N° 3102 - Proposition de loi de M. Bernard Gérard visant à lutter contre la récidive



N° 3102

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 janvier 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la récidive,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard GÉRARD, Claude BODIN, Bruno BOURG-BROC, Françoise BRANGET, Patrice CALMÉJANE, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Michel FERRAND, André FLAJOLET, Jean-Paul GARRAUD, Michel GRALL, Pascale GRUNY, Michel HERBILLON, Françoise HOSTALIER, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Marguerite LAMOUR, Laure de LA RAUDIÈRE, Marc LE FUR, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Christine MARIN, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Claude MATHIS, Christian MÉNARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Étienne MOURRUT, Yanick PATERNOTTE, Josette PONS, Michel RAISON, Jacques REMILLER, Jean-Pierre SCHOSTECK, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Jean-Charles TAUGOURDEAU et René-Paul VICTORIA,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Des drames récents qui ont marqué les esprits ont soulevé une nouvelle fois le problème de la récidive. Les lois de février 2008 et de mars 2010, la première relative à la rétention de sûreté, la seconde tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle, ont renforcé la législation pénale afin de lutter contre la récidive des personnes dangereuses.

La loi de février 2008 a instauré le dispositif de rétention de sûreté qui permet de retenir dans des centres fermés des personnes ayant commis des crimes d’une extrême gravité et présentant à leur sortie de prison, un risque particulièrement élevé de récidive. Néanmoins, le champ d’application de la loi s’avère très restrictif puisque la rétention de sûreté ne peut être prononcée qu’à l’égard de criminels condamnés à 15 ans de réclusion. De nombreux criminels ne sont donc pas concernés par cette procédure ce qui est préjudiciable.

La loi du 25 février 2008 a également mis en place le mécanisme de surveillance de sûreté qui vise à imposer au condamné « des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire, en particulier une injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile » (article 706-53-19 du code de procédure pénale). Si la surveillance de sûreté présente des similitudes avec la rétention de sûreté, elle présente une caractéristique singulière: elle est entrée en vigueur dès la promulgation de la loi là où la rétention de sûreté, n’ayant pas de caractère rétroactif, n’est pas applicable aux personnes condamnées avant le 25 février 2008.

Toutefois, le condamné placé sous surveillance de sûreté qui ne respecte pas les obligations peut se voir placé en rétention de sûreté.

Au regard des peines prononcées et afin de donner plus d’efficacité à ces dispositifs, il convient donc de rendre moins restrictives les conditions de leur application afin que ceux-ci contribuent pleinement à lutter contre la récidive et donc à protéger l’ensemble des citoyens. En outre, ces propositions renouent avec les décisions de l’Assemblée nationale lors de leurs examens avant la commission mixte paritaire.

La présente proposition de loi pose également la question de l’exécution effective de la peine prononcée et met en cause dans ce sens les réductions de peines dites « automatiques ». Ces réductions de peine, qui s’élèvent à trois mois la première année et à deux mois les années suivantes, choquent nos concitoyens parce qu’il n’est nullement tenu compte, pour en bénéficier, de la « bonne conduite » du condamné. Elles sont accordées de droit et ne sont retirées qu’en cas de mauvaise conduite caractérisée. Ces réductions de peines sont d’autant plus inutiles que les aménagements de peine (accessibles à mi-peine) et les réductions de peine supplémentaires (de trois mois par an) permettent déjà d’encourager les détenus à bien se conduire, à suivre un traitement ou à indemniser leurs victimes.

Enfin, alors qu’il arrive que des décisions prises par le juge d’application des peines conduisent à une incompréhension, voire à la révolte de nos concitoyens, et à l’heure où une réforme de la justice est envisagée pour la rendre plus proche de ceux pour qui elle est rendue, il convient de rendre plus contraignantes les conditions et les modalités de libération conditionnelle. Si ce dispositif « tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive », les drames récents ont une fois encore démontré qu’il était essentiel de travailler à son amélioration. Pour ce faire, il convient de répondre à plusieurs questions essentielles : les modalités de l’évaluation de la dangerosité qui précède à l’avis rendu au juge de l’application des peines qui décidera de la libération conditionnelle; la possibilité pour la victime ou son représentant de faire appel des décisions rendues en matière d’aménagement de peines.

Aussi, la présente proposition de loi vous propose de :

– supprimer les réductions de peine dites « automatiques » ;

– fixer à dix ans au lieu de quinze aujourd’hui le seuil à partir duquel la rétention et la surveillance de sûreté peuvent être prononcées ;

– contribuer à l’amélioration du dispositif de libération conditionnelle par une évaluation pluridisciplinaire et complète de la dangerosité afin que la libération conditionnelle remplisse pleinement son rôle: lutter contre la récidive et permettre la réinsertion ;

– étendre l’utilisation du bracelet électronique dans le cadre du suivi socio-judiciaire ;

– permettre à la partie civile d’avoir accès au dossier et d’attaquer par la voie d’appel les décisions rendues par le juge ou le tribunal de l’application des peines.


PROPOSITION DE LOI

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’abaissement du seuil d’application
de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté

Article 1er

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

I. – Au premier alinéa de l’article 706-53-13, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

II. – Au 3° de l’article 723-30, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

III. – Au premier alinéa de l’article 723-37, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

IV. – À l’article 723-38, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

V. – Au dernier alinéa de l’article 763-3, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

VI. – Au premier alinéa de l’article 763-8, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

VII. – À l’article 717-1 A, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».

Chapitre II

Dispositions relatives à la suppression des réductions de peine
accordées de plein droit

Article 2

I. – L’article 721 du code de procédure pénale est abrogé.

II. – L’article 721-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « supplémentaire » est supprimé par deux fois.

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de mauvaise conduite en détention du condamné à qui il a été accordé une réduction de peine, le juge de l’application des peines peut être saisi par le chef de l’établissement ou sur réquisition du procureur de la République aux fins de retrait, à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois, de cette réduction de peine. Lorsque le condamné est en état de récidive légale, le retrait est alors de deux mois maximum par an et de quatre jours par mois. »

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit commis par le condamné après sa libération pendant une période égale à la durée de la réduction résultant des dispositions des alinéas précédents, la juridiction de jugement peut ordonner le retrait de tout ou partie de cette réduction de peine et la mise à exécution de l’emprisonnement correspondant, qui n’est pas confondu avec celui résultant de la nouvelle condamnation. »

III. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-2 du même code, les mots : « les articles 721 et 721-1 » sont remplacés par les mots : « l’article 721-1 ».

IV. – À l’article 723-29 du même code, les mots : « et aux réductions de peine supplémentaires » sont supprimés.

Chapitre III

Dispositions relatives au renforcement des garanties
entourant l’aménagement de la peine

Article 3

La première phrase du troisième alinéa de l’article 707 du code de procédure pénale est supprimée.

Article 4

L’article 723-31 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 723-31. – Le risque de récidive criminelle mentionné à l’article 723-29 doit être constaté par un examen destiné à évaluer la dangerosité du condamné. Cette évaluation est réalisée, sur demande du juge de l’application des peines ou du procureur de la République, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l’article 763-10. »

Article 5

Au neuvième alinéa de l’article 729 du même code, après les mots : « réclusion criminelle à perpétuité », sont insérés les mots : « ou à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à dix ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio judiciaire est encouru ».

Article 6

I. – Au premier alinéa de l’article 712-11 du même code, après les mots : « et par le procureur général, » sont insérés les mots : « ainsi que par la partie civile conformément aux dispositions de l’article 730 ».

II. – L’article 730 du même code est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa, après les mots : « s’il en fait la demande, », sont insérés les mots : « avoir accès au dossier d’instruction de la demande de libération conditionnelle, ».

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les décisions du juge de l’application des peines et du tribunal de l’application des peines peuvent être attaquées par la voie de l’appel par la partie civile. »

Article 7

Le premier alinéa de l’article 763-3 du même code est ainsi rédigé :

« Si la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire n’a pas été soumise à un placement sous surveillance électronique mobile, le juge de l’application des peines peut également ordonner un tel placement après avoir procédé à l’examen prévu à l’article 763-10. »

Article 8

L’article 131-36-11 du code pénal est abrogé.


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