N° 2808 - Proposition de loi de M. Christian Vanneste visant à la déchéance de la nationalité pour les criminels



N° 2808

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à la déchéance de la nationalité pour les criminels,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Christian VANNESTE, Jean AUCLAIR, Patrice CALMÉJANE, Bernard CARAYON, Nicolas DHUICQ, Jacques DOMERGUE, Jean-Michel FERRAND, Louis GUÉDON, Michel LEZEAU, Lionnel LUCA, Georges MOTHRON, Bruno SANDRAS, Jean-Pierre SCHOSTECK, Jean-Marie SERMIER et Fernand SIRÉ,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, dans son discours de Grenoble, en août 2010, a proposé que « toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique » soit déchue de sa nationalité française.

Historiquement, le système de la déchéance est apparu avec l’abolition définitive de l’esclavage, en 1848. Le décret d’abolition déclare que tout Français qui continue à pratiquer la traite ou qui achète de nouveaux esclaves sera déchu de la nationalité française. La procédure est ensuite temporairement élargie au moment de la Première Guerre mondiale. Le Parlement vote alors une législation spéciale pour temps de guerre, qui permet notamment de déchoir des Français originaires des pays ennemis (Allemagne, Autriche, Hongrie, Turquie), pour des actes de trahison ou d’insoumission. En 1927, on prévoit que les Français d’origine étrangère qui se seront livrés à des actes contraires à la sécurité intérieure, à des actes incompatibles avec la qualité de Français au profit d’un État étranger, ou qui se seront soustraits aux obligations du service militaire, pourront être déchus. En 1938, de nouveau dans un contexte de tensions importantes, la déchéance est élargie, par une majorité de gauche, aux Français qui, dans les dix années suivant leur naturalisation, ont commis en France ou à l’étranger un crime ou un délit ayant entraîné une condamnation d’au moins un an d’emprisonnement. Après la seconde Guerre mondiale, l’ordonnance de 1945 garde la possibilité de déchoir pour crime, mais désormais au-delà de 5 ans d’emprisonnement, puis en 1996, sont ajoutées des dispositions qui permettent la déchéance pour terrorisme.

C’est ainsi que l’article 25 du code civil précise, aujourd’hui, quatre cas où la déchéance est possible, pour une personne ayant acquis la nationalité depuis moins de dix ans : une condamnation pour un « crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » ou pour « terrorisme » ; pour un « crime ou délit prévu au chapitre 2 du titre III du livre IV du code pénal » (espionnage, sédition, haute trahison militaire...) ; se soustraire « aux obligations résultant pour lui du code du service national », et enfin, s’être « livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».

En 1998, Élisabeth Guigou a abrogé une cinquième possibilité qui existait depuis 1945 : celle de déchoir un individu de la nationalité française « s’il a été condamné en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement ». Or, lorsque un étranger a acquis la nationalité française, il a passé un contrat avec la République et ses lois. Le crime est à l’évidence une rupture de ce contrat et doit avoir pour conséquence l’annulation de celui-ci.

En Europe, la déchéance est strictement encadrée. Les situations suivantes peuvent mener à la perte ou à la déchéance de sa nationalité : l’abandon volontaire de sa nationalité ; la trahison, l’atteinte à la sûreté de l’État ; l’interdiction dans certains pays d’avoir la double nationalité ; pour une personne naturalisée, la résidence permanente à l’étranger ; pour une personne naturalisée, la fraude lors de la procédure ; le service militaire ou l’occupation d’un poste de fonctionnaire à l’étranger ; pour un enfant, lorsque celui-ci acquiert la nationalité étrangère de l’un ou de ses deux parents adoptifs. Malte punit certains de ses criminels de droit commun issus de l’immigration par une déchéance de nationalité : si un citoyen est condamné à une peine supérieure à un an de prison dans les sept années qui suivent sa naturalisation, il perd automatiquement la nationalité maltaise.

Il suffirait, par conséquent, de revenir à l’état de droit qui prévalait jusqu’en 1998. Avant cette date, la déchéance de nationalité pouvait être prononcée pour des personnes condamnées pour crime à une peine de plus de cinq ans de prison, dans les dix ans suivant leur accès à la nationalité.

C’est l’objet de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 25 du code civil est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° S’il a été condamné en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement. »


© Assemblée nationale