N° 4359 - Rapport d'information de Mme Pascale Gruny déposé par la commission des affaires européennes sur la révision de la directive 2003/96/CE sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité (E 6212)




No 4359

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la révision de la directive 2003/96/CE sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité
(E 6212)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Pascale GRUNY,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Jean-Yves Cousin, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, M. Philippe Gosselin, Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Pierre-Alain Muet, Jacques Myard, Michel Piron, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 9

PREMIERE PARTIE : LES RÉGLES ACTUELLES DE LA TAXATION DE L’ÉNERGIE PRÉVUES PAR LA DIRECTIVE 2003/93/CE ET LEUR MISE EN APPLICATION 13

I. LE DISPOSITIF DE LA DIRECTIVE 2003/96/CE 13

A. DES MINIMA COMMUNAUTAIRES DE TAXATION APPLICABLES À LA PLUPART DES PRODUITS SELON UN BARÈME DIFFÉRENCIÉ PAR PRODUIT ET PAR USAGE 13

1. Une harmonisation grâce à la fixation de minima dès 1992 pour les hydrocarbures liquides 13

2. Un dispositif étendu en 2003 à l’ensemble des produits énergétiques et à l’électricité 14

a) Un élargissement de l’assiette de l’impôt aux autres sources d’énergie, notamment au gaz naturel, à l’électricité et au charbon pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur comme le respect des engagements environnementaux de l’Europe 14

b) La taxation des produits concernés pour leurs seuls usages à des fins énergétiques 15

c) Un double objectif de marché intérieur et de protection de l’environnement 15

3. Les minima du barème communautaire de 2003 : un niveau de taxation différent selon les produits comme selon leur usage avec en outre un relèvement progressif de certains niveaux de taxation 16

a) La distinction des carburants, des combustibles et de l’électricité et la différenciation des usages professionnels et non professionnels 16

b) Une taxation des produits non mentionnés dans le barème au même niveau que les produits comparables 17

c) Les carburants : une taxation plus élevée de l’essence que du diesel, en dépit d’un certain rattrapage, la possibilité d’une moindre taxation du gazole professionnel et des taux très réduits pour certaines utilisations professionnelles 17

d) Les combustibles : une différenciation réelle mais limitée entre les usages domestiques et la consommation à usage industrielle et commerciale 18

e) L’électricité 19

B. DES EXCLUSIONS, DÉROGATIONS, RÉDUCTIONS ET EXONÉRATIONS NOMBREUSES 19

1. Les exclusions du champ d’application de la directive 19

a) Les produits spécifiques hors champ 19

b) L’exclusion de certaines utilisations professionnelles de produits énergétiques et de l’électricité comme source d’énergie 19

2. Des facultés de taxation différenciée d’un même produit selon la qualité, selon l’usage ou le niveau de consommation 20

a) Des options spécifiques 20

b) La faculté de moins taxer le gazole à usage professionnel utilisé comme carburant 21

3. Les exonérations de principe fixées au niveau de la directive : la production d’électricité ; le transport aérien ; la navigation dans les eaux communautaires, y compris la pêche 21

4. Les exonérations ou réductions facultatives à la libre appréciation des Etats membres : l’électricité d’origine renouvelable ; la cogénération ; les transports ferroviaires ; la navigation intérieure ; le gaz naturel, sous conditions ; les combustibles et l’électricité pour les ménages et les organisations caritatives ; le gaz naturel et le GPL carburant ; les travaux agricoles 22

5. Une possibilité de traitement privilégié des biocarburants à l’appréciation des Etats membres 24

6. Le dispositif spécifique aux entreprises grandes consommatrices d’énergie et à celles qui concluent des accords 25

7. Les régimes fiscaux en faveur de certains Etats membres ou en faveur de certains territoires 26

a) Les dérogations générales aux minima communautaires prévues en faveur de certains Etats membres 26

b) Les régimes fiscaux nationaux préférentiels pour certains produits 27

c) Les régimes fiscaux préférentiels de certains territoires spécifiques 27

II. DES RÉSULTATS RELATIFS 29

A. UNE TAXATION DE L’ÉNERGIE SUPÉRIEURE EN EUROPE À CE QU’ELLE EST DANS LE RESTE DU MONDE, MAIS DONT LE POIDS RELATIF EST ENCORE TRÈS DIFFÉRENT D’UN ETAT MEMBRE À L’AUTRE 29

1. Des produits énergétiques moins taxés et plus chers que dans les autres pays de l’OCDE, dans l’ensemble 29

a) Un constat très clair pour les ménages par rapport à l’Amérique du Nord notamment 29

b) Une conclusion similaire, mais de moindre ampleur, pour les entreprises 33

2. De fortes différences d’un Etat membre à l’autre au sein de l’Union européenne 33

a) Des différences sensibles de niveaux de taxation, héritées de l’histoire ou des choix et des facteurs qui ont déterminé le bouquet énergétique : quatre catégories d’Etats membres 33

b) Le taux de taxation implicite de l’énergie : trois catégories d’Etats membres 36

c) Des différences de taxation qui pèsent sur le niveau des prix 38

3. Des distorsions au sein du marché intérieur : l’exemple du tourisme pétrolier « à la pompe » 46

B. UN OBJECTIF ENVIRONNEMENTAL QUI N’EST QUE PARTIELLEMENT ATTEINT 47

1. Un effet mesurable sur les prix 47

a) La fiscalité énergétique, élément essentiel de la fiscalité environnementale 47

b) Les taxes, part significative du prix final de certains produits énergétiques, notamment des carburants, dans tous les pays d’Europe et élément modérateur de la consommation finale 47

2. Une tendance paradoxale, mais explicable, à la baisse des taxes environnementales dans les prélèvements obligatoires 49

3. Des effets variables sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre 52

4. Une absence de coordination avec le SEQE 53

a) Le SEQE 53

b) Une absence de coordination mise en évidence par le Conseil et par la Commission européenne 54

DEUXIEME PARTIE : UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE INSPIRÉE PAR DES PRINCIPES PERTINENTS ET COHÉRENTS, MAIS QUI SUSCITE D’IMPORTANTES RÉSERVES ET DONT LES EFFETS SECTORIELS DOIVENT PAR CONSÉQUENT ÊTRE MAITRISÉS POUR POUVOIR ÊTRE SOUTENUE 57

I. UNE APPROCHE RATIONNELLE ET COHÉRENTE DE LA TAXATION DE L’ÉNERGIE, SELON DES CRITÈRES OBJECTIFS 57

A. UNE TAXATION ASSISE SUR DEUX CRITÈRES : LES ÉMISSIONS DE CO2 ET LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE 57

1. Un nouveau barème assis sur deux critères et qui serait applicable à partir de 2013 57

a) Les principes de fixation des nouveaux minima européens de taxation 57

b) Une rupture avec la taxation selon les niveaux historiques justifiée par des objectifs précis 58

c) L’obligation d’un traitement identique des produits ayant un même usage : un alignement des taux nationaux pour les produits ayant le même usage, notamment du barème de taxation du diesel sur celui de l’essence, avant 2023 59

d) Une actualisation des minima de taxation : selon les prix pour la taxation générale de la consommation d’énergie ; selon le prix du CO2 sur le marché du quota pour la composante émission 59

e) Les biocarburants : une disposition dont on peut saisir la logique 60

2. Une application généralisée de la taxation au titre du CO2, avec une articulation avec le SEQE 61

a) L’absence de secteur exclu pour la composante CO2 61

b) Un dispositif de crédit d’impôt en contrepartie pour les secteurs exposés à un risque important de fuite de carbone 61

c) Une limitation des exonérations automatiques et des facultés d’exonérations offerte aux Etats membres à la seule taxation de la consommation d’énergie, sauf exception 61

B. DES IMPLICATIONS TARIFAIRES SIGNIFICATIVES ET DES EFFETS SUR LES PRIX 62

1. Des réalignements tarifaires au titre de la simplification du barème et la suppression de la distinction entre consommation professionnelle et non professionnelle pour les combustibles et le gazole routier 62

2. Un relèvement important des niveaux de taxation pour les carburants et certains combustibles qui implique une mise en œuvre progressive à partir de 2013 63

a) Une application du nouveau barème échelonnée entre 2013 et 2018 pour les carburants à usage autre qu’industriel et commercial 63

b) Les barèmes alignés des carburants à usage industriel ou commercial et des combustibles 64

c) Un relèvement important des niveaux de taxation à l’horizon 2018 pour les carburants et dès 2013 pour les combustibles 65

d) Des recettes fiscales importantes et un effet significatif sur la réduction des émissions de CO2, selon la Commission européenne 66

3. Un effet sur les prix des produits énergétiques et l’électricité, pour les entreprises comme pour les ménages, à défaut de mesure de réduction 66

II. LA NÉCESSITE DE PRÉVOIR DES MESURES ADAPTÉES POUR APPORTER AU TEXTE LES ÉLÉMENTS DE CALENDRIER, DE FLEXIBILITÉ ET DE BONNE ADAPTATION AUX RÉALITÉS SECTORIELLES QUI LUI FONT ACTUELLEMENT DÉFAUT 69

A. LA PERTINENCE DES PRINCIPES GÉNÉRAUX, MAIS DES DIFFICULTÉS SUR LES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE 69

B. DES RÉACTIONS SOUVENT RÉSERVÉES 69

1. Des oppositions au niveau des Etats membres qui laissent entrevoir des difficultés pour parvenir à l’unanimité requise pour l’adoption de la proposition par le Conseil 69

2. Des entreprises et des secteurs d’activité inquiets pour leur compétitivité et la pérennité de leurs activités en Europe 70

a) Des préoccupations clairement exprimées 70

b) L’objectif d’un dispositif équilibré permettant le maintien des activités en Europe et permettant d’atteindre, à terme, les ambitions poursuivies 71

3. Des consommateurs soucieux d’éviter les augmentations de prix 72

C. LA NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR DES MESURES ADAPTÉES DE CALENDRIER OU DE FLEXIBILITÉ ET DE PRISE EN COMPTE DES SPÉCIFICITÉS SECTORIELLES 72

1. Des modifications précises à apporter, notamment pour le respect du principe de subsidiarité 72

a) Respecter le principe de subsidiarité pour les taxis, en leur appliquant le régime des transports locaux de passagers 72

b) Veiller au respect de libre administration des collectivités territoriales pour la taxation locale de l’électricité et la différenciation régionale de la TICPE. 73

c) Eviter de créer des distorsions de concurrence pour le transport routier en maintenant la faculté de découplage de la taxation du gazole professionnel et du gazole particulier 73

2. Mieux faire apparaître les enjeux pour les ménages 74

3. Des mesures à définir pour éviter les chocs sur des secteurs économiques entiers dont les spécificités et les rythmes d’évolution auraient été insuffisamment pris en compte 75

a) Des équilibres industriels à respecter : les difficultés provoquées par l’alignement tarifaire du gazole sur l’essence pour le secteur automobile 75

b) Reconnaître la spécificité du secteur agricole 77

c) Envisager des mécanismes pour les entreprises « grandes consommatrices d’énergie » et assimilées 77

d) Rendre le plus prévisible possible le mécanisme de crédit d’impôt des secteurs sujets à fuite de carbone pour tenir compte de la situation des entreprises « hors champ » 78

TRAVAUX DE LA COMMISSION 81

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 83

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 87

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A l’automne 1973, le premier choc pétrolier a mis fin à l’énergie à bas prix. Il a fait ressortir la très grande vulnérabilité des économies et des sociétés modernes face à l’approvisionnement énergétique, de même que l’impératif d’une politique de prévoyance en la matière, pour préserver les acquis économiques et sociaux du développement consécutifs à la révolution du charbon au XIXe siècle puis à celle du pétrole au XXe siècle.

C’est à la même époque que la réalisation, aux Etats-Unis, des premières prédictions de Hubbert, établies dans les années 1950, sur le « pic pétrolier » a fait prendre conscience de l’épuisement progressif des sources d’énergie fossiles.

Simultanément, le développement de la production d’électricité par les centrales nucléaires n’a pas été aussi massif que le développement de la science avait pu le laisser entrevoir dans les années 1950.

Tant le très haut niveau technologique qu’exige cette forme d’énergie que les craintes quant à sa sécurité, sous l’effet notamment des premiers mouvements écologistes, ont freiné toute expansion. Pour avoir fait le choix dès 1973 d’un développement à très grande échelle de la filière nucléaire, la France a fait exception en Europe comme dans le monde. Aux Etats-Unis, principaux consommateurs d’énergie, le coup d’arrêt est intervenu avec l’accident de Three Mile Island en 1979. Sept ans après, c’est l’accident de Tchernobyl en Ukraine, alors membre de l’Union soviétique, qui s’est produit. Récemment encore, l’accident de Fukushima au Japon a conduit à un réexamen des choix dans certains pays, avec l’annonce de la fin du nucléaire en Allemagne, alors que depuis les années 2000 la filière reprenait de l’importance avec des prix du pétrole durablement élevés et anticipés comme ne pouvant que croître en raison de la rapidité du développement de la Chine et des émergents.

A partir des années 1990, la politique énergétique a pris une dimension nouvelle lorsque la perspective d’un changement climatique majeur, d’un réchauffement sans précédent dans l’histoire, sous l’effet de l’importance des émissions de gaz à effet de serre, a été considérée par l’opinion comme scientifiquement avérée. Ont été ainsi réinscrites à l’Agenda politique les préoccupations sur le développement durable exprimées dès les années 1960 par le Club de Rome, avec notamment la publication de son rapport Halte à la croissance ? en 1972, de même qu’au sein de l’ONU, avec le premier Sommet de la terre (Conférence des Nations unies pour les établissements humains - CNUEH) à Stockholm en juin 1972.

L’événement politique essentiel a été le troisième Sommet de Rio en 1992 qui a adopté la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC, en anglais).

Le défi n’a plus été seulement celui de l’indépendance énergétique mais aussi celui de la substitution des sources d’énergie nouvelles et renouvelables aux énergies fossiles selon un calendrier ne dépendant plus de la disponibilité de ces dernières, mais de l’impératif de limitation des rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère pour limiter à deux degrés au maximum l’élévation de la température moyenne de l’atmosphère terrestre à l’horizon de 2050, par rapport à l’époque préindustrielle.

La politique énergétique s’est alors articulée, en Europe, autour de trois dimensions : la recomposition du bouquet énergétique, avec notamment la recherche d’un accroissement de la part des sources d’énergie renouvelables ; les économies d’énergie ; les dispositifs propres à la limitation des gaz à effet de serre.

L’objectif des « 20-20-20 » a ainsi été défini par le Conseil européen de mars 2007, à raison d’une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échéance de 2020, de l’augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique, sous l’effet des mesures d’économies d’énergie primaire, et du relèvement à 20 % de la part des renouvelables dans la production énergétique. L’objectif du paquet « énergie-climat » proposé par la Commission européenne le 23 janvier 2008 a été de mettre en œuvre cette règle des « trois fois vingt ».

Cette stratégie repose notamment sur plusieurs instruments législatifs, avec comme texte essentiel la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 relative au système européen de quotas d’émission (directive quotas) qui a été profondément remaniée en 2009, la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

Plusieurs textes sectoriels sont ensuite intervenus, notamment le règlement (CE) no 443/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers, la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008, qui a prévu une extension du champ d’application, avec l’intégration, à partir de 2012, des compagnies aériennes dans le SEQE et la promotion des énergies renouvelables avec la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

Dans ce paysage législatif, la proposition de directive modifiant la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité joue un rôle essentiel.

D’abord, elle n’est pas un texte sectoriel mais, au contraire, un texte transversal à vocation générale. Ceci la place, parmi les instruments généraux, au même plan que le système des quotas d’émission dans la lutte contre les gaz à effet de serre et comme un complément à celui-ci. Les quotas ne concernent en effet que la moitié des émissions européennes.

Ensuite, il vise à réguler la consommation d’énergie par les prix par l’intermédiaire du niveau de taxation de l’énergie. C’est traditionnel en Europe. La taxation de l’énergie y relève, en effet, en Europe d’un principe ancien mais simple du droit fiscal, celui de la taxation selon la quantité du produit commercialisé et non selon sa valeur.

Ce type d’impôt, l’accise, ne concerne actuellement que les alcools, notamment les boissons alcooliques, le tabac et ses produits (cigarettes et cigares pour l’essentiel), outre les produits énergétiques.

Une harmonisation a été prévue dès l’origine de la construction communautaire, dès le traité de Rome, car c’est une question qui touche au cœur du marché intérieur. Les droits d’accise sont en effet des impôts indirects, et faute d’une certaine harmonisation, ils ne pourraient être levés par les Etats membres sans entraîner une perturbation du marché intérieur.

Cette harmonisation a d’ailleurs été réellement opérée en 1992, dans la perspective du passage du marché commun au marché unique, au 1er janvier 1993, en application des dispositions issues de l’Acte unique de février 1986.

Pour ce qui concerne les produits énergétiques, le dispositif actuellement applicable est prévu par la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

Le 13 avril dernier, la Commission européenne a proposé une révision de ce texte avec trois objectifs.

D’abord, un objectif de cohérence et de modernisation en donnant à la taxation énergétique une double composante : une en fonction des émissions de CO2 ; l’autre de la quantité d’énergie consommée.

Ensuite, un objectif de coordination avec le SEQE, car tel n’est actuellement pas le cas, afin d’éviter les lacunes et les cas de recouvrement des dispositifs en principe alternatifs de taxation et d’échange de quotas d’émission.

Enfin, l’objectif est également fiscal avec la possibilité de rééquilibrage de la fiscalité vers les éléments environnementaux.

Cependant, ce n’est pas encore la stratégie d’ensemble dont l’Union européenne a besoin sur la question énergétique, car deux de ses aspects fondamentaux ne sont pas abordés : d’une part, celui du choix entre les sources d’énergie ; d’autre part, celui d’une approche commune dans les relations avec les fournisseurs de matières premières énergétiques, et notamment dans les relations avec la Russie.

Par conséquent, le texte présenté par la Commission européenne ne représente, en dépit de l’intérêt de ses dispositions, que la première pierre et non le point d’aboutissement de la stratégie européenne commune qu’exige notre époque.

Aussi, après avoir rappelé les principaux mécanismes de la directive de 2003 qu’il vise à réformer, le présent rapport s’attache-t-il à présenter les éléments proposés et compte tenu des réserves suscitées, notamment à donner les premières ébauches d’un dispositif pouvant conduire à le rendre plus acceptable.

PREMIERE PARTIE :
LES RÉGLES ACTUELLES DE LA TAXATION DE L’ÉNERGIE PRÉVUES PAR LA DIRECTIVE 2003/93/CE ET LEUR MISE EN APPLICATION

I. LE DISPOSITIF DE LA DIRECTIVE 2003/96/CE

La réalisation du marché intérieur au 1er janvier 1993, a imposé en 1992 une harmonisation des droits d’accise sur les produits énergétiques. Le champ couvert a alors été assez restreint, car limité selon la terminologie technique, aux seules huiles minérales, c'est-à-dire aux hydrocarbures et autres produits pétroliers liquides. En pratique, ont été concernés les carburants ainsi que les combustibles de chauffage liquides.

Deux textes sont alors intervenus pour bien distinguer l’harmonisation de l’assiette de l’impôt et celle du taux.

La première a été fixée par la directive 92/81/CEE du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales, précisant le champ couvert ainsi que le mode de calcul de l’accise, les Etats membres étant obligés de définir le barème par 1 000 litres de produits à une température donnée, de 15°. Par exception, ni les fiouls lourds, ni les gaz liquéfiés n’ont été soumis à ce critère de température, celui-ci n’étant pas utile dans leur cas.

Ce texte a également prévu les cas d’exonération de plein droit, comme celui du transport aérien ou de la navigation commerciale dans les eaux communautaires, ainsi que les cas de d’exonération ou de réduction de l’accise laissés à la libre appréciation des Etats membres, en faveur de certains secteurs, notamment le transport ferroviaire, les travaux agricoles et la navigation fluviale intérieure autre que de plaisance.

Des taux minima que les Etats membres devaient respecter, ont été pour leur part précisé par la directive 92/81/CEE.

Ces taux ont été fixés en fonction des niveaux de taxation constatés dans les Etats membres.

Des dérogations ont cependant été prévues en faveur de certains Etats membres, notamment pour le Luxembourg s’agissant de l’essence sans plomb, ainsi que pour le Luxembourg, de nouveau, et la Grèce, s’agissant du gazole utilisé comme carburant.

La directive de 2003, qui s’est substituée aux deux textes de 1992, a procédé, par souci de cohérence, à une généralisation de la taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

Cette généralisation ne s’est cependant pas traduite par une application universelle de la taxe.

Ont en effet été maintenu hors champ de la directive les produits jouant un faible rôle ou dont les conditions d’exploitation se prêtent peu à la perception d’un impôt en raison de l’absence d’opérateur de grande taille, et tel est le cas du bois de chauffage et du charbon de bois, ainsi qu’à la demande de l’Irlande, de la tourbe, qui joue un rôle modeste de source d’énergie d’appoint dans quelques pays européens.

Sont ainsi pour l’essentiel entrés dans le champ de la taxation, l’électricité, le gaz naturel et le charbon.

Ont également été inclus dans le champ d’application de la taxe des produits d’usage moins fréquent, mais qu’il est néanmoins nécessaire de taxer comme carburant ou combustible, tels que les houilles et lignites, ainsi que leurs gaz, les alcools, le méthanol, certains produits utilisés comme additifs et les huiles végétales, même pour les faire bénéficier s’agissant de ces dernières, du régime de faveur en faveur des biocarburants.

Par souci de précision, le texte de la directive a clairement visé dans une liste les produits par leur numéro de code dans la nomenclature combinée utilisée par les administrations douanières pour le passage aux frontières des marchandises.

Le cas des produits « hors liste » a été prévu avec des dispositions balai assimilant chacun d’entre eux au produit comparable ou avec lequel ils sont utilisés, notamment comme additifs.

La directive opère une distinction de l’usage des produits énergétiques et prévoit leur exclusion du champ de taxation lorsqu’ils sont utilisés, à d’autres fins, à savoir ni comme carburant, ni comme combustible.

En effet, les produits utilisés pour leurs qualités énergétiques n’ont pas ce seul usage. Les produits pétroliers et le charbon notamment sont également utilisés comme matières premières par l’industrie, principalement l’industrie chimique.

Ont également été exclus du champ de la taxation les produits à double usage.

L’objectif de l’extension de 2003 a été double.

En premier lieu, il s’agissait de répondre à un objectif de marché intérieur, de manière à éviter que les différences trop importantes dans la taxation des carburants et combustibles, ainsi que de l’électricité, n’engendrent des distorsions de concurrence.

Ce souci a été d’autant mieux pris en compte que dans les niveaux minima de taxation, la directive distingue les usages professionnels des utilisations privées de l’énergie.

En deuxième lieu, le texte a également eu un objectif d’ordre environnemental, celui de contribuer à la réalisation des objectifs de réduction des gaz à effet de serre prévue par le Protocole de Kyoto établi la dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Le niveau de taxation a ainsi été relevé de manière à peser sur les prix, considérés comme l’un des éléments de la régulation de la consommation.

Le barème des taux minima de taxation prévus pour les produits énergétiques et l’électricité figure à l’annexe 1 de la directive 2003/96/CE.

S’agissant des carburants, il ne mentionne qu’un petit nombre de produits, à savoir pour les carburants l’essence au plomb, l’essence sans plomb, le gazole, le pétrole lampant, le GPL et le gaz naturel.

En ce qui concerne les combustibles, ne figurent sur la liste que le gazole, le fioul lourd, le pétrole lampant, le GPL, le gaz naturel, la houille et le coke.

L’électricité fait l’objet d’une taxation à part.

Pour certains produits, la directive a également prévu un relèvement des minima de taxation.

De manière synthétique, le barème de taxation prévu en 2003 est le suivant, pour les carburants.

Fixation du niveau minimum de taxation pour les carburants

 

Taux d’accises minimaux actuels

Essence (/ 1000 l.)

421

Essence sans plomb (/ 1000 l.)

359

Gazole (/ 1000 l.)

330

Pétrole lampant (/ 1000 l.)

330

GPL (/ 1000 l.)

125

Gaz naturel (€/gigajoule)

2,6

Pour les usages industriel et commercial des carburants, le barème suivant est prévu.

Fixation du niveau minimum de taxation des carburants destinés
à un usage industriel ou commercial

 

Taux d’accises minimaux actuels

Gazole (/ 1000 l.)

21

Pétrole lampant (/ 1000 l.)

21

GPL (/ 1000 kg)

41

Gaz naturel (€/gigajoule)

0,3

Enfin, des tarifs différents sont prévus pour les combustibles et l’électricité, avec une différenciation entre l’usage professionnel et l’usage non professionnel.

Fixation du niveau minimum de taxation pour les combustibles et l’électricité

-

Taux d’accises minimaux actuels
(usage professionnel)

Taux d’accises minimaux actuels
(usage non professionnel)

Gazole (€/1000 l.)

21

21

Fuel lourd (€/1000 kg)

15

15

Pétrole lampant (€/1000 l.)

0

0

GPL (€/1000 kg)

0

0

Gaz naturel (€/gigajoule)

0,15

0,3

Charbon et coke (€/gigajoule)

0,15

0,3

Électricité (€/MWh)

0,5

1,0

Les produits qui ne sont pas explicitement mentionnés dans le barème sont taxés. Une disposition « balai » du texte de la directive précise en effet qu’ils le sont comme les produits comparables.

Pour ce qui concerne les carburants à usage privé, le barème communautaire de 2003 est nettement plus favorable au gazole qu’à l’essence.

Il prévoit en effet au 1er janvier 2003, pour l’essence un minimum communautaire égal à 421 euros pour 1 000 litres pour l’essence au plomb et de 395 euros pour le sans plomb, alors que le gazole est soumis à un minimum de plus de 100 euros inférieur, à raison de 302 euros pour 1 000 litres, de même que le pétrole lampant.

Les niveaux prévus pour le GPL à raison de 125 euros par tonne et le gaz naturel, avec 2,6 euros par kilojoule de pouvoir calorifique supérieur, ne sont pas comparables, mais correspondent à des niveaux en relation avec l’utilisation très marginale de ce type de carburant.

Néanmoins, le texte de 2003 a organisé un certain rattrapage du niveau minimum de taxation du gazole, du Diesel, en prévoyant un relèvement au 1er janvier 2010 de ce minimum de 302 euros pour 1 000 litres à 330 euros pour 1 000 litres (la même hausse est aussi appliquée au pétrole lampant).

Pour les autres produits, la directive a prévu une stabilité des minima.

Par conséquent, à volume identique, un écart de 91 euros pour 1 000 litres, donc de 9,1 centimes par litre persiste entre le gazole et l’essence.

S’agissant des utilisations professionnelles spécifiques, les niveaux des minima de taxation sont plus faibles.

On rappellera que les utilisations industrielles et commerciales concernées sont les travaux agricoles au sens large (travaux agricoles et horticoles, ainsi que la pisciculture et la sylviculture), les moteurs stationnaires, tels que les groupes électrogènes ou les moteurs de machines, les installations et machines du BTP (construction, génie civil et travaux publics) ainsi que les véhicules qui ne sont pas destinés à être utilisés sur la voie publique ou ne sont pas autorisés à y circuler.

L’écart est particulièrement élevé pour le gazole, et le pétrole lampant, à raison de 14 fois à 15 fois moins : 21 euros pour 1 000 litres contre 302 euros jusqu’en 2010 et 330 euros après 2010).

Il est moindre pour le GPL, avec un rapport de 1 à 3, à raison de 41 euros par tonne pour l’usage professionnel et 125 euros comme on l’a vu pour les autres utilisations, et même pour le gaz naturel avec un écart de 1 à 8, à raison respectivement de 0,3 euro par gigajoule de pouvoir calorifique supérieur et de 2,6 euros.

Une mesure essentielle concerne la faculté de différencier le gazole à usage privé et le gazole à usage commercial, à savoir celle entre le « diesel privé » et le « diesel routier », qui correspond à une tradition dans un certain nombre d’Etats membres.

Pour ce qui concerne les combustibles, la proposition de directive prévoit des barèmes inférieurs à ce qu’ils sont pour les carburants.

C’est le reflet d’une moindre taxation pour des raisons historiques ainsi que par réalisme, puisque, le chauffage étant considéré comme un besoin fondamental et que les niveaux de consommation d’énergie sont pour un usage « normal » plus élevés que pour les déplacements en véhicule individuel.

Par conséquent, pour le gazole (ou le fioul de chauffage dans le langage courant), le niveau de taxation est de 21 euros par 1 000 litres (soit 15 fois moins que pour le carburant) et pour le fioul lourd, lequel ne concerne que les professionnels car étant utilisable dans les seules installations spécifiques en raison de sa viscosité en dessous de 40°, le tarif est de 15 euros la tonne, sachant qu’avec une densité inférieure à 1, une tonne de fioul lourd a un volume supérieur à 1 000 litres.

La distinction entre la consommation professionnelle et la consommation non professionnelle n’est opérée que pour le gaz naturel, la houille et le coke, ainsi que l’électricité, avec des tarifs doublés pour l’usage privé.

Le tableau présenté ci-dessus au a) récapitule ces éléments.

L’électricité fait l’objet d’une taxation à la consommation uniquement. Les niveaux de taxation sont de 0,5 euro par mégawattheure pour les usages non professionnels et de 1 euro pour les usages professionnels.

La généralisation de la taxation des produits énergétiques opérée par la directive de 2003 n’a pas abouti à une application totalement universelle de son dispositif.

D’abord, certains produits énergétiques n’ont pas été concernés, car leur utilisation reste limitée et leur mode de distribution commerciale peu concentré. Cela a été le cas de la tourbe, exclue à la demande de l’Irlande, selon les éléments communiqués. Elle ne joue un rôle significatif que dans ce pays, ainsi qu’en Finlande.

C’est aussi le cas du bois de chauffage et du charbon de bois.

Pour ces éléments exclus, les Etats membres conservent une pleine compétence et peuvent soit taxer, selon le niveau qu’ils définissent, soit exonérer.

Certains produits énergétiques, ainsi que l’électricité, ont été placés en dehors du champ de la taxation lorsqu’ils sont utilisés à certaines fins.

Ces exclusions concernent d’abord l’électricité à deux titres :

– d’abord, lorsqu’elle est consommée dans les procédés de l’électrolyse, de la réduction chimique et dans les procédés métallurgiques.

Les procédés de réduction chimique concernent la fabrication des produits chimiques de base, organiques ou inorganiques, ainsi que la fabrication d’engrais, de matières plastiques et de caoutchouc synthétique.

L’électrolyse est un procédé utilisé en chimie et en métallurgie, notamment pour la production d’aluminium.

Quant aux procédés métallurgiques, ce sont l’ensemble des activités de production des métaux ferreux et non ferreux, ainsi que de leurs alliages.

– ensuite, sont également hors champ les entreprises électro-intensives, à savoir celles dont le coût de production est constitué pour au moins la moitié du coût de l’électricité autorisée.

Ces exclusions concernent ensuite quelle que soit la source d’énergie, les procédés minéralogiques.

Il s’agit de la fabrication de produits minéraux non métalliques, ce qui concerne le secteur du verre, celui des produits réfractaires, celui des matériaux de construction en terre cuite (carreaux en céramique, briques et tuiles notamment), celui des autres produits en céramique et celui de la fabrication des ciments et plâtres.

Elles concernent enfin comme on l’a vu les produits énergétiques à double usage. Il s’agit en fait des autres cas où la combustion des produits est indissociable du procédé de fabrication concerné.

Pour un même produit énergétique, de même que pour l’électricité, la directive de 2003 offre aux Etats membres certaines facultés, limitées, de prévoir des taux de taxation différenciés.

Le premier cas concerne la différenciation selon la qualité du produit. C’est celui de l’essence, avec la distinction traditionnelle entre les différentes qualités d’essence. L’Allemagne prévoit ainsi un taux majoré de 15,30 euros par 1 000 litres pour l’essence à haute teneur en soufre.

Le deuxième cas de figure concerne la distinction selon le niveau de consommation des produits énergétiques et de l’électricité pour le chauffage. Cela permet les tarifs « sociaux » pour les foyers les plus modestes.

Le troisième cas permet une taxation différenciée soit pour certains usages collectifs de l’énergie : tel est le cas pour les transports locaux de passagers, y compris les taxis et la collecte des déchets, ainsi que pour les forces armées et les administrations publiques. La disposition concernée vise également les usages sanitaires ou assimilés : personnes handicapées et ambulances.

La quatrième possibilité, qui a déjà été évoquée à l’occasion des taux, concerne la différenciation entre l’usage professionnel ou non professionnel des combustibles et de l’électricité.

Une disposition de la directive permet explicitement aux Etats membres d’établir une différence entre le diesel à usage professionnel et le diesel à usage privé.

Deux conditions doivent alors être respectées :

– la taxation ne doit pas être inférieure au minimum communautaire général ;

– elle ne doit pas non plus être inférieure au niveau national de taxation en vigueur en 2003.

La directive prévoit différents cas d’exonérations obligatoires, de principe, qui s’imposent par conséquent à tous les Etats membres, avec néanmoins une certaine flexibilité.

Le premier concerne la production d’électricité et vise ainsi les produits énergétiques utilisés dans les centrales thermiques pour la production d’électricité, ainsi que l’électricité utilisée pour le maintien de la capacité de production d’électricité, telle que par exemple celle destinée au système de refroidissement des centrales nucléaires.

Cette exonération est destinée à assurer la neutralité de la taxe vis-à-vis des modes de production de l’électricité, en ne taxant que la consommation finale d’électricité et non sa production.

Ce n’est pas une interdiction totale, car le texte n’interdit pas aux Etats membres de prévoir cependant une taxation, sans respect des minima généraux, pour des objectifs environnementaux.

Le deuxième cas vise le transport aérien, à savoir la navigation aérienne autre que l’aviation de tourisme privée, pour les carburants comme pour les combustibles. C’est en fait une pratique internationale.

Là encore, une souplesse est offerte aux Etats membres, qui peuvent limiter l’exonération aux seuls carburéacteurs.

Le troisième cas de figure concerne la navigation maritime dans les eaux communautaires autre que la navigation de plaisance privée, pour les carburants comme pour les combustibles. D’un point de vue économique, elle bénéficie au transport de passagers comme de marchandises, ainsi qu’à la pêche et aux prestations de services exécutées en mer à titre onéreux. Par extension, l’électricité produite à bord des bateaux est aussi exonérée.

Ces exonérations des secteurs aérien et maritime peuvent en outre être aménagées par les Etats membres, selon deux modalités.

D’une part, ceux-ci ont la faculté d’en limiter le champ aux seuls transports internationaux et intracommunautaires.

D’autre part, ils peuvent dans le cadre de conventions bilatérales entre deux Etats membres suspendre ces exonérations. Lorsque ces dernières sont ainsi limitées ou suspendues, le niveau de taxation appliqué peut alors être inférieur aux minima communautaires qui seraient normalement applicables, puisqu’il s’agit d’une application volontaire.

La directive de 2003 reconnaît aux Etats membres un certain nombre de souplesses qui ont chacune des objectifs assez différents. Ceux-ci peuvent ainsi prévoir des exonérations totales ou partielles ou des réductions de taxation, sous contrôle fiscal.

Plusieurs secteurs, filières ou activités sont concernés.

Les premiers visés sont les sources d’énergie nouvelle, les énergies de substitution et les procédés permettant une exploitation plus rationnelle des sources d’énergie classique.

Le texte de la directive vise précisément :

– la recherche, appliquée, avec les projets pilotes ayant pour objectif le développement technologique de produits moins polluants ou bien les combustibles ou carburants provenant de sources renouvelables ;

– l’électricité produite par les sources d’énergie renouvelable.

Sont ainsi expressément cités :

– l’électricité d’origine solaire, éolienne, houlomotrice, marémotrice ou géothermique ;

– l’hydroélectricité ;

– l’électricité produite à partir de la biomasse ou des produits qui en sont issus ;

– celle des piles à combustibles ;

– ainsi que l’électricité issue de la cogénération, à savoir la production combinée de chaleur et d’électricité, dès lors que les générateurs combinés sont respectueux de l’environnement.

Le deuxième secteur cité est celui de la cogénération, c'est-à-dire de la production combinée de chaleur et d’électricité, avec deux éléments :

– d’une part, celui qui vient d’être cité à propos de l’électricité issue de la cogénération ;

– d’autre part, l’exonération des produits énergétiques et de l’électricité utilisées pour la cogénération.

C’est une mesure de cohérence avec l’exonération de principe précédemment citée des produits énergétiques utilisés pour la production d’électricité.

La directive vise également l’utilisation plus rationnelle des sources d’énergie avec la faculté d’un régime d’exonération ou de réduction du niveau de taxation en faveur de l’exploitation du méthane issu des mines de charbon qui ne sont plus exploitées (ce qui réduit d’ailleurs aussi la diffusion naturelle de ce puissant gaz à effet de serre dans l’atmosphère).

Les autres cas de réduction ou d’exonération facultative ne relèvent pas d’une logique de mode de production, mais sont au contraire justifiée par l’usage, jugé indispensable de l’énergie, ou bien en fonction de la nature du produit.

Au chapitre des exonérations ou réductions de taxation au titre de l’usage de l’énergie, on observe :

– les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour les transports ferroviaires de marchandises ou de passagers, avec une approche sectorielle large visant explicitement le train, le métro, le tram et le trolley ;

– les carburants et combustibles pour la navigation sur les voies navigables intérieures, y compris la pêche, de manière à pouvoir faire bénéficier le fluvial d’un régime préférentiel, en excluant, de même que pour le maritime, la plaisance, ainsi que l’électricité produite à bord ;

– le gaz naturel et le GPL utilisés comme carburants ;

– la faculté pour les Etats membres d’aller jusqu’à une exonération totale pour les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour les travaux du secteur agricole au sens large, à savoir les travaux agricoles, horticoles ou piscicoles, ainsi que la sylviculture ;

– certaines utilisations spécifiques de carburant comme l’entretien des voies navigables et des ports avec des cas d’ordre plus marginal, notamment les carburants utilisés dans le domaine de la fabrication, du développement, des essais et de l’entretien des avions et navires, ce qui permet d’assurer si nécessaire la continuité du régime fiscal entre l’amont et l’aval des filières aérienne et maritime, et dans un même esprit de cohérence. Enfin, la directive permet aux Etats membres d’exonérer l’électricité, le gaz, le charbon et les autres combustibles solides consommés par les ménages et/ou par les associations caritatives. Pour ces dernières, l’exonération ou la réduction peut être limitée aux activités non professionnelles.

La directive de 2003 établit un régime de réduction ou d’exonérations d’accises en faveur des biocarburants, dont les Etats membres peuvent librement faire usage. Celui-ci s’applique aux combustibles et carburants partiellement ou totalement composés de certains produits.

La rédaction du dispositif vise ainsi très précisément les bioproduits concernés, à savoir les huiles végétales notamment celles de soja, d’arachide, de palme, de tournesol et de coprah, ainsi que différents corps gras issus de la biomasse, l’alcool éthylique et le méthanol lorsqu’ils ne sont pas issus de procédés de synthèse, et plus généralement, l’ensemble des produits issus de la biomasse y compris ceux issus du bois et du charbon de bois.

Certains autres produits additionnés d’eau sont aussi éligibles à ce régime fiscal privilégié.

Plusieurs précisions qui encadrent ce dispositif.

D’abord, l’exonération ou la réduction de taxation ne peut s’appliquer qu’aux seuls produits de la liste et non aux autres produits qui leur sont associés.

Ensuite, l’avantage fiscal ne peut être supérieur au montant de la taxation qui serait normalement due en cas d’application du droit commun à ces produits bénéficiaires de l’exonération.

En outre, le niveau de taxation des produits partiellement composés de bioproduits peut parfaitement ne pas respecter les minima communautaires de droit commun.

Enfin, il ne doit pas y avoir surcompensation des coûts additionnels des bioproduits, et les Etats doivent prévoir à cette fin des mécanismes de modulation fiscale en fonction de l’évolution des cours de matières premières.

Les biocarburants sont plus coûteux à produire que les hydrocarbures auxquels ils se substituent et exigent en effet des investissements importants.

Aussi, de manière à garantir aux opérateurs un cadre temporel suffisant, un dispositif de garantie pluriannuelle est prévu. Les opérateurs peuvent se voir octroyer une autorisation pour une durée d’au plus six ans, renouvelable, dans le cadre d’un programme pluriannuel.

Ce dispositif a été prévu avec une extinction à partir de la fin de l’année 2012.

Un dispositif de faveur, de réduction d’accises, est également prévu pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie et plus généralement pour celles qui s’engagent dans le cadre d’accords, soit individuellement, soit collectivement à atteindre des objectifs de protection environnementale ou à améliorer leur efficacité énergétique, ou bien lorsque des régimes de permis négociables ou équivalents sont prévus.

Dans le premier cas, le dispositif permet une exonération totale, laquelle est justifiée puisque les entreprises grandes consommatrices d’énergie sont celles dont les achats de produits énergétiques et d’électricité atteignent au moins 3 % du volume de la production et pour lesquelles le montant des accises qui seraient normalement dues atteint au moins 0,5 % de la valeur ajoutée.

Dans le deuxième cas, le niveau de taxation prévu par les Etats membres peuvent représenter 50 % des minima communautaires.

Les accords, permis ou mesures équivalents, qui s’appliquent aussi aux entreprises grandes consommatrices d’énergie, doivent avoir des effets à peu près équivalents à ceux de la taxation au taux normal.

Les déshydrateurs de luzerne sont, en France, des entreprises grandes consommatrices d’énergie.

La directive de 2003 a prévu pour l’entrée en vigueur de ses minima de taxation des délais d’adaptation, se traduisant par des mesures dérogatoires transitoires.

D’une part, une mesure générale a été prévue, jusqu’au 1er janvier 2007, pour les Etats membres se heurtant à des difficultés, notamment en raison des effets sur la stabilité des prix.

D’autre part, des mesures très précises ont été prévues pour plusieurs Etats membres.

Tel a été le cas en faveur de l’Espagne, de l’Autriche, de la Belgique, du Luxembourg, du Portugal, et de la Grèce, pour le gazole utilisé carburant.

La France et l’Irlande, ainsi que la Grèce, ont bénéficié de telles mesures pour l’électricité.

Quant à l’Italie, elle a bénéficié jusqu’au 31 décembre 2008 d’une définition spécifique dans la définition du gazole à des fins commerciales, le niveau de poids des véhicules concernés, qui est de 7,5 tonnes dans le droit commun, étant réduit à 3,5 tonnes.

Par ailleurs, lors de l’adhésion de nouveaux Etats membres, des mesures dérogatoires ont également été prévues, en leur faveur.

L’annexe II de la directive 2003/96/CE a permis aux Etats membres de continuer à appliquer, à titre dérogatoire, des niveaux de taxation réduit ou des exonérations, pour des produits très spécifiques ou pour des usages très précis, ainsi que, mais ce point est évoqué au 3) ci-après, pour certains territoires.

La liste de ces dérogations étant particulièrement longue, on observera uniquement que :

– tous les anciens Etats membres bénéficient de telles mesures, dont certaines, temporaires, sont d’ailleurs venues à échéance,

– seuls cinq des Etats membres qui ont adhéré en 2004 ont souhaité en bénéficier, à savoir la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, Malte et la Pologne ;

– la navigation de plaisance privée bénéficie d’un régime fiscal de faveur dans un grand nombre de pays, parmi lesquels la Belgique, l’Irlande, la France (uniquement en Corse, pour l’essence distribuée dans ses ports), la Finlande et le Royaume-Uni. Pour la navigation aérienne privée, ont prévu un régime de faveur le Danemark, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, la Finlande et le Royaume-Uni ;

S’agissant enfin de la France, un régime préférentiel a ainsi été prévu pour l’aquazole qui a été abandonné, ainsi que pour le gaz des véhicules de collecte des ordures qui fonctionnent avec ce carburant.

Certains territoires, principalement mentionnés à l’annexe II de la directive de 2003, bénéficient au sein des Etats membres de régimes de faveur, pour certains produits seulement, le plus souvent.

Sont ainsi concernés cinq Etats membres et plus précisément mentionnés :

– pour la Grèce, plusieurs îles, en ce qui concerne les carburants (gazole et essence) ;

– pour la France, la Corse, qui peut bénéficier d’une taxation différenciée pour tous les produits dès lors que ceux-ci sont au-dessus du minimum communautaire, et d’un régime de faveur pour la navigation privée comme on l’a vu (essence distribuée dans les ports) et la production d’alumine (oxyde d’aluminium) dans la région de Gardane ;

– pour l’Irlande, la production d’alumine dans la région de Shannon ;

– pour le Portugal, les produits énergétiques et l’électricité utilisés aux Açores et à Madère, afin de compenser les frais liés à l’insularité et à l’éloignement ;

– pour l’Italie, les dérogations territoriales sont plus nombreuses, et à titre d’illustration, on peut citer le régime général applicable à tous les produits dans le Val d’Aoste et à Gorizia, l’essence consommée sur le territoire de la région Frioul-Vénétie Julienne, les huiles minérales consommées dans les régions de l’Udine et de Trieste, celles destinées à la production d’alumine en Sardaigne, ainsi que le mazout ou le fioul pour les fours destinés à sécher et faire fonctionner les tamis moléculaires en Calabre.

II. DES RÉSULTATS RELATIFS

Dans le cadre de ses rapports trimestriels, l’Agence internationale de l’énergie suit les prix de vente des produits énergétiques les plus courants.

Les données collectées permettant ainsi de constater qu’en raison des niveaux de taxation, les prix des produits énergétiques les plus courants pour les ménages, essence, diesel et gazole de chauffage, sont plus élevés en Europe par rapport au reste du monde, notamment vis-à-vis de l’Amérique du Nord.

Le rapport de prix avec les Etats-Unis va ainsi dans l’ensemble du simple et double, et même au-delà.

Les pays sans ressource énergétique propre, Israël, le Japon et la Corée, notamment, se rapprochent cependant du modèle européen : la taxation de l’énergie est une forme de taxation des importations.

Pour ce qui concerne l’essence sans plomb (unleaded gasoline), le niveau recensé au deuxième trimestre 2011 était ainsi de 76 cents de dollar le litre au Mexique et d’environ 1 dollar aux Etats-Unis, à comparer avec les pays européens allant de 1,8 dollar en Estonie jusqu’à 2,4 dollars aux Pays-Bas et en Grèce, et environ 2,2 dollars en France.

Le graphique ci-après donne le détail de ces éléments.

Essence sans plomb : niveau des prix au deuxième trimestre 2011

Source : Agence internationale de l’énergie.

La part des taxes n’a représenté que 13,1 % du prix de vente au consommateur aux Etats-Unis, et 13,8 % au Mexique, contre un minimum de 48,3 % au Luxembourg et un maximum de 59,4 % au Royaume-Uni, et de 56,4 % en France, comme le montre le graphique suivant.

Essence sans plomb : part des taxes dans le prix au deuxième trimestre 2011

Source : Agence internationale de l’énergie.

S’agissant du carburant diesel à usage non commercial, on constate le même phénomène, même si la hiérarchie des pays européens est un peu différente.

Le prix au litre était d’environ 75 cents de dollar américain au Mexique, au second semestre 2011, de 97 cents aux Etats-Unis et à l’opposé, de quelque 2,15 dollars au Royaume-Uni et 2,10 dollars en Suède (1,83 dollar le litre en France).

Le niveau de taxation était le plus élevé au Royaume-Uni (60,5 % du prix de vente) contre 14,5 % aux Etats-Unis et 13,4 % en Nouvelle-Zélande.

Les graphiques ci-après reprennent en détail les données correspondantes.

S’agissant du diesel pour les ménages, on constate également le même phénomène, comme le montrent les deux graphiques qui suivent.

Prix du gazole carburant et part des taxes dans celui-ci au deuxième trimestre 2011

Source : Agence internationale de l’énergie.

L’électricité fait l’objet d’un suivi uniquement statistique, sans graphique.

On constate ainsi que le prix dans les pays européens de l’OCDE était au dernier trimestre de 2010 de 22 cents de dollar le kilowatt/heure, alors qu’il n’était que de 15,6 cents en moyenne dans l’ensemble de l’OCDE et de 11,5 cents aux Etats-Unis et 9,5 cents au Canada.

Le découplage des tarifs et des niveaux de taxation pour les industriels et les particuliers se traduit par un écart moindre entre les prix de l’énergie en Europe et dans le reste de l’OCDE, en raison des impératifs de compétitivité des secteurs exposés à la concurrence internationale.

S’agissant du fioul léger à usage industriel, le rapport de prix entre les pays européens de l’OCDE s’est ainsi établi à environ 1,2, soit un écart de 20 %, avec 825 dollars pour 1 000 litres contre 670 dans l’ensemble de la zone, et 567 aux Etats-Unis. En France, le prix était de 749 dollars et en Allemagne de 717 dollars.

Pour ce qui concerne l’électricité, les données relatives à 2009 mentionnent un écart plus élevé, de l’ordre de 40 % à raison de 13,9 cents de dollar américain pour les membres européens de l’OCDE et 10,4 cents pour l’ensemble de la zone.

Avec 7 cents pour le Canada et 6,8 cents hors taxe pour les Etats-Unis, l’Amérique du Nord apparaît très bon marché, eu égard à la France (10,6 cents) et à l’Allemagne (10,9 cents en 2007, dernière donnée publiée).

En revanche, on observe en 2010 un écart de prix de l’ordre de 50 %, pour le gaz naturel à raison de 456,6 dollars pour dix milliards de kilocalories en Europe et de 283,3 dollars seulement en moyenne pour l’OCDE. Avec 484,4 dollars, la France est dans une situation comparable à l’Italie (483), mais moins favorable que le Royaume-Uni (303 dollars) et les Etats-Unis (207 dollars).

Les niveaux de taxation sont largement le résultat de l’histoire. En effet, dans les différents pays, les accises ont été fixées à l’origine de manière pragmatique de manière à obtenir un certain rendement fiscal.

Ensuite, des évolutions sont intervenues, avec ainsi des choix précis en faveur ou en défaveur de telle ou telle source d’énergie, selon les capacités d’approvisionnement, les besoins d’importation, et parmi celles-ci, l’état des relations avec les pays fournisseurs.

On constate ainsi plusieurs éléments, à partir des données établies par Eurostat qu’à défaut d’histoire et de ressources naturelles identiques, les Etats membres présentent des profils spécifiques.

Le poids de la fiscalité environnementale, dont la fiscalité énergétique est la composante essentielle, est ainsi très différent d’un pays à l’autre et permet de distinguer plusieurs catégories d’Etats membres :

– d’une part, les Etats membres où le niveau de la fiscalité environnementale est élevé par rapport au PIB et où il représente une part importante des prélèvements obligatoires fiscaux et sociaux : pays d’Europe centrale et orientale avec la Pologne, la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la République tchèque et la Slovénie, et certains Etats membres de la façade atlantique : Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni et Portugal ;

– les pays où cette fiscalité est élevée par rapport au PIB, mais pas au niveau des prélèvements obligatoires : Autriche, Finlande, Italie, Luxembourg, Hongrie et Suède ;

– les Etats membres à fiscalité environnementale modérée par rapport au PIB et aux prélèvements obligatoires : Allemagne, France, Grèce, Lituanie et Slovaquie ;

– le cas de l’Espagne où la fiscalité environnementale est proportionnellement peu élevée, quelque soit le critère de référence.

La carte ci-après récapitule ces éléments.

Part de la fiscalité environnementale dans le PIB et dans les prélèvements obligatoires

Le graphique ci-après montre que l’écart de la fiscalité environnementale dans le PIB va de 1 à 3 en Europe.

Part de la fiscalité environnementale dans le PIB en 2009

Eurostat calcule le taux d’imposition implicite de l’énergie, qui exprime en euros le montant prélevé par unité de consommation finale d’énergie exprimée en tonne par millier d’équivalent pétrole.

Les derniers chiffres disponibles pour le plus grand nombre d’Etats membres sont ceux de 2009.

On distingue clairement plusieurs catégories de pays.

Il s’agit d’abord de ceux dont le taux de taxation implicite est supérieur à 200. Ce sont le Danemark (286 euros par MTEP), l’Italie (208 euros par MTEP), l’Allemagne (203 euros par MTEP) et les Pays-Bas (202 euros par MTEP).

Ensuite autour de la moyenne communautaire (161 pour les Vingt-sept et 165 pour les Vingt-cinq), mais en général au-dessus, on observe les pays suivants : la Suède (179), le Royaume-Uni (177), l’Irlande (176), Malte (170), le Luxembourg (166), la Slovénie (163), ainsi que la France, avec 158, et l’Autriche qui sont clairement les deux pays de ce groupe où le taux de taxation implicite de l’énergie est le moins important.

Enfin, le troisième groupe comprend les pays où le taux de taxation énergie est soit faible, soit très faible.

Parmi les premiers, on trouve la Finlande (118), la Belgique (103) et la Lituanie (95).

Pour ce qui concerne les seconds, qui sont globalement à moins de la moyenne communautaire, il y a la Pologne (84), la Bulgarie (72), la Lettonie (52) et la Roumanie (27).

Le graphique suivant récapitule ces éléments, sur d’autres années de référence.

Les différences de prix de l’énergie au détail sont également sensibles, comme l’illustrent quelques exemples.

– les carburants

Les carburants sont les produits énergétiques dont les prix sont les plus observés.

Leurs écarts sont ainsi régulièrement publiés. Comme l’indique le graphique suivant, pour le prix de l’essence en 2007, leurs prix sont assez inégaux en Europe.

Les pays où ils sont les plus onéreux sont les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Pour la période plus récente, le tableau suivant, publié sur un site anglais d’information des consommateurs, permet de constater l’importance des écarts et que même si ce n’est pas systématique, il y a globalement une corrélation entre le prix du carburant et le niveau de richesse du pays.

Prix courant au 14 décembre 2011 d’essence sans plomb 95 et de gazole (diesel)

(en euros par litre)

Pays

SP 95

Gazole

Allemagne

1,47

1,36

Autriche

1,33

1,33

Belgique

1,44

1,32

Rép. tchèque

1,33

1,34

Danemark

1,49

1,35

Espagne

1,29

1,31

France

1,49

1,36

Grèce

1,62

1,42

Hongrie

1,19

1,18

Irlande

1,50

1,45

Italie

1,71

1,70

Lettonie

1,29

1,33

Luxembourg

1,27

1,20

Norvège

1,65

1,65

Pays-Bas

1,55

1,32

Pologne

1,19

1,20

Portugal

1,50

1,40

Royaume-Uni

1,58

1,69

Slovaquie

1,46

1,39

Slovénie

1,32

1,28

Suède

1,48

1,54

Suisse

1,34

1,42

C’est largement le résultat des écarts de taxation, avec au Royaume-Uni une très forte taxation du gazole comme de l’essence, comme l’indiquent les graphiques suivants.

Pour le gazole, on a un écart de un à deux entre le Luxembourg et le Royaume-Uni.

Pour ce qui concerne l’essence sans plomb, les écarts constatés sont moindres, et ce sont les Pays-Bas qui ont le niveau de taxation le plus élevé.

– Une électricité dans l’ensemble moins chère en France

Les dernières statistiques publiées par Eurostat permettent de distinguer les prix de l’électricité pour les ménages et pour les entreprises.

S’agissant des ménages, le prix de facturation de l’électricité allait de 17,3 centimes d’euros le kilowatt/ heure à 6,9 centimes en Bulgarie.

Au dessus de la moyenne communautaire (12,5 centimes), on trouve Malte (16,2 centimes), l’Espagne (16 centimes), l’Irlande (15,8 centimes) et la Belgique (15,7 centimes).

Ensuite, entre 13,5 et 15 centimes, on trouve l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. Avec 9,9 centimes, la France est l’un des pays où l’électricité facturée aux ménages est très compétitive.

C’est en partie le résultat de la fiscalité, car deux pays ont des niveaux de taxation très élevés : le Danemark et les Pays-Bas.

Minimum excise duty 1,00 EUR per MWh

Pour ce qui concerne les entreprises, le prix de l’électricité était moins onéreux à raison de 9,36 centimes d’euros le kilowatt/heure en moyenne.

Si l’on excepte les cas particuliers des deux Etats insulaires de petite taille que sont Malte et Chypre, le prix de l’électricité était plus élevé pour les entreprises en Slovaquie (12,3 centimes) et en Italie (11,7 centimes), ainsi qu’en Irlande (11,2 centimes), en République tchèque (11 centimes) et en Espagne (10,8 centimes).

Avec 7,9 centimes, la France reste plus compétitive, mais on observera que l’écart est moindre avec ses principaux partenaires économiques, autour de 10/11 centimes (Allemagne et Royaume-Uni).

 

Prix de l’électricitz (par kWh)

 

Particuliers (1)

Industrie (2)

 

2008s1

2009s1

2010s1

 

2008s1

2009s1

2010s1

 

UE-27

0,16

0,16

0,17

 

0,10

0,11

0,10

 

Zone euro (EA-16)

0,16

0,17

0,18

 

0,10

0,11

0,11

 

Belgique

0,20

0,19

0,20

 

0,11

0,11

0,11

 

Bulgarie

0,07

0,08

0,08

 

0,06

0,06

0,06

 

Rép. tchèque

0,13

0,13

0,13

 

0,11

0,11

0,10

 

Danemark

0,26

0,27

0,27

 

0,09

0,09

0,09

 

Allemagne

0,21

0,23

0,24

 

0,11

0,11

0,11

 

Estonie

0,08

0,09

0,10

 

0,06

0,06

0,07

 

Irlande

0,18

0,20

0,18

 

0,13

0,12

0,11

 

Grèce

0,10

0,12

0,12

 

0,09

0,09

0,09

 

Espagne

0,14

0,16

0,17

 

0,10

0,12

0,12

 

France

0,12

0,12

0,13

 

0,07

0,07

0,07

 

Italie

0,20

0,21

0,20

 

0,14

0,15

0,14

 

Chypre

0,18

0,16

0,19

 

0,14

0,12

0,15

 

Lettonie

0,08

0,11

0,10

 

0,07

0,09

0,09

 

Lituanie

0,09

0,10

0,12

 

0,08

0,09

0,10

 

Luxembourg

0,16

0,19

0,17

 

0,10

0,12

0,10

 

Hongrie

0,15

0,15

:

 

0,11

0,12

:

 

Malte

0,10

0,17

:

 

0,12

0,15

:

 

Pays-Bas

0,17

0,19

0,17

 

0,10

0,11

0,10

 

Autriche

0,18

0,19

0,20

 

0,11

:

:

 

Pologne

0,13

0,11

0,13

 

0,09

0,09

0,10

 

Portugal

0,15

0,15

0,16

 

0,09

0,09

0,09

 

Roumanie

0,11

0,10

0,10

 

0,09

0,08

0,09

 

Slovénie

0,11

0,13

0,14

 

0,09

0,10

0,10

 

Slovaquie

0,14

0,15

0,15

 

0,12

0,14

0,12

 

Finlande

0,12

0,13

0,13

 

0,06

0,07

0,07

 

Suède

0,17

0,16

0,18

 

0,07

0,07

0,08

 

Royaume-Uni

0,15

0,15

0,14

 

0,10

0,11

0,10

 

La fiscalité est assez inégale avec deux pays de forte taxation : les Pays-Bas et le Danemark.

– un niveau du prix du gaz moins favorable en France

S’agissant des ménages, le prix moyen recensé par Eurostat était de 11,9511 euros par Gigajoule en moyenne pour 2011.

Il était particulièrement élevé en Suède, en raison de la politique très volontariste de taxation précitée, à raison de 18,345 euros, ainsi que dans une moindre mesure au Danemark (16,467 euros) et au Portugal (15,75 euros).

Avec 13,43 euros, la France se situait au-dessus de la moyenne, dans un niveau de prix comparable avec l’Allemagne (12,08 euros), l’Espagne (12,62 euros) et l’Italie (12,25 euros).

C’est en partie le reflet du niveau de taxation, étant donné le caractère très élevé des prélèvements dans certains pays.

Minimum excise duty : 0,3 EUR per gigajoule

Pour ce qui concerne les entreprises, le prix recensé par Eurostat était supérieur à la moyenne communautaire de 8,84 euros par Gigajoule en Suède (11,745 euros), en Allemagne (11,58 euros), au Luxembourg (11,748 euros), ainsi qu’en Irlande (9,9 euros), en France (9,86 euros), au-dessus de la moyenne, et en Lituanie (9,74 euros).

Il était d’un niveau intermédiaire en Italie (8,24 euros), et nettement moins cher au Royaume-Uni (6,472 euros) et aux Pays-Bas (7,49 euros).

Minimum excise duty : 0,15 EUR per gigajoule

– Des niveaux de taxation du fioul comme combustible moins importants pour les entreprises que pour les ménages dans certains pays

Pour le fioul comme combustible (fioul de chauffage pour les ménages), des niveaux moins importants de taxation ont été prévus pour les entreprises dans deux Etats membres caractéristiques : la Suède et Malte.

Sinon, on observe que le niveau de taxation des entreprises est en principe moindre, mais que le profil de tarification est clairement le même.

Les différences de niveau des prix des carburants permettent la pratique du tourisme pétrolier, particulièrement aisé dans les zones frontalières et également aisé pour les poids lourds en raison de la capacité des réservoirs, avec selon les constructeurs, un étagement des contenances allant de 500 à 1 500 litres.

Pour un véhicule ayant une consommation de 40 litres aux cents kilomètres, on voit donc qu’une autonomie de plusieurs milliers de kilomètres permet soit de faire des détours pour bénéficier de moindres prix, soit de ne faire des ravitaillements que lorsque les prix sont favorables.

De ce point de vue, le Luxembourg est souvent cité. Selon les informations publiées par la DG TAX UD, son niveau de taxation de 320 euros, dérogatoire par rapport au minimum de 330 euros, pour 1 000 litres, y compris une contribution contre le changement climatique de 25 euros, est inférieur à celui de la France (hors remboursement des transporteurs), à raison de 428,40 euros par litre et l’Allemagne (470 euros).

L’avantage est par conséquent, une fois prix en compte les écarts de prix de vente hors taxes et de TVA – ce dernier à l’avantage du Luxembourg – de 120 euros pour un plein de 1 000 litres par rapport à la France et de 150 euros par rapport à l’Allemagne.

Comme l’indique le tableau suivant, la fiscalité énergétique représente l’essentiel de la fiscalité environnementale, à raison des trois quarts en 2009.

Pour l’ensemble des Vingt-sept, le produit s’est établi à 212 milliards d’euros, soit 4,68 % des prélèvements obligatoires et environ la moitié de l’impôt sur les sociétés.

Le tableau suivant récapitule ces éléments.

Les taxes représentent une part essentielle des prix des produits énergétiques dans les pays européens.

Les graphiques publiés au 1) du A ci-dessus montrent, pour ce qui concerne les carburants, que la proportion est au moins de 48 % (Luxembourg) et qu’elle va jusqu’à plus de 59 % (Royaume-Uni) pour l’essence. Elle est pour le gazole (diesel) dans une fourchette à peu près similaire, allant de 40 % en Grèce à 60 % au Royaume-Uni.

Pour la France, le niveau actuel des taxes, taxe intérieure sur les produits pétroliers et TVA, est donné pour les produits pétroliers par le tableau suivant.

On voit que le niveau de taxation est de l’ordre de 50 % du prix pour les carburants (un peu plus pour l’essence et un peu moins pour le diesel) et de l’ordre de 20 % pour les combustibles de chauffage (fioul domestique et GPL-c).

Le tableau ci-après, publié par l’Union française des industries pétrolières (UFIP) donne la décomposition des prix des carburants, dans les principaux pays de l’Union européenne.

On constate que pour l’essence sans plomb, le niveau des taxes est supérieur au prix hors taxe dans tous les pays étudiés, sauf pour le Luxembourg et l’Espagne, où il est un peu inférieur.

Pour le gazole (Diesel), le niveau des taxes apparaît un peu inférieur au prix hors taxe, mais d’un niveau comparable.

En définitive, comme le montre le tableau suivant, le niveau de taxation des carburants implique en Europe un doublement des prix, dans l’ensemble.

Cet effet sur les prix est un élément important, mais il est contesté par les associations de consommateur qui estiment que d’autres solutions que celles qui grèvent le budget des ménages peuvent être mises en œuvre, notamment celles visant à développer les économies d’énergie.

L’érosion de la part de la fiscalité environnementale, dont l’essentiel est constitué de la fiscalité énergétique, dans le PIB a été relevée par la Commission européenne. Les statistiques d’Eurostat font apparaître une diminution de - 0,3 point de PIB de 1995 à 2009 et également de 2000 à 2009.

C’est donc au cours de la dernière décennie qu’est intervenue la baisse. Elle est générale et homogène tant pour les Vingt sept, que pour les Vingt cinq et les Etats membres de la zone euro : on est passé de 2,7 % à 2,4 % de 2000 à 2009 pour les deux premières zones et de 2,6 % à 2,3 % pour les pays membres de la zone euro.

Une même évolution concerne la part de la fiscalité environnementale dans les prélèvements obligatoires.

Evolution de la fiscalité environnementale dans les Etats membres

En France, la part de la fiscalité environnementale dans le PIB est passée de 2,2 % en 2001 à 2,1 % en 2009. Elle était de 2,7 % en 1999.

La Commission européenne attribue cette diminution lente mais régulière à deux facteurs : d’une part, l’absence d’indexation des accises par rapport à l’inflation ; d’autre part, une certaine réduction de la base par des mesures catégorielles, notamment celles relatives à la fiscalité du gazole routier.

Pour la France, l’évolution du niveau des accises depuis vingt ans n’a pas été non plus en phase avec l’évolution des prix, comme le montre le tableau suivant, établi par l’UFIP.

En effet, d’abord, l’augmentation n’a porté que sur les carburants, et non sur les combustibles.

Ensuite, celle sur les carburants a essentiellement été réalisée entre 1993 et 2000. Depuis lors, tel n’est pas le cas. Ainsi, pour l’essence sans plomb, le niveau de la taxation a suivi, à peu près, l’inflation, qui a été de 50 % entre 1989 et 2011. Depuis 2000, l’augmentation a été de 5 %, alors que l’inflation s’est établie quant à elle à 23 %.

S’agissant du gazole carburant, la stratégie de rattrapage fiscal a été abandonnée également à partir de 2000, avec une augmentation de 39 centimes à 43 centimes, soit 10 % seulement.

Selon les éléments statistiques d’Eurostat, les résultats en matière d’émission de gaz à effet de serre ont été dans l’ensemble assez mitigés depuis le début des années 2000.

Pour les quinze Etats membres les plus anciens, on est ainsi passé, par rapport à la référence de 100 définie selon les modalités de mise en œuvre du protocole de Kyoto, de 99 en 2003 à 96 en 2007 et à 87 en 2009, sous l’effet d’ailleurs de la crise économique.

Cette inégalité dans les résultats conduit à observer quatre catégories d’Etats membres.

D’abord, il y a le cas particulier des pays d’Europe centrale et orientale, dont les résultats par rapport à la référence de Kyoto (l’indice 100) sont excellents, car la modernisation de l’économie s’est traduite par la fermeture ou la modernisation des anciennes installations fonctionnant selon les « normes soviétiques », extrêmement polluantes.

Ensuite, se présente le cas des Etats membres qui étaient déjà en 2003 en dessous du niveau de référence et qui ont progressé: l’Allemagne (84 en 2003, par rapport à une norme qui intégrait les équipements de l’ex-Allemagne de l’Est et 75 en 2009), la France (100 en 2003 et 92 en 2009), la Suède (98 en 2003 et 83 en 2009) et le Royaume-Uni (85 en 2003 et 73 en 2009).

Par ailleurs, il y a le cas des pays dépassant le niveau de référence en 2003 et qui sont passés en dessous en 2009 : l’Italie (111 en 2003, 95 en 2009) ; les Pays-Bas (101 en 2003 et 93 en 2009), la Finlande (119 en 2003 et 93 en 2009).

Enfin, se trouve le cas des pays membres qui en dépit des progrès effectués restent au-dessus de la référence de Kyoto en 2009 : le Portugal (136 en 2003 et 124 en 2009), l’Autriche (116 en 2003 et 101 en 2009), l’Espagne (139 en 2003 et 127 en 2009), la Grèce (122 et 115 respectivement) et l’Irlande (122 et 112 respectivement).

Pour ce qui concerne les secteurs d’activité, les statistiques disponibles montrent des résultats très variables depuis 1996, avec pour les émissions professionnelles, hors ménages, une légère diminution des émissions, qui sont passées de 4 351 à 4 301 millions de tonnes, mais avec une augmentation des émissions du secteur des transports et communications (518 millions de tonnes d’équivalent CO2 contre 384) et de la production d’énergie, de gaz et d’eau (1 511 millions de tonnes contre 1 439), compensant une diminution de l’ensemble des autres secteurs, comme l’indique le tableau ci-après.

Analyse des émissions de gaz à effet de serre par secteur d’activité
(à l’eclusion des ménages)

(% du total, fondé sur les équivalents CO2 des CO2, CH4 et N2O)

 
       
 

(équivalents tonnes de CO2)

 
 

1996

2006

 

Agriculture, chasse, sylviculture & pêche

597 279 786

550 937 681

 

Mines et extractions

165 525 518

117 797 178

 

Industrie

1 221 207 035

1 115 412 947

 

Electricité, gaz & eau

1 439 059 447

1 511 799 658

 

Transport, stockage & communications

384 411 719

517 655 130

 

Autres services & construction

543 738 671

487 466 115

 

Total

4 351 222 176

4 301 068 710

 
       

(1) Estimation

     

Source : Eurostat .

     

Par voie de conséquence, comme l’illustre le graphique suivant, la répartition des secteurs s’est modifiée.


Source : Eurostat.

Le SEQE (système européen des quotas d’émission de gaz à effet de serre ou ETS en anglais) a été mis en place par la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 relative au système européen de quotas d’émission (directive quotas) qui a été profondément remaniée en 2009.

Les deux premières phases ont été des phases de recensements des installations concernées et d’attribution des quotas aux Etats membres et ensuite aux exploitants. Entre 2005 et 2007, s’est déroulée la phase pilote pour établir notamment un prix du carbone et des quotas nationaux. Puis à partir de 2008, s’est déroulée la phase d’attribution gratuite des quotas et pour les cas de dépassement, la faculté d’acquérir un supplément de quota sur le marché, certaines quantités ayant été mises en cession par les entreprises détentrices des installations excédentaires.

Pour l’ensemble de l’Europe, environ 12 000 installations ont été répertoriées, dont 1 300 environ en France.

D’un point de vue sectoriel, le dispositif s’est appliqué aux installations relatives aux activités suivantes : cogénération ; installations de combustion ; raffineries de pétrole ; fours à coke ; usines sidérurgiques ; usines de fabrication de ciment, verre, chaux, briques, céramique, pâte à papier et papier.

En 2012 commence la troisième phase, qui a été prévue par la directive 2009/29/CE adoptée dans le cadre du paquet « énergie-climat » précité, présenté par la Commission européenne en 2008.

Pour l’essentiel, les principes suivants ont été retenus :

– la limitation des émissions de l’industrie européenne, avec une réduction de 1,74 % par an des quotas chaque année, pour parvenir à l’objectif d’une réduction de 20 % des niveaux d’émission en 2020 ;

– un champ d’application plus étendu que celui prévu en 2003 avec non seulement une accroissement de la liste des gaz concernés (c’est le CO2 qui est le gaz à effet de serre le plus courant, mais il n’est pas le seul) et surtout des secteurs (le transport aérien notamment) ;

– un renversement du principe a été opéré à partir du 1er janvier 2013 : ce n’est plus celui de l’attribution gratuite des quotas d’émission mais au contraire celle du paiement à partir de la première tonne.

Ce principe s’applique toutefois avec tempérament avec le maintien d’attributions gratuites pour les secteurs menacés de fuites de carbone, c'est-à-dire de délocalisation de la production.

Le SEQE et la taxation de l’énergie répondent en partie au même objectif, qui est la maîtrise de la consommation de produits énergétiques et d’électricité pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.

L’exigence d’une coordination entre les deux mécanismes a été soulignée dès 2008 par le Conseil « Ecofin » avec deux objectifs : améliorer l’efficacité de l’ensemble et éviter les coûts excessifs ; établir un prix pour les émissions au niveau national et européen.

C’est qu’elle doit être spécifique et explicite car elle ne se réalise par automatiquement. Les deux mécanismes ne relèvent pas de la même logique : la directive sur la taxation des produits énergétique vise les usages de l’énergie pour produire de la chaleur ou alimenter des moteurs ; le SEQE concerne les installations de certains secteurs précis et les équipements fonctionnant à partir de la combustion des produits énergétiques et d’une certaine taille (20 Mégawatts).

Les transports, l’agriculture et les ménages sont hors champ, car en principe taxés.

En fait, on constate actuellement les deux situations typiques d’un défaut de coordination avec :

– des entreprises qui relèvent des deux mécanismes. C’est d’abord le cas des secteurs listés dans le cadre de la directive SEQE et non exclus ou partiellement exclus de la directive taxation des produits énergétiques. Les secteurs concernés sont le secteur du papier et de la pâte à papier, ainsi que certaines activités de l’industrie chimique. C’est ensuite le cas des activités utilisant des équipements lourds de combustion, notamment certaines industries mécaniques et de quelques activités de biens de consommation telles que le textile ;

– certaines entreprises qui ne relèvent d’aucun des deux mécanismes : ce sont les secteurs exclus de la directive taxation de l’énergie et leurs équipements sont en deçà des seuils d’assujettissement au SEQE : moins de 35 Mégawatts et moins de 25 000 tonnes d’émissions annuelles de CO2.

DEUXIEME PARTIE :
UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE INSPIRÉE PAR DES PRINCIPES PERTINENTS ET COHÉRENTS, MAIS QUI SUSCITE D’IMPORTANTES RÉSERVES ET DONT LES EFFETS SECTORIELS DOIVENT PAR CONSÉQUENT ÊTRE MAITRISÉS POUR POUVOIR ÊTRE SOUTENUE

I. UNE APPROCHE RATIONNELLE ET COHÉRENTE DE LA TAXATION DE L’ÉNERGIE, SELON DES CRITÈRES OBJECTIFS

Le barème dont la Commission européenne propose l’application à partir de 2013 serait assis sur deux critères :

– les émissions de CO2 du produit énergétique concerné, appelée taxation liée au CO2 ;

– la quantité d’énergie consommée, à savoir le contenu énergétique du produit, appelée taxation générale de la consommation d’énergie.

Le niveau de mise en œuvre du premier critère s’établirait à 20 euros par tonne. C’est un chiffre qui n’est pas jugé excessif, mais qui n’est pas en phase avec le cours de la tonne de CO2 tel qu’il est actuellement constaté sur le marché des échanges de quotas.

Il est en revanche conforme aux niveaux qui ont été atteint en 2008 lors de la mise en marche du système communautaire d’échange de quotas.

A la date de la rédaction du présent rapport, celui-ci se situait entre 8 euros et 8,5 euros la tonne.

C’est également un prix différent de celui retenu pour la contribution carbone par le Gouvernement, en 2009, qui devait être mis en œuvre au 1er janvier 2010, avec un montant initial de 17 euros la tonne de CO2, et qui a été annulé par le Conseil constitutionnel.

Il est aussi inférieur au niveau proposé, en 2009, par la commission contribution énergie climat présidée par M. Michel Rocard, qui était de 32 euros la tonne.

Pour la tarification de la taxation générale de la consommation d’énergie, le texte reprend le schéma actuel avec des barèmes distincts pour les carburants, selon leur usage, les combustibles et l’électricité, et avec pour les deux premières catégories une liste des principaux produits.

Cette tarification est permise par les progrès accomplis en la matière, notamment avec la notion de pouvoir calorifique inférieur défini tant par la directive 2006/32/CE relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques, ainsi que, pour les produits issus de la biomasse, par la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

Ces niveaux européens de taxation resteraient des minima.

Conformément à l’article 113 sur le fonctionnement de l’Union européenne, et à sa rédaction directement issue du traité de Rome, la compétence européenne en matière d’impôts directs n’est qu’une compétence d’harmonisation, et l’Union ne peut donc fixer que des minima que les Etats membres peuvent dépasser s’ils le souhaitent.

Ces principes de taxation sont en rupture avec les niveaux de taxation constatés, établis sur des bases pragmatiques et relevés ou aménagés de la même manière.

Cette innovation est, pour la Commission, justifiée par plusieurs objectifs :

– la nécessité de donner au consommateur, en pesant sur les prix, un signal sur les émissions de gaz carbonique, alors qu’actuellement, tel n’est pas le cas ;

– la nécessité de donner également un signal sur la quantité d’énergie consommée. Actuellement, tel n’est pas le cas. Le gaz et le fioul de chauffage ne sont pas taxés selon des modalités telles que la contribution de l’utilisateur, fondée sur la quantité de fluide consommée, reflète sa consommation d’énergie. Il y a donc des distorsions et selon le mode de chauffage dont un foyer est équipé, sa sensibilité à la question énergétique ne sera pas la même ;

– l’absence de signal clair sur la question des économies d’énergie, car actuellement des changements de produits permettent aux utilisateurs de faire des économies, sans pour autant que leur consommation d’énergie ou leurs émissions de CO2 ne baissent.

Dès lors que la taxation des produits énergétiques est assise sur deux critères objectifs, la Commission européenne propose également de taxer au même barème les produits ayant le même usage, carburant ou bien combustible.

Par conséquent elle prévoit que dès lors que les minima communautaires sont les mêmes, les Etats membres soient obligés de taxer ces produits de manière identique, sans différenciation.

C’est une innovation majeure par rapport à la directive 2003/96/CE.

Elle est cependant lourde de conséquence, car elle implique des réalignements tarifaires.

Tel est notamment le cas avec un alignement du diesel par rapport à l’essence, qui implique une très forte augmentation de la taxation du diesel et un relèvement de son prix.

D’ailleurs, la Commission européenne a prévu une échéance peu rapprochée, 2023, pour son application.

La proposition de directive prévoit une actualisation des barèmes de taxation, pour éviter le défaut actuel de la directive 2003/96/CE où l’absence de réévaluation a conduit à la diminution, en termes relatifs, du niveau de la taxation par rapport à ce qu’il était à l’origine.

Par conséquent, la proposition de directive prévoit une révision des minima de taxation.

S’agissant de la taxation de la consommation générale d’énergie, il s’agit d’une révision triennale selon l’indice des prix à la consommation hors énergie et hors matières premières alimentaires, publié par Eurostat.

Cette exclusion des produits alimentaires et énergétiques se justifie par la nécessité d’éviter de perturber la réévaluation des minima, les prix des produits alimentaires non transformés et des produits énergétiques étant en effet très volatils et leur prise en compte pouvant par conséquent entraîner des mouvements d’ampleur inopportune à la hausse comme à la baisse.

Pour ce qui concerne la composante CO2, une actualisation est prévue, de manière moins fréquente, dans le cadre de la procédure de réexamen quinquennal de la directive.

Il s’agit d’une disposition nécessaire, mais que l’on peut aussi considérer comme a minima, dans la mesure où il serait normalement nécessaire de prévoir un réexamen plus fréquent pour éviter tout risque de distorsion entre le prix du CO2 sur le marché des quotas d’émission et celui tel qu’il est prévu par le barème fiscal.

Comme on l’a vu, la directive actuelle permet aux Etats membres d’appliquer un taux réduit sur les produits constitués par un biocarburant ou qui contiennent un biocarburant. La réduction du tarif ne doit pas aboutir à une surcompensation des coûts.

La proposition prévoit trois modifications :

– d’abord, elle réserve le régime des biocarburants aux produits respectant des critères de durabilité prévus par la directive 2009/28/CE. Lorsque ce n’est pas le cas, les valeurs des facteurs d’émission et du pouvoir calorifique inférieur sont ceux du carburant ou du combustible équivalent. Comme la directive 2007/589/CE répute que le facteur d’émission de CO2 des biocarburants est égal à 0, on mesure le risque encouru ;

– pour la taxation générale de la consommation d’énergie, la Commission européenne propose que les Etats membres qui le souhaitent appliquent jusqu’en 2023 une exonération ou une taxation réduite sur la part « énergie » des biocarburants et des produits en contenant, dès lors que les critères précités de durabilité sont respectés.

Le régime est assez lourd, car il implique en fait des contrôles ex post pour les produits non normalisés, dont la quantité de biocarburant varie. Il est adapté en fait au produit E 10 et au produit E 85. Il ne bouleverse cependant pas les équilibres.

La proposition de directive prévoit une articulation avec le SEQE pour donner à l’ensemble du système la cohérence qu’elle estime lui manquer.

En effet, le système des quotas d’émission ne concerne que 50 % des émissions de CO2.

Par conséquent, le dispositif prévoit la généralisation de la taxation au titre du CO2 sans qu’aucun secteur ne soit totalement exclu.

Les anciens secteurs exclus le restent en fait pour la taxation générale de la consommation d’énergie.

De même que le SEQE repose sur des allocations gratuites pour pallier le risque de la concurrence internationale, la proposition de directive propose un mécanisme de type crédit d’impôt pour éviter les fuites de carbone.

Il ne s’agit pas d’un mécanisme automatique, car il ne concerne que les secteurs ou sous-secteurs exposés à des risques importants de fuite de carbone.

Ce n’est pas non plus un dispositif très simple car il repose sur la consommation médiane annuelle de l’installation concernée sur une période de référence.

En outre, il est plafonné à la consommation réelle.

Pour les installations nouvelles, la capacité de l’installation est multipliée par un coefficient d’utilisation, pour déterminer le montant du crédit d’impôt.

Alors que pour les exonérations de plein droit ou facultatives que prévoit son dispositif, la directive de 2003 ne prévoit pas de restriction, la proposition de directive limite considérablement les possibilités d’exonération de la composante CO2 de la taxation.

Ainsi, pour les exonérations de plein droit, si le transport aérien (soumis au SEQE) et le transport maritime restent pleinement exonérés, tel n’est pas le cas pour la production d’électricité. Comme il s’agit des petites centrales et que les grandes centrales relèvent du SEQE, les Etats membres n’ont plus la faculté de les exonérer de la composante CO2.

Pour sa part, l’énergie nucléaire continue de rester hors champ, car elle ne provoque pas d’émissions de gaz à effet de serre.

Pour ce qui concerne les réductions de taxation ou exonérations facultatives à la discrétion des Etats membres, celles-ci ne peuvent plus viser que la composante taxation générale de la consommation d’énergie à l’exception, pour l’essentiel, de la navigation intérieure fluviale et des combustibles, et de l’électricité à destination des ménages et des organisations caritatives.

Au chapitre de la simplification tarifaire, la Commission européenne propose des réalignements tarifaires importants : d’une part, pour les combustibles de chauffage et destinés à la production d’électricité, la distinction en consommation professionnelle et consommation non professionnelle serait supprimée.

Cela implique, compte tenu des écarts de tarif entre les consommations professionnelles et les consommations non professionnelles un important relèvement du tarif pour les secondes.

Par conséquent, la Commission propose alors un élargissement des possibilités de réduction ou d’exonération en faveur de tous les combustibles utilisés par les ménages, à la discrétion des Etats membres.

En revanche, elle propose également, ce qui est plus lourd de conséquence, de supprimer la faculté d’une moindre taxation du gazole routier.

Par ailleurs, la Commission européenne propose également pour les carburants à usage industriel et commercial d’aligner le barème des minima sur ceux des combustibles, ce qui était déjà partiellement le cas.

Pour les carburants, la Commission européenne propose compte tenu des implications de la convergence de la fiscalité du gazole et de l’essence une application progressive de la directive en augmentant, selon trois étapes, la taxation des carburants autres que l’essence.

Le tableau suivant récapitule ces éléments.

Niveaux minima de taxation applicables à compter du 1er janvier 2013 aux carburants utilisés aux fins prévues à l’article 7

 

Taxation liée au CO2

Taxation générale de la consommation d’énergie

Taxation générale de la consommation d’énergie

Taxation générale de la consommation d’énergie

 

1er janvier 2013

1er janvier 2013

1er janvier 2015

1er janvier 2018

Essence

Codes NC

2710 11 31, 2 710 11 41, 2710 11 45, 2710 11 49, 2710 11 51 et 2710 11 59

20 €/CO2

9,6 €/GJ

9,6 €/GJ

9,6 €/GJ

Gazole

Codes NC

2710 19 41 à 2710 10 19 49

20 €/CO2

8,2 € /GJ

8,8 €/GJ

9,6 €/GJ

Kérosène

Codes NC

2710 19 21 et 2710 19 25

20 €/CO2

8,6 €/GJ

9,2 €/GJ

9,6 €/GJ

GPL

Codes NC

2711 12 11 à 2711 19 00

20 €/CO2

1,5 €/GJ

5,5 €/GJ

9,6 €/GJ

Gaz naturel

Codes NC

2711 11 00 et 2711 21 00

20 €/CO2

1,5 €/GJ

5,5 €/GJ

9,6 €/GJ

Pour les Etats membres, le tableau doit être prolongé jusqu’en 2023 en ce qui concerne le gazole, car si c’est pour 2018 que sont prévus les minima européens communs de taxation, c’est en 2023 que les Etats membres auront l’obligation de prévoir pour la consommation d’énergie un même niveau de taxation pour le gazole et l’essence.

S’agissant du GPL, et le gaz naturel véhicule, la convergence pose également des difficultés de relèvement du niveau de taxation. Par conséquent, le principe d’alignement est reporté jusqu’en 2021 avec, en outre, une période transitoire jusqu’en 2023 pour permettre aux Etats membres d’appliquer un niveau réduit de taxation pouvant aller jusqu’à zéro.

La proposition de directive prévoit pour les carburants à usage industriel ou commercial et les combustibles, ainsi que l’électricité, un barème d’application immédiate fondé sur 20 euros la tonne de CO2 et 0,15 euro/GJ de consommation d’énergie.

Niveaux minima de taxation applicables à compter du 1er janvier 2013 aux carburants utilisés aux fins prévues à l’article 8, paragraphe 2

 

Taxation liée au CO2

Taxation générale de la consommation d’énergie

Gazole

Codes NC

2710 19 41 à 2710 19 49

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Kérosène

Codes NC

2710 19 21 et 2710 19 25

20 €/CO2

0,15 €/GJ

GPL

Codes NC

2711 12 11 à 2711 19 00

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Gaz naturel

Codes NC

2711 11 00 et 2711 21 00

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Niveaux minima de taxation applicables à compter du 1er janvier 2013 aux combustibles

 

Taxation liée au CO2

Taxation générale de la consommation d’énergie

Gazole

Codes NC

2710 19 41 à 2710 19 49

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Fioul lourd

Codes NC

2710 19 61 à 2710 19 69

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Kérosène

Codes NC

2710 19 21 et 2710 19 25

20 €/CO2

0,15 €/GJ

GPL

Codes NC

2711 12 11 à 2711 19 00

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Gaz naturel

Codes NC

2711 11 00 et 2711 21 00

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Charbon et coke

Codes NC

2701, 2702 et 2704

20 €/CO2

0,15 €/GJ

Niveaux minima de taxation applicables à l’électricité à compter du 1er janvier 2013

 

Taxation liée au CO2

Taxation générale de la consommation d’énergie

Electricité

Codes NC 2716

 

0,15 €/GJ

La Commission européenne a publié une simulation des conséquences de changements de tarification qu’elle propose.

On constate ainsi un relèvement massif des minima pour les carburants, à l’exception de l’essence, pour lequel on passerait de 359 euros pour 1 000 litres à 360 euros pour 1 000 litres.

Sinon, les minima seraient portés de 330 euros pour 1 000 litres à 390 euros pour 1 000 litres à l’échéance de 2018 pour le gazole, soit une augmentation de 18 %.

S’agissant des combustibles et carburants à usage professionnel, le relèvement concerne essentiellement le gazole, passant de 21 euros pour 1 000 litres à 57,37 euros la tonne, et le gaz naturel qui passerait de 0,15 euros par gigajoule à 1,27 euro par gigajoule, soit une multiplication par 10, de même que le fioul lourd qui passerait de 15 euros pour 1 000 litres à 57,37 euros pour 1 000 litres.

Seule la taxation de l’électricité serait relevée avec davantage de modération, passant de 0,5 euros par mégawatt/heure à 0,54 euro.

Le tableau suivant reprend ces éléments.

Evolution des minima de taxation selon les simulations de la Commission européenne

Produits énergétiques

Minima actuels

Minima proposés pour 2018

Carburants

En euros pour 1 000 litres

En euros pour 1 000 litres

Essence

359

360

Gazole

330

390

Kérosène

330

392

GPL

125

500

Gaz naturel

2,6 €/Gj

10,7 €/Gj

Combustibles et carburants à usage professionnel *

Minima actuels en euros pour 1000 litres

Minima proposés dès 2013 en euros pour 1000 litres

Gazole (fioul)*

21

57,37

Fioul lourd

15

67,84

Kérosène*

0

56,27

GPL*

0,15°/0*

64,86°*

Gaz naturel*

0,3*/0,15°€/Gj

1,27 €/Gj

Gaz naturel non professionnel

0,3 €/Gj

1,27 €/Gj

Charbon et coke

0,15 €/Gj

2,04 €/Gj

Charbon et coke non professionnel

0,3 €/Gj

2,04 €/Gj

 

Minimum actuel

Minimum proposé dès 2013

Electricité

0,5 €/MWh

0,54 €/MWh

On observera la très forte augmentation du minimum de taxation du charbon, qui suscite les réserves des pays gros utilisateurs de charbon en Europe, notamment la Pologne.

L’étude d’impact menée par la Commission européenne estime qu’avec un niveau de taxation de 20 euros la tonne pour les émissions de CO2 pour ce qui n’est pas couvert par le SEQE, les recettes fiscales seraient de l’ordre de 40 milliards d’euros pour les Vingt-sept.

Pour la réduction des émissions, la Commission européenne n’a pas retenu le scénario le plus favorable, qui représentait une réduction de 2 % par an et aboutissait à l’horizon 2020 à 37 % des efforts de réductions à opérer hors SEQE d’ici 2020.

On doit par conséquent s’attendre à une moindre contribution de la taxation aux objectifs que l’Union européenne s’est donnée.

L’analyse d’impact établie par la Commission européenne a chiffré, pour le scénario de base à partir duquel elle a établi sa proposition, à 0,09 % l’effet sur l’ensemble des prix de la mise en œuvre de sa proposition pour les Vingt-sept, à l’horizon 2020.

Pour la France, l’évolution serait particulièrement élevée, avec 0,18 %.

De même, la Commission européenne a chiffré à environ 0,08 % le prélèvement que l’entrée en vigueur de la proposition de directive telle qu’elle la conçoit entraînerait sur le budget des ménages, et 0,03 % en France.

En fait, l’effet sur les prix et le budget des ménages serait plus important si son dispositif était mis en œuvre tel quel.

En effet, pour les combustibles, aucune mesure de calendrier n’est prévue. Ensuite, compte tenu des actuels niveaux de taxation, certains produits feraient l’objet d’augmentation et d’autres pas.

Pour la France, les taux nationaux actuels de taxation des combustibles étant inférieurs aux nouveaux minima proposés, ceux-ci devraient être augmentés. L’évolution serait très importante pour deux produits, le gaz naturel et le charbon. Le fioul serait moins touché.

Effets des nouveaux niveaux de taxation proposés sur les combustibles en France

en €/Mwh

gaz naturel

charbon

fioul domestique

Taux actuels

1,19

1,19

5,6

Taux après révision directive

4,58

7,34

5,92

Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

Les tableaux établis par la Commission européenne confirment que les niveaux de taxation et donc les prix de produits qui seraient relevés sont les suivants, pour les combustibles à usage des particuliers et du secteur tertiaire : le gaz naturel, le GPL et le charbon.

Le problème se poserait de la même manière pour les entreprises. Selon ces même tableaux établis par la Commission européenne, les niveaux de taxation devraient être relevés pour les combustibles professionnels suivants : le fioul, le fioul de chauffage, le gaz naturel et le charbon.

On voit donc l’intérêt des mesures d’exonération prévues par la directive pour les combustibles en faveur des ménages.

II. LA NÉCESSITE DE PRÉVOIR DES MESURES ADAPTÉES POUR APPORTER AU TEXTE LES ÉLÉMENTS DE CALENDRIER, DE FLEXIBILITÉ ET DE BONNE ADAPTATION AUX RÉALITÉS SECTORIELLES QUI LUI FONT ACTUELLEMENT DÉFAUT

Le Gouvernement a indiqué, de manière fondée, partager la philosophie et les orientations générales qui sous-tendent la proposition de directive.

C’et effectivement en partie par la fiscalité que l’on peut donner les signaux nécessaires pour les émissions de CO2 et l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Le principe de la double composante de la taxation apparaît fondée.

Cet accord sur le principe ne signifie pas une approbation de la directive.

Des difficultés d’application apparaissent en effet pour la mise en œuvre des dispositions proposées, de certaines d’entre elles. Elles sont exposées au C ci-dessous.

Tous les Etats membres n’ont pas accueilli la proposition de directive avec une opinion favorable.

Cela ne s’est pas manifesté au stade de la subsidiarité, mais lors du début de l’examen au fond du texte.

Tel est notamment le cas de l’Allemagne et du Royaume-Uni, de l’Italie, de la Roumanie et des Pays-Bas, qui ont mis en doute le bien fondé du texte.

L’un des éléments le plus bloquant, notamment pour l’Allemagne et le Royaume-Uni, est l’introduction obligatoire du critère CO2 dans la taxation.

L’autre clause qui suscite le plus d’oppositions est celle de l’alignement des niveaux de taxation pour les produits soumis au même usage, ce qui implique comme on l’a vu un rattrapage important de la fiscalité sur le gazole utilisé comme carburant. Un grand nombre d’Etats membres y sont opposés, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais aussi le Luxembourg, les Pays-Bas et la Roumanie, notamment.

Enfin, la question de la réévaluation des minima en fonction des prix est également très sensible.

Dans ces circonstances, la présidence polonaise a essayé de proposer en novembre un texte allégé fondé sur la suppression des références environnementales, de l’alignement des taux nationaux pour les produits soumis à un même usage et celle de l’indexation des minima sur les prix, de manière à faire jouer la subsidiarité en laissant cet élément au libre choix des Etats membres.

Cette proposition n’a pas été retenue. Les discussions se poursuivent donc.

A l’opposé, les pays de l’Europe du Nord (Danemark, Finlande et Suède) sont favorables à la directive.

Conformément à l’article 113 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relative à l’harmonisation de la fiscalité indirecte, la proposition de directive doit être adoptée à l’unanimité des Etats membres au Conseil, avec simplement l’avis du Parlement européen.

Dans le cadre de ses auditions, la rapporteure a pu observer les réserves des entreprises vis-à-vis des dispositions de la directive.

Le souci est celui de la compétitivité et de la pérennité des activités.

Il est très clairement exprimé par Businesseurope.

Dans le communiqué du 8 mars dernier sur les questions énergétiques, le thème développé a été celui du besoin pour les entreprises d’un environnement économique prédictible.

La difficulté soulevée par l’introduction d’une composante carbone dans la taxation est celle du coût du carbone dans les années futures. Il est jugé difficilement compatible avec la programmation sur plusieurs décennies qu’exigent les investissements industriels lourds propres à certaines branches.

Au niveau français, la sensibilité exprimée est moins réservée, mais les préoccupations sont clairement exprimées, notamment sur les équilibres en l’état propres à certains secteurs d’activité comme l’industrie automobile.

Cette préoccupation n’a pas été ignorée par la Commission européenne.

Celle-ci recommande ainsi, dans le cadre de son analyse d’impact, de procéder à un rééquilibrage des éléments de la compétitivité globale des Etats membres, en utilisant le produit estimé à 40 milliards d’euros pour la composante CO2, pour réduire les prélèvements obligatoires sur le travail.

Cet argument global n’est pas nécessairement infondé, mais il ne répond pas néanmoins à la question des effets négatifs que peut avoir un bouleversement trop rapide de l’environnement économique pour les actuels équilibres industriels.

Un secteur a également clairement exprimé ses interrogations, c’est celui de l’agriculture.

Dans un communiqué du 13 avril dernier, la COPA-COGECA a estimé que la contribution CO2 nuirait à la compétitivité de l’agriculture européenne et a par conséquent demandé l’exonération de l’ensemble du secteur agricole, sylvicole et horticole.

La question du maintien en Europe des activités économiques doit être réglée d’une manière pragmatique.

En effet, l’enjeu est de réaliser progressivement le passage à une économie moins carbonée, et non de transférer hors de l’Union européenne les activités qui produisent du CO2.

Dans cette seconde hypothèse, les objectifs que l’Union européenne s’est assigné ne seraient pas réellement atteints. Ils le seraient en faux semblant, puisque les émissions des pays tiers ne feraient qu’augmenter.

L’une des missions des pays les plus anciennement développés, qui est de trouver la voie pour un développement durable pour l’ensemble des pays, ne serait pas non plus accomplie.

C’est toute la difficulté des négociations que de définir les éléments du passage progressif et sans heurt à un nouvel équilibre respectueux de l’environnement, comme de l’emploi et de la pérennité des activités en Europe.

Du point de vue des associations de consommateurs, le relèvement de la fiscalité de l’énergie n’est pas le bon instrument, car il pèse sur le budget des ménages, notamment des plus modestes.

L’objectif doit être au contraire de garantir un accès aisé à des produits ou à des modes de vie, notamment des logements, qui soient adaptés de manière à répondre au souci des particuliers d’être respectueux de l’environnement.

La proposition de directive prévoit la suppression de la faculté d’une taxation différenciée (dans le respect des minima communautaires) au profit des taxis, en les excluant ainsi de la souplesse offerte aux Etats membres en faveur des autres modes de transport public locaux de passager.

Cette proposition n’a pas été jugée conforme au principe de subsidiarité par l’Assemblée nationale, dans le cadre de sa résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive modifiant la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité considérée comme définitive le 15 juin 2011 (TA no 695).

Sans revenir en détail sur les éléments présentés dans le cadre du rapport d’information (no 3469) de votre rapporteure, il convient de rappeler qu’il n’y a aucun enjeu de marché intérieur, que les circonstances qui conduisent à organiser les transports locaux de passagers sont par définition locales, et que c’est à ce niveau là que la pertinence ou non d’une réduction de taxation peut être correctement appréciée.

A cet élément, on peut ajouter deux éléments de fond.

D’une part, la convergence entre la taxation du diesel et celle de l’essence concerne plus particulièrement les taxis, qui sont équipés d’une manière très générale de véhicules diesel.

D’autre part, les facultés de taxation différenciées sont prévues pour ne plus porter, dorénavant, que sur la taxation générale de la consommation d’énergie, et non sur la composante CO2.

La résolution européenne précitée demande aussi que les facultés de modulation territoriales de la taxation de l’énergie, en application du principe de la libre administration des collectivités territoriales, fassent l’objet d’une base juridique incontestable.

Deux questions sont posées : d’une part, l’ampleur de la modulation, que la Commission européenne a souhaité limiter à 15 % en plus du niveau national ; d’autre part, le niveau territorial auquel cette modulation s’applique, le texte ne mentionnant que le niveau régional, alors que la France a besoin de davantage de flexibilité territoriale.

En effet, les deux critères retenus n’assurent pas la pérennité de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité et la taxe départementale sur la consommation finale d’électricité. Celles-ci sont perçues au niveau infrarégional et l’ampleur de la variation se situe dans un rapport de 1 à 6.

Le critère de la modulation à la hausse de 15 % n’assure pas non plus la pérennité des dispositifs de régionalisation de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques, prévus par le code des douanes, notamment celle de l’article 265 bis A permettant le financement des infrastructures, en application des décisions du Grenelle de l’environnement.

La proposition de directive vise à totalement supprimer le régime de moindre taxation du gazole professionnel.

L’actuelle faculté offerte aux Etats membres d’appliquer un taux réduit au gazole utilisé pour le transport par route bénéficie en fait au transport de marchandise (véhicules de plus de 7,5 tonnes), mais aussi au transport de passagers (véhicules de 10 places au moins).

Ce taux réduit ne peut être inférieur au taux en vigueur, dans le pays concerné, le 1er janvier 2003.

Plusieurs pays autres que la France font usage de cette faculté, selon les éléments publiés par la DG TAXUD : la Belgique, l’Espagne, la Hongrie, l’Italie, la Roumanie, la Slovénie.

La France applique un mécanisme de remboursement aux entreprises de transports routiers et des exploitants d’autocars. Le tarif du gazole routier est fixé à 39,19 €/hL de gazole, pour un taux national de 44,19 €/hL (compte tenu de la part régionale).

Le maintien de cette faculté de taxation préférentielle est impératif pour trois raisons :

– d’abord, il est un élément qui permet de lutter contre les tendances à l’accroissement du tourisme pétrolier. C’est d’autant plus le cas que la proposition de directive propose de valider l’augmentation des capacités d’emport de carburants avec le montage sur les véhicules de réservoirs additionnels, ce qui n’est pas actuellement le cas ;

– ensuite, il crée clairement des distorsions de concurrence au détriment des Etats membres qui comme la France ont pour respecter les objectifs environnementaux de la taxation de l’énergie, ont un niveau de taxation au dessus du minimum et ne bénéficient pas de dérogations. La logique du marché intérieur exige donc que le découplage soit pérennisé ;

– enfin, il conduit clairement à maintenir une pression à la taxation au minimum des carburants, y compris lorsqu’ils sont à usage non professionnel, ce qui va clairement à l’encontre des objectifs de la directive.

Dans l’inquiétude que suscite la proposition de directive chez les particuliers, une part importante tient à la structure de la directive.

En effet, l’augmentation de la taxation n’est clairement prévue pour être impérative que pour les seuls carburants.

Pour ce qui concerne les combustibles, et ainsi pour le chauffage, la directive supprime la distinction entre l’usage professionnel et non professionnel et relève les niveaux de taxation, mais elle étend les facultés d’exonération à la discrétion des Etats membres, en contrepartie.

Par conséquent, une disposition spécifique et séparée des autres cas d’exonération facultative permettant de bien comprendre les enjeux ne serait pas malvenue.

S’il a comme on l’a vu sa logique, le principe de taxation à un taux identique des différents produits utilisés pour un même usage carburant ou combustible, pose un problème essentiel au secteur automobile.

En effet, et c’est une spécificité européenne, mais aussi française, le parc des véhicules à moteur diesel est considérablement développé en Europe. En France, ceux-ci représentent les trois quarts, et même 80 % le mois dernier, des véhicules vendus.

Ce phénomène qui n’a cessé de prendre de l’ampleur au fil des décennies est d’abord l’effet de la moindre taxation à la quantité, au litre, du gazole que de l’essence.

Il provient également de ce qu’un litre de gazole étant plus dense qu’un litre d’essence, son contenu énergétique et plus important : un véhicule fait davantage de kilomètres avec un litre de gazole qu’avec un litre d’essence.

Enfin, un troisième facteur a joué, d’ordre plus technique : le rendement intrinsèque du moteur diesel est meilleur que celui du moteur à essence.

L’avantage fiscal qui était au départ et de fait destiné aux artisans et commerçants, aux professionnels donc, a été également utilisé par les particuliers. La fin du surcoût au cours des années 1980 des véhicules à moteur diesel a levé l’un des derniers freins à ce développement. Le gazole s’est définitivement avéré meilleur marché que l’essence.

Dans ce contexte, on mesure les difficultés de la volonté de la Commission européenne d’introduire davantage de cohérence dans la taxation des carburants avec :

– d’abord, la convergence des minima européens de taxation des carburants routiers, en trois étapes, à partir de 2013 pour aboutir en 2018, avec une étape intermédiaire en 2015 ;

– ensuite, l’obligation des Etats membres de faire cette convergence des taux effectif de taxation pour 2023.

A recettes budgétaires constantes, en faisant ainsi converger l’essence vers le gazole, on obtiendrait des niveaux de taxation de 50 euros par hectolitres pour le gazole et de 45 euros par hectolitre pour le sans plomb, soit un écart de 5 centimes d’euros au litre.

En faisant uniquement rattraper au gazole l’essence sans plomb, dont le niveau de taxation serait stable, alors on obtiendrait in fine des niveaux de taxation de 61,4 centimes d’euros au litre pour le sans plomb, et de 67,5 pour le gazole, environ.

Cette perspective préoccupe les constructeurs automobiles à un double titre :

– d’abord, couplée avec l’arrivée prévue des nouvelles générations de petits moteurs à essence très performants, elle va conduire le marché à surréagir et risque de remettre en cause très brutalement leur spécialisation sur le diesel, et en France mais aussi en Europe, par rapport au reste du monde. Le secteur ne se porte pas si bien pour supporter un tel choc, invoquent les constructeurs ;

– ensuite, en dépit des progrès effectués, les émissions de gaz à effet de serre des moteurs à essence restent supérieures à celles des moteurs fonctionnant au gazole. En cas de réorientation du marché, les objectifs des constructeurs de limitation des émissions des véhicules mis sur le marché ne seraient pas conformes aux objectifs du règlement (CE) n° 443/2009 établissant les normes de performances pour les émissions des voitures neuves, pour des raisons indépendantes de leur volonté. Cela se traduirait par des perspectives d’amendes, dès lors que le marché se réorienterait vers l’essence d’une manière marquée. Ce n’est pas une perspective acceptable pour eux.

A l’opposé, un rééquilibrage entre la consommation de gazole carburant et d’essence correspond aux réalités actuelles du secteur du raffinage, déficitaire en Europe, et en France, pour le gazole, et excédentaire pour l’essence sans plomb, avec des difficultés à l’exportation des excédents mentionnés par la professions.

Un arbitrage sera donc effectué dans le cadre des négociations, et il est clair que la disposition proposée ne convient pas à beaucoup d’Etats membres.

Le rapprochement de la fiscalité du diesel et de celle de l’essence n’est pas impossible, mais il doit être opéré dès lors qu’il s’avèrerait inéluctable, avec mesure et pragmatisme, afin de ne pas entraîner de difficultés industrielles supplémentaires pour l’industrie automobile.

L’abandon par la France, il y a plus de dix ans, de la convergence fiscale entre le gazole et l’essence, en raison de la difficulté de l’opinion publique à en comprendre les raisons dans un contexte d’augmentation continue des prix des produits pétroliers, rappelle combien la question est sensible.

La directive 2003/96/CE permet aux Etats membres d’appliquer un taux réduit allant jusqu’à l’exonération totale aux produits énergétiques utilisés pour les activités agricoles, horticoles, piscicoles et dans la sylviculture.

La proposition de la Commission européenne restreint cette faculté :

– d’une part, elle ne la permet plus pour la composante CO2 de la taxation. Eventuellement, ce serait le régime de droit commun de crédit d’impôt en faveur des secteurs et sous-secteurs exposés à des fuites de carbone qui serait applicable. Ce serait lourd, car la logique s’applique au niveau de l’établissement ;

– d’autre part, elle prévoit de subordonner l’exonération, éventuellement totale, de la par consommation d’énergie, à des mécanismes devant permettre des gains d’efficacité énergétique équivalents à ceux qui auraient été réalisés si les taux minima communautaires avaient été appliqués.

Ce sont là des mécanismes assez lourds, qui méconnaissent d’ailleurs la spécificité du secteur agricole, qui a spontanément réduit de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2007 et a enregistré une augmentation de 57 % du prix de l’énergie au cours des dernières années, selon la profession.

Selon les simulations communiquées, dans l’hypothèse où les exploitants agricoles devraient supporter intégralement la part carbone, la taxation supportée en France serait de 4,04 €/MwH sur le gaz naturel au lieu de 0,12 €/Mwh actuellement et 5,38 €/Hl de fioul domestique au lieu de 0,66 €/Hl actuellement. Ce n’est clairement pas envisageable.

Des modalités adaptées doivent être clairement prévues pour reconnaître la spécificité du secteur.

Le mécanisme prévu par la directive 2003/96/CE pour les entreprises distingue deux catégories d’entreprises :

– d’abord, les entreprises intensives en énergie, celles dont les produits énergétiques et/ou l’électricité représentent 3 % de la valeur de la production ou celles pour lesquelles le montant total des taxes nationales sur l’énergie représente 0,5 % de la valeur ajoutée ;

– ensuite, les entreprises non intensives, mais qui ont conclu des accords ou sont sous un régime de permis négociable mis en œuvre au niveau national pour atteindre des objectifs de protection environnementale ou d’efficacité énergétique.

Elles bénéficient, sous réserve des minima communautaires, de taux réduits.

Ces minima peuvent cependant ne pas s’appliquer et l’exonération peut aller jusqu’à être totale, pour entreprises intensives en énergie, et le taux peut aller jusqu’à la moitié des minima communautaires, pour les entreprises non intensives, lorsque des accords ou des régimes de permis négociables ont été mis en œuvre permettant la réalisation d’objectifs environnementaux ou d’efficacité énergétique globalement équivalents à ce qui aurait été obtenu si les taux minima communautaires avaient été appliqués.

La proposition de directive prévoit deux aménagements :

– la réduction ne porte plus librement que sur la seule composante consommation générale d’énergie de la taxation (les niveaux de taxation ne peuvent être toujours pas inférieurs aux minima communautaires) ;

– en effet, la part CO2 peut donner lieu à exonération pour autant que le niveau minimum soit en moyenne respecté par entreprise et à condition que des accords ou des régimes de permis négociables aient été mis en œuvre. Le SEQE n’est pas un tel régime.

Il n’y a donc plus de faculté d’exonération totale.

Outre les déshydrateurs de luzerne, sont concernés par ces modifications les entreprises fortement consommatrices en gaz naturel, dont le niveau de taxation est, comme on l’a vu, prévu pour fortement augmenter.

Il est clair que pour assurer la pérennité de ces installations, une phase de transition doit être prévue.

On peut également mentionner à ce titre que la future directive pourrait reconnaître à la cogénération à haut rendement le régime des entreprises productrices d’électricité, dans la mesure où leur rendement intrinsèque est supérieur à celui de toute autre forme d’utilisation de produits énergétiques fossiles en termes d’énergie globale produite (sous forme de chaleur et sous forme d’électricité).

La proposition de directive modifie profondément le régime applicable aux entreprises dites « hors champ ».

Il s’agit de celles qui opèrent dans les activités de métallurgie, réduction chimique, électrolyse, entreprises électro-très-intensives et produits minéraux non métalliques (ciment, verre, plâtre, céramique, chaux).

Les produits énergétiques qu’elles utilisent ne sont pas en principe soumis à taxation. En l’absence de règle communautaire les concernant, l’Etat membre d’implantation de l’entreprise concernée peut cependant le faire.

Afin d’opérer une coordination avec le SEQE, la proposition de directive propose trois modifications :

– d’abord, il ne maintient le principe du hors champ que pour la composante de la taxation relative à la consommation d’énergie ;

– ensuite, il soumet les activités concernées à la taxation au titre de la composante CO2, pour celles qui ne relèvent pas par leur taille du SEQE ;

– enfin, il prévoit la faculté de mettre en œuvre un crédit d’impôt, jusqu’en 2020, lorsque l’activité en cause est exposée aux fuites de carbone (concurrence étrangère et risques de délocalisation d’activité).

Par ailleurs, le texte supprime des activités placées hors champ le cas des entreprises électro intensives, c’est-à-dire celles pour qui le coût d’achat de l’électricité représente plus de 50 % du coût de fabrication de leurs produits, avec pour elles la faculté néanmoins de passer sous le régime des entreprises « grande consommatrices d’énergie » : réduction de la taxation de l’électricité dans la limite du minimum européen à condition d’avoir conclu un accord ou de bénéficier d’un permis destiné à contribuer à la réduction des émissions de CO2.

Sont en fait concernées par cet article les petites installations de la métallurgie, de la chimie, et des minéraux non métalliques et de l’électrolyse qui ne recourent pas de manière massive à l’électricité (pas de composante carbone pour la taxation de l’électricité).

Le problème qui se pose est celui de la bonne adaptation du mécanisme de crédit d’impôt de manière que les industriels concernés puissent bénéficier d’un environnement fiable et leur permettant d’exercer leur activité dans des conditions stables.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 15 février 2012, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Jérôme Lambert. J’ai l’impression en vous écoutant que certes il y a une proposition de directive, mais que chacune de vos phrases vidait cette directive de son sens. A force de multiplier les exemptions justifiées, on peut se demander ce qui va rester dans son champ d’application ! Les ménages, pour les carburants ?

Mme Pascale Gruny, rapporteure. Effectivement, les ménages.

M. Jérôme Lambert. Quand la Commission européenne présente une proposition de directive assortie d’un si grand nombre d’exemptions, ne devrait-elle pas revoir sa copie et présenter une proposition plus simple ?

Mme Pascale Gruny, rapporteure. J’entends bien votre commentaire. Il est souhaitable de mettre en place un dispositif de taxation plus écologique, et d’ailleurs les personnes que j’ai auditionnées ne sont pas contre mais demandent qu’un calendrier soit établi et que le dispositif assure une certaine flexibilité, l’enjeu étant pour les entreprises de pouvoir rester compétitives. Ce qui demeure dans le champ de la proposition de directive, ce sont les secteurs qui ne peuvent faire l’objet de « fuite de carbone ». Il faut s’inspirer des pays du Nord de l’Europe, réputés très écologistes, mais qui font de l’écologie économique.

M. Jérôme Lambert. Dans une dizaine d’années, lorsque cette directive sera entrée en application, je suis convaincu que la droite et la gauche se renverront la responsabilité de son adoption et se demanderont de quoi se mêlait l’Union européenne. En verra-t-on encore le bien-fondé à ce moment-là ? Je suis convaincu qu’il ne faut pas moins d’Europe mais « mieux d’Europe », mais ceci ne correspond peut-être pas à de telles directives. Ceux qui n’auront pas été exemptés de son application se retourneront contre leurs élus et contre l’Europe.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. Il n’est pas facile de trouver une position susceptible d’être adoptée à l’unanimité, ce qui est obligatoire en la matière, d’autant que chaque pays prend ses propres initiatives en matière environnementale, comme la France par exemple avec le « Grenelle », qui les mettent en concurrence et qui ne sont pas forcément acceptées par les entreprises et les agriculteurs.

Ce qu’on ne connaît pas non plus, ce sont les niveaux d’émission de carbone, et avec ce texte nous allons avoir l’obligation de les quantifier. »

A l’issue de ce débat, la Commission a adopté les conclusions suivantes :

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité,

Vu la résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive modifiant la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité considérée comme définitive le 15 juin 2011 (TA no 695),

Considérant que la fiscalité sur les produits énergétiques et l’électricité est, parmi d’autres, l’un des instruments permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que d’améliorer l’efficacité énergétique, en favorisant les économies d’énergie,

Considérant par conséquent que le principe d’une taxation des produits énergétiques et de l’électricité selon deux critères objectifs, l’un relatif aux émissions de CO2, l’autre relatif à leur contenu énergétique et par conséquent à la quantité d’énergie consommée, peut représenter un progrès par rapport aux niveaux actuels de taxation à la quantité d’un produit, sans tenir compte de ses capacités énergétiques ni de son contenu intrinsèques,

Considérant également que la taxation au même niveau des produits ayant le même usage, conforme au principe de neutralité fiscale, est tout autant justifié,

Considérant cependant les effets qu’une telle réforme entraîne sur les prix, tant pour les ménages que pour certains secteurs économiques, dont la compétitivité et la pérennité en Europe est alors menacée, en l’absence de mesures adaptées,

1. Soutient la proposition de directive précitée,

2. Considère cependant que celle-ci ne devra être adoptée que lorsque lui seront apportés, puisqu’ils lui font actuellement défaut, des éléments de calendrier, de flexibilité et de bonne adaptation non seulement aux contraintes des ménages mais aussi aux réalités de l’exploitation des entreprises, en particulier de celles relevant de secteurs caractérisés par leurs spécificités tels que l’agriculture ou la construction automobile, laquelle dépend des équilibres entre la consommation de gazole et celle d’essence sans plomb ;

3. Attire l’attention du Gouvernement sur le fait que trois modifications impératives apparaissent d’ores et déjà pouvoir être formulées avec précisions. Deux d’entre elles, tenant au respect du principe de subsidiarité, ont été mentionnés dans la résolution no 695 précitée et visent la faculté de faire bénéficier les taxis du régime des transports de passagers, ainsi qu’au maintien de modalités adaptées pour la modulation territoriale de la fiscalité de l’énergie, en particulier pour la taxation locale de l’électricité. La dernière résulte du principe de la loyauté de la concurrence au sein du marché intérieur et concerne le maintien de la faculté d’une taxation différenciée du gazole routier pour les professionnels.

CONCLUSIONS ADOPTED BY THE COMMITTEE

The European Affairs Committee,

In the light of Article 88-4 of the Constitution,

In the light of the Council proposal for a directive amending Council Directive 2003/96/EC restructuring the Community framework for the taxation of energy products and electricity,

In the light of the European resolution forming a reasoned opinion on the compliance with the subsidiarity principle of the proposal for a directive amending Council Directive 2003/96/EC restructuring the Community framework for the taxation of energy products and electricity, which resolution was considered final on 15 June 2011 (TA no. 695),

Whereas the taxation of energy products and electricity is, inter alia, one of the instruments helping to reduce greenhouse gas emissions and also to improve energy efficiency, by promoting energy savings,


Whereas consequently the principle of taxation of energy products and electricity according to two objective criteria, one relating to CO2 emissions and the other relating to their energy content and therefore the quantity of energy consumed, can represent progress in comparison with the present levels of taxation on the quantity of a product, without taking account of its intrinsical energy capacities or its intrinsical content,

Whereas also taxation at the same level of products having the same use, in accordance with the tax neutrality principle, is just as justified,

Whereas however such a reform leads to effects on prices, both for households and for some economic sectors, whose competitiveness and durability in Europe is then threatened, for want of adapted measures,

1. Supports the above-mentioned proposal for a directive, ;

2. Considers however that the latter should not be adopted until certain elements have been added to it as they lack at present: elements regarding a schedule, flexibility and correct adaptation not only to the constraints of households but also to the realities of the running of companies, especially those in sectors characterised by specific aspects such as agriculture or car making, which depends on balanced use of gas oil and unleaded petrol;

3. Draws the attention of the Government to the fact that three mandatory changes already appear to be able to be expressed with precision. Two of them, regarding respect for the subsidiarity principle, were mentioned in the above-mentioned resolution no. 695 and concern the option to allow taxis to benefit from the public transport regime, as well as maintenance of adequate provisions for the territorial adjustment of energy taxation, especially for the local taxation of electricity. The third change stems from the fair competition principle in the internal market and concerns maintenance of the option for a differentiated taxation of road gas oil for professionals.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

La rapporteure tient à témoigner sa gratitude à l’ensemble des personnalités avec lesquelles elle s’est entretenue dans le cadre de la préparation de ce rapport d’information.

Ø A Paris :

§ Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement :

- M. Vincent Petit, conseiller technique au cabinet de la ministre ;

- M. Antoine Magnant, sous-directeur, direction de la législation fiscale ;

- M. Michel Giraudet, direction de la législation fiscale.

§ Construction automobile :

- Mme Maria Garcia-Coudon et M. Mamadi Haïdara, Renault ;

- M. Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques, comité des constructeurs français d’automobiles ;

- Mme Mathilde Lheureux, PSA-Peugeot Citroën.

§ FNSEA :

- M. Jean-Bernard Bayard, vice-président de la FNSEA, président de la commission fiscale et sociale ;

- Mme Nadine Normand, chargée des relations avec le Parlement ;

- M. Antoine Suau, chargé de mission.

§ France nature environnement :

- Mme Céline Mesquida, membre du directoire économique ;

- M. Jean-Baptiste Poncelet, coordinateur du réseau transport et mobilité durables.

§ MEDEF :

- M. Jean-Baptiste Baroni, directeur de mission à la direction du développement durable du MEDEF ;

M. Jean-Yves Touboulic, directeur technique environnement, raffinage et sécurité de l’UFIP ;

- Mme Ophélie Dujarric, chargée de mission, direction des affaires publiques du MEDEF.

§ UFIP :

- M. Bruno Ageorges, directeur des affaires juridiques et économiques ;

- M. Christian Chavane, directeur des relations institutionnelles.

§ UNIDEN :

- M. Claude Conrard, président de la commission « climat et efficacité énergétique ».

Ø A Bruxelles :

§ Commission européenne - Direction générale de la fiscalité et de l’union douanière :

- M. Walter Deffaa, directeur général ;

- M. Rolf Diemer, chef d’unité.

§ Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne (RPUE) :

- M. Olivier Palat, conseiller pour la fiscalité.

§ Business Europe :

- M. Chris Lenon, président du groupe de travail « Fiscalité verte » ;

- M. Kristian Koktvedgaard, vice-président du groupe de travail « fiscalité verte, président du groupe de travail « TVA » ;

- M. Ismaël Valdés, conseiller.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.