N° 2122 - Proposition de loi de M. Marc Le Fur visant à renforcer la lutte contre les mariages de complaisance



N° 2122

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la lutte contre les mariages de complaisance,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marc LE FUR, Élie ABOUD, Martine AURILLAC, Patrick BALKANY, Brigitte BARÈGES, Jacques Alain BÉNISTI, Claude BIRRAUX, Étienne BLANC, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Françoise BRANGET, Loïc BOUVARD, Dominique CAILLAUD, Bernard CARAYON, Jean-François CHOSSY, Geneviève COLOT, Louis COSYNS, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Dominique DORD, Nicolas DHUICQ, Jean-Michel FERRAND, André FLAJOLET, Jean-Paul GARRAUD, Alain GEST, Charles-Ange GINESY, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Jean-Pierre GORGES, Michel GRALL, Claude GREFF, Anne GROMMERCH, Gérard HAMEL, Michel HERBILLON, Guénhaël HUET, Paul JEANNETEAU, Marc JOULAUD, Patrick LABAUNE, Jacques LAMBLIN, Marguerite LAMOUR, Laure de LA RAUDIÈRE, Charles de la VERPILLIÈRE, Thierry LAZARO, Michel LEZEAU, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Alain MARC, Muriel MARLAND-MILITELLO, Franck MARLIN, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Christian MÉNARD, Philippe MEUNIER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Philippe MORENVILLIER, Jean-Marie MORISSET, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Françoise de PANAFIEU, Yanick PATERNOTTE, Christian PATRIA, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Michel RAISON, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, André SCHNEIDER Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Dominique TIAN, Christian VANNESTE, Patrice VERCHÈRE, Jean UEBERSCHLAG, Marie-Jo ZIMMERMANN, Patrick BEAUDOUIN, Sophie DELONG, Marianne DUBOIS, Jean-Frédéric POISSON, Arlette GROSSKOST, Geneviève LEVY, Valérie ROSSO-DEBORD,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’heure où certains mouvements dénoncent une sorte de « délit de solidarité » dont seraient victimes les personnes qui encouragent une forme d’immigration clandestine, personne n’évoque « l’obligation de complicité » dont sont victimes les Maires de France lorsqu’ils sont contraints de marier des étrangers en situation irrégulière sous le coup d’une procédure d’expulsion.

Dans de nombreux cas la situation est identique : un couple l’un de nationalité étrangère, l’autre d’origine étrangère demande à se marier à la Mairie d’une commune. Renseignements pris, le Maire, se rend compte que l’un des deux futurs époux est sous le coup d’une procédure d’expulsion exécutable quelques jours après le mariage. Bien évidement, s’il y a mariage, cette procédure doit être réétudiée par l’administration en vue d’une régularisation. Ne voulant pas se faire complice d’une filière d’immigration clandestine, le Maire refuse de publier les bans. Il informe alors que personne ne célébrera le mariage à la Mairie et qu’à la date prévue, la Mairie sera fermée. Quelques jours plus tard, le Maire est convoqué devant le Tribunal de Grande instance.

La question de principe est aujourd’hui posée.

C’est la mairie qui délivre les certificats de résidence permettant l’obtention des visas destinés aux étrangers.

C’est le Maire qui atteste que la personne accueillie sur le sol français résidera bien dans une famille de sa commune.

Il est donc aux premières loges dans la lutte contre les filières d’immigration clandestine. Et c’est pourtant lui que l’on condamne en l’obligeant à marier des personnes dont il sait parfaitement que le mariage justifiera à lui seul une régularisation.

Jusqu’ici, beaucoup de maires se sont tus. Mais, depuis quelques mois, la loi du silence est entrain d’être brisée. Ce vide juridique ne peut plus durer.

Il crée de l’insécurité pour les maires, à qui l’on donne le choix d’être complice de l’immigration clandestine ou d’être cité en justice, pour avoir refusé de célébrer un mariage au sujet duquel il a des doutes quant aux motivations réelles.

Mais ce vide juridique donne également un très mauvais signal aux étrangers qui s’astreignent à respecter nos lois et à faire l’effort d’intégration exigé pour vivre dans notre pays et qui constatent que d’autres qui contournent à dessein la loi sont en fait gagnants

Notre lutte contre l’immigration clandestine a de nombreuses lacunes.

Lutter contre l’immigration clandestine, c’est garantir une meilleure intégration pour les étrangers qui choisissent de respecter nos lois.

Pour mieux lutter contre l’immigration clandestine, il faut savoir traiter les vides juridiques qui sont autant d’appels d’air.

Il est en effet du devoir des maires, mais aussi des procureurs de s’opposer à ce qu’ils constatent être un risque d’infraction.

Aujourd’hui le code civil permet déjà aux maires et aux procureurs de s’opposer à un mariage que l’on peut qualifier de totalement fictif et dont le seul et unique objet est en réalité l’accession à la nationalité ou l’obtention d’un titre d’un titre de séjour. C’est le mariage blanc au sens propre du terme.

Cependant il est aussi des situations où il existe une véritable relation personnelle entre les deux individus en cause mais pour lesquelles le mariage n’est pourtant qu’un moyen d’obtenir une régularisation et d’éviter une reconduite à la frontière. Ce type de mariage que l’on pourrait qualifier de « mariage gris » est un bien une forme de détournement de procédure. Or ce détournement ou cette tentative de détournement est bien pénalement répréhensible.

Ainsi, l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étranger et du droit d’asile dispose que : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ces mêmes peines sont applicables en cas d’organisation ou de tentative d’organisation d’un mariage ou d’une reconnaissance d’enfant aux mêmes fins. Elles sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée ».

Il est important que les maires et les procureurs puissent faire échec à une telle tentative d’infraction comme c’est le devoir de leur charge.

C’est dans ce contexte qu’il apparaît opportun, dans le but de prévenir toute commission de l’infraction pénale réprimant le fait de contracter mariage aux fins d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française (Article L. 623-1 à L. 623-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), d’obliger le ministère public, saisi par le maire à surseoir automatiquement à la célébration d’une union en cas de suspicion de mariage de complaisance.

Le délai de sursis serait d’un mois, renouvelable. Cette suspension permettrait ainsi au Procureur de la République de diligenter une enquête afin d’établir la tentative de commission des infractions décrites à l’article L. 632-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précédemment cités et d’engager les poursuites, le cas échéant.

Tels sont, Mesdames et Messieurs les objectifs de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le deuxième alinéa de l’article 175-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il apparaît que le mariage envisagé a pour finalité de tenter de commettre l’une des infractions mentionnées à l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le procureur de la République, saisi sans délai par l’officier d’état civil, est tenu dans les quinze jours de sa saisine de surseoir à la célébration du mariage et de faire procéder à une enquête sur cette tentative de commission d’infraction. »

Article 2

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la présente loi.


© Assemblée nationale