N° 4390 - Proposition de loi de M. Dominique Dord relative à la protection des personnes contre l'exposition au radon dans les habitations



N° 4390

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2012.

PROPOSITION DE LOI

relative à la protection des personnes
contre l’exposition au radon dans les habitations,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Dominique DORD, Georges COLOMBIER, Nicolas FORISSIER, Lionnel LUCA, Bernard CARAYON, Étienne BLANC, Jacques REMILLER, Bernard PERRUT, Michel VOISIN, Éric DIARD, Bérengère POLETTI, Marie-Louise FORT, Éric CIOTTI, Jean-Claude GUIBAL, Alain GEST, Camille de ROCCA-SERRA et Rémi DELATTE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le radon, reconnu cancérigène certain par le centre international de recherche sur le cancer en 1987, est un gaz radioactif d’origine naturel, produit par la désintégration de l’uranium et du thorium présent dans la croûte terrestre.

Ce gaz peut pénétrer et s’accumuler dans les espaces clos pour atteindre des concentrations élevées. Les atomes de radon inhalés lors de la respiration et ses descendants radioactifs solides émettent des rayonnements, principalement de type alpha, qui irradient les cellules pulmonaires et bronchiques et peuvent provoquer des mutations cancérigènes.

Les études épidémiologiques montrent que l’exposition au radon constitue un facteur de risque majeur de cancer du poumon, derrière le tabac avec un effet sub-multiplicatif de l’association tabac-radon.

L’Institut national du cancer estime entre 1 300 et 2 900 le nombre annuel de décès en France provoqué par l’exposition au radon, soit entre 5 % et 12 % des décès par cancer du poumon, cancer le plus mortel en France.

Ce risque de cancer du poumon augmente linéairement avec l’exposition au radon et le Haut Conseil de la Santé Publique a récemment recommandé d’abaisser le seuil d’intervention dans les bâtiments à 300 Bq/m³ pour se rapprocher à terme de la valeur de 100 Bq/m³ recommandée par l’OMS.

À l’issue d’études menées sous l’égide du ministère de la santé, 31 départements ont fait l’objet d’un classement prioritaire pour le risque radon. Ces départements représentent un parc de 4 millions de maisons individuelles et de 2,3 millions d’appartements en immeubles collectifs.

Un classement par communes, plus en phase avec le contexte géologique, permettrait d’obtenir une meilleure précision des zones prioritaires radons.

Si un encadrement législatif et réglementaire est présent en France pour certaines catégories d’établissement recevant du public (bâtiments scolaires, thermaux, pénitentiaires et à vocation sanitaire et sociale avec hébergement), pour les locaux professionnels, il n’existe pas pour les bâtiments d’habitation. Or nous passons un temps important dans l’habitat.

Ces dispositions permettent de cibler plus précisément les secteurs prioritaires à risque radon, de définir des valeurs maximales et de conduire une politique de maîtrise du risque radon dans l’habitat.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est institué pour l’habitat des valeurs limites d’exposition au radon.

Ces valeurs maximales de concentration en radon, exprimées en Becquerel par mètre cube (Bq/m³), sont déterminées par un arrêté conjoint du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministère du travail, de l’emploi et de la santé pris sous un délai maximum de six mois à l’issue de la publication au Journal officiel de la présente loi.

Les valeurs limites d’activité volumique du radon sont fixées à partir des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et après consultation et avis du Haut Conseil de la santé publique, de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du centre scientifique et technique du bâtiment.

Article 2

Les logements en habitat individuel et les logements situés les plus proches du sol en habitat collectif, à usage d’habitation permanente ou temporaire, doivent faire l’objet d’un dépistage des concentrations en radon dans les locaux avec une occupation humaine tels que chambres ou séjour.

Ce dépistage est à la charge financière du propriétaire du logement pour ceux de type « habitat individuel » et à la charge financière du propriétaire ou des copropriétaires de l’immeuble pour les logements de type « habitat collectif ».

Article 3

Le dépistage de l’activité radon s’impose pour tous les logements neufs dès la date de publication de la présente loi au Journal officiel.

Pour les logements existant à la date de publication au Journal officiel de la présente loi, les mesures de l’activité du radon et de ses descendants dans les lieux définis à l’article 2 sont réalisées dans un délai de cinq ans pour les 31 départements classés « prioritaires radon » et dans un délai de dix ans pour les autres départements suivant la date de publication de la présente loi au Journal officiel.

Article 4

Le dépistage des concentrations en radon s’effectue selon un protocole de mesures réalisées par « zone homogène » de l’habitation.

Ce dépistage est réalisé au niveau habité le plus bas du logement et selon les normes techniques applicables aux bâtiments de surface.

Article 5

En application des dispositions des articles 2 et 4 de la présente loi, les occupants du logement engagent leur responsabilité pour respecter, lors du diagnostic de l’activité radon, les consignes de mesures et les conditions normales d’occupation du logement et de vie.

Article 6

Le dépistage est effectué par des organismes et des services de collectivités territoriales habilités à procéder aux mesures de l’activité volumique du radon et qui bénéficient d’un agrément spécifique délivré par l’Autorité de sûreté nucléaire.

Pour chaque intervention, l’intervenant agréé, chargé des mesures, établit un rapport qu’il transmet au propriétaire pour les logements « individuels » et au propriétaire ou au syndic de la copropriété pour les logements « collectifs ».

Article 7

Les mesures de dépistage du radon dans les logements doivent être répétées tous les dix ans et, le cas échéant, chaque fois que sont réalisés des travaux modifiant la ventilation des locaux ou l’étanchéité des locaux au radon.

Article 8

Les données issues du dépistage de l’activité volumique du radon d’un logement sont incluses dans le dossier de diagnostic technique de ce logement. Il constitue le constat de risque exposition radon.

Ce dossier, institué par l’ordonnance n° 2005-655 du 08 juin 2005 relative au logement et à la construction, regroupe l’ensemble des constats ou états du logement tels que ceux relatifs à l’amiante ou au plomb. Il est annexé à l’avant-contrat de vente ou au contrat de location du logement.

Article 9

Les rapports de mesure de l’activité radon dans les logements sont transmis dans un délai de deux mois par le propriétaire du logement à la commune d’implantation du logement et au préfet du département concerné. Ce dernier diffuse les données recueillies à l’agence régionale de santé dont dépend le logement et à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Un arrêté du ministère du travail, de l’emploi et de la santé détermine les modalités et les conditions d’accès du public aux données relatives aux mesures de l’activité radon des logements.

Article 10

Le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministère de travail, de l’emploi et de la santé sont chargés de conduire des campagnes d’information, d’éducation, de communication et de sensibilisation sur le radon dans l’habitat. Ces campagnes s’inscrivent dans la prévention du cancer du poumon.

Article 11

Lorsque les résultats dans un logement dépassent les niveaux fixés à l’article 1er de la présente loi, le propriétaire pour les logements « individuels », le propriétaire ou les copropriétaires de l’immeuble pour les logements « collectifs » mettent en œuvre les actions techniques nécessaires à l’abaissement des concentrations en radon en dessous de ces niveaux.

Le délai de mise en œuvre des actions correctives est déterminé par un arrêté conjoint du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministère du travail, de l’emploi et de la santé.

Article 12

Sur la base des données d’activité radon recueillies sur chaque commune, le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministère du travail, de l’emploi et de la santé établissent annuellement un classement « risque radon » des communes, selon plusieurs catégories. Ce classement se substitue à terme au classement actuel par département.

Le classement par commune incorpore une base de données qui comporte au minimum par commune : le nombre d’habitants, le nombre de logements mesurés, la moyenne arithmétique des valeurs mesurées, la valeur de l’écart type et la médiane, les valeurs minimales et maximales observées sur la commune, les pourcentages de logements observés en deçà et au-dessus des valeurs limites fixées à l’article 1er de la présente loi. Ces données permettent de définir la classe « risque radon » de la commune.

Les différentes classes et l’établissement du classement par communes sont déterminés par un arrêté conjoint du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministère du travail, de l’emploi et de la santé.

Article 13

Dans l’attente du classement par communes prévu à l’article 12 de la présente loi, dans les trente et un départements prioritaires « risque radon » est imposée la mise en place, lors de toutes nouvelles constructions de bâtiments d’habitation, des méthodes et des techniques de construction permettant de s’opposer à la pénétration de l’air du terrain riche en radon dans les logements.

Dès la mise en place du classement prévu à l’article 12 de la présente loi, les dispositions techniques qui permettent de s’opposer à la pénétration de l’air du terrain riche en radon dans les logements s’imposent pour toutes nouvelles constructions de bâtiments d’habitations dans les communes identifiées avec un risque radon significatif.

Ces méthodes et techniques de prévention sont déterminées par un arrêté du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur recommandation du Centre scientifique et technique du bâtiment, notamment radier d’un seul tenant, béton étanche, membrane d’étanchéité ou ventilation sous fondation.

Article 14

Les collectivités territoriales et l’Agence nationale de l’habitat peuvent accorder pour les logements qui existent à la date de la publication au Journal officiel de la présente loi des aides financières pour les travaux, prévus à l’article 11 de la présente loi, qui permettent l’abaissement des concentrations en radon dans l’habitat.

La part supportée par un propriétaire bailleur des dépenses relatives au diagnostic radon et aux travaux prévus au même article 11 est déductible des revenus fonciers.

Un fond d’aides pour l’information sur le radon dans l’habitat et pour les travaux d’abaissement des concentrations en radon dans les logements existants est institué.

Ce fond est alimenté par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Un arrêté conjoint du ministère de l’économie des finances et de l’industrie et du ministère du travail, de l’emploi et de la santé détermine les modalités et les taux de perception de cette taxe spécifique. Cet arrêté est pris dans les six mois suivant la publication de la présente loi au Journal officiel.

Cet arrêté précise les modalités d’attribution aux propriétaires de l’aide pour les travaux relatifs à l’abaissement des concentrations en radon dans l’habitat existant à la date de publication au Journal officiel de la présente loi.

Article 15

Les infractions aux articles 9, 11 et 13 de la présente loi sont constatées par tout officier ou agent de police judiciaire, ainsi que par tout fonctionnaire et agent de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou les ministres chargés de la construction et de l’habitation et de la santé, suivant l’autorité dont ils relèvent, et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire.

À l’issue de l’achèvement des travaux de logements neufs ou de parties nouvelles de logement soumis à permis de construire et aux obligations des articles 11 et 13 de la présente loi, les infractions à ces articles peuvent être également constatées par les agents précités.

Article 16

Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 5e classe toute personne n’ayant pas satisfait aux obligations de mesures prévues à l’article 2 de la présente loi et aux obligations de transmission des données prévues à l’article 9.

Article 17

Est puni de six mois d’emprisonnement et de l’amende de 7 500 euros le fait :

– de faire obstacle aux agents mentionnés à l’article 15 de la présente loi ;

– de ne pas avoir procédé aux travaux prévus aux articles 11 et 13.

Article 18

Les pertes de recettes et charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour l’Agence nationale de l’habitat de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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