N° 2364 - Proposition de loi de M. Jean-Jacques Candelier tendant à garantir les droits de la défense des personnes placées en garde à vue



N° 2364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

PROPOSITION DE LOI

tendant à garantir les droits
de la défense des personnes placées en garde à vue,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Jacques CANDELIER, Maxime GREMETZ, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objectif de renforcer les droits fondamentaux des personnes placées en garde à vue.

Alors que depuis quelque temps différentes juridictions se sont chargées de traduire en acte un arrêt de la Cour européenne en refusant de verser au dossier des procès-verbaux rédigés en l’absence d’avocat, ce sont les statistiques officielles des gardes à vue qui attirent l’attention des pouvoirs publics.

Le nombre de placements en garde à vue est en effet en forte progression. Le chiffre s’élève à 800 000 pour l’année 2009. Cela est particulièrement préoccupant.

En ce qu’elle constitue une privation de liberté, la garde à vue implique nécessairement l’existence de garanties tenant aux droits de la défense.

Pour Christophe Régnard, président de l’USM, la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue, réclamée par de nombreux syndicats ainsi que par le barreau de Paris, permettrait déjà de limiter les abus de garde à vue.

Par ailleurs, bien que présumée innocente, la personne suspectée se trouve souvent dans une situation de vulnérabilité.

Depuis 1993, différentes lois ont affirmé les droits des personnes gardées à vue, avec, notamment, la faculté de s’entretenir avec un avocat dès la première heure. Cependant, l’avocat ne peut ni assister aux différents actes, tels que les interrogatoires et les confrontations, ni prendre connaissance du dossier de la procédure. Le suspect peut toujours être interrogé sans l’assistance d’un avocat.

Cette situation n’apparaît pas satisfaisante au regard des droits de la défense, consacrés au plan constitutionnel et international. La Cour européenne des droits de l’homme a récemment réaffirmé l’exigence d’un accès au dossier et le droit d’être assisté par un avocat pendant les interrogatoires, pour que le droit à un procès équitable demeure suffisamment « concret et effectif ».

Il faut donc améliorer la législation pour permettre à la personne placée en garde à vue d’être en mesure de se défendre. Notre législation doit se conformer aux principes du procès équitable énoncés par les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

De plus, il faut éviter que soient utilisées des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire subi sans l’assistance d’un avocat, pour fonder une condamnation, et contribuerait ainsi à prévenir le risque d’erreur judiciaire.

Ces évolutions de notre législation ne feraient qu’aligner la France sur la position des démocraties voisines.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « qui aura préalablement pu prendre connaissance du dossier de l’enquête ou de la procédure d’instruction » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« L’avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien, après que le dossier d’enquête ou la procédure d’instruction auront été mis à sa disposition. » ;

3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Toute personne placée en garde à vue doit immédiatement faire l’objet d’une audition, assistée d’un avocat si elle en fait la demande. Son audition est différée jusqu’à l’arrivée de l’avocat.

« À l’issue de cette audition, la personne ne peut être entendue, interrogée ou assister à tout acte d’enquête hors la présence de son avocat, sauf si elle renonce expressément à ce droit. Le procès-verbal d’audition visé à l’article 64 mentionne la présence de l’avocat aux auditions, interrogatoires et actes d’enquête, ainsi que les motifs de son absence le cas échéant.

« Le dossier d’enquête ou la procédure d’instruction sont mis à la disposition de l’avocat avant chaque interrogatoire, confrontation ou acte d’enquête. » ;

4° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« L’avocat ne peut faire état auprès de quiconque ni du ou des entretiens qu’il a eu dans le cadre de la garde à vue ni d’aucun acte auquel il a assisté pendant la durée de la garde à vue. » ;

5° Le dernier alinéa est supprimé.

Article 2

Après la première phrase du premier alinéa de l’article 64 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il mentionne aussi la présence de l’avocat de la personne gardée à vue aux auditions, interrogatoires ou actes d’enquête, et le cas échéant, les raisons de son absence. »


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