N° 3681 - Proposition de loi de M. Francis Vercamer visant à créer un Conseil permanent du dialogue social



N° 3681

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un Conseil permanent du dialogue social,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Francis VERCAMER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vitalité du dialogue social est une condition essentielle de l’évolution de notre législation sociale, en lien avec les réalités actuelles du monde du travail et les nécessités d’adaptation d’une économie ouverte.

Depuis maintenant plusieurs années, la prise en compte du dialogue social et des résultats de la négociation collective dans le cadre de l’élaboration de la loi s’est accentuée, via en particulier le mécanisme de concertation préalable des partenaires sociaux instauré par la loi du 31 janvier 2007 sur les projets de réforme touchant aux relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relèvent du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle. Dans le même esprit, l’Assemblée Nationale s’est dotée le 16 février 2010 d’un protocole qui, à titre expérimental, formalise une procédure d’information et de consultation des partenaires sociaux, préalablement à l’inscription à l’ordre du jour, de tout projet de loi relatif aux mêmes domaines. Une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 22 juin 2010, en attente d’examen au Sénat, vise par ailleurs à consacrer l’application de cette procédure de concertation préalable aux textes d’origine parlementaire.

Pour autant, le périmètre du dialogue social ne saurait se limiter au seul champ défini par l’article L. 1 du code du travail. Au delà des domaines précisés dans ce texte, le dialogue social s’étend également à des thèmes aussi divers que la conciliation entre vie familiale et professionnelle, la protection sociale, la sécurisation des parcours professionnels, le développement durable, la lutte contre les discriminations, le logement, la dimension sociale de la construction européenne... Autant de sujets vastes, dont les conséquences pour demain sont loin d’être négligeables, et à propos desquels il est non seulement légitime, mais indispensable que les partenaires sociaux débattent régulièrement. C’est toute la capacité novatrice de la démocratie sociale qui peut ainsi s’exprimer à travers ces sujets relevant pour une part non négligeable de thèmes aussi sociétaux que sociaux.

Placer le dialogue social au cœur de l’innovation sociale, à l’origine de l’expérimentation de dispositifs nouveaux, c’est placer en notre démocratie sociale une confiance qui paraît souvent éloignée de nos réflexes nationaux en ce domaine. La propension au conflit social est en effet récurrente dans notre pays, mais cadre mal avec une conception nouvelle de ce que peut devenir le dialogue social dans une démocratie moderne.

Le constat est d’ailleurs frappant : les pays qui ont une législation sociale avancée et adaptée aux impératifs d’un monde global, conciliant protection des salariés et efficacité économique, sont souvent ceux où la démocratie sociale est la plus apaisée. Des espaces de débats et de dialogue y permettent aux syndicats de salariés et aux représentants d’employeurs de défendre avec détermination leurs intérêts respectifs, tout en s’inscrivant dans une logique de co-construction des normes sociales qui affirme, face à l’État, les partenaires sociaux comme des acteurs responsables de la société civile. Historiquement, c’est à l’initiative des partenaires sociaux qu’ont pu être expérimentées, au plan local, un certain nombre d’avancées sociales majeures telles que le logement social via le 1% logement, généralisées par la suite sur l’ensemble du territoire. C’est également dans le cadre d’un dialogue social riche et constructif qu’ont pu être élaborées un certain nombre de réformes sociales significatives ces dernières années, à l’instar de la formation professionnelle tout au long de vie, de la réforme du marché du travail ou de la représentativité.

Si le dialogue social dans notre pays a progressé de façon sensible en ce sens ces dernières années, en raison des évolutions légales rappelées plus haut et d’un sens aigu des responsabilités des acteurs de notre démocratie sociale face aux conséquences de la crise, force est de constater qu’il reste dominé par une logique de rapports de force qui peut rapidement générer des tensions. Par ailleurs, le dialogue social reste parcellaire, dispersé entre plusieurs lieux bien connus des observateurs et des experts des relations sociales (Haut conseil au dialogue social, Commission nationale de la négociation collective, Conseil national de l’emploi, Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, le comité du dialogue social pour les affaires européennes et internationales…), mais mal identifiés par l’opinion publique et dont l’articulation des réflexions et des travaux mériterait d’être accentuée.

De ce constat est née l’idée d’instaurer un lieu institutionnalisé de débats permanents ouvert aux partenaires sociaux représentatifs qui pourrait faire entrer de façon significative ces derniers et les pouvoirs publics dans une logique d’échanges réguliers favorable à ce qu’émerge, en direction des décideurs politiques comme de l’opinion publique, une véritable pédagogie des enjeux sociaux. En rassemblant les différents lieux du dialogue social existants pour mieux en coordonner les travaux, le Conseil permanent du dialogue social pourra ainsi prendre part à la concertation préalable sur les projets de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle, dans le cadre des dispositions du code du travail. Au sein de cette instance unique et d’autant plus reconnue, les partenaires sociaux pourraient également, parallèlement au calendrier social élaboré conjointement avec le Gouvernement dans le cadre de l’article L. 1 et suivants du code du travail, élaborer leur propre agenda social et prospectif leur permettant de mieux organiser, de façon autonome, leur réflexion sur le long terme. Il s’agira pour le Conseil permanent du dialogue social, de pouvoir expliquer sur le moyen comme sur le long terme, les nécessités des changements là où des évolutions de notre législation sociale et de nos pratiques est indispensable, d’anticiper les transformations de notre société et leurs conséquences sociales. Il pourra enfin être saisi par le Gouvernement ou le Parlement de sujets pour lesquels les pouvoirs publics auraient besoin de l’expertise des partenaires sociaux représentatifs. Au regard de son rôle, des coopérations pourraient être articulées entre le Conseil permanent du dialogue social et le Conseil économique, social et environnemental, assemblée constitutionnelle consultative représentant les principales activités du pays. Le Conseil permanent du dialogue social pourrait ainsi bénéficier tant de l’appui logistique de cette instance, que des travaux d’ores et déjà engagés par cette dernière.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 2 – Le Conseil permanent du dialogue social est l’instance nationale d’organisation et de coordination du dialogue social. Il est composé des organisations syndicales de salariés et d’employeurs siégeant dans les organismes suivants :

« 1° Le Haut Conseil au Dialogue social ;

« 2° La commission nationale de la négociation collective ;

« 3° Le conseil national de l’emploi ;

« 4° Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie ;

« 5° Le comité du dialogue social pour les affaires européennes et internationales.

« Le Gouvernement soumet les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés dans le champ défini par l’article L. 1, au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation, au Conseil permanent du dialogue social.

« Le Conseil permanent du dialogue social émet un avis sur tout sujet d’ordre économique et social dont il peut être saisi par le Gouvernement ou le Parlement. Il se saisit de tout sujet d’ordre économique et social pour lequel l’analyse des organisations syndicales de salariés et d’employeurs, dans le cadre de l’exercice du dialogue social, lui paraît nécessaire.

« Les modalités d’organisation et de fonctionnement du Conseil permanent du dialogue social sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3 du même code, les mots : « la Commission nationale de la négociation collective » sont remplacés par les mots : « le Conseil permanent du dialogue social ».

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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