec toute la sécurité juridique requise une compétence d’intervention de l’Union européenne en la matière, mais sur un tout autre article, l’article 352 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Ce dernier donne en effet une compétence d’intervention à l’Union européenne hors autres dispositions du traité, dans le cadre d’une compétence supplétive générale.

Sa rédaction dispose, en effet, que si « une action de l'Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l'un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n'aient prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées » et que « lorsque les dispositions en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également à l'unanimité, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen. »

Cette analyse est largement partagée. Elle a notamment été présentée par le professeur Wulf-Henning Roth, de l’Institut de droit international privé et de du droit comparé de l’Université de Bonn, en vue de la réunion de la Commission du droit du Bundestag, le 21 novembre.

Elle a d’ailleurs été reprise dans l’avis motivé adopté par cette assemblée.

C’est avec satisfaction que l’on peut constater que bien que menées chacune d’une manière indépendante, les deux analyses de deux chambres « basses » d’Allemagne et de France convergent.

Du point de vue de la Commission européenne, une rectification de la base juridique en vue de l’application de l’article 352 précité entraîne clairement deux difficultés.

D’abord, s’agissant la procédure, elle implique l’unanimité des Etats membres au Conseil, ce qui est une difficulté majeure, car un seul Etat membre peut émettre son « veto ».

Ensuite, le deuxième paragraphe de cet article oblige la Commission européenne à appeler l’attention des parlements nationaux sur les éventuelles difficultés en matière de subsidiarité.

Le point 2 de cet article indique en effet que « La Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité visée à l'article 5, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, attire l'attention des parlements nationaux sur les propositions fondées sur le présent article ».

C’est qu’effectivement la question peut être en l’espèce posée.

La question de la subsidiarité et de la proportionnalité se pose comme pour tout texte intervenant dans un domaine de compétence partagée. Les transactions commerciales et la protection du consommateur relèvent bien de cette catégorie.

Le contrôle de conformité d’une proposition d’acte communautaire implique de vérifier si c’est au niveau de l’Union ou plutôt au niveau des Etats membres qu’il est le plus adapté d’intervenir, car comme l’indique l’article 5 du traité sur l’Union européenne : « en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union ».

Au regard des principes essentiels de la construction européenne, l’intervention de l’Union sur le droit des transactions commerciales n’est pas a priori infondée, car clairement inhérente à la logique du marché intérieur. C’est bien à ce niveau que le problème de la fragmentation du marché intérieur peut avec pertinence être corrigé.

Il est par conséquent difficile de mettre en cause d’emblée la proposition de la Commission européenne.

En l’espèce, cette dernière a d’ailleurs fait preuve de prudence en prévoyant comme champ d’application prioritaire du droit qu’elle propose le seul commerce transfrontière, cas où le fournisseur et le client sont établis dans différents Etats membres. Toutes les autres possibilités d’application sont, comme on l’a vu, facultatives.

En dépit de cette précaution, la conformité de la proposition de règlement au principe de subsidiarité peut faire l’objet de discussions à plusieurs points de vue. C’est ainsi que plusieurs assemblées parlementaires d’autres Etats membres, dans le cadre de la compétence de contrôle reconnue aux Parlements nationaux en la matière, notamment la Chambre des Communes du Royaume-Uni et le Bundestag allemand, en ont contesté le bien fondé.

Les premiers arguments invoqués tiennent à l’absence de justification suffisante de son initiative par la Commission européenne, ainsi qu’à l’absence d’intérêt pour ce texte de la part du public visé.

Ainsi, le dernier rapport Flash d’Eurobaromètre sur la question paru en mars dernier (Flash Eurobarometer no 300, mars 2011), montre que la question de la diversité juridique n’est pas nécessairement un obstacle aux transactions transfrontières, puisque 72 % des entreprises commerciales qui ne font pas de commerce transfrontière mentionnent qu’elles n’en feraient pas davantage si la législation était la même dans tous les Etats membres de l’Union européenne.

De même les études sur les consommateurs, réalisées par le BEUC, montrent que ce n’est pas le problème juridique qui est invoqué par les clients des sites de vente par Internet, parmi les obstacles aux transactions transfrontière, mais que ce sont les craintes de fraude et défaillance dans la livraison, de même que les incertitudes sur les voies de recours et leur efficacité, qui sont majoritairement invoquées.

En outre, on a pu opposer à la Commission européenne que dès lors qu’il existe déjà pour une large partie du domaine couvert un droit de la consommation harmonisé, avec des directives, une deuxième initiative, parallèle, ne s’impose pas.

Néanmoins, aucun de ces éléments n’apparaît s’imposer sans discussion.

D’abord, on trouve dans l’étude précitée d’Eurobaromètre quelques éléments chiffrés indiquant que la proportion des détaillants qui ne feraient pas de transactions transfrontières chuterait de 74 % à 57 % si le droit des ventes était harmonisé.

On ne peut en réalité s’engager qu’avec perplexité dans ce type de débat, qui ne peut tourner qu’à l’échange de chiffres et de croyances.

Ensuite, de manière assez habile, il faut le reconnaître, la Commission européenne indique clairement ne viser qu’une proportion des entreprises européennes, et non la totalité, avec un texte à qui elle donne en apparence et dans un premier temps un caractère uniquement supplétif, même si sa vocation est presque universelle dès lors que les Etats membres consentiront à accepter les invitations qui leur sont adressées en ce sens.

En définitive, la question de fond est celle de la faculté de l’Union européenne de proposer un droit supplétif. Elle n’a pas été réglée par la Cour de justice et on peut tout au plus avoir des convictions. En l’espèce, l’argument du transfrontalier pèse lourd.

S’agissant du respect du principe de proportionnalité, qui exige que les mesures proposées au niveau de l’Union n’excèdent pas ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Union, il y a également matière à débat, mais sans pouvoir également conclure avec la certitude requise.

Dans l’exposé des motifs, la Commission européenne invoque respecter le principe de proportionnalité à partir de quatre éléments que l’on peut résumer ainsi :

– le droit commun européen de la vente n’est qu’un droit optionnel, dont la mise en œuvre et ainsi la portée effective est laissée à la libre appréciation des parties ;

– son champ territorial ne concerne que les seules transactions transfrontalières, sauf pour les Etats membres qui en décident autrement pour ce qui le concerne ;

– son champ personnel est limité aux transactions susceptibles de poser à ceux qui les passent les problèmes les plus délicats, à savoir les consommateurs et les PME, de même que son champ matériel, relatif aux biens, aux contenus numériques et aux services connexes ;

– son contenu se limite aux droits et obligations des parties au contrat.

C’est sur ce dernier point, il peut y avoir débat essentiel.

Le droit commun européen de la vente tel qu’il est proposé couvre comme on l’a vu un champ très large, beaucoup plus large que les directives d’harmonisation du droit de la consommation. Une grande partie des questions qu’il aborde touche clairement à des domaines du droit civil.

Face à un tel dispositif, la première impression est de considérer que la Commission européenne propose d’aller au-delà de ce qui est indispensable et qu’il y a atteinte au principe de subsidiarité.

Cependant, les choses ne sont là encore pas si claires.

En effet, le DCEV est prévu pour être régi par le principe d’autonomie, comme le rappelle l’article 11 de la proposition de règlement.

Toutes les matières qui entrent dans son champ d’application devront par conséquent faire l’objet d’une interprétation autonome, donc sans renvoi au droit actuellement applicable dans les Etats membres, même si aucune disposition spécifique n’est prévue.

Dès lors, la nature et l’étendue des dispositions proposées peuvent trouver une justification.

Par ailleurs, les modalités prévues pour le DCEV n’excluent pas toute application du droit national.

Elles prévoient même de s’appuyer sur les éléments les plus essentiels du droit civil. Selon les considérants, notamment le no 27, restent en effet du domaine des droit nationaux, et selon les modalités prévues par les règlements (CE) no 593/2008 Rome I et no 864/2007 Rome II, les questions de la personnalité juridique, de la nullité du contrat consécutive à l'incapacité, à l’illégalité ou à l’immoralité, de la détermination de la langue du contrat, de la non-discrimination, de la représentation, de la pluralité de débiteurs ou de créanciers, du changement de parties en cas de cession, compensation ou fusion, du droit de la propriété y compris le transfert de propriété, du droit de la propriété intellectuelle, et du droit de la responsabilité délictuelle.

En outre, le droit commun européen de la vente n'aborde pas la question des actions concurrentes en responsabilité contractuelle et extracontractuelle.

Les exigences propres à un droit autonome et l’absence d’interférence avec le cœur du droit civil sont autant d’éléments qui permettent de nourrir un débat sérieux, mais sans pouvoir conclure avec certitude

La question de fond, celle de savoir jusqu’à quel degré d’autonomie peut aller un droit optionnel européen commun, n’a pas été tranchée.

En définitive, il faut le reconnaître, la démarche de la Commission européenne est dans toute son ambition et même sa hardiesse assez habile.

Elle fait clairement bouger les équilibres actuels dans l’articulation entre le droit européen et les droits nationaux, mais elle le fait dans le cadre d’un droit qui reste à l’origine optionnel et d’une manière qui n’est pas incontrôlée et qui s’arrête à la limite de ce qui est possible.

Dans ces circonstances, plutôt que d’entrer par un avis motivé plus politique que juridique dans un débat certes intéressant, mais aussi très complexe et qui mérite autre chose que les échanges d’habiletés et d’arguments de conviction inhérents à un exercice essentiellement institutionnel, il est clairement plus opportun d’indiquer d’emblée à la Commission européenne les raisons de fond qui s’opposent clairement à l’adoption de sa proposition.

La philosophie du second régime repose sur une application en bloc et autonome du DCEV. Seul ce droit doit régir les matières relevant de ses dispositions.

Combinée avec l’interdiction explicite de « panachage » prévue au 3 de l’article 8 prohibant toute application partielle du droit commun européen de la vente dans les relations entre professionnel et consommateurs, cette disposition implique ainsi une insertion « en bloc » dans le droit existant pour les contrats conclus avec les particuliers

L’objectif est en l’espèce protecteur. Il s’agit d’éviter d’aboutir à des contrats déséquilibrés, par démembrement d’un ensemble destiné à assurer une protection de chacune des parties au contrat.

S’agissant des contrats entre entreprises, avec les PME, un tel panachage paraît donc possible, mais dans des conditions assez libres, c'est-à-dire en l’occurrence, confuses.

Certains points relatifs à l’articulation du DCEV avec les règles de droit existantes ne sont pas clairement réglés.

Il apparaît y avoir encore quelques « angles morts », ce qui crée le sentiment d’un manque de sécurité juridique.

Tel est d’abord le cas pour ce qui concerne les deux règlements précités Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles et Rome II sur celle applicable aux obligations extracontractuelles.

A priori, on pourrait considérer que la solution retenue est claire avec :

– l’exclusion du recours à leur disposition pour toutes les matières couvertes par le DCEV ;

– l’application prévue au considérant 27 des deux règlements Rome I et Rome II du droit national, pour les domaines qui restent du ressort seul droit national. Il s’agit des questions suivantes : la personnalité juridique, la nullité du contrat en raison de l’incapacité, l’illégalité ou l’immoralité, et ce ne sont pas des cas de figures théoriques pour ce qui concerne la vente par Internet, la représentation, le droit de propriété et le transfert de propriété, puisque le texte proposé n’aborde que le transfert de risque, ce qui n’est pas la même chose, la responsabilité délictuelle ou encore le droit de propriété.

Néanmoins, en dépit de ces éléments, il reste encore une zone grise à un double point de vue.

D’abord, la liste précitée du considérant 27 n’épuise pas toutes les questions, et il semble clairement qu’il conviendrait de prévoir des précisions pour déterminer le pays des dispositions de droit national sur lesquels le second régime s’appuiera, telles que, par exemple, celles relatives aux sanctions en cas de manquement à des obligations relatives à l’option, celles-ci restant du ressort des Etats membres en application de l’article 10 du règlement.

Ensuite, le cas des entreprises des pays tiers extérieurs à l’Union européenne, mais qui décideraient d’appliquer volontairement le droit commun européen de la vente, n’est absolument pas abordé.

Or, maintenir une telle absence de solution à un éventuel conflit de lois est clairement impossible à envisager.

Pour ce qui concerne les difficultés d’articulation avec le droit national, la question se pose de manière marginale en raison du principe d’autonomie du droit commun européen de la vente. Cela ne veut cependant pas dire qu’elle ne soit que théorique.

Trois points ont notamment été identifiés. Le premier concerne la question du transfert de propriété. C’est une question que le DCEV n’aborde pas, car il ne vise que le transfert des risques, ce qui différent.

Le deuxième point concerne les sanctions en cas de non respect des règles relatives au DCEV, notamment les sanctions à prévoir en cas de non application des règles relatives à l’option. On ne peut que constater qu’il n’est pas envisageable que les Etats membres adoptent en la matière des solutions différentes, ce qu’ils ne pourront qu’être conduit à faire en l’absence de précision sur ces éléments.

Le troisième point a trait aux règles relatives à la protection de la santé, de la sécurité ou de l’environnement, qui ne sont pas non plus couvertes.

En application du principe d’autonomie, l’adoption de la proposition de règlement n’aurait pas à proprement parler d’impact sur le code civil, car elle n’imposerait aucune modification.

En revanche, dès lors que l’option est exercée en faveur du DCEV, il est clair que certaines dispositions du code civil normalement applicables aux cas similaires en droit français seraient écartées.

Selon les éléments communiqués à la rapporteure, doivent par conséquent être mentionnés à ce titre :

– l’article 52 du DCEV, qui permet à une partie d’annuler le contrat par notification à l’autre partie. C’est un mécanisme sans équivalent en droit français où l’annulation du contrat doit être prononcée judiciairement, et peut donner lieu à action en nullité, selon l’article 1117 du code civil (Seule la résolution du contrat est admise par voie de notification, mais « aux risques et périls » de la partie qui en prend l’initiative selon la jurisprudence) ;

– ce même article 52, en ce qu’il prévoit que le délai dans lequel l’annulation pour cause d’erreur doit être notifiée dans le délai de 6 mois à compter du jour où la partie qui s’en prévaut en a connaissance et que le délai est d’un an en cas de dol, menaces ou exploitation déloyale, alors que le délai prévu en droit français est de 5 ans à compter du jour où le vice a été connu ou a cessé et que la nullité opposée par voie d’exception peut encore être opposée après l’extinction de ce délai ;

– l’article 118, qui prévoit également la résolution par voie de notification, alors que sauf le cas de la clause résolutoire, la résolution est en principe judiciaire selon l’article 1184 du code civil, en droit français, la résolution par notification n’étant admise qu’en cas de manquement grave et aux risques et périls de la partie qui en prend l’initiative, c’est-à-dire à peine de dommages et intérêts si elle n’est pas justifiée) ;

– l’article 179, qui prévoit des délais de prescription des actions différents de ceux prévus en droit français et dont il résulte en particulier que le délai butoir (vingt ans à compter du jour de la naissance du droit en droit français, selon l’article 2232 du code civil) serait de dix ans (sauf pour l’action en indemnisation de dommages corporels où il serait de trente ans à compter du fait générateur contre dix ans à compter de la consolidation des dommages en droit français, d’après l’article 2226 du code civil) ;

– l’article 163, qui implique l’obligation pour la victime d’un dommage, y compris un dommage corporel, de prendre les mesures raisonnables pour réduire celui-ci, une telle obligation n’existant pas actuellement en droit français.

On le voit, certains éléments mettent clairement à l’écart des dispositions pourtant favorables à l’acquéreur, en droit français, notamment en matière de prescription et de dommages.

Le mécanisme du second régime, qui implique comme on l’a vu l’autonomie de ce second régime, aboutit à contourner l’application de certaines règles nationales d’ordre public, auxquelles les parties à un contrat ne peuvent déroger, même par convention.

C’est essentiellement le cas des règles du droit de la consommation ou applicables aux contrats entre certaines entreprises et qui figurent dans le code de commerce, puisque les règles du code civil applicables aux contrats sont quant à elles essentiellement supplétives.

Une telle mise à l’écart pose un problème majeur pour le droit des consommateurs, car le point 2 de l’article 6 du règlement (CE) no 593/2008 dit Rome I, ne permet la liberté de choix des parties sur les contrats de consommation, par exception au principe de la loi du pays de résidence du consommateur, que si ce choix n’entraîne pas une diminution du niveau de protection sur les dispositions d’ordre public de ce même pays de résidence.

Il est regrettable que le DCEV permette clairement de contourner ces garanties, pourtant considérées comme essentielles, du droit international privé.

Le projet de DCEV n’échappe pas au dilemme dont fait nécessairement l’objet tout texte visant à créer un droit supplémentaire à côté du droit existant : soit il apporte des éléments nouveaux et utiles, et il a vocation à améliorer le droit existant ; soit il n’apporte rien, et il est alors redondant, créant autant de complications inutiles ; soit il est en retrait par rapport au droit existant, et il est alors perçu comme néfaste.

Ainsi, soit les dispositions du DCEV sont calquées sur la directive relative aux droits des consommateurs et elles sont inutiles, car redondantes, soit celles-ci divergent, mais alors le risque est celui d’un affaiblissement de la protection du consommateur.

C’est d’ailleurs clairement ce qu’a relevé le BEUC, en indiquant que le choix étant entre les mains du professionnel, il y a toutes les chances qu’il ne propose pas le second régime si celui-ci s’avère plus contraignant que celui normalement applicable.

Du point de vue français, ce tropisme vers le moins disant au profit des seuls opérateurs de vente par Internet établis à l’étranger ne peut que représenter une menace, compte tenu du haut niveau de protection prévu par le droit de la consommation.

Celle-ci est également avérée pour ce qui concerne les dispositions d’harmonisation minimale de la directive précitée 2011/83/UE, pour lesquelles les Etats membres peuvent un niveau de protection supérieur à ce qu’elle prévoit.

Le DCEV ne reprenant, sans souplesse ni possibilité d’amélioration, que l’obligation minimale européenne, le consommateur ne peut que perdre.

Deux dispositifs sont ainsi menacés :

– d’une part, l’interdiction de paiement pendant la période de rétractation pour contrat hors établissement place, c’est-à-dire en cas de démarchage à domicile, interdiction dont le maintien est essentiel pour la France ;

– d’autre part, le DCEV exclut systématiquement du droit de rétractation les contrats hors établissement portant sur une somme inférieure à 50 euros, alors que la directive 2011/83/CE ne fait qu’ouvrir cette faculté d’exception aux Etats membres qui le souhaiteraient.

De même, la proposition de règlement ni ses annexes ne font mention d’une référence au règlement (CE) no 2006/2004 du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs («Règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs»), comme d’autres textes communautaires le font expressément.

Or, c’est ce texte qui instaure une coopération formalisée entre autorités de consommation de l’Union européenne visant à lutter contre les pratiques commerciales transfrontières illicites préjudiciables au consommateur et, par conséquent, à s’assurer du respect effectif par les professionnels de certains règlements communautaires ou des lois de transposition des directives. Parmi celles-ci figurent notamment les mesures sur les contrats de vente à distance, la directive sur les contrats hors établissements, la directive sur les clauses abusives, la directive sur la garantie légale de conformité. La directive précitée 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs devant remplacer les directives sur les contrats à distance et hors établissements a vocation à entrer dans le champ d’application du règlement (CE) no 2006/2004

Cette coopération implique que les États membres mettent en œuvre les pouvoirs qu’ils détiennent pour faire cesser les infractions intracommunautaires éventuellement constatées.

En revanche, en dépit de ses craintes initiales sur la question, la rapporteure a été rassurée sur la question linguistique, dès lors que c’est le droit national qui s’applique, selon les règles du système de Rome I.

Pour ce qui concerne le droit de la consommation actuellement applicable en France, le DCEV devrait conduire, selon les éléments communiqués, à directement écarter les dispositions suivantes pourtant protectrices du consommateur.

Tel est ainsi le cas dès lors que les conditions de formation et d’exécution d’un contrat de vente pourraient ne pas être conformes à des exigences légales applicables au plan national, dont certaines sont assorties de sanctions pénales. Il y a donc un risque de remise en cause de la pleine application territoriale de la loi pénale.

En outre, comme l’on fait remarquer à la rapporteure les représentants de l’UFC Que Choisir ?, certaines dispositions du DCEV ne peuvent pas ne pas laisser perplexes tant elles sont clairement susceptibles de menacer l’intérêt du consommateur.

Sans pouvoir à ce stade prétendre à l’exhaustivité, on peut à ce stade citer trois dispositifs :

– d’une part, l’obligation d’un paiement correspondant à l’utilisation du bien en cas de restitution, prévue par l’article 174, laquelle fournit clairement un moyen de pression au professionnel lorsqu’il préfère pour des raisons économiques proposer la réparation du bien ;

– d’autre part, le droit pour le vendeur de suspendre unilatéralement l’exécution du contrat, lorsqu’il doit s’exécuter avant l’acheteur, et qu’il croit raisonnablement que celui-ci ne s’exécutera pas, droit prévu à l’article 133 ;

– enfin, des facultés de fixation unilatérale du prix par une partie, c’est, à dire par le vendeur, selon l’article 74 qui ne vise à éviter les abus en la matière que lorsque le prix est « manifestement déraisonnable » et non simplement et uniquement « déraisonnable ».

Tel qu’il est proposé, le DCEV peut fortement diverger du droit applicable dans les Etats membres, car il n’y a pas d’autre harmonisation que celle des délais de paiement, par la directive récente 2011/7/UE, en matière de relations commerciales entre les entreprises (B2B).

On observe d’ailleurs que le DCEV met en cause la portée de cette directive, qui est d’harmonisation minimale, car il reprend ses dispositions, mais sans possibilité d’amélioration.

Pour ce qui concerne plus précisément la France, le DCEV ne manquerait pas de mettre à l’écart les règles actuelles du code de commerce qui fixent les équilibres dans les relations entre des fournisseurs et des clients de taille très diverses, de même que les compétences du ministre concerné pour veiller par ses actions à la cessation des pratiques contraires aux principes de la concurrence, car fondé sur un déséquilibre significatif entre les parties. Il le ferait d’autant plus que, pour les PME, le « panachage » est possible.

Récemment saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a validé l’action du ministre de l’économie fondée en la matière sur une disposition du code de commerce (décision QPC no 2011-126 du 13 mai 2011).

Il n’est pas envisageable d’adopter un texte qui entraîne pour les PME, sans qu’elles puissent, comme on l’a vu, le refuser, la mise à l’écart des règles actuelles qui fondent l’équilibre de leur relations commerciales et sont, par définition, les garantes de leur équilibre financier et de leur pérennité.

Dans le cadre du rapport précité no 3551, la question des incohérences inhérentes à la création d’un droit européen commun mis en œuvre concurremment avec les droits nationaux ou les dispositions nationales de transposition des directives européennes a été relevée.

D’abord, un texte de droit commun n’implique pas un droit homogène dans les Etats membres, sur une question aussi essentielle que le droit des contrats. On constate déjà au niveau national des divergences de jurisprudence entre les tribunaux. Ce serait aggravé par les différences d’approches, d’écoles et de philosophie juridiques entre les pays. On aurait donc in fine 27 applications et un éclatement juridique. Contrairement aux Etats-Unis, dont la common law est, sauf exception très limitée du code civil en Louisiane, la matrice commune aux Etats fédérés, l’Europe est la terre d’invention de systèmes juridiques très différents les uns des autres et par conséquent la terre d’élection de la diversité juridique. En définitive, le DECV n’aboutirait pas à la clarté.

Ensuite, la coexistence de deux corps de règles présente un risque d’éviction d’un droit par un autre car il s’agit bien d’une mise en compétition second régime et des droits nationaux actuels. La situation, qui ne serait déjà pas saine, conduirait à terme dans un Etat membre donné à la marginalisation de l’un des deux droits applicables avec des cas de figure particulièrement désastreux.

Tel serait le cas si c’était le droit le moins protecteur pour le consommateur et l’acquéreur qui l’emporterait systématiquement. Tel serait également le cas si comme on peut le penser on assistait à une marginalisation du droit national dans certains Etats et à un échec complet du second régime dans les autres.

La situation serait baroque au point qu’elle ne manquerait pas d’être interprétée comme un échec pour l’Europe. Il faut se garder de prendre tout risque à cet égard.

La superposition de plusieurs corps de règles engendrant parfois la confusion, le droit de l’Union européenne est par nature susceptible d’encourir des critiques à ce titre.

Pour ce qui concerne le DCEV, la confusion n’est certainement plus un risque, mais bien une évidence : on aurait en effet deux corps de règles extrêmement voisins sur certains points, mais fort différents sur d’autres et portant sur les mêmes questions.

Déjà impossible à envisager pour un droit au champ d’application restreint et réservé à des seuls spécialistes, ce cas de figure n’est clairement pas admissible pour un droit aussi concret que le droit de la consommation ou le droit des transactions commerciales entre professionnels, car il s’agit de droits très concrets et d’application fréquente, car concernant la vie courante des uns comme des autres.

Le risque de divergence entre les Etats membres dans l’application du DCEV est souligné par tous les interlocuteurs et observateurs.

La Commission européenne en est d’ailleurs consciente, car elle prévoit à l’article 14 de la proposition de règlement une obligation de communication par les Etats membres des décisions judiciaires devenues définitives et l’accès public à cette base.

On peut douter que cela suffise, car il est clair que le nombre de décisions devenues définitives ne serait-ce que faute d’appel ou de pourvoi en cassation peut très vite devenir très élevé, que tous les litiges ne donnent pas lieu à des décisions de principe et que les solutions données risques de ne pas apparaître comme évidentes à un grand nombre de consultants, faute de connaissance de la culture juridique propre à chaque pays et ayant pu conduire à faire prévaloir tel ou tel principe, sans même évoquer les éventuelles difficultés inhérentes aux approximations inévitables de certaines traductions (le DCEV parle par exemple de computation des délais, et non de décompte).

Déjà évoquée, la mise à l’écart des dispositions d’ordre public par le DCEV pose un deuxième type de difficulté peut constituer un élément de dumping juridique dont tireraient partie des professionnels qui voudraient contourner ce qu’ils estiment être des contraintes légales.

En effet, tout en conservant sa clientèle dans son pays d’origine, un distributeur pourrait bénéficier du DCEV du seul fait que ses ventes deviendraient du même coup transfrontières.

Ce risque d’incitation à la délocalisation n’est pas théorique, et a été souligné par certains interlocuteurs.

Il est même d’autant plus important que dans ce domaine, le professionnel qui veut s’affranchir des règles a un intérêt objectif à s’implanter dans un petit Etat membre, n’ayant ainsi qu’une clientèle de taille réduite soumise au droit national, et à avoir ainsi l’essentiel de ses ventes réalisées dans les Etats membres les plus peuplés sous le régime transfrontière du DCEV.

L’ensemble des éléments présentés conduit clairement à conclure au rejet de la proposition de règlement telle qu’elle est.

Il ne s’agit cependant pas de faire litière de l’important travail qu’a représenté l’élaboration du DCEV.

D’une part, c’est un travail de qualité, même si certains éléments de fond ne conviennent pas.

D’autre part, c’est un travail européen qui est une première étape intellectuelle vers une harmonisation à laquelle les Etats membre parviendront probablement à long terme. C’est une référence dont certains éléments peuvent servir dans le futur pour des propositions de directive ou de règlements.

Enfin, il ne faut pas méconnaître qu’il peut servir de base de référence à des Etats membres moins bien outillés que d’autres en matière de droit de la consommation ou de droit commercial.

Par conséquent, le texte de l’annexe I peut parfaitement être repris sous la forme de « boîte à outils » et il  est regrettable que, comme elle l’indique dans l’exposé des motifs, la Commission européenne ait écarté cette hypothèse au motif qu’il n’atteindrait pas l’objectif d’unification du marché intérieur.

En se focalisant sur des questions de calendrier, en voulant franchir trop vite les étapes, la Commission européenne prend clairement en l’espèce le risque d’un échec cuisant.

Naturellement, cette hypothèse ne vaut que sous réserve d’une validation de la teneur des dispositions proposées par les instances concernées, notamment les Etats membres et le Parlement européen, même s’il ne s’agit que de la « boîte à outils ».

Cette même réserve d’une approbation politique et de la nécessité d’une expertise technique préalable vaut également pour les contenus numériques.

Les dispositions retenues peuvent servir de base à un travail préparatoire en vue, le cas échéant, d’un texte européen spécifique.

Il n’est pas cependant, à ce stade, possible d’être plus précis et de se prononcer sur le fond des dispositions qui sont proposées. Ce sont en effet autant de questions très complexes, notamment pour celles d’entre elles qui interfèrent avec le droit de la propriété intellectuelle.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 7 décembre 2011, sous la présidence de M. Didier Quentin, Vice-président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Jacques Desallangre. Je crains que la formule de la « boite à outils » proposée ne crée une instabilité juridique. Quelle est son utilité ?

La rapporteure. Ce projet est soutenu par certains pays membres, nouveaux accédants, qui souhaitent renforcer leur droit. La boite à outils pourrait être intéressante pour eux sans pour autant se substituer aux droits nationaux. Mais ce n’est pas ce qui est proposé par la Commission européenne. En aucun cas nous ne pouvons accepter d’avoir concomitamment deux corps de règles sur le même territoire.

M. Michel Diefenbacher. Je suis surpris que la Commission européenne ait pu présenter un texte aussi peu abouti dont les lacunes ont été énumérées par la rapporteure. Il est donc logique de proposer le rejet de ce texte. Par ailleurs, je ne vois pas trop ce que pourrait être une « boite à outils » et comment nous pourrions nous passer de supports législatifs pour mettre en œuvre les dispositions proposées.

La rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le rejet, mais il y a aussi possibilité d’une porte de sortie pour la Commission européenne. Par ailleurs, je suis inquiète sur le fond de sa position qui ne prend pas ainsi en compte les positions des gouvernements et des parlements telles qu’elles ont été récemment exprimées.

M. Michel Diefenbacher. Je m’interroge sur la nécessité de maintenir tant de souplesse.

La rapporteure. Je crois que le rejet est clairement affirmé même si nous ne nous opposons pas à la création d’une « boite à outils ». Je constate bien qu’il existe une large unanimité chez tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés pour s’opposer à ce texte.

Puis la Commission a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après. »

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente (COM [2011] 635 final/no E 6713),

Constatant que son objet, qui est de créer un droit commun européen de la vente (DCEV) sous la forme d’un second régime de droit contractuel au sein du droit national de chaque Etat membre conduit à rouvrir des débats importants et difficiles qui viennent à peine d’être clos avec l’adoption très récente de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs,

Constatant que la teneur de ce DCEV suscite des réserves de la part d’organisations représentant tant les consommateurs, que les entreprises et les professionnels,

Constatant que ce droit, tel qu’il est proposé, n’est réellement facultatif que pour le fournisseur et qu’il ne laisse pas de véritable choix à l’acquéreur, sauf s’il renonce à son achat, en ne prévoyant pas que son refus du DCEV conduit automatiquement à appliquer le droit national habituel,

Constatant que des clauses d’extension très large lui donnent vocation à ne pas s’appliquer aux seules transactions transfrontalières et à celles dont le client est soit un consommateur, soit une PME, mais permettent de l’appliquer à toutes les transactions internes pour les Etats membres qui le souhaitent comme à toutes les transactions entre les entreprises,

Considérant ensuite que cette proposition ne peut être fondée sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais sur son article 352 et constatant alors que son adoption doit alors intervenir à l’unanimité des membres du Conseil, et non plus à la majorité qualifiée,

Considérant également que les difficultés de subsidiarité et de proportionnalité ont su être évitées,

Considérant aussi que la technique précitée du second régime de droit contractuel au sein du droit national de chaque Etat membre conduit à des incertitudes sources d’insécurité juridique quant à son articulation avec les autres corps de règles de droit et conduit également à des reculs dans le niveau de protection des consommateurs de même que des PME, dans leurs transactions avec leurs fournisseurs, en ce qu’elle conduit notamment à écarter, pour le champ couvert par ses dispositions, les règlements Rome I et Rome II, et par conséquent l’application de dispositions d’ordre public du droit national,

Constatant enfin qu’elle conduit pour le surplus à des redondances peu utiles avec d’autres dispositions du droit de l’Union européenne,

1. Juge que la proposition de règlement précitée ne peut être que rejetée,

2. Estime néanmoins que, sous réserve d’un examen détaillé de nature politique et technique, les dispositions qu’elle propose pour le DCEV peuvent servir de base à une « boite à outils » à la disposition des Etats membres comme du législateur communautaire, et pour ce qui concerne les contenus numériques, comme base de travail à une éventuelle initiative législative sectorielle.

CONCLUSIONS ADOPTED BY THE COMMITTEE

The European Affairs Committee,

In the light of Article 88-4 of the Constitution,

In the light of the proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on a Common European Sales Law (COM [2011] 635 final/no. E 6713),

Whereas its objective, which is to create a common European sales law (CESL) in the form of a second contract law regime within the national law of each Member State, leads to re-opening major and difficult debates which have barely been closed with the very recent adoption of Directive 2011/83/EU of 25 October 2011 on consumer rights,

Whereas the content of the CSEL is giving rise to reservations on the part of organisations representing not only consumers but also companies and traders.

Whereas this law, as proposed, is really optional only for the supplier and does not leave any real choice for the buyer unless he foregoes his purchase, as it does not lay down that his refusal of the CSEL will lead automatically to the application of the customary national law,

Whereas very broad extension clauses allow it not to apply to just cross-border transactions and those where the client is either a consumer or an SME, but also to apply to all internal transactions for the Member States which so desire and to all transactions between companies,

Whereas, next, this proposal cannot be based on Article 114 of the Treaty on the Functioning of the European Union, but on its Article 352. Then, as its adoption must then be reached by the members of the Council unanimously, and no longer by a qualified majority,


Whereas, also, the difficulties of subsidiarity and proportionality have been able to be avoided,

Whereas, also, the above-mentioned technique of the second contract law regime within the national law of each Member State leads to uncertainties that cause legal insecurity regarding its interconnection with the other sets of law rules and also leads to declines in the level of consumer protection and the level of protection of SMEs, in their transactions with their suppliers, in that it leads in particular to excluding for the field covered by its provisions, the Rome I and Rome II Regulations, and consequently the application of the public order provisions of national law.

Whereas, last, it leads, for other matters, to useless superfluousness with other provisions of European Union law.

1. Deems that the above-mentioned proposal for a Regulation cannot but be rejected,

2. Feels nevertheless that, subject to a detailed examination of a political and technical nature, the provisions it proposes for the CSEL can serve: as a basis for a 'toolbox' available to Member States and the Community legislator and, regarding digital content, as a basis for work on a possible sectoral legislative initiative.

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

Ø Conseil supérieur du notariat :

– Me Jean Tarrade, Premier vice-président, notaire à Paris ;

– Me Sandra Pacreau, direction des affaires juridiques ;

– Mme Christine Mandelli, chargée des relations avec les institutions.

Ø Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie :

ANNEXE 2 :
AVIS D’INFORMATION TYPE

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.