N° 4486 - Proposition de loi de M. Gérard Charasse relative à la dévolution du patrimoine thermal de Vichy aux collectivités locales



N° 4486

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2012.

PROPOSITION DE LOI

relative à la dévolution du patrimoine thermal de Vichy
aux collectivités locales,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Gérard CHARASSE, Chantal BERTHELOT, Paul GIACOBBI, Annick GIRARDIN, Joël GIRAUD, Albert LIKUVALU, Jeanny MARC, Dominique ORLIAC et Sylvia PINEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le patrimoine thermal de l’État installé dans la ville de Vichy et alentours est, depuis 1853, concédé à une entreprise privée. C’est le dernier patrimoine thermal appartenant à l’État. Le gouvernement a manifesté son intention de se séparer de ce patrimoine et a prié les collectivités locales, le 16 février 2009, de lui faire connaître leurs intentions. Ces dernières ont manifesté un intérêt prudent s’agissant d’une offre faite sur un courrier d’une page pour un patrimoine assis datant d’un siècle et demi et dont les contours sont complexes.

Le rapport, confié à un inspecteur général des finances et à un inspecteur général des affaires sociales le 1er juin 2006, sur l’objet de la cession a été remis au gouvernement en février 2007. Il propose une évaluation qui ne prend ni en compte l’état du domaine, ni la contribution que les collectivités locales, directement ou à travers leurs habitants, ont apporté au thermalisme et au développement d’une activité qui a pour l’essentiel rapporté au concessionnaire et, dans une moindre mesure, à l’État.

S’agissant du patrimoine, les collectivités ont eu à subir le choix délibéré et économique justifié pour lui, d’un concessionnaire agissant sans contrôle de l’État depuis que ce dernier n’a plus délégué de commissaire du gouvernement spécifique dans la station et confié cette tâche au préfet du département. Pointée à plusieurs reprises par diverses inspections, ce désintérêt de l’État a permis au concessionnaire de privilégier les investissements productifs pour lui, voire de soutenir des activités qui déplacent vers la sphère privée des activités lucratives entrant a priori dans le champ de la concession. Ainsi en est-il des « Vichy-Spa » développés à l’étranger, avec le nom de la ville, et l’usage de sa notoriété relayée par un industriel de taille mondiale qui, pour user de son nom règle une redevance… au fermier.

C’est à la faveur de cette posture que le patrimoine non productif pour le fermier a été laissé à l’abandon, patrimoine que la puissance publique aura fatalement à relever. À titre d’exemple, la rénovation du parc des Souces, situé en plein centre-ville de Vichy, est évaluée par deux études successives à une vingtaine de millions d’euros. Au surplus, la partie immobilière du patrimoine thermal recouvre la moitié du patrimoine public bâti de la ville, obligeant la puissance publique locale qui prendrait le parti d’un aménagement économique raisonné, ce qui semblerait un choix particulièrement judicieux au regard des atouts de la ville, à transiger dans des conditions toujours complexes avec le fermier et l’État, ceci retardant de manière notoire comme on l’a vu pour l’aménagement du Palais des congrès, le pôle universitaire ou l’installation d’un cuisinier étoilé, ses projets d’aménagement.

Si le rôle du fermier dans la gestion de l’activité a été dès les années 1970 un sujet d’inquiétude comme en témoigne plusieurs questions parlementaires déposées par nos prédécesseurs et plusieurs enquêtes ordonnées par le gouvernement, il n’en reste pas moins que cette activité est issue du travail des personnels de la région de Vichy, de la notoriété de la station et que la puissance publique n’en a que peu tiré parti.

À titre indicatif, un rapport rédigé par un groupe de conseillers municipaux de Vichy en 2011 établit que sur la période d’étude de l’IGF et de l’IGAS, soit sept ans, l’État aura tiré 11,21 millions d’euros de la concession et le concessionnaire, 66 millions d’euros et les collectivités locales, rien. Il n’est pas aberrant que soit examinée la possibilité, lors de la cession, de proposer aux collectivités locales de tirer juste parti de cette situation. On peut en effet se poser la question de la justesse de la vente de l’État à une autre entité publique qui reviendrait à monnayer la propriété́ par les citoyens de parts indivises et indéfinies à une autre assemblée de citoyens d’ores et déjà̀ propriétaires des parts indivises et indéfinies du même patrimoine.

On peut ajouter à ces arguments de droit, ceux politiques d’un État qui doit à Vichy. Car la France, bien qu’installée illégalement à Vichy depuis le 11 juillet 1940, n’a jamais eu un mot pour cette ville moyenne du centre de la France depuis août 1944 quand les fonctionnaires quittaient finalement ses murs pour repartir à Paris. L’État a laissé là, l’image de l’infamie accrochée aux panneaux de la ville et si, dès 1944, le conseil municipal de la ville a mis en garde contre l’amalgame entre Vichy et l’idéologie que ses murs avaient fortuitement abritée, l’État n’a jamais eu l’acte ou la parole qui pourrait enfin détacher la ville des heures sombres de l’histoire de France.

Par souci de précision ou au terme d’une stratégie d’évitement, les sommets de l’État ont d’abord oublié Vichy et évoqué, quand il le fallait, l’État français ou le régime de fait de l’État français mais depuis quelques années, Vichy est de nouveau stigmatisée et, le 8 mai dernier, en Alsace pour dire aux « malgré- nous » qu’ils n’avaient pas manqué à la France, le chef de l’État lui même a évoqué « Vichy [qui] a trahi la France ; Vichy [qui] l’a déshonorée ». L’État s’honorerait, dans le cadre de cette cession, à œuvrer pour transformation de la mémoire en histoire, travail effectué par toutes les Nations qui ont connu des temps sombres, et considérer rendre à Vichy son indépendance et lui donner les moyens d’un nouvel avenir.

C’est ainsi que semble parfaitement justifiée l’autorisation donné par le Parlement au gouvernement d’entrer dans un processus de cession du patrimoine thermal de Vichy sur la base d’une dévolution ou d’une cession à l’euro symbolique comme, pour les même raisons structurelles et conjoncturelles, le Parlement l’a autorisé pour la cession d’autres entités du patrimoine national. C’est l’objet de l’article 1er.

Il importe d’encadrer cette cession et qu’elle puisse se réaliser en pleine transparence et au moindre coût, c’est l’objet de l’article 2.

Il convient de permettre la revente éventuelle du patrimoine après sa cession et que l’État puisse, le cas échéant, tirer bénéfice d’un patrimoine qu’il a transmis aux collectivités concernées pour un dessein qui ne se réalise pas. C’est l’objet de l’article 3.

Il est enfin normal, s’agissant d’un processus exceptionnel de cession, de neutraliser le dispositif de préemption. C’est l’objet de l’article 4.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’ensemble immobilier dit du « patrimoine thermal de Vichy » peut faire l’objet d’une cession à l’euro symbolique et avec complément de prix différé aux communes sur lesquelles il est implanté.

Un groupement de communes peut se substituer à la commune concernée, sur demande de cette dernière.

Article 2

Cette cession est autorisée par décret pris sur le rapport du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, en vue de permettre la réalisation d’opérations ou d’actions d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. Ce décret indique la valeur des immeubles domaniaux cédés, estimée par l’administration chargée des domaines.

Le transfert de propriété intervient au jour de la signature de l’acte authentique constatant la cession. Le cessionnaire est substitué à l’État pour les droits et obligations liés aux biens qu’il reçoit en l’état. La cession réalisée dans ces conditions ne donnent lieu à paiement d’aucune indemnité ou perception de droits ou taxes, ni à aucun versement de salaires ou d’honoraires au profit d’agents de l’État.

Article 3

En cas de revente, y compris fractionnée, ou de cession de droits réels portant sur le bien considéré, pendant un délai de quinze ans à compter de la cession initiale, la commune ou le groupement verse à l’État, à titre de complément de prix, la somme correspondant à la moitié de la différence entre le produit des ventes et la somme des coûts afférents aux biens cédés et supportés par la commune ou le groupement, y compris les coûts de dépollution.

Cette obligation pèse, pendant le même délai de quinze ans, sur les acquéreurs successifs de tout ou partie des biens ainsi cédés dès lors que la cession envisagée porte sur lesdits biens avant construction ou réhabilitation des bâtiments existants.

En l’absence de revente ou de cession de droits réels portant sur tout ou partie des biens cédés par l’État, pendant le délai de quinze ans à compter de la cession initiale et en cas de non-réalisation d’une action ou d’une opération d’aménagement prévue à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, l’État peut convenir avec la commune du rachat de l’immeuble à l’euro symbolique. En l’absence d’opération de rachat, le complément de prix s’élève à la valeur des biens indiquée dans le décret mentionné à l’article 2, indexée sur la variation de l’indice du coût de la construction.

Les actes de vente et de cession de droits réels successifs reprennent les obligations résultant du présent article pour en assurer la publication au bureau des hypothèques compétent.

Article 4

L’article L. 240-1 et le premier alinéa de l’article L. 213-1 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables aux cessions réalisées sur le fondement de la présente loi.

Article 5

Les pertes de recettes résultant, pour l’État, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges résultant, pour les collectivités territoriales, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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