N° 3984 - Proposition de loi de Mme Marie-Hélène Amiable tendant à la reconnaissance de la répression d'une manifestation à Paris le 17 octobre 1961



N° 3984

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 novembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

tendant à la reconnaissance de la répression
d’une manifestation à Paris le 17 octobre 1961,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-Hélène AMIABLE, Roland MUZEAU, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il y a 50 ans, le 17 octobre 1961, quelques mois avant la fin de la guerre d’Algérie, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris, contre le couvre-feu imposé par Maurice Papon, Préfet de police.

Depuis le 5 octobre 1961 en effet, les autorités françaises interdisaient aux seuls Français musulmans d’Algérie, comme elles les désignaient, « de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne », et plus particulièrement entre 20h30 et 5h30 du matin, de paraître en « petits groupes », de circuler en voiture, de jour comme de nuit, sous peine d’être immédiatement arrêtés. À cela s’ajoutait la fermeture obligatoire des débits de boissons tenus et fréquentés par les Algériens, à partir de 19 heures.

Dans la nuit du 17 octobre et dans les jours qui suivirent cette manifestation, la répression des forces de police, agissant sous les ordres du Préfet Papon, fut d’une extrême violence.

Des manifestants furent arrêtés, torturés puis entassés dans les bus de la RATP, réquisitionnés pour l’occasion, avant d’êtres enfermés dans les stades parisiens (Stade de Coubertin, Palais des Sports...) et les commissariats. Durant plusieurs jours, des Algériens furent tués par balles, d’autres froidement assassinés dans la cour de la préfecture de police de Paris, ou encore jetés à la Seine.

Loin de la « bavure » imputable à quelques policiers, de telles actions qui requièrent des moyens matériels et humains conséquents furent minutieusement organisées et coordonnées par les autorités françaises.

Il s’agit d’un événement d’une gravité exceptionnelle, de la répression d’État la plus violente qu’ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine(1).

Combien de morts suite à la manifestation du 17 octobre 1961 ? Depuis des années, la question n’est pas éclaircie, les chiffres allant de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de morts. Durant de nombreuses années, les autorités françaises ont imposé le silence sur cette page dramatique de notre histoire.

Grâce aux travaux de chercheurs et historiens français, les massacres perpétrés le 17 octobre 1961 et les jours suivants sont aujourd’hui connus. À cet égard, afin que toute la lumière soit faite sur cet évènement, le libre accès à l’ensemble des archives doit être pleinement garanti.

Cinquante ans après ces massacres, il est grand temps que l’État français rompt définitivement avec le silence et reconnaisse officiellement les crimes commis le 17 octobre 1961 et les jours suivants.

En reconnaissant officiellement sa responsabilité, l’État français œuvrerait ainsi au rapprochement franco-algérien.

Les auteurs de cette proposition de loi proposent donc que la France, par la voix de son Parlement, reconnaisse officiellement la responsabilité de l’État dans les massacres commis pour réprimer la manifestation pacifique du 17 octobre 1961.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La France reconnaît officiellement le massacre des Algériens perpétré par la police française sur ordre de ses supérieurs pour réprimer la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 à Paris.

Article 2

Un lieu national du souvenir à la mémoire des victimes de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 est créé.

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () Selon deux historiens britanniques : Jim House et Neil MacMaster, Les Algériens, la République et la terreur d’État, Tallandier, 2008.


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