N° 4009 - Proposition de loi organique de M. Paul Salen visant à modifier certaines conditions d'exercice du mandat de député et favorisant la parité réelle



N° 4009

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2011.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

visant à modifier certaines conditions d’exercice
du
mandat de député et favorisant la parité réelle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul SALEN, Edwige ANTIER, Brigitte BARÈGES, Marc BERNIER, Jean-Claude BOUCHET, Patrice CALMÉJANE, Dino CINIERI, Marie-Christine DALLOZ, Michel DIEFENBACHER, Alain FERRY, Françoise HOSTALIER, Lionnel LUCA, Joël REGNAULT, Jacques REMILLER, Jean-Marc ROUBAUD et Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’image de ce qui se passe dans d’autres pays européens, notre démocratie affronte, depuis trop longtemps, une crise de sa représentation qui se traduit par un manque de renouvellement du personnel politique, par l’élévation progressive de son âge moyen, par la sous représentation des femmes et par la constante augmentation du vote en faveur de certaines formations au message extrémiste ou contestataire et qui n’ont, de ce fait, aucune vocation à gouverner.

De nombreuses avancées ont été enregistrées, notamment en ce qui concerne la féminisation de la vie publique, pour autant il reste encore beaucoup à accomplir afin de remplir complètement les objectifs arrêtés par la Constitution de 1958. Nous devons aussi veiller à fluidifier la vie politique nationale en favorisant un renouvellement plus constant des parlementaires.

La féminisation de la vie politique est posée après la seconde guerre mondiale. Le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité, dispose :

« La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

Cet alinéa pour essentiel qu’il puisse être n’en demeure pas moins insuffisant. En effet, il pose un principe général visant à interdire toute forme de discrimination qui serait fondée sur le sexe. Ce texte ne comporte aucune dimension normative et le législateur en a tiré toutes les conséquences dans la loi constitutionnelle n° 99-569 (9 juillet 1999) qui vise à rendre effectif l’égal accès aux fonctions électives pour les hommes et les femmes.

Une nécessité, si on se souvient des chiffres du nombre de femmes élues au sein de l’Assemblée Nationale depuis 1945. Si lors de la première législature de la IVe République on comptait 42 femmes élues (6,75 % des députés), ce nombre ne cesse de décroître jusqu’en 1973, exception faite de 1967 qui vit 11  femmes franchir le seuil du Palais Bourbon, année où l’on ne comptait plus que 8 femmes élues (1,65 % des députés).

On comprend, à la lumière de ces données, que le Conseil Constitutionnel se soit prononcé, à deux reprises, pour souligner le caractère injuste de cette situation (CC Décision n° 82-145 du 18/11/1982 – CC Décision n° 98-407 du 14/01/1999). Le législateur en a tiré un certain nombre de conséquences et a adopté la loi du 9 Juillet 1999. Avec des résultats encourageants :

Législature

Nombre de femmes

Part des élues
dans le nombre total
de députés

Xe

35

6 %

XIe

63

10,90 %

XIIe

71

12,30 %

XIIIe

107

18,55 %

Au niveau des élections locales, nous voyons bien que le scrutin de liste favorise la féminisation. Le taux de féminisation des conseillers régionaux est passé de 47,5 % à 48,3 % entre 2004 et 2010, tandis que celui des conseillers généraux n’évolue que faiblement de 10,5 % à 12,9 %.

Cela démontre que nous devons procéder, sans plus tarder, à la mise en œuvre d’une nouvelle étape. Nous ne pouvons nous contenter, au sein de notre assemblée, que seuls 18,55 % des élus soient des femmes alors qu’elles représentent plus de la moitié de la population.

Le temps est sans doute venu de tirer tous les enseignements des règles en vigueur afin de donner un contenu réel aux dispositions de l’article Premier de la Constitution qui énonce :

« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

De même, le renouvellement n’est que très imparfaitement assuré. Nous sommes nombreux à accomplir plusieurs mandats consécutifs.

Certes, nous œuvrons tous au service de nos concitoyens pour les accompagner et les aider dans leur quotidien. Tâche passionnante mais il ne faut pas se voiler la face, nous sommes trop nombreux à accomplir plus de deux mandats successifs.

Cela ne contribue pas à une meilleure respiration de la vie publique, transformant la nature même de la fonction parlementaire ainsi que sa perception par les citoyens. Ces derniers finissent par se lasser de cette situation et se détournent de l’exercice du droit de vote, pourtant essence même de la démocratie.

Enfin, nous devons aussi tenir compte de la complexité croissante des questions que nous traitons au sein de notre assemblée. Une technicité qui demande de plus en plus de réflexion afin de répondre aux attentes des citoyens. En 2006, une étude de l’Institut Montaigne rappelait que 81 % des sénateurs et 85 % des députés cumulent un mandat local avec leurs fonctions de parlementaire. La ventilation était la suivante :

– 381 conseilles municipaux dont 271 maires et 15 maires d’arrondissement ;

– 162 conseillers généraux dont 19 Présidents ;

– 56 conseillers régionaux dont 3 Présidents.

Il s’agit d’une tendance historique, puisqu’en France, sous la IIIe République on comptait, en moyenne, 30 % de parlementaires cumulant leurs fonctions avec celles d’élu local, sous la IVe République 40 % et sous la Ve République 90 %.

Une situation, par ailleurs, typiquement française qui ne se rencontre que de manière très minoritaire en Europe comme le montre le tableau suivant :

État

Part des parlementaires cumulant avec des fonctions locales

Allemagne

10 %

Grande Bretagne

13 %

Espagne

15 %

Italie

16 %

France

83 %

Afin de favoriser à la fois le renouvellement du personnel politique et sa féminisation, il est indispensable de limiter le nombre de mandats de parlementaire successifs susceptibles d’être exercés à trois et d’interdire tout cumul de mandat avec des fonctions au sein des exécutifs locaux.

Tel est l’objet de la proposition de loi organique qu’il vous est demandé de bien vouloir adopter, avec force et vigueur.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

L’article L.O. 141 du code électoral est complété par l’alinéa suivant :

« Les mandats de député et sénateur sont incompatibles avec toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale. »

Article 2

À l’article L.O. 121 du code électoral, l’alinéa suivant est ainsi ajouté :

« Nul ne pourra exercer plus de trois mandats consécutifs.»

Article 3

À l’article L.O. 275 du code électoral, l’alinéa suivant est ainsi ajouté :

« Nul ne pourra exercer plus de trois mandats consécutifs. »

Article 4

Les articles 1er et 2 s’appliquent à l’Assemblée nationale au prochain renouvellement.

Article 5

Les articles 1er et 3 s’appliquent au Sénat au prochain renouvellement.


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