N° 2188 - Proposition de loi de M. René Dosière relative à la déclaration de patrimoine des membres du Gouvernement et de titulaires de certains mandats et fonctions



N° 2188

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

relative à la déclaration de patrimoine des membres du Gouvernement
et de
titulaires de certains mandats et fonctions,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

René DOSIÈRE, Jean-Jacques URVOAS, Jean-Marc AYRAULT et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Martine Pinville, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Marcel Rogemont et Christiane Taubira.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Afin d’améliorer la transparence sur le rôle de l’argent dans la vie politique, le législateur a adopté, en 1988, des dispositions concernant les déclarations de patrimoine des principaux élus politiques, étendues en 1995 aux dirigeants des entreprises publiques et des établissement publics industriels et commerciaux nationaux.

Ces déclarations sont adressées – en début et en fin de mandat ou de fonction – à une commission pour la transparence financière de la vie politique, composée de membres issus des trois plus hautes juridictions (Conseil d’État, Cour de cassation et Cour des Comptes). Elle a pour mission d’apprécier la variation des situations patrimoniales des intéressés.

Tous les trois ans, cette commission établit un rapport publié au Journal officiel de la République française.

Le treizième (et actuellement) dernier rapport est paru le 20 décembre 2007.

Dès 2002, et depuis à plusieurs reprises, la commission a souligné les difficultés rencontrés pour l’accomplissement de sa mission d’apprécier la variation des patrimoines des personnes concernées.

En effet, lorsque la commission constate des variations de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d’explications satisfaisantes, malgré les précisions supplémentaires sollicitées, elle transmet le dossier au Parquet.

Au total, depuis 1995, dix dossiers relatifs à 7 personnes, ont été transmis au parquet.

Cette transmission n’a pratiquement aucun effet. Ainsi, en 2007, deux procureurs de la République ont classé sans suite ces dossiers, constatant l’absence de toute infraction pénale avérée, puisque les déclarations mensongères de patrimoine effectuées auprès de la commission ne revêtent ni la qualification de faux ni celle d’établissement de fausse attestation, ainsi qu’en ont jugé des tribunaux de grande instance et des cours d’appel.

Dans son onzième rapport, publié au Journal officiel de la république française du 18 juillet 2002, la commission appelait de ses vœux une réforme indispensable, à savoir la création d’une infraction spécifique pour fausse déclaration de patrimoine.

En effet, une personne dont la déclaration de patrimoine avait été transmise à la justice a été relaxée bien que le tribunal correctionnel ait relevé que « les dissimulations opérées par l’intéressé ont mis de façon évidente la commission dans l’incapacité d’accomplir sa mission et que l’absence d’explication satisfaisante sur certains points porte manifestement atteinte à la foi publique et à l’ordre social à travers ses institutions, empêchées de fonctionner conforment aux objectifs [...] attribués par le législateur. »

Pour motiver la relaxe, le tribunal correctionnel se fondait sur le motif selon lequel le législateur n’a pas prévu de sanction spécifique en cas de déclarations fausses ou inexactes. Dans ces conditions, la commission reconnaissait qu’elle était « totalement désarmée ».

Cette demande, renouvelée dans son rapport de 2004, a inspiré une proposition de loi du groupe socialiste (n° 1497, enregistrée le 4 mars 2004) qui n’a, hélas, pas été mise en discussion.

En conséquence, l’autorité de la commission s’est trouvée notoirement affaiblie, les observateurs de la vie politique soulignant cette carence.

Dans son dernier rapport, en 2007, la commission a renouvelé, pour la troisième fois, sa demande, l’accompagnant en annexe d’un projet de loi.

Le silence qui a suivi cette publication a entrainé un malaise au sein de la commission qui a enregistré récemment la démission d’un de ses membres au motif que la commission ne pouvait rien contrôler.

Dans ces conditions, afin de permettre à la commission de remplir effectivement le rôle que lui a fixé le législateur, la présente proposition de loi – qu’accompagne une proposition de loi organique applicable aux membres du Parlement et au Président de la République – propose de modifier la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence de la vie politique sur les points mis en exergue dans les divers rapports de la commission.

L’article 1er institue un seuil, exprimé en montant du chiffre d’affaire, en deçà duquel les dirigeants des entreprises nationales ne seraient plus tenus à déclaration. Cette disposition permettra à la commission de concentrer son contrôle sur un nombre significatif et raisonnable de dirigeants d’entreprises.

L’article 2 a pour objet de fournir à la commission les moyens d’analyser les variations de patrimoine en obligeant les intéressés à fournir leurs déclarations faites au titre de l’impôt sur le revenu et le cas échéant l’impôt de solidarité sur la fortune.

L’article 3 institue une infraction de déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal, permettant aux juges de sanctionner les dirigeants d’entreprises et les ministres concernés d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Les articles 4 à 7, qui concernent les élus, institue, en cas de déclaration inexacte ou fausse, une peine d’inéligibilité d’un an, à l’instar de ce qui existe présentement en cas de non-déclaration.

L’article 8 rend applicable ces dispositions en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Wallis et Futuna et Mayotte.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. – Le dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est remplacé par un II ainsi rédigé :

« II. – L’obligation prévue au I est applicable aux présidents et aux directeurs généraux :

« 1° Des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue directement par l’État ;

« 2° Des établissements publics de l’État à caractère industriel et commercial ;

« 3° Des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, séparément ou ensemble, par les personnes mentionnées aux 1° et 2° et dont le chiffre d’affaire annuel au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés est supérieur à 15 millions d’euros ;

« 4° Des offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 421-1 du code de la construction et de l’habitation, gérant un parc comprenant plus de 2 000 logements au 31 décembre de l’année précédant celle de la nomination des intéressés ;

« 5° Des sociétés et autres personnes morales, quel que soit leur statut juridique, autres que celles mentionnées aux 1° et 3° ci-dessus, dont le chiffre d’affaires annuel, au titre du dernier exercice clos avant la date de nomination des intéressés, dépasse 750 000 euros, dans lesquelles les collectivités territoriales, leurs groupements ou toute autre personne mentionnée aux 1°, 2°, 3° et 4° détiennent, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital social ou qui sont mentionnées au 1° de l’article L. 1525-1 du code général des collectivités territoriales.

« Les déclarations mentionnées au I doivent être déposées auprès de la commission prévue à l’article 3 dans les deux mois qui suivent le début et la fin des fonctions. La nomination des personnes mentionnées au présent II est, le cas échéant, subordonnée à la justification du dépôt de la déclaration exigible lors de la cessation de fonctions précédentes. Elle est considérée comme nulle si, à l’issue du délai de deux mois, la déclaration prévue lors de l’entrée en fonction n’a pas été déposée.

« Un décret en Conseil d’État détermine la liste des fonctions assimilées à celles de président et de directeur général pour l’application de la présente loi. »

II. – Toute personne ayant déclaré son patrimoine en début de fonctions, en application du dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée dans sa rédaction antérieure à la présente loi, et qui n’est plus soumise à cette obligation en raison de la modification de ces dispositions par le I du présent article, déclare son patrimoine auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique dans les deux mois qui suivent l’entrée en vigueur du présent article, sous réserve des dispositions du cinquième alinéa du I du même article 2.

La nomination des personnes mentionnées au II du même article 2 est, le cas échéant, subordonnée à la justification du dépôt de la déclaration exigible en application de l’alinéa précédent.

III. – Le présent article entre en vigueur à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du décret en Conseil d’État mentionné au I du dernier alinéa du II de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée et, au plus tard, six mois à compter de la publication de la présente loi.

Article 2

Dans le deuxième alinéa du II de l’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée, après les mots : « transparence financière de la vie politique », sont insérés les mots : « leur déclaration de revenus et, le cas échéant, leur déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune. Elles communiquent en outre. ».

Article 3

Le II de l’article 3 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le dépôt d’une déclaration inexacte ou fausse, au sens de l’article 441-1 du code pénal, par une personne visée au premier et dernier alinéa de l’article premier ainsi qu’au II de l’article 2. »

Article 4

Après l’article L. 195 du code électoral, il est inséré un article L. 195-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 195-1. – Peuvent être déclarés inéligibles pour un an par le juge pénal, saisi par la Commission pour la transparence financière de la vie politique, le président du conseil général ou le conseiller général visé au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique qui a déposé une déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal. »

Article 5

L’article L. 230 du code électoral est complété par des 5° et 6° ainsi rédigés :

« 5° Peuvent être également déclarés inéligibles pour un an par le juge pénal, saisi par la Commission pour la transparence financière de la vie politique, le maire ou l’adjoint au maire visé au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée qui a déposé une déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal ;

« 6° Peuvent être également déclarés inéligibles pour un an par le juge pénal, saisi par la Commission pour la transparence financière de la vie politique, le président du conseil régional ou le conseiller régional visé au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée qui a déposé une déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal. »

Article 6

L’article L. 367 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Peuvent être également déclarés inéligibles pour un an par le juge pénal, saisi par la Commission pour la transparence financière de la vie politique, le président de l’Assemblée de Corse, le conseiller à l’Assemblée de Corse, le président du Conseil exécutif de Corse ou le membre de ce Conseil visé au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique qui a déposé une déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal. »

Article 7

Le IV de l’article 5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 est complété par la phrase suivante :

« Peuvent être également déclarés inéligibles pour un an par le juge pénal, saisi par la Commission pour la transparence financière de la vie publique, le président d’une assemblée territoriale et le président élu d’un exécutif qui a déposé une déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal. »

Article 8

Le V de l’article 5 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 est complété par la phrase suivante :

« Peuvent être également déclarés inéligibles pour un an en qualité de membre de l’organe délibérant d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre, le président d’un tel groupement qui a déposé une déclaration de patrimoine inexacte ou fausse au sens de l’article 441-1 du code pénal. »

Article 9

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin et Saint Barthélémy, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte.


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