N° 2639 - Proposition de résolution de M. Noël Mamère tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la dévolution de l'église Saint-Eloi à Bordeaux à des catholiques intégristes



N° 2639

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juin 2010.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
relative à la dévolution de l’église Saint-Eloi à Bordeaux
à des catholiques intégristes,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Noël MAMÈRE, Yves COCHET, François de RUGY,
Michèle DELAUNAY, Philippe PLISSON et Martine FAURE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une République laïque est une République qui protège la liberté des cultes et condamne les extrêmes.

En janvier 2002, l’ancien maire de Bordeaux a attribué l’Église St-Eloi à une association appelée « Église Saint Eloi » directement liée à la Fraternité Saint Pie X, dirigée à Bordeaux par l’abbé Laguérie, disciple de feu Monseigneur Lefebvre, chef de file des catholiques intégristes. La Fraternité Saint Pie X, excommuniée par le Pape en 1988, se manifeste par un attachement à des valeurs antidémocratiques, par sa haine de la laïcité, des Droits de l’Homme et par une vision archaïque de la société (homophobie, vision rétrograde du rôle des femmes, dressage éducatif, opposition à la contraception, etc.). Elle soutient les commandos anti-IVG ainsi que des mouvements de jeunesse paramilitaires comme celui de l’abbé Cottard, reconnu coupable de la mort de cinq personnes en 1999. L’abbé Laguérie est quant à lui une figure emblématique du catholicisme traditionaliste en France ; régulièrement invité à s’exprimer sur les ondes, il est connu pour ses thèses négationnistes et ses accointances avec l’extrême droite, notamment avec Jean-Marie Le Pen, ex-leader du front National.

Cette dévolution de l’Église Saint-Eloi à des catholiques intégristes a été déclarée illégale par trois décisions de justice : dès le 20 décembre 2002 par le tribunal administratif de Bordeaux ; puis, le 27 avril 2004, la cour administrative d’appel annule définitivement la délibération du Conseil municipal de janvier 2002 qui attribuait l’église Saint-Eloi aux intégristes ; la dernière décision est issue du Conseil d’État, dans son arrêt du 2 mars 2005, qui rejette le recours de l’association « Église saint-Eloi » contre les décisions précédentes.

Pourtant, l’application de ces décisions n’a été demandée ni par le Ministre de l’Intérieur de l’époque, ni par le Préfet, ni par le Maire de Bordeaux. Depuis maintenant 8 ans, le silence perdure sur cette dévolution illégale.

Interrogé sur cette inertie lors de la séance des questions au gouvernement du mercredi 2 juin 2010 par Michèle Delaunay, Députée de Gironde, le Ministre de l’Intérieur a répondu que seul le Cardinal archevêque de Bordeaux, Monseigneur Ricard, pouvait demander l’exécution des décisions de justice. Cependant, un archevêque ne peut avoir qu’une autorité morale sur les lieux, le Maire restant le seul propriétaire des lieux. L’exécution des décisions de justice revient donc au Maire de Bordeaux.

Nous devons répondre aux questions suivantes qui sont liées à l’application du principe de laïcité, fondateur de la République française :

– Faut-il procéder à l’exécution des décisions de justice concernant l’annulation de la dévolution de l’Église Saint-Eloi aux catholiques intégristes ?

– Pourquoi le Maire de Bordeaux n’a-t-il pas procédé à l’exécution de ces décisions de justice depuis 2002 ?

– La République peut-elle tolérer l’administration d’un lieu relevant du patrimoine public d’une commune par des courants intégristes ?

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres relative à l’occupation illégale de l’Église Saint-Eloi de Bordeaux par des catholiques intégristes.

Elle devra notamment faire le point sur l’inertie depuis 2002 des autorités publiques, et notamment la mairie de Bordeaux, face à cette occupation illégale, malgré trois décisions de justice.


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