N° 1488 - Proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux causes de la situation sociale, économique et politique dans les départements ultra-marins et aux réformes qu'appelle la crise actuelle



Document
mis en distribution

le 12 mars 2009


N° 1488

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 février 2009.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux causes de la situation sociale, économique et politique dans les départements ultramarins et aux réformes qu'appelle la crise actuelle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre BRARD, Roland MUZEAU, Michel VAXÈS, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Daniel PAUL et Jean-Claude SANDRIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le puissant mouvement populaire qui se développe dans les départements d’outre-mer doit, sans tarder, être écouté et véritablement entendu.

La situation dans ces départements et particulièrement en Guadeloupe, atteint un niveau de tension extrêmement inquiétant à cause des tergiversations et des dérobades gouvernementales, devant les légitimes revendications de nos concitoyens de ces départements.

La plate-forme de revendications, justes et fondées, portée par le mouvement de masse animé par le collectif LKP, est la traduction d’un profond malaise social aggravé par un comportement inapproprié des autorités de la République. L’attitude infantilisante de la métropole à l’égard de l’outre-mer a fait énormément de dégâts. Mais elle est encore dominante dans les hautes sphères de l’État, entretenant injustices et frustrations. Cette approche se traduit particulièrement dans les lois de programme et d’orientation pour l’outre-mer, caractérisées par l’inefficacité et l’incohérence et qui n’ont rien réglé.

Le triste résultat est qu’aujourd’hui, ces régions sont les plus pauvres de l’Union européenne et ont les taux de chômage les plus élevés de France, tout particulièrement parmi la jeunesse, promise à un désœuvrement humiliant. Dans ce contexte dégradé, l’utilisation et l’efficacité des fonds publics, des exonérations de charges sociales et des allègements fiscaux qui bénéficient à l’outre-mer n’apparaissent pas clairement et nécessitent une évaluation rigoureuse.

Pourtant, ces problèmes ne sont absolument pas nouveaux. Ils ne résultent d’aucune fatalité économique, sociale ou géographique. Le développement exclusif des grandes cultures dominantes, du tourisme et de l’import-distribution, contrôlés par une minorité de possédants, ont fragilisé l’économie et dégradé dramatiquement l’environnement. Dans le même temps ces difficultés ont été aggravées par le manque de volonté politique flagrant, par exemple, dans le domaine de la formation des prix, y compris des produits de première nécessité.

La vie chère dans les départements et territoires d’outre-mer est une réalité insupportable qui a des causes précises. Sans réaction pendant de nombreuses années, même après la mise en place des observatoires des prix et des revenus, le Gouvernement, sous l’effet du mouvement populaire, annonce enfin des mesures pour agir sur les mécanismes de formation de ces prix abusifs, mais le ciblage sur 100 produits est notoirement insuffisant. Les situations de monopole, les circuits occultes, les pénuries artificielles, les rentes de situation, tous ces mécanismes spéculatifs qui favorisent la vie chère, existent depuis longtemps, sous l’effet des connivences et des copinages et de l’absence de toute intervention publique sérieuse.

Ce sont ces pratiques abusives et cette économie de comptoir qui ont été dénoncées dans le rapport d’information pour la commission des finances, de mars 2007, relatif à la transparence des règles applicables aux pensions de retraites et aux rémunérations outre-mer. Au delà du constat de prix anormalement élevés, confirmé par tous les relevés comparatifs révélateurs d’écarts injustifiables, sur des produits identiques, entre les départements d’outre-mer et la France continentale, au détriment des premiers, il faut analyser précisément les mécanismes de formation des prix.

Au lieu de se confronter à ce problème insupportable, le Gouvernement a choisi, par exemple, d’utiliser la loi de finances rectificative pour 2008, pour s’attaquer aux compléments de retraites versés outre-mer, contre l’avis de la plupart des élus de ces régions qui ont multiplié les mises en garde, mais sans se décider à intervenir pour faire baisser les prix, ajoutant encore à l’injustice au lieu de la combattre.

Il faut aussi permettre aux régions d’outre-mer d’établir plus largement des relations mutuellement avantageuses avec les pays voisins, notamment avec l’objectif d’un développement des échanges commerciaux.

Aujourd’hui, il n’est plus temps de tergiverser, mais de faire en sorte que les augmentations de salaire et de minima sociaux, outre-mer, ne finissent plus dans les caisses des accapareurs, du fait de l’augmentation des prix, ces rois de la « pwofitasyon » justement dénoncés par les grévistes et les manifestants, mais permettent une amélioration substantielle et durable du niveau de vie des habitants de ces départements. Cela suppose de faire droit aux revendications actuelles, comme d’entreprendre des réformes de fond, de s’attaquer à des privilèges et des rentes de situation.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du règlement, une commission d’enquête parlementaire de 30 membres, sur les causes de la situation sociale, économique et politique dans les départements ultramarins et aux réformes qu’appelle la crise actuelle, notamment pour répondre aux revendications des habitants et redéfinir les rapports institutionnels entre les territoires ultramarins et le pouvoir central.


© Assemblée nationale