N° 4137 - Proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo "paquet justice fiscale"



N° 4137

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

« Paquet Justice fiscale »,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Louis BORLOO, Laurent HÉNART, Alfred ALMONT, Edwige ANTIER, Jean-Louis BERNARD, Alain FERRY, Jean GRENET, Françoise HOSTALIER, Yves JEGO, Franck MARLIN, Bertrand PANCHER, Franck REYNIER, Frédéric REISS, François SCELLIER, Michel ZUMKELLER, Arnaud RICHARD, Robert LECOU, André WOJCIECHOWSKI, Marc BERNIER, Émile BLESSIG, Claude BODIN, Chantal BOURRAGUÉ, Loïc BOUVARD, Françoise BRIAND, Jean-Yves COUSIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEPIERRE, Vincent DESCOEUR, Éric DIARD, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Marianne DUBOIS, Paul DURIEU, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Daniel FIDELIN, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Didier GONZALES, Jean-Pierre GRAND, Anne GROMMERCH, Louis GUÉDON, Jean-Jacques GUILLET, Jacqueline IRLES, Maryse JOISSAINS-MASINI, Pierre LANG, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Thierry LAZARO, Marc LE FUR, Jacques LE NAY, Lionnel LUCA, Jean-Pierre MARCON, Henriette MARTINEZ, Jean-Marie MORISSET, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Béatrice PAVY, Jacques PÉLISSARD, Henri PLAGNOL, Michel PIRON, Bérengère POLETTI, Joël REGNAULT, Jacques REMILLER, Jean-Marie SERMIER, Michel TERROT, Jean UEBERSCHLAG, Michel VOISIN, Jean-Pierre ABELIN, Raymond DURAND, Yvan LACHAUD, Pascal BRINDEAU, Francis HILLMEYER, Olivier JARDÉ, Jean-Christophe LAGARDE, Claude LETEURTRE, Philippe VIGIER, Stéphane DEMILLY, Rudy SALLES, André SANTINI, Francis VERCAMER, François ROCHEBLOINE, René COUANAU et François-Xavier VILLAIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le retour à l’équilibre des finances publiques est un impératif absolu. Il doit reposer sur le triangle fiscalité, croissance, rigueur, le tout de manière transparente et partagée.

Prenant acte de la dégradation de la conjoncture économique, le Gouvernement, le 27 octobre dernier, a ramené ses prévisions de croissance pour 2012 à la baisse, passant de 1,75 % à 1 % du PIB, et a proposé, le 7 novembre dernier, de nouvelles mesures d’un montant de 7 milliards d’euros, permettant un déficit budgétaire de 78,8 milliards d’euros en 2012, soit 4,5 % du PIB.

Il apparaît que la probabilité d’une croissance plus faible est aujourd’hui bien réelle.

De plus, la garantie de 159 milliards d’euros donnée par la France au Fonds européen de stabilité financière fait peser un risque partiel sur notre endettement global.

En outre, l’environnement économique européen est très incertain et la crédibilité des États membre à prendre le chemin du retour à l’équilibre des comptes publics même à terme n’est malheureusement pas avérée.

Aussi, pour toutes ces raisons, il nous faut, dès 2012, aller plus loin dans la reconquête de la maîtrise des comptes publics, et ce, par des recettes justes, équitables, et qui ne pèsent pas sur les ménages français et l’économie réelle.

Telle est l’objet de cette proposition de loi dite « Paquet Justice fiscale ». Celle-ci comporte 4 grandes mesures permettant de rapporter à la France environ 24 milliards d’euros dès 2012, et de ramener le déficit, dans une hypothèse de croissance à 1 %, à 54,8 milliards d’euros (soit 3,2 % du PIB) ou, dans une hypothèse de croissance à 0,6 %, à 58,5 milliards d’euros (soit 3,4 % du PIB).

L’article 1 revient sur le dispositif d’exonération mis en place en 2007 des plus-values à long terme sur la cession des titres de participation des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Ces plus-values seront désormais taxées à 19 % comme elles l’étaient en 2004. En effet, en octobre 2010, le Conseil des Prélèvements obligatoires, dans son rapport, montre que l’efficience de cette mesure excessivement favorable aux holdings est loin d’être démontrée. En outre, si l’on en croit le courrier de réponse, en date du 5 février 2010, du ministre de l’économie et du ministre du budget au Président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le coût de l’exonération instaurée en 2007, loin des estimations initiales, a atteint 22 milliards d’euros sur trois ans. Aussi, en revenant à un taux de taxation à 19 %, on peut espérer un gain supplémentaire pour les finances publiques de 3 à 6 milliards d’euros.

L’article 2 propose d’encadrer, pour les entreprises, la déductibilité des frais d’acquisition et des intérêts d’emprunts rattachés à ses acquisitions, à 30 %, selon les paramètres allemands. Sont ainsi ici notamment visées les Leveraged buy-out (LBO). Le Conseil des Prélèvements obligatoires, en octobre 2010, précise qu’une telle mesure conduirait à une recette pour l’État de 11,35 milliards d’euros sur trois ans, soit environ 4 milliards d’euros par an.

L’article 3 crée une contribution exceptionnelle, limitée à la période de redressement des comptes publics, provisoirement fixée à trois ans, de 2 % sur le bénéfice avant impôt de toutes les entreprises cotées en Bourse. Ces entreprises ont bénéficié d’un accès privilégié aux capitaux à travers les marchés financiers. Pour les seules entreprises du CAC 40 – qui ont dégagé un bénéfice total de 82 milliards d’euros en 2010, cette contribution représenterait 1,6 milliard d’euros par an. Pour l’ensemble des entreprises cotées en Bourse, le rendement de cette contribution peut être évalué à 2,5 milliards d’euros, a minima. Cette mesure complète l’article 14 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 qui institue une majoration exceptionnelle de 5 % d’impôt sur les sociétés dû par les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros.

En attendant la mise en place d’une taxe sur l’ensemble des transactions financières au niveau de la zone euro, l’article 4 vise à instaurer en France une taxation sur les transactions sur instruments financiers similaire à celles existant à l’étranger. Il est en effet grand temps que le secteur financier contribue enfin à l’effort collectif.

Des taxes unilatérales existent dans de nombreux pays, selon le rapport du FMI de mars 2011, Taxing Financial Transactions : Issues and Evidence. L’Afrique du Sud, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie et Taiwan disposent tous de taxes unilatérales. De même pour la Suisse et la Grande-Bretagne. Aucune de ces contributions n’a nuit à la croissance économique de ces pays, ni à la compétitivité de leur secteur financier. Ces taxes unilatérales rapportent de manière très stable des sommes très élevées : entre 0,3 % et 0,8 % du PIB selon les pays, et ce sans problème de délocalisations massives des transactions.

Aussi, la taxe proposée à l’article 4 de cette présente proposition de loi s’inspire du modèle de collecte de la Stamp Duty britannique en l’élargissant aux transactions sur obligations et produits dérivés. Elle prend la forme d’un droit de timbre qui s’applique aux transactions sur actions, obligations, et produits dérivés, œuvrant sur les marchés réglementés et de gré à gré. Les taux en seront fixés par un décret en Conseil d’État. Les organismes chargés de la collecte de cette taxe seront les infrastructures de marché (plateformes de négociation, chambres de compensation, dépositaires centraux) autorisées à opérer sur le marché français, ainsi que les intermédiaires financiers (courtiers, conservateurs). Un tel dispositif rapporterait à lui seul près de 12 milliards d’euros par an.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le premier alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 19 % » ;

2° À la dernière phrase, le taux : « 0% » est remplacé par le taux : « 19 % ».

Article 2

Après le 2 bis de l’article 38 du même code, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :

« 2 ter. Pour l’application des 1 et 2, les charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, dans la limite de 30 % du bénéfice avant charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts. »

Article 3

I. – Après l’article 223 U du même code, il est inséré un article 223 V ainsi rédigé :

« Art. 223 V. – Les bénéfices imposables des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé font l’objet d’une contribution exceptionnelle au taux de 2 %.

« Cette contribution est établie, liquidée et recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties et sanctions que l’impôt sur les sociétés. »

II. – Les dispositions du I s’appliquent pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu’au 30 décembre 2013.

Article 4

Après l’article 235 ter ZD du même code, il est inséré un article 235 ter ZD bis ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZD bis. – I. Les transactions sur titres et sur contrats financiers français sont soumises à une taxe.

« Les titres français sont ceux émis par des personnes morales résidentes fiscales françaises. Les contrats financiers français sont ceux dont une entreprise résidente fiscale française est partie, ou dont la filiale étrangère d’une entreprise résidente fiscale française est partie.

« II. La taxe prend la forme d’un droit de timbre. Les actes, ordres et instructions soumis à droit de timbre sont inexécutables sur le territoire français à défaut d’avoir été correctement timbrés. L’exécution d’un acte, ordre ou instruction non-timbré est constitutive d’abus de bien social.

« III. Les plateformes de négociation, les chambres de compensation, les dépositaires centraux, et les autres infrastructures de marché autorisées à opérer sur le marché français sont redevables de la collecte de la taxe sur les transactions sur instruments financiers. Les courtiers, conservateurs et autres intermédiaires financiers impliqués dans ces transactions sont aussi redevables de la collecte de cette taxe.

« IV. Selon les modalités définies par la loi de finances, et pour l’année 2012, le produit de la taxe est affecté au budget général de l’État. Ces dispositions sont révisées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.

« V. Le taux de la taxe sur les transactions financières est fixé par décret en Conseil d’État, dans la limite maximum de 0,5 % du montant des transactions visées au I du présent article. Ce décret fixe également les modalités techniques de l’établissement, de la liquidation et du recouvrement de la taxe. »


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