N° 2742 - Proposition de loi de M. Damien Meslot visant à introduire dans le code pénal la peine complémentaire de déchéance de la nationalité française



N° 2742

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à introduire dans le code pénal la peine complémentaire
de déchéance de la nationalité française,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Damien MESLOT,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La nationalité ne traduit pas seulement l’existence d’un lien juridique entre la nation et l’individu ; elle est et doit être aussi l’expression d’un sentiment de filiation entre les deux. Sans la volonté de « vivre ensemble » les valeurs de la République, la nationalité est vidée de sa substance. Comme l’a parfaitement exprimé le Président de la République dans son discours du 12 novembre 2009, « devenir Français, c’est adhérer à une forme de civilisation, à des valeurs et à des mœurs » et « on ne peut pas vouloir tous les avantages de la République si l’on ne respecte aucune de ses lois, aucune de ses valeurs, aucun de ses principes ».

Ne pas respecter les valeurs et les lois de la France, c’est ne pas accepter les devoirs attachés à la citoyenneté française. Il n’apparaît pas acceptable que les délinquants qui se sont vus accorder la nationalité française puissent la conserver alors que leurs actes mettent en cause et contrarient les principes du pays qui les a accueillis et les a reconnus comme membres à part entière de la société française.

En l’état actuel du droit, la déchéance de la nationalité française relève du pouvoir réglementaire. En effet, l’article 25 du code civil prévoit que celui qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride.

Cette sanction vise des cas limitativement énumérés, à savoir les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, les actes de terrorisme, les atteintes aux institutions de la République ou à l’intégrité du territoire national, la soustraction aux obligations du code du service national et l’intelligence avec un État étranger préjudiciable aux intérêts de la France.

De fait, il ressort que cette procédure reposant sur la voie réglementaire est très peu mise en œuvre.

Afin de rendre le dispositif plus cohérent et efficient, il est proposé de permettre aux juridictions répressives de prononcer à titre de peine complémentaire la déchéance de la nationalité française.

À l’heure actuelle, l’article 131-10 du code pénal dispose que « lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d’un droit (…) ».

Cet article serait donc complété par un alinéa prévoyant la possibilité pour les juridictions pénales de prononcer la déchéance de la nationalité française.

Cette déchéance serait ainsi placée sous la garantie de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, qui ne pourra la prononcer que par une décision spécialement motivée.

En outre, dans le cadre de l’article 25 du code civil, cette déchéance est trop limitée. Il apparaît opportun d’étendre la sanction à un nombre beaucoup plus large d’infractions.

Parce que tout acte de délinquance est l’expression d’un rejet des règles et des valeurs de la France, il est proposé que tout étranger ayant acquis la nationalité française pourra être déchu de celle-ci en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à trois mois. Cette déchéance se produira dans les dix ans qui suivent l’acquisition de la nationalité.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 131-10 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l’article 25 du code civil, la juridiction pourra, à titre de peine complémentaire et par décision spécialement motivée, prononcer la déchéance de la nationalité française à l’encontre de l’auteur condamné à une peine d’emprisonnement ferme supérieure à trois mois, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride. La déchéance de la nationalité française est encourue dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition. »


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