N° 2895 - Proposition de loi de M. Jean-Claude Flory visant à établir une norme d'étiquetage destinée à informer le consommateur du respect par les entreprises agro-alimentaires des recommandations émises par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments



N° 2895

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à établir une norme d’étiquetage destinée à informer le consommateur du respect par les entreprises agro-alimentaires des recommandations émises par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Claude FLORY,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Reconnue comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé en 1997, l’obésité constitue aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur dans les pays développés, avec près des 2/3 de la population obèse ou en surpoids aux États-Unis et 17,2 % d’adultes et 6,8 % d’enfants obèses en Europe (soit plus de 73 millions de personnes). En France, 16,9 % de la population est obèse (soit 8 millions de personnes) et 32,4 % en surpoids. Si la proportion de personnes en surpoids est stable depuis plusieurs années, le nombre de personnes obèses a triplé depuis la décennie 1990 et si ce rythme se poursuit, 30 % de la population française risque d’être obèse en 2020.

De nombreuses études médicales, dont l’étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale rendue en 2008(1), ont établi que l’obésité était un puissant facteur de risque pour le diabète de type 2, les cancers, l’hypertension artérielle, les maladies des articulations et avait également des répercussions psychologiques et sociales, avec un fort risque de discrimination des personnes obèses. La mortalité cardio-vasculaire, qui doit un large tribut à l’obésité, au diabète – qui touche 6 % de la population française – et aux dyslipidémies, représente 1/3 des causes de mortalité. L’obésité constitue par ailleurs la première cause de cécité et d’insuffisance rénale en phase terminale.

En France, sur les sujets hospitalisés, le pourcentage de sujets chez qui l’on détecte des éléments qui peuvent faire parler de malnutrition, dans certains cas, atteint jusqu’à 50 %. L’activité physique, source de dépense d’énergie indispensable de la prévention de cette maladie, représente pourtant à l’heure actuelle seulement 7 % de nos activités quotidiennes.

Pour répondre au défi que constitue l’éducation à la nutrition, la commission européenne a publié en 2005 un livre vert intitulé « Promouvoir une alimentation saine et l’activité physique ». Le Ministère de la Santé a également mis en place, en lien avec l’Agence française de la sécurité sanitaire des aliments – également une puissante alliée de ces politiques dont elle évalue les impacts – deux Programmes Nationaux Nutrition-Santé (PNNS), le PNNS 2000-2005 et le PNNS 2006-2010, sources de nombreuses campagnes de sensibilisation, notamment consacrées à l’importance de la consommation de fruits et légumes, du « manger-bouger » et au programme « Un fruit pour la récré », permettant la distribution gratuite d’un fruit pour la récréation dans les établissements scolaires situés en zone d’éducation prioritaire. Des rapports parlementaires ont également apporté leur contribution à la réflexion sur le sujet, comme le rapport d’information(2) de Mme Valérie Boyer, qui fait un tour d’horizon complet des politiques envisageables en matière de prévention de l’obésité. Le rapport à la ministre de la santé du Professeur Jean-François Toussaint(3), destiné à préparer le futur Programme national de prévention par les activités physiques ou sportives, préconise également de nombreuses mesures destinées à prévenir les maux liés à la sédentarité. L’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, a récemment permis d’ancrer juridiquement l’objectif de prévention de l’obésité dans le code de la santé publique, par l’insertion d’un livre intitulé « Lutte contre les troubles du comportement alimentaire », conférant de ce fait à cette maladie le statut d’une grande cause nationale, au même titre que le cancer ou la maladie d’Alzheimer.

Afin de lutter contre le manque de transparence des bilans nutritionnels des aliments visibles sur la base de l’étiquetage, il est ici proposé de confier aux Agences régionales de santé la mission de sensibiliser le grand public, au niveau local, à la nutrition, la diététique, et l’importance d’une alimentation équilibrée, et de charger l’Agence Française de normalisation (AFNOR) de mettre en place une norme d’étiquetage destinée à informer les consommateurs du respect par les entreprises agro-alimentaires des recommandations concernant le profil nutritionnel des aliments(4) émises par l’Agence française de sécurité sanitaire(5).

Ce type de mesures existe déjà depuis une trentaine d’années aux États-Unis, avec des informations nutritionnelles sur tous les aliments; d’autres pays utilisent des systèmes visuels d’information des consommateurs, comme les « traffic lights », feux rouges, oranges ou verts renseignant sur la classification nutritionnelle des aliments ; en Suède, un petit trou de serrure vert est apposé sur les aliments vertueux (« green keyhole »). Il s’agit donc, à travers cette disposition, de permettre au consommateur d’identifier clairement, par un symbole correspondant à cette nouvelle norme, dans les rayons des magasins, les produits équilibrés sur le plan nutritionnel, et ce afin de compléter la démarche actuelle de « charte qualité » lancée par le Ministère de la santé avec l’industrie agroalimentaire qui permet aux industriels s’engageant dans une démarche d’amélioration de la qualité nutritionnelle d’apposer un label sur leurs produits, label qui atteste certes d’une démarche, mais non de la réelle qualité nutritionnelle dudit produit(6).

Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que je vous demande de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

TITRE UNIQUE

MISE EN PLACE D’UNE NORME D’ÉTIQUETAGE DESTINÉE
À INFORMER LE CONSOMMATEUR DU RESPECT PAR LES PRODUITS ISSUS DE L’INDUSTRIE AGRO-ALIMENTAIRE
DES RECOMMANDATIONS ÉMISES PAR L’AGENCE FRANÇAISE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DES ALIMENTS

Article 1er

1. Les Agences régionales de santé mettent en œuvre, au plan local, en lien avec les collectivités territoriales, les écoles et les maisons de retraite, des actions de sensibilisation à destination du grand public et de toutes les tranches d’âge (enfants, adultes et séniors) visant à promouvoir l’éducation à la nutrition, à la diététique et à une alimentation équilibrée.

2. Un décret publié en Conseil d’État détermine les conditions d’application de cette disposition.

3. Le code de la santé publique est modifié en conséquence.

Article 2

1. L’État confie à l’Agence Française de normalisation la conception, en lien avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d’une norme spécifique aux profils nutritionnels des aliments issus de l’industrie agro-alimentaire destinée à permettre une meilleure lisibilité de leurs qualités nutritionnelles par le consommateur.

2. Un décret publié en Conseil d’État détermine les caractéristiques de cette nouvelle norme, notamment en ce qui concerne sa lisibilité immédiate par le consommateur sur l’emballage du produit et la signalétique susceptible de l’accompagner dans les lieux de distribution de ces produits.

Article 3

Les charges pour les collectivités territoriales qui résulteraient de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’Etat par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 991 du code général des impôts.

Article 4

Les charges pour l’État qui résulteraient de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 991 du code général des impôts.

Article 5

Les charges pour les organismes de sécurité sociale qui résulteraient de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.

1 () L’expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) s’est étalée de 2006 à 2008, synthétisant plus de 5 000 publications en un document de 800 pages.

2 () cf. Rapport d’information n° 1131 déposé le 30 septembre 2008 par Mme Valérie Boyer en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la prévention de l’obésité.

3 () cf. Rapport de la Commission Prévention, Sport et Santé, présidée par Jean-François Toussaint, réunie par le Ministère de la santé d’avril à octobre 2008, intitulé « Retrouver sa liberté de mouvement ».

4 () Le règlement européen du 20 décembre 2006 (CE 1924/2006) sur les allégations nutritionnelles et santé a introduit la notion de profil nutritionnel d’un aliment. Lors des Journées de la Prévention 2007, une équipe de chercheurs de Marseille (Inserm, Inra, Université), a présenté un système de pilotage nutritionnel basé sur l’emploi de deux indicateurs. Le premier synthétise les aspects favorables de l’aliment : c’est le Score d’Adéquation individuel aux recommandations Nutritionnelles ou SAIN, et représente le rapport nutriments/énergie en estimant le pourcentage de couverture des Apports Journaliers recommandés. Le second indicateur, appelé LIM, synthétise les aspects défavorables de l’aliment, dont il convient de limiter la consommation, tels que le sel, les acides gras saturés ou les sucres ajoutés. Fin 2006, un règlement sur les « Allégations nutritionnelles de santé » avait été adopté sous l’impulsion du Bureau européen des Unions de Consommateurs et posait deux principes forts : le rejet des « allégations santé » dénuées de fondement scientifique réel et l’interdiction des slogans « nutrition santé » aux produits dont les caractéristiques nutritionnelles ne seraient pas globalement favorables. La Commission européenne devait, avant le 19 janvier 2009, mettre en place un cadre précis pour définir quels produits alimentaires, en fonction de leur profil nutritionnel, auraient la possibilité d’utiliser ces différentes formules. Cependant, après avoir recueilli l’avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, en janvier 2008, elle a présenté un document de travail en mars 2009 qui n’a suscité de vives oppositions de certains États-membres.

5 () cf. Rapport de l’AFSSA : « Définition de profils nutritionnels pour l’accès aux allégations nutritionnelles et de santé: propositions et arguments », juin 2008.

6 () Afin de promouvoir les aliments dont la qualité nutritionnelle est reconnue, une proposition de loi n° 219, déposée par M. Jacques Remiller, proposait de baisser le taux de TVA auquel sont soumis les fruits et légumes, les produits laitiers non sucrés, la viande et le poisson, de 5,5 à 2 %.


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