N° 2605 - Proposition de loi de M. Philippe Goujon encadrant l'organisation de rassemblements sur la voie publique au moyen d'un réseau de communications électroniques



N° 2605

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2010.

PROPOSITION DE LOI

encadrant l’organisation de rassemblements sur la voie publique au moyen d’un réseau de communications électroniques,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Philippe GOUJON, Jean-François LAMOUR,
Claude GOASGUEN et Jean TIBERI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nantes, Rennes, Marseille... Ces villes ont été récemment le théâtre de rassemblements sur la voie publique d’un nouveau genre : les apéritifs géants, organisés sur Internet et dont le dernier en date, à Brest au mois d’avril a attiré plus de 7 000 personnes. Ces initiatives rencontrent un succès populaire justifié par leur caractère convivial et festif, et s’ancrent dans la mutation des modes de communication qu’a introduite Internet, en permettant de fédérer par la voie virtuelle des milliers de personnes membres de réseaux sociaux virtuels.

Placés sous le signe de la convivialité, ces événements n’auraient donc à priori rien de choquant... si ce n’est qu’ils sont malheureusement souvent placés sous le signe de l’irresponsabilité, découlant principalement de la facilité de leur mode d’organisation, par la voie d’un simple appel au rassemblement sur Internet, qui conduit fréquemment leurs « organisateurs » à omettre de se conformer aux obligations inhérentes à la préparation de toute manifestation : déclaration en Préfecture, organisation d’un service d’ordre et d’un dispositif sanitaire.

Pourtant, les risques induits par les mouvements de foule sont bien connus : bagarres, piétinements, dégradations, atteintes aux biens et violences aux personnes... Il suffit de se rappeler les débordements du rassemblement improvisé en juin 2008 sur le champ de Mars par des milliers de jeunes venus fêter leur bac ou, plus récemment, du rassemblement à cet endroit de milliers de Parisiens accourus à la suite de l’annonce radiophonique d’une distribution de billets sur la voie publique par la société Mailorama.

L’organisation, par l’intermédiaire du réseau social Facebook, de deux nouveaux « apéros géants » dont l’un a été baptisé « Record du plus grand apéro de France », au pied de la Tour Eiffel, corrobore la justesse des craintes de débordements. En effet, malgré les prises de contact des services préfectoraux avec les initiateurs de cet événement pour les informer de l’interdiction de consommer de l’alcool à cet endroit explicitée par un arrêté préfectoral en 2008, aucune déclaration n’a été déposée en Préfecture et aucun dispositif sanitaire, ni service d’ordre n’a été prévu. Le drame récent de « l’apéro géant » de Nantes, où une personne a perdu la vie, démontre le caractère indispensable d’une organisation sérieuse de ces événements festifs.

Qu’ils soient organisés par l’intermédiaire d’un réseau de communications électroniques, d’un moyen de télécommunications, d’une distribution de tract ou par courrier, ces événements ne peuvent échapper aux obligations légales qui encadrent, pour des raisons de sécurité publique, leur organisation.

C’est pourquoi cette proposition de loi complète utilement l’article premier du décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l’ordre public en prévoyant explicitement que la personne qui lance un appel au rassemblement sur la voie publique, notamment par l’intermédiaire d’un réseau de communications électroniques, à un lieu et à un horaire précis est considérée comme organisateur de cette manifestation et se doit de procéder à sa déclaration dans les conditions déterminées par la loi. Le fait de ne pas procéder à cette déclaration l’expose à la peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende déjà prévue par l’article 431-9 du code pénal.

Enfin, elle établit que le refus de l’organisateur d’un tel événement de se présenter auprès des services compétents pour en prévoir les modalités d’organisation lorsque ceux-ci lui en ont adressé la demande et qu’il n’y a pas répondu, entraîne l’interdiction automatique de la manifestation et l’expose au doublement de la peine prévue à l’article 431-9 du code pénal.

Parce que la dissuasion est la meilleure des préventions, nous vous demandons donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 1er du décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l’ordre public est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne qui appelle à un rassemblement sur la voie publique, notamment par l’intermédiaire d’un réseau de communications électroniques, à une date et à un lieu précis est considérée comme étant l’organisateur de cette manifestation et est tenue de procéder à sa déclaration dans les conditions fixées par la loi. »

Article 2

L’article 431-9 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dès lors que l’instigateur d’une manifestation sur la voie publique a été invité à se présenter auprès des services compétents pour en prévoir les modalités d’organisation et qu’il n’y a pas répondu, son silence constitue une circonstance aggravante punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende et entraîne l’interdiction automatique de ladite manifestation. »


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