N° 998 - Rapport d'information de M. Philippe Meunier déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le Rhône et les PCB : une pollution au long cours




N °998

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2008

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

sur le Rhône et les PCB :
une pollution au long cours

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Philippe Meunier,

Député.

SOMMAIRE

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Pages

RÉSUMÉ DES 34 PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 5

INTRODUCTION 9

A.— UN PRODUIT DE SYNTHÈSE PERFORMANT MAIS TOXIQUE 13

1. L’utilisation massive de produits de synthèse très performants 14

a) Des produits de synthèse organochlorés de structures variables 14

b) Des produits phares de l’industrie chimique 15

c) Des produits « miracles » pour l’industrie comme pour les ménages 17

d) Du rêve industriel au cauchemar environnemental 18

2. La haute toxicité d’une substance omniprésente 19

a) Une substance omniprésente dans l’environnement 19

b) La contamination par l’alimentation 21

c) Une toxicité confirmée pour l’homme 25

B.— L’ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION DEPUIS L’INTERDICTION DU PRODUIT 27

1. La mise en extinction du produit 27

a) La réglementation nationale et communautaire 28

b) L’encadrement juridique international 33

2. La protection de la santé humaine 36

a) Le contrôle des denrées alimentaires 36

b) Quid de l’eau potable ? 39

3. Les obligations des entreprises polluantes 40

II.— LA POLLUTION DU RHÔNE 44

A.— LE RHÔNE VICTIME D’UNE POLLUTION D’AMPLEUR NATIONALE 44

1. Une crise aux répercussions multiples 44

a) Un fleuve contaminé sur toute sa longueur 44

b) Une pollution historique pour l’essentiel 46

c) Des répercussions multiples 54

d) Des questions encore sans réponse 60

2. Le Rhône : un exemple d’une pollution généralisée 63

a) Une contamination d’ampleur nationale 63

b) Une pollution à l’échelle planétaire 67

B.— QUELLES RÉPONSES ? 73

1. La réaction en deux temps des pouvoirs publics 73

a) Une organisation administrative inadaptée 73

b) Une première réponse : la mise en place d’un dispositif de coordination 83

2. Le Rhône : le fleuve test de l’efficacité du plan national d’actions 84

a) Comment intensifier la réduction des rejets de PCB dans les eaux 85

b) Déterminer le devenir des PCB dans les milieux aquatiques en améliorant les connaissances scientifiques pour gérer cette pollution 92

c) Renforcer les contrôles sur les poissons et les sédiments pour améliorer la gestion des risques sanitaires 98

d) Améliorer la connaissance du risque sanitaire et sa prévention 102

e) Apporter des solutions aux pêcheurs professionnels et amateurs 104

f) Suivre l’exécution du plan 108

CONCLUSION 111

III.— EXAMEN EN COMMISSION 113

IV.— A N N E X E S 121

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR VOTRE RAPPORTEUR 123

TABLEAUX DE BORD DU PLAN NATIONAL D’ACTIONS 128

RAPPEL CHRONOLOGIQUE 133

RÉSUMÉ DES 34 PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

de portée politique

– Poursuivre et accélérer la simplification de l’organisation administrative pour garantir réactivité et efficacité en cas de crise (p. 82)

– Systématiser l’information des DRIRE et DIREN par les unités de gendarmerie et les services départementaux d’incendie et de secours en cas d’incident suspecté de libérer des PCB dans l’environnement (p. 86)

– Mettre en place temporairement une « écotaxe » acquittée par les détenteurs d’équipements contenant des PCB n’ayant pas respecté les engagements du plan national de décontamination dont le produit serait affecté par priorité à un fonds particulier destiné à l’application du plan national d’actions (p. 92)

– Saisir l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques du suivi et de l’évaluation de la partie scientifique du plan national d’actions (P. 111)

– S’appuyer sur les débats des comités de pilotage et de suivi pour élaborer les politiques mises en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pollution par les PCB (p. 108)

– Mettre à profit la présidence française de l’Union européenne pour accélérer l’évolution de la réglementation européenne vers une harmonisation de la recherche des PCB dans les produits destinés à l’alimentation humaine (p. 101)

de portée sanitaire

– Informer la population sur l’état de la contamination par les PCB et formuler des recommandations de consommation pour les catégories les plus exposées, notamment dans les zones contaminées (p. 23 et 101)

– Définir un protocole rigoureux des études d’imprégnation humaine (p. 102)

– Instaurer un suivi à titre rétrospectif des salariés exposés au cours de leur carrière par l’inspection médicale du travail (p. 49)

– Lancer une campagne d’information sur l’évolution de la contamination auprès des professionnels de la commercialisation des produits de la pêche (p. 104)

– Fixer un seuil maximum de PCB dans les farines destinées à l’alimentation des poissons d’élevage (p. 99)

– Rendre obligatoire l’indication de la provenance des poissons sur les étals (p. 104)

– Généraliser les analyses visant les cultures irriguées par l’eau du Rhône (p. 62)

– Systématiser, dans les zones contaminées,  la recherche des PCB dans les eaux des aires de captage en eau potable (p. 88)

de portée environnementale

– Faire figurer, au niveau communautaire, les PCB parmi les substances systématiquement recherchées lors des évaluations du bon état chimique des masses d’eau (p. 87)

– Réexaminer à la lumière des connaissances nouvelles les techniques de dragage des sédiments pollués par les PCB (p. 94)

– Étendre à tous les maillons de la chaîne trophique les analyses complémentaires en cas de contamination avérée (p. 101)

– Abaisser les seuils de population rendant obligatoire les études sur la présence de PCB dans les rejets des stations d’épuration (p. 88)

de portée scientifique

– Favoriser l’adoption par la communauté scientifique d’une définition unique pour les PCB indicateurs (p. 23)

– Rechercher des synergies entre les divers organismes de recherches afin de créer une indispensable complémentarité (p. 94)

– Concentrer sur le bassin du Rhône les nouvelles études de façon à ne pas disperser les moyens qui y sont consacrés, en vue de leur extrapolation à l’ensemble des cours d’eau nationaux (p. 94)

– Étendre aux zones estuariennes le champs des diverses études engagées (p. 93)

– Mieux connaître l’état d’imprégnation de l’ensemble des espèces piscicoles dans les zones contaminées (p. 99)

– Confier à l’INRA, en association avec l’AFSSA, une étude complémentaire pour déterminer, avec certitude, la non absorption des PCB par les végétaux (p. 98)

– Rechercher d’éventuelles synergies toxiques entre les PCB et d’autres polluants (p. 100)

relatives aux pêcheurs

– Instaurer dans les cahiers des charges des baux de pêche une clause de suspension automatique des droits en cas de contamination des lots de pêche (p. 105)

– Prendre, pour l’ensemble du territoire national, comme point de départ des exonérations des droits de pêche, l’année au cours de laquelle l’arrêté d’interdiction aura été publié (p. 106)

– Instituer un système de prêts préférentiels en faveur des pêcheurs professionnels se réinstallant sur d’autres domaines de pêche (p. 107)

– Ouvrir temporairement (sous conditions) certaines réserves de pêche aux pêcheurs professionnels des zones contaminées (p. 107)

relatives à l’élimination des PCB

– Procéder à un inventaire complémentaire des équipements contenant des PCB (p. 89)

– Élaborer un plan de démantèlement des équipements électriques abandonnés dans les friches industrielles et commerciales (p. 91)

– Prévoir un deuxième volet du plan d’élimination et de décontamination pour assurer le suivi des appareils et équipements présentant une teneur en PCB comprise entre 50 Ppm et 500 Ppm (p. 91)

–  Informer l’acquéreur d’un bien immobilier équipé d’un appareil contenant des PCB des démarches à accomplir en vue de son élimination (p. 29)

– S’assurer que les sous produits résultant des modes opératoires d’élimination des PCB choisis ne généreront pas de nouveaux produits toxiques et/ou polluants (p. 97)

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 10 octobre 2007, Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durable, chargée de l’écologie, présidait à Lyon le premier Comité de pilotage (COPIL) PCB – Rhône.

La pollution du Rhône par les polychlorobiphényles (PCB) rendait nécessaire une initiative gouvernementale novatrice, un geste fort, en direction de toutes celles et ceux (riverains, élus territoriaux, professionnels, amoureux de la nature) qui s’inquiètent pour l’avenir de cette artère fluviale dont le bassin recouvre près d’un quart de la surface de la France. Historiquement, la majeure partie des activités économiques du bassin du Rhône a un rapport plus ou moins direct avec le système hydrographique ; quand elles n’en viennent pas, elles y conduisent bien souvent.

Le milieu aquatique rhodanien est caractérisé par la richesse de sa biodiversité, qu’il s’agisse des différents milieux qui le composent (cours d’eau et plans d’eau, zones humides, eaux souterraines, eaux de transition), que par les espèces qui y vivent.

Il est aisé, dans ces conditions, de mieux comprendre le fort retentissement dans l’opinion publique de toute pollution venant perturber l’équilibre du bassin du fleuve. Si la présence de produits organiques persistants de type PCB n’est, hélas, pas une nouveauté pour le Rhône, les premières analyses y ayant révélé la présence de PCB remontant à 1986, elle occupe depuis quelques années les devants de l’actualité régionale et nationale.

Courant 2005, M. Cédric Giroud, pêcheur professionnel dans le canal de Jonage, en amont de Lyon, fait analyser la chair de poissons, fruits de sa pêche, afin de rassurer ses clients. Il souhaitait, en toute simplicité, lever leurs inquiétudes suite à une épidémie de botulisme dont avaient été victimes des oiseaux aquatiques dans le secteur du Grand Large, au débouché de ce bras du Rhône. Si les résultats des analyses pratiquées ne détectaient pas de bactéries anaérobies du genre Clostridium (responsables du botulisme), elles démontraient une concentration anormalement élevée de polychlorobiphényles dans la chair des poissons analysés.

Étonnamment, dans un même temps, la direction départementale des services vétérinaires du Rhône procédait, dans le cadre de la surveillance des denrées alimentaires mises en vente sur les étals des marchés, à une analyse de poissons d’eau douce proposés à la commercialisation. Celle-ci révélant une teneur anormalement élevée de PCB dans la chair des poissons, les services vétérinaires alertèrent le Préfet du Rhône.

En réponse à cette alerte sanitaire, le préfet du Rhône interdisait, le 14 septembre 2005, la consommation des poissons pêchés dans les deux zones contaminées : le Canal de Jonage et le plan d’eau du Grand Large. Cette décision administrative ne constituait que le premier maillon d’une chaîne d’arrêtés pris par les préfets des autres départements bordant le Rhône sur la quasi-totalité de son cours, au fur et à mesure que de nouvelles analyses effectuées sur la faune piscicole révélaient sa contamination par les polycholorobiphényles.

Peu de temps après l’arrêté d’interdiction pris par le préfet du Rhône, l’Association des pêcheurs professionnels du Rhône et de l’aval Méditerranée déposait une plainte contre X. Celle-ci devait être, elle aussi, suivie du dépôt de nombreuses autres saisines des tribunaux, émanant de diverses fédérations de pêche de loisirs et de municipalités au premier rang desquelles figure celle déposée par M. Michel Forissier, maire de Meyzieu, le 22 février 2007.

Cette mobilisation traduisant une sourde et légitime inquiétude, qualifiée par certains de « Tchernobyl à la française » était relayée par les médias, d’autant que l’apparent immobilisme des pouvoirs publics laissait libre cours aux bruits les plus divers sur l’origine et les conséquences de ces composés organiques sur la santé humaine. Parallèlement, les préoccupations écologiques et environnementales avaient constitué l’un des thèmes majeurs de la campagne électorale pour l’élection présidentielle et le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables lançait les prémisses d’une sensibilisation sans pareille de la population en annonçant le « Grenelle de l’environnement ».

Force est de reconnaître que l’absence d’informations claires et précises sur ces produits au nom si barbare et aux effets mal connus ne pouvait que laisser le champ libre au développement d’une forme d’angoisse collective. D’autant plus que l’un des premiers producteurs de PCB au monde est l’entreprise Monsanto, connue pour les OGM. Si l’information ne supprime pas le danger, il apparaît souvent qu’elle permet du moins de s’en protéger au mieux.

C’est dans ces conditions et afin de mieux connaître ce phénomène de pollution, dont le Rhône a été le révélateur (on sait désormais que les PCB sont présents dans la quasi-totalité des réserves aquatiques mondiales) qu’à l’initiative de son président Patrick Ollier, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire m’a confié, lors de sa réunion 10 octobre 2007, la mission de présenter un rapport sur la pollution du Rhône par les PCB.

Je voudrais remercier ici toutes celles et tous ceux, institutionnels, adhérents d’associations, élus, citoyens, scientifiques, qui m’ont accompagné dans cette démarche cognitive en m’apportant leur concours et leurs connaissances sur un sujet technique et complexe. Ils m’ont ainsi permis de lever un coin du voile qui recouvrait une pollution que nous devons impérativement prendre en compte pour assurer, au-delà du seul Rhône, le devenir de la planète.

I.— LES PCB, DES POLLUANTS ORGANIQUES
DÉSORMAIS INTERDITS

Synthétisés en laboratoire dès 1881 en Allemagne, les PCB, ou polychlorobiphényles, sont des produits chimiques n’existant pas à l’état naturel et contenant un nombre variable d’atomes de chlore. Cette appellation ne regroupe pas moins de 209 molécules différentes, ou congénères, dont les structures sont plus ou moins complexes. Ces différents congénères ont en commun des propriétés physiques particulières qui en ont fait l’un des symboles de l’aventure industrielle et de la révolution chimique du XXème siècle.

Ce n’est qu’après plusieurs décennies d’utilisation massive que des études toxicologiques ont conduit non seulement à interdire la production et l’utilisation des PCB, mais encore à en réglementer leur élimination.

Face aux dangers sanitaires et environnementaux que représentent les polluants organiques persistants, les pouvoirs publics ont élaboré, tant à l’échelon européen qu’au niveau national diverses réglementations afin d’en limiter les rejets dans l’environnement. Toutefois, le recours massif à ces dérivés chlorés et leur utilisation sans précaution pendant près de cinquante années ont contaminé le milieu naturel, créant une pollution historique des sols et des cours d’eau.

En France, la pollution du Rhône est, depuis 2005, le révélateur d’une contamination générale aux multiples répercussions. L’action des riverains, relayée par les ONG et les élus locaux, a interpellé les pouvoirs publics et servi de déclencheur à une action gouvernementale d’envergure.

A.— UN PRODUIT DE SYNTHÈSE PERFORMANT MAIS TOXIQUE

Les PCB sont des composés organiques chlorés dérivés du benzène. Ils sont obtenus par chloration du radical biphényle (constitué de deux cycles aromatiques ou noyaux benzéniques reliés). Au cours de la chloration, les atomes de chlore (au nombre de un à dix) sont substitués aux atomes d’hydrogène du radical biphényle en présence d’un composé chimique facilitant la substitution. Les composés organiques ainsi obtenus présentent des propriétés spécifiques : une grande stabilité à la chaleur, une très faible inflammabilité et une très grande viscosité.

Ces caractéristiques physiques exceptionnelles en ont fait des produits industriels de base, entrant dans la composition et la fabrication de nombreuses autres substances qui ont progressivement colonisé l’environnement quotidien de l’Homme du vingtième siècle. Appréciés pour leurs usages multiples et leurs coûts relativement modiques, les PCB ont été largement utilisés à divers stades de la production industrielle de masse à une époque où l’on se souciait beaucoup plus du développement économique que de l’impact sanitaire et environnemental des substances mises sur le marché.

Si les polychlorobiphényles présentaient un réel intérêt dans le développement de produits industriels innovants, ces mêmes caractéristiques de stabilité et de résistance à la chaleur qui leur avaient donné un statut particulier auprès des industriels sont ensuite apparues comme des inconvénients majeurs tant pour la santé humaine que pour l’environnement.

Bien que les effets sanitaires sur l’homme des PCB aient été connus dès 1937, ce n’est qu’après un épisode d’intoxication massive au Japon et à Taïwan à la fin des années soixante et la mise en évidence de leur présence persistante dans les milieux naturels que la Suède (1972), les États-Unis (1976) et la France (1979) ont interdit leur utilisation en application ouverte, puis que leur production, leur utilisation et leur commercialisation ont été interdites définitivement en France en 1987.

1. L’utilisation massive de produits de synthèse très performants

La production mondiale de PCB, entre le début de leur production industrielle en 1929 et leur interdiction en France en 1987 est estimée à environ 1,3 million de tonnes, dont près de 400 000 tonnes seraient actuellement dispersées dans l’environnement. Sur une période plus courte, la production cumulée des deux unités françaises de Jarrie et de Pont-de-Claix est estimée à près de 180 000 tonnes dont environ 124 000 tonnes (78 %) étaient destinées au marché français.

Outre le développement considérable de la chimie du chlore au sortir de la première guerre mondiale, une production aussi importante trouve son explication dans les qualités intrinsèques des PCB qui ont conduit à leur emploi dans des secteurs industriels très diversifiés.

a) Des produits de synthèse organochlorés de structures variables

Sans entrer dans le détail de la structure moléculaire des polychlorobiphényles, il convient de rappeler que ces composés organiques de synthèse sont constitués d’atomes de carbone, C, (au nombre de 12), d’atomes d’hydrogène, H, (compris entre 1 et 9) et de chlore, Cl, (également compris entre 1 et 10). La formule chimique générale des PCB se présente sous la forme suivante :

C12 Hx Cly ,

dans laquelle x est un chiffre compris entre zéro et neuf et y est un nombre obtenu par soustraction du nombre d’atomes retenus pour l’hydrogène. Les deux noyaux benzéniques qui le composent peuvent se situer dans l’espace dans des configurations diverses, qui se combinent avec le degré de chloration de chaque composé, ce qui explique que, partant d’une formule générique, on puisse théoriquement obtenir pas moins de 209 combinaisons différentes, appelés congénères.

En théorie, 209 composés sont susceptibles de répondre à la formule chimique générale des PCB. Ce total correspond aux différentes places occupées par un nombre variable d’atomes d’hydrogène et de chlore mis en jeu, que ce soit selon les portions respectives sur le radical biphényle ou selon la configuration spatiale de la molécule (structure co-planaire [les plus toxiques], structure plus ou moins décalée par rapport à un même plan).

En fait, compte tenu des contraintes thermodynamiques (chaleur et pression), du processus chimique particulier de la réaction de chloration du radical biphényle et des contraintes de configurations spatiales des PCB, le nombre de congénères (de PCB différents) existants se situe entre 130 et 150.

À l’issue de la synthèse industrielle conduisant à la production de PCB, on obtient un mélange de plusieurs congénères qu’il est difficile d’isoler les uns des autres. Les produits commercialisés sous diverses appellations correspondent, de fait, à un mélange de molécules de différents PCB.

b) Des produits phares de l’industrie chimique

C’est dans le sud des États-Unis, à Anniston petite ville de l’Alabama, que la firme Swann Chemicals Company (rachetée en 1935 par la Monsanto Chemicals Company) a initié, dès 1929, la production industrielle des polychorobiphényles. La production de PCB sur le site d’Anniston continuera jusqu’en octobre 1977, date à laquelle la production des PCB sera définitivement interdite aux États-Unis.

En Europe, les industries chimiques belges, italiennes et françaises ont imité leurs homologues américaines. Le paysage industriel s’est ainsi enrichi, au cours des années trente, de plusieurs unités de production chimique spécialisées. Dans un monde où l’industrie chimique et l’électrification du territoire étaient en plein essor, des pays comme le Japon et l’ancienne Union Soviétique ont eux aussi développé des sites de production de PCB.

Les PCB ont été commercialisés sous de nombreuses appellations données soit par les industriels de la chimie qui les produisaient, soit par les industries qui les utilisaient dans la fabrication de nombreux appareils. Les principales marques ou appellations sous lesquelles les PCB ont été vendues sont les suivantes :

– Asbestol, Aroclor, Askarel, Bakola 131, Chlorextol, Clophen, Hydol, Inerteen, Noflamol, Pyranol, Pyrenol, Saft-Khul et Therminol aux États-Unis ;

– Asbestol, Abuntol, Hydol, Phenoclor, Pyralène et Therminol en France ;

– Apirolio et Fenclor en Italie ;

– Askarel et Pyroclor au Royaume-Uni ;

– Clophen en Allemagne ;

– Delor en Tchécoslovaquie ;

– Sovol et Sovtol dans les pays de l’ex-URSS.

La production française de PCB était, pour des raisons historiques, localisée dans la région grenobloise, sur deux sites : Jarrie et Pont-de-Claix. Pendant la première guerre mondiale, l’Isère avait été choisie, en raison de son éloignement du front, pour développer une industrie du chlore afin de produire des gaz permettant de riposter aux attaques allemandes. C’est donc tout naturellement qu’une fois les commandes de l’armée taries, les industriels se tournèrent vers la production de dérivés chlorés permettant ainsi de réutiliser des investissements matériels et un savoir faire humain.

Les 140 000 tonnes de la production française destinées au marché national se sont réparties environ pour 89 % pour un usage sous la forme de fluides diélectriques (appareils électriques de type transformateurs et condensateurs) et pour 11 % pour des usages dispersifs dans des applications dites ouvertes. À partir de 1970, quatre clients représentaient l’essentiel des ventes de fluides diélectriques commercialisés par la société Prodelec. Trois d’entre eux, France Transfo (groupe Schneider) en Meurthe et Moselle, Merlin-Gerin (Grenoble) et la CEM (Le Havre) utilisaient les PCB pour la fabrication de transformateurs, le quatrième, Alsthom, pour celle de condensateurs. Il convient de noter que les usages ouverts (huiles industrielles, plastifiants, joints de scellement, encres, peintures…) sont devenus de plus en plus marginaux jusqu’à leur interdiction en 1979.

L’exportation des PCB de fabrication française s’est véritablement développée à partir des années 1975, se concentrant en priorité sur l’ancienne URSS, la Belgique, l’Espagne et le reste de l’Europe. Le principal producteur européen de PCB était la société allemande Bayer.

Il est particulièrement malaisé d’appréhender le volume cumulé total de PCB présent sur le territoire national car, outre les 140 000 tonnes de la production française destinées au marché national, toutes utilisations confondues pendant 35 années, il conviendrait d’ajouter, sur cette même période, les volumes contenus dans les appareils et les produits finis importés.

Les deux sites de production historique demeurent aujourd’hui spécialisés majoritairement dans la chimie du chlore et sont exploités par les entreprises Arkema pour le site de Jarrie et RHODIA Chimie pour celui de Pont-de-Claix. Il convient de souligner que les deux sociétés qui gèrent actuellement ces deux sites ont repris les activités d’anciennes sociétés et n’ont que peu de points communs avec la SECEMAEU et la Société du Chlore Liquide qui avaient respectivement créé à Jarrie et à Pont-de-Claix les activités de production de PCB dans les années trente.

c) Des produits « miracles » pour l’industrie comme pour les ménages

Les PCB ont l’apparence d’un liquide huileux incolore. Ils présentent une grande stabilité à la chaleur et une forte résistance au feu. Autant de caractéristiques physiques intéressantes pour l’ensemble des industries, que ce soit pour participer aux processus de fabrication eux-mêmes que pour inclure ces produits au sein d’appareils destinés à la commercialisation.

Les propriétés physiques des PCB sont généralement accentuées en fonction de leur degré de chloration et de la structure propre de leur molécule. C’est ainsi que, selon les positions occupées par les atomes de chlores sur le radical biphényle, le congénère obtenu sera plus ou moins stable, notamment d’un point de vue thermo-dynamique.

Les polychlorobiphényles sont des substances qui présentent la capacité d’emmagasiner de l’énergie électrostatique. Ils peuvent donc être exposés à un champ électrique élevé. Cette propriété a rendu les PCB particulièrement attrayants dans le phénomène d’électrification de la planète au siècle dernier. C’est la raison pour laquelle, ils ont été abondamment utilisés dans l’ensemble des appareils électriques, principalement les transformateurs, les condensateurs (industriels ou ménagers) et les électro-aimants, ainsi que dans les ballasts des lampes à fluorescence et des systèmes d’éclairage au néon.

Par ailleurs, les PCB présentent d’intéressantes qualités adhésives (qui leur permettent par ailleurs de se fixer sur les particules en suspension dans l’eau) qui en ont fait des agents largement utilisés en système dispersif, donc ouvert. Cette propriété explique leur large utilisation dans les encres (principalement celles des systèmes de reprographie par effet thermique), les pâtes à papier, les textiles (notamment les textiles synthétiques), les revêtements de sols tels que les linoléums, les peintures, les câbles, les cordes. On retrouve également les PCB dans différents adhésifs, les caoutchoucs, les joints d’isolations et les mastics et certains carburants. Les PCB entraient aussi dans la composition des polychlorures de vinyle, ainsi que dans les cartes électroniques.

Leur stabilité élevée à la chaleur, leur capacité à transmettre la chaleur dégagée par une résistance électrique et leur pouvoir isolant en ont fait le fluide thermo-vecteur utilisé largement pendant une trentaine d’années dans les radiateurs à bains d’huile.

Leur forte propriété lubrifiante a également conduit à se servir des PCB comme fluides hydrauliques, comme huiles de lubrification dans certains appareils mettant en contact des pièces animées de mouvements et comme huile d’usinage de métaux.

Leur viscosité a conduit à utiliser les polychlorobiphényles comme agents antioxydants. À ce titre ils ont été employés comme revêtement protecteur de matériaux ferreux au contact de l’eau afin de ralentir leur corrosion (piles de pont, canalisations).

Sans que le rapporteur ait été en mesure de vérifier cette information, les PCB auraient même été utilisés, en raison de leur pouvoir onctueux par l’industrie cosmétique et seraient entrés dans la composition de certains rouges à lèvres.

Une autre source d’intérêt des PCB, du moins de ceux contenant un nombre élevé d’atomes de chlore, découle de leur grande stabilité. Les PCB présentent en effet une longévité exceptionnelle. Leur emploi constituait donc un gage de durabilité des équipements et matériels dans lesquels ils étaient utilisés comme lubrifiants ou comme isolants : moteur, appareils électriques…

Enfin, et cela constitue sans doute une source de préoccupations parmi les plus fortes, les PCB étaient également connus par l’industrie chimique pour leur pouvoir biocide. Cette propriété a conduit les producteurs de l’agrochimie à les utiliser comme agents dispersant des pesticides et insecticides en agriculture.

L’éventail d’utilisation des polychlorobiphényles et leur faible coût de production en ont fait des produits essentiels de l’industrie chimique du vingtième siècle et des produits de base non seulement du développement économique, mais aussi de l’amélioration de la vie quotidienne de l’homme. À ce titre, ils ont été omniprésents dans son environnement.

d) Du rêve industriel au cauchemar environnemental

Des matières plastiques à l’éclairage en passant par les joints d’étanchéité et de dilatation des immeubles, on ne compte plus les applications pratiques de l’utilisation des PCB. Ces utilisations concernent à la fois des systèmes clos, dans lesquels les PCB sont emprisonnés et peuvent a priori être confinés tant que le système demeure étanche (transformateurs, condensateurs, moteurs…) et des systèmes ouverts qui ne garantissent pas leur non-dissémination dans l’environnement (encres, papier, insecticides adhésifs, huiles d’usinage…).

Paradoxalement, ce qui constituait des avantages exceptionnels assurant l’expansion des PCB, en particulier leur stabilité, se révèle être un inconvénient majeur au regard de leur impact sur la santé humaine et animale ainsi que sur l’environnement.

À cet égard, il convient de souligner que les chimistes et les physiciens ne mesurent pas leur longévité en terme de durée de vie, mais évoquent, comme pour les matières nucléaires, la notion de « demi-vies », ce qui laisse entendre que si leur volume tend à diminuer de façon asymptotique (ils ne disparaissent jamais totalement), ils sont dotés d’une relative immortalité. C’est au regard de cette exceptionnelle longévité que les PCB ont été classés parmi les polluants organiques persistants par la Convention de Stockholm de 2001. Les informations sur la durée de vie des PCB sont extrêmement diverses et varient de quelques semaines à l’infini, en passant par des durées de vie atteignant plusieurs siècles. Une chose toutefois semble certaine, plus le degré de chloration du noyau biphényle est élevé, plus longue sera la durée de vie du congénère. Ainsi les demi-vies suggérées pour un certain nombre de biphényles polychlorés dans des milieux naturels seraient les suivantes :

– d’une semaine dans l’air, huit mois dans un milieu aquatique à deux années dans le sol ou les sédiments pour un monochlorobiphényle (PCB ne contenant qu’un seul atome de chlore) ;

– six années quel que soit le milieu pour le décachlorobiphényle (PCB dont la chloration est maximale et comprenant dix atomes de chlore).

Cette longévité fait des polychlorobiphényles des substances non biodégradables qui, associées à leur caractère biocide, représentent, à terme, une menace pour l’homme et la nature (cf. p. 21 et suivantes). La prise de conscience des risques a entraîné une évolution progressive de la réglementation depuis l’interdiction du produit en 1987.

2. La haute toxicité d’une substance omniprésente

a) Une substance omniprésente dans l’environnement

Bien qu’ils n’existent pas à l’état naturel, les PCB sont très répandus dans l’environnement. Transportés sur de longues distances, intégrés dans la chaîne alimentaire, on les retrouve donc tout naturellement dans le corps humain.

La présence de ces substances est établie non seulement dans l’eau mais encore dans l’air, le sol, les sédiments et les organismes vivants. Les PCB se fixent cependant particulièrement sur les sédiments et les particules ou matières en suspension dans l’eau. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) a fait état, en novembre 2005 (1), à des doses certes infiniment petites (2), de « concentrations ubiquitaires » dans l’environnement dans le monde entier, qu’il s’agisse de l’air, des eaux ou des sols.

PRÉSENCE DES PCB DANS L’ENVIRONNEMENT À L’ÉCHELLE MONDIALE
TAUX DE CONCENTRATION

Milieu

Concentration en PCB

Air

< 3 ng/m³

Eau

– eau de surface : lacs et mers

– eau de pluie/neige

0,1 à 3 ng/litre

1 à 50 ng/litre

Sol

< 3 µg /kg

Source : Évaluation INERIS à partir de données fournies par la base de données Hazardous Substances Data Bank (HSDB), 2003, Bibliothèque nationale de médecine (National Library of Medicine), États-Unis.

L’AFSSA souligne, dans un rapport de novembre 2005 (3), que « les niveaux de PCB en général diminuent dans l’environnement depuis les années 1980, en raison des mesures de réduction des utilisations, du contrôle de leur élimination et de l’atténuation naturelle. » Cependant, leur présence demeure remarquablement stable dans certains « réservoirs » comme les sédiments. S’agissant des milieux marins, leur surveillance par l’IFREMER montre une lente décroissance des contaminations en PCB au cours des quinze dernières années sous l’effet notamment de l’interdiction de l’utilisation de cette substance.

En ce qui concerne la contamination de l’air, historiquement, l’inhalation a pu constituer une source d’exposition professionnelle non négligeable pour les salariés travaillant dans des usines de production de PCB ou de fabrication de produits ou d’appareils contenant des PCB. Ces salariés étaient au surplus exposés à la contamination par voie cutanée car les PCB pénètrent facilement dans la peau.

De nos jours, la contamination atmosphérique provient, d’une part, de la volatilisation des PCB présents dans les décharges non réglementaires ou non contrôlées et dans les boues d’épuration et, d’autre part, des émanations créées par l’incinération des déchets dans des installations non conformes à la réglementation ou par l’explosion et les surchauffes de transformateurs et de condensateurs électriques. En outre, la combustion des PCB à haute température, à partir de 500 degrés, entraîne la décomposition des molécules qui peut se traduire par le dégagement de composés à forte toxicité, les furanes (PCDF) et les dioxines (PCDD). L’AFSSA constate, dans le rapport précité, que « à l’inverse des émissions de dioxines qui ont considérablement baissé depuis 1995, les émissions de PCB seraient d’une remarquable stabilité sur la période 1990-2004. De même, la contribution des différentes sources d’émission reste particulièrement stable sur cette période avec une contribution majeure des unités d’incinération des ordures ménagères (UIOM). » De plus, des PCB de type dioxine sont émis dans l’atmosphère lors de la combustion à l’air libre de certaines essences végétales ou de celle du bois de chauffage, en expansion depuis quelques années.

Les décharges « sauvages », l’épandage de boues d’épuration contaminées, les fuites et les écoulements accidentels provenant des appareils électriques ou de circuits hydrauliques ont été et demeurent, dans une certaine mesure, à l’origine de la contamination des sols.

Quant à la contamination des eaux, elle a résulté de l’absence de réglementation des rejets de l’industrie productrice de PCB et de l’ensemble des activités industrielles ou artisanales qui en étaient utilisatrices. À l’heure actuelle, elle persiste dans une moindre mesure, d’une part, du fait du lessivage par les eaux de pluie de sols pollués et du ruissellement qui s’en suit et, d’autre part, en raison de l’existence de rejets, dont certains ne sont pas autorisés.

b) La contamination par l’alimentation

Sujets à la bioaccumulation et à la bioamplification, les PCB sont des produits toxiques dont se nourrissent certains animaux tout au long de la chaîne alimentaire aquatique depuis de minuscules organismes invertébrés jusqu’aux poissons. Leurs prédateurs -dont les oiseaux pêcheurs, les mammifères marins tels que les cétacés- s’en nourrissent à leur tour et peuvent ensuite les « exporter » sur de vastes territoires, via leurs déplacements. Très lipophiles, les PCB se fixent majoritairement dans les organes et tissus adipeux.

Au bout de la chaîne alimentaire, l’homme est donc bien évidemment exposé. Et l’alimentation constitue même, selon l’INERIS, la principale source de contamination pour la population générale 97 %, l’air représentant 3 % des apports en PCB. Au surplus, les denrées d’origine animale représentent 80 % de la contamination alimentaire.

L’exposition alimentaire est toutefois susceptible de varier en fonction notamment de la masse corporelle, de l’âge et bien évidemment des habitudes de consommation. Les aliments les plus à risque sont, en proportion de leur part dans l’alimentation, en tout premier lieu, les poissons de mer comme d’eau douce et les fruits de mer, puis la viande et les produits laitiers et, enfin, les végétaux et les œufs.

Source : AFSSA, décembre 2007.

Concernant le nourrisson ou le petit enfant allaité, l’absorption des PCB s’effectue par le lait maternel. Caractérisé par sa forte teneur en lipides, ce dernier peut accumuler de grandes quantités de PCB. La contamination de l’embryon in utero a également été observée. Selon une étude publiée en 2000, par l’Agence américaine des substances toxiques et du registre des maladies (4), citée par l’INERIS, on observe une diminution des concentrations de ces substances dans le sérum et le lait maternel depuis la fin des années 1970. Du fait de leur longue durée de vie et de leur bioaccumulation, ces substances sont lentement éliminées, dans les selles ou par le lait maternel.

L’exposition alimentaire de la population française aux dioxines et furanes et PCB de type dioxine a fait l’objet d’une estimation par l’AFSSA, qui a étudié la présence de six PCB « indicateurs », (PCBi) dans les produits alimentaires. Il s’agit des six congénères (5) les plus fréquemment retrouvés dans les matrices alimentaires, la somme de ces PCBi représentant environ 50 % de l’ensemble des congénères présents dans les aliments. Ces six PCBi sont donc généralement utilisés comme référence sur le plan sanitaire car ils constituent, selon l’AFSSA, de bons indicateurs de suivi de la contamination des aliments par l’ensemble des PCB. La notion de PCBi n’est cependant pas toujours aisée à appréhender : en effet six ou sept congénères sont regroupés sous cette appellation selon les études considérées. Votre rapporteur estime souhaitable que la communauté scientifique s’engage sur la voie d’une définition unique.

Les résultats caractérisent trois groupes de population : hommes, femmes en âge de procréer, enfants. Concernant la population adulte masculine, l’exposition moyenne aux 6 PCBi est estimée à 7,7 nanogrammes par kilogramme de poids corporel et par jour (/kg p.c./jour). Elle est légèrement supérieure à celle des femmes en âge de procréer, évaluée à 7,6 nanogrammes par kilogramme de poids corporel et par jour (/kg p.c./jour). Quant aux enfants, elle est estimée à 12,9 nanogrammes par kilogramme de poids corporel et par jour. L’exposition plus forte des enfants est à relier à leur niveau de consommation alimentaire plus important proportionnellement à leur poids.

Ces valeurs doivent être rapprochées de la dose journalière tolérable pour l’homme. L’AFSSA retient pour ce groupe de six PCBi une dose journalière tolérable de 10 nanogrammes par kilogramme de poids corporel et par jour (/kg p.c./jour), qui correspond à la dose journalière tolérable établie en 2002, par l’OMS, à 20 nanogrammes par kilogramme de poids corporel pour l’ensemble des 209 congénères de PCB.

Il résulte de ces estimations que la dose journalière tolérable est dépassée pour une partie de la population française, en particulier les enfants âgés entre trois et quatorze ans. Votre rapporteur préconise à cet égard une information générale de la population assortie de recommandations de consommation à destination des catégories les plus exposées.

EXPOSITION DE LA POPULATION FRANÇAISE AUX 6 PCB indicateurs

(PCB 28, 52, 101, 138, 153 et 180)


ADULTES GLOBALEMENT CONSIDÉRÉS

ENFANTS


FEMMES ENTRE 19 ET 44 ANS



En comparant avec des études menées dans d’autres pays, l’AFSSA constate que les ordres de grandeur sont proches d’un pays à l’autre et que, à l’instar de la France, une part importante de la population européenne est exposée à des doses supérieures aux valeurs toxicologiques de référence de l’OMS. C’est en particulier le cas aux Pays-Bas, en Espagne, ainsi qu’au Japon. Force est de constater que, dans ces pays comme du reste en France, la consommation de poissons et de produits de la mer est relativement élevée.

c) Une toxicité confirmée pour l’homme

Si dès 1937, les fabricants de PCB aux États-Unis et en particulier l’entreprise Monsanto, ont eu des preuves scientifiques de l’effet toxique des PCB sur les personnels exposés de manière directe et aiguë, lesquels développaient une « chloracné » et des troubles hépatiques, la prise de conscience publique de la toxicité et de l’omniprésence de ces molécules n’est intervenue que trente ans plus tard, à la fin des années 1960.

Ainsi, en 1966, furent découverts, en Suède, des PCB dans le tissu de poissons et d’oiseaux piscivores, puis la contamination de l’ensemble de la chaîne alimentaire.

En 1968, au Japon, lors d’une pollution accidentelle résultant d’une fuite dans un système de réfrigération, 1 800 personnes de la région de Yusho ayant consommé de l’huile de riz contaminée par les PCB furent atteintes d’une maladie caractérisée par des éruptions cutanées graves, une décoloration des lèvres et des ongles et un gonflement des articulations. Après avoir identifié les PCB comme substance génératrice de cette maladie, des chercheurs entreprirent d’effectuer un suivi médical des victimes. Les résultats montrèrent que les enfants nés de mères contaminées pendant leur grossesse présentaient un taux de mortalité précoce, puisque 25 % d’entre eux décédaient avant l’âge de quatre ans, ou un taux d’affection neurologique élevé. De plus, les PCB étaient toujours détectables dans le sang des personnes contaminées vingt-six ans après l’accident. Un autre accident survenu à Yu-Cheng, à Taiwan, en 1979, à l’origine de la contamination, dans des circonstances comparables à l’accident japonais, de près de deux mille personnes confirma le caractère hautement toxique des PCB, la mortalité par cirrhose du foie et par d’autres pathologies hépatiques étant significativement augmentée parmi les victimes de cet accident.

Outre l’observation des affections engendrées par des pollutions accidentelles, nombre d’études épidémiologiques ont été effectuées dans le cadre d’une exposition chronique, parmi des populations particulièrement exposées, comme les pêcheurs et les personnes habitant autour des Grands Lacs aux États-Unis et au Canada, les populations Inuits (Canada), les pêcheurs de la mer Baltique (Suède) ou de la mer du Nord (Danemark).

La toxicité résultant d’une exposition chronique élevée, à moyen et long terme, est sans doute plus néfaste que la toxicité aiguë relative à une exposition accidentelle de courte durée. En effet, outre les affections précédemment observées dans les cas de pollutions accidentelles, à savoir dermatologiques, hépatiques, neurologiques, l’exposition chronique à forte dose peut engendrer, des infections respiratoires, des symptômes gastro-intestinaux, des effets endocriniens, oculaires et immunologiques. L’altération du développement neurologique et comportemental (et notamment le déficit de développement psychomoteur et d’apprentissage du langage) d’enfants nés de mères exposées à une importante consommation de poissons contaminés mérite en particulier d’être soulignée.

Concernant les effets cancérigènes, en revanche, la communauté scientifique internationale ne s’accorde pas sur la classification des PCB. Si l’Union européenne n’a pas reconnu, en 2004, les PCB parmi les substances classées cancérigènes, tant le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), qui fait partie de l’Organisation mondiale de la santé, que l’Agence de protection de l’environnement américaine (Environment Protection Agency, EPA) les ont classés comme possiblement cancérigènes pour l’homme, respectivement en 1987 et 1997.

Les études réalisées expérimentalement sur des animaux tels que les rats et les singes confirment, dans l’ensemble, les observations effectuées sur l’homme, avec en outre, certains effets endocriniens susceptibles d’agir sur la reproduction.

Les PCB ont été classés en deux catégories en fonction de leurs propriétés toxicologiques :

• les PCB de type dioxine (PCB-DL, dioxine like) (6) ont une toxicité comparable à celle des dioxines et ont été rattachés, par le truchement d’un facteur d’équivalence toxique, à la réglementation existante sur les dioxines. Ces PCB-DL sont partiellement métabolisables et en général bien représentés dans les aliments mais à des teneurs bien inférieures à celles des PCB de la deuxième catégorie ;

• les PCB-NDL (non dioxine like) ne présentant pas de toxicité similaire aux dioxines – ce qui n’exclut pas une toxicité spécifique, ne font pour l’instant l’objet d’aucune réglementation sur le plan sanitaire. Une telle réglementation est cependant en cours d’élaboration au niveau communautaire. Très chlorés, très peu métabolisables et lourds, les PCB-NDL s’accumulent davantage dans l’organisme que les PCB peu chlorés mais sont réputés moins toxiques. En conséquence, on les retrouve dans les aliments à des teneurs supérieures à ceux de la première catégorie.

Dans le contexte d’une exposition générale de la population humaine, n’y aurait-il pas moyen de définir un seuil d’exposition neutre pour la santé humaine ? Les scientifiques ont cherché à répondre à une telle question en déterminant une valeur d’exposition qui serait sans conséquence pour la santé humaine. Dans un premier temps, en l’absence de valeur toxicologique de référence officielle de l’Organisation mondiale de la santé, plusieurs pays ont adopté des doses journalières tolérables (DJT) pour fixer des teneurs limites en PCB dans certains aliments, notamment les poissons. Ainsi, en France, la première DJT de 5 microgrammes par kg de poids corporel avait été proposée par le Conseil supérieur de l’hygiène publique de France (CSHPF) en 1991 en se basant sur un mélange commercial, le Phénoclor-DP6 et des effets toxiques observés sur le rat. La même année, le Canada proposait sa propre DJT de 1 microgramme par kg de poids corporel sur des bases scientifiques similaires et en 1992, le Japon adoptait la même DJT que le CSHPF.

Par la suite, une dose de référence journalière de 20 nanogrammes par kg de poids corporel a été proposée pour le mélange commercial Aroclor 1 254 en 1996 par l’EPA et pour l’ensemble des 209 congénères de PCB en 2000 par l’Agence américaine des substances toxiques et du registre des maladies (ATSDR), sur la base des effets immunologiques observés chez le singe.

Des données humaines confortent cette dose de référence. À la suite des deux accidents de contamination survenus au Japon et à Taïwan, a été étudiée la relation entre la concentration de PCB dans le lait de la mère et le développement neurologique de l’enfant. Une dose sans effet de 0,093 microgramme par kg de poids corporel par jour a été identifiée. Après application d’un facteur de sécurité de 6 pour tenir compte de l’incertitude, la dose de référence journalière correspondante serait de 20 nanogrammes par kg de poids corporel.

Compte tenu de la convergence de différentes études toxicologiques vers une même valeur de référence, l’OMS a proposé, en mai 2002, une dose de référence de 20 nanogrammes par kg de poids corporel par jour pour l’ensemble des 209 congénères. Exprimée sous la forme d’une dose journalière tolérable, cette dose de référence a été retenue par la Commission européenne en 2001 et par l’AFSSA en 2003.

B.— L’ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION DEPUIS L’INTERDICTION DU PRODUIT

La prise de conscience de la toxicité des PCB a amené les pouvoirs publics français et les autorités communautaires à interdire la production de ces substances, à mettre un terme à leur utilisation et à réglementer leur élimination. Parallèlement, des mesures ont été prises pour protéger la santé humaine. Par ailleurs, les entreprises sources de pollution ont fait l’objet d’un encadrement spécifique.

1. La mise en extinction du produit

La réglementation tant nationale que communautaire prohibe la production et l’utilisation des PCB et organise l’élimination de ce produit dans des filières spécifiques. Sur le plan multilatéral, l’extinction du produit a également fait l’objet d’un encadrement juridique.

a) La réglementation nationale et communautaire

Si, depuis plus de vingt ans, les PCB ne sont plus ni produits ni utilisés dans la fabrication d’appareils en France, la réglementation adoptée est d’application progressive pour tenir compte de la durée de vie du produit et de l’abondance des matériels en contenant. En France, l’arrêté du 8 juillet 1975 a limité, dans un premier temps, l’utilisation des PCB à certains systèmes clos (transformateurs, condensateurs) permettant la récupération du produit.

Puis une directive communautaire de 1976 (7) a constitué la première initiative destinée à rapprocher les législations des États membres en la matière, en interdisant l'utilisation des PCB dans des applications ouvertes telles que les encres d'imprimerie, les adhésifs, les additifs et certaines huiles industrielles. Cette directive a été transposée en France, en 1977 (8). À la suite d’une nouvelle directive (9), l’interdiction est généralisée en France par le décret du 2 février 1987 (10) et porte sur la mise sur le marché et l'utilisation des PCB, des substances qui leur sont assimilées ainsi que des appareils en contenant. Toutefois, l’emploi des appareils en service avant la date de publication de ce décret reste autorisé jusqu’à leur élimination ou la fin de leur durée de vie.

Depuis lors, une directive du 16 septembre 1996 (11) a fait obligation aux États membres d’établir un plan de décontamination et d’élimination des appareils contenant des PCB en vue de l’élimination, au plus tard le 31 décembre 2010, de ceux d’entre eux atteignant des concentrations en PCB supérieures à 500 parties par million (Ppm) (12). Alors que l’échéance fixée pour la transposition de la directive était le 16 mars 1998, cette transposition n’est intervenue en France qu’en 2001. C’est, en effet, le décret n° 2001-63 du 18 janvier 2001 qui a prévu l’élaboration d’un plan national d’élimination progressive des appareils, à partir d’un inventaire constitué par l’ADEME sur la base des déclarations des détenteurs des appareils concernés.

En l’état actuel du droit, le régime juridique des PCB et substances assimilées (13) est organisé par les articles R. 543-17 à R. 543-41 du code de l’environnement. Outre l’interdiction de leur production, le décret de 1987 a prévu l’obligation de traitement des déchets contenant des PCB dans des installations agréées. Fixée par l’article R. 543-20 du code de l’environnement, l’interdiction d’utilisation des PCB ou des appareils en contenant souffre cependant des exceptions en nombre limité, motivées notamment par les besoins de la recherche scientifique.

De plus, en cas de vente d’un immeuble dans lequel se trouve un appareil réputé contenir plus de 5 dm³ de PCB et quel qu’en soit l’usage, le vendeur est tenu d’en informer l’acheteur. Votre rapporteur estime nécessaire de compléter la réglementation en vue d’informer l’acquéreur des démarches à accomplir pour l’élimination d’un tel équipement. Par ailleurs, tout appareil contenant des PCB se trouvant dans un immeuble destiné à la démolition doit être préalablement éliminé par une entreprise agréée.

Le plan national de décontamination et d’élimination des appareils contenant des PCB a été approuvé par un arrêté du 26 février 2003, après que la France eut été sanctionnée par la Cour de Justice européenne pour manquements à ses obligations, le 6 juin 2002 (14). Il fait obligation aux détenteurs d’appareils contenant un volume supérieur à 5 dm³ de PCB ou susceptible d’être contaminés à plus de 50 parties par million (Ppm) de les déclarer auprès de la préfecture. Selon l’inventaire réalisé par l’ADEME, en juin 2002, la France comptait 545 610 appareils concernés, principalement des transformateurs (15) (508 076), ce qui représentait une quantité de 33 462 tonnes de produit. Leur répartition régionale était la suivante :

Répartition régionale du nombre d’appareils contenant des PCB

Répartition régionale du nombre de détenteurs d’appareils

Source : Ministère de l’écologie, ADEME.

La région Rhône-Alpes figure en deuxième position derrière la région Aquitaine pour ce qui est du nombre d’appareils déclarés (52 294), mais en première position en ce qui concerne le nombre de détenteurs (937). Le recensement a été effectué sur une base départementale par voie de déclaration en préfecture, à l’exception des appareils détenus par le ministère de la défense, lequel a effectué son propre inventaire. Le dispositif d’élimination fait obligation aux détenteurs d’appareils de les faire traiter de telle sorte qu’aucun appareil ni liquide contaminé ne subsiste après le 31 décembre 2010. Il ne s’applique cependant pas à tous les appareils : en sont, en effet, exclus les appareils contenant entre 50 Ppm et 500 Ppm en masse de PCB qui, après avoir été déclarés et étiquetés, peuvent demeurer en service jusqu’au terme de leur durée de vie. Certains États membres de l’Union européenne, et notamment l’Espagne sont allés au-delà des exigences de la directive en la matière en exonérant de l’obligation de traitement les seuls appareils contenant au maximum 10 Ppm.

Les appareils répertoriés doivent faire l’objet d’un étiquetage indélébile, de même que les appareils ayant contenu des PCB, une fois décontaminés.

Le plan national, qui a donné lieu à la consultation du public, prévoit, en outre, certains plans particuliers –au nombre de 117 (16)- permettant de tenir compte des spécificités propres à certaines entreprises, et notamment EDF (devenue depuis ERDF) et la SNCF pour permettre de concilier la quantité élevée d’appareils à traiter avec l’impératif de la continuité du service. Des plans particuliers ont également bénéficié au ministère de la défense, à France Télécom, PSA, Renault, Usinor (groupe ARCELOR). Les critères de l’âge des appareils et du niveau de leur maintenance ont été retenus pour établir l’échéancier général d’élimination ou de décontamination qui s’étend de juin 2004 à fin décembre 2010, sous réserve de certains aménagements.

Ce plan définit également les moyens de contrôle du respect du calendrier, le régime de sanctions en cas d’infraction. À cet égard, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe (17) le fait de ne pas procéder à la décontamination ou élimination d’un appareil d’un volume supérieur à 5 dm³ de PCB, en méconnaissance du plan national. Cette amende est susceptible d’être multipliée par le nombre d’appareils en infraction.

Le plan national prévoit, par ailleurs, les mesures de collecte et d’élimination des autres appareils contenant des PCB, non inventoriés, arrivant en fin de vie, notamment ceux des ménages. Les activités de décontamination et de traitement des PCB, de déchets renfermant des PCB, d’appareils ou de sols en contenant font également l’objet d’une réglementation spécifique. C’est ainsi qu’en application de l’article L. 541-22 du code de l’environnement et du décret de 1987, tout exploitant d’une telle installation doit avoir reçu un agrément délivré par le préfet du département où se situe le siège de l’entreprise et se conformer à un cahier des charges décrivant précisément l’activité exercée et les obligations lui incombant. Les infractions au régime de l’agrément relèvent d’un régime de sanctions pénales prévu par l’article L. 541-46 du code de l’environnement.

Le plan national présente les activités de dix sociétés agréées pour l’élimination et/ou la décontamination. Parmi les sociétés agréées, on peut citer Trédi, Arkema (ex ATOFINA), spécialisées toutes deux dans l’incinération de déchets de PCB, ainsi que Aprochim, Areva, Climatelec, Daffos & Baudassé, Transfo services, Sea marconi France Sarl, Transfo Est. La capacité d’ensemble de décontamination de ces sociétés était, lors de l’élaboration du plan, de 48 000 tonnes par an.

Le régime spécifique de l’agrément se conjugue avec la réglementation des installations classées au titre de la protection de l’environnement, en application de la loi du 19 juillet 1976, dont relèvent bien évidemment les installations d’élimination des PCB. Cette réglementation soumet au régime de l’autorisation préfectorale les opérations de récupération et de décontamination, dès lors que la quantité de produits traités est supérieure à 50 litres. Des prescriptions d’exploitation visent, en outre, à prévenir les accidents et les pollutions lors de l’utilisation de composants, d’appareils et matériels imprégnés ou d’appareils de stockage. 

Les détenteurs d’appareils contenant des PCB ont toutefois la possibilité de les faire traiter dans un autre État membre de l’Union européenne sous réserve que l’installation de traitement soit également agréée ou autorisée. Le transport de ces substances est réglementé par l’arrêté du 1er juin 2001 dit ADR relatif au transport routier, ferroviaire et maritime, intérieur et international des marchandises dangereuses. Le transport de déchets contenant des PCB doit être effectué par un transporteur respectant cette réglementation. Le décret n° 98-679 du 30 juillet 1998 exige que les entreprises assurant le transport de déchets de PCB soient déclarées en préfecture.

b) L’encadrement juridique international

Compte tenu des caractéristiques des PCB – et notamment leur dispersion dans l’ensemble de la planète et leur longue durée de vie -, la gestion des risques liés à l’utilisation de ces produits appelait une réponse globale au niveau mondial. À l’initiative du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), un encadrement juridique international a été élaboré.

C’est ainsi qu’a été signée, le 23 mai 2001, par 90 États, ainsi que l’Union européenne, la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP). À la suite de l’adoption par le Parlement de la loi n° 2003-986 du 16 octobre 2003 autorisant l’approbation de cette convention, la France en est devenue partie le 17 février 2004. Cette convention a ensuite été intégrée dans la réglementation communautaire par la voie du règlement européen (CE) N° 850/2004 du 29 avril 2004 modifié en 2006 par le règlement (CE) N° 1195/2006 du Conseil du 18 juillet 2006.

Ainsi que l’expliquait M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale (18)du projet de loi autorisant son approbation, cette convention « vise à réglementer la production et l’utilisation des polluants organiques persistants. » Elle « se fonde sur l’approche de précaution énoncée par la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992. Elle vise à protéger la santé humaine et l’environnement des dommages causés par les polluants organiques persistants qui ont pour caractéristique de résister à la dégradation parfois plus de six mois et de s’accumuler dans les organismes vivants. Leur propagation s’opère par l’air, l’eau ou par les espèces migratrices. Ces produits touchent particulièrement les femmes et les enfants, en provoquant de graves maladies ou malformations. Pour cette raison, la convention classe les produits organiques persistants en fonction de leur dangerosité et prévoit des mécanismes différenciés tendant soit à leur élimination, soit à la réglementation de leur utilisation. »

La convention vise, d’une part, à interdire la production et l’utilisation de douze polluants organiques persistants (19) identifiés comme les plus nocifs, dont les PCB. L’utilisation des équipements contenant des PCB (transformateurs, condensateurs,…) demeure néanmoins autorisée jusqu’en 2025, sous réserve de leur étiquetage et de la mise en œuvre de leur retrait progressif. D’autre part, la convention tend à réduire et éliminer les rejets de ces POP et les émissions de sous-produits de POP et à sécuriser le mode de gestion des stocks ou des déchets contenant des POP. Elle prévoit, en outre, des mécanismes de coopération entre États, afin de diffuser les savoir-faire en matière d’élimination et de réduction des émissions de ces substances. Les pays en développement bénéficient de mécanismes spécifiques, comme du reste dans de nombreux domaines touchant à la protection de l’environnement. C’est ainsi que la convention encourage l’assistance technique, les transferts de connaissance et de technologie en même temps qu’elle institue un mécanisme de financement abondé par le fonds pour l’environnement mondial (FEM). Chaque État partie doit mettre en œuvre un plan national afin d’atteindre les exigences fixées par la convention. La direction de la prévention et des risques du ministère chargé de l’écologie, qui assure conjointement avec le ministère des affaires étrangères le suivi de cette convention, a élaboré le plan national concernant la France.

Les POP ont fait l’objet d’un autre accord international, le Protocole d’Aarhus, signé en juin 1998 dans le cadre de la Convention de Genève sur la pollution transfrontalière longue distance sous l’égide de la commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-NU). Ce protocole a pour objet de contrôler, de réduire ou d’éliminer les émissions de seize de ces substances. Parmi les substances visées par ce texte, figurent les douze polluants concernés par la Convention de Stockholm. Ratifié par la France le 25 juillet 2003, ce protocole est entré en vigueur le 23 octobre de la même année. De même que la Convention de Stockholm, il a été intégré au sein de la réglementation communautaire par le règlement européen (CE) N° 850/2004 du 29 avril 2004 précité.

Par ailleurs, la France et l’Union européenne sont également parties de deux autres conventions internationales en relation avec les substances chimiques, qui donnent un cadre international à la gestion des dangers chimiques et des déchets. Il s’agit des Conventions de Bâle et de Rotterdam :

– la Convention de Bâle concerne le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination. Adoptée à Bâle le 22 mars 1989, cette convention est entrée en vigueur le 5 mai 1992 et regroupe 166 États. Elle vise à réduire le volume des échanges de déchets dangereux en instaurant un système de contrôle des exportations et des importations ainsi que de leur élimination. Elle a été transposée dans le droit communautaire en 1993 par le règlement CEE N° 259/93 (20) ;

– la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international vise à encadrer de manière contraignante le commerce international de certains produits chimiques et pesticides dangereux. Adoptée à Rotterdam le 10 septembre 1998, cette convention est entrée en vigueur le 24 février 2004 et regroupe 100 États. La France a signé cette convention le 11 septembre 1998 et est devenue partie en 2004 à la suite de l’adoption par le Parlement de la loi n° 2003-987 du 16 octobre 2003 autorisant son approbation (21). L’objectif de cet accord environnemental multilatéral est d’encourager le partage des responsabilités et la coopération entre États. Cette convention est transposée depuis 2003 en droit communautaire par le règlement (CE) n° 304/2003 (22). Neuf des douze POP concernés par la Convention de Stockholm, dont les PCB, sont repris dans ce règlement.

Enfin, la France est partie à la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est, dite Convention OSPAR, signée à Paris le 22 septembre 1992. Entrée en vigueur le 25 mars 1998, cette convention a pour objectif de prévenir la pollution de la zone maritime en réduisant les rejets, émissions et pertes de substances dangereuses, dans le but de parvenir à des teneurs, dans l’environnement marin, qui soient proches des teneurs ambiantes dans le cas des substances présentes à l’état naturel et proches de zéro dans celui des substances de synthèse. La liste des substances concernées inclut celles de la convention de Stockholm, et donc les PCB.

2. La protection de la santé humaine

Compte tenu de la forte prévalence de la contamination par voie alimentaire, les autorités sanitaires ont souhaité limiter autant que possible l’exposition alimentaire des populations et interdire à la consommation les produits trop fortement contaminés. La question de la contamination des eaux potables a également été soulevée.

a) Le contrôle des denrées alimentaires

Dès 1988, alors qu’aucune réglementation n’était alors envisagée dans l’Union européenne, en France, un arrêté ministériel (23) pris après consultation du Conseil supérieur de l’hygiène publique de France disposait que les poissons ayant une concentration en PCB supérieure à 2 milligrammes/kg de poids frais étaient impropres à la consommation. Ce même taux avait été retenu par le Canada et les États-Unis en 1982.

Ce n’est qu’à la suite de la crise improprement appelée « crise de la dioxine », survenue en Belgique en 1999, mais qui résultait en réalité de la découverte de pyralène dans la nourriture de poulets d’élevage, que l’Union européenne a souhaité, à son tour, limiter l’exposition directe et indirecte des consommateurs. Les procédures en vigueur de surveillance des denrées alimentaires mises sur le marché n’avaient jusqu’alors pas expressément inclus les dioxines et les PCB dans la réglementation relative aux contaminants dans les denrées alimentaires (24).

Force a été de constater, à la suite de l’évaluation de l’exposition alimentaire de la population européenne réalisée, en 2000, à partir des données recueillies dans les États membres par le comité scientifique de l’alimentation humaine et celui de l’alimentation animale, que le niveau d’exposition d’une partie importante de cette population pouvait être supérieur à la dose journalière tolérable de PCB dans les denrées alimentaires.

Ne pouvant, par conséquent, faire abstraction de l’omniprésence et de la rémanence des PCB, les autorités sanitaires européennes ont pris en compte, lors de la définition des teneurs maximales en PCB-DL dans divers aliments, de ce principe de réalité et élaboré une réglementation qui est fonction d’un « bruit de fond », c’est-à-dire l’exposition minimale moyenne des populations. La Commission européenne s’est ainsi efforcée de concilier les niveaux de contamination communiqués par les États membres et la sécurité sanitaire. Dès lors, les valeurs retenues sont inspirées par le principe dit « ALARA » (as low as reasonably achievable), à savoir aussi bas que cela est raisonnablement possible, du fait précisément des caractéristiques du produit et de la contamination. Ainsi que le souligne l’AFSSA dans un avis du 23 octobre 2007, le principe ALARA « vise surtout à retirer du marché les produits présentant des niveaux très élevés de contamination. » La réglementation communautaire n’est peut-être pas suffisamment inspirée par le principe de précaution sanitaire. Doit-on s’en satisfaire ?

Le traitement réservé à l’anguille est une certaine illustration de la notion de bruit de fond : s’agissant, en effet, d’une espèce plus contaminée que les autres, elle serait déclarée impropre à la consommation si le seuil général lui était appliqué. Un seuil dérogatoire, moins restrictif, a donc été fixé pour permettre son maintien sur le marché et satisfaire ainsi les pays fortement consommateurs de l’Europe du Nord.

Les seuils actuellement applicables ont été établis en 2006 par le règlement (CE) n° 1881/2006 (25) qui a inclus les PCB-DL et fixé des teneurs maximales correspondant à la somme des PCDD/F et PCB-DL exprimée en TEQ (quantité d’équivalence toxique définie par l’OMS).

Parallèlement à l’élaboration d’une réglementation fixant la teneur maximale en PCB-DL des aliments, la Commission (26) a défini, en 2002, une stratégie globale pour réduire la présence de dioxines et PCB-DL dans l’ensemble de la chaîne alimentaire, en prévoyant notamment des mécanismes d’alerte et en fixant des « niveaux d’intervention ». Ces derniers correspondent à des valeurs inférieures aux teneurs maximales admissibles mais supérieures au bruit de fond de la contamination des aliments. La détection de tels seuils d’alerte déclenche des investigations complémentaires sur les produits concernés. Depuis 2002, pour ce qui concerne notamment les poissons sauvages de mer, les céphalopodes et les crustacés, ainsi que quelques poissons d’eau douce, la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et de la pêche met donc en œuvre, en France, un plan de surveillance annuel des produits lors de leur mise sur le marché dans les criées. Dans l’hypothèse où ces produits se révèlent être contaminés au-delà du seuil d’alerte communautaire dénommé « niveau d’intervention », ils font l’objet d’un plan de contrôle orienté, c'est-à-dire beaucoup plus étendu sur les lieux de pêche et le nombre de sujets par espèce considérée.

SEUILS EN VIGUEUR DANS L’UNION EUROPÉENNE

TENEUR EN DIOXINES ET PCB DE TYPE DE DIOXINE DES POISSONS

Denrées alimentaires

« Seuil d’interdiction »

Teneur maximale en dioxines

(OMS-TEQ)

« Seuil d’interdiction »

Teneur maximale en dioxines + PCB-DL

(OMS-TEQ)

Chair musculaire de poissons, produits de la pêche et produits dérivés, à l’exception de l’anguille

4 pg TEQ /g de poids frais

8 pg TEQ /g de poids frais

Chair musculaire d’anguille (Anguilla anguilla) et produits dérivés

4 pg TEQ /g de poids frais

12 pg TEQ /g de poids frais

 

« Seuil d’alerte »

Niveau d’intervention en dioxines

(OMS-TEQ)

« Seuil d’alerte »

Niveau d’intervention en PCB de type dioxine (OMS-TEQ)

Chair musculaire de poissons, produits de la pêche et produits dérivés, à l’exception de l’anguille

3 pg TEQ /g de poids frais

3 pg TEQ /g de poids frais

Chair musculaire d’anguille (Anguilla anguilla) et produits dérivés

3 pg TEQ /g de poids frais

6 pg TEQ /g de poids frais

Source : Direction générale de l’alimentation, ministère de l’agriculture et de la pêche.

Selon les informations recueillies par le rapporteur auprès de la direction générale chargée de la santé et de la protection des consommateurs de la Commission européenne, les seuils actuels doivent être graduellement revus à la baisse parallèlement à l’élimination des PCB. Il convient toutefois de rappeler que l’impact des mesures prises pour limiter les émissions de dioxines, ainsi que cela a été fait avec l’obligation de mise en conformité des unités d’incinération des ordures ménagères, à la fin de l’année 2005, est d’effet immédiat. En revanche, les résultats de l’action des pouvoirs publics sont nécessairement différés pour des PCB, dont la présence dans l’environnement tient pour l’essentiel à la rémanence du produit.

Concernant les PCB-NDL, la fixation de teneurs maximales dans divers aliments, en cours d’élaboration au niveau communautaire, sera également inspirée par le principe ALARA. Un seuil d’intervention, fixé à 40 microgrammes/kilogramme de poisson frais, existe d’ores et déjà dans les plans de surveillance de la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture mais selon les informations communiquées au rapporteur, le seuil communautaire d’intervention devrait lui être supérieur : cela illustre l’ambiguïté de la démarche réglementaire au niveau communautaire, qui doit concilier la sécurité sanitaire stricto sensu et le maintien de la consommation de certains produits…

Plus de 90 % de l’exposition aux dioxines et PCB proviennent de l’alimentation, dont 80 % au titre des denrées d’origine animale. Aussi était-il nécessaire de réglementer également l’alimentation animale. En 2001, un règlement du Conseil (27) a fixé des teneurs maximales en dioxines et furanes (PCDD/F) pour la mise en circulation des denrées alimentaires  et prévu une révision de ce taux à la baisse au plus tard le 31 décembre 2006 pour tenir compte de l’abaissement des émissions de dioxines et inclure la fixation de teneurs maximales en PCB-DL (28). En 2003, une directive européenne, transposée en droit interne par l’arrêté du 17 mai 2004, a fixé des teneurs maximales en dioxines et furanes pour les aliments destinés aux animaux (29).

b) Quid de l’eau potable ?

En revanche, s’agissant de l’eau potable, l’AFSSA a estimé en 2005 (30), qu’en l’état actuel des connaissances, il ne lui apparaissait pas nécessaire de proposer une valeur maximale admissible de dioxines et de furanes dans les eaux destinées à la consommation humaines compte tenu des éléments suivants :

1. «  les dioxines et les furanes, en raison de leurs propriétés physico-chimiques :

– se retrouvent préférentiellement dans les sédiments et les matières en suspension des eaux de surface,

– se fixent, en cas d’infiltration, dans l’horizon superficiel du sol ;

2. les étapes de traitement des eaux d’origine superficielle que sont la coagulation, la floculation, la décantation et la filtration, lorsqu’elles existent, permettent une réduction des matières en suspension et donc des dioxines ;

3. le traitement des eaux souterraines par décarbonatation, lorsqu’il existe, permet une réduction des matières en suspension et donc des dioxines ;

4. les données de concentration en dioxines et en furanes dans les eaux destinées à la consommation humaine ont été publiées(31) ;

5. la consommation alimentaire représente la voie d’exposition prépondérante aux dioxines et aux furanes (90 % des apports) et l’inhalation d’air et de particules aériennes, l’ingestion de sol contaminé et l’absorption cutanée sont les autres voies d’exposition identifiées ;

6. les instances internationales, dont l’organisation mondiale de la santé (OMS), ne proposent pas de valeur guide pour les dioxines et furanes dans les eaux de boisson. 

Les autorités sanitaires en ont conclu que l’eau d’alimentation ne peut constituer qu’une voie très marginale d’exposition aux PCB. En conséquence, depuis la directive européenne n° 98/83 du 3 novembre 1998 transposée en droit interne par le décret du 20 décembre 2001, il n’y a plus de norme relative à la teneur en PCB dans les eaux potables.

3. Les obligations des entreprises polluantes

Les activités des entreprises spécialisées dans le traitement et l’incinération des déchets et dans la décontamination des appareils contenant des PCB relèvent, d’un point de vue juridique de la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en application de la loi du 19 juillet 1976. Dans ce cadre, il existe une obligation de remise en état des sites pollués, introduite par le décret du 21 septembre 1977 ((32), qui participe de la responsabilisation des entreprises.

Conformément à l’article L. 512-17 du code de l’environnement, cette réglementation fait obligation à l’exploitant de procéder, lors de la cessation définitive de l’activité, à une étude du degré de pollution du site concerné suivie d’une remise en état en vue de permettre un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l’établissement public intercommunal compétent en matière d’urbanisme.

Il en résulte que l’exigence de réhabilitation n’est ni générale ni absolue : elle est fonction de la nouvelle activité envisagée et des risques engendrés pour la santé humaine et l’environnement. Le préfet, autorité administrative compétente, peut toutefois imposer des prescriptions de réhabilitation plus contraignantes que celles prévues par l’exploitant. En l’absence de diligence de l’exploitant, il peut également ordonner, après mise en demeure, des sanctions comprenant des mesures d’exécution d’office aux frais de ce dernier. Ces dispositions sont toutefois d’application malaisée pour les pollutions anciennes. Plus délicate encore est la situation des sites orphelins dont l’ADEME peut financer la dépollution dans l’hypothèse où celle-ci constitue une menace immédiate pour l’environnement et pour les personnes.

A l’avenir, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles (33) pourrait, renforcer, dans la lignée du principe pollueur-payeur, la contrainte pesant sur l’exploitant en l’obligeant à restituer un site pollué dans son état initial.

Au titre de leur pouvoir de police générale, les maires des communes concernées sont, au surplus, confrontés à des problèmes de dépollution et de remise en état de sites pollués dès lors que ces sites ne relèvent pas de la réglementation ICPE : ils sont alors directement compétents. La loi du 30 juillet 2003 (34) a, en outre, renforcé leurs prérogatives en la matière au titre de la police des déchets dont relèvent également les sites contaminés.

Au-delà de la responsabilisation de l’exploitant prévue par le dispositif de la réglementation ICPE, on peut se demander, au vu des caractéristiques de la contamination par les PCB, s’il n’y a pas lieu d’envisager un nouveau type de responsabilité environnementale. En effet, outre les principes de droit commun de responsabilité civile et pénale, se dégagent désormais de nouvelles règles spécifiques de responsabilité environnementale tant au niveau national et communautaire que d’un point de vue législatif et jurisprudentiel.

Ainsi que le rappelle le rapporteur du Sénat dans le rapport (35) sur le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, le juge judiciaire a ouvert la voie à la reconnaissance du préjudice moral pour atteinte à l’environnement : ainsi en 2006, la Cour d’appel de Bordeaux a indemnisé plusieurs associations au titre du « préjudice subi par la flore et les invertébrés du milieu aquatique ». Le TGI de Narbonne a quant à lui, en octobre 2007, indemnisé les préjudices causés à un parc naturel régional consécutif à l’écoulement de produits chimiques dans les eaux maritimes et a évalué le préjudice poste par poste, en distinguant le préjudice « matériel », « moral »  et « environnemental subi par le patrimoine naturel » du parc naturel.

Dans ce contexte, le jugement rendu le 16 janvier dernier par le TGI de Paris(36) à propos de l’Erika n’est pas à proprement parler une première. En revanche, le montant de l’indemnisation des dommages causés à l’environnement est inédit. Pour la première fois, en effet, un tribunal a alloué à une association de protection de l’environnement, en l’occurrence la Ligue de protection des oiseaux, une réparation pour les oiseaux morts équivalente au coût nécessaire pour permettre la nidification et l’élevage des oiseaux de remplacement.

Pour sa part, la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux ouvre la voie, en application du principe pollueur-payeur, à un nouveau régime de réparation des dommages causés à l’environnement, et notamment ceux d’entre eux qui affectent gravement les sols, eaux et espèces et milieux naturels protégés.

Déposé au Sénat le 5 avril 2007, le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, qui assure la transposition de cette directive, a été adopté par cette assemblée le 28 mai 2008. Adopté par l’Assemblée nationale le 25 juin 2008, il devrait faire l’objet d’une adoption définitive avant la fin de la session 2007-2008.

Cette directive crée, d’une part, un régime de responsabilité sans faute pour les exploitants d’activités considérées comme les plus dangereuses. Sont notamment visées les installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation, les opérations de gestion des déchets, la pollution de l’eau, les activités de fabrication, utilisation, stockage, traitement, conditionnement, rejet dans l’environnement et transport de substances et préparations dangereuses, les activités de transport de marchandises dangereuses ou polluantes, le transfert transfrontalier de déchets...

Elle institue, d’autre part, un régime de responsabilité pour faute ou négligence pour les autres activités, au titre des dommages causés aux espèces et habitats protégés en application de Natura 2000.

L’exploitant d’une activité concernée doit, aux termes de la directive, conformément aux prescriptions arrêtées par les pouvoirs publics, prendre des mesures de prévention en cas de menace de dommage et doit mettre en œuvre, le cas échéant, des mesures de réparation appropriées dont il assure, en principe, le financement, en application du principe pollueur-payeur contenu dans le code de l’environnement (37). Si la directive ne prévoit pas, pour l’instant, d’obligation d’assurance à la charge de l’exploitant tendant à couvrir sa responsabilité, la Commission européenne présentera, avant le 30 avril 2010, un rapport d’application de la directive et soumettra, le cas échéant, des propositions relatives à un système harmonisé de garanties financières obligatoires.

Le double régime de responsabilité ainsi instauré ne saurait être engagé à titre rétroactif : sont, à cet égard, exclus les dommages causés par un événement survenu avant le 30 avril 2007 (38) ainsi que les dommages résultant d’une activité ayant définitivement cessé avant cette même date. Ainsi que le souligne M. Alain Gest, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale(39), cette seconde exclusion « vise à limiter un contentieux rétroactif qui a peu de chances de prospérer compte tenu, notamment, de la difficulté à retrouver l’exploitant. »

La directive instituant par ailleurs une prescription trentenaire, la portée de son application est en conséquence limitée au regard de la contamination par les PCB.

Néanmoins un levier important prévu par la directive tient à la possibilité, pour les victimes ou les organisations de défense de l’environnement, d’alerter l’autorité administrative compétente au moyen d’une « demande d’action ». Or dans le domaine de l’environnement, les associations jouent un rôle essentiel, parfois en appui des populations directement concernées. Tel a été notamment le cas pour la pollution du Rhône par les PCB, la première plainte, déposée par la Fédération Rhône-Alpes des associations de protection de la nature (FRAPNA) remontant à 1985, près de vingt ans avant la crise actuelle.

La contamination des poissons de ce fleuve est en effet ancienne, elle est même à quelques exceptions près historique ; le Rhône ayant en réalité le triste privilège d’être le précurseur d’une pollution nationale, généralisée à nombre de cours d’eau, à l’image de l’histoire industrielle de la France et, au-delà, de la plupart des pays développés. Telle est aussi la raison pour laquelle la gestion de cette délicate crise par les pouvoirs publics doit être exemplaire et donner lieu à toute la transparence nécessaire.

II.— LA POLLUTION DU RHÔNE

A.— LE RHÔNE VICTIME D’UNE POLLUTION D’AMPLEUR NATIONALE

1. Une crise aux répercussions multiples

a) Un fleuve contaminé sur toute sa longueur

La découverte de PCB dans la chair de poissons pêchés dans l’étang du Grand Large, à l’initiative d’un pêcheur, en mars 2005, constitue le déclic d’un malaise qui s’étend progressivement à l’ensemble du bassin du Rhône.

Peu après cette découverte, la direction départementale des services vétérinaires du Rhône procède, dans le cadre des plans généraux de surveillance des denrées alimentaires mises sur le marché, à un prélèvement aléatoire donnant lieu à analyse de poissons d’eau douce. Celle-ci révèle une teneur anormalement élevée de PCB dans la chair d’une brème provenant du canal de Jonage. Après qu’une seconde série d’analyses a confirmé la contamination des poissons en provenance du plan d’eau du Grand Large puis en amont et en aval sur le Rhône, les services vétérinaires alertent le Préfet du Rhône.

Près des deux tiers, soit 23 sur 39, des poissons analysés présentent, en effet, une teneur en dioxines plus PCB-DL supérieure au seuil réglementaire.

En réponse à cette alerte sanitaire, le préfet du Rhône interdit, le 14 septembre 2005, la consommation des poissons pêchés dans les deux zones contaminées : le Canal de Jonage et le plan d’eau du Grand Large. Cette décision administrative, prise conformément à une recommandation de l’AFSSA et inspirée par le principe de précaution, ne constitue que le premier d’une série d’arrêtés pris par les préfets des autres départements riverains du Rhône, au fur et à mesure que de nouvelles analyses effectuées sur la faune piscicole révèlent sa contamination par les polychlorobiphényles.

En effet, au cours de l’année 2006, la poursuite des investigations en vue de délimiter la zone contaminée révèle des teneurs en PCB supérieures à la nouvelle valeur limite communautaire de 8 picogrammes par gramme de poisson frais, entrée en vigueur à compter de février 2006. Une contamination diffuse sur l’ensemble des sites et espèces prélevés est constatée, avec toutefois un pic immédiatement à l’aval du rejet d’une entreprise de traitement de déchets de PCB, localisée à Saint-Vulbas dans l’Ain. Ces résultats entraînent l’extension de la zone d’interdiction de la consommation.

En février 2007, le préfet de la région Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du bassin Rhône Méditerranée, fait procéder à des analyses sur diverses espèces de poisson jusqu’à l’embouchure du Rhône : il en résulte une nouvelle extension de la zone d’interdiction de la consommation au cours de l’été 2007 par voie d’arrêtés préfectoraux. Au total, sont alors concernés neuf départements (40) couvrant, à quelques exceptions près (41), l’ensemble du linéaire du Rhône depuis le barrage de Sault-Brénaz, dans l’Ain, jusqu’à l’embouchure du fleuve.

En réalité c’est vers le passé qu’il faut se tourner pour appréhender de manière globale cette pollution au long cours et l’on est alors à tout le moins soulagé de constater que la contamination contemporaine des poissons et des sédiments est d’un niveau bien moindre à celle des années 1980.

b) Une pollution historique pour l’essentiel

La chronique des années 2005-2007 nous ramène vingt ans en arrière, lorsqu’avait été décelée, pour la première fois, la pollution du Rhône par les PCB.

● L’entreprise Trédi : la révélation de cette pollution

Spécialisée dans le traitement et l’incinération de déchets dangereux et dans la décontamination des matériels électriques (transformateurs, condensateurs) contenant des PCB, l’entreprise Trédi a été habilitée à poursuivre son activité de traitement des déchets contenant des PCB à compter de 1985 (42), après deux ans d’expérimentation. Dès octobre 1986, des analyses effectuées, à l’initiative de la Fédération Rhône-Alpes des associations de protection de la nature (FRAPNA), sur des mollusques par l’école vétérinaire de Lyon révélaient la présence de PCB au niveau de cette usine. Le mois suivant, l’école vétérinaire de Lyon et l’université de Lyon 1 publiaient un rapport à la suite d’analyses effectuées sur trois espèces de poissons (hotu, gardon, ombre), d’où il ressortait que la chair des poissons était nettement plus contaminée dans le canal de Miribel, en aval de la zone industrielle de la plaine de l’Ain (ZIPA), qu’en amont, à Pont de Lucey. La contamination demeurait importante, plus loin, à l’entrée de Lyon.

Si la teneur moyenne en PCB totaux s’élevait à 5,36 milligrammes/kilogramme de poisson frais – la teneur maximum sera fixée à 2 milligrammes/kg en 1988 et à 8 picogrammes/gramme en 2006, elle pouvait atteindre des pics sept fois plus élevés. L’un de ces pics était précisément constaté, en aval de Saint-Vulbas, lieu d’implantation de l’usine Trédi. Informée des résultats, l’association des pêcheurs professionnels cessait aussitôt de pêcher et de commercialiser les poissons provenant du canal de Miribel, situé en aval de cette entreprise …

Localisation de l’entreprise TrÉdi

Depuis 1995, l’établissement Trédi a traité 32 500 tonnes de fluides diélectriques, 14 750 tonnes d’huiles et 26 650 tonnes d’autres déchets également souillés par les PCB. Ces déchets proviennent principalement de France, une faible part d’entre eux étant néanmoins issue de pays étrangers (Espagne, Italie, Grèce, Algérie, Mexique). Pour mener à bien son activité d’incinération, l’usine dispose de deux équipements : un four rotatif pour l’incinération des déchets solides, pâteux, liquides et des huiles et un four statique pour l’incinération de déchets liquides PCB et halogénés. L’activité de décontamination des transformateurs, condensateurs et matériels électriques est réalisée après vidange des matériels des PCB ou des huiles qu’ils contiennent, dans des autoclaves à l’aide d’un solvant, sous vide et en température. Les huiles ou liquides diélectriques ainsi collectés sont dirigés vers l’installation d’incinération.

Tout en se conformant à la réglementation applicable au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), cette entreprise a incontestablement apporté une contribution historique à la pollution du Rhône. Du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2006 (43), le volume de PCB déversé dans les eaux industrielles à destination du Rhône s’est en effet élevé à 44 kg, soit environ 9 grammes par jour en moyenne.

Avant 1987, il n’existait cependant aucune réglementation des rejets de PCB. La découverte de la contamination des poissons, fin 1986, a déclenché une série de mesures de la part des pouvoirs publics : études de l’Agence de bassin, de la DRASS, constitution d’un groupe de travail réunissant toutes les parties, administratives et industrielles, mise en place d’un suivi régulier de la teneur en PCB des bryophytes (mousses) et poissons, première interdiction par arrêté ministériel du 16 février 1988 de consommation des poissons contaminés. Et c’est dans ce contexte, qu’à compter de 1987, des arrêtés préfectoraux ont progressivement abaissé les valeurs limites de rejets de PCB par l’entreprise Trédi dans les effluents aqueux, exprimés en flux maximum journalier, de 1,5 kilogramme / jour à 500 grammes / jour en 1991, puis à 200 grammes / jour en 1995. Cette dernière valeur a été ramenée à 10 grammes / jour par l’arrêté préfectoral du 25 juillet 2007. Le flux quotidien moyen étant désormais inférieur à 0,5 gramme, une nouvelle valeur limite de rejet prenant acte de la tendance à se rapprocher du « rejet zéro » a été fixée à 5 grammes par jour le 3 avril 2008.

ÉVOLUTION DE LA QUANTITÉ DES REJETS DE PCB DANS LE RHÔNE
DE L’ÉTABLISSEMENT TRÉDI

Période

Niveau maximum de rejets autorisés (exprimés en grammes /jour)

Période

Niveau moyen de rejets constatés
(exprimés en grammes /jour)

1987-1991

1 500

1987-1989

100 à 300 avec des pointes à 1 500

1991-1995

500

1990-1996

10 à 40

1995-2007

200

1997-2006

2 à 8

juillet 2007-avril 2008

10

A compter d’avril 2007

< à 1

Depuis juillet 2007

< à 0,5

depuis le 3 avril 2008

5

   

Source : DRIRE Rhône-Alpes.

Sur vingt ans, l’évolution des rejets constatés montre, d’une part, que ces derniers demeurent largement inférieurs aux niveaux autorisés et, d’autre part, que la diminution a été constante. Avec le recul, force est de regretter que l’amélioration de certaines techniques de traitement, comme, par exemple, l’utilisation du charbon actif n’ait pu être mise en œuvre auparavant.

La surveillance de ces rejets est effectuée de manière complémentaire par :

– une auto surveillance journalière assurée par l’entreprise par voie d’analyse du taux de PCB dans les rejets ;

– des contrôles biannuels réalisés par un organisme tiers agréé ou choisi avec l’accord de l’inspection des installations classées ;

– des contrôles inopinés déclenchés par l’inspection des installations classées dans le cadre de campagnes régionales de contrôles.

Il convient de souligner que l’entreprise s’entoure de toutes les précautions nécessaires dans le processus de démantèlement et d’élimination des transformateurs : zones réservées à l’ouverture des transformateurs, extraction du pyralène par aspiration, décontamination des matériaux selon des procédés placés sous surveillance constante, contrôle permanent de la chaleur des fours d’incinération, filtrage des rejets atmosphériques des combustions, refroidissement rapide des mâchefers et des fumées pour éviter la formation de dioxine et de furanes, installation de bassins de décantation et de cuvettes de rétention, couverture des lieux de stockage, imperméabilisation des sols pour éviter une pollution due au ruissellement des eaux de pluie sur les zones de stockage.

La protection des personnels exposés, essentiellement au risque de pénétration cutanée, est assurée par des procédures d’hygiène industrielle proches, à l’heure actuelle, de celles mises en œuvre dans l’industrie nucléaire pour éviter les contaminations cutanées. Conformément aux dispositions du code du travail, les personnels actuellement exposés font l’objet d’un suivi médical spécifique de la part de l’inspection du travail et se verront même proposer une étude d’imprégnation sanguine au cours de l’année 2008.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès de la Cellule d’intervention régionale en épidémiologie (CIRE) de Rhône-Alpes, il est cependant probable qu’avant 1995 des procédures moins strictes aient donné lieu à une exposition plus importante. À cet égard, il formule le vœu que soit mis en œuvre par l’inspection médicale du travail un suivi à titre rétrospectif des salariés exposés au cours de leur carrière.

Par ailleurs, à compter de 1995, Trédi a eu pour obligation d’effectuer le contrôle de ses rejets dans le milieu naturel (analyse mensuelle des eaux du Rhône abandonnée par la suite, suivi triennal de la qualité du poisson en amont et en aval du point de rejet de l’entreprise). En 2007, une telle obligation a été étendue à l’analyse des sédiments.

En raison de la spécificité de son activité, l’entreprise Trédi, seule autorisée en Rhône-Alpes à rejeter des PCB, est apparue comme un symbole de cette pollution au moment où le Rhône était de nouveau le théâtre d’une crise importante. Malgré une contribution historique incontestable à la pollution du fleuve, elle ne peut cependant être tenue pour unique responsable.

● Une pollution d’ensemble

En effet, nombre d’autres sites industriels ont été identifiés ou sont suspectés au titre de leurs activités antérieures par la DRIRE comme sources historiques potentielles de rejets de PCB : environ 115 pour l’ensemble du bassin et 90 pour la région Rhône-Alpes. Il s’agit soit de sites répertoriés du fait de leur pollution des sols ou ayant procédé à des rejets dans l’eau ou ayant été le lieu d’accidents avec rejet de PCB, soit de sites suspectés de rejets en raison de leurs activités (fabrication ou réparation de gros matériels électriques, décontamination des huiles, fabrication de produits de synthèse mettant en œuvre des réactions avec des composés aromatiques et des composés chlorés). La base de données BASOL en ligne sur le site du ministère de l’écologie, qui répertorie les sites pollués, recense, pour sa part, une soixantaine de sites pour la seule région Rhône-Alpes.

L’utilisation multiforme du produit, tant qu’il était autorisé en application ouverte, c'est-à-dire jusqu’en 1979, ne facilite pas le travail d’inventaire a posteriori. La difficulté d’un tel recensement tient également au fait que nombre de rejets ont résulté d’activités diffuses, artisanales provenant de petits ateliers, qu’il a été malaisé d’appréhender.

Sites potentiellement émetteurs historiques de PCB en Rhône-Alpes

Au total, qu’il s’agisse du lac du Bourget, de la vallée de la Romanche ou de celle du Drac, ou bien encore du bassin de la Bourbre, cette pollution au long cours du Rhône renvoie à l’histoire industrielle de la région Rhône-Alpes, aux glorieuses années du couloir de la chimie et au transfert en amont de certaines activités, vers la zone industrielle de la plaine de l’Ain créée à cet effet à la fin des années 1960… Il subsiste, à l’heure actuelle, un certain nombre de sources d’émissions potentiellement actives, dont la DRIRE a dressé une liste en 2007. Ont été ainsi dénombrés 17 sites suspectés de rejets de PCB dans l’ensemble du bassin, dont 10 pour la région Rhône-Alpes : si 6 de ces sites ne sont en définitive plus concernés, 2 d’entre eux ont confirmé l’existence de faibles rejets (<1 milligramme/jour) qu’ils tendent à ramener vers zéro et 9 font encore l’objet de recherches complémentaires.

● Arkema : une entreprise également concernée

Outre celui de Trédi, un autre site est autorisé, à l’heure actuelle dans le bassin du Rhône, à effectuer de faibles rejets : il s’agit de l’usine Arkema, située à Saint-Auban dans les Alpes-de-Haute-Provence (44). Cette usine de fabrication de produits chlorés très spécifiques et susceptibles d’engendrer d’autres composés toxiques par dégradation a contribué, de longue date, à la pollution de la Durance, affluent du Rhône, et de son milieu naturel mais sans doute davantage au titre des rejets de mercure que de ceux de PCB.

Depuis 1989, elle dispose d’une unité d’incinération de PCB, autorisée et réglementée, à l’instar de Trédi, par voie d’arrêté préfectoral. À cette date, les émissions de PCB autorisées étaient de 600 grammes/jour au maximum et de 200 grammes/jour en moyenne mensuelle. Depuis 1996, l’établissement pratique également l’auto surveillance des rejets à la sortie de l’usine.

Selon les informations recueillies par le rapporteur auprès de la DRIRE de PACA, les rejets annuels de PCB dans les eaux de la Durance ont été divisés par dix en dix ans pour passer ainsi d’environ 1 000 g, soit 3 g/jour, en 1996 à 100 grammes en 2006. En 2007, la valeur maximum autorisée d’un gramme par jour a été dépassée une fois, avec 1,24 gramme, le 4 juillet. Au cours de cette dernière année, l’usine a traité 1 816 tonnes de déchets contenant des PCB, dont 543 en provenance d’Espagne.

Avec l’encadrement réglementaire dont elles sont l’objet, les mesures mises en œuvre pour limiter les rejets et la surveillance effectuée sous l’autorité de la DRIRE, on peut affirmer que les deux entreprises effectuant encore de très faibles rejets de PCB dans le bassin du Rhône sont entièrement sous contrôle. Bien évidemment, en application du principe pollueur-payeur, elles sont redevables de la taxe générale sur les activités polluantes (TAGP) prévue par l’article L. 151-1 du code de l’environnement et l’article 266 sexies du code des douanes.
Elles acquittent notamment la TGAP « exploitation » qui concerne les installations classées soumises à autorisation, la TGAP « air » applicable aux gros émetteurs de substances polluantes dans l’atmosphère (SOx, acide chlorydrique, NOx, N2O et COV) (45) et la TGAP « déchets » proportionnelle au nombre de tonnes de déchets traités.

● Des sources actuelles de pollution difficilement contrôlables

Au-delà des faibles rejets autorisés des entreprises sous contrôle, on constate que malheureusement la pollution demeure dans une certaine mesure. Pour autant, le poids respectif des apports de PCB via les rejets des stations d’épuration, les boues des stations d’épuration, la contamination atmosphérique et le lessivage des sols pollués n’est pas encore évalué, non plus que la somme des pollutions diffuses d’origine artisanale ou domestique. De plus, certaines activités échappant de par leur volume à la réglementation ICPE peuvent être source de pollution, en particulier celles de ferraillage et de récupération des métaux.

Selon les informations recueillies auprès des DRIRE Rhône-Alpes et PACA, les rejets sauvages ou accidentels seraient en outre, à l’heure actuelle, bien supérieurs aux rejets autorisés. En effet, des friches industrielles, d’anciens ateliers, d’anciens supermarchés, voire d’anciennes décharges, dès lors qu’ils ne sont pas surveillés, constituent également des réservoirs de pollution, pour peu qu’ils accueillent des transformateurs ou d’autres appareils susceptibles d’être ouverts et vandalisés par des personnes à la recherche de métaux. La DRIRE Rhône-Alpes fait état de plusieurs « événements relatifs aux transformateurs électriques » par an, qu’il s’agisse d’actes de vandalisme, d’abandons ou d’accidents. Elle en a recensé quatre depuis le début de l’année 2008 (46) dont deux au mois de janvier :

– abandon sur la voie publique, à proximité d’une benne pour les déchets encombrants des particuliers, dans une commune de Savoie, de quatre transformateurs ouverts et contenant du liquide diélectrique. Fort heureusement aucune pollution des sols n’a été constatée sur le lieu d’abandon avant la mise en sécurité des transformateurs par la commune ;

– ouverture du local électrique d’un ancien supermarché d’une commune du Rhône et démontage du transformateur pour voler des métaux. Une pollution des sols et du local environnant ayant été constatée, la DRIRE a sollicité l’intervention des pompiers puis a demandé à l’exploitant de prendre les mesures de dépollution nécessaires et de traitement du transformateur concerné ;

– le 30 avril, dans l’Ain, écoulement, à la suite d’un incident de manipulation d’un transformateur par EDF, d’huiles dans le sol en l’absence de cuvette de rétention ;

– le 3 juin, en Savoie, incident lors du transport d’un transformateur par EDF en vue de son traitement. Dans ces deux cas, EDF est intervenu rapidement pour récupérer les huiles et dépolluer. La proximité de ces deux derniers incidents atteste du reste de l’accélération de la mise en œuvre par EDF du plan d’élimination des appareils contenant des PCB pour satisfaire à l’échéance de 2010.

c) Des répercussions multiples

● La contamination des poissons

Si aucune espèce de poisson ne semble a priori indemne, certaines d’entre elles semblent cependant davantage contaminées, et en particulier :

– les espèces de fond, non piscivores, dites espèces benthiques (brème, carpe, barbeau) qui se nourrissent principalement de végétaux, de matières en suspension, de petits crustacés, de larves d’insectes ;

– celles présentant une forte teneur en matière grasse. Le cas de l’anguille, poissons gras se nourrissant volontiers dans les sédiments et accumulant des graisses lors de sa vie dans les fleuves et les estuaires, en vue d’une future migration, mérite en particulier d’être souligné.

La contamination des espèces vivant en pleine eau (gardon, mulet, perche, sandre, truite,…) est, en revanche, moins accentuée. Quelle que soit l’espèce de poisson considérée, la contamination varie vraisemblablement, selon une étude effectuée par le Cemagref (47), en fonction du poids et de l’âge. Si les poissons semblent exposés aux PCB par la voie respiratoire, leur exposition prédominante provient néanmoins, comme pour l’homme, de leur nourriture. Certains PCB faisant l’objet d’une bioamplification le long de la chaîne alimentaire, la chair de poissons prédateurs situés en bout de chaîne présente des concentrations plus élevées que celles des poissons situés plus bas dans la chaîne alimentaire. « En revanche », ainsi que le relève l’étude du Cemagref, « contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, les carnivores - sandre, brochet, silure- sont significativement moins contaminés que les omni- et benthivores –hotu, chevaine, carpe et brème-…Ce constat peut s’expliquer en partie par les caractéristiques des poissons capturés, qui sont en général, pour les omnivores et benthivores, des poissons âgés peu susceptibles d’être mangés par des carnivores de poids comparable. Cela dit, ce constat renforce l’hypothèse d’une origine des PCBi des poissons majoritairement liés au sédiment ou aux matières en suspension. »

La situation a récemment évolué de manière divergente selon les lieux et les espèces considérées sans toutefois remettre en cause les données fondamentales de ce qui constitue une crise sanitaire : le 2 avril 2008, l’interdiction de la pêche en vue de la consommation et de la commercialisation a été étendue respectivement par les préfets de Haute-Savoie et de Savoie, à l’omble chevalier espèce prisée des lacs Léman, d’Annecy et du Bourget, à la suite d’analyses ayant révélé, dans un poisson, une teneur en PCB de 31 picogrammes par gramme de chair considérée (valeur supérieure à près de quatre fois le taux réglementaire maximum). Le préfet de Haute-Savoie a annoncé le 24 juin dernier la levée partielle de cette interdiction pour le lac Léman.

À l’inverse, un avis rendu par l’AFSSA le 28 mars 2008 - consécutif à une campagne complémentaire de prélèvements et d’analyses demandée en décembre 2007-, a permis de prononcer la conformité de certains poissons dits de pleine eau dans le secteur compris entre la confluence du Rhône avec l’Isère, en amont, et la confluence avec la Durance, en aval. L’interdiction a donc été partiellement levée, le 6 mai 2008, sur une portion du Rhône allant du nord de Valence à Avignon, soit une centaine de kilomètres, pour certaines espèces telles que les sandres, brochets, perches, gardons, mulets, chevennes…. Pour les secteurs en amont de la confluence avec l’Isère et en aval de la confluence avec la Durance, les données scientifiques ne permettant pas de lever les interdictions, l’AFSSA a recommandé des analyses complémentaires. Il est toutefois permis d’espérer que de nouvelles décisions favorables à la pêche pourront être prises au cours de l’été 2008.

● L’impact d’une nouvelle réglementation

Si la contamination des poissons est incontestable, une part de la portée de cette crise dans l’opinion a été renforcée par l’introduction en France d’une norme européenne.

En effet, alors que s’appliquait en France l’arrêté du 16 février 1988 disposant que les poissons contenant une concentration supérieure à 2 milligrammes/kilogramme de PCB sont impropres à la consommation, l’Union européenne a adopté, le 3 février 2006, un règlement fixant à 8 picogrammes/gramme - TEQ de poids frais le taux de concentration maximum admissible. Le règlement étant d’application directe dans les États membres, l’arrêté du 16 février 1988 a été abrogé le 26 juin 2006.

Ces deux seuils ne sont pas exactement comparables car le premier vise des PCB sans plus de précision tandis que le second englobe des PCB-DL, des dioxines et des furannes. Toutefois, les experts scientifiques estiment grossièrement que le seuil de 2006 est 6 à 7 fois plus bas que celui de 1988 (48).

En conséquence, des poissons considérés jusque-là comme comestibles ne l’ont plus été sous l’effet mécanique de la réglementation européenne. Dans ces conditions, à situation inchangée, le durcissement de la norme applicable en France ne pouvait que conduire à l’amplification de l’alerte. Cette situation est assez paradoxale dans la mesure où a été constatée une tendance à la diminution de la contamination par rapport à l’épisode des années 1980.

● Le rôle des sédiments

Le constat de la contamination des poissons a amené les services de l’État à lancer à compter de 2006 des investigations sur les sédiments. Ces investigations étaient nécessaires car :

– les PCB étant très peu solubles dans l’eau, il convenait d’analyser une matière solide ;

– les sédiments gardent la trace des pollutions passées rémanentes ;

– les sédiments sont susceptibles d’être colonisés par des organismes qui servent de base à l’alimentation de certains poissons et constituent donc une voie d’entrée des polluants dans la chaîne alimentaire.

Une première série d’analyses a concerné la zone du Grand Large, le canal de Jonage, le canal de Miribel, le Rhône à l’amont proche et dans l’agglomération lyonnaise et la Bourbre (affluent rive gauche à l’amont de Lyon). Trois objectifs étaient poursuivis :

1. évaluer le stock de la contamination dans le plan d’eau du Grand Large, zone de dépôt de sédiments privilégiée, qui avait fait l’objet d’un draguage en 2004 ;

2. estimer l’extension de cette contamination en amont et en aval de ce site ;

3. tenter d’identifier des sources suspectées de cette pollution, en particulier dans la zone industrielle de la plaine de l’Ain.

Les résultats ont révélé, à l’instar des poissons, une différence de contamination entre l’amont et l’aval de la plaine de l’Ain, une contamination du canal de Jonage, du Grand Large, du Rhône dans Lyon, de la Bourbre. Plusieurs profils de contamination établis sur la base de carottages effectués sur le Grand Large et dans le canal de Jonage indiquent, en outre, que les concentrations en PCB des sédiments datant de la fin des années 1980 sont supérieures à celles des sédiments de surface plus récents.

En 2007, des prélèvements et analyses de sédiments ont été étendus à l’ensemble du linéaire du fleuve. Les sédiments contaminés sont retrouvés principalement dans les zones de faible vitesse du courant dans lesquelles ils s’accumulent. La propagation de la contamination dans le réseau hydrographique s’explique, selon le Cemagref, par le déplacement des matières en suspension qui fixent les PCB avant de se déposer sur la couche sédimentaire superficielle.

Sur la zone littorale, des échantillons de sédiments marins ont été recueillis au niveau de l’embouchure du Rhône. Les teneurs observées sur les sédiments marins sont largement inférieures à celles relevées dans la partie fluviale.

On ne peut exclure une réactivation récente de la pollution résultant d’une mobilisation des sédiments lors :

– d’épisodes de crues qui ont eu un effet de chasse des sédiments : sept millions de m³ ont été ainsi mobilisés par les épisodes de crues de 2002 et 2003 entre Valence et Beaucaire ;

– de travaux de draguage, qui ont eu pour conséquence de remettre en suspension des particules - ce qui a entraîné leur transfert vers l’aval du fleuve- et de « décaper » les sédiments les plus récents qui sont a priori les moins contaminés. Les sédiments les plus anciens et les plus contaminés se sont alors retrouvés au contact du milieu aquatique.

Et que penser des conséquences des vidanges de barrage ?...

Un certain nombre d’hypothèses scientifiques doivent encore faire l’objet d’études complémentaires, non seulement en ce qui concerne la dynamique propre au régime hydraulique du Rhône mais encore la propagation de la contamination des matières en suspension via les sédiments vers les poissons.

● Des conséquences très préjudiciables pour les pêcheurs

Peu de temps après le premier arrêté d’interdiction de consommation des poissons pris par le préfet du Rhône, l’Association des pêcheurs professionnels du Rhône et de l’aval Méditerranée déposait une plainte afin de dénoncer le préjudice économique qui en résultait. Celle-ci a été suivie du dépôt d’autres plaintes, émanant de diverses associations de pêche et de protection de l’environnement et des communes riveraines du fleuve, au premier rang desquelles figure celle déposée par M. Michel Forissier, maire de Meyzieu, dans le Rhône, le 22 février 2007 (49). Ces actions judiciaires témoignent de l’inquiétude des riverains du Rhône quant aux répercussions de cette pollution.

La généralisation des arrêtés d’interdiction de pêche à des fins de consommation et/ou de commercialisation a engendré des conséquences économiques défavorables, en tout premier lieu, pour les pêcheurs.

S’agissant des pêcheurs professionnels, ils subissent de plein fouet l’impossibilité d’exercer leur profession et sont par conséquent privés de ressources depuis près de trois ans, pour certains d’entre eux, ceux-là même qui ont donné l’alerte en faisant analyser le produit de leur pêche. Pour autant, leurs charges (baux de pêche, entretien des bateaux, …) sont demeurées fixes. Comptant environ une quinzaine de micros entreprises – souvent familiales- sur l’ensemble du bassin Rhône-Méditerranée, soit environ 10 % de l’effectif national, l’activité de pêche professionnelle en eau douce contribue à alimenter la restauration en poissons sauvages, à faire vivre des commerces locaux de fournitures diverses et constitue un réseau de sentinelles très attachées au fleuve et à son milieu naturel. Les pêcheurs professionnels participent directement à l’entretien et à la surveillance des cours d’eau.

Quant à la pêche de loisirs, elle n’est pas en soi interdite puisque les pêcheurs peuvent continuer à la pratiquer sous réserve de relâcher leur prise. La poursuite de cette activité est néanmoins affectée. Alors qu’elles continuent de payer à l’État des droits de pêche sur le domaine public fluvial et qu’elles contribuent également à la protection des rivières, les huit fédérations départementales concernées sur l’ensemble du bassin redoutent une accélération de la baisse de leurs quelque 160 000 adhérents et, par voie de conséquence, de leurs ressources. De fait, en deux ans, entre 2005 et 2007, le nombre d’adhérents de la fédération du Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique a diminué de 20 %. Et depuis la première alerte de la contamination des poissons en 1985, la baisse est des deux tiers pour la région Rhône-Alpes. Aussi, l’Union des fédérations de pêche de Rhône-Alpes a-t-elle, à son tour, porté plainte le 20 juin 2007 avec constitution de partie civile.

En outre, il est permis de s’interroger sur l’évolution à long terme de la ressource piscicole. Si la pollution par les PCB s’ajoute certes à d’autres pressions subies par les populations de poissons du fait des activités humaines, ces substances ont été classées par l’Union européenne comme « très toxiques pour les organismes aquatiques » et pouvant « entraîner des effets néfastes à long terme » pour ces organismes. Plusieurs recherches scientifiques ont d’ores et déjà mis en relief l’effet de la contamination sur le système reproducteur des anguilles, qui pourraient être inaptes à la reproduction dans le cas du Rhône. Dans cette hypothèse, à plus ou moins long terme, l’espèce risque d’être menacée de disparition.

Eu égard à son retentissement, cette crise menace, également nombre d’autres activités de loisir, en plein essor, autour des plans d’eau et bases de loisirs aménagés par les collectivités territoriales. Après sa canalisation, le Rhône avait, en effet, souffert d’une désaffection de la part de la population. Avec le développement de la pêche amateur, des activités nautiques, de la navigation, des ports de plaisance, les riverains se sont réapproprié le fleuve depuis quelques années et les collectivités locales ont investi dans le tourisme fluvial. Selon l’association des élus rhodaniens, il semblerait que ces activités aient enregistré depuis trois ans une baisse de fréquentation.

d) Des questions encore sans réponse

Par ailleurs, compte tenu de l’étendue de la contamination des poissons, il est permis de s’interroger sur l’impact de cette pollution sur les milieux aquatiques et les écosystèmes, et au premier chef, les animaux qui s’en nourrissent (oiseaux, rongeurs,… etc.). On ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’élément scientifique sur les conséquences à long terme de cette pollution sur la biodiversité. La science ne sait pas, à cet égard, extrapoler les effets observés sur les poissons vers d’autres espèces ou vers les écosystèmes. Elle demeure assez balbutiante sur les contaminants et leurs effets mais leur accumulation dans de nombreux milieux, aquatiques et sédimentaires en particulier, n’est sans doute pas sans conséquence sur les espèces concernées. La question se pose avec acuité pour la zone humide remarquable et protégée que constitue la Camargue, même si les poissons pêchés sur le petit Rhône et les coquillages (moules, tellines) analysés, en aval, dans l’embouchure du Rhône, présentent des teneurs en PCB inférieures au seuil sanitaire réglementaire.

Il conviendrait également de s’interroger sur l’incidence de ces contaminants sur l’état écologique de l’eau, dans la perspective des exigences à satisfaire, à l’horizon de 2015, en application de la directive cadre sur l’eau(50). Certes, les PCB n’ont pas été retenus par la Commission européenne parmi la trentaine de substances toxiques prioritaires à surveiller car celle-ci a estimé qu’ils ne constituaient pas un problème transfrontalier…. Néanmoins les PCB étant susceptibles de contaminer les milieux aquatiques concernés, la pollution en résultant rejaillirait sur le « bon état écologique » des cours d’eau du bassin, lesquels doivent faire l’objet d’une évaluation en application de la directive cadre.

L’hypothèse d’une contamination éventuelle de la nappe phréatique a, en revanche, fort heureusement été levée par les études effectuées par la DRASS de Rhône-Alpes. Les PCB ayant une grande stabilité physique et chimique et une faible biodégradabilité, ils sont relativement insolubles dans l'eau et fortement absorbés par les sédiments et les particules en suspension. Compte tenu du choix des ressources exploitées et des filières de traitement mises en œuvre, ils ne sont pas susceptibles d'être présents dans les eaux souterraines naturellement filtrées ni a fortiori dans l'eau potable mise à disposition des usagers par les réseaux publics.

Concernant les sites de production d'eau destinée à la consommation humaine exploitant l'eau du Rhône, l’eau brute (eau superficielle) du fleuve est très rarement utilisée. Les seules prises d’eau connues sont situées dans sa partie aval. L'eau subit un traitement affiné et adapté à la qualité des eaux utilisées avant sa mise en distribution.

À l’inverse, la nappe alluviale (eau souterraine) associée le long du cours du Rhône est très souvent exploitée, notamment à partir de l’agglomération lyonnaise. Cette ressource est généralement d’excellente qualité grâce à la filtration naturelle assurée par les terrains qui la contiennent. Dans certains secteurs, la nappe reçoit parfois des apports non négligeables par les affluents du fleuve. Ainsi, les ouvrages d’exploitation ne puisent pas directement l’eau du Rhône, contrairement à certaines idées reçues. Le nombre de sites de production recensés par les DDASS s’élève à 118 en 2007. Ils desservent une population voisine de 2 millions d'habitants, l'agglomération lyonnaise en représentant 60 %.

En l’absence de norme relative aux PCB dans les eaux destinées à la consommation humaine depuis le décret du 20 décembre 2001, il n’est plus obligatoire de rechercher systématiquement la présence de ce produit. Toutefois, localement, des analyses ont pu être pratiquées, à l’initiative des distributeurs d’eau pour rassurer les populations. Les résultats des analyses réalisées dans les eaux destinées à la consommation humaine mises à la disposition des usagers attestent de la présence de traces de PCB, mais dans des quantités inférieures au seuil de quantification des laboratoires agréés qui est de 0,025 nanogramme/litre, soit 25 picogrammes/litre. Il est impératif de rester vigilant.

Il conviendrait par ailleurs de répondre de manière certaine à la question de l’impact de la pollution sur les cultures irriguées, non seulement la riziculture de la Camargue mais encore les primeurs de la Vallée du Rhône. Peu solubles dans l’eau, les PCB semblent également peu absorbables par les plantes ; pour autant, la contamination alimentaire par les végétaux n’est pas nulle. Le risque pourrait être lié, principalement pour l’alimentation animale, à la présence de sédiments pollués sur des végétaux utilisés « non lavés ». Des analyses effectuées sur des fruits et légumes produits dans le Vaucluse et irrigués avec l’eau pompée dans la Durance n’ont détecté aucune contamination. Il est souhaitable que de telles analyses soient effectuées sur les cultures irriguées par l’eau du Rhône.

Enfin, du point de vue de l’impact sur l’agriculture, se pose la question des conséquences de l’épandage, d’une part, des sédiments déposés par le fleuve lors des crues, et d’autre part, des boues de stations d’épuration.

L’arrêté ministériel du 8 janvier 1998 fixe les prescriptions techniques auxquelles doivent satisfaire les opérations d'épandage sur sols agricoles de boues issues du traitement des eaux usées. Cet arrêté prévoit les teneurs et les flux annuels maximums d'éléments à l’état de traces à ne pas dépasser, ainsi que les modalités des suivis nécessaires. En 2000, les teneurs moyennes en différents composés traces organiques (CTO) dont les PCB, mesurés dans les boues de 50 stations d’épuration françaises, par l’INRA (51) étaient nettement inférieures aux valeurs réglementaires (0,19 gramme/tonne de matières sèches en moyenne pour un seuil réglementaire de 0,8 gramme/tonne). Il conviendrait à tout le moins de renouveler ces mesures et de s’assurer que les PCB apportés par les boues ne passent pas du sol vers les plantes. Au surplus, il ne faut pas négliger le fait que les PCB présents dans les boues d’épandage sont susceptibles d’être entraînés dans les cours d’eau par les eaux de ruissellement.

Mais l’interrogation la plus cruciale porte, en définitive, sur l’état de la contamination humaine des riverains du Rhône, des consommateurs de poissons d’eau douce, et au premier chef des pêcheurs. Ces populations plus exposées que la moyenne de la population nationale sont–elles par voie de conséquence plus contaminées ? Bien qu’inutile, la dramatisation semblait malheureusement inévitable alors même que les interdictions sanitaires ont été accompagnées de messages appropriés en vue de rassurer les populations : l’AFSSA a ainsi rappelé que seule l’ingestion très régulière sur une longue durée de poissons contaminés pouvait avoir un impact néfaste sur la santé humaine, tout en soulignant les bénéfices pour l’homme de la consommation bihebdomadaire de poisson sain. Il est en réalité malaisé d’apprécier l’impact sanitaire réel des PCB du fait de leur présence à l’état de traces dans notre environnement. La connaissance du niveau de contamination résulte de la réalisation d’une étude d’imprégnation sanguine, souhaitée par les personnes concernées. Pour autant, les connaissances scientifiques ne permettent pas, à l’heure actuelle, de déterminer le niveau d’imprégnation à partir duquel il pourrait y avoir, à terme, un risque pour la santé.

Au total, au vu de son ampleur, la pollution du Rhône a amené les pouvoirs publics à examiner, au cours de l’année 2007, la situation des autres fleuves. Compte tenu des caractéristiques du Rhône et notamment de son fort débit, la contamination des poissons et des sédiments est alors apparue comme relativement inférieure à celle d’autres grands bassins hydrographiques français, en particulier celui de la Seine. En réalité, sont concernés en France comme à l’étranger tous les bassins hydrographiques qui ont été des foyers de développement industriel.

2. Le Rhône : un exemple d’une pollution généralisée

Le Rhône a constitué en France le révélateur de la pollution aux PCB. Dès lors que l’essentiel de cette contamination était imputable à une pollution historique liée à l’industrialisation et à l’électrification du territoire national, il était fort probable que le bassin rhodanien ne serait pas le seul bassin fluvial touché et que la présence de PCB dans les sédiments de nombreux autres cours d’eau était inévitable. De même, il apparaît tout aussi logique que cette pollution ne concerne pas uniquement le territoire national, l’utilisation des PCB n’ayant pas connu de frontière.

a) Une contamination d’ampleur nationale

À l’occasion de l’installation du comité d’information et de suivi de la pollution du Rhône par les PCB, dénommé comité de pilotage (COPIL) à Lyon, le mercredi 10 octobre 2007, la secrétaire d’État en charge de l’écologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a présenté une carte nationale mettant en évidence un phénomène d’ampleur nationale. Cette cartographie qui dresse l’inventaire de la pollution des cours d’eau français concernés par la contamination par les PCB confirmait l’idée que le Rhône n’est pas le seul fleuve français à subir les nuisances dues à la présence avérée de polychlorobiphényles.

Ce bilan permanent de l’état de la pollution, a été établi à partir des données issues de la Banque nationale des données sur l’eau (BNDE), gérée par l’Office national de l’eau. La base de données est alimentée par l’ensemble des études et observations réalisées par les réseaux de suivi de la qualité de l’eau à partir de données concernant 852 sites d’analyses portant sur les sédiments des cours d’eau, des plans d’eau et dans les zones estuariennes, au cours de la période 2002-2005.

Ce ne sont pas moins de 2 949 analyses qui ont été conduites au cours des cinq années concernées. À partir de leurs résultats, la cartographie réalisée par la direction de l’eau du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire dresse un inventaire des sites en fonction de la concentration des sept congénères formant les PCB indicateurs ou PCBi. Très chlorés et très peu métabolisables, ces sept PCB sont considérés par la communauté scientifique comme représentatifs de la contamination globale.

À partir de cet inventaire des sites pollués, ceux-ci ont été regroupés dans les cinq classes suivantes, déterminées, pour les trois classes intermédiaires, en fonction de tranches de 130 microgrammes de PCB par kilogramme de matières sèches :

 la classe 1 qui comprend le plus grand nombre de sites et qui est constituée des sites avec des concentrations en PCB inférieures à 10 microgrammes par kilogramme de matière sèche (10 microgrammes/kilogramme MS) : les sites non pollués ou peu pollués ;

– la classe 2 comprenant les sites présentant une contamination comprise entre 10 et 140 microgrammes par kilogramme de matière sèche ;

 la classe 3 comprenant les sites présentant une contamination comprise entre 140 et 270 microgrammes par kilogramme de matière sèche ;

 la classe 4 comprenant les sites présentant une contamination comprise entre 270 et 400 microgrammes par kilogramme de matière sèche ;

– la classe 5 comprenant les sites présentant une contamination supérieure à 400 microgrammes par kilogramme de matière sèche : les sites fortement pollués, représentant environ 5 % des valeurs observées.

Au total, sur la totalité des analyses effectuées, pour 71 % des données recueillies (soit 2 091 sur 2 949) les PCBi étaient absents ou présentaient une concentration inférieure au seuil de détection. Les résultats ne mettaient en évidence une concentration supérieure à 400 microgrammes de PCBi par kilogramme que pour 5% de l’ensemble des données.

S’agissant des 852 sites sur lesquels des prélèvements ont été effectués :

– 65 % de ces sites sont indemnes de toute trace de pollution et 69 % figurent en classe 1 ;

– 21 % sont situés en classe 2 ;

– 10 % sont répartis dans les trois classes de plus forte contamination.

La carte de la contamination des sédiments fluviaux et estuariens reproduite, ci-après, démontre que si la situation de certaines zones géographiques apparaît préoccupante, force est, toutefois de constater, que la grande majorité du territoire national semble épargnée par la contamination aux PCB.

Quatre bassins sont touchés par la contamination :

– le bassin Rhin-Meuse : principalement le cours aval de la Moselle où la pollution résulte d’activités industrielles anciennes et le bassin du Rhin, principalement la Thur (affluent du Rhin) qui présente un spot de contamination des matières en suspension à Staffelden (étude de l’Agence de l’eau). Toutefois, selon une comparaison établie par la commission internationale pour la protection du Rhin, établie à partir d’observations collectées entre 1990 et 2004, l’état de la pollution du Rhin par les PCB serait en cours de régression ;

– les bassins Artois-Picardie (notamment à l’aval de toutes les agglomérations), Rhône Méditerranée Corse (pollution historique et rejets provenant des zones urbaines et une inquiétude particulière par rapport à la récente découverte d’une contamination de poissons dans les lacs alpins) et Seine-Normandie (pollution historique identifiée depuis 1978 et rejets des zones urbaines) qui présentent une contamination plus forte. Il convient toutefois de noter que le degré global de pollution de chacun des cours d’eau concernés est largement tributaire de son débit moyen ; ainsi le Rhône connaît une pollution globale relative inférieure à celle de la Seine en aval de la région parisienne.

Bien que géographiquement limitées, l’ampleur de cette contamination a conduit le Gouvernement, sous la pression de divers acteurs du milieu aquatique (pêcheurs professionnels et amateurs, associations de défense de la nature, etc.) et des élus locaux, à mettre en place, comme pour le Rhône, en février 2008, un comité de pilotage national pour les PCB et à présenter un plan national d’actions pour apporter une réponse sur le plan sanitaire, économique et écologique.

Enfin, il ressort des données résultant d’analyses conduites par la sous-direction de la sécurité alimentaire des aliments de la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et de la pêche, rassemblées dans le Réseau national d’observation (RNO) géré par l’IFREMER, que les mollusques (huîtres et moules) et certaines espèces de poissons (flet et anguilles) de l’estuaire de la Seine présentent des concentrations en PCB dépassant les normes autorisées. Cette contamination en baie de Seine est largement imputable aux apports du fleuve qui draine un large bassin versant fortement industrialisé et urbanisé. Elle a conduit le préfet de la Seine-Maritime à interdire la consommation et la commercialisation des anguilles pêchées dans les eaux littorales et la partie du fleuve du département le 23 juillet dernier.

b) Une pollution à l’échelle planétaire

L’usage massif des polychlorobiphényles dans de nombreux secteurs industriels pendant un demi-siècle a laissé des séquelles environnementales que l’interdiction de ces produits n’a pas suffi à gommer.

Leur persistance, associée à leur présence dans l’atmosphère et à l’absence de précautions qui a présidé à leur emploi, en fait l’un des polluants qui a progressivement colonisé l’ensemble de la terre, leur présence ayant été décelée jusque dans l’océan Arctique.

La prise de conscience des risques que les PCB faisaient courir à l’homme et à la faune, notamment avec la présence de PCB dans la chair de poisson en Suède et la pollution accidentelle au Japon, devait conduire l’Organisation pour la coopération et le développement économique(52) (OCDE) à recommander, dès 1973, l’interdiction d’emploi des PCB. Cette décision d’un organisme comprenant la majorité des pays industrialisés démontre, s’il en était besoin, que l’existence ou la possibilité d’existence de dangers liés à une pollution par ces substances était d’ores et déjà une préoccupation des pouvoirs publics. Environ un tiers des pays membres ayant adopté cette décision étaient, à l’époque, producteurs de PCB : l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni.

En l’absence de données internationales en matière de pollution aux PCB, il parait toutefois peu probable, compte tenu de l’état d’industrialisation du monde, qu’un continent soit totalement épargné, d’autant qu’une fois libérés dans l’environnement les PCB se révèlent être des voyageurs au long cours, susceptibles de migrer en utilisant l’eau et l’air comme vecteurs à des milliers de kilomètres de leur lieu de largage.

Si les informations relatives à l’état de la pollution dans les pays étrangers ne sont pas facilement accessibles, un certain nombre de celles-ci sont, toutefois, connues. Une constante mérite d’être soulignée : généralement, les zones estuariennes exposées à d’importants apports d’origine terrestre sont les plus contaminées, particulièrement les baies fermées.

Peu de pays ont semble-t-il pratiqué des investigations sur la quasi-totalité de leur réseau hydrographique. Il semblerait toutefois que la France soit l’un des seuls pays qui ait effectué un suivi aussi dense et aussi important de l’ensemble de ses cours d’eau.

Pour l’établissement de son rapport, votre rapporteur a pu s’appuyer utilement sur une étude réalisée par le service géologique Rhône-Alpes du Bureau de Recherches Géologique et Minières (BRGM), commandée par la DIREN Rhône-Alpes. Nombre d’informations internationales reproduites, ci-après, sont extraites de cette étude, intitulée « État des lieux sur la pollution des fleuves par les PCB dans le monde » réalisée en novembre 2007, enrichies d’informations recueillies à travers la littérature ouverte sur cette question. Le travail ainsi produit ne saurait prétendre à l’exhaustivité, ne serait-ce qu’en raison des investigations parcellaires, voire inexistantes, concernant certains pays : la recherche de la présence des PCB dans les différents milieux suppose de disposer de moyens humains, matériels et financiers importants. Les résultats relatifs à la présence de PCB dans les eaux sont exprimés à partir des analyses portant sur les matières en suspension dans les eaux des plans et des cours d’eau.

L’adoption d’une réglementation communautaire applicable à l’ensemble des États membres n’est sans doute pas étrangère au fait que la pollution des réseaux hydrographiques et à la contamination y ait été recherchée plus activement que sur d’autres continents. Les pays européens, précocement développés sur le plan économique, berceaux de la chimie organique, hébergeant des populations de longue date sensibilisées aux questions de protection de l’environnement, ont effectué de nombreuses études et analyses des sols, des sédiments et de des faunes aquatiques. Bien qu’incomplètes et disparates, les études réalisées donnent un aperçu global de la pollution par les PCB mais ne permettent pas d’avoir une parfaite connaissance de l’ensemble du phénomène.

En Allemagne, la recherche des différents PCB dans les sédiments de l’Elbe et dans la région de Hambourg fait apparaître des pollutions individualisées (pour chacun des PCB recherchés) qui varient du picogramme
(10-12 g) au nanogramme (10-9 g) de PCB par litre d’eau. La concentration globale estimée s’élèverait à 6 nanogrammes de PCB par litre d’eau.

Dans le cadre d’une étude de surveillance des poissons étalée sur une vingtaine d’années, des analyses ont été réalisées sur différentes espèces dans l’Elbe et deux de ses affluents (la Mulde et la Saale). Les résultats de ces analyses montrent des concentrations particulièrement élevées dans les anguilles et moindres, mais dépassant parfois les seuils définis par la réglementation européenne) dans les poissons blancs (brèmes, chevesnes, et ides). Les concentrations dans les anguilles capturées après des crues sont généralement plus élevées.

En Belgique, les teneurs généralement rencontrées dans les sédiments des cours d’eau Wallons sont en moyenne de 185 nanogrammes par gramme de sédiments et de 360 nanogrammes par gramme de sédiments dans les cours d’eau navigables (taux plus élevés vraisemblablement dus à un débit moindre).

L’observation de carottes de sédiments prélevées dans l’Escaut fait apparaître un état relativement stable de la présence de PCB avec toutefois une légère diminution des concentrations dans les couches les plus récentes. Ces résultats permettent d’envisager la possibilité d’une corrélation avec les effets de l’interdiction de l’usage des PCB.

La concentration de PCB dans les moules prélevées dans l’estuaire de l’Escaut s’élevait en 2002 à 190 nanogrammes par gramme (rapport sur la Surveillance de la qualité du Milieu Marin, réalisé par l’IFREMER en 2002).

En Espagne, une campagne de prélèvements mensuels a été conduite pendant deux années (2002-2003) dans l’Ebre. Les analyses ont révélé une concentration moyenne de PCB de 8,9 nanogrammes par litre, concentrations inférieures à celles mise en évidence lors d’une précédente étude réalisée en 1999. La présence de PCB dans l’Ebre est inférieure à celle décelée dans le Guadalquivir (12,2 nanogrammes par litre).

Par ailleurs, des analyses portant sur la chair d’anguilles et de barbeaux prélevés dans la rivière Turia ont permis de détecter la présence de PCB à l’état de traces inférieures aux seuils fixés par la réglementation européenne.

En Grèce, des échantillons de chevesnes et de barbeaux de la rivière Nestos ont été analysés. Les teneurs en PCB trouvées sont en deçà des seuils réglementaires européens.

En Italie, la rivière Arrone (près de Rome) fait l’objet d’une surveillance après avoir connu un épisode de pollution majeure aux PCB. Une espèce de crevette particulièrement sensible à la pollution a, semble-t-il, disparu près de la source de pollution. Les échantillons de poissons présentent de fortes concentrations de PCB.

La contamination des eaux et des sédiments de l’estuaire du Tibre par les PCB a fait l’objet d’une étude en 1976 et 1977. De très faibles concentrations en PCB y ont été décelées et il a été constaté que les concentrations diminuaient en s’éloignant de la côte vers le large.

Au vu des résultats d’analyses effectuées sur les sédiments dans un intervalle de dix années, la pollution du Po apparaît stable. Elle est en grande partie imputable à l’un de ses affluents, le Lambro, dans lequel des analyses de la chair de différents poissons avaient mis en évidence des concentrations importantes de PCB.

Des concentrations élevées de PCB ont été trouvées dans des perches prélevées dans les lacs et les rivières de Lettonie.

Au début des années 2000, la Norvège a constaté qu’une partie de ses fjords était massivement polluée par les PCB, rançon d’un siècle d’industrialisation intensive. Les saumons qui y étaient élevés dans de grands élevages piscicoles y étaient contaminés, non seulement par la pollution des eaux maritimes, mais aussi par les farines de poisson utilisées pour leur nourriture. En 2004, les zones concernées par cette pollution par les PCB couvraient une superficie d’environ 800 km2, conduisant l’agence de protection alimentaire norvégienne à recommander à la population de limiter sa consommation de poisson.

En Pologne, huit congénères des PCB ont été décelés dans des spécimens de perches prélevées dans l’estuaire de l’Oder en mer Baltique.

Les matières en suspension analysées à partir d’échantillons prélevés dans l’estuaire de la rivière Guardiana au Portugal ont révélé de faibles concentrations de PCB.

Au Royaume Uni, la rivière Mersey serait la principale contributrice à la pollution des sédiments de la baie de Liverpool qui présenterait des taux de contamination comparables à ceux de l’estuaire de l’Hudson aux États-Unis.

La Suisse a identifié très tôt les dangers des PCB et a interdit dès 1972 leur utilisation dans les systèmes dits ouverts. Elle s’est alignée, en 2005, sur la réglementation communautaire pour les systèmes clos.

À la fin de l’année 2007, le canton de Genève a procédé à des analyses sur des poissons dans le Rhône (sortie du lac Léman) et la rivière Versoix qui ont révélé des taux de PCB inférieurs à la norme communautaire. Toutefois, des analyses commandées par la Commission Internationale pour la Protection des Eaux du Léman (CIPEL) sur quatre espèces de poissons du Léman (omble chevalier, corégone-féra, perche et lotte) ont révélé la présence dans la chair d’un omble chevalier âgé (sur cinq spécimens analysés) d’une concentration en PCB dioxine dépassant la norme européenne, les autres espèces présentant des taux inférieurs à cette norme. Les analyses complémentaires qui ont été conduites après la révélation d’un taux anormalement élevé sur un spécimen d’omble chevalier ont montré que les teneurs en PCB étaient inférieures à la norme européenne, confortant la position des responsables de la CIPEL qui avaient décidé de ne pas interdire la pêche.

En août 2007, un problème de pollution aux PCB est apparu dans la rivière Sarine (principal affluent de l’Aar, située dans le canton de Fribourg), suite à une contamination due à la présence d’une ancienne décharge. La pêche a été interdite dans la zone contaminée.

En Australie, des prélèvements d’eau, de sédiments, de poissons, de crustacés, de mollusques et d’oiseaux provenant de l’estuaire de la rivière Brisbane ont été analysés. Si la présence de PCB est avérée dans toutes les espèces, seuls les poissons de type mulet présentaient des concentrations importantes. Par ailleurs, les concentrations trouvées dans la chair des pélicans, situés plus haut dans la chaîne alimentaire, étaient particulièrement élevées, de l’ordre de 15 700 nanogrammes par gramme de poids sec.

Au Canada, outre la pollution du Saint-Laurent où une section du fleuve a été exposée à de fortes concentrations de PCB dans laquelle les dix premiers centimètres des carottes de sédiments contenaient des taux excessivement élevés e PCB (entre 9 800 et 3 800 nanogrammes par gramme en poids sec), l’Arctique canadien recueille, par voie de pollution atmosphérique, les émissions de PCB en provenance de l’ensemble de l’Amérique du Nord et du Nord-Est asiatique. Depuis le plancton jusqu’à l’ours polaire, toute la chaîne alimentaire semble touchée. Selon M. Jean-Luc Desgranges, biologiste du service canadien de la faune, le phénomène de « biomagnification » (plus on avance dans la chaîne alimentaire et plus les concentrations et les contaminants s’accumulent) expliquerait que l’on découvre chez le béluga, les phoques et l’ours polaire des concentrations de PCB un milliard de fois supérieures à celle mesurée dans l’eau de leur milieu de vie. Pour mémoire, des concentrations élevées de PCB ont été mesurées dans le lait maternel des femmes inuit, population dont la consommation d’ombles chevaliers, de bélugas et de phoques constitue l’une des bases de l’alimentation. Toutefois, à ce jour, aucune corrélation n’a été établie entre l’état de santé des Inuits et les concentrations de contaminants mesurées dans leur alimentation.

L’un des vecteurs principaux de la pollution du Saint Laurent et du lac Erié n’est autre que l’eau provenant de la fonte des neiges chargées de polluants d’origine atmosphérique ce qui explique les variations saisonnières des pollutions observées (53). À titre d’exemple, il a été montré que le lac Erié recevait, dans les années 1980, environ 7 tonnes par an de PCB amenées par les vents.

Une étude (54), publié en 2005, porte sur l’évaluation spatio-temporelle de la pollution par les PCB en Chine. Elle portait sur tous les milieux : sols, eaux, sédiments et organismes aquatiques. Il ressort de cette étude que, mesurés globalement, les niveaux trouvés de pollution sont relativement faibles avec, toutefois, des zones de pollutions majeures :

– pour les sédiments : la rivière Pearl et son estuaire, la baie de Dalian et la rivière Songhua ;

– pour les eaux : l’estuaire Minjiang et le lac Taihu ;

– pour les organismes aquatiques : l’estuaire de la rivière Pearl et la baie de Jiaozhou.

À Taïwan, des pollutions saisonnières ont été détectées dans l’estuaire de la rivière Ar-Jen. Elles sont liées aux ruissellements des eaux de pluies à la fin des saisons humides sur des sites d’enfouissement de déchets hautement pollués.

Aux États-Unis, la Fox River (Wisconsin) présente une pollution industrielle ancienne, due aux déversements intentionnels des usines de pâte à papier entre 1954 et 1971. Il a été estimé qu’environ 80 kg de PCB, sur un volume compris entre 125 et 400 tonnes déversées, auraient été charriés vers le lac Michigan.

La rivière Hudson représente un autre cas de pollution historique majeure aux PCB. Le site pollué représente une section de plus de 300 kilomètres de la rivière, depuis Hudson Falls (État de New York) jusqu’au lieu dit Battery (pointe de l’Île de Manhattan) dans la ville de New York. Entre 1947 et 1977, deux usines de fabrication de transformateurs appartenant à General Electric ont déversé près de 600 tonnes de PCB dans la rivière. Les PCB accumulés dans les sédiments continuent d’être une source de pollution importante. La suppression de certaines retenues, comme le barrage de Fort Edward en 1973 a entraîné la dissémination de la pollution dans la partie aval du cours du fleuve. Depuis 1977, des travaux de dépollution ont été entamés et sont encore en cours. De nouvelles opérations de dragage des sédiments pollués devraient être entreprises au printemps 2009. General Electric a déjà contribué à hauteur de 37 millions de dollars au titre de remboursement de frais de dépollution et des négociations sont actuellement en cours pour une nouvelle contribution. Par ailleurs, pour l’avenir, General Electric devrait prendre à sa charge l’ensemble des travaux de dépollution.

L’analyse des sédiments du Niagara a également démontré une présence d’une concentration non négligeable de PCB. Les concentrations les plus importantes ont été trouvées à proximité des points de rejet des stations de traitement des eaux municipales et des industries locales.

Enfin, plusieurs analyses effectuées sur des poissons pêchés dans les eaux d’une rivière de l’Alaska révèlent la présence de PCB, pour des raisons identiques à celles énoncées pour l’Arctique canadien. Toutefois les concentrations relevées n’ont pas entraîné d’interdiction de consommation des produits de la pêche.

Au Japon, les poissons de 14 rivières et lacs de localisation diverses à travers le Pays, ont été analysés. À titre de population témoin, des échantillons de poissons ont également été prélevés dans trois milieux aquatiques isolés de toute activité humaine (agricole, urbaine). La présence de PCB dans l’ensemble des poissons, avec toutefois des taux inférieurs pour les poissons des lieux isolés, indique que la pollution aux PCB a diffusé sur l’ensemble du territoire.

En Russie, une étude réalisée sur des brèmes prélevées dans la Volga et le lac de Rybinsk fait apparaître de fortes concentrations de PCB dans le foie des poissons. Les concentrations les plus élevées proviennent de poissons pêchés près de la zone industrielle de Sheksna. L’Ob et le Iénisseï seraient eux aussi pollués par les PCB, les pollutions de ces fleuves et de sites industriels situés dans leurs bassins seraient, selon des scientifiques canadiens, partiellement à l’origine de la pollution atmosphérique ayant des répercussions sur la présence de PCB dans l’Arctique.

Face à la dissémination générale de cette pollution, aux caractéristiques des produits, à une contamination largement historique, quelles solutions peut-on envisager ?

À court terme, les pouvoirs publics sont désormais en mesure de remédier à certains des aspects les plus dramatiques de la crise, en particulier sur le plan sanitaire et économique. À long terme, en revanche, la résorption de cette pollution représente un véritable défi, qui requiert une très forte mobilisation de l’ensemble des parties prenantes, notamment en ce qui concerne la recherche en techniques de dépollution.

B.— QUELLES RÉPONSES ?

Eu égard au précédent épisode de pollution des années 1980, force est de constater que l’administration s’est quelque peu laissée surprendre par la crise survenue à compter de 2005. Sans pour autant demeurer passifs, les pouvoirs publics n’ont pas su mettre rapidement en œuvre la coordination des services requise par l’ampleur et le caractère multiforme de cette pollution. Cette apparente inertie a été à l’origine d’une certaine dramatisation exploitée par les associations et les médias.

1. La réaction en deux temps des pouvoirs publics

a) Une organisation administrative inadaptée

La crise actuelle a sans doute été accentuée par l’introduction, en 2006, d’une norme européenne plus stricte que le dispositif réglementaire national en vigueur. Mais, compte tenu de l’alerte donnée au cours des années 1980, n’aurait-il pas convenu, au titre du principe de précaution, de maintenir les campagnes d’analyses pilotées, à compter de 1988 par le service de navigation Rhône Saône sur les poissons et interrompues en 1999 ? Si les résultats des analyses montraient certes une évolution favorable au cours des années 1990, découlant du durcissement des normes de rejets de PCB dans le fleuve, les connaissances scientifiques sur la durée de vie de ces substances et leur bioaccumulation permettaient d’anticiper la persistance de la pollution. S’agissant d’un problème de sécurité sanitaire, d’une matière aussi sensible que l’alimentation humaine, une surveillance spécifique aurait sans doute dû être maintenue et coordonnée avec les plans de surveillance annuels des produits alimentaires mis en œuvre par les services vétérinaires à compter de 2002, en application de dispositions européennes.

Et que penser, lors de la première alerte il y a vingt ans, de la simple information des pêcheurs professionnels du caractère non comestible des poissons ? L’INRA a souligné à ce propos, dans une étude consacrée aux difficultés de l’évaluation des risques liés à une pollution chronique du milieu aquatique par les PCB (55), que les pêcheurs amateurs n’avaient même pas fait l’objet d’une information spécifique… Il est difficile de s’expliquer les raisons pour lesquelles l’arrêté préfectoral d’interdiction de consommation proposé par la direction départementale des services vétérinaires du Rhône n’avait pas été édicté.

La crise avait certes été suivie de l’élaboration de l’arrêté ministériel du 16 février 1988 fixant à 2 milligrammes par kg de poisson frais le seuil de consommation. Il n’en demeure pas moins qu’une réglementation locale d’interdiction de la consommation eut été nécessaire.

Pour en revenir à la crise actuelle, en dépit de compétences indiscutables des acteurs administratifs et d’une grande motivation des services déconcentrés, on constate une extrême segmentation dans l’approche du dossier de 2005 à 2007, non seulement entre les différentes administrations mais encore au sein d’un même ministère.

Organisation administrative territoriale de l'État en matière de sécurité sanitaire

 

Institutions décisionnaires

Principaux intervenants

Autres intervenants

International

- ONU

- UE

- OMS

- OMC

- Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA)

National

- Parlement

- Gouvernement :

•  Ministères : cabinets et directions d'administrations centrales (DG)

•  Structures interministérielles

Agences de sécurité sanitaire

- Instances d'expertise :

Haut Conseil de Santé Publique (ex CSHPF)

Comité de la prévention et de la précaution

Conseils nationaux : alimentation, air

InVS

Autres : AFSSA,

AFSSAPS,

AFSSET

ANAES,

IRSN,…

Supra régional

- Bassin hydrographique

- Préfet coordonnateur de bassin

- SD des ministères, coordonnateurs de bassins : DIREN, DRIRE, DRASS

   


- Zone de défense

- Préfet zonal

- SD des ministères, délégués de zone : DRASS,…

     

- Inter région

 



 

Régional

- Préfet de région

- SD des ministères (DR) : DRASS, …

   



Départemental

- Préfet de département

- SD des ministères (DD) : DDASS,...

     

Source : DRASS Rhône-Alpes

En effet, d’une part, à tel ou tel aspect du dossier - eau, poisson, sédiment, milieux aquatiques, pêcheurs, consommateurs- correspond une compétence ministérielle strictement délimitée assortie le cas échéant d’un certain pouvoir normatif : ministère de la santé, ministère en charge de l’écologie, ministère de l’agriculture et de la pêche, ministère de l’économie et des finances. A titre d’exemple, la seule surveillance des denrées alimentaires mises sur le marché est ainsi partagée entre la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture, compétente pour les denrées animales, et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère des finances, compétente pour les produits végétaux….Quant à la pêche, si la réglementation de la pêche en eau douce relève du ministère de l’écologie (direction de l’eau) de même du reste que la pêche de loisir, la pratique professionnelle de la pêche est réglementée par le ministère de l’agriculture (direction générale de la pêche).

D’autre part, ces compétences sont fréquemment morcelées à l’intérieur d’un même ministère : au sein du ministère de l’agriculture, considérés du point de vue des pêcheurs, les poissons relèvent de la direction générale de la pêche alors que, dans une perspective alimentaire, ils sont surveillés par la direction générale de l’alimentation.

Au ministère de l’écologie sont compétentes, respectivement, la direction de la prévention des pollutions et des risques pour la réglementation du produit PCB et la direction de l’eau pour la gestion et la protection du système fluvial et des milieux aquatiques, à l’exclusion des sédiments… La gestion de ces derniers relève d’un service d’État opérateur, compétent en matière de navigation pour les principaux axes fluviaux, en l’occurrence le service de navigation Rhône-Saône.

Il en résulte que chaque ministère, voire chaque direction, a une approche spécifique voire concurrente du dossier en fonction de logiques internes, de contraintes propres, parfois corporatistes, budgétaires le plus souvent mais pas exclusivement. Cela ne contribue pas a priori à insuffler une dynamique interministérielle ni à créer de véritables synergies...

L’empilement des compétences se retrouve à l’échelle des administrations déconcentrées :

− À l’échelon régional, le ministère en charge de l’écologie est éclaté avec, d’un côté les DRIRE et de l’autre, les DIREN. Il est regrettable, à cet égard, que la région Rhône-Alpes n’ait pas bénéficié de l’expérimentation de rapprochement de services déconcentrés menée depuis 2004 dans cinq régions dont Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Car le rapprochement des DRIRE et des DIREN a permis d’accroître la coordination des actions dans le domaine de l’eau et de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement et a contribué, d’une manière plus générale, à améliorer la prise en compte réciproque des enjeux propres à la politique de l’eau et à la politique industrielle. L’éclatement se retrouve dans les différentes polices administratives compétentes dans le domaine de l’environnement (eau, installations classées,…).

− À l’échelon départemental, certains ministères, à l’exclusion de celui de l’écologie, disposent de services déconcentrés appelés à intervenir sous l’autorité du préfet dans le dossier des PCB, en particulier les directions départementales des services vétérinaires (DDSV), les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF), les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) …

Pour mémoire, en 1990, le courrier de l’environnement de l’INRA précité relevait à propos de la gestion de la pollution des années 1985 que « le cloisonnement des différentes administrations, la délimitation stricte de leurs fonctions et compétences et leur hiérarchisation dans le processus…ne semble pas actuellement permettre le traitement satisfaisant de situations telles que celle mise en évidence sur le Haut-Rhône… ».

En outre, interviennent des agences, établissements publics nationaux :

− Consultés en raison de leur expertise, les agences de veille sanitaire, telles l’AFSSA et l’Institut national de veille sanitaire - également implanté pour ce dernier en région au moyen d’une cellule d’intervention régionale en épidémiologie (Cire)- ont défini à compter de 2005 les campagnes et les protocoles d’échantillonnages des poissons, lesquels sont analysés dans un laboratoire spécifiquement agréé situé à Nantes. En revanche, dans le cadre des plans de surveillance annuels placés sous la responsabilité du ministère de l’agriculture (DDSV), les poissons sont analysés dans les laboratoires vétérinaires départementaux.

− L’ADEME a élaboré le plan de retrait et d’élimination des appareils contenant des PCB sur la base des déclarations recueillies par les préfectures.

− Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui produit notamment des données sur les eaux souterraines et la pollution des sols n’a été paradoxalement consulté qu’à compter de juillet 2007.

− Le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (Cemagref) a effectué une étude de référence sur la contamination des poissons et des sédiments (56) à partir des analyses effectuées en 2005-2006.

− L’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse a coordonné les analyses des sédiments et de la qualité de l’eau.

S’ajoute enfin une complexité propre à l’organisation administrative du domaine de l’eau, qui est structurée, à un niveau supra régional par bassin hydrographique (57), ce qui tend à créer un échelon territorial supplémentaire avec les directions régionales déléguées de bassin. Objet d’une description précise et fort pertinente de la part du rapporteur du Sénat sur le pilotage de la politique de l’eau en 2007 (58), cette complexité appelle impérativement une rationalisation dans l’organisation des services de l’État et la poursuite de la rénovation de l’organisation administrative dans le domaine de l’eau engagée par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006. On peut espérer, en outre, que la réorganisation du ministère de l’écologie lancée en 2007, à la suite de la nouvelle organisation gouvernementale et de la création d’un grand ministère aux compétences transversales, apportera une certaine simplification.

Par ailleurs, un certain nombre de mesures mises en œuvre conformément à la directive cadre sur l’eau (analyses de la qualité de l’eau, par exemple) ont pu intervenir parallèlement à celles relatives à la pollution par les PCB.

Le cloisonnement administratif s’est traduit par un certain éparpillement dans la gestion des nombreuses investigations en l’absence d’interface entre les secteurs concernés, sanitaire et environnement. À défaut d’une coordination d’ensemble, chaque préfecture riveraine du Rhône a procédé aux analyses requises par l’AFSSA et pris les mesures de police qui s’imposaient à l’échelle de chaque département. Une gestion mieux coordonnée du dossier aurait sans doute permis à l’administration de formuler plus rapidement un diagnostic, d’apporter des réponses aux personnes impliquées, en particulier les pêcheurs privés d’activité professionnelle, et de délivrer des informations plus claires en direction des associations de protection de l’environnement et du public. Une impulsion gouvernementale s’est révélée indispensable pour faire avancer un dossier qui patinait et donner une cohérence d’ensemble à l’action de l’État.

b) Une première réponse : la mise en place d’un dispositif de coordination

Au cours de l’été 2007, tandis que le MEDAD était désigné comme chef de file, les services déconcentrés compétents étaient placés en alerte par le préfet de région, préfet coordonnateur de bassin.

Votre rapporteur, en sa qualité de député du Rhône, attirait l’attention de Mme Nathalie Kosciuzko-Morizet, secrétaire d’État à l’écologie sur l’urgence d’agir face à l’ampleur de cette pollution, lors d’une rencontre organisée au ministère avec d’autres élus et maires riverains du Grand Large, le 23 juillet. Il sollicitait, en outre, le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale en vue de la création par la commission d’une mission d’information, le 10 octobre 2007, dont le présent rapport constitue l’aboutissement.

A l’initiative de la secrétaire d’État  a été créé un comité d’information et de suivi, dénommé « comité de pilotage », qui s’est réuni à Lyon sous sa présidence le 10 octobre 2007. Composé des services de l’État concernés mais aussi des représentants des collectivités territoriales (conseils régionaux, conseils généraux, maires des communes concernées), des associations de protection de l’environnement, des représentants des pêcheurs amateurs et professionnels, des riverains et des industriels, ce comité a pour mission :

− d’associer les différents partenaires à la réflexion, 

− de partager la connaissance du phénomène de pollution et des actions déjà engagées,

− d’examiner et rendre un avis sur le programme d’actions pluriannuel (2008-2010) et suivre son application.

Dans un contexte de crise sanitaire, la création d’une telle structure de dialogue permet à tout le moins d’informer les riverains et le public en toute transparence.

L’animation du comité de pilotage est assurée par le préfet du Rhône, préfet de la région Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du bassin Rhône Méditerranée, dont le rapporteur tient à saluer l’action particulièrement volontariste. Tirant pleinement parti du renforcement de ses attributions en application du décret n° 2005-636 du 30 mai 2005 relatif à l'organisation de l'administration dans le domaine de l'eau et aux missions du préfet coordonnateur de bassin, son impulsion a été décisive pour l’amélioration de la coordination administrative. La mise en œuvre de la coordination est ainsi confiée à la DIREN Rhône-Alpes, DIREN de bassin qui a élaboré, à l’automne 2007, avec les différents services concernés le programme d’action pour le bassin du Rhône.

Réuni le 28 mai 2008, le deuxième comité de suivi et d’information a fait le point sur les engagements pris à l’échelle du bassin du Rhône, les actions en cours et a montré leur articulation avec le plan arrêté au niveau national en février 2008. Le comité de pilotage s’appuie sur deux groupes de travail également créés au cours de l’année 2007 et réunissant respectivement les services de l’État à l’échelle du bassin et les partenaires scientifiques et techniques (Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, CNRS - université de LYON I, École nationale des travaux publics de l’État, Zone atelier du bassin du Rhône, Bureau de recherches géologiques et minières, Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, Office national de l’eau et des milieux aquatiques, Fédération Rhône-Alpes des associations de protection de la nature, Compagnie nationale du Rhône).

2. Le Rhône : le fleuve test de l’efficacité du plan national d’actions

La pollution par les PCB ne se limitant pas au seul bassin du Rhône, c’est par une réponse d’envergure nationale que le Gouvernement a réagi à ce qui constituait initialement une question posée au niveau d’une région.

À l’occasion de la première réunion du COPIL à Lyon, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’État en charge de l’écologie énonçait les grandes lignes d’un plan national d’actions devant être mis en place pour faire face aux différents problèmes posés par la pollution aux polychlorobiphényles. Ce plan concerne l’ensemble des cours d’eau nationaux et s’applique bien évidemment au bassin rhodanien.

Il s’articule autours de six axes d’actions :

– intensifier la réduction des rejets de PCB dans les eaux ;

– améliorer les connaissances scientifiques sur le devenir des PCB dans les milieux aquatiques et gérer cette pollution ;

– renforcer les contrôles sur les poissons destinés à la consommation et adopter les mesures appropriées de gestion des risques ;

– améliorer la connaissance du risque sanitaire et sa prévention ;

– accompagner les pêcheurs professionnels et amateurs « impactés » par les mesures de gestion des risques ;

– évaluer et rendre compte des progrès du plan.

Les objectifs proposés constituent un pas important dans la recherche de solutions répondant à une approche réaliste de la situation dont il convient de se féliciter. La réponse ne correspond toutefois pas entièrement aux attentes des élus, des riverains, des pêcheurs et des populations concernées par les effets de la pollution.

Votre rapporteur a cependant pu constater qu’une partie des préoccupations dont il a fait état, lors des nombreuses auditions auxquelles il a procédé, ont été partiellement prises en compte…

a) Comment intensifier la réduction des rejets de PCB dans les eaux

Comme il a été dit précédemment, certaines installations soumises à réglementation, et notamment les installations chargées de l’élimination des PCB, peuvent rejeter des PCB dans les cours d’eau. Ces rejets ne sont autorisés qu’en très faibles quantités et l’activité de ces installations est soumise à un contrôle permanent des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement. Par contre, les déversements sauvages d’appareils contenant des PCB (actes de vandalisme sur les transformateurs par exemple) ou, plus ponctuellement, le lessivage de sols pollués aux PCB du fait d’activités anciennes demeurent encore des sources de contamination possibles des cours d’eau, notamment par les phénomènes de ruissellement. Le Gouvernement a donc estimé nécessaire de poursuivre et d’intensifier les efforts déjà entrepris visant à réduire l’impact des rejets de PCB.

● Une intensification du rôle de l’inspection des installations classées et l’établissement de nouvelles normes de rejet

Veiller à empêcher les rejets de PCB dans les eaux constitue, désormais, l’une des priorités assignées à l’inspection des installations classées. En effet, l'inspection des installations classées a pour mission de rechercher, à l'aide des bases de données dont elle dispose, les éventuelles sources de pollution qui pourraient encore être actives (y compris des sites arrêtés depuis plusieurs années et dont les sols seraient pollués) lorsqu'une pollution aux PCB aura été localisée dans les milieux aquatiques. Cette recherche des sources de pollutions historiques permettra ainsi de pouvoir confiner des « réservoirs » à PCB dans l’attente de pouvoir mettre en œuvre des opérations de dépollution des sites concernés.

Parallèlement à la recherche de ces sources liées à l’histoire industrielle du territoire, les directions régionales de l’environnement devront travailler en liaison avec les unités de gendarmerie et les services départementaux d’incendie et de secours afin d’enregistrer tout incident suspecté de libérer des PCB dans l’environnement.

Pour les installations autorisées, de nouvelles mesures de réduction des rejets de PCB seront définies. À ce sujet, il convient de rappeler que les taux autorisés sont fixés en tenant compte du régime hydrologique du cours d’eau dans lequel les rejets sont effectués. Elles se situeront dans le prolongement de l’action déjà entreprise de réduction des rejets de substances dangereuses dans l’eau et s’inscriront dans le cadre de l’objectif défini par le plan national d’actions de réduction des substances dangereuses. D’éventuelles nouvelles normes, plus contraignantes, pourraient être fixées si les résultats des études en cours en montraient la nécessité.

Enfin, il convient de souligner que le programme d’actions de l’inspection a retenu, parmi ses priorités, pour l’année 2008, s’orienter ses contrôles sur les inspections de suivis de la surveillance plutôt que sur les pollutions accidentelles.

● L’élaboration de dispositions spécifiques dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

Le plan national d’actions prévoit la prise en compte des dispositions spécifiques concernant les PCB dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, en cours d’élaboration. Il convient de rappeler ici que l’élaboration, au niveau de chaque bassin hydrographique d’un SDAGE découle de l’application des dispositions de la directive de la Communauté Européenne 2000-1960 du 22 décembre 2000  (dite directive cadre sur l’eau). Celle-ci établit un cadre général pour la politique communautaire dans le domaine de l’eau. Cette directive engage les pays de l’Union européenne dans un objectif de reconquête de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques. Votre rapporteur regrette que l’Union européenne, n’ait qu’une vision beaucoup trop sectorisée des milieux aquatiques, ne tenant pas compte des aspects sanitaires et des sols. Une vision plus globale des réseaux hydrographiques et de leur environnement semble encore à inventer.

La loi n° 2004-338 du 21 avril 2004, portant transposition de la directive cadre en droit français et la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques reprennent le principe selon lequel un plan de gestion des grands bassins hydrographiques doit être mis en place et ses objectifs intégrés au SDAGE.

Le SDAGE Rhône Méditerranée pour la période 2009-2015 a été soumis à la consultation du public depuis le 15 avril dernier en vue de son approbation en 2009. Force est de constater que les PCB n’y figurent que comme un point majeur d’une des cinq rubriques (identifiées de 5A à 5E) de l’orientation fondamentale n° 5 « lutter contre les pollutions, en mettant la priorité sur les pollutions par les substances dangereuses et la protection de la santé ». Les PCB y sont traités au même titre que les autres substances dangereuses qui font l’objet de l’orientation fondamentale n° 5C « lutter contre les pollutions par les substances dangereuses ». Il est notamment prévu de compléter et d’améliorer la connaissance nécessaire des pollutions et de leurs origines ainsi que de leur suivi afin de faciliter la mise en œuvre d’actions opérationnelles et de mieux appréhender les transferts de contaminants bioaccumulables présents dans les sédiments le long de la chaîne trophique (point 1 de la disposition 5C-01).

On ne peut que regretter qu’aucune disposition particulière visant les PCB n’apparaisse dans les autres dispositions de l’orientation fondamentale 5C, que ce soit en ce qui concerne :

– la disposition 5C-02 « réduire les émissions et éviter les dégradations chroniques et accidentelles », qui ne mentionne pas nommément les PCB parmi les substances impliquées dans l’évaluation du bon état chimique des masses d’eau. Cette absence s’explique, sans doute, en raison de leur très faible solubilité et de leur caractère hydrophobe. Votre rapporteur souhaite toutefois, compte tenu de l’importance que revêt la pollution du bassin du Rhône par les PCB, que les PCB figurent expressément parmi les substances recherchées ;

– la disposition 5C-03 qui recommande d’« établir les règles d’une gestion précautionneuse des travaux sur les sédiments aquatiques contaminés ». Il est vrai que les quatre orientations qui y sont énoncées (qualification des sédiments dans les zones faisant l’objet des travaux sur les sédiments contaminés ainsi que dans les zones qui seront soumises à re-déposition des matières mises en suspension par les travaux, choix des méthodes de travaux adaptés aux niveaux de contamination des sédiments, seuils de contamination au-delà desquels les sédiments seront extraits et traités comme déchets toxiques, contrôles sur les eaux, sédiments et éventuellement poissons, avant, durant et après les travaux) s’appliquent également aux sédiments contaminés par les PCB. La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) qui exploite la navigation et gère les ouvrages de retenues sur le fleuve est directement concernée par ces recommandations. C’est en effet la CNR , en relation avec le service de la navigation Rhône-Saône, qui effectue les travaux de dragage pour maintenir la navigabilité du Rhône. Il convient de souligner que, lors de leur audition par le rapporteur, ses représentants ont indiqué qu’ils respectaient intégralement les clauses du cahier des charges qui lie la CNR à l’État. Encore convient-il que celui-ci comporte clairement les obligations mises à la charge de la CNR en matière d’analyse des sédiments avant, pendant et après des opérations de dragage ;

– la disposition 5C-04 « réduire les pollutions des établissements raccordés aux agglomérations » recommande, qu’à compter de 2012, les règlements d’assainissement des collectivités de plus de 100 000 habitants ainsi que celles de plus de 30 000 habitants situées sur des bassins versants de degré 1 comportent un volet « substances dangereuses » spécifiant les dispositions particulières à respecter en fonction des secteurs d’activités industrielles ou artisanales concernées. Les rejets des stations d’épuration (STEP) sont également visés par cette action, notamment celles ayant fait l’objet d’une analyse concluant à des apports significatifs. Votre rapporteur considère que cette disposition du SDAGE manque singulièrement d’ambition, les populations retenues comme seuils pour l’application de la recommandation lui paraissant trop importantes, de même qu’il lui paraît souhaitable, au vu des études effectuées sur la présence de PCB dans les stations d’épuration, d’étendre son application à toutes les STEP, que l’agglomération comporte où non des activités industrielles particulières ;

– la disposition 5C-06 « sensibiliser et mobiliser les acteurs » qui omet de mentionner expressément les PCB comme devant faire l’objet d’une sensibilisation particulière auprès des différentes parties prenantes locales à l’élaboration des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE).

Enfin, ne conviendrait-il pas que l’orientation fondamentale n°5-E « évaluer, prévenir et maîtriser les risques pour la santé humaine » comporte quelques recommandations relatives aux PCB ? La recherche de la présence de ces substances, au même titre que les nitrates et les pesticides, dans les eaux des aires d’alimentation des captages destinées à l’approvisionnement pour la consommation humaine ne devrait-elle pas être systématique dans les zones contaminées ?

● Renforcer le suivi du plan national de décontamination et d’élimination des appareils contenant des PCB

Les grandes lignes du plan national de décontamination et d’élimination des appareils contenant des PCB ayant été exposées précédemment (cf. : I, B, 1, a), il sera rappelé, pour mémoire, que ce plan prévoit :

– l’élimination au plus tard le 31 décembre 2010 de tous les appareils contenant plus de 500 Ppm en masse de PCB (soit plus de 500 milligrammes par tonne ou encore 0,5 milligramme par kilogramme),

– que l’inventaire réalisé par l’ADEME, en juin 2002, recensait 545 610 appareils répondant à l’obligation de déclaration (soit environ 33 462 tonnes de PCB), dont 52 294 appareils pour la région Rhône-Alpes.

Le plan national de décontamination et d’élimination (constitué d’un plan général et de plans particuliers) fait l’objet d’un suivi au niveau national par l’ADEME. Ce suivi doit être renforcé. L’Agence, fortement sensibilisée à la problématique des PCB, montre une forte détermination, notamment pour améliorer le contenu de l’inventaire existant et les conditions du respect des engagements des parties concernées.

Il apparaît nécessaire de revenir sur les conditions dans lesquelles l’inventaire des appareils à déclarer a été effectué. De même, il convient de rappeler que la décision de la Cour de justice européenne du 6 juin 2002 condamnant la France pour manquements à ses obligations a donné une accélération au processus d’élaboration du plan, rendant les conditions dans lesquelles il a été réalisé assez hasardeuses, vitesse et précipitation ayant été parfois confondues. En effet, aux termes de la procédure définie par l’État, les possesseurs d’appareils susceptibles de contenir des PCB étaient tenus d’en faire la déclaration auprès de leur préfecture. Or, une certaine fébrilité a semble-t-il accompagné la transmission des quelque 550 000 bordereaux adressés par les services préfectoraux à l’ADEME (il parait plus que probable qu’une partie des bordereaux ne soit jamais parvenue à l’Agence) et leur saisie s’est effectuée sans véritable contrôle, rendant plus qu’incertain le contenu de l’inventaire. À ce sujet, il convient de signaler qu’aucune donnée n’était disponible, en 2003, sur les quantités estimées de PCB pour l’Alsace et les DOM-TOM.

S’agissant de sa mise à jour, il semblerait que tous les déclarants n’apportent pas toujours le zèle attendu dans la notification des opérations réalisées. Aussi l’ADEME n’est-elle capable à ce jour que de donner des informations sur la tendance globale de l’application du plan général et des informations approximatives sur les bilans des plans particuliers.

À l’approche de l’échéance de 2010, une nouvelle campagne de communication à destination des détenteurs d’appareils contenant des PCB sera effectuée. Lors des visites d’inspection, les DRIRE seront amenées à rappeler aux exploitants leurs obligations en termes d’élimination des appareils contenant des PCB et à faire, le cas échéant, un point sur le respect des échéances intermédiaires annoncées.

Sans doute, compte tenu des incertitudes pesant sur la validité des informations collectées lors de l’établissement de l’inventaire initial (difficultés de traitement, application informatique imparfaite et caractère incomplet des réponses des déclarants) et des inquiétudes pesant sur la fiabilité de sa mise à jour, serait-il utile, pour ne pas dire indispensable, de procéder à un inventaire complémentaire et faire en sorte que les sanctions prévues soient effectivement appliquées.

Le plan national d’actions dispose que les plus gros détenteurs, au nombre desquels figurent Électricité Réseaux Distribution France (ERDF) et les entités SNCF et RFF (Réseau Ferré de France), seront suivis au niveau national par le ministère chargé de l’écologie et, le cas échéant, convoqués pour faire un point précis.

Sur la base des déclarations initiales, le parc d’appareils susceptibles de contenir des PCB détenus par SNCF-RFF s’élevait à 336 appareils dont les fluides étaient des PCB et à 1307 appareils contaminés. La SNCF avait souhaité intégrer l’objectif d’élimination des PCB dans une démarche globale de rationalisation et d’optimisation de ses installations électriques. L’entreprise a donc mis en place un programme pluriannuel pour l’élimination de ses équipements, comprenant un volet financier couvrant l’intégralité de la période, jusqu’à l’échéance du 31 décembre 2010. Cette planification a compris une phase préparatoire au cours de laquelle la SNCF a procédé à des prélèvements sur ses équipements, afin de vérifier la teneur en PCB des fluides diélectriques qu’ils contenaient. Outre les transformateurs nécessaires à l’alimentation des lignes et du parc immobilier, le plan particulier de la SNCF concerne notamment les condensateurs équipant les locomotives et les rames automotrices. D’ici la fin de l’année 2010, la société nationale prévoit de retirer 159 locomotives électriques. L’ampleur des investissements occasionnés permet de mieux comprendre l’étalement des opérations de démantèlement. L’élimination des autres équipements contaminés aux PCB est effectuée lors des opérations de grand entretien. Il semblerait toutefois que la SNCF et RFF n’aient communiqué à l’ADEME que de façon chaotique les informations relatives au suivi des objectifs de leur plan d’élimination.

ERDF est de loin l’entreprise détenant le parc d’équipements contaminés le plus important. L’inventaire initial comprenait pas moins de 449 400 appareils potentiellement pollués, dont 256 800 transformateurs dits « haut de poteau » (modèle H 61) et 192 600 transformateurs de cabine. La proportion de PCB dans les diélectriques des appareils n’étant pas toujours connue (les fabricants n’ayant pas toujours eu l’obligation de faire figurer la composition du diélectrique sur l’équipement), ERDF, comme du reste la SNCF, doit vérifier, pour chaque type d’appareil la teneur en PCB des fluides présents dans les transformateurs. Pour l’avoir constaté en se rendant sur le terrain, votre rapporteur a pu mesurer les contraintes occasionnées par les opérations de prélèvements aux fins d’analyses des diélectriques (nécessité de priver les usagers de courant pendant la durée de l’opération). De même, il a pu constater l’ensemble des mesures de précautions prises lors de ces opérations. Elles concernent en premier lieu les personnels effectuant les prélèvements, mais aussi la protection de l’environnement, l’ensemble des manipulations suivant un protocole rigoureux de façon à réduire au maximum les risques d’incidents. Compte tenu de l’importance du parc concerné, ERDF a inscrit sa campagne de décontamination et d’élimination dans une démarche globale, afin d’optimiser ses opérations de prélèvements. C’est dans cette optique qu’elle a élaboré une base de données concernant les différents types d’appareils de son parc en fonction de leurs caractéristiques, permettant ainsi une approche statistique autorisant des économies d’échelle. Au 31 décembre 2007, le nombre de transformateurs restant encore à analyser s’élevait à 349 400, parmi lesquels :

– 54 600 pourraient être pollués à plus de 500 parties par million,

– 88 800 potentiellement pollués entre 50 parties par million et 500 parties par million,

– 206 000 appareils présentant un taux de PCB inférieur à 50 parties par million ou nul.

Sous réserve que la société ne se heurte pas à des difficultés d’approvisionnement sur les marchés des transformateurs et que les entreprises de démantèlement et d’élimination des PCB soient en mesure de faire face à l’afflux de commandes, la SNCF devrait, selon ses prévisions, être en mesure de respecter les obligations de son plan particulier de décontamination et d’élimination des PCB.

Plus globalement, votre rapporteur nourrit quelques craintes au regard du respect de l’échéance du 31 décembre 2010 par l’ensemble des détenteurs d’équipements contenant des PCB. En effet, l’élimination des fluides contenant des PCB et la décontamination des appareils concernent l’ensemble des pays européens. Des mesures identiques à celles applicables dans l’Union européenne ont été également prises par bon nombre d’autres pays sur d’autres continents, créant une tension importante sur les marchés de fluides diélectriques et des appareils tels que les transformateurs et les condensateurs, ce qui pourrait retarder l’application effective du plan national et des plans particuliers. Malgré les propos rassurants tenus lors de ses auditions, il n’est pas persuadé que les industriels ayant en charge la décontamination des appareils et l’élimination des PCB soient en mesure de faire face aux plans de charge qui seront les leurs face d’une part à l’afflux d’équipements à dépolluer et, d’autre part, en raison des limites imposées par les pouvoirs publics sur les volumes maxima de PCB susceptibles d’être traités. À ce jour, les centres d’élimination de Saint-Vulbas et de Saint-Auban ne sont autorisés à traiter annuellement qu’un volume cumulé de 17 000 tonnes de PCB. Sur ce dernier point, il lui semble que les quotas imposés aux deux unités industrielles d’élimination pourraient être utilement relevés, tout en maintenant les mêmes seuils annuels de rejets autorisés.

Au terme de la réglementation communautaire, les équipements présentant un volume de PCB compris entre 50 Ppm et 500 Ppm peuvent être éliminés à la fin de leur terme d’utilisation. Peut-être y aurait-il intérêt de prévoir un deuxième volet au plan d’élimination et de décontamination permettant d’assurer le suivi des appareils et équipements présentant une teneur en PCB comprise entre 50 Ppm et 500 Ppm. À cette fin, il convient de redonner vie, sous une forme allégée, la commission consultative qui avait été créée pour l’élaboration du plan national de décontamination et d’élimination. Elle pourrait voir ses missions élargies à des actions de contrôle du suivi.

Enfin, le Gouvernement prévoit de conduire, d’ici la fin de l’année en cours, une action spécifique pour limiter les actes de vandalisme dus au vol par des équipes souvent spécialisées qui ont tendance à se multiplier en raison du cours élevé des métaux tel que le cuivre, notamment auprès des fédérations professionnelles de récupérateurs de métaux pour les inciter à la mise en œuvre du plan. Sans doute, cette campagne devrait-elle comprendre un volet relatif au démantèlement obligatoire des appareils et équipements électriques abandonnés dans les friches industrielles et commerciales où leur présence est avérée.

Par ailleurs, le Gouvernement pourrait envisager de mettre en place temporairement une « écotaxe » acquittée par les détenteurs d’équipements contenant des PCB qui n’auraient pas respecté les engagements du plan national de décontamination et exigible du premier janvier 2011 à la date de mise en conformité. Le produit de cette « taxe PCB » pourrait être affecté par priorité à un fonds particulier destiné à l’application du plan national d’actions.

b) Déterminer le devenir des PCB dans les milieux aquatiques en améliorant les connaissances scientifiques pour gérer cette pollution

Au vu de l’état des connaissances scientifiques au tout début des années 2000 et des pollutions connues à travers le monde, la communauté internationale a, en adoptant la convention de Stockholm, placé les PCB sur la liste des polluants organiques persistants, bannissant ainsi leur utilisation. Force est toutefois de constater que, malgré les nombreuses études déjà entreprises, d’importants progrès restent encore à accomplir dans la connaissance des PCB, de leur mode de dissémination dans l’environnement et sur la façon de gérer la pollution qu’ils génèrent. Le plan national d’actions se fixe également pour objectif de mettre en œuvre des moyens nouveaux pour faire progresser les connaissances scientifiques dans ces différents domaines.

● Comprendre les liens entre la contamination des sédiments et des poissons pour cibler les éventuels chantiers de dépollution

La découverte de poissons contaminés par des polychlorobiphényles a conduit les pouvoirs publics à confier au Cemagref la mission d’entreprendre une étude (59)pour tenter d’appréhender les origines de cette contamination. Cette première approche, dont les résultats ont été rendus publics en juin 2007, a permis de mettre en lumière les liens susceptibles d’être établis entre le mode de vie de certaines espèces de poissons et la pollution en PCB des zones dans lesquelles elles évoluent. Elle a également fait apparaître les difficultés à apporter avec certitudes des réponses aux nombreuses interrogations posées, en raison de la complexité d’un phénomène due à la multiplicité des paramètres en jeux. Il convient, en effet, de prendre en compte non seulement les comportements des différentes espèces de poissons ainsi que leur âge, mais aussi les différentes molécules de PCB et leur concentration dans les sédiments, la nature des sédiments, comme les différents régimes dynamiques et thermiques du fleuve.

Si cette étude a confirmé l’existence d’une corrélation certaine entre la contamination des poissons et la pollution des sédiments du milieu dans lequel ils vivent, elle précise néanmoins que les processus de transferts entre le milieu aquatique et ses occupants sont pour le moins difficiles à appréhender.

Dans les secteurs où le cours du fleuve a une vitesse rapide, donc sans accumulation de sédiments, la contamination des poissons pourrait s’effectuer par l’intermédiaire des matières en suspension absorbées par les poissons, ainsi que par voie trophique, les PCB pouvant soit être fixés sur les aliments, soit être absorbés partiellement sur les végétaux ou les organismes vivants servant de nourriture aux poissons. Dans les sections du fleuve à plus faible courant, ainsi que dans les zones lacustres ou les canaux, les poissons benthiques pourraient être contaminés par leur contact quasi permanent avec les sédiments pollués, leur absence générale de nomadisme constituerait un facteur supplémentaire pouvant expliquer leur contamination. Enfin, les poissons carnassiers, quel que soit le milieu dans lequel ils évoluent, seraient contaminés par voie trophique dès lors que leurs proies seraient elles-mêmes contaminées.

Comme on peut le constater, les connaissances scientifiques actuelles posent encore autant, voire plus, de questions qu’elles n’apportent de réponses, la complexité des hypothèses avancées appelant de nouvelles interrogations. Aussi il apparaît indispensable de poursuivre les investigations déjà entamées. Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l’initiative gouvernementale de confier au Cemagref le soin de conduire, dès à présent, une étude complémentaire visant à mieux comprendre les phénomènes complexes de transferts des PCB des sédiments vers les poissons d’eau douce. Concrètement, l’une des applications possibles sera de tenter de mettre en évidence des corrélations géographiques entre la contamination des sédiments et celle des poissons. Au vu des résultats, il sera possible d’identifier des zones contaminées dans lesquelles les sédiments devront être gérés avec précaution (dragage dans des conditions spécifiques) ainsi que les zones fortement polluées donc à décontaminer en priorité. Cette étude devrait se dérouler sur deux années et les crédits affectés à la première année (2008) s’élèvent à 237 000 euros.

Il semblerait que le Gouvernement s’interroge sur la pertinence d’une extension de l’étude aux réseaux trophiques et poissons d’eau de mer en zone estuarienne. Votre rapporteur estime que, eu égard aux enseignements tirés des exemples de pollutions estuariennes dans la baie de Seine et à l’étranger, l’heure n’est plus aux interrogations et qu’il convient, sans attendre, de passer à l’acte en étendant le champ de l’étude.

● Comprendre les phénomènes de transfert sédimentaire et établir une doctrine pour la conduite des opérations de dragage

S’agissant de la pollution des sédiments, si le Cemagref réaffirme l’existence d’une pollution historique due à la présence d’anciens sites industriels polluants, il identifie clairement d’autres sources probables de pollution. Les rejets des stations d’épuration et leurs boues, les eaux pluviales (par le phénomène de ruissellement) ainsi que les pollutions sauvages et accidentelles participent aujourd’hui encore à la dissémination des PCB dans la nature. L’étude du Cemagref s’interroge également sur le niveau de la contribution des pollutions atmosphériques sur les flux totaux de PCB dans le Rhône. De même, les auteurs de l’étude posent la délicate question du rapport entre la pollution en PCB des sédiments et la concentration en matières en suspension charriées par le fleuve (au niveau de Lyon, le Rhône charrie environ quatre millions de tonnes de sédiments par an et il en charrie près de 11 millions de tonnes/an à son débouché dans la Méditerranée). Enfin, de nombreuses interrogations demeurent sur l’existence de possibles corrélations entre la nature de chacun des congénères et les diverses caractéristiques physico-chimiques des matières en suspension. Il n’est, en effet, pas impossible que certains types de PCB se fixent préférentiellement sur tel ou tel type de sédiments.

La dynamique même des sédiments pose question. En effet leur comportement diffère avec l’intensité du débit et des courants. Il n’est pas impossible que celui-ci soit également capable de variations en fonction des concentrations de PCB transportés, de leur capacité à se déposer en strates successives ainsi que de leur capacité à être remobilisés lors des crues, les chasses dans les canaux et les vidanges de barrages. Il apparaît toutefois que la couche superficielle de sédiments demeure très mobile et participe, pour une part non négligeable à la propagation de la contamination du réseau hydrographique.

Compte tenu de l’état des connaissances existantes, il apparaît utile, dans ce domaine particulier des transferts de sédiments, de lancer des études complémentaires afin d’améliorer la compréhension des phénomènes de transferts, qu’ils soient naturels ou artificiels. Ces nouvelles études devront être conduites en divers points du bassin du Rhône pour tenir compte de la spécificité des différences de débit ainsi que des phénomènes de turbulence des eaux. La diversité du cours du fleuve permet d’appréhender les différentes situations possibles. Ainsi, en concentrant les moyens sur une seule région et en évitant leur éparpillement sur l’ensemble du territoire, il sera possible de renforcer l’efficacité des recherches. Les enseignements qui pourront en être tirés devraient pouvoir servir de base à une extrapolation permettant de mieux cerner la propagation de la pollution des différents cours d’eau nationaux.

Un guide, réalisé par l’Agence de l’eau Artois-Picardie et le Pôle de Compétences Sites et Sédiments Pollués dans le cadre d’un programme européen (programme LIFE) décrit l’ensemble des opérations de dragages et de traitement des sédiments. Il présente un inventaire technique et financier des différentes méthodes de curage, de traitement et des usages possibles des sédiments. Les pistes qu’il contient peuvent être utilement réexaminées afin d’être mieux adaptées au cas particulier de la pollution par les PCB.

Il apparaît particulièrement important à votre rapporteur que la conduite de ces études complémentaires soit l’occasion de mutualiser l’ensemble des compétences et des connaissances déjà acquises. C’est ainsi que devraient être associés à ces études qui seraient confiées au Cemagref qui possède déjà une bonne appréhension des sédiments du Rhône, non seulement les ingénieurs et techniciens de la Compagnie nationale du Rhône qui interviennent de façon permanente sur le lit du fleuve, mais aussi une équipe du BRGM dont l’expérience des sols et de leur dynamique doit être utilement mise à profit.

Sur la base des résultats de ces études, il sera vraisemblablement possible d’élaborer et de définir des procédures mieux adaptées pour concilier les obligations de dragage du lit du Rhône, d’entretien des rives et des ouvrages hydrauliques et la remise en suspension des sédiments contaminés consécutive à ces opérations.

● Bâtir un programme de recherche appliquée sur les techniques de dépollution à mettre en œuvre dans les zones les plus contaminées

La pollution du Rhône par les PCB est particulièrement difficile à appréhender du fait qu’elle découle d’une accumulation de matières en suspension dans les différentes couches de sédiments. D’après les rapports d’études établis par le CEMAGREF, il semble que les sédiments les plus anciens des strates inférieures présentent les taux de pollution les plus importants. Ce constat, sauf à envisager une migration par gravitation des PCB qui n’a pas été clairement écartée, confirme le caractère historique de la pollution. Dans ces conditions, il importe donc d’envisager avec la plus grande prudence d’éventuelles opérations impliquant la manipulation des sédiments afin d’éviter de remettre en suspension les sédiments les plus anciens, de les « remobiliser ».

Le dragage des sédiments, puis leur traitement selon des moyens appropriés, peut toutefois être retenu pour répondre à des pollutions importantes et ponctuelles clairement identifiées et quantifiées. Toutefois, ces techniques sont difficilement envisageables à grande échelle pour des raisons environnementales, techniques et financières. Leur utilisation apparaît cependant concevable, sans trop de dommages, dès lors qu’il devient possible de confiner la zone à traiter. Tel pourrait être le cas de portions de canaux polluées situées entre deux écluses, ou de sites pollués du fleuve dans lequel le débit et/ou les courants sont faibles et où, par voie de conséquence, la sédimentation est plus importante. Ces opérations seraient rendues possibles en recourant à l’implantation préalable de « pal planches 60» afin d’étancher la zone à dépolluer. Cette solution pose cependant le problème délicat du séchage des sédiments extraits. En effet, ceux-ci ne peuvent être incinérés, ni confinés, qu’après avoir été privés d’une part substantielle de leur eau. Par ailleurs, en raison des risques de dissémination et du coût, humides, leur transport est difficilement envisageable. Cette phase de dessiccation des sédiments ne peut être opérée que de telle façon qu’elle ne devienne pas une nouvelle source de pollution atmosphérique par les PCB en raison de leur volatilisation.

Parallèlement à ces techniques classiques, il est nécessaire de se tourner également vers des techniques de dépollution in situ, qui relèvent pour l’instant du domaine de la recherche appliquée. Le retour d’expériences sur des pays étrangers (notamment la Norvège, le Canada et les États-Unis) qui ont eu à gérer de telles pollutions montre que les solutions de dépollution retenues sont l’application d’une ou la combinaison de plusieurs des éléments suivants :

– atténuation naturelle associée à une surveillance environnementale ;

– confinement in situ des sédiments pollués ;

– traitement physico-chimique ou biologique (ce dernier traitement n’est pas autorisé par le règlement européen 850/2004 pour l’élimination des PCB mais peut être utilisé pour l’extraction des PCB) ;

– extraction des PCB des sédiments en milieu humide par contact avec du charbon actif.

Toutefois, la mise au point et l’application de ces techniques nécessitent le recours à des technologies performantes et innovantes. Cela suppose l’intervention d’organismes de recherche ayant développé des connaissances et des compétences, tant sur le plan de la recherche fondamentale que dans celui de la recherche appliquée, non seulement dans les domaines de la physique et de la chimie, mais aussi dans celui de l’environnement. La région Rhône-Alpes bénéficie dans ce domaine d’un atout réel. Elle abrite le pôle de compétitivité AXELERA qui constitue une filière à la fois scientifique et industrielle à vocation internationale et conjugue chimie et environnement.

Ce pôle de compétitivité, créé en 2005 par Arkéma, Rhodia, Suez, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut français du pétrole (IFP) a fort justement été invité à collaborer aux travaux du comité de pilotage sur la pollution du Rhône par les PCB. En avril 2008, mission lui a été effectivement confiée d’élaborer un programme d’études pour appel à projets de recherche. Ce projet baptisé « PCB AXELERA » porte sur le développement d’une gamme de technologie de traitement de la pollution par les PCB. Il vise à mieux comprendre les phénomènes de contamination, à déterminer des outils d’évaluation et d’analyse du taux de contamination et à développer de nouveaux produits, procédés et technologies de traitement des sédiments pollués. Le projet est piloté par Suez Environnement et regroupe 36 partenaires et son coût est évalué à 12,6 millions d’euros sur une durée de 40 mois. Le programme d’études s’inscrit dans le champ de deux des axes stratégiques qui avaient été définis dès l’origine par AXELERA :

– un projet portant sur le traitement de l’eau, en application de la directive cadre européenne sur l’eau (projet Rhodanos) ;

– un projet portant sur la valorisation des sites, plus particulièrement la dépollution des sols dans le cadre de recherches sur l’élimination des molécules persistantes.

En tout état de cause, un traitement efficace des sédiments ne peut être sérieusement envisagé que de manière globale. En effet, s’il comprend plusieurs phases, chacune de celles-ci ne peut être conçue de manière isolée. Ainsi doivent se succéder l’excavation des sédiments, la séparation physique des particules contaminées et la neutralisation des polluants (les PCB étant souvent accompagnés d’autres types de polluants minéraux ou organiques) par neutralisation ou confinement.

D’autres voies demeurent à explorer, notamment le confinement in situ des sédiments au fond du fleuve. Plusieurs pistes de ce type avaient été présentées pour faire face à la pollution du canal Lachine à Montréal au Canada. Toutefois, pour intéressantes qu’elles soient, la majorité d’entre elles ne peuvent être transposées pour être appliquées au cas du Rhône, son débit et ses courants ne pouvant être comparés au régime hydraulique d’un canal. Il convient toutefois de signaler que la Commission Conjointe Fédérale-Provinciale réunie pour examiner le projet de décontamination du Canal Lachine a décidé, en 1996, de recommander une solution dite de « non intervention ».

S’agissant de la dépollution de l’Hudson River (Massachusetts, États-Unis), les pouvoirs publics ont retenu la solution du dragage (mécanique et hydraulique) des 40 zones contaminées de la rivière. Une fois extraits, les sédiments seront confinés. Le financement des opérations devrait s’élever à plus de 300 millions de dollars, pour un coût de 150 dollars par mètre cube de sédiments.

Enfin, de nombreux travaux ont été menés pour étudier la biodégradation des PCB en milieu aérobie (à l’air libre) et en milieu anaérobie (en milieu privé d’air, ce qui est le cas des milieux aquatiques). Il en ressort que des populations de bactéries anaérobies se développent avec le temps et agissent par « déchloration » des PCB les plus chlorés, donc les plus toxiques. Dans le Rhin, au niveau du lac Ketelmeer (Pays-Bas), la toxicité liée à quatre congénères a diminué de 75 % en vingt années (61).

Quelles que soient les technologies, autres que l’incinération, envisagées pour l’élimination des PCB, il importera de s’assurer que les sous produits résultant des modes opératoires choisis ne généreront pas de nouveaux produits toxiques et/ou polluants.

● Étudier l’impact sur les cultures irriguées de la contamination par les PCB

L’une des questions qui préoccupe votre rapporteur, indépendamment de la question de la contamination des poissons de rivière, est celle d’une éventuelle contamination des cultures par des eaux contenant des matières en suspension. Elles peuvent être le résultat de l’irrigation, voire celui des crues du Rhône ou de ses affluents. En effet, les matières en suspension contenues dans les eaux pompées dans les cours d’eau et destinées à l’irrigation ou celles charriées par l’eau des crues peuvent déposer sur les terres agricoles des alluvions ayant fixé des molécules de PCB.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter en constatant que l’une des questions qu’il a maintes fois soulevée au cours de ses auditions soit reprise dans le plan national d’actions. Celui-ci prévoit en effet de faire pratiquer des analyses ciblées sur des cultures qui font l’objet d’une irrigation à partir des eaux du Rhône. Elles seront conduites par le Service Régional de la Protection des Végétaux (SRPV). Par ailleurs, les analyses confiées à ce service porteront sur des grandes cultures qui peuvent avoir un débouché pour l’affouragement des animaux et sur des cultures pour l’homme (notamment fruitières et céréalières).

Selon les termes du plan national, les analyses devraient permettre de vérifier que la pratique de l’irrigation n’induit pas de dépôt de sédiments contaminés sur ces cultures dans des proportions faisant encourir un risque. La dernière formulation employée dans la définition de l’objet de l’étude fait craindre que les proportions de PCB retenues ne tiennent pas compte du phénomène de bioaccumulation des PCB dans l’organisme, notamment avec ceux présents dans d’autres aliments. Il paraît donc hautement souhaitable que l’AFSSA soit associée à cette étude.

La présence de PCB dans l’alimentation végétale a longtemps été considérée comme résultant d’un rinçage insuffisant des aliments. Certaines expérimentations ayant démontré que les PCB ne passaient pas du sol vers les plantes, on considère que les végétaux ne sont pas susceptibles de les absorber. Or, selon l’AFSSA, les produits végétaux contribueraient à hauteur de 5 % à 12 % à l’apport en PCB chez l’homme. Face à cette situation, il importe de confier à l’INRA une étude complémentaire permettant de déterminer, avec certitude, si les PCB peuvent ou non être absorbés par les végétaux et, dans l’hypothèse où l’absorption s’avérerait fondée, comment cette contamination s’effectue.

Si les thèses actuelles d’une simple pollution superficielle des végétaux sont validées, les pouvoirs publics devront entreprendre une large campagne d’information afin d’insister auprès de la population sur la nécessité de procéder au nettoyage des produits végétaux avant leur consommation.

Au titre de l’exercice budgétaire 2008, l’État a affecté 50 000 euros aux analyses portant sur les végétaux irrigués et à l’usage des sédiments du Rhône en agriculture.

c) Renforcer les contrôles sur les poissons et les sédiments pour améliorer la gestion des risques sanitaires

L’AFSSA a proposé, dans son avis du 5 février 2008, un protocole de prélèvements des poissons de rivière, afin :

– d’éviter toute consommation de poissons dont le taux de PCB serait non conforme aux normes autorisées ;

– de rendre possible, de façon différenciée par espèce, la consommation des poissons présentant des taux de PCB inférieurs aux seuils et ne posant pas de problème sanitaire.

La mise en œuvre de cette stratégie repose sur la mise en œuvre d’un plan d’échantillonnage et de contrôle de poissons et/ou de sédiments.

La méthodologie retenue permet d’envisager trois scenarii de gestion possibles :

– la consommation de poissons peut être autorisée, sans restriction liée aux espèces de poissons et sans risque pour le consommateur ;

– toutes les espèces de poissons sont très probablement contaminées avec un dépassement des limites maximales réglementaires, et par conséquent un risque supplémentaire pour tout ou partie des consommateurs. Cette hypothèse entraînera une interdiction totale de consommation des poissons de la zone géographique contaminée ;

– le dépassement des limites maximales réglementaires ne concerne probablement que quelques espèces avec un risque sanitaire potentiel pour toute ou partie des consommateurs des espèces concernées. Cette troisième situation pourrait conduire à des interdictions de pêche restreintes aux espèces fortement contaminées. Ces espèces seront identifiées sur la base des résultats recueillis, voire de résultats complémentaires si nécessaires. Si ce dernier scénario devait être appliqué, votre rapporteur recommande la mise en place d’une procédure de contrôle renforcée portant non seulement sur les espèces contaminées, mais aussi, et surtout, sur celles épargnées initialement par la contamination, sur la base de prélèvement d’échantillons plus importants.

Pour la mise en œuvre de cette stratégie, les analyses de sédiments sont poursuivies et un plan national d’échantillonnage des poissons en milieux aquatiques a, d’ores et déjà, été lancé. La surveillance des produits de la pêche mis sur le marché sera également poursuivie.

Pour tenir compte du phénomène de bioaccumulation dans la chair des poissons, il serait souhaitable qu’un seuil maximum de polychlorobiphényles soit fixé pour les produits d’alimentation des poissons d’élevage.

● Poursuivre les analyses des sédiments

Dans le cadre du programme de surveillance mis en place en application de la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE), la recherche des PCB dans les sédiments se poursuivra sur au moins 375 sites. Ce suivi permet, d’ores et déjà, de donner une image globale de la contamination des écosystèmes aquatiques et d’en suivre l’évolution à moyen et long termes.

● Lancer un plan national d’échantillonnage des poissons en milieux aquatiques

Au niveau national, les zones prioritaires à analyser correspondent aux 300 sites déjà répertoriés qui présentent les contaminations des sédiments les plus importantes. Ils se situent à l’aval des grandes agglomérations (62) ou sont proches des établissements ayant utilisé des PCB ou effectuant des opérations de traitement des PCB ou de démantèlement d’équipements en ayant contenu.

Sur chaque site, seront prélevées et analysées deux espèces indicatrices :

– l’une, fortement bio-accumulatrice de PCB (anguille, barbeau ou brème),

– l’autre, faiblement bio-accumulatrice de PCB (gardon, perche, sandre ou vandoise). Sur la base des résultats des analyses sur ces deux espèces, un des 3 scenarii de gestion des risques évoqués ci avant sera mis en œuvre.

Une « alimenthèque » sera également constituée afin de conserver les échantillons de poissons prélevés. Ceux-ci pourront servir ultérieurement pour d’éventuelles analyses complémentaires au vu de l’évolution des connaissances sur les PCB.

Une première tranche d’analyses portant au minimum sur les 100 sites les plus contaminés sera réalisée en 2008. D’ores et déjà, à l’occasion de la réunion du comité d’information et de suivi de la pollution du Rhône par les PCB du 28 mai dernier, la direction régionale de l’environnement Rhône-Alpes a indiqué que plusieurs plans d’échantillonnages avaient été effectivement lancés. Les résultats de ces campagnes alimenteront, d’une part, la communauté scientifique et, d’autre part, une base de données qui sera mise à la disposition du public. Ils permettront également de dresser une cartographie fine de l’état de la pollution du bassin du Rhône. À la demande du Préfet de région, préfet coordonnateur de bassin, les investigations devront aussi concerner les lacs et les retenues de barrages susceptibles d’accueillir des pêcheurs professionnels.

Parallèlement aux études conduites sur la présence des PCB dans la chair des poissons, il serait intéressant que l’AFSSA recherche les éventuelles synergies toxiques entre les PCB et différents types d’autres polluants (métaux ou autres polluants organiques persistants).

Pour l’ensemble des investigations conduites sur la totalité du bassin Rhône Méditerranée, les dépenses de l’État sont évaluées à 1 217 000 euros pour l’année 2008.

● Poursuivre la surveillance des produits de la pêche mis sur le marché

Chaque année, le ministère chargé de l’agriculture lance un plan de surveillance des contaminants chimiques, y compris les PCB, dans les produits de la pêche mis sur le marché. Il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas de dépassement des seuils sanitaires établis au niveau européen. Votre rapporteur regrette qu’à ce jour, ces seuils ne concernent que certains types de PCB : les PCB de type « dioxines » (PCB « dioxine-like », PCB-DL). La future présidence française de l’Union européenne pourrait être l’occasion d’accélérer l’évolution de la réglementation européenne vers une harmonisation de la recherche des PCB par la recherche systématique de la présence de PCBi (PCB-DL et PCB-NDL) dans les produits destinés à l’alimentation humaine.

D’ores et déjà, un plan de contrôle orienté sera mis en place, en 2008, pour les produits d’eau douce mis sur le marché et provenant de zones de pêche dans lesquelles les analyses de sédiments ont révélé la présence de PCB. Le Gouvernement pourrait, anticipant ainsi une évolution attendue de la réglementation européenne, faire en sorte que les investigations conduites par les services vétérinaires du ministère de l’agriculture portent sur la présence des PCBi.

● Mettre en place des plans d’échantillonnage complémentaire dans les milieux aquatiques

Lorsque les résultats de veille sanitaire (milieux aquatiques ou produits mis sur le marché) mettent en évidence l’existence de poissons contaminés par les PCB, des plans d’échantillonnage complémentaire, prélevés directement dans les milieux aquatiques, peuvent être nécessaires pour préciser la zone géographique et les espèces concernées par la contamination. Ces compléments d’investigations ne devront pas se limiter aux seuls poissons, mais englober l’ensemble de la biosphère aquatique (poissons, crustacés, insectes, reptiles, oiseaux, mammifères…) de la zone contaminée par les PCB. Le taux de PCB augmentant le long de la chaîne trophique, il apparaît souhaitable de mieux connaître l’état d’imprégnation des divers maillons de cette chaîne.

● Adopter les mesures de gestion des risques appropriées

Au vu des résultats de ces plans, l’un des trois scenarii présenté ci-dessus pourra être envisagé. La mesure adoptée devra faire l’objet d’une campagne d’information du public. Elle prendra la forme non seulement d’informations publiées dans les médias régionaux, mais aussi celle d’un affichage visible et explicite sur le pourtour et les chemins d’accès à la zone contaminée.

d) Améliorer la connaissance du risque sanitaire et sa prévention 

Il s’agit là de l’un des points les plus prégnants du problème posé par la pollution aux PCB. En effet, le risque sanitaire que fait encourir la contamination de l’homme par les PCB est inévitablement source d’inquiétude pour les populations concernées. Ces craintes trouvent principalement leurs origines dans le fait que l’état des connaissances scientifiques sur ce sujet est encore à améliorer, malgré leurs progrès réalisés et les efforts entrepris, par les pouvoirs publics et la communauté scientifique. Des interrogations demeurent et les informations divulguées sont d’une extrême complexité, difficiles à synthétiser et à vulgariser, ouvrant ainsi aisément la porte aux rumeurs porteuses d’angoisse.

Force est de constater que le temps de la recherche scientifique ne s’écoule pas selon le même rythme que celui des médias et de la décision politique face aux craintes générées par une pollution susceptible d’affecter la santé humaine. La démarche scientifique en ce domaine est naturellement longue, complexe et onéreuse. Elle suppose la mobilisation d’importants moyens humains et matériels, la collecte, la vérification et le collationnement de nombreuses données avant que de pouvoir les rapprocher pour tenter d’établir d’éventuelles corrélations susceptibles d’être érigées en hypothèses devant obligatoirement être validées.

Les études sur les effets des PCB se sont multipliées. Elles ont, d’ores et déjà, fait progresser les connaissances. Toutefois, il apparaît encore nécessaire d’approfondir les investigations, les études, les analyses, les expériences et les expérimentations afin de les parfaire.

C’est pour ces nombreuses raisons que le Gouvernement a inscrit l’amélioration de la connaissance du risque sanitaire et sa prévention au nombre des objectifs prioritaires du plan national d’actions sur les polychlorobiphényles.

● Identifier l'imprégnation des consommateurs de poissons d’eau douce

À cet effet, le plan national d’actions prévoit que l’Institut de veille sanitaire et L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments conduiront une étude nationale d’imprégnation aux PCB sur les consommateurs des poissons de rivière sur une durée de deux à trois ans afin d'identifier :

– une éventuelle surimprégnation des forts consommateurs de poissons de rivière, et la quantifier ;

– les principaux déterminants de l'imprégnation aux PCB ;

– le niveau d’imprégnation des populations sensibles (enfants, femmes en âge de procréer).

Pour répondre aux impératifs d’une démarche scientifique irréfutable, une telle étude ne peut être réalisée que sur la base d’un protocole rigoureusement établi, car les enseignements qui pourront en être tirés devront répondre à une obligation absolue d’objectivité. Pour y parvenir, les scientifiques ayant en charge cette mission se doivent de recueillir des informations portant non seulement sur l’état d’imprégnation des forts consommateurs de poissons de rivière et des populations sensibles, mais aussi, afin de pouvoir établir des comparaisons pertinentes, de populations témoin non exposées à ces sources possibles de contamination. Pour être valides au regard des lois statistiques, les observations relevées doivent reposer sur des échantillonnages suffisamment nombreux et variés (âge, sexe, corpulence, régime alimentaire) et non pas se contenter de porter sur la présence de PCB dans le sang d’un échantillon d’une cinquantaine de personnes comme cela a pu être récemment pratiqué. La santé humaine est un bien précieux, qui ne saurait faire l’objet d’opérations subjectives destinées à alimenter des campagnes médiatiques.

Ce n’est qu’une fois les résultats de ces études validés que les pouvoirs publics pourront établir, comme cela a été fait dans d’autres pays européens (Norvège et Belgique), des recommandations relatives à la consommation de poissons. La campagne de prélèvements sanguins devrait, selon les informations rendues publiques par l’AFSSA le 30 mai dernier, débuter en octobre de cette année et s’étendre jusqu’en mai 2009. Compte tenu de l’ampleur de l’étude d’imprégnation, les premiers résultats devraient être connu en juillet 2010 permettant la publication du rapport final en février 2011. Pour les douze premiers mois de l’étude, un million d’euros y sera consacré.

Le principe retenu par l’AFSSA consiste à mesurer l’imprégnation des consommateurs de poissons de rivière pour des sites plus ou moins contaminés aux PCB, de non consommateurs de poissons résidant sur les mêmes sites, ainsi qu’une population de consommateurs de poissons de rivière de sites non pollués. Une fois les résultats connus, ils seront rapprochés afin d’en tirer les conclusions.

Sur le plan national, cette étude doit porter sur six sites (quatre sur des cours d’eau contaminés et deux sur des rivières non contaminées – sites témoins) ; un site sera situé sur le Rhône.

Il est actuellement prévu de sélectionner 150 volontaires par site, dont au moins un tiers de femmes.

● Établir des recommandations de consommation de poissons

Le plan national d’actions envisage comme piste pour la gestion sanitaire de la contamination par les PCB l’élaboration de recommandations de consommation de poissons, par espèces et par zones, au regard des seuils sanitaires. Les ministères en charge de la santé et de l’agriculture auront à se prononcer sur le choix de cette piste au vu notamment des conclusions des travaux d'expertises rendues par l'AFSSA. Les recommandations prescrites pourront évoluer au plan national en fonction des travaux de l'Agence. Tel est déjà le cas, depuis le 7 mai dernier, pour la portion du Rhône comprise entre le nord de Valence et Avignon. Le préfet de la Région Rhône-Alpes, a décidé d’autoriser la consommation de sandres, brochets, perches, gardons, mulets et chevennes, après l’avis formulé par l’AFSSA le 28 mars.

Sans attendre les résultats de ces enquêtes et au titre du principe de précaution, l’AFSSA propose, d’ores et déjà, une recommandation de consommation destinée aux populations les plus sensibles en terme de risques toxicologiques (les femmes en âge de procréer et les enfants de moins de 3 ans). Pour ces populations, elle a proposé la recommandation suivante : une consommation de poissons deux fois par semaine en diversifiant les espèces de poissons issues de différentes zones de pêche et en évitant les poissons dits gras provenant des zones les plus contaminées par les PCB. Pour renforcer l’information des consommateurs de poisson il importe qu’ils soient largement informés des recommandations de l’AFSSA et qu’ils soient en mesure de connaître la provenance des poissons proposés sur les étals. Votre rapporteur demande au Gouvernement d’étendre à la vente de poissons frais l’obligation d’indication de provenance applicable aux produits emballés de façon à ce que l’acheteur puisse effectivement faire varier sa consommation en fonction des différentes zones géographiques de pêche.

Si l’achat de poissons de rivière concerne au premier chef les consommateurs, il n’en demeure pas moins que les poissonniers interviennent en qualité d’intermédiaires. Sans doute ont-ils eux aussi un rôle à jouer dans l’application des recommandations de l’AFSSA. Aussi, afin de rendre plus efficace le suivi des recommandations, conviendra-t-il, sans doute, que les pouvoirs publics conduisent une campagne permanente d’information portant sur l’évolution géographique des zones contaminées auprès des professionnels de la commercialisation des produits de la pêche.

e) Apporter des solutions aux pêcheurs professionnels et amateurs

Les effets collatéraux de la pollution des cours d’eau et de la contamination des poissons par les PCB ont été tout particulièrement ressentis par les pêcheurs professionnels, les pêcheurs amateurs et leurs associations, les premiers se voyant empêchés d’exercer leur activité professionnelle et les seconds de se livrer à leur loisir. Or, les uns et les autres contribuent à l’entretien des cours d’eau et participent activement à leur équilibre, que ce soit en matière environnementale comme en ce qui concerne la gestion de l’écosystème aquatique. S’ils ont saisi la justice pour obtenir une indemnisation du préjudice subi, il n’en demeure pas moins que leur sort ne peut laisser l’État bailleur indifférent. En conséquence, une action spécifique du plan national leur est légitimement réservée.

Toutefois, on peut regretter que l’impact sur les pêcheurs amateurs, à la ligne ou au filet, et leurs associations qui enregistrent depuis ces événements une diminution accrue des prises de cartes de pêche dans le bassin du Rhône ne soit pas mieux appréhendé. De même il serait intéressant que les chambres de commerce et d’industrie des départements concernés évaluent les éventuelles répercussions sur l’activité des commerces liés aux activités aquatiques.

● Exonérer les pêcheurs professionnels et amateurs de l’acquittement des baux de pêche de l’État

Trois catégories de pêcheurs exercent leurs activités sur le domaine public fluvial et versent à ce titre des baux de pêche à l’État (France Domaine) : les pêcheurs professionnels, les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets et les membres des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique.

Bien que la pêche n’ait pas été interdite, les différentes interdictions de consommation prises par les pouvoirs publics ont profondément altéré les conditions dans lesquelles les pêcheurs ont pu se livrer à leur activité, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent. Ces pêcheurs ou associations pourront être exonérés du paiement de ces baux, par décision du ministre en charge du budget, malheureusement avec retard.

Cette mesure paraît légitime au regard des dispositions de l’article
R 435-11. I du code de l’environnement dispose que  « le cahier des charges pour l’exercice du droit de pêche de l’État précise les cas dans lesquels les locataires de droit de pêche et les titulaires de licences s’engagent à renoncer à toute réduction de prix ou indemnisation par l’État en raison des troubles de jouissance dans l’exercice du droit de pêche provenant soit de mesures prises dans l’intérêt du domaine public fluvial ou pour la gestion des eaux concernées, soit du fait d’autres utilisateurs, et notamment : …4° Pour les phénomènes accidentels ou naturels affectant soit le niveaux des eaux, soit la structure du lit ou du fond et des berges de la voie ou du plan d’eau, soit des peuplements halieutiques ». Il conviendrait que les futurs cahiers des charges comprennent une clause visant à suspendre automatiquement du paiement des droits les locataires de lots frappés d’une interdiction préfectorale de consommation de poisson en raison d’une pollution de la zone dans laquelle le lot est situé. Une telle clause éviterait les atermoiements administratifs d’application, serait source de gains de temps et d’économies budgétaires en évitant que les services départementaux compétents saisissent d’une part le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire pour la pêche de loisir et le ministre de l’agriculture et de la pêche pour les pêcheurs professionnels qui, à leur tour, saisissent le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui transmet pour étude à ses services chargés de préparer une décision qui sera prise par ce même ministre, puis transmise aux ministres qui l’ont saisi, etc. et qui finalement sera appliquée quelques mois plus tard aux pêcheurs !

À l’occasion de la réunion du 28 mai dernier du comité d’information et de suivi sur la pollution du Rhône par les PCB, il a été annoncé, conformément au vœu émis par votre rapporteur, que le ministre du budget avait, par décision du 9 avril 2008, autorisé l’exonération des baux de pêche, avec rétroactivité depuis 2005, mais au prorata des périodes d’interdiction. Cette exonération s’applique à l’ensemble des baux de pêche en eau douce tant des pêcheurs professionnels que des associations de pêcheurs amateurs. S’agissant des départements de bassins autres que celui du Rhône, votre rapporteur recommande, dans un souci d’équité, que les exonérations qui seront prononcées aient un point de départ correspondant à celui de l’année au cours de laquelle les arrêtés d’interdiction de consommation ont été pris par les préfets.

● Aider les pêcheurs professionnels en eau douce et les pêcheurs maritimes

Le plan national d’actions prévoyait la mise en place de mesures destinées à accompagner les pêcheurs professionnels en eau douce ayant eu à subir les contrecoups des interdictions de consommation. Conscient des difficultés auxquelles étaient confrontés les pêcheurs professionnels des départements du bassin du Rhône, le ministre de l’agriculture et de la pêche a publié une circulaire précisant les aides dont ils pourraient bénéficier ainsi que leurs modalités d’application. Compte tenu de la diversité des situations, l’attribution des aides sera examinée au cas par cas. Après un déplacement, début juin, dans la région lyonnaise, au cours duquel il a rencontré les pêcheurs professionnels, il a décidé d’accorder aux pêcheurs désireux de continuer leur activité une aide exceptionnelle.

Pour bénéficier des aides, les pêcheurs professionnels doivent répondre à certaines conditions : être cotisant à la Mutualité Sociale Agricole (en qualité de chef d’exploitation ou de cotisant solidaire), être détenteur d’un droit de pêche d’État ou privé et justifier, l’année précédant l’interdiction, d’un chiffre d’affaires significatif pour l’exercice de l’activité de pêche en eau douce.

Les mesures d’accompagnement des pêcheurs en eau douce sont de trois types :

– des mesures destinées aux pêcheurs professionnels souhaitant poursuivre leur activité en obtenant d’autres baux de pêche sous forme :

- d’une aide au paiement des cotisations sociales dans le cadre du dispositif mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (prise en charge par les caisses de mutualité sociale agricole des charges sociales – cotisations, CSG et CRDS – des assurés éprouvant des difficultés pour régler leurs obligations). En complément, pour les pêcheurs professionnels ne pouvant bénéficier du régime précédent, des aides « de minimis » (aides autorisées par l’Union européenne dans la limite d’un plafond) ont été mises en place pour faciliter le paiement de la cotisation de solidarité dont sont redevables les pêcheurs ayant le statut de cotisant solidaire ou les cotisations sociales dues par les chefs d’exploitation ou d’entreprise. La prise en charge des aides « de minimis » s’effectue à compter de la date de l’arrêté d’interdiction de commercialisation et ne peut excéder une période de trois années ;

- d’une aide à l’investissement versée dans le cadre du Fonds Européen pour la Pêche ;

- d’une aide exceptionnelle calculée sur la base de la perte de marge (mesure prise par le ministre après sa rencontre avec les pêcheurs).

– une mesure destinée aux pêcheurs qui souhaitent se reconvertir vers d’autres activités : une aide « de minimis » sera versée pour accompagner la reconversion sous réserve de présentation d’un projet de nouvelle activité. Le montant de l’aide sera forfaitaire. Le calcul de son montant sera fonction des revenus antérieurs en qualité de pêcheur professionnel et de la période pendant laquelle la nouvelle activité ne générera aucun revenu. La prime versée sera au plus égale à 30 000 euros.

Il convient de noter que la date limite de dépôt des dossiers de demande d’aide a été repoussée du 15 mai au 25 juin 2008.

Par ailleurs, le plan national prévoit que les pêcheurs maritimes touchés par les mesures d’interdiction pourront bénéficier des aides prévues dans le cadre du Fonds Européen pour la Pêche (FEP). Il s’agit des aides à la modernisation des navires dans le cadre de la poursuite d'activité ou des aides à la reconversion et/ou à la sortie de flotte des navires dans le cas contraire.

● Rechercher de nouveaux sites de pêche pour les pêcheurs professionnels

À la demande des pêcheurs professionnels désireux de poursuivre leur activité, de nouveaux sites de pêche seront recherchés dans les départements concernés par la pollution et les départements limitrophes. Ils devront remplir à la fois des conditions de productivité halieutique suffisante, ne pas perturber les activités de pêche préexistantes et s’effectuer dans des secteurs indemnes de contamination. Une solution pourrait peut-être résider dans l’ouverture temporaire, avec instauration de quotas, de certaines réserves de pêches, ainsi que l’attribution préférentielle aux pêcheurs professionnels des campagnes de pêche, organisées dans le cadre des prélèvements pour analyses, pratique partiellement appliquée.

Le ministre de l’agriculture et de la pêche pourrait également se rapprocher des autorités bancaires pour tenter d’établir une convention permettant, temporairement, aux pêcheurs désireux de s’installer sur de nouveaux lieux de pêche ainsi qu’aux pêcheurs se reconvertissant vers une autre activité de bénéficier de prêts à la réinstallation à un taux préférentiel.

L’État a prévu de consacrer 77 000 euros aux analyses de la qualité des lots de pêche destinés à la relocalisation des pêcheurs du Rhône.

Peut-être aussi serait-il possible de valoriser le travail des pêcheurs professionnels sur les sites pollués en explorant l’une des pistes que certains proposent. Par leur connaissance du milieu et des espèces, les pêcheurs sont à même d’extraire des cours d’eau les poissons gras les plus âgés, par conséquent les plus contaminés en application du principe de bioaccumulation, et d’éviter ainsi que ceux-ci ne viennent entretenir la contamination lorsqu’ils se décomposent après avoir atteint leur fin de vie. Les pêcheurs professionnels prendraient ainsi une part active à la bio-remédiation des sites pollués.

f) Suivre l’exécution du plan

Compte tenu des enseignements qu’il a pu tirer de plusieurs mois de travail consacrés notamment à s’efforcer de savoir qui avait fait quoi, votre rapporteur ne peut que se féliciter de ce que la coordination générale de la mise en œuvre du plan national soit confier à un seul responsable : La secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables, chargée de l’écologie.

La présence de PCB est avérée sur l’ensemble du territoire et nul point de celui-ci n’est à l’abri d’une pollution accidentelle. Les sources de pollution active sont loin d’être taries. L’ampleur du problème dépasse les seules zones identifiées à ce jour, ne serait-ce que parce que la pollution atmosphérique par les PCB ne peut être maîtrisée et que les pollutions sauvages résultant d’acte de vandalisme le sont difficilement. Il importe donc que, face à ce phénomène diffus, difficile à anticiper, les décisions soient prises dans une perspective globale et que les moyens et les connaissances soient mutualisés, tant au niveau national qu’au niveau régional.

Pour les aider dans le choix des décisions à prendre, le ministre en charge de l’écologie et les préfets coordonnateurs de bassin pourront s’appuyer sur les avis éclairés des différentes parties prenantes siégeant dans les comités de pilotage, instances de dialogue, mais aussi véritables laboratoires d’idées.

● Élaborer et suivre un tableau de bord des actions

Lors de la présentation du plan national, la mise en place d’un tableau de bord de suivi des actions a été annoncée, afin de permettre de mesurer l’avancement de chacune des actions. Ce tableau de bord doit être réactualisé tous les 3 mois et mis en ligne sur le site Internet du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, dans le dossier consacré par les services du secrétariat d’État à l’écologie à la pollution par les PCB.

Ce dossier, intitulé « Les PCB ou Polychlorobiphényles : état des lieux et plan national d’actions » peut effectivement être consulté à l’adresse Internet suivante : www.ecologie.gouv.fr/PCB.html. Il comprend de nombreuses informations réparties en deux rubriques : « état des lieux » et « que faire », rassemblant de précieuses indications sur les PCB et leur prise en compte par les pouvoirs publics. 

Par ailleurs, en comparant le contenu de deux rubriques du site Internet indiqué ci avant, il est possible d’appréhender l’état de réalisation des objectifs du plan national d’actions. On trouvera en annexe le tableau de bord initial et le tableau de bord mis à jour au début du mois de juin.

● Rendre compte des progrès devant un comité national de pilotage et de suivi

Le 6 février dernier, un comité de pilotage interministériel (Copil), associant également les établissements et agences concernés et comprenant des représentants du secteur de la pêche ainsi que d’ONG environnementales, a été installé au niveau national, sur le modèle de celui qui avait été créé pour le bassin Rhône Méditerranée Corse. Il faut saluer cette initiative de réunir autour d’une même table de discussion et sur un sujet commun, des personnes qui œuvraient pour un même objectif par des moyens parfois différents. Le « Copil » national devrait se réunir régulièrement afin de suivre l’avancement du plan et de proposer d’éventuelles adaptations.

Votre rapporteur forme le souhait que cette structure manifeste un dynamisme et une réactivité comparable au « Copil » régional de Lyon, dirigé par le préfet de région, coordonnateur du bassin Rhône Méditerranée Corse. Cette structure a permis d’estomper un certain nombre de frontières artificielles entre des acteurs qui sans lui auraient continué de travailler dans une quasi-ignorance des travaux entrepris par son voisin sur un sujet connexe. De la coordination de la diversité est née une véritable synergie, accroissant ainsi l’efficacité des actions envisagées.

Les réunions des comités de pilotage et de leurs comités de suivi sont autant d’occasions permettant également d’assurer un compte rendu du degré d’avancement des mesures et de leur portée.

CONCLUSION

Au terme de près de huit mois d’auditions, de déplacements sur le terrain, de rencontres diverses et variées, votre rapporteur ressort conforté dans son impression initiale qui le conduisait à penser que la question de la pollution du Rhône par les PCB se caractérise, avant tout, par une extrême complexité.

Il en va de la contamination par les PCB comme du cours du fleuve, avec ses alternances d’ombre et de lumière, ses parties lentes et ses brusques accélérations, ses résurgences et ses parties souterraines, la surface de l’eau et les profondeurs du lit du fleuve, et tout à la fois l’érosion du temps et l’accumulation des strates de sédiments, parfois dangereux.

Si le Rhône a sa source et se renforce avec l’apport de ses affluents, la pollution par les PCB a les siennes et elle s’y alimente. L’homme et l’essor du développement industriel du XXème siècle en constituent la source principale, souvent qualifiée d’historique. Avec l’interdiction de la production des PCB, on la pensait tarie. Il n’en est rien, elle est aujourd’hui tapie dans les entrailles mêmes du fleuve et se retourne insidieusement vers l’homme en empruntant la voie pernicieuse de son alimentation. Elle frappe la faune aquatique, sans que les scientifiques soient à même de comprendre avec certitude les voies qu’elle emprunte pour contaminer les poissons.

Il serait illusoire de vouloir nier la gravité du malaise, bien que les diverses observations semblent en annoncer la lente décrue. Toutefois, la crise a frappé de plein fouet des structures et des constructions administratives qu’il convient au plus tôt de réformer de façon à les rendre plus efficaces et plus réactives.

Sur le plan scientifique, questions et réponses arrivent en ordre dispersé, les unes appelant les autres et réciproquement. De nombreuses interrogations demeurent quant aux processus de transfert des sédiments aux poissons et à d’autres organismes, leur mode de cheminement le long de la chaîne trophique, la conduite et l’exploitation des études et campagnes d’imprégnation de la population. Le Parlement ne peut se désintéresser d’un problème qui, au-delà du Rhône, concerne l’ensemble de la population et au premier chef les enfants et les femmes en age de procréer. Autant de questions qui, selon votre rapporteur, pourraient constituer motifs à saisir l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

III.— EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 25 juin 2008, la Commission a procédé à l’examen du rapport d’information de M. Philippe Meunier sur la pollution du Rhône par les PCB.

Le président Serge Poignant a rappelé que la Commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire avait confié, le 10 octobre 2007, à M. Philippe Meunier la mission d’élaborer un rapport d’information sur la pollution du Rhône par les polychlorobiphényles (PCB). Il semblait naturel de désigner pour cette mission d’information un collègue élu dans une circonscription directement concernée par cette pollution chimique.

Le sujet était d’autant plus préoccupant que la contamination du fleuve affecte également les ressources piscicoles. Des analyses ont révélé la présence des PCB dans la chair des poissons, créant une appréhension croissante dans le bassin du Rhône, où les préfets ont été conduits à interdire la consommation des produits de la pêche.

Dans ces conditions, il convenait que les membres de la commission disposent d’un maximum d’informations non seulement sur l’ampleur de la pollution, mais aussi sur ses causes, ses conséquences, sur les éventuelles réponses à y apporter et sur l’action des pouvoirs publics.

De son coté, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État en charge de l’écologie, réuni à Lyon, le 10 octobre 2007, le premier comité de pilotage sur la pollution du Rhône par les PCB, chargé d’examiner un programme d’actions pluriannuel. Ce COPIL a préfiguré l’installation d’un comité national de pilotage qui s’est réuni le 6 février dernier et qui a donné lieu à la présentation d’un plan national d’actions sur les polychlorobiphényles.

M. Philippe Meunier, rapporteur, a tout d’abord remercié le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire d’avoir pris l’initiative de la création d’une mission d’information sur la pollution du Rhône par les PCB. Cette mission d’information était justifiée par une contamination des poissons qui a entraîné l’interdiction de leur consommation privant en conséquence les pêcheurs de leurs ressources. La pollution du Rhône appelait une initiative en direction de toutes celles et ceux (riverains, élus territoriaux, professionnels, amoureux de la nature) qui s’inquiètent pour l’avenir de ce fleuve dont le bassin recouvre près d’un quart de la surface de la France. Le milieu aquatique rhodanien est caractérisé par la richesse de sa biodiversité et des différents milieux qui le composent. Il est aisé, dans ces conditions, de mieux comprendre le fort retentissement dans l’opinion publique de toute pollution venant perturber l’équilibre du bassin du fleuve. Si la présence de produits organiques persistants de type PCB n’est pas une nouveauté pour le Rhône, les premières analyses y ayant révélé la présence de PCB remontant à 1986, elle occupe depuis quelques années les devants de l’actualité régionale et nationale.

Courant 2005, M. Cédric Giroud, pêcheur professionnel dans le canal de Jonage, en amont de Lyon, fait en effet analyser la chair de poissons, fruits de sa pêche, afin de rassurer ses clients. Il souhaitait, en toute simplicité, lever leurs inquiétudes suite à une épidémie de botulisme dont avaient été victimes des oiseaux aquatiques dans le secteur du Grand Large, au Nord Est de Lyon. Si les résultats des analyses pratiquées ne détectaient pas de bactéries responsables du botulisme, elles démontraient, en revanche, une concentration anormalement élevée de polychlorobiphényles dans la chair des poissons. Étonnamment, dans un même temps, la direction départementale des services vétérinaires du Rhône procédait, dans le cadre de la surveillance des denrées alimentaires mises en vente sur les étals des marchés, à une analyse de poissons d’eau douce proposés à la commercialisation. Celle-ci révélant également une teneur anormalement élevée de PCB dans la chair des poissons, les services vétérinaires alertèrent le Préfet du Rhône.

En réponse à cette alerte sanitaire, le préfet du Rhône interdisait, le 14 septembre 2005, la consommation des poissons pêchés dans les zones contaminées. Cette décision administrative ne constituait que le premier maillon d’une chaîne d’arrêtés pris par les préfets des autres départements bordant le Rhône sur la quasi-totalité de son cours, au fur et à mesure que de nouvelles analyses effectuées sur la faune piscicole révélaient sa contamination.

Peu de temps après l’arrêté d’interdiction pris par le préfet du Rhône, l’Association des pêcheurs professionnels du Rhône et de l’aval Méditerranée déposait une plainte contre X, suivie de celle de M. Michel Forissier, maire de Meyzieu. Cette mobilisation traduisant une sourde et légitime inquiétude, qualifiée par certains de « Tchernobyl à la française » était relayée par les médias, d’autant que l’apparent immobilisme des pouvoirs publics laissait libre cours aux bruits les plus divers sur l’origine et les conséquences de ces composés organiques sur la santé humaine. Force est de reconnaître que l’absence d’informations claires et précises sur ces produits encourageait le développement d’une forme d’angoisse collective. Si l’information ne supprime pas le danger, il apparaît souvent qu’elle permet du moins de s’en protéger au mieux.

Les PCB sont des produits chimiques de synthèse découverts en 1881 et fabriqués industriellement à partir de 1929 par Monsanto, plus connu pour les OGM. Ils présentent des propriétés physico-chimiques qui en ont fait l’un des produits miracle de l’industrialisation au XXème siècle. Ils ont été utilisés, jusqu’à leur interdiction, dans des applications dites fermées (transformateurs et condensateurs) et des applications dites ouvertes (colles, encres, mastics, dalles plastiques, peinture, huiles de coupe, disques vinyle, rouge à lèvres). Ayant été fabriqués puis utilisés dans les entreprises à de nombreux titres à une époque où les rejets industriels n’étaient pas réglementés, ils se retrouvent disséminés dans tous les éléments -air, eau, terre- sur l’ensemble de la planète.

Ce sont toutefois des produits dont la toxicité n’a été que tardivement révélée. Les personnels de l’usine de production de Monsanto aux États-Unis qui étaient exposés de manière directe et aiguë ont présenté des symptômes d’atteintes dermatologiques et des troubles hépatiques dès 1937. Mais la prise de conscience publique de la dangerosité de ces molécules n’est intervenue qu’à la fin des années 1960, à la suite d’une contamination accidentelle en 1968 au Japon de 1 800 personnes. La communauté scientifique ne s’accorde cependant pas sur la classification des PCB parmi les substances classées cancérigènes, malgré de fortes présomptions. Du fait de leur caractère bio-accumulable, en raison de leur fixation dans les graisses, les PCB ont tendance à se retrouver à tous les échelons de la chaîne alimentaire. L’alimentation constitue d’ailleurs la principale source de contamination humaine.

En 1973, l’OCDE a formulé une recommandation en vue de l’interdiction des PCB en raison de leur toxicité. Elle a été suivie en France, en 1975, de l’interdiction de leur emploi dans les systèmes dits ouverts, puis en 1976 d’une directive européenne de même objet. En 1985, une directive européenne, transposée en France en 1987, a généralisé l’interdiction de production et d’utilisation des PCB.

En 1996, une nouvelle directive européenne a imposé aux États membres d’élaborer un plan d’élimination et de décontamination des appareils contenant plus de 500 Ppm (0,5 g par kilo) de PCB, avec une échéance d’élimination fixée à 2010. La France ayant été condamnée en 2002 par la Cour de justice européenne pour manquement à ses obligations en la matière, elle a publié son plan national d’élimination l’année suivante. La France a par ailleurs ratifié en 2003 la Convention de Stockholm de 2001 sur les polluants organiques persistants, qui incluent les PCB. La date ultime d’élimination de tous les équipements contenant des PCB a été fixée par cette convention à 2025.

La pollution des cours d’eau, et donc du Rhône, est essentiellement une pollution historique liée à l’industrialisation du territoire. Deux sites industriels situés à proximité de Grenoble ont produit une grande part des PCB en France, Jarrie et Pont-de-Claix, la production française s’étant élevée à environ 180 000 tonnes. Au-delà de celui du Rhône, la pollution par les PCB est avérée dans plusieurs bassins fluviaux, le bassin de Seine-Normandie, ceux d’Artois-Picardie et de Rhin-Meuse. La pollution par les PCB s’affranchit des frontières et nombre de pays en sont également victimes : États-Unis, Japon, Suisse, Russie, Australie, Allemagne, Norvège, Canada…

Outre cette pollution historique, plusieurs autres sources demeurent malheureusement, à l’heure actuelle : les stations d’épurations, le ruissellement des eaux, les accidents et incendies, les actes de vandalisme pour récupérer le cuivre des transformateurs …

Les PCB ne sont pas solubles dans l’eau et n’y sont donc présents qu’à l’état de traces. Toutefois, ils se fixent sur les matières en suspension dans l’eau et se déposent avec les sédiments. Si le passage des sédiments aux poissons demeure encore mal connu, les espèces vivant au plus près du lit des rivières dans les zones polluées sont néanmoins les espèces les plus contaminées. Selon une étude de l’AFSSA, les PCB sont présents selon des proportions variables dans tous les aliments, les poissons constituant le principal vecteur de contamination de l’homme. La réglementation européenne a défini, en tenant compte du principe de précaution, des seuils pour les taux de PCB dans la chair des poissons au-delà desquels ces derniers doivent être interdits à la consommation.

Face à cette pollution force est de constater que la réaction des pouvoirs publics français a tardé. Ce manque de réactivité est du à une organisation administrative inadaptée à la gestion de crise. En effet, la transversalité du sujet ne s’accorde pas au cloisonnement et à l’empilement des compétences qui caractérise les administrations dans ce dossier. Chacune s’est préoccupée du sujet dans sa sphère de compétences, sans établir de lien avec les autres.

Le rapporteur a salué l’initiative de la secrétaire d’État à l’écologie qui a créé en octobre 2007 un comité de pilotage pour le bassin du Rhône réunissant tous les acteurs concernés, y compris les élus et les organisations environnementales afin d’établir un dialogue, de coordonner les actions et de mutualiser les connaissances. Lors de la mise en place du comité de pilotage national en février 2008, la secrétaire d’État a présenté les grandes lignes d’un plan national d’actions qui s’articule autours de six axes :

– intensifier la réduction des rejets de PCB dans les eaux ;

– améliorer les connaissances scientifiques sur le devenir des PCB dans les milieux aquatiques et gérer cette pollution ;

– renforcer les contrôles sur les poissons destinés à la consommation et adopter les mesures appropriées de gestion des risques ;

– améliorer la connaissance du risque sanitaire et sa prévention ;

– accompagner les pêcheurs professionnels et amateurs ;

– évaluer et communiquer.

L’étude des différentes mesures contenues dans ce plan national d’actions a amené le rapporteur à élaborer 34 propositions, portant tant sur le plan politique que sanitaire, environnemental et scientifique. Parmi celles-ci, figurent en particulier :

– l’accélération de la simplification de l’organisation administrative et la réforme de l’État,

– l’information de la population sur l’état de la contamination, la formulation de recommandations de consommation à destination des personnes les plus exposées notamment dans les zones contaminées,

– l’inclusion au niveau communautaire des PCB parmi les substances systématiquement recherchées lors de l’évaluation, en application de la directive cadre sur l’eau, du bon état chimique des masses d’eau,

– l’adoption par la communauté scientifique d’une définition unique pour les PCB indicateurs,

– la réalisation d’un inventaire complémentaire des équipements contenant des PCB, l’inventaire initial n’ayant pas été effectué en 2002 dans des conditions satisfaisantes,

– la saisine de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques afin de permettre au Parlement de suivre l’évolution des recherches scientifiques en cours à la fois sur le mode de transfert des PCB vers les organismes vivants et la mise œuvre de techniques inédites de dépollution.

Au total, ces propositions sont le résultat de 43 auditions effectuées à l’Assemblée nationale ou lors de quatre déplacements, au cours desquelles ont été rencontrées, outre la secrétaire d’État à l’écologie, une soixantaine de personnes d’horizon très divers (représentants des services de l’État, élus locaux, industriels, universitaires et scientifiques, représentants des fédérations de pêche en eau douce, représentants des associations de protection de l’environnement…).

Après l’exposé du rapporteur, M. Jacques Le Guen a demandé si des limites maximales résiduelles avaient déjà été fixées pour les denrées pouvant contenir des PCB et comment évoluaient les pathologies identifiées.

Il a insisté sur le manque de réactivité de l’administration, faiblesse trop souvent observée et qui appelait, comme dans le cas de la pollution par le chlordécone aux Antilles, la nomination d’un coordonnateur national et d’un coordonnateur local. Il a estimé nécessaire le lancement d’études complémentaires sous l’égide de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) afin de connaître la toxicité à long terme. Il a enfin préconisé la mise en place d’un comité de suite, comparable à celui du chlordécone.

M. Jean-Marie Sermier a demandé si les normes évoquées par le rapport étaient issues de recherches scientifiques ou constituaient seulement des seuils de détection théoriques. Puis il a signalé le risque, entraîné par la proposition de réinstallation des pêcheurs professionnels dans d’autres domaines de pêche, de conflits d’intérêt avec les pêcheurs amateurs et les activités touristiques.

M. Jean Gaubert a salué le travail de qualité du rapporteur puis rappelé que les PCB étaient disséminés dans la nature depuis plus d’un siècle, ce qui est inquiétant pour d’éventuelles découvertes futures de polluants comparables. Il a, lui aussi, dénoncé le maquis des services administratifs et déploré que celui-ci continue de s’accroître, en dépit des mesures de simplification administrative, avec l’avalanche des projets de loi. Il a indiqué que le bassin du Rhône n’était pas seul en cause, des PCB étant présents partout. Au-delà d’un simple état des lieux, il est nécessaire d’établir des normes admissibles et d’adopter un train de mesures correctrices, notamment l’interdiction de cultiver certaines terres agricoles contaminées. S’agissant de l’écotaxe, il a estimé que celle-ci bien qu’opportune ne devait pas remplacer les sanctions pénales.

M. Lionel Tardy a précisé que les lacs alpins étaient également contaminés bien que l’interdiction de consommer l’omble chevalier ait été très récemment levée. Il a demandé des précisions sur le problème plus général de la présence de PCB dans l’eau potable, sur la question des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), sur la durée et la portée de l’interdiction de la consommation et de la pêche sur le Rhône et sur les solutions de dépollution envisagées hormis le brassage des sédiments qui est à exclure.

Mme Marie-Line Reynaud a demandé quel était le coût prévisionnel de la dépollution et comment elle serait financée.

Mme Laure de La Raudière a félicité le rapporteur pour ses propositions concrètes et a demandé s’il convenait de les hiérarchiser et de leur donner un calendrier de réalisation.

M. Yves Albarello, ayant évoqué les opérations de décontamination des transformateurs électriques contenant des PCB, a demandé quels moyens étaient mis en œuvre dans l’industrie, à l’heure actuelle, pour procéder à cette dépollution.

Après que le président a indiqué qu’il conviendrait d’effectuer un suivi des préconisations du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– les doses journalières tolérables de PCB pour l’homme ont été estimées par l’OMS et des seuils maximum de teneur en PCB ont été fixés pour les denrées alimentaires par l’Union européenne ;

– les effets toxiques du PCB ont été découverts en 1937 et révélés trente ans plus tard à la suite d’un accident survenu au Japon ;

– il existe depuis 2007 un coordonnateur national - la secrétaire d’État à l’écologie – et un coordonnateur local : c’est le préfet de région, préfet coordonnateur de bassin ;

– les normes réglementaires sont déterminées par l’Union européenne à partir d’un « bruit de fond » qui représente l’exposition moyenne la plus faible possible des populations. Deux seuils sont définis, un premier seuil d’alerte des autorités sanitaires et un second seuil plus élevé qui déclenche l’interdiction de consommer les produits concernés ;

– le risque de conflit entre pêcheurs professionnels et amateurs est en cours de règlement au niveau local ; l’exemple suisse montrant que les deux formes de pêche peuvent parfaitement cohabiter ;

– le maquis des services administratifs plaide bien évidemment en faveur de la réforme de l’État et de l’accroissement des responsabilités, dans ce dossier, du secrétariat d’État à l’écologie ;

– le Rhône évacue lui-même les PCB grâce à son puissant courant, à l’inverse, par exemple, de la Seine qui a un moins fort débit ; les actions engagées dans le bassin du Rhône serviront de modèle pour les autres ;

– les analyses réalisées encore insuffisantes rendent nécessaires des investigations complémentaires sur les poissons, les sédiments et les végétaux ;

– la création d’une écotaxe ne se substituerait pas aux sanctions pénales existantes et son produit pourrait être affecté à l’élimination des polluants ;

– le rapport d’information ne concerne pas les HAP ;

– l’interdiction de consommer les poissons a été levée pour certaines espèces entre le nord de Valence et Avignon au début du mois de mai 2008 ;

– concernant l’eau potable, la recherche des PCB n’est pas obligatoire dans les eaux destinées à la consommation humaine en raison de la non solubilité des PCB dans l’eau ;

– les techniques de dépollution sont extrêmement complexes, de nouvelles méthodes étant encore au stade de la recherche expérimentale notamment au sein du pôle de compétitivité Axelera ;

– le coût global de dépollution du Rhône, dont le cours s’étend sur 812 kilomètres serait estimé sous toutes réserves, selon une première hypothèse, à environ 10 milliards d’euros ; ce qui donne la mesure du coût d’une dépollution des fleuves sur le plan national ;

– un plan d’action doté d’un calendrier a été prévu pour le bassin Rhône avant de l’être sur le plan national ;

– l’élimination des PCB relève d’une filière très réglementée, très contrôlée par l’inspection des installations classées et les DRIRE notamment. Les personnels travaillant dans les entreprises concernées bénéficient de protections de haut niveau, comparables à celles en vigueur dans l’industrie nucléaire.

A l’issue de ce débat, la Commission a décidé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication, en application de l’article 86, alinéa 8, du Règlement.

IV.— ANNEXES

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR VOTRE RAPPORTEUR

À l’Assemblée nationale 

Gouvernement

– Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie

Représentants des collectivités territoriales

Association des élus rhodaniens

– M. Jacques Rémiller, député-maire de Vienne, président

Représentants de l’État

Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Direction de la prévention de la pollution et des risques

– M. Laurent Michel, directeur

– M. Jean-Luc Perrin, chef du bureau de la pollution des sols

Direction de l’eau

– M. Pascal Berteaud, directeur

– M. Gilles Crosnier, chef du bureau de l’écologie des milieux aquatiques

Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement, Direction régionale de l’environnement Provence-Alpes-Côte d’Azur (DRIRE-DIREN PACA)

– M. Laurent Roy, directeur régional

Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Direction générale de la santé

– Mme Jocelyne Boudot, sous-directrice de la direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation

Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de la région Rhône-Alpes (DRASS)

– M. Pierre Alegoët, directeur régional

– M. Didier Vincent, chef du service santé environnement de la DRASS

– M. Marc Maisonny, chef du service santé environnement de la DDASS du département du Rhône

Ministère de l’agriculture et de la pêche

Direction Générale de l’Alimentation

– M. Paul Mennecier, sous-directeur de la sécurité sanitaire des aliments

– Mme Nathalie Naviner, chargée d’études, bureau de la qualité sanitaire des produits de la mer et d’eau douce

Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture

– Mme Cécile Bigot, sous-directrice de l’aquaculture

– Mme Edith Mérillon, chef du bureau pisciculture

Agences, établissements publics de l’État, organismes de recherche

Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments (AFSSA)

– Mme Marie-Christine Favrot, directrice de l’évaluation des risques nutritionnels et sanitaires

– M. Jean-Charles Leblanc, responsable de l’équipe « appréciation du risque au pôle d’appui scientifique à l’évaluation des risques »

– Mme Nathalie Arnich, chargée de projets scientifiques, co-coordinatrice du comité d’experts spécialisé « Résidus et contaminants chimiques et physiques »

Agence de l'Eau Rhône-Méditerranée et Corse

– M. Alain Pialat, directeur

Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER)

– M. Louis-Alexandre Romaña, adjoint du directeur des programmes et de la stratégie, chargé du thème environnement côtier (centre de Toulon-La Seyne-sur-mer)

Institut de recherche pour l'ingénierie de l'agriculture et de l'environnement (CEMAGREF)

– M. Marc Babut, responsable de l’unité de recherche biologie des écosystèmes aquatiques

Zone atelier bassin du Rhône (ZABR – groupement d’intérêt scientifique)

– M. Yves Perrodin, chercheur, spécialiste des flux polluants

Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM)

– Mme Dominique Darmendrail, conseillère à la direction générale (sites pollués)

– M. Fabrice Deverly, directeur interrégional centre-est, directeur du service géologique régional Rhône-Alpes

– M. Jean-François Brunet, ingénieur chimiste environnement

Compagnie nationale du Rhône

– M. Stéphane Péré, délégué général

– M. Luc Le Vasseur, chef du pôle fluvial

– M. Éric Doutriaux, ingénieur dans le pôle fluvial

Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME)

– M. Alain Geldron, chef du département organisation des filières et recyclage

Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA)

– M. Patrick Lavarde, directeur général

– M. Alexis Delaunay, directeur du contrôle des usages et de l'action territoriale

Représentants des entreprises

Pôle de compétitivité AXELERA

– M. Bruno Allenet, président

Électricité de France et Électricité Réseau Distribution France

– M. Bertrand Le Thiec, responsable des relations parlementaires

– Mme Claude Nahon, directrice du développement durable 

– M. Michel Francony, directeur général adjoint Opérations régulées

Représentants des pêcheurs

Coordination nationale de la pêche professionnelle en eau douce (CNAPPED)

– M. Philippe Boisneau, président

Représentants des associations de protection de l’environnement

World Wild Life France

– M. Cyrille Deshayes, responsable du programme eaux douces

– M. Guillaume Llorca, responsable audiovisuel

– M. Marc Laimé, journaliste

Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA)

– M. Alain Chabrolle, vice-président

France nature environnement (FNE)

– M. Bernard Rousseau, commission eau

– M. Marc Senan, réseau industrie

– M. Romain Suaudeau, réseau eau

– M. Mathieu Labrande, réseau juridique

À Lyon  et dans la région Rhône-Alpes

Représentants de l’État

– M. Jacques Gérault, préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône, préfet coordonnateur du bassin Rhône Méditerranée Corse

– M. Jean-Claude Bastion, préfet de la Drôme et Mme Nathalie Guerson, directrice départementale des services vétérinaires de la Drôme

– MM. Philippe Guignard, directeur régional de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) et Laurent Albert, ingénieur, pôle risques chroniques

– M. Yves Picoche, Directeur adjoint, Direction régionale de l’environnement (DIREN) et Mme Claude Putavy, chargée de mission PCB

– M. Olivier Lapôtre, directeur départemental des services vétérinaires du Rhône et Mme Martine Quéré de Kerleau, chef du service des affaires régionales vétérinaires

– M. Pierre Calfas, chef du service navigation Rhône-Saône

– Mme Marielle Schmitt, épidémiologiste, cellule interrégionale d'épidémiologie (CIRE) Rhône-Alpes, Institut national de veille sanitaire

Représentants des collectivités territoriales

– M. Michel Forissier, maire de Meyzieu

Représentants des entreprises

Trédi, usine de retraitement de déchets de PCB, Saint-Vulbas, Ain

– M. Thierry Meunier, directeur Eaux et Procédés

Arkéma, usine de fabrication de produits chimiques à base de chlore, Jarrie, Isère

– Mme Chantal Degrendele, directrice du site

Électricité de France et Électricité Réseau Distribution France, Chassieu (Rhône) :

– M. Gilles Galléan, directeur départemental d’Électricité Réseau Distribution France-Gaz Réseau Distribution France

Représentants des pêcheurs

Association interdépartementale des pêcheurs professionnels de la Saône et du Haut-Rhône

– M. Didier Bretin, président

Union régionale des fédérations de pêche de Rhône-Alpes

– M. Alain Lagarde, président

M. Cédric Giroud, pêcheur professionnel

À Bruxelles :

Commission européenne

– M. Jorge Rodriguez Romero, coordonnateur pour la directive cadre sur l’eau, direction générale de l’environnement

– Mme Patricia Brunko, chef de l’unité substances chimiques, contaminants, pesticides à la Direction générale de la santé et de la protection du consommateur, et M. Wim Debeuckelaere, administrateur.

Ambassade de France, mission économique

– Mme Corinne Darmaillacq, adjointe du chef de la mission économique

– Mme Lina Ingargiola, attachée sectorielle

Commission internationale de l’Escaut

– M. Arnould Lefébure, secrétaire général

TABLEAUX DE BORD DU PLAN NATIONAL D’ACTIONS

Source : MEEDDAT

RAPPEL CHRONOLOGIQUE

Événements

 

Réglementation

– Première synthèse des PCB

– Début de la production industrielle

aux États-Unis

– Connaissance par Monsanto

de la toxicité pour les personnels exposés

– Début de la production industrielle

en France

– Découverte dans les tissus de poissons et d’oiseaux en Suède

– Contamination humaine résultant d’une pollution accidentelle au Japon

– Identification comme polluants de la Seine

– Révélation de la contamination de poissons pêchés dans le Rhône

– Découverte de poulets contaminés en Belgique (affaire des poulets à la dioxine)

– Mars-juillet : analyses de poissons du Grand Large

– Investigations sur les poissons et les sédiments

– Février : dépôt de plainte contre X du maire de Meyzieu

– Octobre : 1ère réunion du COPIL du bassin du Rhône

– Février : réunion du COPIL et plan national d’actions

– Mai : 2ème réunion du COPIL du bassin du Rhône

1881

1929

1937

1938-39

1966

1968

1973

1975

1976

1978

1985

1986

1987

1988

1991

1996

1998

1999

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2010

2025

– Recommandation de l’OCDE visant à interdire l’emploi des PCB

– Première limitation en France de l’utilisation des PCB (interdiction dans les systèmes ouverts)

– Directive européenne interdisant l’emploi dans les systèmes ouverts

– Directive européenne généralisant l’interdiction de production et d’utilisation des PCB

– Interdiction généralisée de la production, de la mise sur le marché et de l’utilisation des PCB en France.

– Début de la réglementation des rejets industriels des entreprises de traitement des déchets de PCB

– Première réglementation française instituant un seuil limite de concentration dans les poissons

– Proposition par le Conseil supérieur de l’hygiène publique de France d’une dose journalière tolérable de PCB

– Directive européenne prévoyant un plan de décontamination des appareils par les États membres en vue de leur élimination avant 2010

– Déclaration obligatoire des entreprises de transport de déchets de PCB en préfecture

– Réglementation du transport intérieur et international de marchandises dangereuses

– Transposition en droit français de la directive relative au plan national de décontamination

– Signature de la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants

– Définition par l’OMS d’une dose journalière tolérable

– Juin : condamnation de la France par la CJE pour absence de plan d’élimination

– Approbation du plan national d’élimination et de décontamination des appareils

– Ratification par la France de la Convention de Stockholm

– Directive européenne sur la responsabilité environnementale

– 14 septembre : premier arrêté préfectoral d’interdiction de consommation (Grand Large et Canal de Jonage)

– Réglementation européenne fixant les teneurs maximales en PCB-DL des denrées alimentaires (actuellement en vigueur)

– Extension progressive de la zone d’interdiction de consommation des poissons par voie d’arrêtés préfectoraux jusqu’à l’embouchure du Rhône (été 2007)

– Transposition en France de la directive relative à la responsabilité environnementale

– 31 décembre : échéance du plan national d’élimination

– Élimination totale des équipements contenant des PCB

1 () Fiche de données toxicologiques et environnementales des substances chimiques élaborée par l’INERIS.

2 () De l’ordre du nanogramme ou du picogramme.

3 () Dioxines, furanes et PCB de type dioxine : évaluation de l’exposition de la population française, Afssa, novembre 2005.

4 () Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR).

5 () PCB 28, 52, 101, 138, 153 et 180. Ces six congénères font partie de la famille des PCB « non dioxine like » ; ce qui signifie que leur toxicité est différente de celle des dioxines.

6 () Douze congénères de PCB ayant le même mécanisme d’action que les dioxines.

7 () Directive 76/403/CEE du Conseil du 6 avril 1976 concernant l’élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles.

8 () Loi 77-771 du 12 juillet 1977 relative au contrôle des produits chimiques.

9 () Directive 85/467/CEE du Conseil du 1er octobre 1985 portant sixième modification de la directive 76/769/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses.

10 () Décret n°87-59 du 2 février 1987.

11 () Cette directive 96/59/CE du Conseil des Communautés européennes concernant l’élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles (PCB et PCT) abroge la directive 76/403 modifiée par la directive 85/467 du 1er octobre 1985.

12 () Soit, par exemple, l’équivalent de 500 grammes par tonne.

13 () Est considérée comme PCB toute préparation dont la teneur en PCB est supérieure à 0,005 % en masse (50mg/kg ou 50 parties par million (Ppm).

14 () CJCE, 6 juin 2002, Commission des communautés européennes c/République française, affaire C 177/01. Pour mémoire, l’Allemagne et le Portugal ont également été sanctionnés, en 2004.

15 () Une très forte proportion de ces appareils contenant des fluides PCB est en effet utilisée pour la production, le transport et surtout la distribution d’énergie électrique sur tout le territoire.

16 () 11 d’entre eux concernant des parcs de plus de 300 appareils et 106 des entreprises détenant moins de 300 appareils.

17 () 1500 euros au plus. Le taux applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui applicable aux personnes physiques.

18 () Rapport N° 981 du 25 juin 2003 : à cette date, la Convention comportant 151 signataires avait été ratifiée par 33 États.

19 () Ces polluants sont répartis en trois catégories : les pesticides (aldrine, chlordane, DDT, dieldrine, endrine, heptachlore, mirex, et toxaphène), les produits chimiques industriels (hexachlorobenzène et PCB) et les sous-produits chimiques involontaires (dioxines et furannes).

20 () Règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne.

21 () Cf. le rapport précité de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale commun aux deux conventions.

22 () Règlement (CE) n° 304/2003 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux.

23 () Arrêté du 16 février 1988.

24 () Règlement cadre du Conseil européen du 8 février 1993 portant établissement des procédures communautaires relatives aux contaminants dans les denrées alimentaires.

25 () Règlement (CE) n° 1881/2006 de la Commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires qui modifie le règlement (CE) n°466/2001.

26 () Recommandation 2002/201/CE de la Commission du 4 mars 2002 sur la réduction de la présence de dioxines, de furanes et de PCB dans les aliments pour animaux et les denrées alimentaires.

27 () Règlement (CE) n° 2375/2001 du Conseil du 29 novembre 2001 modifiant le règlement (CE) n° 466/2001 de la Commission du 8 mars 2001 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires.

28 () En 2001, la fixation de teneurs incluant les PCB-DL n’a pas été possible ; il a donc été fait application par défaut des valeurs retenues pour les dioxines et furanes aux PCB.

29 () Directive 2003/57/CE de la Commission du 17 juin 2003 modifiant la directive 2002/32 du Parlement européen et du Conseil du 7 mai 2002 sur les substances indésirables dans les aliments pour animaux.

30 () Avis relatif à l’établissement d’une valeur maximale admissible de dioxines dans les eaux destinées à la consommation humaine, 22 mars 2005.

31 () Et notamment : la synthèse réalisée par la Commission européenne en octobre 1999 qui met en avant le peu de données disponibles relatives à la présence de dioxines et de furanes dans l’eau et plus particulièrement dans l’eau de boisson, une étude menée au Japon sur 40 usines de production d’eau potable qui montre que les concentrations de dioxines et de furanes détectées dans l’eau traitée destinée à la consommation humaine sont toutes inférieures à 1 picogramme TEQ-OMS/litre.

(32 ) Décret n°77-1133 du 21 septembre 1977 pris pour l’application de la loi du 19 juillet 1976.

33 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles du 21 décembre 2007, COM (2007) 844 final.

34 () Loi n° 2003-699 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

35 () Rapport Sénat n° 348 (2007-2008) de M. Jean Bizet, fait au nom de la commission des affaires économiques.

36 () TGI Paris, 11ème Chambre correctionnelle, 16 janvier 2008.

37 () Article L. 110-1 du code de l’environnement.

38 () Date butoir de transposition de la directive.

39 () Rapport n° 973

40 () Ain, Ardèche, Bouches-du-Rhône, Drôme, Gard, Isère, Loire, Rhône, Vaucluse.

41 () Amont du barrage de Sault-Brenaz (Ain, Savoie), lac des eaux bleues (Rhône), contre-canaux (Ardèche, Drôme) sauf anguilles, étangs des Bouches-du-Rhône et petit Rhône (Bouches-du-Rhône).

42 () Après avoir été créé puis géré, de 1976 à 1981, par le groupement d’industriels régionaux PLAFORA, Trédi a été repris, de 1981 à 2002, par EMC-Services, filiale des Mines de potasse d’Alsace, société elle-même contrôlée par l’Etat via la Caisse des dépôts et consignations. Depuis 2002, Trédi a été repris par le groupe Séché environnement.

43 () Les volumes relatifs à la période antérieure ne sont pas disponibles.

44 () De nombreux exploitants se sont succédé sur ce site avant Arkema, depuis la première guerre mondiale, et notamment : Rhône-Poulenc, Chlore chimie, Atochem.

45 ()(Oxydes de soufre et autres composés soufrés, acide chlorhydrique, protoxyde d'azote,oxydes d’azote et autres composés oxygénés de l’azote, à l'exception du protoxyde d'azote, hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils).

46 () A la date du 12 juin 2008 

47 () Contamination des poissons et des sédiments du Rhône par les polychlorobiphényles. Synthèse des données recueillies en 2005-2006, Marc Babut, Cécile Miège, Cemagref, juin 2007.

48 () Pour mémoire, lors de l’alerte de 1986, la pollution avait elle-même été estimée par les scientifiques comme équivalente au vingtième des doses trouvées lors de l’accident survenu au Japon en 1968…

49 () Une information judiciaire a été ouverte au tribunal de grande instance de Lyon le 10 mai 2007 avant que le dossier soit renvoyé au pôle de santé publique de Marseille le 19 octobre 2007.

50 () Directive 2000/60/CE du 22 décembre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

51 () « Les boues de stations d’épuration sont elles contaminées ? », article d’Alexandre Dudkowski publié dans le cahier de l’environnement, INRA, 2000.

52 () 23 pays étaient à l’époque membres de l’OCDE : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume Uni, Suisse, Suède et Turquie.

53 () B.Quémarais, C.Lemieux, L.R. Lum, Temporal variation of PCB concentrations in the St Lawrence river (Canada) and four of is triburies – Chemosphere, Vol.28, n°5, p 947-959, (1994).

54 () Y. Xing et al, A spatial temporal assessment of pollution from PCB in China – Chemosphere 60 p 731-739, (2005).

55 () « Les difficultés de l’évaluation des risques liés à une pollution chronique du milieu aquatique par les PCB. Un cas sur le Haut-Rhône », le courrier de la cellule environnement de l’INRA, février 1990.

56 () Contamination des poissons et des sédiments du Rhône par les polychlorobiphényles. Synthèse des données recueillies en 2005-2006, Marc Babut, Cécile Miège, Cemagref, juin 2007.

57 () Le bassin Rhône Méditerranée couvre 5 régions et 25 départements.

58 () Rapport d’information N° 352 (2006-2007) fait au nom de la commission des finances du Sénat par Mme Fabienne Keller.

59 () Contamination des poissons et des sédiments du Rhône par les polychlorobiphényles. Synthèse des données recueillies en 2005-2006, Marc Babut, Cécile Miège, , Cemagref, juin 2007.

60 Les pal planches sont des matériels de travaux publics que l’on enfonce dans le lit des rivières ou dans les zones humides afin de pouvoir accéder au lit pour y effectuer divers travaux.

61 () J.E.M. Beurskens, P.B.M. Storelder, Microbial transformation of PCBs in sediments : What can we learn to solve pratical problems? Water Science and Technology, Volume 31, Issue 8, 1995, pages 99-107, cité par le rapport du BRGM de novembre 2007.

62 () Un rapport du ministère de l’environnement anglais de juin 1981, faisait état de la résistance des polychlorobiphényles aux dégradations chimiques et biologiques dans les processus d’épurations des eaux usées des agglomérations, de même, dans sa soutenance de thèse de doctorat à l’école polytechnique fédérale de Lausanne, M. Luiz Felippe De Alencastro précisait que les flux en PCB à l’entrée des stations d’épuration étaient importants et que la proportion de PCB éliminée pendant l’épuration des eaux était comprise entre 54 % et 87 %.


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