N° 1064 - Proposition de résolution de M. François de Rugy tendant à la création d'une commission d’enquête relative à la sécurité des installations électro-nucléaires françaises et la protection des habitants face aux risques de contaminations radioactives dues aux fuites d'uranium ou de tout autre produit utilisé dans les centrales nucléaires et les installations de stockage de déchets radioactifs



Document

mis en distribution

le 2 septembre 2008


N° 1064

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la sécurité des installations électro-nucléaires françaises et la protection des habitants face aux risques de contaminations radioactives dues aux fuites d’uranium ou de tout autre produit utilisé dans les centrales nucléaires et les installations de stockage de déchets radioactifs,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. François de RUGY, Mme Martine BILLARD,
MM.
 Yves COCHET et Noël MAMÈRE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le lundi 7 juillet 2008 à 13 heures 30, les maires des communes voisines du site électro-nucléaire de Tricastin (Vaucluse) sont prévenus qu’une fuite d’uranium radioactif est survenue dans un bac de rétention entourant une cuve de solution uranifère dans l’enceinte de la société SOCATRI. Il a fallu cinq jours pour que soit annoncée cette fuite, alors que le défaut d’étanchéité a été constaté dès le 2 juillet 2008. La société SOCATRI, filiale du grand groupe public AREVA, a caché cet accident pendant cinq jours aux autorités de l’État dans le département du Vaucluse, aux élus des communes concernées et donc aux habitants.

La fuite était pourtant d’une grande ampleur puisqu’elle a été évaluée à plusieurs dizaines de kilos d’uranium. Son annonce par la Préfecture du Vaucluse a immédiatement déclenché des mesures d’interdiction d’utilisation de l’eau des rivières du secteur mais aussi des captages souterrains. Outre la mise en danger des populations riveraines et les dégâts sans doute irréversibles sur les milieux naturels environnants, cet accident a eu des conséquences économiques importantes pour les populations qui sont obligées d’acheter de l’eau en bouteille, faute d’alimentation en eau potable, et pour les agriculteurs qui ont dû cesser toute irrigation ou arrosage ce qui a entraîné la perte de nombreuses récoltes.

Une fois de plus en matière de nucléaire, la culture du secret a prévalu. Il est à noter que la présidente directrice générale d’AREVA n’a même pas daigné se rendre sur place pour constater l’ampleur des dégâts et annoncer des mesures pendant plus de dix jours. C’est grâce à l’intervention très rapide de l’association CRIIRAD (commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) que des mesures ont pu être faites et que la pression a été exercée sur les pouvoirs publics. À la suite de cela, des mesures ont été réalisées par l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Ces premières mesures ont permis de relever une autre pollution de la nappe phréatique, sans aucun doute plus ancienne. Là encore, c’est donc que le secret s’était appliqué au détriment de la sécurité et de la santé des habitants, voisins d’un des plus grands centres électro-nucléaires de France, auquel s’adjoignent des sites à usage militaire. Là aussi, ces révélations officielles viennent corroborer des craintes exprimées depuis longtemps par les associations au sujet d’un site de stockage de déchets radioactifs d’origine militaire.

Le ministre de l’écologie a annoncé le jeudi 17 juillet 2008 qu’il avait saisi le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Il lui demande de « se pencher sur la situation radio-écologique de l’ensemble des sites nucléaires et de vérifier notamment l’état des nappes phréatiques situées près des centrales nucléaires françaises » (interview de M. Jean-Louis Borloo paru dans le journal Le Parisien – Aujourd’hui en France daté du 17 juillet 2008). En plus de ces mesures d’urgence, il est temps que l’Assemblée nationale joue son rôle de contrôle d’un des secteurs industriels publics les plus dangereux pour la population. Ce contrôle est rendu d’autant plus nécessaire à un moment où le Président de la République a annoncé son intention de lancer la construction d’un deuxième réacteur de type EPR, sur un site qui pourrait justement être Tricastin.

Dans la mesure où il s’agit de la sécurité d’installations les plus dangereuses de France du fait des conséquences irréversibles pour la santé des populations de tous les accidents nucléaires, même les plus circonscrits, il est du devoir de la représentation nationale de contribuer à faire toute la lumière sur la sécurité des sites électro-nucléaires français. Il est plus que jamais nécessaire que les députés contribuent à briser cette culture du secret qui entoure depuis toujours le nucléaire en France.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête parlementaire de trente membres relative à la sécurité des installations électro-nucléaires françaises et la protection des habitants face aux risques de contaminations radioactives dues aux fuites d’uranium ou de tout autre produit utilisé dans les centrales nucléaires et les installations de stockage de déchets radioactifs.

Elle devra notamment :

– Établir les faits concernant l’accident de Tricastin et les pollutions antérieures autour de ce site ;

– Apprécier le délai, la transparence et les modalités d’information du public, tant par l’entreprise que par les pouvoirs publics ;

– Établir un relevé systématique et précis des contaminations radioactives sur tous les sites et autour des installations électro-nucléaires françaises (y compris les sites de stockage de déchets) ;

– Mesurer les dégâts écologiques sur les écosystèmes concernés ainsi que les risques sanitaires pour les populations exposées ;

– Évaluer la gestion des programmes de prévention et de sécurité de ces installations ;

– Identifier les dysfonctionnements de la filière nucléaire française et faire des propositions pour améliorer la sécurité des installations.


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