N° 4522 - Proposition de loi de Mme Marie-George Buffet visant à renforcer les pouvoirs du maire dans la lutte contre l'habitat indigne



N° 4522

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer les pouvoirs du maire
dans la lutte contre l’habitat indigne,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-George BUFFET,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Des hommes et des femmes, dans notre pays, sont contraints de vivre dans des logements totalement indignes. Humidité, canalisations au plomb, superficies inférieures à 9 mètres carrés, absence d’accès à un réseau viable d’eau potable ou d’assainissement, présence d’insectes, défauts d’aération ou d’ouverture sur l’extérieur : les cas de figures sont nombreux, mais à chaque fois, c’est la santé des habitant-e-s qui sont en jeu. C’est le droit au logement qui est bafoué.

La lutte contre les conditions indignes d’habitat doit être érigée en priorité. Le deuxième plan national santé-environnement, qui couvre la période 2009-2013, évaluait encore entre 400 000 et 600 000 le nombre de logements du parc privé pouvant être qualifiés d’indignes. Rien qu’en Seine-Saint-Denis, la préfecture de département recensait, en 2008, près de 40 000 logements insalubres. Il n’est pas acceptable que dans un pays développé comme la France, des hommes et des femmes subissent une telle situation.

Certes, des actions ont déjà été mises en œuvre. Ainsi, un pôle national de lutte contre l’habitat indigne a été institué en vue de favoriser sa résorption. Le code de la santé publique donne par ailleurs la possibilité aux préfets de prescrire aux propriétaires des travaux et de les faire réaliser, si nécessaire, à leurs frais. Il prévoit également l’interdiction d’habiter les locaux insalubres et l’obligation pour les propriétaires d’assurer l’hébergement ou le relogement des locataires concernés. Ces obligations sont assorties de sanctions pénales, allant jusqu’à 100 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement.

Bien que la situation soit urgente, la procédure actuelle est longue et complexe. Sur la base d’un rapport de l’agence régionale de santé (ARS), elle-même pouvant être saisie par les personnes concernées ou par le maire, ou sur la base d’un rapport du directeur du service communal d’hygiène et de santé, le préfet peut saisir une commission spécialisée qui se prononce dans les deux mois. Ce n’est qu’après qu’il peut, le cas échéant, intervenir pour mettre fin à la situation d’insalubrité.

Alors qu’il est un acteur de proximité incontournable, en lien étroit et permanent avec la population de sa commune, et que son l’expertise sur le territoire de celle-ci est incontestée, le maire joue cependant un rôle mineur dans cette procédure. Il n’intervient qu’en tout début et en toute fin de celle-ci, sans réellement pouvoir influer sur son déroulement. Cela est d’autant moins compréhensible qu’il dispose d’importants pouvoirs de police dans une situation proche, celle des bâtiments menaçant ruine.

Pourtant, il existe des situations d’urgence, liées à l’importance quantitative du nombre de logements insalubres. Les familles qui sont contraintes de vivre sans chauffage à l’approche de l’hiver ne peuvent pas attendre. Les enfants menacés par les intoxications au plomb ou le développement de parasites liés à l’humidité non plus. Ces exemples parmi d’autres prouvent qu’il devrait être possible de pouvoir saisir le maire dans le cadre d’une procédure accélérée pour remédier à de telles situations. Cela compléterait utilement la politique existante de lutte contre le logement insalubre.

Aussi, cette proposition de loi se donne pour objectif de renforcer les pouvoirs du maire dans la lutte contre l’habitat indigne.

Son article 1ercrée un nouveau pouvoir de police spéciale pour le maire. En cas d’urgence, celui-ci pourrait prendre un arrêté d’insalubrité aux effets comparables à celui que peut prendre le préfet. Le maire pourrait ainsi faire exécuter d’office les travaux nécessaires aux frais du propriétaire et contraindre celui-ci à reloger les locataires pendant leur durée. Le préfet devrait alors engager la procédure existante pour compléter, si besoin, les mesures prises par le maire, sans pouvoir remettre en cause les travaux dont il aura demandé l’exécution d’office.

Les articles 2 et 3 sont des articles de coordination. L’article 2 inscrit ce nouveau pouvoir de police spéciale du maire dans le code général des collectivités territoriales et l’article 3 rend les sanctions pénales existantes applicables aux travaux qui auraient dû être exécutés sur son fondement : un an d’emprisonnement et 50 000 euros d’amende si la personne ne se conforme pas aux injonctions du maire, trois ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende si la personne met à disposition un logement déclaré insalubre ainsi que des peines complémentaires à l’instar de la confiscation de l’immeuble ou du fonds de commerce de la personne concernée.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. Après l’article L. 1331-24 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1331-24-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1331-24-1. – Lorsqu’il constate une situation d’urgence à l’intérieur d’un périmètre qu’il définit, le représentant de l’Etat dans la commune peut déclarer l’insalubrité des locaux et installations utilisées aux fins d’habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d’hygiène, de salubrité ou de sécurité.

« L’arrêté du représentant de l’État dans la commune vaut interdiction temporaire d’habiter. Il est notifié au propriétaire dans les conditions prévues à l’article L. 511-1-1 du code de la construction et de l’habitation.

« Les dispositions de l’article L. 521-2 du même code sont applicables aux locaux visés par l’arrêté. La personne qui a mis ces locaux ou installations à disposition est tenue d’assurer l’hébergement des occupants dans les conditions prévues par l’article L. 521-3-1 du même code. À défaut, les dispositions de l’article L. 521-3-2 sont applicables.

« L’arrêté est transmis au représentant de l’État dans le département qui engage la procédure prévue aux articles L. 1331-26 et suivants du présent code.

« Dans l’attente d’une décision du représentant de l’État dans le département, le représentant de l’État dans la commune peut enjoindre à la personne qui a mis ces locaux ou installations à disposition de rendre leur utilisation conforme aux prescriptions qu’il édicte dans un délai qu’il fixe.

« Tant que le représentant de l’État dans le département ne s’est pas prononcé, le représentant de l’État dans la commune peut faire procéder à leur exécution d’office pour le compte et aux frais du propriétaire. Le représentant de l’État dans le département ne peut remettre en cause cette décision. »

II. Au premier alinéa de l’article L. 1331-30 du même code, après la référence : « L. 1331-24, », est insérée la référence : « L. 1331-24-1, ».

III. Les conditions d’application du présent article sont définies par un décret en Conseil d’État.

Article 2

L’article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut prescrire et faire exécuter d’office les travaux susceptibles de mettre fin à une situation d’urgence en application de l’article L. 1331-24-1 du code de la santé publique. »

Article 3

L’article L. 1337-4 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Aux second et au neuvième alinéas, après la référence : « L. 1331-24, », est insérée la référence : « L. 1331-24-1, » ;

2° Au troisième alinéa, après le mot : « application », sont insérés les mots : « de l’article L. 1331-24-1 et » ;

3° Au dixième alinéa, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 1331-24-1, ».


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