N° 3058 - Proposition de loi de M. Dominique Perben visant à équilibrer les rapports entre propriétaires et locataires



N° 3058

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à équilibrer les rapports entre propriétaires et locataires,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Dominique PERBEN,

député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le pays connaît depuis plusieurs années une crise importante du logement. L’offre relative de logement diminue et les prix de l’immobilier augmentent, empêchant certains de nos concitoyens d’accéder à un logement décent, poussant certains ménages hors des villes, sectorisant les aires urbaines.

Il convient d’apporter une réponse adaptée et complète à cette difficulté. Les gouvernements ont mis en place un certain nombre de plans visant à répondre à ce déficit par la construction. Il apparaît néanmoins que la mobilité effective des logements est faible, la seule donnée matérielle semble donc insuffisante.

Parallèlement on assiste à une augmentation alarmante du nombre de contentieux liés aux contrats locatifs.

Quelques chiffres viennent éclairer cette réalité dramatique :

En 2009, 134 302 contentieux locatifs avec demande de délivrance de titre exécutoire (hausse de 38 % sur 10 ans) ont été ouverts dans le pays.

Ils ont débouché sur :

– 105 271 décisions de justice prononçant l’expulsion (hausse de 48 %) ;

– 58 904 commandements de quitter les lieux (plus 37 %) ;

– 41 054 demandes de concours de la force publique (38 % d’augmentation) ;

– 25 652 décisions accordant le concours de la force publique (plus 84 %) ;

– 11 294 interventions effectives de la force publique.

Nous ne pouvons laisser s’accentuer cette évolution sans réagir.

Au regard de ces deux constats : la difficulté pour les locataires à trouver un logement et l’augmentation du contentieux, il convient d’apporter une réponse plus complète, sur le plan législatif, et compléter ces mesures en agissant sur les conditions des contrats entre propriétaires et locataires qui sclérosent aujourd’hui le marché immobilier.

En effet, l’inflation de la protection du locataire, nécessaire, s’est pourtant mal construite. Le contrat passé entre bailleur et locataire ne repose aujourd’hui, en raison de l’accroissement des délais de recouvrement des loyers et d’expulsion, que sur la confiance dans la probité du locataire.

Cette image négative donnée au propriétaire se traduit dans les faits par l’augmentation des garanties non obligatoires demandées par les propriétaires et l’exclusion de facto d’un certain nombre de locataires potentiels.

Cet accroissement du contentieux n’est bénéfique ni aux propriétaires, ni aux locataires qui se trouvent désormais dans des situations de concurrence des garanties de plus en plus importantes. Un certain nombre d’entre eux, notamment les personnes âgées se trouvent par exemple face à de grandes difficultés quant à la présentation de garants.

Par ailleurs, l’accroissement du contentieux est aussi accroissement de la durée d’exécution des décisions de justice.

Le propriétaire se trouve en effet démuni en cas de non-recouvrement des loyers. La procédure, longue, ne lui permet en effet pas de recouvrer immédiatement la jouissance de son logement et s’avère extrêmement coûteuse. En comptant les trêves hivernales, l’occupation d’un logement sans ressources peut durer un an et demi.

Notons que les cas d’escroquerie touchent davantage les personnes vulnérables, notamment les personnes âgées, seules, qui, outre les conséquences morales que cela peut avoir sur elles, voient bien souvent leurs revenus diminuer fortement. La location d’un logement est en effet souvent le complément nécessaire à une faible retraite.

Aussi, si les procédures visant à empêcher l’expulsion immédiate du locataire en cas de défaut de paiement son justes et légitimes, elles n’en sont pas moins suffisamment imprécises pour permettre le développement de la malveillance et de l’escroquerie.

Ainsi, si les délais d’expulsion, qui prennent en compte les impératifs de respect des situations particulières et de la dignité humaine sont absolument nécessaires ils permettent le développement de la malveillance et de l’escroquerie. Les délais peuvent en effet déboucher, par le biais des trêves, des conditions techniques de transmission des demandes d’expulsions, sur des situations longues et extrêmement coûteuses. Ainsi, une procédure d’expulsion classique revient à 3 500 euros pour le propriétaire averti, somme à laquelle il convient d’ajouter le manque à gagner des loyers impayés et les charges diverses non réglées.

Il convient donc d’opérer un réajustement législatif à visée sociale. Empêcher la possibilité d’une insertion de l’escroc dans les textes législatifs, et ainsi, avec pour conséquence une plus grande confiance des propriétaires envers les locataires. L’objectif est d'entraîner un redéploiement du parc locatif, et par incidence, une baisse du niveau d’exigence du bailleur et la renaissance d’un véritable lien de confiance dans les relations sociales que constitue la location d’un bien.

Aussi, l’article 1er rappelle les conditions dans lesquelles la procédure classique de recouvrement des loyers ne s’applique plus.

Les articles 2 à 5 détaillent les corrections à apporter au code de la construction et de l’habitation.

L’article 6 propose une mesure de suivi de la récidive.

L’article 7 offre une possibilité d’action à l’encontre des bailleurs dont le bien entre dans le cadre de l’habitat indigne.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans le cas d’une escroquerie avérée, la procédure classique de recouvrement des loyers et d’expulsion n’est plus viable.

Article 2

Le troisième alinéa de l’article L. 613-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par les mots : « ou lorsque le bailleur est victime d’une escroquerie manifeste ».

Article 3

L’article L. 613-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas d’une escroquerie, ces dispositions ne sont pas applicables. Le délai incompressible de deux mois après le jugement prononçant l’expulsion est uniquement conservé. »

Article 4

L’article L. 613-2-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La demande de délais n’est pas valable dans le cas d’une escroquerie qui devra être préalablement constatée par le juge. »

Article 5

L’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les délais hivernaux ne sauraient être accordés lorsque l’escroquerie par défaut total de paiement est avérée. »

Article 6

Il convient de créer, dans le cas d’un défaut total de paiement, un recensement au sein de l’Agence nationale pour l’information sur le logement. Dans ce cas, et uniquement, le propriétaire pourra demander le concours de l’agence. Si l’escroquerie se révèle être une récidive, alors l’expulsion pourra être immédiatement prononcée en préfecture, un délai incompressible d’un mois étant uniquement conservé.

Article 7

De la même manière, l’Agence nationale pour l’information sur le logement recensera toute condamnation dans le cadre d’une infraction en matière d’habitat indigne. Ce fichier, ouvert sur demande motivée du locataire, permettra d'entraîner jugement dans un délai d’un mois en cas de condamnation antérieure.


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