N° 3827 - Proposition de loi de Mme Chantal Robin-Rodrigo visant à garantir un égal accès aux soins des citoyens en tout point du territoire



N° 3827

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir un égal accès aux soins des citoyens
en tout point du territoire,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Chantal ROBIN-RODRIGO, Chantal BERTHELOT, Daniel BOISSERIE, François BROTTES, Gérard CHARASSE, Jean-Paul DUPRÉ, Annick GIRARDIN, Joël GIRAUD, Jean-Louis IDIART, Jean LAUNAY, Albert LIKUVALU, Jeanny MARC, Frédérique MASSAT, Henri NAYROU et Sylvia PINEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit à la protection de la santé constitue un objectif constitutionnel inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. »

L’approche territoriale de l’offre de soins de proximité permet d’apprécier son intérêt sans se limiter à des critères strictement comptables tels que seuil minimal d’activité. Il importe également de prendre en compte l’implantation géographique des structures (hôpitaux de proximité, maternités, maisons de santé, maisons médicales de garde…) dans une logique d’aménagement du territoire.

La notion de service public doit être entendue au sens large, conformément à la liste des activités déclarées d’intérêt général à l’article 55 de la loi modifiée du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ainsi rédigé : « l’existence en zone de montagne d’un équipement commercial, d’un artisanat de services et d’une assistance médicale répondant aux besoins courants des populations et contribuant au maintien de la vie locale est d’intérêt général ».

Un chercheur et professeur d’université a publié récemment un ouvrage intitulé « inégalités de santé dans les territoires français » qu’il présentait en ces termes dans un quotidien national en date du 28 juillet 2011 : « focalisées sur la qualité des soins, les politiques de santé n’ont incontestablement pas assez pris garde à l’accessibilité. Jamais on ne s’est préoccupé de savoir comment les gens se rendraient à l’hôpital ».

Une étude de juin 2011 réalisée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) dresse un état des lieux des distances et des temps d’accès aux soins en France métropolitaine. Même si le temps d’accès aux soins est globalement satisfaisant, des inégalités régionales d’accès persistent tant pour les médecins généralistes que pour les spécialistes particulièrement dans les territoires ruraux et de montagne.

C’est ainsi que 600 000 personnes réparties dans près de 1 500 communes se trouvent à plus de 15 minutes de trajet d’un médecin généraliste en 2007. Ces personnes vivent dans des zones essentiellement rurales ou montagneuses qui cumulent également de nombreuses autres contraintes liées à leur isolement géographique, notamment l’éloignement des autres équipements et services publics.

Concernant l’accès aux soins de spécialistes libéraux, 20 % des personnes résidant dans les régions Corse, Limousin, Bourgogne et Auvergne se trouvent à plus de 30 minutes en voiture du spécialiste le plus proche. S’agissant des maternités, si seulement 2 % des femmes âgées de 15 à 49 ans sont à plus de 45 minutes par la route d’une maternité, quel que soit son niveau de technicité, cette proportion atteint 31 % en Corse et 11 % en Limousin.

Pour ces populations résidant dans ces régions se pose un vrai problème d’accès, des solutions innovantes et spécifiques, tant sur le plan de l’organisation que du financement, sont indispensables si l’on veut leur garantir un service de soins équitable sur l’ensemble du territoire. Ce texte de loi propose d’adapter l’organisation du système de soins en France en garantissant aux populations l’accès à la médecine générale, à un service d’urgence et à une maternité dans des délais de trajet automobile raisonnables qui reflètent les problèmes de mobilité existant dans certains territoires enclavés.

L’article 1er instaure la notion de durée maximum d’accès à un médecin généraliste (20 minutes maximum), à un service d’urgence (30 minutes maximum) et à une maternité (45 minutes maximum). Cette disposition s’inscrit dans la lignée de l’article 36 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qui dispose que l’accès aux soins de premier recours ainsi que la prise en charge continue des malades sont définis dans le respect des exigences de proximité, qui s’apprécie en termes de distance et de temps de parcours, de qualité et de sécurité.

L’article 2 prévoit qu’à l’issue de sa formation, tout médecin doit exercer pour une durée minimum de deux ans dans un secteur géographique qui connaît un déficit de médecins généralistes pour répondre aux besoins de la population en termes d’accès aux soins. Ce dispositif repose sur le principe selon lequel la collectivité nationale qui a financé les études des médecins, – dont le coût moyen est estimé à 200 000 € – est en droit d’attendre en retour un acte de solidarité de leur part : leur installation, pour une durée provisoire, dans un secteur sous médicalisé. C’est d’ailleurs la logique qui prévaut déjà pour un certain nombre de formations et pour les Contrats d’Engagements de Service Public créés par l’article 46 de la loi dite « HPST ». Cette mesure améliorera significativement l’accès aux soins pour tous et favorisera l’égalité entre les territoires.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi que nous vous prions de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 1434-7 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le schéma régional d’organisation des soins garantit aux populations, au nom du principe d’équité territoriale, un accès à un service de médecine générale à vingt minutes maximum de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, et, dans les mêmes conditions, à un service d’urgence à trente minutes maximum ainsi qu’à une maternité à quarante-cinq minutes maximum.

« Dans les territoires très enclavés ou l’accès à un service d’urgence ne peut être assuré dans le délai de trente minutes par voie terrestre, le schéma régional d’organisation des soins prévoit un système de transport sanitaire d’urgence par voie aérienne. »

Article 2

Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-6-1. – Dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de leur diplôme d’État de docteur de médecine, les médecins désireux d’exercer leurs fonctions à titre libéral en font la déclaration auprès de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle ils souhaitent exercer. Ils doivent s’installer pour une durée au mois égale à deux ans dans un territoire dans lequel le schéma visé à l’article L. 1434-7 indique que l’offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population.

« L’alinéa précédent s’applique également aux médecins titulaires des titres de formation mentionnés à l’article L. 4131-1 et à ceux mentionnés à l’article L. 4131-1-1, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Le non-respect du présent article donne lieu au versement, par le médecin concerné, d’une pénalité financière dont le montant est fixé par décret ».

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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