N° 3321 - Proposition de résolution européenne de Mme Catherine Quéré sur le régime des droits de plantation de vigne



N° 3321

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 avril 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

sur le régime des droits de plantation de vigne,

(Renvoyée à la commission des affaires européennes, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Catherine QUÉRÉ, Germinal PEIRO, François BROTTES, Jean-Marc AYRAULT, William DUMAS, Martine FAURE, Kléber MESQUIDA, Jean GAUBERT, Pascale GOT, Gisèle BIÉMOURET, Philippe PLISSON et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La viticulture française est en danger.

À travers sa seule politique intégrée, la politique agricole commune, l’Union européenne désespère les peuples soucieux d’une meilleure prise en compte des besoins de protection sociale et économique des acteurs livrés à une concurrence mondiale où la dérégulation est devenue la règle.

Nous avons assisté ces dernières années à un patient travail communautaire de démantèlement de toutes les politiques de régulation agricole, livrant les agriculteurs aux mains des marchés. Un rapport sénatorial publié en novembre 2010 exprime ce malaise à l’égard de ce qui reste pourtant la politique idéal-typique d’une réussite de la solidarité européenne : « Que reste-t-il des objectifs de la PAC ? Des cinq objectifs énoncés, la Commission et de nombreux États membres ne retiennent que celui ayant trait à la productivité et à son corollaire moderne, la compétitivité. L’objectif visant à des revenus équitables et stables aux producteurs est moins assuré que jamais, tant la volatilité des prix est grande (1) ».

L’abandon des quotas laitiers, acté sous présidence française de l’Union européenne en décembre 2008, est médiatiquement l’exemple le plus connu de la volonté européenne de laisser aux marchés le soin de réguler l’économie de la production agricole. Pour autant, un autre secteur emblématique de notre culture est aujourd’hui placé en grand danger au regard du démantèlement de la régulation : il s’agit de la viticulture.

En clôture d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale par le député François Patriat en mars 1999 sur « les défis de l’agriculture française à l’aube du XXIe siècle », le ministre de l’agriculture et de la pêche, Jean Glavany, exprimait la vision de la France sur les impératifs des futures politiques viticoles : « Notre viticulture est, et doit demeurer centrée sur le vigneron. Son rôle est de participer à l’expression du terroir sur lequel il se trouve et non pas de s’inscrire dans une démarche plus industrielle (2) ».

Ce message fort semblait faire l’unanimité. Il engageait la France qui avait alors plaidé et obtenu la prorogation du système des droits de plantation jusqu’en 2010 lors de la réforme de l’OCM viticole de 1999.

Relativement récent, ce système d’encadrement des droits de plantation qui structure le vignoble Français a été mis en œuvre par le décret n°53-977 du 30 septembre 1953 relatif à l’organisation et l’assainissement du marché du vin et à l’organisation de la production viticole. Il s’installait comme la suite de la définition d’aires AOC qui fut une innovation majeure pour notre agriculture en 1935. L’excellence Française a servi d’ailleurs de modèle à la définition de la première OCM viticole de 1970. Dès lors, l’Europe s’est montrée soucieuse d’une forte régulation du secteur et met en œuvre un régime dit « transitoire » des droits de plantation.

C’est cette politique que les États membres de l’Union européenne ont choisi de mettre en cause lors de la dernière décennie. Depuis un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, du 13 décembre 1979 (3), nous savons que ce dispositif des droits de plantation ne pouvait qu’être provisoire. Pour autant, l’accord de 1999 permettait d’envisager l’avenir avec sérénité, prouvant que les prorogations restent possibles (Règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil du 17 mai 1999). Les droits de plantation y apparaissent en effet comme le principal élément d’une OCM spécifique qui vise à réguler le secteur viticole.

Dans ce cadre, renvoyer la responsabilité d’une déréglementation dramatique du secteur viticole à la commissaire européenne chargée de l’agriculture à l’initiative de la réforme de l’OCM vin en 2008, la danoise Mariann Fischer Boel, comme certains sont tentés de le faire, apparaît intellectuellement malhonnête. Si l’initiative des réformes appartient certes aux commissaires européens, c’est aux États qu’il revient de légiférer. Or, le Règlement (CE) n°479/2008 du Conseil du 29 avril 2008, négocié par le ministère Bussereau et avalisé définitivement par le ministère Barnier, sous les présidences de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, est venu rompre très brutalement avec cette politique. Il annonce une disparition du régime des droits de plantation en 2015, ou, au plus tard pour les États qui veulent encore le maintenir provisoirement, en 2018. En l’état actuel du droit, la France devra donc abandonner l’organisation de sa production en 2018.

La France n’a pas su convaincre ses partenaires européens de l’intérêt stratégique pour l’Union européenne de préserver ses modes de productions viticoles. Pire, elle a soutenu la réforme, ainsi que l’a exposé M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, le 15 décembre 2010 devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale : « Il est vrai qu’en 2008 la France ne s’est pas opposée – elle s’y est même, pour être tout à fait franc, plutôt déclarée favorable – à la libéralisation ou à la suppression des droits de plantation, sous réserve cependant d’une étude d’impact préalable par la Commission et du maintien des droits au niveau national jusqu’en 2018. »

Bien avant la conclusion du Règlement du 29 avril 2008, de nombreux rapports avaient mis l’accent sur les dérives consécutives à une telle libéralisation des marchés qui « ferait perdre son âme à ce secteur (4) ». En revanche, en mars 2006 le rapport du préfet Gérard Pomel : « réussir l’avenir de la viticulture en France (5) », se contente de signaler la réforme à venir de l’OCM viticole en exposant simplement la perspective de « la perte de spécificité de la gestion du secteur » sans jamais signaler les dangers d’une telle démarche pourtant alors bien connue. Ce rapport se contentait d’apporter des pistes pour adapter la viticulture aux futures règles attendues, preuve que la France avait déjà abdiqué l’idée d’un maintien des droits de plantation. Le marché mondial dérégulé était la perspective admise : « La hausse des rendements étant le principal moyen de réduire les coûts de production et les progrès oenologiques aidant, l’optimum technique est de plus en plus différent de l’optimum économique, écrivait le préfet Pomel. Le succès des vins de pays avec mention de cépage, tant en France qu’à l’export, montre une voie différente. Mais les règles nationales de production de ses produits peuvent être handicapantes face à la concurrence internationale. » Faire de la vigne une industrie, finalement détachée du terroir, ne choquait pas le rapporteur qui proposait notamment de « favoriser le pilotage de l’offre par la demande. Cela implique un changement complet des mentalités, des habitudes, des modes de production, de transformation et de commercialisation.

Le meilleur produit n’est pas celui qui plaît le plus au producteur. C’est celui qui satisfait le plus les consommateurs. »

Cette doctrine est finalement parfaitement traduite par la réforme de 2008 que la France admettait et encourageait donc.

À vrai dire, cette démarche n’est pas le résultat d’une absence de vision. Au contraire, elle est la marque d’un choix politique très consciemment opéré. Elle est en effet dictée par le dogme de l’ouverture de l’agriculture aux marchés mondiaux dérégulés. Aussi n’est-elle qu’une réforme logique pour la vision développée par la majorité parlementaire depuis 2002 qui a d’abord consisté à lutter contre les instruments de reconnaissance de la multifonctionnalité de l’agriculture et à s’attaquer à tout édifice structurant l’économie agricole hors la loi des marchés libres.

Le monde agricole vit aujourd’hui les résultats concrets de cette politique, et s’est enfoncé dans les crises. Pour les viticulteurs, la perspective est d’autant plus sombre que l’abandon des droits de plantation grève la valeur de très nombreuses exploitations. Il n’est pas suffisant pour le Gouvernement, qui n’assume plus ses décisions, de dire aujourd’hui qu’il se repend des décisions qu’il a encouragées. Il doit engager toute son action à rebours de ce qu’il a jusqu’à aujourd’hui pratiqué.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 85 septies et octies du règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil du 25 mai 2009 modifiant le Règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole,

Vu l’article 184 § 8 du même règlement donnant mission à la Commission d’établir, avant la fin de 2012, un rapport sur le secteur vitivinicole en tenant compte de l’expérience acquise,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions en date du 18 novembre 2010 : « La PAC à l’horizon 2020 : alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l’avenir » [COM (2010) 672 final],

Considère que les droits de plantation sont le premier instrument d’une politique de qualité et de régulation de la production viticole,

Considère que l’abandon des droits de plantation énoncée par le Règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008, constitue une atteinte grave aux intérêts de la viticulture française et européenne,

Regrette que la France ait pu soutenir une démarche de libéralisation contraire à l’intérêt stratégique de l’agriculture européenne,

Souligne que les droits de plantation sont au fondement d’un équilibre économique, social, environnemental et territorial au cœur de la future reconstruction de la politique agricole commune,

Demande en conséquence que le régime communautaire des droits de plantation soit inscrit comme une règle permanente dans la PAC 2013.

1 () Sénat, Jean Bizet, Jean-Paul Emorine, Bernadette Bourzai, Odette Herviaux, Redonner un sens à la PAC, rapport d’information n° 102, 10 novembre 2010, p. 21.

2 () Jean Glavany, « Importance du secteur viticole et compromis de Bruxelles », in François Patriat (dir.), Les défis de la viticulture française à l’aube du XXIe siècle, p. 144.

3 () Arrêt CJCE 13 décembre 1979, affaire Liselotte Hauer c/ Land Rheinland Plalz, 44/79.

4 () Thierry Mariani, Donner des perspectives d’avenir à la viticulture européenne, Assemblée nationale, Délégation pour l’Unions européenne, rapport d’information n° 404, novembre 2007, p. 55.

5 () http://archives.agriculture.gouv.fr/sections/publications/rapports/reussir-l-avenir-de-la-viticulture-de-france-plan-national-de-restructuration-de-la-filiere-viti-vinicole-francaise/downloadFile/FichierAttache_1_f0/rapport_pomel_mars2006.pdf?nocache=1134040585.85


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