N° 1153 - Rapport d'information de MM. Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales



N° 1153

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2008.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE sur la clarification des compétences des collectivités territoriales,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Didier QUENTIN et Jean-Jacques URVOAS

Députés,

en conclusion des travaux d’une mission d’information(1) présidée par

M. Jean-Luc WARSMANN

——

La mission d’information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales est composée de :

M. Jean-Luc Warsmann, président ;

MM. Guy Geoffroy, Bernard Derosier, vice-présidents ;

MM. Didier Quentin, rapporteur, Jean-Jacques Urvoas, co-rapporteur ;

Mme Brigitte Barèges, MM. Claude Bodin, Patrick Braouezec, François Calvet, Christophe Caresche, Éric Ciotti, Jean-Michel Clément, Philippe Gosselin, François Goulard, Mme Marietta Karamanli, MM. Jean-Christophe Lagarde, Thierry Mariani, Bertrand Pancher, Jean-Jack Queyranne, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Éric Straumann, Manuel Valls, Christian Vanneste, Charles de La Verpillère, Philippe Vuilque.

INTRODUCTION 7

I. DÉCENTRALISATION : DU DIAGNOSTIC À L’ACTION 9

A. UN DIAGNOSTIC UNANIME SUR L’ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES 9

1. Le constat de l’enchevêtrement 9

a) Un enchevêtrement matériel 9

b) Un enchevêtrement financier 14

c) Une prise de conscience et une volonté de réforme unanimes 16

2. Des facteurs d’enchevêtrement multiples 17

a) Des principes juridiques facteurs d’enchevêtrement 17

b) Les EPCI 21

c) Le recours croissant à la contractualisation 23

d) L’imbrication de l’État et des collectivités territoriales 24

e) La logique politique 25

3. Les conséquences dommageables de l’enchevêtrement 26

a) Une puissance publique moins réactive et moins responsable 27

b) Une action publique difficile à évaluer et à réformer : l’exemple des contrats de projet État-région 28

c) Une économie moins compétitive 30

d) Une décentralisation devenue inintelligible pour le citoyen 32

B. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES : UN ENJEU RÉCURRENT DE LA DÉCENTRALISATION 33

1. La répartition des compétences analysée par les rapports et la doctrine 33

a) Des propositions anciennes et fructueuses de nombreux rapports 33

b) Le pessimisme de la doctrine 37

2. Le partage des compétences dans les textes législatifs 38

C. COMPÉTENCES ET STRUCTURES TERRITORIALES : DES PROBLÈMES LIÉS 40

1. Les trois échelons de collectivités territoriales 40

a) Deux échelons traditionnels : les communes et les départements 41

b) L’apparition récente d’un échelon additionnel : les régions 42

2. L’ajout d’un échelon intercommunal polymorphe 44

3. L’apparition des « pays » 47

a) Une émergence spontanée 48

b) Une institutionnalisation progressive 48

c) La multiplication des pays 50

D. L’EXISTENCE DE RÈGLES DE RÉPARTITION DÉROGATOIRES POUR CERTAINES COLLECTIVITÉS 50

1. Paris, Lyon et Marseille 50

a) Une organisation originale en arrondissements 51

b) Le statut juridique spécifique de la Ville de Paris 52

2. L’Île-de-France 53

a) Les départements limitrophes de Paris et leurs communes 53

b) Les communes franciliennes 53

3. Les communes d’Alsace et de Moselle 54

4. La Corse 54

a) L’organisation originale et les compétences particulières de la collectivité territoriale de Corse 55

b) L’évolution des limites constitutionnelles à l’extension des compétences de la collectivité territoriale de Corse 57

5. Les départements et régions d’outre-mer 58

a) Les départements d’outre-mer (DOM) 58

b) Les régions d’outre-mer (ROM) 60

II. CLARIFIER ET SIMPLIFIER LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES 64

A. LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE D’EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES RENOUVELÉES EN 2003 64

1. Libre administration des collectivités territoriales n’implique pas nécessairement « clause générale de compétence » 64

2. Un « principe d’adéquation » sans portée juridique précise 65

3. Une interdiction des tutelles entre collectivités tempérée par la possibilité de désigner des « chefs de file » 67

B. L’ENCADREMENT DU RECOURS AUX COFINANCEMENTS 69

C. LE PRINCIPE DE L’ATTRIBUTION EXCLUSIVE DES COMPÉTENCES À UN ÉCHELON 70

1. Un exemple de compétence à réserver aux communes et intercommunalités : les équipements sportifs 71

2. Des exemples de compétences à réserver aux départements 71

a) L’action sociale 71

b) Le tourisme 74

c) La culture 75

3. Des exemples de compétences à réserver aux régions 76

a) La gestion des établissements d’enseignement secondaire 76

b) La planification de l’enseignement supérieur et l’organisation de l’enseignement artistique 77

c) Les transports terrestres 79

4. Un principe dont l’application doit tenir compte des réalités locales 81

III. FAVORISER LE REGROUPEMENT DES STRUCTURES TERRITORIALES 82

A. CRÉER LES CONDITIONS D’UN « BIG BANG » TERRITORIAL 82

1. L’ancrage historique des structures actuelles 82

2. L’incitation à la coopération 85

B. LES REGROUPEMENTS HORIZONTAUX 89

1. L’agrandissement des régions 89

a) Le regroupement de régions entières 89

b) La recomposition régionale 94

2. L’extension de l’intercommunalité 95

a) La fusion des actuels EPCI 95

b) L’achèvement de la carte intercommunale 96

c) La disparition des pays 98

C. LES REGROUPEMENTS VERTICAUX 99

1. Le regroupement de la région et des départements qui en sont membres en une seule collectivité territoriale : la « grande région » 99

2. L’élargissement de la trame communale tout en préservant l’existence des communes actuelles 102

3. La question des départements comportant une agglomération prépondérante 106

EXAMEN EN COMMISSION 112

LES DIX PRINCIPES RETENUS PAR LA MISSION 116

ABRÉVIATIONS 118

RAPPORTS RELATIFS À LA DÉCENTRALISATION ET AUX COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 119

PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION 122

MESDAMES, MESSIEURS,

À l’occasion de l’examen par votre commission des Lois, en juin 2006, d’un rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, constituant le principal volet législatif de ce que l’on a coutume d’appeler l’« acte II » de la décentralisation, le rapporteur avait souligné le souhait, exprimé par l’ensemble des acteurs locaux, d’une pause dans l’adoption de dispositions législatives transférant de nouvelles compétences, qu’il analysait comme « le signe d’une volonté de repenser les missions et l’organisation des collectivités autour des nouvelles compétences transférées » (2).

En l’espace de deux ans, la pause souhaitée a été respectée, et une nouvelle analyse de la décentralisation et de ses enjeux doit être menée. Pour ce faire, il convient de prendre en compte les critiques émises depuis plusieurs années, sur l’enchevêtrement des compétences des différents niveaux d’administration territoriale, sur le caractère de plus en plus complexe et incompréhensible pour le citoyen, et parfois pour l’élu local lui-même, de la répartition des compétences entre collectivités locales ainsi qu’entre celles-ci et l’État.

C’est pourquoi votre commission des Lois, à l’initiative de son Président, a décidé, le 20 novembre 2007, la création d’une mission d’information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, composée de députés de la majorité ainsi que de l’opposition, le rapport ayant été confié à un rapporteur de la majorité et à un co-rapporteur de l’opposition.

Procédant à l’audition des représentants des associations d’élus locaux et de l’administration ainsi que d’experts, la mission a pu constater rapidement que l’enjeu de la clarification des compétences s’imposait à tous. Afin de le relever, il est nécessaire d’analyser l’enchevêtrement des compétences, d’en comprendre les causes et d’en examiner les conséquences négatives (partie I). Le problème posé par la distribution actuelle des compétences est dès lors apparu indissociable de celui de l’architecture territoriale actuelle et du trop grand nombre d’échelons d’administration territoriale. Pour répondre concrètement à ce double problème, la mission a formulé deux séries de propositions, les unes relatives aux corrections qu’il serait souhaitable d’apporter à la distribution actuelle des compétences (partie II), les autres relatives aux mécanismes qu’il serait possible de mettre en œuvre pour favoriser le regroupement des structures territoriales (partie III).

I. DÉCENTRALISATION : DU DIAGNOSTIC À L’ACTION

A. UN DIAGNOSTIC UNANIME SUR L’ENCHEVÊTREMENT DES COMPÉTENCES

1. Le constat de l’enchevêtrement

a) Un enchevêtrement matériel

Le partage des compétences entre les catégories de collectivités est plus ou moins bien établi selon les domaines d’action.

De manière générale, on peut isoler un petit nombre de compétences qui sont étroitement liées à un niveau territorial précis : la formation professionnelle aux régions, l’action sociale aux départements, l’urbanisme aux communes et intercommunalités. Il s’agit de compétences que l’on pourrait qualifier de « bien délimitées ». Cette bonne délimitation peut toutefois dans certains cas se combiner avec une délégation de tout ou partie de la compétence à un autre niveau territorial. Par exemple, l’action sociale peut être pour partie déléguée par le département, s’il le souhaite, aux communes ou aux EPCI. La région peut, de la même manière, déléguer au département la compétence d’agrément des établissements dispensant des formations sociales.

D’autres domaines de compétences sont à l’inverse des domaines partagés. Ils se caractérisent par des interventions conjointes, ou concurrentes, de plusieurs collectivités territoriales. On peut plus particulièrement citer à ce titre les transports, l’éducation et l’action économique.

Enfin, en raison de la « clause générale de compétence » que la loi leur reconnaît, les collectivités peuvent intervenir en toute matière qu’elles jugent être d’intérêt local. C’est ainsi que, par exemple, toutes les catégories de collectivités interviennent en matière d’aide aux associations ou de coopération décentralisée.

LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
ENTRE CATÉGORIES DE COLLECTIVITÉS LOCALES

 

Régions

Départements

Communes et groupements de communes

Voirie

Financement d’infrastructures autoroutières et routières

Financement des lignes à grande vitesse (LGV)

Financement d’infrastructures autoroutières et routières

Financement des lignes à grande vitesse (LGV)

Propriété, aménagement, entretien et gestion des routes départementales

Gestion des personnels des DDE

Financement d’infrastructures autoroutières et routières

Financement des lignes à grande vitesse (LGV)

Propriété, aménagement, entretien et gestion de la voirie communale

Grands équipements

Propriété, aménagement, entretien et gestion des aérodromes civils

Propriété, aménagement, entretien et gestion des ports non autonomes

Propriété, aménagement, entretien et gestion des canaux et voies navigables

Propriété, aménagement, entretien et gestion des aérodromes civils

Propriété, aménagement, entretien et gestion des ports non autonomes

Propriété, aménagement, entretien et gestion des canaux et voies navigables

Propriété, aménagement, entretien et gestion des aérodromes civils

Propriété, aménagement, entretien et gestion des ports non autonomes

Propriété, aménagement, entretien et gestion des canaux et voies navigables

Transports

Organisation et financement des services ferroviaires régionaux de voyageurs

Schéma régional de transport scolaire

Réseau de transport Île de France

Plan départemental des transports

Organisation et financement des transports scolaires (hors périmètre urbain)

Organisation et financement des transports routiers non urbains de voyageurs

Réseau de transport Île de France

Organisation et financement du transport scolaire intracommunal

Action économique

Schéma régional de développement économique (à titre expérimental)

Aides aux entreprises

Aides à l’installation ou au maintien de professionnels de santé

Participation au capital de sociétés, de fonds de garantie

Aides aux entreprises

Aides à l’installation ou au maintien de professionnels de santé

Participation au capital de sociétés, de fonds de garantie

Création, suppression ou transfert des halles et marchés communaux

Abattoirs municipaux

Bureaux de pesage, mesurage et jaugeage

Aides aux entreprises

Aides à l’installation ou au maintien de professionnels de santé

Participation au capital de sociétés, de fonds de garantie

Formation professionnelle

Plan régional de développement des formations professionnelles

Formations paramédicales

Bourses pour les formations paramédicales

Formations sociales

Bourses pour les formations sociales

Gestion des crédits AFPA

Organisation du réseau et des centres d’information sur la VAE

Création et rénovation des CFA

Aides à l’apprentissage

   

Éducation

Construction et entretien des lycées et établissements d’éducation spéciale

Accueil, restauration et hébergement des lycéens

Gestion des personnels TOS des lycées

Financement des constructions universitaires (maîtrise d’ouvrage déléguée)

Construction et entretien des collèges

Accueil, restauration et hébergement des collégiens

Gestion des personnels TOS des collèges

Entretien et gestion des IUFM

Construction et entretien des écoles élémentaires

Culture

Inventaire général du patrimoine culturel

Établissements d’enseignement professionnel initial de musique, danse, dessin, théâtre

Fonds régional d’art contemporain (FRAC)

Bibliothèques régionales

Musées régionaux

Services archéologiques

Archives régionales

Schéma départemental des enseignements artistiques

Établissements d’enseignement initial de musique, danse, dessin, théâtre

Bibliothèques départementales de prêt

Musées départementaux

Services archéologiques

Services départementaux d’archives

Établissements d’enseignement initial de musique, danse, dessin, théâtre

Bibliothèques communales

Musées communaux

Services archéologiques

Archives municipales

Monuments historiques

Propriété d’immeubles classés ou inscrits

Gestion des crédits d’entretien des immeubles classés (à titre expérimental)

Propriété d’immeubles classés ou inscrits

Gestion des crédits d’entretien des immeubles classés (à titre expérimental)

Gestion des crédits de conservation du patrimoine rural non protégé

Propriété d’immeubles classés ou inscrits

Logement

Prise en charge du logement étudiant (Région Île de France)

Plan départemental de l’habitat

Plan départemental d’actions pour le logement des personnes défavorisées

Aides à la construction

Schéma départemental d’accueil des gens du voyage

Contrats de ville

Programme local de l’habitat

Participation aux commissions d’attribution des logements sociaux

Aires d’accueil des gens du voyage

Résorption de l’habitat insalubre (à titre expérimental)

Aides à la construction (EPCI)

Mise en œuvre du droit au logement opposable (à titre expérimental, EPCI)

Prise en charge du logement étudiant

Action sociale

Action sociale facultative

Schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale

Autorisation de création et habilitation des établissements sociaux fournissant des prestations de la compétence du département

Fonds d’aide aux jeunes

Fonds de solidarité pour le logement

Revenu minimum d’insertion/Revenu minimum d’activité

Allocation personnalisée d’autonomie (APA), CLIC et CODERPA

Prestation de compensation du handicap (PCH) et maisons du handicap

Hébergement des personnes admises dans les CAT, des personnes en maison de retraite

Aide sociale à l’enfance

Formation et agrément des assistantes maternelles

Protection judiciaire de la jeunesse

Accompagnement social personnalisé

Action sociale facultative

Centre communal (ou intercommunal) d’action sociale (CCAS), instruisant les demandes d’aides sociales, exerçant les compétences déléguées par le département

Domiciliation des SDF

Autorisation de création, extension ou transformation des établissements d’accueil des jeunes enfants

Action sociale facultative (crèches, garderie, accueil des sans abri…)

Action sanitaire

Financement d’équipements sanitaires (à titre expérimental)

Présidence du conseil d’administration des établissements publics de santé spécialisés

Centres et consultation de PMI et de planification familiale

Prévention sanitaire (pour partie recentralisée)

Lutte contre les moustiques

Présidence du conseil d’administration des établissements publics de santé

Cimetières et service extérieur des pompes funèbres

Bureaux municipaux d’hygiène

Lutte contre les moustiques

Urbanisme

Élaboration du SDRIF (Région Île de France)

 

Délivrance des autorisations d’urbanisme

Plans locaux d’urbanisme

Schémas de cohérence territoriale (EPCI)

Droit de préemption urbain

ZAC et plan d’aménagement de zone

Aménagement du territoire

Contrat de projet État-région

Schéma régional de développement et d’aména-gement du territoire

Parcs naturels régionaux

Gestion des fonds européens (à titre expérimental)

Réseau et service local de télécommunication

Association au contrat de projet État-région

Réseau et service local de télécommunication

Établissement d’un programme d’aide à l’équipement rural

Association au contrat de projet État-région

Réseau de distribution d’électricité

Installations de production d’électricité de proximité

Réseau de distribution de gaz

Réseau et service local de télécommunication

Environnement

Inventaires locaux du patrimoine naturel

Plan régional pour la qualité de l’air

Classement des réserves naturelles régionales

Parcs naturels régionaux (PNR)

Plan régional d’élimination des déchets industriels

Inventaires locaux du patrimoine naturel

Protection, gestion et ouverture au public des espaces naturels sensibles

Gestion de l’eau

Plan départemental d’élimination des déchets ménagers

Inventaires locaux du patrimoine naturel

Assainissement individuel et collectif

Distribution d’eau potable

Collecte et traitement des ordures ménagères

Tourisme

Schéma régional de développement du tourisme

Comité régional du tourisme

Schéma d’aménagement touristique départemental

Plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée

Comité départemental du tourisme

Offices du tourisme

Sport

Construction et entretien d’équipements sportifs dans les lycées

Subventions aux associations et sociétés sportives

Construction et entretien d’équipements sportifs dans les collèges

Subventions aux associations et sociétés sportives

Construction et fonctionnement des équipements sportifs de proximité

Subventions aux associations et sociétés sportives

Associations et syndicats

Subventions aux associations

Subventions de fonctionnement aux structures locales des organisations syndicales

Subventions aux associations

Subventions aux structures locales des organisations syndicales

Subventions aux associations

Subventions aux structures locales des organisations syndicales

Sécurité

 

Services départementaux d’incendie et de secours

Police du domaine public départemental

Participation au conseil départemental de prévention

Police municipale

Polices spéciales

Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance

Centres d’incendie et de secours

Communication

Service de télévision sur la vie locale

Journal d’information du conseil régional

Service de télévision sur la vie locale

Journal d’information du conseil général

Service de télévision sur la vie locale

Journal d’information du conseil municipal

Coopération décentralisée

Actions de coopération internationale

Actions de coopération transfrontalière

Actions de coopération internationale

Actions de coopération transfrontalière

Actions de coopération internationale

Actions de coopération transfrontalière

b) Un enchevêtrement financier

Les volumes financiers que chaque catégorie de collectivités consacre aux compétences qu’elle exerce confirment l’imbrication, voire l’enchevêtrement des compétences.

Ces volumes ne peuvent être indiqués qu’en ce qui concerne les régions, les départements ainsi que les communes de plus de 10 000 habitants. Les communes ne sont en effet tenues à une présentation tant par nature que par fonction de leur budget qu’au-delà de 10 000 habitants (3) : il est donc impossible de disposer de données précises et exhaustives pour l’ensemble des communes. Les communes de plus de 10 000 habitants regroupent toutefois la moitié de la population française et représentent plus de 60 % de l’ensemble des budgets communaux.

Il faut ajouter que ces données chiffrées ne donnent qu’une image approximative, dans la mesure où le renseignement de chacune des fonctions de la nomenclature budgétaire est effectué de manière différente par chaque collectivité. Ainsi, la part des services généraux varie entre 10 % et 30 % du budget des départements. Certaines dépenses peuvent être tantôt classées dans une fonction, et tantôt dans une autre. C’est donc avec réserve qu’il convient d’apprécier la présentation des dépenses par fonction.

Ce paysage, même impressionniste, permet de faire apparaître les engagements financiers importants de chaque catégorie de collectivités territoriales pour le même domaine de compétence.

LES DÉPENSES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
DANS LES DIFFÉRENTS DOMAINES DE COMPÉTENCE (EN MILLIONS D’EUROS)

 

Régions

Départements

Communes de plus de
10 000 habitants

Formation professionnelle et apprentissage

5 176

   

Enseignement

5 416

5 263

5 505

Dont enseignement supérieur

362

301

 

Culture, vie sociale, jeunesse, sports et loisirs

980

2 237

7 889

Dont culture

 

1 214

3 587

Prévention médico-sociale

 

989

 

Dont PMI et planification familiale

 

399

 

Dont prévention

 

119

 

Action sociale (hors RMI et APA)

160

16 864

3 971

Dont famille et enfance

 

6 309

 

Dont personnes handicapées

 

5 174

 

Dont personnes âgées

 

2 579

 

Dont logement

   

298

RMI

 

7 546

 

APA

 

4 630

 

Réseaux et infrastructures

 

7 314

 

Aménagement et environnement

1 883

2 649

8 636

Dont aménagement

1 282

   

Transports

6 320

3 278

 

Dont transports scolaires

 

1 826

 

Dont transports ferroviaires

3 275

   

Développement économique

2 044

2 094

884

Dont recherche et innovation

511

   

Dont tourisme

308

516

 

Sécurité

 

2 322

1 309

Dont SDIS

 

2 163

 

Source : DGCL

NB : Les données renseignées sont celles des budgets primitifs pour l’année 2007 pour les départements ainsi que les régions. Pour les communes, il s’agit des dépenses pour l’année 2004.

Par ailleurs, l’intervention de plusieurs collectivités dans un même champ de compétence se traduit par l’existence de financements croisés, étant rappelé que les financements croisés peuvent également intervenir en faveur de compétences exercées par l’État.

Les subventions versées par les départements au profit des collectivités et autres établissements publics représentent 28 % des budgets départementaux d’investissement en 2004.

Les communes et groupements perçoivent pour leur part plus de subventions d’investissement qu’ils n’en versent. Au total, 1,7 milliard d’euros est ainsi versé aux communes de moins de 3 500 habitants.

Comme le montre le tableau ci-dessous, les principaux bénéficiaires des financements croisés sont les communes et leurs groupements, d’une part, et l’État, d’autre part.

SUBVENTIONS D’INVESTISSEMENT VERSÉES EN 2004 (en millions d’euros)





Communes et groupements

Départements

Régions

État

Total

Communes et groupements

 

2 430

926

682

4 038

Départements

55

 

196

0

251

Régions

10

40

 

0

50

État

88

290

549

 

927

Source : DGCP

NB : Il existe également des financements croisés entre communes et EPCI sous la forme de fonds de concours. Toutefois, ces fonds de concours ne peuvent pas être mesurés en raison de l’absence d’imputation comptable propre à cette catégorie de subventions.

c) Une prise de conscience et une volonté de réforme unanimes

Dans sa lettre de mission du 30 juillet 2007 à Madame Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le Président de la République écrivait : « vous ferez une pause dans l’octroi de compétences nouvelles aux collectivités territoriales, sauf exceptions de simplification ou d’expérimentation. En revanche, vous ferez en sorte que les collectivités locales puissent exercer leurs compétences de manière plus libre, plus efficace et plus simple, au plus près des attentes et des besoins de nos compatriotes. Nous vous demandons de rechercher, dans la concertation avec les collectivités, les moyens de clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités locales en les regroupant par blocs et en supprimant les redondances. Une loi organique pourra venir conforter cette répartition. »

Dans son discours de clôture du 90ème Congrès des maires et des présidents de communautés de France, le Premier ministre François Fillon, évoquant le thème de la clarification des compétences, présentait en quelques phrases le cœur du problème actuel : « nous souffrons tous de l’empilement et de l’enchevêtrement des compétences. C’est du temps perdu pour dégager des compromis. Ce sont des coûts supplémentaires pour monter des dossiers, pour suivre des procédures, pour faire émerger les projets. Nous devons tous ensemble regarder comment mieux articuler les différents niveaux de compétence. En tout état de cause, le statu quo est impossible. » (4)

Par ailleurs, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une mission relative aux collectivités territoriales a été confiée par le Premier ministre au sénateur Alain Lambert. Il a été plus particulièrement invité à examiner le partage des compétences entre l’État et les différents niveaux de collectivités territoriales ainsi qu’entre ces collectivités, « dans la perspective d’un désenchevêtrement de leurs périmètres d’intervention respectifs et d’une clarification des missions de chacun ».

L’on assiste ainsi à l’émergence d’une volonté commune de relever le défi de l’enchevêtrement des compétences, dans laquelle s’est inscrite la présente mission d’information. Au constat de l’enchevêtrement, confirmé par les auditions, il convenait d’ajouter une analyse de ses causes ainsi que de ses conséquences.

2. Des facteurs d’enchevêtrement multiples

Les facteurs d’enchevêtrement sont nombreux et difficiles à isoler, dans la mesure où l’enchevêtrement résulte de leur conjonction autant que de leur existence. Il est possible d’identifier d’abord un certain nombre de principes juridiques s’appliquant à l’action des collectivités territoriales qui induisent des interventions conjointes ou concurrentes des collectivités (la clause générale de compétence, le « chef de filat », les compétences transférées sur la base du volontariat). L’existence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et le recours croissant à la contractualisation sont également des facteurs qui concourent à multiplier les intervenants, et par conséquent l’enchevêtrement. Enfin, l’imbrication entre l’État et les collectivités territoriales et la logique politique qui commande l’action des élus locaux contribuent, elles aussi, à la complexité actuelle même si l’action sur ces deux derniers facteurs dépasse largement le champ de la législation relative aux collectivités territoriales.

a) Des principes juridiques facteurs d’enchevêtrement

• La clause générale de compétence

Chaque catégorie de collectivités territoriales s’est vue confier par le législateur une compétence pour régler les affaires d’intérêt local.

L’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que « les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. » Cette référence, très large, aux affaires de la compétence de chaque catégorie de collectivités territoriales, est déclinée pour chacune des catégories. En vertu de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, qui reprend une disposition qui figurait déjà dans la loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale, « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». De la même manière, la clause générale de compétence a été accordée, en 1926 au département (« le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département », d’après l’article L. 3211-1 du même code) puis en 1983 à la région (« le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région », selon l’article L. 4221-1 du même code).

Par conséquent, les seules limites à la compétence d’une collectivité sont la limite territoriale (la collectivité n’est compétente que pour son propre territoire) et la limite des compétences confiées par le législateur de manière exclusive.

Ces dispositions législatives, qui instaurent une compétence générale des collectivités territoriales, leur ouvrent un champ d’action très large. Comme le résume fort bien M. Jacques Caillosse, « la clause générale de compétence peut abriter des lectures juridiques généreuses (ou, si l’on préfère, constructives) du pouvoir des collectivités territoriales » (5).

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a permis de renforcer la clause générale de compétence en y adjoignant le principe selon lequel « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». Cet ancrage constitutionnel renforce la légitimité des collectivités à exercer l’ensemble des compétences qui se caractérisent par un intérêt territorial manifeste. Il est de l’intérêt de la commune de verser une aide économique à une entreprise qui envisage de s’implanter sur le territoire communal. Mais le département peut également avoir intérêt à ce que l’entreprise, dont le bassin d’emploi est plus large que celui de la commune, se développe. Enfin, la région a tout intérêt à participer à la dynamique économique.

Exposant le rapport entre clause générale de compétence et libre administration des collectivités territoriales, un auteur soulignait que : « La clause générale de compétence consacre l’initiative possible de la collectivité au-delà d’une liste possible de compétences. […] Par la multiplicité des réalisations possibles, la clause générale de compétence apparaît bien comme une garantie contre une trop grande uniformité administrative, donc, en définitive, une garantie de liberté. » (6) En ce sens, la clause générale de compétence, si elle contribue à l’enchevêtrement des compétences, est un élément de vitalité du pouvoir local – ce qui explique sans doute que, jusqu’à présent, sa remise en cause n’ait été envisagée que de manière prudente et limitée.

• Le « chef de filat »

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a introduit le principe du chef de file entre collectivités territoriales : « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. » Ce principe, qui visait à tempérer l’absence de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, n’a pas eu les effets escomptés en termes de clarification des actions respectives des différentes collectivités.

Conformément à ce principe, le législateur a confié un rôle de chef de file aux régions en matière d’aide économique et aux départements en matière d’action sociale. Néanmoins, l’existence d’un chef de file n’a pour effet, en pratique, ni de restreindre l’intervention des autres collectivités territoriales, ni même de subordonner leur intervention à un accord ou à une coordination avec la collectivité chef de file.

Par exemple, si la région est la collectivité chef de file en matière d’action économique, les autres collectivités conservent des possibilités d’intervention, soit en concluant avec la région une convention pour participer au financement des aides aux entreprises (article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales), soit en attribuant directement des aides à l’immobilier d’entreprise (article L. 1511-3 du même code). Les autres collectivités peuvent également conclure avec l’État une convention pour compléter l’un ou l’autre des deux types d’aides aux entreprises, sans être tenues à d’autre obligation qu’une information de la région, sans avoir besoin de l’accord de cette dernière. Les dispositifs d’aide au développement économique sont ainsi « éclatés, complexes et peu coordonnés », comme le souligne la Cour des comptes dans un récent rapport public thématique (7).

L’ACTION ÉCONOMIQUE EN 2004

Collectivités territoriales

Montant consacré à l’action économique
(en millions d’euros)

Part de l’action économique dans le total des dépenses

Région

2 379

12,20 %

Département

1 690

3,30 %

Commune et EPCI

1 032

1,70 %

EPCI

958

5,50 %

Total

6 059

4 %

Source : Cour des comptes, Rapport public thématique, novembre 2007.

LES RÉGIMES D’AIDE PAR RÉGION

Région

Nombre de régimes d’aide

Alsace

351

Aquitaine

391

Auvergne

395

Basse-Normandie

341

Bourgogne

347

Bretagne

387

Centre

378

Champagne-Ardenne

376

Franche-Comté

380

Haute-Normandie

335

Île-de-France

389

Languedoc-Roussillon

366

Limousin

342

Lorraine

365

Midi-Pyrénées

376

Nord-Pas-de-Calais

314

Pays de la Loire

367

Picardie

340

Poitou-Charentes

328

Provence-Alpes-Côte d’Azur

365

La Réunion

291

Rhône-Alpes

434

Source : Observatoire des aides aux petites et moyennes entreprises, données au 31 décembre 2005

La « réalité du terrain », comme le soulignait M. Serge Grouard, vice-président de l’Association des grandes villes de France (AGVF), lors de son audition par la mission d’information, conduit dans les faits à une répartition des compétences bien différente de celle prévue par les textes. L’exemple de l’action économique, pour laquelle le législateur prévoit une collectivité chef de file, en est une illustration flagrante. Bien qu’une catégorie de collectivités ait plus spécifiquement vocation à intervenir dans un domaine de compétence et à coordonner les éventuelles interventions des autres collectivités, la tendance naturelle est à la coopération ou, à défaut, à la juxtaposition d’actions similaires ou proches.

• Des compétences à géométrie variable

Le législateur a eu recours, à l’occasion de l’« acte II » de la décentralisation, à un mécanisme de transfert de compétences d’un type particulier : toutes les catégories de collectivités peuvent se porter candidates à certains transferts. En cas de pluralité de candidatures, il revient au représentant de l’État dans la région de départager les collectivités candidates. Il est également possible que les différentes collectivités candidates à un même transfert s’associent, sous la forme d’un établissement public, afin de bénéficier en commun dudit transfert. Ce mécanisme a été prévu :

—  pour la propriété et la gestion des aérodromes civils (article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales) ;

—  pour la propriété et la gestion des ports non autonomes (article 30 de la même loi) ;

—  pour la propriété et la gestion des cours d’eau et canaux et ports intérieurs (article 31 de la même loi) ;

—  pour la propriété des immeubles classés ou inscrits (article 97 de la même loi).

La méthode législative retenue présente l’avantage de permettre des transferts sur la base du volontariat, et donc de s’assurer que les collectivités bénéficiaires rempliront en toute connaissance de cause leurs nouvelles obligations. Elle est en ce sens une application législative du principe de subsidiarité.

Toutefois, le résultat est par définition très contrasté selon les territoires et, surtout, peu intelligible au niveau national. Par ailleurs, dans certains cas, tel que celui des monuments historiques ou encore celui des canaux et voies navigables, où le transfert est coûteux, le mécanisme ne crée pas l’incitation qui faisait initialement défaut.

Il en résulte par conséquent un paysage très contrasté et une pluralité d’intervenants pour une même compétence.

b) Les EPCI

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), s’ils ne sont pas des collectivités territoriales et n’ont donc pas de compétence générale, ont tendance à exercer des compétences dans un grand nombre de domaines. Ils sont également très impliqués dans la mutualisation des services et dans les délégations de compétences, qui peuvent avoir des effets économiquement positifs mais créer un risque de confusion des champs d’intervention.

Afin de donner à la structure de coopération intercommunale un cadre, le législateur a énuméré un certain nombre de domaines dans lesquels les EPCI doivent se voir confier l’exercice des compétences par les communes membres. Les domaines concernés sont plus nombreux dans le cas des EPCI urbains qui prennent la forme soit d’une communauté d’agglomération soit d’une communauté urbaine (8). Ce cadre législatif n’est toutefois que partiellement contraignant. La jurisprudence administrative juge notamment qu’il n’y a aucun obstacle à ce que le champ de compétences attribuées à un EPCI lors de sa création excède celui des compétences exercées de plein droit, dès lors que la décision d’exercer cette compétence est prise selon les règles de majorité fixées par la loi (9). Par ailleurs, le fait qu’un établissement de coopération intercommunale exerce une compétence ne signifie pas que cette compétence doive être exclusive de celle des communes membres de l’établissement (10). Si cette coexistence permet de conserver une capacité d’action en faveur des communes, elle n’en participe pas moins à l’enchevêtrement des compétences.

Les EPCI peuvent mettre à disposition d’une ou plusieurs de leurs communes membres tout ou partie de leurs services, en vertu du paragraphe II de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales. En sens inverse, une ou plusieurs communes membres peuvent mettre à la disposition de l’EPCI tout ou partie de leurs services en application du même article. Ces mises à disposition de service, si elles peuvent permettre d’améliorer la bonne organisation administrative, peuvent également renforcer l’imbrication entre communes et EPCI, non seulement en termes de personnel et de matériel, mais également de compétences exercées.

Enfin, les EPCI à fiscalité propre peuvent exercer des compétences qui leur sont déléguées par le département ou la région. L’article L. 5210-4 du code général des collectivités territoriales dispose ainsi : « Lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut demander à exercer, au nom et pour le compte du département ou de la région, tout ou partie des compétences dévolues à l’une ou l’autre de ces collectivités. » Si le conseil général ou le conseil régional accepte cette délégation de compétences, une convention est conclue, qui détermine l’étendue de la délégation, sa durée ainsi que ses conditions financières et ses modalités d’exécution. Outre cette possibilité générale de délégation de compétences, le législateur a également prévu des possibilités de délégation sectorielles. Le département peut confier, par la voie d’une convention, tout ou partie des compétences en matière d’action sociale à une communauté d’agglomération(11) ou à une communauté urbaine(12).

c) Le recours croissant à la contractualisation

On peut trouver plusieurs raisons à l’engouement des collectivités pour l’outil conventionnel. La conclusion de conventions permet de redéfinir les attributions respectives des différentes catégories de collectivités, dans la concertation et au cas par cas. La démarche de contractualisation est également une démarche juridique cohérente avec le principe de l’absence de tutelle entre collectivités et avec celui de libre administration des collectivités.

Les réajustements de compétences par la voie conventionnelle sont dans certains cas explicitement prévus par le législateur :

—  les communes peuvent mettre en œuvre les compétences du département en matière d’action sociale et de santé(13) ;

—  le département peut confier à des communes ou groupements ou syndicats mixtes tout ou partie de l’organisation des transports scolaires(14) ;

—  le département peut déléguer à une communauté urbaine ou une communauté d’agglomération tout ou partie de ses compétences en matière d’action sociale(15).

Devant la mission, le sénateur Alain Lambert ainsi que M. Pierre Mirabaud, délégué général de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) ont plaidé en faveur du recours accru à la contractualisation, qui permettrait de donner plus de souplesse à l’action locale et, dans le même temps, de lui fixer des objectifs précis, pouvant faire l’objet d’une évaluation à échéance régulière. Comme l’explique M. Gérard Marcou, « le contrat constitue l’un des moyens de maintenir ou de créer de la cohérence dans l’action publique même dans un système où l’on a assez largement décentralisé les compétences » (16). Surtout, la contractualisation est un moyen pour mobiliser des ressources financières suffisantes. Il est rare qu’une seule collectivité territoriale dispose d’une capacité financière (soit en fonds propre, soit en termes de capacité d’emprunt) suffisante pour mener à bien des opérations d’investissement lourdes ou des financements conséquents. Les infrastructures aéroportuaires, portuaires, ou les grandes infrastructures de transport, doivent souvent recueillir des fonds provenant de tous les niveaux territoriaux.

Toutefois, force est de constater que l’un des effets indirects de la contractualisation est de brouiller les pistes du partage des compétences. En outre, la contractualisation est critiquée pour ses effets financiers pervers. « Les mécanismes contractuels incitent les collectivités à la dépense. (…) Outre les contrats « interministériels » tels les contrats de plan État-Région, se sont également multipliés les chartes, conventions, contrats directement conclus entre un ministère et une collectivité particulière et qui ont tous ou presque le même but, allier concertation et incitation financière par le biais de financements croisés, mais qui peuvent aussi n’être que des déclarations d’intention à dominante médiatique. » (17) observent deux universitaires.

Par ailleurs, la contractualisation n’est pas seulement un phénomène répandu entre collectivités territoriales mais également entre l’État et les collectivités.

d) L’imbrication de l’État et des collectivités territoriales

L’imbrication de l’État et des collectivités territoriales, qui peut prendre plusieurs formes, participe de l’enchevêtrement des compétences.

La plus ancienne forme d’imbrication est celle du dédoublement fonctionnel des exécutifs locaux. Les compétences en matière de police, de services d’incendie et de secours, d’état civil, sont ainsi des compétences étatiques mais néanmoins exercées par l’exécutif local. Le préfet, lorsqu’il se substitue au maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police, est réputé agir au nom et pour le compte de la commune. La responsabilité pour les dommages pouvant être causés par l’intervention du représentant de l’État incombe à la commune.

Au dédoublement fonctionnel peut s’ajouter la dichotomie entre l’attribution de la compétence et l’organisation des services. L’organisation du service départemental d’incendie et de secours (SDIS), établissement public de caractère départemental, qui regroupe les communes et le département, incombe au premier chef au président du conseil général. Toutefois, l’organisation quotidienne en matière de lutte contre les incendies et de secours ressortit à la compétence du préfet et des maires.

La contractualisation, déjà évoquée, lie également collectivités et État et conduit les unes comme l’autre à intervenir dans un même champ et à financer des actions qui ne sont pas les leurs.

Certains projets peuvent être portés aussi bien par les collectivités que par l’État. À cet égard, l’exemple des maisons des services publics est révélateur. Faute d’un pilote désigné, l’initiative de leur création peut provenir aussi bien de l’État que d’une collectivité territoriale ou d’un opérateur de service public. Dans le récent rapport du Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics à ce sujet, sont soulignées tant « l’absence d’un pilotage global du dispositif » que « l’inexistence de réseaux de mutualisation » (18).

Enfin, lorsque l’État procède à des transferts de compétences, il ne réorganise pas toujours la structure administrative qui assurait auparavant l’exercice de cette compétence, si bien que le doublonnement des structures peut persister. En 1990, un auteur s’étonnait déjà : « Il est tout de même remarquable que les transferts de compétences aux collectivités territoriales, sources de nouvelles structures à l’échelon local pour exercer les nouvelles missions confiées à ces dernières, n’aient guère eu d’incidence sur l’administration centrale. » (19) Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, certaines missions d’audit de modernisation ont porté sur l’impact de la décentralisation sur certaines administrations d’État. Le rapport sur le ministère de l’Équipement (20) fait ainsi apparaître que, si la décentralisation a été accompagnée d’une réduction de l’effectif des services déconcentrés du ministère d’environ 25 %, en revanche l’effectif de l’administration centrale est resté relativement stable depuis 1981. En ce qui concerne le ministère de la Santé et le ministère de l’Emploi, un autre audit fait apparaître de la même manière une relative inertie de la structure des emplois des administrations d’État. Cet audit signale également la persistance d’interventions directes de l’État dans les matières transférées, qui entraîne des pertes d’efficacité et des surcoûts (21).

e) La logique politique

Comme l’ont fait observer certaines personnes auditionnées, et notamment MM. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l’Association des petites villes de France (APVF), et Serge Grouard, vice-président de l’AGVF, un facteur d’enchevêtrement supplémentaire est la logique politique, qui conduit chaque élu local à rechercher un champ d’action le plus large possible, susceptible de lui conférer une plus grande notoriété et de faire figurer la collectivité qu’il représente en bonne place pour les réalisations au profit de la population.

Ce type de mécanisme est particulièrement manifeste pour les domaines où les compétences ne sont pas délimitées et où l’action de la collectivité territoriale est susceptible d’avoir une répercussion médiatique. On peut citer à ce titre les subventions aux associations ou aux entreprises ainsi que les interventions dans le domaine culturel ou dans le domaine environnemental.

Il n’est jamais acquis que les collectivités territoriales, dans une logique de responsabilité et de souci d’économie de la dépense publique, limitent spontanément leurs actions à leurs compétences majeures et historiques.

Ce constat plaide en faveur d’une délimitation stricte, par voie législative, des compétences des collectivités, afin de permettre aux élus de résister aux tentations d’agir en dehors de leurs domaines de compétences.

3. Les conséquences dommageables de l’enchevêtrement

L’aggravation progressive, au fil des années, de l’enchevêtrement des compétences entre les différents échelons d’administration territoriale a un coût, qui n’est pas seulement financier mais aussi politique. En effet, une telle situation dégrade nos finances publiques et la compétitivité de nos entreprises, mais elle affecte aussi le processus même de décision politique et éloigne le citoyen de la démocratie locale. Dans ces conditions, la décentralisation se caractérise par une expertise et des concertations de plus en plus lourdes et complexes, au détriment des administrations, des entreprises et des citoyens.

À cet égard, la réflexion de la mission rejoint l’analyse du rapport de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali, en date du 23 janvier, qui souligne : « la décentralisation est devenue un facteur de confusion, tant les compétences partagées sont nombreuses et paralysantes, et génératrices de coûts supplémentaires, notamment de fonctionnement. Les redondances et chevauchements de compétences entre les divers échelons territoriaux créent à la fois un éclatement de la responsabilité, la paralysie de la décision et la déroute de l’administré » (22).Cette situation montre que le but fondamental de la politique de décentralisation a sans doute été perdu de vue : comme l’a rappelé devant la mission le sénateur Bruno Sido, secrétaire général de l’Assemblée des départements de France (ADF), la décentralisation doit avoir pour objectif d’accroître l’efficacité de l’action publique tout en maîtrisant le coût.

a) Une puissance publique moins réactive et moins responsable

En l’absence d’une répartition claire et ordonnée des compétences entre collectivités locales, mais aussi entre celles-ci et l’État, les décideurs locaux sont d’abord contraints de recourir à une importante expertise juridique et technique, afin de déterminer le ou les échelons territoriaux compétents sur chaque projet, les limites de ces compétences et les conditions dans lesquelles elles peuvent être exercées. Des travaux préparatoires complexes sont souvent requis en amont des décisions politiques et, lorsque la loi a prévu que l’exercice de certaines compétences serait partagé entre plusieurs niveaux d’administration territoriale, les décideurs sont contraints d’utiliser des instruments juridiques spécifiques, qu’il s’agisse de schémas ou de conventions.

Notre collègue Michel Piron, entendu par la mission, notait en 2006, dans un rapport d’information sur l’équilibre territorial des pouvoirs, que le développement des procédures contractuelles « a provoqué une incertitude juridique croissante » pour les décideurs locaux et ajoutait : « L’insuffisante identification des responsabilités réciproques dans la mise en œuvre du contrat et la lourdeur d’opérations nécessairement conjointes sont des motifs réels de blocage. La multiplication des contrats crée la confusion » (23). Cette situation favorise inévitablement une approche moins politique et plus technocratique des dossiers, qui diminue la réactivité des acteurs de la décentralisation.

De même, l’exercice conjoint des compétences, qu’il résulte de leur partage explicite – lorsque le législateur a attribué concurremment une compétence à différentes catégories de collectivités territoriales – ou de la mise en œuvre concrète de la « clause générale de compétence » actuellement reconnue par la loi à chacune de ces catégories, implique un lourd processus de concertation entre les différents partenaires. L’accord de chacun d’entre eux sur les objectifs doit ainsi être obtenu et leur participation respective au financement du projet commun déterminée, ce qui impose, de fait, une négociation souvent longue. Le rapport du groupe de travail présidé par M. Alain Lambert sur les relations entre l’État et les collectivités locales, remis en décembre 2007, dénonce ainsi les effets d’une « “comitologie”, nationale, régionale et départementale foisonnante ». Ce même rapport souligne que, d’une façon générale, l’enchevêtrement des compétences, en imposant de multiples expertises et concertations, engendre des « pertes de temps considérables, avant la décision comme dans sa mise en œuvre, qui ralentissent l’action publique ». L’existence de nombreux doublons dans la mise en œuvre des décisions peut également conduire à des gaspillages d’énergie pour l’exercice des compétences.

En outre, en l’absence de spécialisation de l’action de chaque échelon d’administration territoriale ou, à défaut, de désignation d’une collectivité jouant effectivement un rôle de « chef de file », la généralisation des cofinancements entraîne une dilution des responsabilités. Lorsqu’une participation conjointe de la commune, du département, de la région et de l’État a été décidée, il n’est pas aisé de savoir vers quel partenaire se tourner si un problème survient ensuite dans l’organisation de l’opération, ni à quel acteur attribuer la responsabilité de son succès ou de son échec.

Il convient enfin de souligner que l’accord de tous les échelons territoriaux impliqués conduit souvent à réduire l’ambition des projets, la recherche d’un consensus aboutissant, de fait, à ne retenir que le plus petit dénominateur commun aux différents partenaires. M. Serge Grouard, vice-président de l’AGVF, a également souligné devant la mission que la participation de quatre, voire cinq niveaux d’administration à des projets de développement économique conduisait à leur dispersion géographique, les départements et les régions ayant tendance à privilégier une répartition de leurs actions sur l’ensemble du territoire départemental ou régional. Loin de garantir la pertinence des projets et la préservation de l’intérêt général, la confusion des responsabilités locales a pour effet de retarder et d’affaiblir la décision politique.

b) Une action publique difficile à évaluer et à réformer : l’exemple des contrats de projet État-région

Autre conséquence dommageable de l’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales, les financements croisés et la multiplication des acteurs rendent plus difficile, et parfois quasiment impossible, l’évaluation des politiques publiques. L’évaluation des contrats de plan État-région (CPER, devenus depuis 2006 des contrats de projets État-région) en fournit une bonne illustration.

Institué par la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 qui dispose que « l’État peut conclure avec les collectivités territoriales, les régions, les entreprises publiques ou privées et éventuellement d’autres personnes morales, des contrats de plan comportant des engagements réciproques des parties », le dispositif des contrats de plan vise notamment à mettre en cohérence les projets des nombreux acteurs publics qui interviennent sur un seul et même territoire et à accompagner ainsi les progrès de la décentralisation. Devenu le principal outil de programmation en matière de développement territorial, le contrat de plan État-région a fini par faire l’objet d’un consensus en faveur de son maintien, sous réserve de modifications.

Du fait même de son ambition, il était néanmoins inévitable que ce dispositif atteigne un degré élevé de complexité. Les CPER se caractérisent ainsi par un système de financements croisés complexe, tandis que quatre axes d’interventions principaux regroupent 15 politiques sectorielles et impliquent 20 ministères et plus de 200 lignes de crédits.

Une telle complexité se traduit entre autres par une difficulté à évaluer l’efficacité et les résultats des politiques engagées. Dès lors que le dispositif en place conduit à ce qu’un grand nombre de collectivités gèrent chacune un grand nombre de politiques, il en résulte un suivi hétérogène et partiel, principalement financier ou quantitatif et rarement qualitatif.

Le cabinet Ernst & Young note par exemple, dans son évaluation des CPER 2000-2006 en Île-de-France et en Lorraine, que « les évaluations DIACT recensées ne permettent pas de connaître les réalisations et les résultats des CPER en matière d’infrastructures et de conditions de vie des étudiants », notamment parce que les évaluations disponibles n’isolent pas les résultats des CPER de ceux d’autres dispositifs. Dans la même région, « les évaluations existantes utilisées sur la thématique de l’enseignement et de la recherche au niveau régional ne permettent pas de dégager les réalisations et les résultats des CPER en la matière. »

Plus généralement, l’évaluation des CPER se heurte à des difficultés d’ordre matériel, les régions dotées d’outils de suivi qualitatif des CPER demeurant minoritaires. Ainsi, la région Rhône-Alpes n’a pu réaliser un suivi comportant une mise en relation des réalisations financières, des réalisations physiques et des objectifs du programme.

Lorsque des indicateurs de suivi et d’évaluation pertinents ont été définis, il est par ailleurs rare qu’ils soient renseignés de manière satisfaisante. Selon le même rapport, les régions, conformément à une circulaire du 25 août 2000 (24), ont dû définir des indicateurs de suivi, mais ces derniers se sont révélés peu utiles, d’abord parce que relativement mal conçus, ensuite et surtout parce que trop ambitieux et supposant de la part des acteurs une attention constante que les administrations locales n’ont pas été en mesure de leur accorder. Ainsi, la région Nord-Pas-de-Calais a mis au point en 2000 un « tome 2 » du CPER qui définissait 64 objectifs et environ 400 indicateurs, dont plus de la moitié n’ont finalement jamais été renseignés.

Enfin, l’hétérogénéité des pratiques régionales en matière d’évaluation constitue en elle-même un obstacle à l’évaluation globale des CPER. C’est ainsi que 85 % des évaluations réalisées par les régions portent sur des thématiques représentant 15 % des crédits engagées, tandis que 71 % des crédits ne font l’objet que de 15 % des évaluations. Les politiques d’infrastructures d’équipements et de transport, qui font l’objet de plus de la moitié des crédits engagés dans le cadre de CPER sur la période 2000-2006, n’ont ainsi fait l’objet que de deux évaluations recensées par la DIACT. Si ces carences s’expliquent en partie par la plus grande pertinence d’évaluations autres que régionales dans certains secteurs, cette situation rend extrêmement difficile l’établissement d’un bilan global des CPER, malgré le rôle de plus en plus important joué par cet outil.

Si le manque de données régionales contribue à la difficulté du suivi financier et qualitatif des CPER, l’outillage statistique au niveau national présente également d’importantes lacunes. En effet, « l’unique outil du niveau national, CPER.net, est une application permettant de suivre par grands agrégats les montants État (…). Outre des problèmes relativement mineurs de fiabilité des données (écarts par rapport aux données en région), la limite principale de l’application est qu’elle ne donne qu’une vision sur les engagements État et passe sous silence les crédits des collectivités régionales. En d’autres termes, l’application et les analyses que l’on peut en tirer ne portent que sur la moitié des crédits engagés. »(25)

En bref, l’absence d’un suivi qualitatif satisfaisant au niveau régional et national et le déficit fréquent de renseignement des dispositifs existants rendent hasardeuse toute tentative de dresser un bilan global des CPER.

c) Une économie moins compétitive

Source d’impuissance publique, l’enchevêtrement des compétences diminue en outre la compétitivité de notre économie. Le rapport précité de la commission présidée par M. Jacques Attali note ainsi que « l’enchevêtrement des compétences entre les collectivités territoriales elles-mêmes, et entre celles-ci et l’État, crée des surcoûts et des difficultés pour nombre de prestations sociales et de services publics »(26), notamment en matière d’emploi, de formation et d’insertion. La mission considère quant à elle que les deux principaux effets négatifs de cet enchevêtrement sur l’économie française sont, d’une part, son impact négatif sur la maîtrise des finances publiques qui, bien que difficilement quantifiable, n’en est pas moins certain, et, d’autre part, son impact diffus mais direct sur la compétitivité des entreprises.

Concernant la maîtrise des finances publiques, la prolifération de structures territoriales aux compétences mal délimitées conduit à multiplier les interventions coûteuses dans les domaines les plus divers et, du même coup, implique souvent une augmentation des effectifs des administrations locales chargées de gérer ces politiques variées. Un rapport sur la décentralisation en France, publié en 2007 par l’OCDE, rappelle que « pour qu’à terme la décentralisation s’accompagne d’un gain en efficacité de la dépense publique, les responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales devraient être plus clairement définies et le partage devrait être stabilisé » (27). M. Jean Puech, président de l’Observatoire de la décentralisation du Sénat, a également regretté devant la mission que le transfert de compétences étatiques aux collectivités locales ne s’accompagne pas d’une diminution proportionnelle des effectifs des fonctionnaires employés dans les services déconcentrés de l’État, comme le montre le récent transfert aux départements de la gestion d’une grande partie des routes nationales.

Le rapport de la commission présidée par M. Michel Pébereau sur la dette publique, publié en 2005, notait que « les niveaux d’administration se multiplient sans rationalisation des compétences de chacun d’entre eux », et regrettait que « les pouvoirs publics n’[aient] pas suffisamment encadré le renforcement des pouvoirs financiers des collectivités locales » (28). L’augmentation des effectifs ne concerne d’ailleurs pas uniquement les équipes administratives elles-mêmes, mais aussi le nombre d’élus locaux : le même rapport remarquait ainsi que « du fait de la multiplication des échelons politiques, la France compte environ 500 000 élus locaux, qui cumulent souvent plusieurs mandats » (29) – ce qui a notamment pour effet de rendre plus difficile l’obtention d’un consensus sur les réformes qui concernent les structures administratives locales (30).

Le rapport précité de l’OCDE distingue deux principaux facteurs de surcoûts résultant de l’enchevêtrement des compétences entre les multiples niveaux d’administration territoriale : « À cause de la complexité du système, les charges peuvent être supérieures aux coûts les plus faibles pour produire un certain service d’une qualité donnée. Ce surcoût « technique » de production provient en particulier de la duplication des services administratifs. En dehors du surcoût technique, le système où un même service peut être proposé à plusieurs niveaux et donc, où les ménages ou les entreprises peuvent en bénéficier par plusieurs voies, engendre des mécanismes de surenchère entre les collectivités qui aboutissent à une surproduction de services. » (31).

L’accroissement des dépenses publiques qui résulte de ces différentes formes de surcoûts a deux effets possibles, au niveau national : soit une augmentation équivalente de la pression fiscale, soit un alourdissement de la dette publique, dont la gestion est de plus en plus coûteuse. Dans les deux cas, la confiance des investisseurs et le dynamisme de notre économie s’en trouvent diminués, de manière indirecte mais substantielle.

Le deuxième impact négatif de l’enchevêtrement des compétences porte sur la compétitivité des entreprises. En effet, la multiplication des interventions administratives et des procédures de concertation, voire de négociation entre les différents échelons locaux, représente assurément une contrainte de gestion et donc une charge supplémentaire pour les entreprises concernées. Cette complexité institutionnelle et juridique suppose la constitution, dans les entreprises concernées, d’équipes spécialisées dans les rapports avec ces multiples administrations, d’autant que leurs compétences sont souvent mal identifiées, comme l’a regretté devant la mission M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF).

Par ailleurs, les diverses consultations et réunions requises, pour le lancement puis le suivi d’une opération économique, ralentissent la prise en compte de réalités économiques changeantes : la réactivité des entreprises se heurte alors aux pesanteurs administratives et à la « comitologie » dénoncée par le sénateur Alain Lambert. Cette situation est de nature à décourager nombre d’initiatives, en particulier lorsqu’elles proviennent de petites et moyennes entreprises dont l’expertise est plus limitée dans ces domaines. Or, la créativité et l’innovation des acteurs économiques sont, sur longue période, l’un des facteurs les plus déterminants pour la croissance économique. Dans un contexte de concurrence internationale renforcée, l’économie française est donc pénalisée par rapport aux très nombreux pays qui ne connaissent pas un tel enchevêtrement de compétences dans leurs échelons d’administration locale.

d) Une décentralisation devenue inintelligible pour le citoyen

Le cours pris par la décentralisation qui, depuis une trentaine d’années, tend progressivement à devenir une affaire de spécialistes, n’a pas seulement des conséquences négatives pour les administrations et entreprises françaises : il éloigne également des réalités politiques locales les citoyens, désemparés face à la complexité des normes applicables et à l’éclatement des responsabilités entre une multitude d’acteurs.

M. Bruno Sido, secrétaire général de l’Assemblée des départements de France (ADF), a fait état d’une insatisfaction grandissante des citoyens face à une décentralisation devenue peu intelligible, ainsi qu’au ralentissement de l’instruction des dossiers locaux engendré par les incessantes concertations entre les différents échelons. De même, le sénateur Alain Lambert a noté devant la mission que l’absence de visage unifié de la décentralisation diminue la confiance que les administrés peuvent placer dans leurs élus locaux. Notre collègue Jean-Pierre Balligand, vice-président de l’APVF, également entendu par la mission, considère quant à lui que l’illisibilité croissante de la répartition des compétences entre collectivités locales est largement responsable de l’augmentation progressive, depuis 25 ans, de l’abstention lors des élections locales.

Cette situation est contraire aux objectifs assignés au processus de décentralisation, qui fut décidé non pour le profit des élus ou des experts, mais pour celui des citoyens eux-mêmes, au nom de la démocratie et de la proximité. Elle est d’autant plus regrettable qu’indépendamment des discours théoriques sur la décentralisation, les citoyens souhaiteraient, aujourd’hui comme hier, être davantage associés aux décisions locales qui les concernent et identifier plus facilement les responsabilités politiques et financières, comme l’a fort justement rappelé aux membres de la mission le sénateur Jean Puech, président de l’Observatoire de la décentralisation.

B. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES : UN ENJEU RÉCURRENT DE LA DÉCENTRALISATION

1. La répartition des compétences analysée par les rapports et la doctrine

La littérature spécialisée relative aux collectivités territoriales et aux enjeux posés par la décentralisation en matière de partage des compétences est suffisamment abondante pour mériter d’être évoquée (cf. en annexe la liste des principaux rapports). Cette recension n’est pas seulement intéressante à titre historique ; elle permet également de discerner des propositions pertinentes, qui méritent d’être rappelées ou renouvelées, ainsi que de mettre en perspective toute approche qui se bornerait à préconiser une répartition par blocs de compétences entre catégories de collectivités.

a) Des propositions anciennes et fructueuses de nombreux rapports

Depuis que des rapports analysent le mouvement de décentralisation en France, la question du partage des compétences, entre l’État et les collectivités territoriales d’une part, et entre collectivités territoriales d’autre part, est un passage obligé, voire un exercice imposé.

Pour ne citer que les principaux, le rapport Guichard de septembre 1976 (32), le rapport Hoeffel de mars 1991 (33), le rapport Hauswirth en 1995 (34), le rapport Mercier de juin 2000 (35), le rapport Mauroy d’octobre 2000 (36), comprennent chacun un développement plus ou moins conséquent sur les compétences qu’il conviendrait d’attribuer, exclusivement ou de manière préférentielle, à telle ou telle autre catégorie de collectivités territoriales.

La question du partage des compétences est abordée par le rapport Guichard en 1976 dans le cadre d’une réflexion plus large sur le développement d’une politique de décentralisation. Ce rapport explique que le parti pris de décentralisation implique que les frontières entre compétences de l’État et compétences des collectivités locales soient modifiées. Il avertit dans le même temps : « Nous essaierons bien sûr de proposer un système mieux ordonné, plus clair, mieux distribué que l’imbrication actuelle. Nous tenterons de définir des ensembles cohérents de compétences. Mais aucune répartition ne sera jamais entièrement satisfaisante pour l’esprit. » (37)

La proposition de transfert de compétences aux collectivités territoriales, dans le rapport Guichard, fait des communes le niveau privilégié de l’administration générale, au plus près des citoyens. Le réseau municipal se caractériserait ainsi par « la variété des compétences obligatoires et la possibilité préservée de prendre toute initiative d’intérêt local ». Les départements et les régions seraient, sur des aires territoriales étendues, « un réseau d’administration spécialisée », dont les attributions seraient établies limitativement : « à ce niveau en effet, il faut sortir du système où tout est permis mais rien n’est obligatoire » (38).

Par conséquent, le rapport propose « d’étendre les compétences du département jusqu’à en faire le niveau déterminant de l’action administrative dans plusieurs domaines : éducation, action sanitaire et sociale, polices spécialisées, réseaux et transports ». De la même manière, ce rapport propose que « quatre domaines nouveaux soient ouverts à l’action régionale : le domaine culturel, celui du tourisme, celui des transports et celui de la création d’activités économiques ».

En somme, le rapport Guichard suggère de réserver à la commune le bénéfice de la clause générale de compétence et de procéder dans le même temps à une répartition par blocs des compétences que devraient exercer les autres collectivités territoriales.

M. Daniel Hoeffel, dans un rapport d’information de mars 1991 sur le déroulement et la mise en œuvre de la politique de décentralisation, proposait de clarifier les compétences exercées par les collectivités territoriales et de leur confier de nouvelles compétences. Au titre de la clarification, il suggérait de confier au département une compétence générale en matière de prestations d’aide sociale ainsi qu’une compétence d’ensemble à l’égard des établissements de l’enseignement secondaire, à la région la compétence en matière de formation professionnelle (tout en laissant à l’État un rôle prépondérant pour les actions de formation envers des publics spécifiques). Au titre de l’attribution de nouvelles compétences aux collectivités territoriales, il proposait de décentraliser progressivement l’enseignement supérieur au profit des régions (une première étape concernant l’équipement et le fonctionnement, une deuxième étape les personnels). En matière d’environnement, une approche thématique et sectorielle était recommandée, tandis qu’en matière de tourisme, le rapport plaidait pour une organisation départementale.

Le rapport remis en 1995 par M. Marcel-Gérard Hauswirth à M. Daniel Hoeffel, alors ministre délégué à l’aménagement du territoire et aux collectivités locales, proposait pour sa part un recentrage prenant en compte les « vocations dominantes des différentes catégories de collectivités locales, à savoir : à la région, administration essentiellement de mission, les tâches de prospective, de planification, d’aménagement du territoire, de développement économique, de formation professionnelle et les lycées ; au département, administration de gestion, l’action sociale, le développement rural et les collèges ; à la commune, administration de gestion, l’urbanisme, les écoles maternelles et primaires et les innombrables tâches de proximité » (39).

Une mission d’information du Sénat, chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l’exercice des compétences locales, avait rendu un rapport en juin 2000 (rapport Mercier), dans lequel elle constatait notamment « que la logique initiale de la décentralisation, fondée sur une répartition des compétences par blocs, a été perdue de vue. À la clarification des compétences s’est substituée une autre logique, celle de la cogestion, avec pour conséquence la multiplication des partenariats sous toutes les formes possibles… voire impossibles » (40).

Tirant les conséquences de ce constat, la mission préconisait « de rationaliser dans la mesure du possible la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales, conformément à la vocation principale des différents niveaux de collectivité et en tenant compte des évolutions observées ». Elle suggérait notamment :

––  de transférer aux régions les constructions universitaires, la responsabilité de la formation professionnelle ;

––  de confier aux départements la construction et l’entretien des routes nationales, l’hébergement des personnes handicapées, le revenu minimum d’insertion (RMI), l’organisation des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ;

––  de confier aux différents niveaux de collectivités la gestion des personnels techniques, ouvriers et de service (TOS) correspondant aux établissements entrant dans leur domaine de compétences, la responsabilité des établissements d’enseignement artistique ;

––  d’associer les collectivités à l’inventaire du patrimoine et de permettre une expérimentation consistant à placer une police territoriale de proximité sous l’autorité du maire ;

––  de recentraliser les actions départementales de prévention sanitaire.

La quasi-totalité de ces recommandations a été appliquée par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

En octobre 2000, le rapport de la Commission pour l’avenir de la décentralisation (dite commission Mauroy) proposait pour sa part de faire correspondre à chaque territoire « un bloc de compétences clairement identifié et, lorsqu’il est nécessaire de fédérer des énergies, de permettre à la collectivité désignée comme chef de file de solliciter des financements d’autres partenaires. »

Chaque rapport révèle des préférences dans l’attribution des compétences. Dans le rapport Guichard, il est proposé que les communes soient le niveau privilégié de l’administration générale au plus près des citoyens, tandis que les départements et régions seraient des niveaux d’administration spécialisés. Dans le rapport Hoeffel, le département est au centre des propositions. Toutefois, les plus récents rapports considèrent que chaque niveau territorial peut jouer un rôle majeur pour un certain nombre de compétences et témoignent, à cet égard, d’une vision plus équilibrée et moins partiale.

À ces rapports antérieurs à l’« acte II » de la décentralisation, il convient d’ajouter le rapport sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales du sénateur Alain Lambert, commandé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et remis il y a un peu moins d’un an au Premier ministre, le vendredi 7 décembre 2007. Ce rapport aborde trois sujets principaux : la clarification de la répartition des compétences les différents niveaux de collectivités territoriales ainsi qu’entre celles-ci et l’État ; l’allègement des contraintes, notamment réglementaires, que l’État fait peser sur les collectivités ; l’amélioration des relations financières entre l’État et les collectivités (41).

Concernant la question des normes réglementaires et de leur impact sur les collectivités territoriales, la loi de finances rectificative pour 2007 a prévu la création, au sein du Comité des finances locales, d’une commission consultative d’évaluation des normes, qui doit être consultée avant l’adoption de toute disposition réglementaire créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics (42). Les questions relatives aux relations financières entre l’État et les collectivités territoriales sont traitées, pour leur part, dans le cadre de la Conférence nationale des finances publiques ainsi que de la Conférence nationale des exécutifs. À l’occasion de la loi de finances pour 2008, le contrat de croissance et de solidarité, qui garantissait une croissance des dotations de l’État aux collectivités territoriales figurant dans l’enveloppe normée correspondant à l’inflation prévisionnelle majorée du tiers de la croissance du PIB, a été remplacé par un contrat de stabilité, qui prévoit une évolution des dotations selon un taux de croissance égal à la seule inflation prévisionnelle. Ces exemples récents manifestent le fait que, sur les deux derniers points abordés par le rapport Lambert, les moments de discussion privilégiés sont les textes financiers.

Concernant les pistes de clarification possibles pour les différentes politiques publiques, le rapport Lambert propose deux options : une clarification des compétences pour des politiques d’ores et déjà bien identifiées par le législateur ; l’octroi aux départements et aux régions de compétences spéciales en substitution de la clause générale de compétence. Les propositions de ce rapport ont été présentées au Conseil de la modernisation des politiques publiques et leur mise en œuvre est susceptible d’être concrétisée dans les mois à venir. C’est également dans le sens d’une telle clarification de l’action respective de chaque personne publique que votre mission d’information a travaillé et cherché à élaborer des propositions.

b) Le pessimisme de la doctrine

Le regard assez pessimiste porté par la doctrine sur les tentatives qui pourraient être faites pour constituer des blocs de compétence mérite également d’être pris en compte. Il résulte d’une analyse juridique et historique et permet ainsi de souligner certaines difficultés ou certains paradoxes.

M. Jacques Caillosse explique la revendication d’un champ d’action large par chaque collectivité territoriale par le mouvement de décentralisation : « il est dans la logique même des politiques de décentralisation de charger en pratique toutes les collectivités territoriales d’une même vocation générale à agir pour réaliser l’intérêt général local. » (43)

D’un point de vue plus historique, M. Bruno Rémond souligne : « L’étalement dans le temps des textes afférents à la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, le nombre des lois considérées et parfois leur longueur, l’enchevêtrement des responsabilités qui les caractérisent, ont organisé depuis plus de 20 ans, sur le territoire, un système de conjonction des rôles et de confusion des responsabilités où se cumulent tous les inconvénients : lourdeur du processus décisionnel, coût des systèmes administratifs, dysfonctionnements des politiques, illisibilité démocratique du système. » (44)

Les tentatives de répartition ordonnée des compétences sont perçues comme inabouties, sinon impossibles. MM.  Jean Waline et Jean-Claude Groshens considèrent ainsi que : « dans la pratique, c’est très exactement le principe inverse (du principe de la répartition par blocs de compétences) qui a malheureusement prévalu. Depuis une vingtaine d’années le principe est plutôt celui des compétences partagées pour un seul et même domaine avec comme corollaire des financements croisés. Cette pratique a un double inconvénient : la lourdeur des procédures administratives qui en découle, notamment en ce qui concerne le financement des projets ; le fait que lorsque tout le monde a compétence plus personne n’est responsable. Toutes les tentatives pour mettre fin à cet état de fait ont jusqu’à maintenant échoué. » (45) M. Jean-Marie Pontier exprime une opinion plus radicale encore : « On peut comprendre que, régulièrement, les élus locaux de tous bords, comme les représentants de l’État, affirment la nécessité de clarifier les compétences, mais c’est une illusion ou un mirage. » (46)

Les modes de fonctionnement actuels des collectivités territoriales, et le recours fréquent à la contractualisation ou à la coopération, sont considérés comme des obstacles à toute répartition par blocs de compétences. Comme le résume Mme Laurence Lemouzy : « La croyance en la possibilité même d’un tel ordonnancement des compétences (en blocs de compétences) est totalement démentie par l’émergence de territoires d’action publique où la pratique de l’action commune, sous toutes ses formes, est devenue, par la force des choses et la consécration du droit, la règle. » (47)

Plus encore, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 est parfois analysée comme une nouvelle entrave à la constitution de blocs de compétences. Pour M. Jean-François Brisson, « La subsidiarité, la notion de collectivité chef de file, le droit à l’expérimentation sont autant de manifestations de l’impossibilité d’enfermer les initiatives locales dans une logique étroite de spécialisation. » (48) M. Robert Savy estime que « L’article 72 de la Constitution […] vise « l’ensemble des compétences », ce qui paraît signifier l’abandon de la technique du bloc de compétences : de fait, leur exercice est toujours partagé, au moins avec l’État et souvent entre plusieurs niveaux d’administration. » (49)

Ainsi, la doctrine s’accorde pour reconnaître que la répartition des compétences par blocs, qui permettrait d’obtenir un « jardin à la française », ordonnancé et cartésien, correspond surtout à un idéal type dont la réalité ne peut qu’être un reflet imparfait.

La mission considère que ce constat doit conduire à faire preuve de réalisme dans les propositions de modification de la répartition des compétences, sans pour autant perdre de vue l’objectif primordial de clarification.

2. Le partage des compétences dans les textes législatifs

La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, comprenait un article 3 ainsi rédigé : « La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État s’effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l’État et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l’État, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. »

L’ambition des lois de 1982-1983 a donc dès l’origine été, sinon de constituer des blocs de compétence, du moins de regrouper l’exercice des compétences de la manière la plus homogène possible. Cette ambition s’est pourtant heurtée à une traduction législative et à une pratique beaucoup plus fragmentaires.

Le législateur a réitéré son souhait et sa volonté de clarifier la répartition des compétences à plusieurs reprises.

L’article 65 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire dispose : « La répartition des compétences entre l’État et les collectivités sera clarifiée dans le cadre d’une loi portant révision de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État et de la loi n° 83-623 du 22 juillet 1983 complétant la loi précitée. Cette loi interviendra dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi.

Elle répartira les compétences de manière que chaque catégorie de collectivités territoriales dispose de compétences homogènes. »

Comme l’avait relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision, ces dispositions « qui ne sauraient lier le législateur, sont dépourvues de tout effet juridique et ne peuvent limiter en rien le droit d’initiative du Gouvernement et des membres du Parlement » (50). Néanmoins, elles traduisent un souci d’améliorer la répartition des compétences.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, il était expliqué que les Français « se plaignent également de la complexité de notre organisation institutionnelle, qui ne leur permet pas d’identifier un responsable pour chaque politique publique. Une clarification des compétences s’impose. »

Toutefois, les nouveaux instruments issus de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (l’expérimentation, le recours au chef de file, le principe de subsidiarité) n’ont guère permis, à ce jour, de lutter contre l’enchevêtrement des compétences.

De même, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a transféré de nouvelles compétences aux différentes catégories de collectivités territoriales, s’est efforcée de dégager des blocs cohérents sans toujours y parvenir.

Aujourd’hui, de nombreuses compétences restent partagées entre différents niveaux de collectivités, voire entre les collectivités et l’État. La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, telle qu’elle résulte de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, est de ce point de vue significative, puisqu’elle prévoit que les communes, les départements et les régions « concourent avec l’État à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu’à la protection de l’environnement, à la lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie, et à l’amélioration du cadre de vie. »

Le législateur est donc trop souvent tenté, pour ménager chaque catégorie de collectivités territoriales, de reconnaître simultanément à chacune d’entre elles une capacité d’intervention dans chaque domaine de compétence.

C. COMPÉTENCES ET STRUCTURES TERRITORIALES : DES PROBLÈMES LIÉS

Qu’ils aient ou non le caractère juridique de collectivités territoriales, les échelons d’administration territoriale se sont superposés en France, en particulier, avec la création des régions puis des pays, ou le développement de l’intercommunalité, alors que les autres pays d’Europe ne sont pas confrontés à une telle prolifération de structures territoriales. Ainsi, la plupart des 27 États membres de l’Union européenne disposent de trois niveaux d’administration territoriale infra étatique – en général une dizaine d’États fédérés, régions, provinces ou comtés, une cinquantaine d’arrondissements, districts ou cantons, et plusieurs milliers de communes. Comme le rappelle un récent rapport de M. Pierre Richard sur les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, la France, avec plus de 36 000 communes et 18 000 structures intercommunales, fait figure d’exception : « Aucun autre État européen ne dispose de plus de 15 000 structures territoriales, la moyenne étant nettement inférieure. » (51)

1. Les trois échelons de collectivités territoriales

Porter un regard pertinent sur l’organisation territoriale de la France aujourd’hui suppose de prendre en compte sa formation historique. En effet, nos structures territoriales sont le fruit d’une sédimentation bien antérieure au mouvement de décentralisation observé en France depuis 1982. Si les communes et les départements peuvent s’appuyer sur plus de deux siècles d’histoire, les régions constituent une construction beaucoup plus tardive.

a) Deux échelons traditionnels : les communes et les départements

Des trois échelons de collectivités territoriales, le niveau communal est à la fois le plus ancien et le mieux identifié par les citoyens. En effet, nos actuelles communes, créées par la loi du 14 décembre 1789 sous le nom de « municipalités » (alors au nombre de 44 000), correspondent très largement aux paroisses de l’Ancien régime. C’est à ce niveau qu’est née, pendant la Révolution française, la démocratie locale moderne, grâce à l’élection du maire par les citoyens – les conditions de désignation des représentants communaux variant par la suite en fonction du caractère démocratique des régimes en place. Dotées de la personnalité juridique dès 1837, les communes se virent reconnaître une clause générale de compétence par la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, disposant que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ».

L’émiettement communal s’est à peine réduit depuis deux siècles, puisqu’en 2006, on dénombrait encore 36 568 communes en métropole, dont 90 % peuplées de moins de 2 000 habitants – le récent rapport de la commission présidée par M. Jacques Attali rappelle d’ailleurs qu’en Europe, « la France se caractérise par la plus faible taille moyenne des communes, avec 1 600 habitants, contre 55 200 au Danemark ou 7 200 en Italie » (52), oubliant toutefois la situation de la Suisse, où les communes comptent en moyenne 800 habitants.

Force est de constater que, même si un consensus se dégage sur la nécessité de regrouper les communes, il ressort des auditions menées par la mission que la commune reste souvent considérée comme l’échelon démocratique du quotidien, celui de la proximité par excellence.

Créés par la loi du 22 décembre 1789 pour mettre fin aux disparités et privilèges des provinces d’Ancien régime, les départements, d’abord au nombre de 83, ont été organisés, selon un plan régulier, autour de chefs-lieux accessibles de tout point du département en moins d’une journée à cheval. Si leur apparition est l’œuvre de la Révolution française, il convient toutefois de noter que les « généralités » instituées à la fin de l’Ancien régime exprimaient également la recherche d’un échelon intermédiaire de gestion administrative.

Contrairement à celle des communes, l’institution des départements ne s’inscrit donc pas dans une logique de démocratie locale mais de déconcentration de l’action étatique : le département a d’abord eu pour fonction de relayer la volonté du pouvoir central, comme en atteste la prééminence, pendant près de deux siècles, du préfet institué par la loi du 27 pluviôse An VIII (53). Dotés dès 1833 d’assemblées délibérantes élues au niveau cantonal, les départements ne sont pourtant devenus des collectivités territoriales qu’avec la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux. Enfin, il a fallu attendre 1926 pour que le législateur reconnaisse aux départements une clause générale de compétence comparable à celle des communes et la loi du 2 mars 1982 (54) pour que leur exécutif soit libéré de la tutelle préfectorale – les actes de ces collectivités devenant exécutoires de plein droit, sous réserve du contrôle de légalité des juridictions administratives saisies a posteriori et du contrôle budgétaire des juridictions financières.

b) L’apparition récente d’un échelon additionnel : les régions

À ces deux échelons traditionnels d’administration s’est ajouté, depuis le début des années 1970, le niveau régional, dont l’affirmation n’a été que progressive. En effet, le projet de régionalisation ayant été repoussé par le peuple français en 1969, les régions n’ont d’abord été instituées que sous la forme d’établissements publics par la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions (55). Il a fallu attendre la loi précitée du 2 mars 1982, pour que le législateur prévoit leur transformation en véritables collectivités territoriales, dotées d’une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct (56), puis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pour que le Constituant les mentionne dans notre loi fondamentale au même titre que les départements et les communes.

Les régions, formées par agrégation de départements préexistants, apparaissent aujourd’hui comme l’échelon privilégié de l’action économique, même si la loi leur reconnaît depuis le 7 janvier 1983 (57) une clause générale de compétence au même titre que les communes et les départements. Il ressort toutefois des travaux de la mission que leur rôle et leur poids sont très nettement inférieurs à ceux des échelons comparables en Europe (58). Par ailleurs, l’échelon régional, dont le renforcement administratif paraît légitime pour accroître l’efficience des services déconcentrés de l’État, demeure plus fragile sur le plan de la démocratie locale, car plus éloigné et moins bien connu du citoyen – tendance encore accentuée par le recours au scrutin de liste pour l’élection des conseillers régionaux.

La création de ces nouvelles collectivités territoriales intermédiaires aurait-elle dû être précédée d’une réflexion sur l’intérêt de ne conserver qu’une seule catégorie intermédiaire de collectivités, qu’il s’agisse des départements ou des régions ? Les comparaisons européennes incitent à penser que la question était et demeure en principe pertinente. Il convient toutefois de souligner que les Français semblent attachés à ces trois grands niveaux de démocratie locale : 67 % d’entre eux jugeaient il y a huit ans que la coexistence des trois échelons communes-départements-régions était « une bonne chose, car elle permet de gérer les dossiers au plus près du citoyen et de manière satisfaisante » (59).

En tout état de cause, l’accroissement du nombre de niveaux de collectivités territoriales a d’autant plus favorisé l’enchevêtrement des compétences, la dispersion des énergies et la dilution des responsabilités qu’elle s’est accompagnée du maintien d’une clause générale de compétence poussant chaque catégorie de collectivités à se saisir de l’ensemble des problèmes locaux. L’augmentation du nombre d’acteurs aurait sans doute eu des conséquences moins fâcheuses pour la bonne gestion des affaires locales si l’action de chacun d’entre eux avait été plus nettement spécialisée.

RÉPARTITION DES TROIS CATÉGORIES DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(au 1er janvier 2008)

Régions et collectivités ultramarines

Départements

Communes

Alsace

2

903

Aquitaine

5

2 292

Auvergne

4

1 310

Bourgogne

4

2 045

Bretagne

4

1 268

Centre

6

1 842

Champagne-Ardenne

4

1 945

Corse

2

360

Franche-Comté

4

1 786

Île-de-France

8

1 281

Languedoc-Roussillon

5

1 545

Limousin

3

747

Lorraine

4

2 337

Midi-Pyrénées

8

3 020

Nord-Pas-de-Calais

2

1 547

Basse-Normandie

3

1 814

Haute-Normandie

2

1 420

Pays de la Loire

5

1 504

Picardie

3

2 292

Poitou-Charentes

4

1 465

Provence-Alpes-Côte d’Azur

6

963

Rhône-Alpes

8

2 879

Ensemble province

88

35 287

France métropolitaine

96

36 569

Régions outre-mer

4

114

COM et Nouvelle-Calédonie

 

100

France entière

100

36 783

Source : Ministère de l’Intérieur (direction générale des collectivités locales)

2. L’ajout d’un échelon intercommunal polymorphe

Le recours à l’intercommunalité est apparu depuis longtemps comme un moyen de surmonter l’émiettement communal. Cette démarche de regroupement pourrait, à terme, favoriser une simplification de la carte communale et s’inscrit donc, en principe, dans une louable logique de rationalisation de nos structures territoriales, comme l’a souligné M. Pierre Richard lors de son audition par la mission.

Toutefois, la généralisation de la coopération intercommunale a, pour l’instant, donné naissance à un nouvel échelon de gestion locale, s’ajoutant aux régions, départements et communes – même si les EPCI n’ont pas le statut juridique de collectivités territoriales (60). Or, le fonctionnement de cette strate administrative supplémentaire s’avère coûteux : « Le développement de l’intercommunalité s’est traduit par une augmentation massive des dépenses de fonctionnement » (61). Une éventuelle élection au suffrage universel direct des présidents d’EPCI pourrait aggraver cette situation si elle ne s’accompagnait pas d’un rapprochement des structures communales et intercommunales. Cette crainte, exprimée devant la mission par M. Serge Grouard, vice-président de l’AGVF, doit effectivement être prise en compte, afin que le développement de l’intercommunalité ne conduise pas à ajouter durablement un quatrième niveau d’administration territoriale.

Par ailleurs, l’intercommunalité a pris des formes juridiques extrêmement diverses, qui accentuent elles aussi la complexité de nos structures territoriales. Il convient à cet égard de distinguer deux grandes formes de coopération intercommunale.

Les syndicats intercommunaux constituent la catégorie la plus souple d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), mais aussi la plus répandue puisque la France en comptait 13 389 à la fin de l’année 2007. Il s’agit d’abord, tant historiquement que quantitativement, des syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU), formule créée par la loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes (62) pour permettre aux communes de mettre en commun leurs moyens afin d’exercer une compétence déterminée (par exemple la voirie ou la gestion des déchets). Les communes souhaitant partager davantage de compétences peuvent décider de constituer un syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM). Depuis la loi du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation (63), les compétences transférées par les communes au SIVOM peuvent être librement choisies. Dans les deux cas, le syndicat de communes constitue une personne morale de droit public et peut employer du personnel, mais dépend pour ses ressources des seules contributions des communes, car il ne dispose d’aucune fiscalité propre.

Aux syndicats purement intercommunaux s’ajoutent les syndicats mixtes, personnes morales qui peuvent associer des communes ou EPCI à d’autres collectivités territoriales, groupements de collectivités ou personnes morales de droit public (64).

Les EPCI à fiscalité propre, qui permettent une intégration intercommunale plus poussée, peuvent eux-mêmes prendre de multiples formes juridiques. Aux premières communautés urbaines créées – d’abord à Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg – par la loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines (65) se sont ajoutés les syndicats d’agglomérations nouvelles résultant de la loi du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles (66), puis les communautés de communes prévues par la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (67) et, enfin, les communautés d’agglomération instituées par la loi du 12 juillet 1999 relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (68).

Cette dernière a d’ailleurs clarifié les règles juridiques applicables à l’ensemble des EPCI à fiscalité propre, s’agissant notamment de leurs conditions de création. Si l’initiative tendant à constituer un tel EPCI repose sur le volontariat des communes concernées, la mise en commun d’un nombre minimum de compétences et l’instauration d’une taxe professionnelle unique (TPU) ont été imposées, de même que la cohérence spatiale des projets (69). Les différentes formes d’EPCI a fiscalité propre pouvant être créées ont été mieux différenciées en fonction du nombre d’habitants concernés :

—  communautés urbaines pour les EPCI regroupant plus de 500 000 habitants ainsi que pour les communautés urbaines historiques (comptant moins de 500 000 habitants mais ayant déjà bénéficié de ce statut (70)) ;

—  communautés d’agglomération pour les EPCI regroupant plus de 50 000 habitants (autour du chef-lieu de département ou d’une commune d’au moins 15 000 habitants) ;

—  et communautés de communes (se substituant notamment aux anciens districts ou communautés de ville) dans les autres cas.

En outre, il convient de mentionner l’existence des syndicats d’agglomération nouvelle, catégorie en voie d’extinction, mais qui dispose également d’une fiscalité propre. Les syndicats d’agglomération ont vocation à devenir des communautés d’agglomération, mais sont encore au nombre de cinq (Ouest Provence dans les Bouches du Rhône, Val d’Europe, Marne-la-Vallée-Val Maubuée et Sénart-Ville nouvelle dans la Seine-et-Marne, et Sénart en Essonne).

Outre cette clarification, le cadre législatif rénové en 1999 a aussi considérablement stimulé les regroupements intercommunaux grâce à un dispositif d’incitations financières. Ainsi, au 1er janvier 2008, la France compte 14 communautés urbaines, 171 communautés d’agglomération et 2 393 communautés de communes. 92 % des communes ont désormais adhéré à un EPCI à fiscalité propre et 87 % de nos concitoyens résident dans l’une d’entre elles. Par ailleurs, le poids budgétaire national des EPCI est aujourd’hui équivalent à celui des régions et, comme l’a souligné devant la mission M. Olivier Landel, délégué général de l’Association des communautés urbaines de France (ACUF), le budget par habitant des communautés urbaines, forme d’intercommunalité la plus intégrée, est quatre fois supérieur à celui des régions.

Le tableau ci-après récapitule les différentes formes de coopération intercommunale existant aujourd’hui en France et donne une idée de leur succès, mais aussi de la complexité administrative qui résulte de cette multiplicité de structures, venues s’ajouter aux trois échelons de collectivités territoriales.

LES MULTIPLES FORMES DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
(au 1er janvier 2008)

Forme juridique de la coopération intercommunale

Existence d’une fiscalité propre

Nombre d’établissements publics existants

Communauté urbaine

Oui

14

Communauté d’agglomération

Oui

171

Communauté de communes

Oui

2 393

Syndicat d’agglomération nouvelle

Oui

5

Ensemble des EPCI à fiscalité propre

Oui

2 583

Syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU)

Non

11 739

Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM)

Non

1 451

Syndicats mixtes

Non

2 943

Ensemble des syndicats de coopération intercommunale

Non

16 133

Ensemble des structures de coopération intercommunales

-

18 716

La coopération intercommunale permet, en matière de logement, de développement économique ou d’aménagement de l’espace, de mener à bien nombre de projets pour lesquels le territoire communal est trop étroit. Elle permet d’effectuer des économies d’échelle sur ces opérations et de développer la solidarité financière entre les communes – entendu par la mission, M. Marc Censi, président de l’Assemblée des communautés de France (ADCF), a ainsi noté que l’intercommunalité joue un rôle primordial de « péréquation financière » entre collectivités territoriales. Plus profondément, alors que peu de communes ont souhaité fusionner, le développement de l’intercommunalité pourrait porter en germe une future rationalisation de la carte communale.

Sans qu’il soit question de revenir sur les importants acquis d’une telle dynamique, il paraît légitime de s’interroger sur les conséquences de la coexistence d’une aussi grande variété de structures de coopération intercommunale. À l’issue de ses auditions, la mission est convaincue qu’une telle profusion d’instruments juridiques ne répond qu’imparfaitement aux besoins de la population et réduit, au contraire, l’efficacité de l’action publique, en « brouillant » le paysage intercommunal.

3. L’apparition des « pays »

L’émergence spontanée des pays, puis leur institutionnalisation progressive et, enfin, leur multiplication, ont souligné le besoin constant d’une structure souple, permettant la mise en œuvre de projets qui ne se rattachent pas de façon évidente à un niveau d’administration particulier et dont les objectifs et le périmètre peuvent considérablement varier d’un territoire à l’autre. Le pays pouvait apparaître comme une réponse au besoin de souplesse mis en évidence par plusieurs personnes entendues par la mission, notamment par M. Pierre Richard, qui s’est montré sceptique quant à la possibilité d’un « jardin à la française » en matière d’organisation territoriale.

a) Une émergence spontanée

Les pays trouvent leur origine dans le souhait exprimé depuis longtemps au niveau local d’inscrire l’action publique dans une cohérence territoriale qui faisait défaut aux structures existantes. Ce besoin s’est traduit d’abord de façon relativement informelle par la création dans les années 1950 de « comités d'expansion », puis, à partir des années 1970, de « pays » qui n’étaient encore que de simples associations. Dans les années 1980, des comités de bassins de l'emploi initiés par l'État et réunissant élus locaux, entrepreneurs et salariés, ont commencé à procurer un cadre juridique plus spécifique aux initiatives de ce type.

Reconnus par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT) et réformés par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 relative à l’aménagement et au développement durable du territoire (LOADDT), les pays sont définis comme des regroupements de communes ou d’EPCI liés par une communauté d’intérêts en raison de leur appartenance à un territoire caractérisé par une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale.

Tout au long de ces évolutions juridiques, le législateur et les gouvernements ont cherché à éviter la création d'un nouvel échelon institutionnel aux compétences concurrentes de celles des collectivités territoriales. En principe, les pays ne sont pas porteurs de compétences mais chargés d’une mission tenant à impulser la réflexion coordonnée des acteurs locaux. Aussi les règles régissant la constitution des pays visent-elles à éviter un enchevêtrement excessif de compétences susceptible d’aboutir à des doublons. Le pays doit ainsi respecter le périmètre des EPCI (71).

b) Une institutionnalisation progressive

L’article 22 de la loi du 4 février 1995 dispose que « lorsqu’un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, la commission départementale de la coopération intercommunale concernée constate qu’il peut former un pays », lequel, en application de l'article 23, exprime « la communauté d’intérêts économiques et sociaux ainsi que, le cas échéant, les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural » et appelle la définition d'un projet commun de développement.

L'article 25 de la loi du 25 juin 1999 alourdit la procédure de création du pays : le périmètre d’étude est arrêté par le préfet de région si les communes appartiennent à la même région, par les préfets des régions concernées dans le cas contraire. Les arrêtés de délimitation du périmètre interviennent après avis conforme de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, avis simple de la ou des commissions départementales de la coopération intercommunale concernées, des préfets des départements et des régions.

Le même article 25 rapproche encore le pays d’un niveau d’administration plein et entier en le dotant d'un conseil de développement composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. Ce conseil est créé par les communes et leurs groupements ayant des compétences en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique. Associé à l'élaboration de la charte de pays, il peut être consulté sur toute question relative à l'aménagement et au développement du pays. Le conseil de développement est informé au moins une fois par an de l'avancement des actions engagées par les maîtres d’ouvrage pour la mise en œuvre du projet de développement du pays et est associé à l'évaluation de la portée de ces actions.

La loi de 1999 dote également les pays d’une charte, élaborée conjointement par les communes et EPCI en association avec le conseil de développement et le ou les conseils généraux et régionaux intéressés, puis adoptée par délibération des conseils municipaux et des organes délibérants des EPCI lorsque ces derniers sont compétents en matière d’aménagement de l’espace et de développement économique. Cette charte exprime le projet commun de développement durable du territoire et vise à renforcer les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural (72).

Les plans d'occupation des sols ou les documents d'urbanisme en tenant lieu qui ne sont pas compatibles avec la charte sont mis en révision dans les trois mois suivant l'adoption de la charte. Si, après la reconnaissance du pays, un schéma directeur au sens de l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, dont le périmètre recouvre tout ou partie du pays, est élaboré ou mis en révision, le préfet de région transmet la charte à l'organisme chargé de l'élaboration du schéma directeur. Le schéma directeur prend en compte le périmètre et la charte du pays.

c) La multiplication des pays

Plus de 10 ans après la loi ayant institutionnalisé le pays, le territoire national est maintenant largement couvert par les pays. Au 1er janvier 2008, les 371 pays (dont 345 reconnus) concernent 47 % des Français et 81 % de la superficie métropolitaine. En intégrant les dispositifs mis en place par les conseils régionaux sur des bases proches des pays – par exemple en Rhône-Alpes avec les Contrats de développement Rhône-Alpes (CDRA) qui concernent 25 territoires en plus des 14 pays de la région – le taux national de couverture dépasse 50 % de la population française et 84 % de la superficie. Le mouvement de constitution des pays s’est ralenti depuis 2006 après avoir connu un essor important et rapide entre 2003 et 2005. De nouveaux territoires continuent d’émerger mais dans une moindre mesure. L’année 2007 a été marquée par la reconnaissance de pays et l’engagement de 10 nouvelles démarches plus ou moins avancées : 1 en Champagne-Ardenne et en Nord – Pas-de-Calais, 2 en Auvergne et 6 en Languedoc-Roussillon.

Les pays ont amélioré la coordination entre les acteurs locaux, en facilitant le dialogue entre l'État et les communes sur les priorités d'intervention publique. Ils ont eu un effet levier sur les interventions de l'État (les contrats passés ont ouvert des participations complémentaires des départements et des régions). Ce constat a été corroboré par l'évaluation commandée par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) et remise par le Conseil général du génie rural des eaux et des forêts en juin 2006.

D. L’EXISTENCE DE RÈGLES DE RÉPARTITION DÉROGATOIRES POUR CERTAINES COLLECTIVITÉS

La clarté et l’intelligibilité de la répartition des compétences entre des niveaux d’administration territoriale toujours plus nombreux pâtissent également de l’existence, tant en métropole que dans les départements et régions d’outre-mer (73), de règles de répartition dérogeant au droit commun. Ces particularités juridiques sont souvent justifiées par l’existence de situations locales spécifiques (telles que les contraintes de l’insularité ou l’importance d’une aire urbaine) et pourraient, parfois, inspirer le législateur au niveau national. Leur multiplication n’en demeure pas moins une source préoccupante de complexité administrative.

1. Paris, Lyon et Marseille

La taille importante des communes de Paris, Lyon et Marseille a conduit le législateur, en 1982 (74), à les soumettre à une organisation dérogatoire, dont les règles ont été codifiées au sein du titre Ier du livre cinquième de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales.

a) Une organisation originale en arrondissements

Ainsi, ces communes ont été divisées en arrondissements municipaux, au nombre de vingt pour Paris, seize pour Marseille (regroupés en huit secteurs) et neuf pour Lyon. Dans chacun des arrondissements parisiens et lyonnais et dans chacun des secteurs marseillais, un conseil d’arrondissement exerce un nombre limité d’attributions municipales, selon un fonctionnement analogue à celui du conseil municipal ; les décisions du conseil d’arrondissement sont préparées et exécutées par un maire d’arrondissement.

L’élection des conseillers d’arrondissement a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, selon les règles de droit commun de l’élection des conseillers municipaux. En outre, chaque liste comprend en tête de liste des candidats qui sont à la fois élus conseillers d’arrondissement et conseillers municipaux ou membres du conseil de Paris (75). L’élection du maire d’arrondissement a lieu dans les mêmes conditions que celles d’un maire, par un vote des conseillers d’arrondissement.

Lorsque leur territoire est spécialement concerné, les conseils d’arrondissement doivent être consultés par le conseil municipal sur les rapports de présentation et projets de délibération, sur les modifications du plan local d’urbanisme, ainsi que sur le montant des subventions que le conseil municipal projette d’accorder aux associations locales.

En outre, parmi les compétences déléguées aux conseils d’arrondissement par le conseil municipal figurent l’implantation et l’aménagement des « équipements de proximité » à vocation éducative, sociale, culturelle ou sportive, la passation et l’exécution des marchés publics de faible montant (76) et, le cas échéant, la gestion des équipements ou services communaux.

Le maire d’arrondissement, conseiller municipal élu par le conseil d’arrondissement, exerce également un nombre limité de compétences. Ainsi, il dispose des mêmes attributions que le maire de la commune en matière d’état civil et de vie scolaire et affecte la moitié des logements communaux – l’autre moitié étant attribuée par le maire de la commune.

Sur le plan budgétaire, il élabore l’état spécial de l’arrondissement, établi conformément à la répartition des dotations aux arrondissements arrêtée par le conseil municipal – cet état spécial est ensuite soumis au vote de ce dernier en même temps que le projet de budget de la commune. Dès que cet état spécial est devenu exécutoire, le maire d’arrondissement engage et ordonnance les dépenses qui y sont inscrites.

Par ailleurs, le maire d’arrondissement est obligatoirement consulté sur les autorisations d’utilisation du sol, les permissions de voirie, ainsi que les projets immobiliers intéressant l’arrondissement, et doit être informé des conditions de réalisation des projets d’équipements dans ces limites territoriales.

De nombreux élus entendus par la mission ont suggéré de s’inspirer de cette organisation de grandes communes en arrondissement pour surmonter, dans les vastes aires urbaines, le décalage actuel entre l’exercice de compétences toujours plus étendues au niveau intercommunal et le maintien de la légitimité démocratique directe au seul niveau communal.

b) Le statut juridique spécifique de la Ville de Paris

Enfin, il convient de rappeler que le statut juridique de la Ville de Paris, directement administrée par l’autorité préfectorale jusqu’à la loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 portant réforme du régime administratif de la commune et du département de Paris, diffère encore de celui de Lyon ou de Marseille essentiellement pour deux raisons :

—  depuis cette date, cette collectivité présente une double nature départementale et municipale. Elle est dotée d’une seule assemblée délibérante, le Conseil de Paris, qui exerce les compétences de droit commun des communes et des départements, bien que ses 163 membres disposent d’un statut de conseiller municipal ;

—  un « préfet de police » y exerce des pouvoirs spécifiques, principalement en matière de police administrative, alors que ces attributions relèvent du maire dans les autres communes. Ainsi, il exerce non seulement des pouvoirs de police générale au nom de l’État, mais aussi des pouvoirs de police municipale : il est notamment chargé de définir les conditions de circulation et de stationnement nécessaires à l’ordre public, à la protection de certains bâtiments officiels et à la circulation des véhicules, et organise tant les secours que la lutte contre les incendies (77). Les compétences de police municipale reconnues au maire de Paris ne concernent que la conservation des dépendances du domaine public communal et certains aspects de l’ordre public, tels que la salubrité sur la voie publique, le « maintien du bon ordre dans les foires et les marchés » ou encore la lutte contre les « bruits de voisinage » (78).

2. L’Île-de-France

Du fait de l’importance de l’agglomération parisienne et du rôle politique éminent de la capitale, les collectivités infra-régionales d’Île-de-France sont soumises à une série de règles dérogatoires qui affectent leurs compétences. Cette situation concerne d’abord les départements qui jouxtent la Ville de Paris, ainsi que leurs communes, et, dans une moindre mesure, l’ensemble des communes de la région Île-de-France

a) Les départements limitrophes de Paris et leurs communes

Les communes des trois départements limitrophes de la ville de Paris (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ont d’abord pour particularité d’être privées de l’exercice de certaines compétences au profit de l’autorité préfectorale. Ainsi, le représentant de l’État dans le département est seul chargé d’assurer la police de la voie publique sur les routes à grande circulation, même dans les communes dont la police n’a pas été, d’une manière générale, étatisée.

Par ailleurs, le secours et la lutte contre les incendies y relèvent du préfet de police de Paris – lequel peut déléguer l’exercice de cette compétence au préfet de chaque département concerné. Parce qu’elles bénéficient de l’assistance de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, il est logique que les communes de ces départements contribuent au financement de ce service public.

Il en va d’ailleurs de même pour ces trois départements, lesquels doivent en outre contribuer, comme la Ville de Paris, au financement des « services d’intérêt local » (79) assurés par la préfecture de police de Paris.

b) Les communes franciliennes

Dans la région Île-de-France, les personnes employant plus de neuf salariés (80) sont légalement tenues d’acquitter un « versement de transport » au profit du syndicat des transports Île-de-France (STIF). Cette contribution, dont l’assiette est constituée des salaires payés, peut également être instituée, en dehors de la région Île-de-France, dans les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que dans le ressort d’un EPCI compétent pour l’organisation des transports urbains, lorsque la population de l’EPCI atteint le seuil de 10 000 habitants. Alors que le taux du versement transport est fixé, dans les limites prévues par la loi, par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI, en Île-de-France, ce taux est fixé par le STIF.

Par ailleurs, les communes franciliennes participent, depuis 1991, en fonction de leur potentiel fiscal, à un mécanisme spécifique de péréquation dénommé « fonds de solidarité des communes d’Île-de-France ». Ce fonds permet de corriger certaines disparités économiques et sociales au sein de la région, grâce aux versements attribués, selon des modalités de calcul complexes prévues par la loi, aux communes urbaines d’Île-de-France dont les ressources fiscales sont trop faibles pour faire face aux importants besoins sociaux de leur population.

3. Les communes d’Alsace et de Moselle

Il convient de rappeler qu’en raison du choix fait par le législateur français de ne pas supprimer l’état antérieur du droit dans les départements d’Alsace et de Moselle à la suite du rétablissement de la souveraineté française sur ces deux territoires, les communes d’Alsace et de Moselle demeurent, sur certains points, régies par des dispositions légales particulières :

—  pour la fixation des attributions respectives du maire et du conseil municipal, ainsi que pour les règles de fonctionnement de ce dernier (périodicité des réunions, démission d’office d’un conseiller municipal pour défaut d’assiduité ou troubles répétés à l’ordre des séances…) ;

—  pour l’exercice des compétences relatives au budget communal, à la police des constructions et à la sécurisation de certains terrains (81), aux opérations funéraires (82), à l’usage des institutions et établissements publics de la commune, ainsi qu’aux règles de concession, de jouissance et d’adjudication des biens communaux.

Bien qu’il puisse sembler cohérent d’harmoniser l’état du droit applicable dans ces domaines avec celui qui prévaut dans les autres communes françaises, l’attachement au droit local est important en Alsace et justifie que quelques dérogations mineures au droit commun des collectivités territoriales demeurent.

4. La Corse

Détachée de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 1970 (83), la Corse offre un autre exemple de mise en place d’une collectivité à statut particulier en métropole. L’insularité et le contexte politique particulier de ce territoire expliquent en effet que le législateur ait choisi, en 1991, de transformer la région Corse en « collectivité territoriale de Corse », dotée d’institutions originales et de compétences étendues.

Depuis les aménagements qui lui ont été apportés en 2002 (voir ci-après), ce statut connaît la stabilité, conformément au souhait de la population : il convient en effet de rappeler que les électeurs de cette collectivité, consultés lors d’un référendum local le 6 juillet 2003, ont rejeté un projet de nouveau statut prévoyant d’accroître les spécificités institutionnelles de la Corse.

a) L’organisation originale et les compétences particulières de la collectivité territoriale de Corse

• Une organisation institutionnelle spécifique

La collectivité territoriale de Corse (CTC) dispose, depuis la loi du 13 mai 1991 (84), d’organes politiques originaux :

—  l’assemblée délibérante, qui y prend le nom d’« Assemblée de Corse », comprend 51 membres élus pour 5 ans dans une circonscription unique. Conformément à l’organisation traditionnelle des régions, cet organe délibérant dispose d’une clause générale de compétence sur les affaires intéressant la collectivité et a la charge d’adopter le budget et le compte administratif. À ces compétences s’ajoutent, dans le cas de la Corse, l’exercice d’un important pouvoir réglementaire, ainsi que l’adoption de divers documents de planification (voir ci-après) ;

—  cette assemblée délibérante élit et contrôle un organe exécutif collégial dénommé « conseil exécutif », qui comprend un président et huit conseillers élus en son sein au scrutin de liste. La principale originalité réside dans la possibilité pour l’Assemblée de Corse de mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif en adoptant des « motions de défiance » (85;

—  la loi prévoit, en outre, que ces deux institutions sont assistées d’un « conseil économique, social et culturel ». Cet organe consultatif joue auprès d’elles un rôle similaire à celui des conseils économiques et sociaux régionaux (CESR) sur le continent – son champ de compétences étant toutefois étendu à « l’action culturelle et éducative », ainsi qu’à la promotion du « cadre de vie » en Corse.

• Des compétences particulièrement étendues

Par ailleurs, la CTC exerce, par rapport aux régions de droit commun, des compétences plus étendues, en particulier pour favoriser son développement économique et promouvoir son « identité culturelle ».

S’agissant de l’identité culturelle au sens large, la CTC est chargée de la construction, de l’équipement et de l’entretien des établissements d’enseignement secondaire et supérieur, dont elle arrête la carte. Dans ce cadre, elle peut proposer des activités éducatives complémentaires et adopter un « plan de développement de l’enseignement de la langue et de la culture corse ». Par ailleurs, la CTC peut conclure avec les sociétés publiques du secteur audiovisuel des conventions pour promouvoir les programmes, diffusés sur son territoire, qui visent à développer « la langue et la culture corses ».

Plus globalement, la CTC définit la politique culturelle sur son territoire, s’agissant notamment de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine protégé, des monuments historiques et des sites archéologiques. Enfin, la CTC dispose d’une compétence globale en matière de politique sportive et d’éducation populaire, à charge pour elle de conclure une convention avec l’État pour coordonner ses actions avec la politique nationale dans ce domaine.

S’agissant du développement économique, la CTC élabore un « plan d’aménagement et de développement durable », document d’orientation transversal qui détermine notamment les « principes de localisation » des grandes infrastructures ou équipements et précise la déclinaison territoriale des différentes politiques sectorielles mises en œuvre par la CTC. La mission a noté avec intérêt que le législateur semble être parvenu, en Corse, plus clairement que sur le continent, à donner corps à la doctrine des « blocs de compétence » dans plusieurs domaines : la CTC dispose ainsi d’une compétence globale en matière de transports (86), mais aussi de formation professionnelle, de tourisme, d’environnement ou d’énergie.

Certes, les départements et communes de Corse conservent, en raison de la traditionnelle « clause générale de compétence », la possibilité d’intervenir dans ces domaines, ainsi qu’en matière d’aides économiques ou de logement. Toutefois, la loi semble accorder à la CTC, sur tous ces secteurs, une prééminence lui permettant de jouer un rôle effectif de « chef de file », pilotant et coordonnant l’intervention des différentes collectivités qui participent à des projets communs.

En revanche, le fait que la loi prévoie de recourir à une multitude d’offices spécialisés (87), placés sous la tutelle de la CTC, pour la mise en œuvre des politiques sectorielles qu’elle définit, ne favorise sans doute pas un exercice plus clair, efficient et transparent de ses compétences.

b) L’évolution des limites constitutionnelles à l’extension des compétences de la collectivité territoriale de Corse

La volonté du législateur d’étendre les attributions de cette collectivité a toutefois trouvé ses limites dans la Constitution, s’agissant notamment de l’octroi de nouvelles compétences normatives, que ce soit en 1991 ou en 2002 (88).

En effet, tout en rappelant que la loi ne saurait faire référence à un « peuple corse, composante du peuple français », le Conseil Constitutionnel a jugé, dans une décision du 9 mai 1991 (89), que le pouvoir de proposition reconnu à l’Assemblée de Corse, s’agissant de l’adaptation des normes nationales, ne saurait l’autoriser à « enjoindre au Premier ministre de donner une réponse dans un délai déterminé » à ses propositions. Il a également indiqué, dans une décision du 17 janvier 2002 (90), que le législateur ne pouvait pas :

—  même à titre expérimental et temporaire, « autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des mesures relevant du domaine de la loi » car cela reviendrait à « déléguer sa compétence dans un cas non prévu par la Constitution » ;

—  permettre à la collectivité d’exercer un pouvoir réglementaire en dehors du « cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi », ou en portant atteinte au pouvoir réglementaire autonome et au pouvoir réglementaire d’exécution des lois attribués au Président de la République et au Premier ministre, ou encore en remettant en cause l’uniformité, sur l’ensemble du territoire national, des « conditions essentielles de mise en œuvre des libertés publiques » ;

—  imposer aux enseignants et aux élèves l’enseignement de la langue corse, celui-ci devant demeurer facultatif même s’il est organisé, comme le prévoit la loi, « dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires ».

Il convient toutefois de souligner que, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution permet à la loi organique de fixer les conditions dans lesquelles les lois et règlements peuvent autoriser les collectivités territoriales et leurs groupements à « déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ». Ce changement pourrait donc ouvrir la voie à la délégation, décidée par le Parlement, ciblée et temporaire, d’un pouvoir de type législatif à la collectivité territoriale de Corse comme aux autres collectivités métropolitaines.

5. Les départements et régions d’outre-mer

Par rapport aux départements et régions de métropole, les départements d’outre-mer (DOM) et les régions d’outre-mer (ROM) disposent de compétences additionnelles, notamment en matière normative, consultative et internationale. Le législateur a en effet souhaité leur donner, comme le permet leur statut constitutionnel spécifique, des moyens accrus pour adapter la règle commune et l’action des pouvoirs publics à des réalités locales dont elles ont la meilleure connaissance.

a) Les départements d’outre-mer (DOM)

Assimilés aux départements depuis une loi du 19 mars 1946 (91) et soumis au principe d’assimilation législative prévu à l’article 73 de la Constitution (92), les quatre DOM de Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion exercent les compétences dévolues par la loi aux départements de droit commun, sauf lorsque le législateur en a disposé autrement de façon expresse.

En vertu des dispositions du titre IV du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales (93), ils disposent néanmoins, par rapport à leurs équivalents métropolitains, d’attributions complémentaires qui s’expliquent par leur situation géographique singulière.

Alors que les attributions qui leur permettent de participer aux négociations internationales, comme celles qui ont trait à leur pouvoir de proposition ou aux consultations dont ils doivent faire l’objet relèvent de la loi ordinaire, la loi organique les a par ailleurs dotés, depuis le 21 février 2007, d’éventuelles compétences normatives dans des matières relevant du domaine de la loi.

• L’association aux négociations internationales

Le président d’un conseil général d’outre-mer ou son représentant peut participer, sur simple demande, aux négociations européennes qui concernent les mesures spécifiques d’application du droit communautaire dans le DOM : le chef de l’exécutif local est alors incorporé à la délégation française chargée de ces négociations.

Le président du conseil général peut en outre participer à la négociation d’accords régionaux, voire être autorisé par le Gouvernement à les signer pour le compte de la France ou du DOM, ou encore à représenter la République au sein d’organismes régionaux – il agit alors comme représentant de l’État.

• Des attributions consultatives et un pouvoir de proposition

La loi a également prévu que les conseils généraux d’outre-mer exercent une série d’attributions consultatives spécifiques à l’égard :

—  des adaptations législatives et réglementaires dont ils font l’objet ;

—  des propositions d’actes communautaires qui les concernent spécifiquement (94) ;

—  des concessions portuaires et aéroportuaires qui les concernent ;

—  de la programmation annuelle des aides de l’État au logement.

Enfin, la loi a reconnu à ces conseils généraux un pouvoir de proposition dans divers domaines, ce qui présente l’intérêt de faire « remonter » vers la métropole les difficultés ou idées apparues dans ces territoires lointains.

Ils peuvent ainsi transmettre au Gouvernement :

—  des propositions législatives ou réglementaires les concernant ;

—  des demandes de mesures communautaires spécifiques en faveur de leur développement ou des propositions d’adaptation du droit communautaire applicable sur le territoire du DOM ;

—  des propositions d’accords de coopération régionale, ainsi que des propositions d’adhésion de la France à des organismes régionaux ;

—  des observations ou propositions relatives au fonctionnement des services publics de l’État sur ce même territoire.

• Les éventuelles compétences normatives prévues par la loi organique

Ces compétences que les DOM tiennent de la loi ordinaire ont été complétées par de nouvelles compétences normatives depuis la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM). Comme le permet l’article 73 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, les conseils généraux d’outre-mer peuvent en effet, à leur demande, être temporairement autorisés par la loi à adapter eux-mêmes à leurs « caractéristiques et contraintes particulières » certaines dispositions législatives et réglementaires. De la même façon, le Parlement peut autoriser les conseils généraux de Guadeloupe, Martinique et Guyane à élaborer eux-mêmes certaines règles relevant du domaine de la loi, afin de « tenir compte de leurs spécificités », à une double condition :

—  que les « conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti » ne puissent être mises en cause par la règle locale ;

—  que la règle locale ne concerne pas une liste de matières ayant essentiellement trait à la souveraineté nationale ou aux droits fondamentaux (95).

Bien que les modalités auxquelles sont soumis tant la demande et l’octroi de ces habilitations que l’élaboration locale de ces normes dérogatoires aient été précisées par le législateur organique (96), ces procédures originales n’ont, à ce jour, jamais été mises en œuvre dans les DOM.

b) Les régions d’outre-mer (ROM)

Régies par des dispositions particulières issues d’une loi du 31 décembre 1982 (97), les régions d’outre-mer (ROM) se caractérisent par une organisation et des compétences spécifiques.

• Une organisation spécifique

S’agissant de l’organisation, le caractère monodépartemental de ces régions peut intriguer : la superposition de deux échelons de collectivités chargés d’administrer le même territoire et la même population, alors que leur orientation politique peut être opposée, est-elle cohérente sur le plan administratif et favorise-t-elle la bonne gestion des deniers publics ? S’il semble logique de s’interroger, il convient de rappeler que les populations concernées demeurent attachées à cette organisation, comme l’a prouvé le résultat du référendum organisé le 7 décembre 2003 aux Antilles (98). La coexistence des deux niveaux doit aujourd’hui conduire, plus nettement encore qu’en métropole, à réfléchir à une spécialisation accrue de l’action respective du département et de la région, ce qui permettrait d’assurer la cohérence et la clarté des politiques suivies.

L’organisation des ROM présente une seconde singularité, sur laquelle le présent rapport n’a pas vocation à s’étendre : l’existence d’un second organe consultatif local, aux côtés du traditionnel conseil économique et social régional. Ainsi, dans chaque ROM, un « conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement », composé de 22 à 31 conseillers nommés pour six ans (dont une personnalité qualifiée et divers représentants des organismes participant à ces activités locales) (99), est chargé d’assister le conseil régional pour l’exercice des compétences dont il dispose en matière culturelle, éducative et environnementale.

• Des compétences plus étendues

Certes, par analogie avec les DOM, les quatre ROM de Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion sont régis par l’article 73 de la Constitution et soumises au principe d’assimilation législative. Les ROM exercent ainsi les compétences dévolues par la loi aux régions de droit commun (100), sauf lorsque le législateur en a disposé autrement de façon expresse.

Toutefois, ces compétences de droit commun sont complétées par des compétences additionnelles, prévues aux articles L. 4433-2 à L. 4433-31 du code général des collectivités territoriales. Ainsi, à l’instar des DOM, les ROM peuvent être associées à certaines négociations internationales qui les concernent, notamment en matière d’application locale du droit communautaire ou de coopération régionale. De même, les attributions consultatives et le pouvoir de proposition des ROM, en matière normative (nationale ou communautaire), de coopération régionale, de concessions portuaires ou aéroportuaires et d’organisation des services publics de l’État, sont similaires à ceux que la loi reconnaît aux DOM (voir précédemment(101).

Le législateur a par ailleurs prévu la mise en place, pour chaque ROM, d’un fonds de coopération régionale, financé par l’État et toute autre collectivité ou organisme public, dont les ressources doivent soutenir des opérations dont la liste est fixée par un comité composé de représentants de l’État, d’une part, et de représentants du DOM et de la ROM concernés, d’autre part (102). Dans le même esprit et pour assurer la cohérence des actions menées par l’État et les collectivités, la création de deux « instances de concertation des politiques de coopération régionale » a été simultanément décidée, la première pour la zone Antilles-Guyane, la seconde pour la zone de l’océan Indien (103).

En outre, les ROM disposent, depuis la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant DSIOM, des mêmes facultés d’adaptation des lois et règlements à leurs « caractéristiques et contraintes particulières » que les DOM. Comme les DOM, ces collectivités peuvent également fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans certaines matières relevant du domaine de la loi. Dans les deux cas, une habilitation doit, conformément aux exigences constitutionnelles, avoir été préalablement sollicitée par la collectivité et obtenue du Parlement. Le législateur organique (104) a choisi de calquer la procédure et les modalités d’exercice de ce pouvoir normatif sur celles qui sont applicables aux DOM.

La loi précise par ailleurs les conditions particulières selon lesquelles les ROM peuvent intervenir en matière de développement économique (105), d’aménagement du territoire (106) et de culture (107) sur leur territoire. Pour organiser ces diverses actions et assurer la cohérence globale des politiques publiques dans cet espace, un schéma d’aménagement régional, à l’élaboration duquel sont associés l’État et les autres collectivités territoriales, est adopté par le conseil régional et approuvé par Conseil d’État. Ce schéma fixe, dans le respect des règles relatives à l’urbanisme, à l’environnement et aux monuments historiques, des orientations territoriales qui concernent de nombreux secteurs d’intervention (tels que l’agriculture, l’industrie, l’artisanat, les transports, l’urbanisme, les télécommunications ou le tourisme). La mission note que le choix du législateur de recourir fréquemment à des instruments de planification, à de larges consultations et à de multiples commissions, associant un grand nombre d’acteurs concernés dans les divers secteurs, semble avoir abouti à un cadre législatif inutilement lourd et complexe, ce qui ne favorise certainement pas le dynamisme et l’efficience des politiques publiques dans ces espaces ultramarins.

Enfin, les ROM disposent de compétences fiscales spécifiques. Ainsi, ils fixent le taux et perçoivent les recettes d’une taxe locale créée au XIXème siècle, dénommée « octroi de mer », dont l’assiette est constituée de la valeur des marchandises importées, ainsi que du prix des marchandises produites et vendues localement (108). Les conseils régionaux fixent également les taux d’une taxe spéciale sur la consommation de divers produits pétroliers (109), dont ils répartissent le produit entre les budgets de la région, du département, des communes et EPCI dans les conditions, particulièrement complexes, fixées aux articles L. 4434-3 et L. 4434-4 du code général des collectivités territoriales.

*

* *

La mission, consciente des nombreuses propositions qui ont été formulées pour simplifier la décentralisation, parfois depuis de nombreuses années, consciente également des limites que pourrait rapidement rencontrer une répartition au cordeau, parfaite en théorie mais difficilement conciliable avec les difficultés et les complexités de la pratique, a toutefois été étonnée de constater, à l’occasion des auditions, combien la pesanteur du réel pouvait limiter l’audace et l’inventivité des acteurs territoriaux, combien l’état du droit et de la pratique pouvait être, plus encore qu’un référent, un horizon indépassable.

Il lui a semblé possible de voir un lien entre cette relative frilosité et l’impossibilité de concevoir une remise en cause de la carte territoriale, des trois niveaux territoriaux que sont la commune, le département et la région, ainsi que des EPCI.

Dès lors, la mission considère que la recherche d’une décentralisation harmonieuse, équilibrée et plus efficace passe par une réforme conjointe de la répartition des compétences et de la carte territoriale.

II. CLARIFIER ET SIMPLIFIER LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

Pour remédier à l’enchevêtrement constaté, il est nécessaire de redistribuer plus clairement des compétences entre les collectivités territoriales ou entre celles-ci et l’État. L’exercice exige toutefois de prendre en compte deux types de contraintes : d’une part, les exigences constitutionnelles, telles qu’elles résultent de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et, d’autre part, les contraintes financières et fiscales dans lesquelles l’exercice sera enserré, l’enjeu pour toute collectivité territoriale étant d’obtenir une compensation financière à hauteur du coût de la compétence qui lui est transférée.

A. LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE D’EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES RENOUVELÉES EN 2003

1. Libre administration des collectivités territoriales n’implique pas nécessairement « clause générale de compétence »

Si l’article 1er de la Constitution prévoit toujours, conformément à l’histoire républicaine de notre pays, que « la France est une République indivisible », il précise également, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (110), que « son organisation est décentralisée ». Bien que cette consécration constitutionnelle soit récente, la décentralisation repose traditionnellement, en France, sur la mise en œuvre par le législateur du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales : le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution précise ainsi que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus ».

Naturellement, cette liberté n’est pas absolue, car elle est encadrée par le législateur et doit être conciliée avec d’autres principes constitutionnels – tels que l’indivisibilité de la République et de la souveraineté (111), l’unicité du peuple français (112), l’égalité des citoyens devant la loi (113), ou encore l’exigence d’un contrôle administratif et juridique par l’État (114). Plus généralement, la France demeure un État unitaire, par opposition aux États fédéraux, qui rassemblent des États fédérés dotés de gouvernements et de pouvoirs législatifs propres : en France, les collectivités territoriales disposent d’une personnalité morale distincte de l’État, mais il revient à la Nation et à l’État de prévoir et d’organiser leur existence.

Le principe de libre administration des collectivités territoriales concerne d’abord les relations entre celles-ci et l’État : le législateur ne pourrait, en restituant à l’État un nombre excessif de compétences, priver les collectivités territoriales du droit d’exercer librement certaines d’entre elles pour administrer leur territoire. Pour autant, il n’existe aucune définition a priori d’un « noyau dur » de compétences dont l’exercice serait inextricablement lié à la liberté des collectivités territoriales et qui, de ce fait, ne pourraient faire l’objet d’un transfert.

Le même constat peut être fait pour l’application du principe de libre administration aux relations entre les différentes catégories de collectivités territoriales. Ainsi, comme le remarque un auteur, ce principe ne devrait « pas aboutir à priver le législateur de toute possibilité de priver une collectivité territoriale de certaines de ses compétences pour les attribuer à une autre qu’il institue ou qui est déjà instituée » (115), dès lors qu’un socle de compétences suffisant est préservé pour chaque collectivité.

À l'issue des auditions auxquelles elle a procédé, la mission considère qu’à ce jour, aucune jurisprudence constitutionnelle ne semble s’opposer à une modification des dispositions législatives du code général des collectivités territoriales visant à spécialiser davantage l’action de chaque catégorie de collectivités territoriales, le cas échéant en dérogeant, de manière ciblée, à la clause générale de compétence que la loi leur a reconnue. En effet, comme l’a souligné devant la mission M. Gérard Marcou, professeur de droit public à l’Université Paris I et directeur du Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe (GRALE), cette clause générale de compétences n’a pas elle-même acquis une valeur constitutionnelle – contrairement au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Néanmoins, si les représentants des associations d’élus locaux se sont déclarés favorables à des modifications de la répartition des compétences, la plupart d’entre eux, à l’exception notable de M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF), se sont également déclarés opposés à une suppression de la clause générale de compétence pour une ou plusieurs catégories de collectivités territoriales.

2. Un « principe d’adéquation » sans portée juridique précise

Le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution énonce, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». La mission s’est interrogée sur la portée juridique réelle de cette mention, compte tenu de sa généralité et de l’absence de jurisprudence constitutionnelle s’y référant.

Cet ajout semble avoir été inspiré par le « principe de subsidiarité » applicable au niveau européen pour la répartition des compétences partagées entre les États membres de l’Union européenne et les institutions communautaires. Ainsi, l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle présenté par le Gouvernement voyait dans cette mention un « nouvel objectif à valeur constitutionnelle permettant de transposer dans un État restant unitaire la préoccupation qu’exprime, en droit communautaire, le principe de subsidiarité ». Le rapporteur du Sénat, M. René Garrec, allait plus loin encore en évoquant « l’introduction du principe de subsidiarité » dans notre Constitution, tout en notant :

—  qu’à l’inverse de la logique communautaire, ce nouveau principe serait appliqué de manière non pas ascendante (seule l’impossibilité d’exercer une compétence au niveau national justifiant l’intervention des institutions communautaires), mais descendante, en raison du caractère unitaire de l’État ;

—  que des incertitudes juridiques pourraient résulter de la nécessaire conciliation de ce principe « avec d’autres principes à valeur constitutionnelle tels que l’indivisibilité de la République ou encore l’égalité des citoyens devant la loi ».

L’analyse juridique de M. Pascal Clément, président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale et rapporteur sur ce texte, amenait à des conclusions moins contraignantes encore pour le législateur. En effet, le rapporteur jugeait plus exact, compte tenu de l’organisation unitaire de l’État en France, d’évoquer un « principe d’adéquation » destiné à indiquer au législateur « une direction, un objectif à atteindre », mais ne constituant pas en lui-même un droit pour les collectivités ou une obligation pour le législateur.

En conséquence, même s’il doit s’efforcer d’éviter toute erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il répartit les compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales, le législateur ne semble guère contraint par la Constitution quant au contenu de cette répartition. Comme le note le professeur de droit public Michel Verpeaux, « dans un État unitaire, c’est la loi qui fixe essentiellement les compétences de chacun des niveaux d’administration » et notre Constitution demeure « muette quant au partage concret des compétences entre les différents niveaux d’administration » (116). Le professeur Gérard Marcou, entendu par la mission, considère également que le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution « n’est sans doute pas de nature à autoriser le Conseil constitutionnel à contrôler l’appréciation portée par le législateur sur la question de savoir si telle compétence pourra être mieux mise en œuvre par la commune, la région ou le département » (117).

En revanche, le législateur est tenu, en raison notamment de l’article 34 de la Constitution, d’apporter les précisions requises, de manière intelligible : le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 12 août 2004 sur la loi relative aux libertés et responsabilités locales, que « les transferts de compétences [prévus par le législateur devaient être] décrit[s] en des termes suffisamment clairs, précis et intelligibles » (118).

3. Une interdiction des tutelles entre collectivités tempérée par la possibilité de désigner des « chefs de file »

Le constat selon lequel le processus de décentralisation n’a pas permis, contrairement à ses objectifs initiaux, de dégager des blocs de compétences clairement identifiables, était déjà largement partagé en 2003. Aussi la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a-t-elle prévu (119), pour mieux organiser le partage de compétences exercées par différentes catégories de collectivités territoriales, la possibilité d’instituer des collectivités ou des groupements « chefs de file ».

Ainsi, l’avant-dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution prévoit désormais que « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ». La rédaction alors retenue appelle donc une éventuelle intervention du législateur, plutôt que la conclusion de simples conventions par lesquelles des collectivités volontaires s’entendraient sur les conditions de mise en place d’un tel mécanisme – le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs jugé contraire à la Constitution une disposition de la loi du 4 février 1995 prévoyant que « les collectivités territoriales pourr[aie]nt, par convention, désigner l’une d’entre elles comme chef de file » pour l’exercice de compétences partagées (120). Outre la lettre même de l’article 72 de la Constitution, les travaux parlementaires confirment que l’intention du constituant était bien d’imposer une autorisation législative préalable : dans tous les cas, la collectivité territoriale (ou le groupement de collectivités) appelée à jouer ce rôle de « chef de file » devra avoir été « désignée par la loi » (121).

Cette nouvelle faculté, ouverte au législateur pour atténuer les effets négatifs de l’enchevêtrement des compétences, tempère la règle antérieure (122), inscrite dans le texte constitutionnel lors de la même révision, selon laquelle « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». En effet, le constituant a clairement souhaité que cette dernière règle ne fasse pas obstacle à l’organisation de l’exercice des compétences partagées sous l’égide de la collectivité chef de file (123). Comme le notait M. René Garrec, rapporteur de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, la rédaction finalement adoptée « ne soumet pas la désignation d’une collectivité « chef de file » au consentement préalable des collectivités intéressées » (124) – même si ce consentement est évidemment préférable pour le bon déroulement des opérations.

Dès lors que la loi l’a prévu, une collectivité territoriale pourra donc, dans un domaine de compétence déterminé, décider elle-même des modalités concrètes selon lesquelles les compétences partagées pourront être exercées conjointement avec les autres collectivités territoriales. Le caractère contraignant de ce mécanisme demeure toutefois limité, puisque, selon les propos tenus le 22 novembre 2002 devant l’Assemblée nationale par M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, il « ne pourra avoir pour effet d’imposer à une collectivité de financer un projet décidé par une autre ».

En outre, une récente décision du Conseil constitutionnel a permis de dégager une première interprétation du cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé « que ces dispositions habilitent la loi à désigner une collectivité territoriale pour organiser et non pour déterminer les modalités de l’action commune de plusieurs collectivités » (125). Sur ce fondement, il a accepté que le législateur permette à des collectivités de désigner par convention l’une d’entre elles pour réaliser l’évaluation préalable à la conclusion d’un contrat de partenariat, pour conduire la procédure de passation et pour suivre l’exécution du contrat de partenariat, mais il a en revanche censuré la disposition prévoyant que la collectivité désignée par convention puisse signer le contrat au nom de l’ensemble des collectivités.

Si notre loi fondamentale ouvre explicitement la voie, depuis 2003, à une intervention du législateur visant à simplifier les modalités d’exercice des compétences partagées, cette voie est cependant étroite, et ne peut admettre que le rôle du chef de file soit plus que celui d’un coordonnateur ou d’un acteur principal.

Pour autant, la dispersion des initiatives, la dilution des responsabilités et le gaspillage des énergies étant particulièrement marqués pour l’exercice des compétences partagées, cette nouvelle faculté pourrait porter en germe une salutaire clarification des modalités d’intervention des collectivités locales. En ce sens, il convient de mentionner les propositions qui ont été formulées, lors de leurs auditions par la mission, d’une part par M. Adrien Zeller, président de la région Alsace et co-président de l’Institut de la décentralisation, d’autre part par M. Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France (ADF), conduisant les collectivités territoriales à conclure des conventions, à l’échelon régional, afin de déterminer les conditions et les modalités d’exercice des compétences partagées.

B. L’ENCADREMENT DU RECOURS AUX COFINANCEMENTS

Les financements croisés sont une pratique courante, qui résulte de l’enchevêtrement des compétences tout en y contribuant. Comme le faisait remarquer M. Serge Grouard, vice-président de l’AGVF, lors de son audition par la mission, un projet important se conduit difficilement s’il n’y a pas tous les partenaires. Il estimait par conséquent que l’interdiction de participer au financement de certaines compétences serait susceptible de pénaliser certaines catégories de collectivités, et notamment les communes.

D’autres personnes auditionnées ont en revanche estimé qu’une restriction apportée aux possibilités de financements croisés ne serait pas pénalisante, dans la mesure où les crédits dispersés par une même collectivité entre de nombreuses actions pourraient être recentrés sur les compétences centrales exercées par cette collectivité. M. Pierre Richard, dans son rapport sur les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales (126), avait suggéré en décembre 2006 que la loi limite à 50 % la participation des collectivités qui ne sont pas le maître d’ouvrage au financement d’un projet.

La mission suggère d’aller plus loin pour responsabiliser financièrement les acteurs locaux et mettre fin à la dérive des financements croisés. Pour ce faire, elle préconise de n’autoriser qu’un seul niveau de collectivités territoriales à participer au financement d’un projet conduit par une autre collectivité. Il convient de souligner qu’une telle disposition n’encadrerait que le recours aux cofinancements pour les collectivités locales, mais n’interdirait par à l’Etat ou à l’Union européenne de participer au financement des opérations concernées.

La mission ne souhaite pas que cette règle soit appliquée de manière indifférenciée à l’ensemble des communes. Elle préconise plutôt de prévoir une dérogation en faveur des plus petites communes, dont les ressources sont souvent peu importantes et qui pourraient se voir ainsi pénalisées, en étant incapables de mobiliser les fonds nécessaires à la construction de certains équipements.

Le critère de la population communale ne serait pas à lui seul suffisant, dans la mesure où la richesse d’une commune ne dépend pas de la population de cette commune mais des bases fiscales, lesquelles peuvent être parfois très importantes en dépit de la faible taille de la commune. Il serait donc préférable de combiner ce critère avec celui du potentiel financier, qui permet de mesurer l’écart de richesse par rapport à une moyenne de strate, en incluant dans le calcul non seulement les bases fiscales mais également l’ensemble des ressources financières stables et récurrentes de la collectivité.

Principe n° 1 : La fin de la dérive des financements croisés.

Pour que chaque citoyen puisse identifier la collectivité responsable et afin de réduire les financements croisés, prévoir qu’un seul niveau de collectivités locales peut participer au financement d’un projet conduit par une autre collectivité.

Permettre une dérogation à cette limitation au profit des communes dont la population est inférieure à un certain seuil de population et dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne de leur strate.

C. LE PRINCIPE DE L’ATTRIBUTION EXCLUSIVE DES COMPÉTENCES À UN ÉCHELON

L’enchevêtrement des compétences des collectivités territoriales s’explique largement par l’existence de compétences partagées et, plus fondamentalement, par la clause générale de compétence qui permet actuellement à chaque niveau de collectivités d’intervenir sur tout domaine de compétence au nom de l’intérêt local. Cette organisation ayant montré ses limites, la mission préconise de renouer avec la logique des blocs de compétences en prenant en compte l’expérience spécialisée acquise, dans des domaines différents, par les communes, départements et régions. Elle considère que la clarification des compétences des collectivités territoriales suppose qu’à terme, 80 % des compétences soient attribuées exclusivement à un seul échelon de collectivités territoriales.

Principe n° 2 : Spécialiser l’action des collectivités.

Attribuer 80 % des compétences des collectivités territoriales exclusivement à un niveau de collectivités.

Sans procéder à un recensement exhaustif des compétences, la mission a identifié plusieurs domaines de compétences pour lesquels l’attribution d’une compétence exclusive, selon le cas au niveau communal et intercommunal, départemental ou régional, lui paraît particulièrement appropriée.

1. Un exemple de compétence à réserver aux communes et intercommunalités : les équipements sportifs

Les collectivités territoriales exercent des compétences dans le domaine du sport de deux manières, par la construction d’équipements sportifs, et par le versement de subventions aux associations et sociétés sportives.

Le Conseil d'État a reconnu la mission éducative et sociale des associations sportives, ce qui légitime un soutien financier des collectivités territoriales (127). Par conséquent, les associations sportives et notamment les associations « support » des clubs professionnels peuvent bénéficier, en tant qu’organisme à but non lucratif et dès lors que leur activité présente un intérêt public local, de subventions de la part des collectivités territoriales.

La mission souhaite qu’en matière de financement du sport, une répartition plus équilibrée et plus cohérente des efforts puisse s’instaurer entre chaque niveau de collectivités. Elle vous propose pour cette raison de réserver aux communes et aux groupements de communes la construction des équipements sportifs, tandis que les autres échelons de collectivités pourraient intervenir pour subventionner les associations et sociétés sportives.

2. Des exemples de compétences à réserver aux départements

La mission considère que la clarification des compétences des départements passe par l’attribution, à leur bénéfice exclusif, de compétences correspondant à des domaines dans lesquels ils tendent déjà à se spécialiser, notamment en matière d’action sociale, de tourisme ou de culture.

a) L’action sociale

L’article 49 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (128) a érigé le département en chef de file et coordinateur de l’action sociale, tout en mettant à sa charge la plupart des prestations légales d’aide sociale (129). L’article L. 121-1 du code de l’action sociale et des familles dispose ainsi que « le département définit et met en œuvre la politique d’action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l’État, aux autres collectivités territoriales ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale » et « coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent ». Les compétences relatives aux schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale, aux comités départementaux des retraités et des personnes âgées, aux fonds d’aide aux jeunes, ou encore à la coordination et à l’orientation gérontologique ont ainsi été transférées aux départements.

Entendu par la mission, M. Marc Censi, président de l’ADCF, appelle à conduire à son terme cette logique d’attribution des compétences d’action sociale aux départements. Certes, dans ce domaine, le rôle primordial du département, échelon de la solidarité, n’est guère contesté dans son principe. Toutefois, la compétence départementale en matière d’action sociale demeure partielle et fragilisée, du fait des compétences conservées par l’État d’une part, et de celles déléguées aux communes et intercommunalités d’autre part.

• Une clarification à l’égard de l’État :

En dépit du principe, retenu par le législateur en 2004, selon lequel le « pilotage » de l’action sociale doit être transféré aux départements, l’État conserve un grand nombre de responsabilités qui donnent un caractère lacunaire à la décentralisation de cette compétence. Le sénateur Alain Lambert a ainsi regretté, lors de son audition par la mission, que l’État demeure notamment chargé de la gestion des réseaux d’accueil et d’hébergement d’urgence (130), de l’allocation adultes handicapés (AAH), ou encore de l’insertion des personnes ne bénéficiant pas du revenu minimum d’insertion (RMI). Confier l’ensemble de ces compétences de gestion aux départements permettrait donc de clarifier cet aspect de la décentralisation, en simplifiant les démarches de nos concitoyens grâce à une meilleure identification de leur interlocuteur en matière sociale.

Par ailleurs, d’une manière générale, M. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l’APVF, a rappelé à la mission que les départements refusent d’être réduits à un simple rôle d’assistance sociale. Leur action, comme celle de toute collectivité territoriale, ne peut se limiter à l’exécution de prescriptions étatiques et suppose la préservation de marges de manœuvre pour la décision politique locale. Or, la seule gestion de prestations sociales fixées au niveau national rapproche l’activité des départements de celle de caisses de sécurité sociale, comme l’a relevé devant la mission M. Edward Jossa, directeur général des collectivités territoriales au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Pour autant, la mission n’est pas favorable à ce que les départements soient autorisés, dans le cadre de la gestion de telles prestations, à en moduler les conditions d’octroi, comme l’a préconisé devant elle, s’agissant de la gestion du RMI, M. Pierre Richard, président du conseil d’administration de Dexia. En effet, une telle modulation risquerait de conduire à l’apparition de critères arbitraires ou discriminatoires et, plus généralement, à un traitement inégal de nos concitoyens selon les territoires.

• Une clarification à l’égard des échelons infra-départementaux :

Dans la pratique, l’action sociale des départements est souvent concurrencée par celle des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS). L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) constate ainsi que la répartition des compétences entre les départements et les CCAS « ne va pas sans engendrer des doublons, des dénis d’intervention et des conflits » (131). De même, M. Edward Jossa, directeur général des collectivités territoriales au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, a indiqué à la mission que la fréquente délégation de cette compétence sociale au profit des grandes communes débouche, en pratique, sur des conflits de compétence entre ces deux échelons. Il semble qu’en milieu urbain, où certaines difficultés sociales tendent à se concentrer, les CCAS et CIAS arguent de leur meilleure connaissance des situations individuelles pour revendiquer le pilotage de ces politiques – M. Serge Grouard, vice-président de l’AGVF, a d’ailleurs formulé cette suggestion devant la mission.

Pour surmonter ce conflit, le rapport de M. Alain Lambert sur les relations entre l’État et les collectivités locales (132) suggère, soit de supprimer toute compétence communale en matière d’action sociale facultative, soit de la soumettre strictement aux orientations fixées par les départements dans les schémas d’action sociale et médico-sociale. L’expérience du recours à des formules de « chef de filat » n’ayant, d’une manière générale, guère été concluante jusqu’à présent, la première solution s’accorde mieux avec le souhait de la mission d’attribuer aux départements, d’une manière générale, une compétence exclusive en matière d’action sociale. Elle ne devrait toutefois pas interdire aux départements qui le souhaitent de déléguer aux CCAS l’instruction des demandes d’aides sociales.

Par ailleurs, l’insertion scolaire des élèves handicapés et la médecine scolaire devraient, comme le propose le rapport précité du sénateur Alain Lambert, être transféré de l’État aux départements, compte tenu de la dimension sociale de ces compétences éducatives. Pour la même raison, la construction et l’entretien des établissements médico-sociaux d’éducation spéciale (133) devraient relever non plus de la région, mais du département.

b) Le tourisme

Les compétences relatives au tourisme gagneraient également à être unifiées au profit d’un seul niveau de collectivités territoriales, car la participation de tous les échelons d’administration locale conduit à la mise en place de structures de coordination spécifiques et d’instruments de planification concurrents.

Ainsi, l’article L. 131-7 du code du tourisme prévoit qu’un « schéma régional de développement du tourisme et des loisirs », définissant des orientations pour la politique du tourisme, doit être approuvé par le conseil régional, après avoir été élaboré à sa demande par un comité régional du tourisme – une consultation préalable du comité économique et social régional ainsi que des comités départementaux du tourisme étant en outre requise. L’article L. 132-1 du même code permet par ailleurs à chaque conseil général d’élaborer un « schéma d’aménagement touristique départemental », lequel « prend en compte les orientations » du schéma régional. En outre, l’article L. 361-1 du code de l’environnement confie au département le soin d’établir, « après avis des communes intéressées, un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnées ». Ajoutons enfin qu’aux offices du tourisme des communes s’ajoutent un comité régional et un comité départemental du tourisme.

Les compétences des collectivités territoriales sont donc particulièrement entremêlées en matière touristique. L’alourdissement technocratique des procédures qui en résulte ne favorise pas une conduite dynamique et cohérente des initiatives locales prises dans ce domaine. La mission préconise donc d’attribuer l’intégralité de la compétence à un seul niveau de collectivités locales.

À cet égard, le département pourrait être, le plus souvent, la collectivité la plus pertinente, compte tenu de la taille des projets concernés, mais aussi des compétences prédominantes de cet échelon en matière environnementale et culturelle. Toutefois, l’attribution au département d’une compétence de principe ne devrait pas empêcher les départements d’une même région de décider conjointement d’en déléguer l’exercice à la région.

Par ailleurs, il convient de préciser que l’attribution d’une compétence exclusive au département dans ce domaine ne devrait pas remettre en cause l’existence même, dans les communes, des offices du tourisme, qui continueraient à fournir aux touristes des informations pratiques, tout en appliquant localement la politique touristique définie au niveau départemental.

c) La culture

S’il semble difficile d’attribuer à un seul niveau de collectivités territoriales l’ensemble des compétences relatives à la culture, il est toutefois souhaitable et possible de réduire la complexité de leur répartition en procédant à des regroupements fonctionnels et en diminuant le nombre d’intervenants.

L’article 95 de loi précitée du 13 août 2004 a transféré de l’État aux régions la responsabilité de dresser « l’inventaire général du patrimoine culturel », ces opérations pouvant ensuite être déléguées aux collectivités ou groupements de collectivités qui le demandent. Il convient de rappeler que les opérations d’inventaire, qui consistent à recenser, étudier et faire connaître « les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique et scientifique », doivent être menées sous le « contrôle scientifique et technique de l’État », dans des conditions qui ont été précisées par deux décrets du 20 juillet 2005 (134). Afin d’assurer la rigueur et la cohérence nationale des méthodes employées et de permettre la constitution d’une banque de données nationale, ces décrets ont institué auprès du ministre chargé de la culture un Conseil national de l’inventaire général du patrimoine culturel, appelé à donner un avis notamment sur les normes techniques, le programme des opérations et leur nature.

La mission s’est interrogée sur l’intérêt de transférer aux départements la responsabilité de dresser cet inventaire, compte tenu des compétences touristiques qu’elle souhaite unifier à leur profit, ainsi que du meilleur ancrage territorial des conseillers généraux, qui leur donne une connaissance plus précise du patrimoine local. Elle considère toutefois que, pour l’exercice de cette compétence, l’organisation résultant de la loi du 13 août 2004 est suffisamment simple et rationnelle pour être maintenue en l’état.

De même, il semblerait en principe cohérent de confier au département la compétence relative aux monuments historiques, l’article 99 de la loi du 13 août 2004 ayant choisi cet échelon pour gérer les crédits consacrés à la conservation du patrimoine rural non protégé. Toutefois, l’article 97 de la loi du 13 août 2004 ayant prévu que l’État pourrait transférer des monuments historiques aux collectivités volontaires de tout niveau et un décret du 20 juillet 2005 ayant effectivement procédé à un tel transfert pour 176 monuments, la mission considère qu’il serait désormais difficile de revenir sur cette organisation qui semble donner satisfaction localement et ne remet pas en cause l’unicité de gestion de chacun des monuments concernés.

Les départements pourraient, en revanche, bénéficier d’un renforcement de leurs compétences culturelles dans certains domaines :

—  en matière de bibliothèques et de musées, en devenant l’autorité gestionnaire unique de ces établissements, qu’ils relèvent actuellement de la région, du département ou de la commune (135) ;

—  en matière d’archives et de services archéologiques, les communes ne disposant pas aisément des moyens d’assumer elles-mêmes ces compétences (136).

En effet, ces missions consistant à mettre en valeur et rendre accessible au grand public des biens culturels, présentent des points communs qui justifient qu’elles soient confiées à un échelon administratif restant proche des citoyens tout en disposant de moyens humains et financiers suffisants pour exercer des tâches parfois très techniques. Il convient également d’ajouter que, s’agissant des musées et services archéologiques, l’attribution d’une compétence au département permettrait de dégager des synergies avec la politique touristique dont il serait également chargé.

3. Des exemples de compétences à réserver aux régions

a) La gestion des établissements d’enseignement secondaire

Alors que le législateur avait, en 1983 (137) confié aux départements la construction, l’équipement, l’entretien et le fonctionnement des collèges – en accordant une compétence équivalente aux communes pour les écoles et aux régions pour les lycées –, la loi précitée du 13 août 2004 a ajouté à leurs compétences la propriété des immeubles, ainsi que l’accueil, la restauration, l’hébergement et l’entretien général et technique des collèges. En conséquence, si les personnels enseignants relèvent encore de l’État, les agents techniciens, ouvriers et de service (TOS), chargés d’entretenir les bâtiments, sont désormais recrutés et gérés par les départements. Le législateur a également confié à ces derniers, déjà chargés des transports scolaires, la responsabilité d’établir la carte scolaire des collèges.

L’approfondissement de la compétence départementale ne s’est pas pour autant accompagné d’une prise de conscience sur l’intérêt de simplifier la répartition de ces compétences entre collectivités, en unifiant la gestion des établissements d’enseignement secondaire, que ce soit au profit des départements ou des régions.

Or, l’idée de confier au même échelon territorial la gestion des collèges et des lycées, parfois regroupés en une même « cité scolaire », semble désormais faire l’objet d’un consensus. Cette proposition a ainsi été émise devant la mission tant par Mme la sénatrice Jacqueline Gourault, première vice-présidente de l’Association des maires de France (AMF) que par M. Bruno Sido, secrétaire général de l’Assemblée des départements de France (ADF), le sénateur Alain Lambert, M. Pierre Richard, président du conseil d’administration de Dexia, ou encore M. Edward Jossa, directeur général des collectivités territoriales au ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

La mission estime que le niveau le plus adapté pour exercer cette compétence unifiée est la région, compte tenu de l’expérience acquise à cet échelon en matière d’enseignement supérieur et d’orientation professionnelle : à cet égard, la recherche de synergies ne peut que faciliter la transition des élèves de l’enseignement secondaire vers les études supérieures. (138)

Enfin, le rapport précité relève qu’il n’est pas cohérent, pour les établissements scolaires dont la création ou la suppression et la gestion obéissent à des décisions des collectivités territoriales, que l’État demeure responsable des décisions d’ouverture ou de fermetures de classes, de la maintenance informatique ainsi que du financement du « premier équipement ». La mission préconise donc, là aussi, un transfert de l’ensemble de ces compétences aux régions s’agissant des collèges comme des lycées.

b) La planification de l’enseignement supérieur et l’organisation de l’enseignement artistique

En matière d’enseignement supérieur, le législateur a tout d’abord souhaité conserver une compétence étatique. Néanmoins, les collectivités territoriales, et tout particulièrement les régions, ont dans les faits participé dès les années 1980 au financement de l’enseignement supérieur. La loi n° 90-587 du 4 juillet 1990 a prévu la possibilité de confier aux collectivités territoriales ou à leurs groupements la maîtrise d’ouvrage de constructions ou d’extensions d’établissements d’enseignement supérieur.

La loi du 13 août 2004 précitée a prévu un transfert aux régions des quatre écoles nationales de la marine marchande (Saint-Malo, Le Havre, Nantes et Marseille). En revanche, pour les autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), le choix qui a été fait par le législateur est celui d’une décentralisation en faveur des établissements eux-mêmes. La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a prévu un transfert aux EPSCP qui en font la demande des biens mobiliers et immobiliers détenus par l’État qui leur sont affectés ou sont mis à leur disposition (139). Le contrat pluriannuel d’établissement qui est conclu entre l’université et l’État permet de prévoir le montant de la dotation qui sera versée par l’État.

L’implication des collectivités territoriales dans l’organisation et le financement de l’enseignement supérieur n’est toutefois pas inexistante. Les instituts universitaires de formation des maîtres, qui accueillent les étudiants préparant les concours d’accès à l’enseignement et les stagiaires admis à ces concours, peuvent être gérés par les départements, dans le cadre d’une convention conclue avec l’État (140). Parmi les personnalités extérieures aux établissements d’enseignement supérieur membres de leurs conseils d’administration, figurent notamment « deux ou trois représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, dont un du conseil régional, désignés par les collectivités concernées » (141).

Cette dernière disposition illustre le fait que le conseil régional a plus particulièrement vocation à participer à l’organisation et au financement de l’enseignement supérieur. Dans cette perspective, la mission considère qu’il conviendrait de réserver à la région le financement des établissements d’enseignement supérieur.

L’exemple de la collectivité territoriale de Corse pourrait inspirer les compétences confiées aux régions en matière d’enseignement supérieur. Il serait possible de prévoir, à l’instar de l’article L. 4424-3 du code général des collectivités territoriales, l’établissement d’une carte de l’enseignement supérieur et de la recherche par le conseil régional, qui deviendrait définitive après conclusion d’une convention avec l’État et les universités concernées. Le financement, la construction, l’équipement et l’entretien des établissements d’enseignement supérieur figurant dans cette carte seraient assurés par la région.

Par ailleurs, il serait possible de permettre l’organisation d’actions complémentaires d’enseignement supérieur et de recherche par la région, sans préjudice des compétences de l’État en matière d’homologation des titres et diplômes.

Enfin, concernant les établissements d’enseignement artistique (musique, danse et arts dramatiques), l’article L. 216-2 du code de l’éducation, tel qu’il résulte de l’article 101 de la loi du 13 août 2004, prévoit que ces établissements relèvent :

—  des communes ou de leurs groupements pour les établissements d’enseignement initial, sauf s’ils étaient déjà gérés par d’autres collectivités ou établissements publics avant la loi du 13 août 2004 – cas dans lequel la collectivité gestionnaire est maintenue. Ces établissements sont toutefois cofinancés par le département qui élabore, en concertation avec les communes, un « schéma départemental de développement des enseignements artistiques dans les domaines de la musique, de la danse et de l’art dramatique » régissant l’organisation des enseignements qui y sont dispensés ;

—  des régions pour les établissements d’enseignement professionnel initial, dans les conditions d’organisation et de financement fixées par le « plan régional de développement des formations professionnelles » prévu à l’article L. 214-13 du code de l’éducation. La loi prévoit que ce plan doit être élaboré en concertation avec l’État, mais aussi les autres collectivités territoriales et les syndicats concernés, et que son approbation par le conseil régional doit être précédée d’une consultation des conseils généraux, ainsi que du conseil économique et social régional, des organismes consulaires et académiques et de divers comités (142;

—  de l’État pour les établissements d’enseignement artistique supérieurs.

Pour unifier et simplifier la gestion de ces divers établissements en limitant les multiples concertations, commissions et cofinancements, la mission préconise de confier dans tous les cas leur gestion aux régions. En effet, ces dernières disposent déjà de compétences en matière de formation professionnelle, mais aussi artistique, par l’intermédiaire du Fonds régional d’art contemporain (FRAC).

c) Les transports terrestres

Certes, les départements ont acquis une compétence pour les infrastructures routières et ils sont chargés d’élaborer un plan départemental des transports, d’assurer le transport scolaire ainsi que des transports routiers non urbains de voyageurs. Toutefois, la mission considère que, dès lors que les régions se voient reconnaître une compétence globale en matière d’enseignement secondaire, il serait plus cohérent de leur attribuer la compétence relative aux transports scolaires et, plus généralement, l’organisation des transports terrestres
– qu’il s’agisse des transports routiers ou des transports ferroviaires.

L’attribution exclusive à la région de cette compétence spécifique permettra ainsi d’éviter les chevauchements et concertations inutiles entre différents échelons d’administration territoriale. L’organisation dérogatoire des transports en Île-de-France, sous l’égide du syndicat des transports Ile-de-France (STIF) devenu établissement public local depuis le 1er juillet 2005, devrait en tout état de cause subsister, car elle est adaptée à l’étendue de l’urbanisation et la nature des flux de voyageurs autour de Paris.

Concernant les transports collectifs, la multiplicité des autorités organisatrices des transports est à l’origine d’incohérences ou d’un manque de coordination entre les différents services de transport collectif offerts à la population.

Après une période d’expérimentation, les régions se sont vues confier, à compter du 1er janvier 2002, « l’organisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs, qui sont les services ferroviaires de voyageurs effectués sur le réseau ferré national ; à l’exception des services d’intérêt national et des services internationaux ; des services routiers effectués en substitution des services ferroviaires susvisés » (143). Les transports urbains de personnes sont pour leur part organisés par la commune ou l’EPCI. Enfin les transports routiers non urbains de personnes sont organisés par le département, à l’exclusion des liaisons d’intérêt régional ou national.

Le transfert de l’ensemble des compétences dans le domaine des transports collectifs aux régions a été suggéré lors des auditions, notamment par MM. Edward Jossa, directeur général des collectivités territoriales au ministère de l’Intérieur et Marc Censi, président de l’ADCF. M. Pierre Richard, président du conseil d’administration de Dexia, a considéré qu’il serait souhaitable d’instaurer une seule autorité organisatrice des transports dans chaque région – à l’instar du STIF dans la région Île-de-France.

Toutefois, en réponse à une question parlementaire sur le transfert éventuel de l’ensemble de la compétence transport à l’échelon régional, le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables a formulé une réponse prudente : « Plutôt que d’envisager la disparition d’un niveau territorial d’organisation des transports, il apparaît préférable que les autorités concernées accentuent leurs efforts de coordination en agissant au plus près des attentes de leurs usagers. » (144)

La mission considère pour sa part que, si une compétence générale était confiée aux régions en matière d’établissements d’enseignement secondaire, l’exercice par celles-ci de l’ensemble des compétences en matière de transports terrestres se justifierait d’autant plus, car ces transports sont notamment utiles pour les déplacements quotidiens des élèves.

4. Un principe dont l’application doit tenir compte des réalités locales

Le souci de clarifier la répartition des compétences, en veillant à son intelligibilité et à sa cohérence nationale, ne doit pas conduire à élaborer un cadre trop rigide, qui ferait abstraction de réalités locales, variables selon les territoires.

A cet égard, il n’est pas absurde de laisser aux collectivités territoriales le soin de s’entendre souplement et de négocier entre elles, au cas par cas, les modalités d’exercice de leurs compétences. A titre d’exemple, si leurs assemblées délibérantes estiment que cela correspond aux besoins et aspirations locales, une région doit être libre de déléguer aux départements la gestion des transports terrestres ou, en sens inverse, les départements d’une même région de déléguer à celle-ci l’exercice de leurs compétences culturelles.

Dès lors que cela ne remet en cause ni l’attribution de la totalité d’une compétence à une seule collectivité ni l’exercice de cette compétence à un unique échelon, il ne devrait en résulter aucun enchevêtrement de compétences.

Principe n° 3 : Tenir compte des réalités locales.

Permettre à une collectivité attributaire d’une compétence exclusive de la déléguer entièrement à un autre échelon territorial.

III. FAVORISER LE REGROUPEMENT DES STRUCTURES TERRITORIALES

Au fil du temps et des initiatives locales, les modalités d’administration locale de la France se sont compliquées et alourdies. Face à l’empilement des structures et à la prolifération des nouvelles entités territoriales, le citoyen est égaré, la puissance publique affaiblie et la compétitivité des entreprises amoindrie.

Dans ces conditions, on comprend que la question de la modification des structures territoriales soit non seulement récurrente, mais prenne une importance croissante. Le problème peut être abordé soit sous la forme radicale d’une critique du nombre de catégories de collectivités territoriales, soit sous la forme plus souple d’une proposition de regroupement ou de fusion des collectivités d’un même niveau.

Le récent rapport sur la libération de la croissance française, remis au Président de la République par la commission présidée par M. Jacques Attali, a semblé privilégier la première approche, en proposant, pour réduire le poids de la dépense publique, de supprimer les départements d’ici dix ans : « des intercommunalités renforcées doivent pouvoir attirer vers elles certaines des compétences actuellement exercées par les départements. Ce transfert serait de droit si l’intercommunalité en fait la demande. L’objectif est de constater à dix ans l’inutilité du département, afin de clarifier les compétences et réduire les coûts de l’administration territoriale. » Cette proposition a suscité des réactions vives, au nom de la tradition républicaine déjà ancienne qui s’attache à cet échelon d’administration, bien identifié par les citoyens.

La mission, sans proposer la suppression d’une catégorie de collectivités territoriales ou d’une autre, souhaite renouveler en profondeur la réflexion sur les structures territoriales françaises et l’approche de leur réforme. Elle considère en effet que la situation actuelle, qui est la conséquence d’une accumulation de structures d’époques différentes, sans avoir jamais procédé à une réforme d’ensemble, n’est pas propice au renouvellement des conditions de fonctionnement de la démocratie locale et à la simplification de la répartition des compétences entre collectivités territoriales.

A. CRÉER LES CONDITIONS D’UN « BIG BANG » TERRITORIAL

1. L’ancrage historique des structures actuelles

Les Français, s’ils sont attachés au département, y compris dans ses manifestations symboliques, telle que l’immatriculation départementale des véhicules automobiles, le sont plus largement encore à la triade commune – département - région. Lors du sondage commandé à la SOFRES par la Commission pour l’avenir de la décentralisation (août 2000), à la question sur la coexistence de trois échelons de collectivités territoriales, les personnes sondées avaient répondu à 67 % qu’elles la jugeaient plutôt une bonne chose. Le découpage régional actuel était aussi approuvé par 60 % des personnes sondées, tandis que seulement 31 % des personnes sondées étaient favorables à un découpage en 7 ou 8 régions élargies. Concernant le niveau communal, seules 22 % des personnes sondées souhaitaient que les communautés de communes viennent à terme remplacer les communes. Dans un très récent sondage de l’institut IFOP pour le journal Sud Ouest (5 octobre 2008), l’attachement des personnes sondées aux différents niveaux de collectivités territoriales est relativisé, puisque la France demeure citée en tête (par 40 % des personnes), devant la commune (34 %), la région (16 %) puis le département (10 %). Toutefois, 59 % des personnes sondées se déclarent opposées à une suppression des départements.

Histoire succincte des propositions de réforme des structures territoriales

Pendant la première guerre mondiale, Étienne Clémentel, ministre du Commerce et de l’Industrie, prévoit un découpage de la France en groupements économiques régionaux (circulaire du 25 août 1917). Il s’agit de la première reconnaissance officielle d’une réalité économique supra-départementale. Les régions Clémentel ont un périmètre aussi disproportionné que les régions actuelles. Surtout, il est intéressant de constater que les « capitales régionales » pressenties correspondent, à quelques exceptions près, aux actuels chefs-lieux de régions.

Michel Debré, dans un ouvrage paru en 1947 (La Mort de l’État républicain), évoque la question des limites territoriales. S’opposant aux projets de régionalisation, il propose pour sa part de procéder à une révision de la carte des départements, qu’il résume ainsi : « il est possible de refaire la division départementale. La superficie moyenne de la division est doublée. Aucune, en règle générale, ne comprend moins de 500 000 habitants. Le chef-lieu est normalement un centre actif […] La révision départementale est la reprise du travail de la Constituante en l’adaptant aux conditions nouvelles de notre esprit public et de notre économie » Le découpage proposé aboutirait à une France divisée en 47 départements.

Dans certains cas, le département est issu du regroupement de départements existants : Haut-Rhin et Bas-Rhin forment un seul département, de même que le Jura, la Haute-Saône, le Doubs et le Territoire de Belfort, que l’Ardèche et la Drôme, que l’Aude et les Pyrénées-Orientales, que la Charente et la Charente-Maritime, que l’Eure et la Seine-Maritime. Dans d’autres cas, le département résulte d’un redécoupage substantiel : le nord du Cantal, l’ouest de la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme et le sud de l’Allier (Vichy) forment ainsi un seul département.

Mais la proposition de créer des départements deux fois moins nombreux et deux fois plus grands est associée à une seconde proposition également novatrice : confier aux grandes villes les tâches exercées par le département. « Le trait particulier de ces villes, dont l’importance atteint ou dépasse 100 000 habitants, devrait être d’échapper à l’autorité départementale. […] En d’autres termes, les grandes villes constitueraient à elles seules un département, leur conseil municipal serait en même temps leur conseil général. »

À la même époque, certaines autres propositions plaident en revanche en faveur d’une régionalisation. C’est ainsi que Jean-François Gravier (Paris et le désert français, 1947) propose de délimiter 16 grandes régions, qui tiennent compte « du fait essentiel, qui est l’attraction des métropoles régionales ». Les actuelles régions qui n’existent pas dans ce schéma sont Poitou-Charentes (partagé entre les Pays de la Loire et l’Aquitaine), la Franche-Comté (annexée à la Bourgogne) ainsi que la Picardie (scindée entre le Nord, l’Île-de-France et la Champagne-Ardenne) et le Limousin (rattaché à l’Auvergne). En outre, la Normandie forme une seule région. Jean-François Gravier réitérera à plusieurs reprises ces propositions de regroupement régional (L’aménagement du territoire et l’avenir des régions françaises, 1964 ; La question régionale, 1970).

Dans le même temps, Jean-François Gravier propose, à l’instar de Michel Debré, que les plus grandes villes (Paris, Lyon et Marseille) constituent en tant que tel « un département-ville se limitant à l’agglomération continue et un département campagne comprenant l’arrière-pays ».

Malgré la richesse des propositions de l’immédiat après-guerre, la carte des structures territoriales françaises a fort peu évolué depuis lors.

Le seul remaniement départemental de grande ampleur a lieu en région parisienne en 1964 : les deux départements de la Seine-et-Oise et de la Seine furent découpés en sept départements. Par la suite, le département de Corse fut également scindé en deux en 1975 (loi n° 75-356 du 15 mai 1975 portant réorganisation de la Corse).

En ce qui concerne les communes, la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes (dite loi Marcellin) a prévu des dispositions législatives permettant la fusion des communes, soit sous la forme d’une fusion simple, soit sous celle d’une fusion association (auquel cas la commune associée conserve un maire délégué, une mairie annexe, un centre d’action sociale, un comité ou un conseil consultatif). En dépit de cette loi, on a dénombré à peine un millier de fusions de communes et l’on fait souvent reproche à la France d’être le pays ayant le plus d’unités de son échelon territorial de base. Toutefois, ce reproche n’est pas totalement exact puisque la Suisse compte près de 2 900 communes, ce qui, en termes de superficie comme de population, correspond à un plus grand nombre de communes qu’en France.

Enfin, la carte des régions de programmes, établie dès 1956 et complétée en 1970 par l’adjonction d’une région Corse (décret du 9 janvier 1970), n’a pas été modifiée lors de leur transformation en collectivités territoriales de plein exercice par les lois de décentralisation de 1982-1983.

L’ancrage historique des structures actuelles et le caractère inabouti des différentes propositions de modification de la carte territoriale ne doivent pas interdire toute réflexion et toute proposition de réforme. Toutefois, il serait excessif d’envisager ex abrupto la suppression d’une catégorie ou une autre de collectivités territoriales – vos rapporteurs remarquent par exemple que, lors de son audition par la mission, M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF), s’est déclaré défavorable à la suppression de l’un ou l’autre des niveaux de collectivités territoriales.

La récente réponse à une question parlementaire confirme qu’une approche plus pragmatique est préférable : « S’agissant plus particulièrement de la fusion des différents niveaux de collectivités territoriales, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales estime que les départements comme les communes, suscitant un fort attachement de la population, conservent tout leur sens dans la modernisation des institutions. Elle est d’avis que le partage des compétences entre les niveaux de collectivités doit laisser place à la coordination et à la souplesse, pour une meilleure adaptation de l’action publique aux réalités locales. » (145)

2. L’incitation à la coopération

Lors des assises des Libertés locales organisées en 2003, des demandes de simplification de la carte territoriale avaient été formulées, telles que la fusion des régions Haute-Normandie et Basse-Normandie ou celle des départements des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence. Dans certains cas, des demandes peuvent refléter des revendications régionalistes ou autonomistes plus ou moins explicites, qui n’ont pas pour premier objet la simplification (telles que la création d’un département du Pays basque, d’un département du Hainaut ou encore d’une région savoyarde, le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne). Dans d’autres, une proposition de simplification peut être ambiguë, et satisfaire aussi bien des revendications régionalistes que des ambitions simplificatrices, comme pour les propositions de fusion des deux départements alsaciens(146) ou de suppression des départements de Corse.

Ainsi, la perspective d’un regroupement des collectivités territoriales n’est pas refusée, même si elle suscite des objections.

À l’objection de l’éclatement de l’unité nationale, il convient d’ajouter l’objection de la perte du statut de chef-lieu par les villes-centres. En effet, ces dernières peuvent craindre un déclassement dès lors qu’elles perdraient leur statut actuel, comme l’a fait observer fort justement M. Marc Censi, président de l’ADCF, lors de son audition par la mission. En outre, des choix imposés par le pouvoir central seraient difficilement acceptés par les élus locaux et la population des collectivités concernées, notamment dans les chefs-lieux « menacés ». M. Bruno Sido, secrétaire général de l’ADF, a évoqué devant la mission la relation privilégiée du conseil régional avec le chef-lieu de région, et l’on peut penser que les deux structures seront souvent tentées d’unir leur force pour résister à toute recomposition régionale.

La mission considère pour cette raison qu’il convient de privilégier une approche concertée, fondée sur la démarche volontaire des collectivités, accompagnées et encouragées par le législateur national.

La première question, d’ordre général, est celle de la méthode de fusion. Par ailleurs, chaque type de regroupements — de collectivités de la même catégorie, que l’on peut qualifier de regroupements horizontaux, ou de collectivités de catégories distinctes, que l’on peut qualifier de regroupements verticaux — soulève des questions spécifiques, qui seront abordées pour chaque type de regroupement proposé.

Les projets de regroupements ou redécoupages de collectivités territoriales risquent fort de susciter des oppositions locales et d’être perçus comme des schémas irréalistes, déconnectés de la réalité et nés de l’imagination de technocrates parisiens, s’ils sont imposés « d’en haut ». Une concertation avec les élus concernés paraît donc souhaitable — voire indispensable, compte tenu du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. C’est ce que soulignait déjà le Gouvernement en février 2003, en réponse à une question sénatoriale sur la perspective d’une fusion de la région Auvergne avec la région Limousin (147).

Même s’il ne s’agit actuellement d’une obligation légale qu’en matière communale (148), faut-il généraliser la consultation des électeurs sur tout projet de fusion, qu’il concerne les régions, les départements ou les communes ? Le dernier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, introduit par la révision du 28 mars 2003, semble y inciter, dans la mesure où il permet au législateur de prévoir la consultation des électeurs pour la modification des limites des collectivités territoriales, la création d’une collectivité à statut particulier ou la modification de son organisation (149). M. Claudy Lebreton, président de l’ADF, a également plaidé devant la mission en faveur de l’organisation systématique d’un référendum pour décider ou non la fusion entre des collectivités territoriales.

Toutefois, des exemples récents pourraient inciter à laisser le choix entre une décision après consultation de la population et une décision par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées.

La loi n° 2003-486 du 10 juin 2003 organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse a prévu que le corps électoral de Corse serait consulté sur cette question. Une collectivité territoriale à statut particulier se serait substituée aux trois collectivités actuellement existantes et aurait exercé leurs compétences. Elle aurait compris deux subdivisions administratives, qui auraient été le ressort d’assemblées délibérantes et auraient mis en œuvre certaines des compétences de la collectivité unique. La proposition fut repoussée par 50,9 % des suffrages exprimés le 6 juillet 2003.

Concernant les départements et régions d’outre-mer, sur le fondement de l’article 72-4 de la Constitution, une consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin fut organisé le 7 décembre 2003, conformément aux décrets du Président de la République du 29 octobre 2003 et après qu’une déclaration avec débat eut été organisée dans chacune des assemblées du Parlement. En Martinique et en Guadeloupe, la question posée portait sur la création d’une collectivité territoriale unique, qui se serait substituée au département et à la région, tout en demeurant une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution. À Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, il était proposé de créer une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. Les résultats furent positifs dans ces deux dernières îles, qui ont par la suite accédé au statut de collectivités d’outre-mer, par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (150). En revanche, en Martinique comme en Guadeloupe, les résultats des référendums furent négatifs (151) et les deux régions monodépartementales n’ont pas connu d’évolution institutionnelle depuis lors.

Ces différents exemples, certes tous insulaires et particuliers, s’ils ne permettent pas de présager d’éventuelles consultations de la population d’autres collectivités territoriales, sont néanmoins la manifestation de la nécessaire pédagogie qui doit précéder un changement de structure susceptible d’être perçu comme un risque plutôt qu’une chance.

D’autre part, il semble préférable, au moins dans un premier temps, de favoriser les expériences volontaires de regroupements, plutôt que d’élaborer un plan d’ensemble (152), car ce dernier choix, en sus de sa difficulté de « pilotage », pourrait réveiller, dans certains espaces périphériques, sinon des revendications identitaires, du moins le sentiment d’une reprise en main parisienne et centralisatrice, sous couvert d’un approfondissement de la décentralisation. Le législateur pourrait dans un second temps, au terme d’un délai qu’il conviendra de fixer, valider les regroupements qui auront été proposés.

Une question générale posée par toute fusion de collectivités, du fait de la liberté de fixation des taux des impôts locaux, est celle de la manière dont les taux d’imposition devraient être harmonisés dans la collectivité issue de la fusion. Un mécanisme similaire à celui prévu pour les fusions de communes par l’article 1638 du code général des impôts pourrait être prévu (153). L’intégration fiscale progressive permettrait d’harmoniser les taux d’imposition sur une durée suffisamment longue pour que les contribuables des collectivités ayant les taux les plus bas n’en pâtissent pas trop brutalement.

Afin de donner à la réforme de réelles chances de succès, il conviendrait par ailleurs de prévoir un certain nombre de dispositifs fiscaux ou financiers incitatifs.

Dans un premier temps, vos rapporteurs avaient songé à permettre aux collectivités volontaires pour se regrouper ou se transformer de bénéficier du prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement (4,4 % du montant des impôts locaux prélevés par voie de rôle) et du prélèvement pour frais de dégrèvement et de non-valeurs (3,6 % du montant des impôts locaux prélevés par voie de rôle), soit au total d’une prime correspondant à 8 % du montant des principaux impôts locaux (154). Toutefois, une telle disposition, qui ne pourrait être effectuée qu’en loi de finances, en vertu de l’article 36 de la loi organique relative aux lois de finances (« L’affectation totale ou partielle, à une autre personne morale d’une ressource établie au profit de l’État ne peut résulter que d’une disposition de loi de finances. »), poserait d’autre part le problème du partage de l’affectation d’une imposition : une perception unique de l’imposition par l’État puis un reversement aux collectivités bénéficiaires serait nécessaire, selon des règles de calcul complexes, dans la mesure où l’assiette de ce prélèvement correspond à des taxes partagées entre plusieurs niveaux de collectivités.

Il serait donc possible, tout en retenant ce critère d’une incitation financière correspondant à 8 % du montant des principaux impôts locaux perçus par la collectivité, d’en faire bénéficier les collectivités au travers d’une fraction de la dotation globale de fonctionnement (DGF) créée spécialement au profit des collectivités s’engageant dans une démarche de simplification de la carte des structures territoriales. Afin que l’incitation soit forte, le dispositif pourrait être appliqué pendant une dizaine d’années.

Enfin, une question primordiale est celle du calendrier de la réforme. La loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes (dite loi Marcellin), si elle ne connut pas le succès d’abord escompté, le devrait, d’après Raymond Marcellin, à un calendrier peu propice : « à la demande du Premier ministre, et dans la perspective des élections législatives mars 1973, puis des élections cantonales d’octobre 1973, la procédure d’application de la loi ne fut pas engagée pour éviter que les regroupements communaux, devenant des enjeux électoraux, connaissent une dénaturation qui les transforme en querelle politique » (155). Il concluait en considérant qu’« une réforme d’envergure a besoin de temps pour être réalisée ».

Si la mission considère que l’attitude du législateur doit dans un premier temps être incitative, elle estime également que les incitations aux regroupements doivent pouvoir être relayées, dans un second temps, par une nouvelle intervention du législateur. Pour cette raison, le législateur devrait par avance fixer une date butoir, au-delà de laquelle il pourrait reprendre la conduite des opérations, dans un premier temps laissées à l’initiative des collectivités elles-mêmes, pour valider les résultats obtenus.

Principe n° 4 : Réduire le nombre de collectivités

Inciter financièrement les collectivités territoriales à se regrouper volontairement, soit par l’union avec une collectivité de même niveau, soit par l’accroissement de compétences résultant de la fusion avec un autre niveau, selon les principes prévus par la loi et dans un délai à fixer (par exemple d’un an) au terme duquel il reviendra au législateur de valider les résultats obtenus.

B. LES REGROUPEMENTS HORIZONTAUX

1. L’agrandissement des régions

Le faible poids économique et budgétaire des régions françaises, comparé à celui des autres États européens, a été souligné à plusieurs reprises devant la mission. Un agrandissement des régions actuelles, dès lors qu’il repose en priorité sur le volontariat, permettrait, sans remettre en cause l’unité nationale, de réduire le nombre de ces structures.

a) Le regroupement de régions entières

L’extension des régions existantes peut d’abord prendre la forme du regroupement de régions entières en « régions étendues ».

Certes, la loi autorise déjà les régions volontaires à se regrouper, mais les conditions de majorité qualifiée exigées au niveau départemental pour l’approbation d’un tel projet paraissent très restrictives. En effet, l’article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales subordonne cette possibilité au recueil de délibérations concordantes des conseils régionaux intéressés, ainsi que d’une majorité qualifiée de conseils généraux (deux tiers des conseils généraux représentant la moitié de la population ou la moitié des conseils généraux représentant les deux tiers de la population). En outre, un décret en Conseil d’État doit intervenir pour prononcer le regroupement.

Dans ces conditions, aucun regroupement de régions n’a encore été réalisé. Or, l’insuffisance de la taille, mais surtout du poids démographique et économique des régions françaises, comparées à leurs homologues européennes (notamment à nombre de Länder allemands (156)), pénalise leur action et les possibilités de coopération décentralisée. Île-de-France est la seule région française qui trouve sa place parmi les dix premières régions européennes en termes de puissance économique et de population, alors que les régions de la plupart de nos grands voisins (Allemagne, Italie, Espagne) figurent dans cette liste au moins à deux reprises. À l’inverse, onze des vingt-deux régions françaises ont à la fois une population inférieure à deux millions d’habitants et un produit intérieur brut (PIB) inférieur à 50 milliards d’euros (voir tableaux ci-après).

CLASSEMENT DES RÉGIONS EUROPÉENNES PAR POIDS ÉCONOMIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE DÉCROISSANT

Nom de la région

PIB de la région (en milliards de standards de pouvoirs d’achat (157))

Population de la région (en millions d’habitants)

Pays concerné

Rhénanie-Nord-Westphalie

447

18,1

Allemagne

Île-de-France

425,5

11,3

France

Bavière

368,6

12,4

Allemagne

Grand Londres

301,5

7,4

Royaume-Uni

Bade-Wurtemberg

300,2

10,7

Allemagne

Lombardie

283,6

9,3

Italie

Hesse

181,7

6,1

Allemagne

Catalogne

173,8

6,7

Espagne

Communauté de Madrid

163,8

5,8

Espagne

Latium

148,5

5,2

Italie

Source : Eurostat, 2004

POIDS ÉCONOMIQUE ET DÉMOGRAPHIQUE DES RÉGIONS MÉTROPOLITAINES

Nom de la région (158)

Population de la région
(en milliers d’habitants)
 
(159)

PIB de la région
(en millions d’euros)
 
(160)

Alsace

1 829

48 389

Aquitaine

3 123

79 920

Auvergne

1 337

31 631

Basse-Normandie

1 453

34 064

Bourgogne

1 626

40 485

Bretagne

3 103

78 035

Centre

2 515

63 457

Champagne-Ardenne

1 337

35 310

Corse

281

6 359

Franche-Comté

1 151

28 091

Haute-Normandie

1 815

46 853

Île-de-France

11 577

500 839

Languedoc-Roussillon

2 548

57 350

Limousin

727

17 089

Lorraine

2 343

55 219

Midi-Pyrénées

2 782

71 296

Nord-Pas-de-Calais

4 048

90 841

Pays de la Loire

3 455

89 530

Picardie

1 890

42 778

Poitou-Charentes

1 722

40 985

Provence-Alpes-Côte d’Azur

4 818

130 178

Rhône-Alpes

6 058

173 682

Métropole

61 538

1 762 379

Sources : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, 2008

Notre collègue Michel Piron, vice-président de l’ADCF, a d’ailleurs fait observer à la mission que des régions françaises plus étendues et moins nombreuses disposeraient naturellement de davantage de poids et pourraient légitimement aspirer à exercer davantage de compétences. Il notait également, dans un rapport d’information consacré en 2006 à l’équilibre territorial des pouvoirs, qu’un nombre croissant d’administrations ou de politiques étatiques sont organisées à l’échelon interrégional (161) (voir ci-après) et que « les régions sont aujourd’hui trop petites » pour rendre certains grands arbitrages économiques et sociaux entre les métropoles (162).

LES ZONES DE DÉFENSE INTERRÉGIONALES

Nom de la zone

Régions regroupées

Paris

Île-de-France

Nord

Nord, Picardie

Est

Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Bourgogne

Ouest

Haute-Normandie, Basse-Normandie, Centre, Pays de la Loire, Bretagne

Sud-ouest

Poitou-Charentes, Limousin, Aquitaine, Midi-Pyrénées

Sud-est

Auvergne, Rhône-Alpes

Sud

Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur

Dom Com

Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie

Le rapport précité de notre collègue Michel Piron souligne que, d’une manière générale, « la multiplication des initiatives interrégionales comme la montée en puissance des programmes communautaires INTERREG montre la voie d’un rapprochement entre les régions actuelles qui pose la question de l’élargissement de leur territoire et de leur population » et qu’un agrandissement des régions « pourrait permettre un changement d’échelle propre à favoriser des synthèses plus riches entre les différents territoires, mais aussi susceptibles de mieux prendre en compte la dimension internationale de nombreux problèmes. À l’échelle européenne, des régions seraient plus visibles et plus efficaces » (163). A cet égard, la carte des circonscriptions interrégionales établies pour l’élection des représentants français au Parlement européen, comprenant 7 grandes circonscriptions en métropole (164), pourrait également alimenter la réflexion des régions souhaitant se regrouper et, ainsi, accroître leurs capacités d’action – tout en assurant une péréquation financière entre les actuelles régions.

Pour rendre réellement possibles et attrayants les regroupements de régions, la mission suggère d’étudier les pistes suivantes :

—  modifier les conditions de majorité requises pour le regroupement. L’article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales pourrait ainsi être modifié pour subordonner le regroupement des régions au seul accord de chacune d’entre elles, obtenu à la majorité simple de son conseil régional ou de sa population consultée par référendum local (165) ;

—  créer une incitation financière au regroupement. Pour ce faire, les régions ayant décidé de se regrouper pourraient bénéficier d’une nouvelle part spécifique au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des régions, laquelle pourrait être d’un montant équivalent aux prélèvements pour frais d’assiette et de recouvrement et pour frais de dégrèvement et d’admission en non-valeurs perçus par l’État, soit 8 % du montant des impôts locaux de la collectivité territoriale perçus par voie de rôle (166). Il conviendrait, si l’on ne souhaite pas pénaliser les collectivités ne participant pas à un regroupement, d’abonder à due concurrence la DGF, faute de quoi une redistribution de DGF en faveur des collectivités regroupées s’opérerait.

La mission s’est interrogée sur la nécessité de fixer un seuil maximal de population – fixé par exemple à 10 ou 12 millions d’habitants – pour éviter que l’apparition de nouveaux ensembles régionaux trop puissants ne menace l’unité nationale. Cette solution a été écartée car elle pourrait être inadaptée, en interdisant, de fait, tout regroupement aux régions les plus peuplées (cas, par exemple, de la région Île-de-France), et inutile, car les rivalités naturelles rendent improbable l’union de régions comportant de grandes métropoles (cas, par exemple, d’un regroupement des régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur) – comme l’a remarqué devant la mission M. Marc Censi, président de l’ADCF.

Par ailleurs, afin de créer une impulsion efficace, ces différentes dispositions législatives devraient n’être applicables que pour une durée limitée :

—  une période d’un an pourrait être ouverte pour permettre aux régions de formuler librement leurs demandes de regroupements. En fonction des résultats obtenus, le législateur ne serait éventuellement appelé à intervenir qu’à l’issue de cette période, pour compléter le mouvement de regroupement, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ;

—  les dispositions fiscales et financières bénéficieraient aux collectivités pour une durée de 10 ans à compter de la date de la demande de regroupement.

Principe n° 5 : Pour les régions : s’étendre géographiquement, dans un délai pouvant être fixé par exemple à un an

Faciliter le regroupement volontaire des régions, pour rendre la carte territoriale plus cohérente.

b) La recomposition régionale

Une diminution du nombre actuel de régions par accroissement de leur taille moyenne pourrait également être obtenue par transfert de départements d’une région à l’autre combiné à l’éclatement de certaines des régions affectées.

Cette démarche, un peu plus fine mais aussi plus complexe que la précédente, nécessiterait un pilotage renforcé de l’État, afin de parvenir à une carte rationnelle de ces « régions recomposées », tout en prenant en compte les aspirations des élus et des populations concernées. Il paraît, en tout état de cause, impératif de subordonner la mise en œuvre d’un tel processus à la préservation de la continuité territoriale des régions recomposées : l’apparition d’enclaves dans celles-ci rappellerait fâcheusement certaines provinces d’Ancien Régime et serait paradoxale pour une démarche de modernisation et de rationalisation des structures territoriales de notre pays.

La mission préconise donc de permettre à tout conseil général de demander le rattachement du département à une région limitrophe, dès lors que cette demande recueille l’accord du conseil régional de la région appelée à s’étendre à ce nouveau département. Par ailleurs, si le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales devait imposer de recueillir l’accord de la région délaissée par le département, cet accord devrait pouvoir être exprimé tant par la population de cette région que par son assemblée délibérante, ce qui permettrait parfois de surmonter les probables réticences des conseillers régionaux. En cas de refus des régions concernées, les projets de transferts devraient être abandonnés, sauf à prévoir une intervention directe du législateur pour y procéder – initiative qui devrait toutefois, là encore, être conciliée avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

La réunion de l’ensemble de ces conditions d’acceptation et de seuil devrait logiquement conduire chaque conseil général de la région délaissée à envisager le rattachement de son département à une région limitrophe – ou, à défaut, la fusion de la région délaissée avec les départements restants. Il conviendrait bien sûr de prévoir un mécanisme de coordination entre les différentes procédures de regroupements prévues pour les régions, afin de résoudre les litiges qui pourraient apparaître si elles sont engagées concurremment. À l'instar du mécanisme proposé pour les regroupements de régions, un décret en Conseil d’État viendrait clore la procédure, en veillant à sa sécurité juridique et à sa cohérence territoriale.

Pour stimuler ces initiatives de recompositions régionales, la mission préconise d’étendre les avantages fiscaux et financiers prévus pour les régions regroupées aux départements transférés, ainsi qu’aux régions bénéficiaires de ce transfert.

2. L’extension de l’intercommunalité

Si l’attachement à la commune demeure fort chez nos concitoyens et leurs élus et si le fonctionnement trop bureaucratique de certaines intercommunalités est parfois critiqué, la nécessité de poursuivre les efforts de regroupement pour remédier à l’émiettement communal, particulièrement prononcé en France (167), fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus.

Indépendamment de ses suggestions de fusions verticales, au cas par cas, entre l’échelon intercommunal et l’échelon communal ou départemental, la mission préconise d’inciter financièrement les EPCI à se regrouper entre eux et d’achever la couverture de l’ensemble du territoire national en intercommunalités.

a) La fusion des actuels EPCI

Dans certains espaces ruraux, le territoire couvert par les EPCI demeure trop limité pour que la mise en commun des moyens communaux permette de dégager les économies d’échelle requises ou de disposer d’une puissance financière suffisante pour soutenir des projets de développement ambitieux.

L’article 153 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a certes amélioré et simplifié les dispositions législatives permettant la fusion des EPCI. L’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales n’impose plus la dissolution préalable des EPCI désirant fusionner et, lorsque la fusion est d’initiative préfectorale, seuls sont requis la consultation de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), ainsi que l’accord des organes délibérants des EPCI et d’une majorité qualifiée des communes concernées, sans droit de veto pour la commune centre. Afin d’éviter tout blocage, l’avis des communes consultées est réputé favorable s’il n’a pas été rendu dans un délai de trois mois. Enfin, la fusion doit concerner au moins un EPCI à fiscalité propre, et entraîne la création, sur un territoire d’un seul tenant et sans enclave communale, d’un EPCI à fiscalité propre – ce dernier relève alors de la catégorie de l’EPCI inclus dans le projet qui détient le plus grand nombre de compétences, ce qui permet d’approfondir la coopération intercommunale.

Afin d’éviter toute enclave intercommunale au sein de l’EPCI fusionné, il pourrait être utile d’autoriser le représentant de l’État dans le département concerné à décider, après consultation de la CDCI, d’inclure dans le périmètre de la fusion tout EPCI enclavé. Cette modification ponctuelle de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales permettrait ainsi de dissuader la constitution d’EPCI « défensifs » et de garantir la cohérence spatiale de l’EPCI résultant de la fusion, ce qui correspond d’ailleurs bien au rôle traditionnel du préfet dans les procédures intercommunales.

Toutefois, il est probable que l’utilisation de ces dispositions demeurera marginale – seuls 10 projets de fusion ont été menés à bien en 2007 – si la démarche de regroupement n’est pas stimulée par le législateur. À l’instar de ce qu’elle préconise pour les régions, la mission suggère donc d’élaborer des dispositions législatives incitant financièrement les EPCI à se regrouper horizontalement. Ce dispositif complétera opportunément les incitations au regroupement « vertical » des EPCI (avec le département ou les communes), d’autant que ces dernières seront sans doute moins souvent utilisées en milieu rural que dans les zones urbaines.

Pour ce faire, les avantages fiscaux accordés aux EPCI se transformant en collectivités territoriales de plein exercice pourraient également être accordés aux EPCI à fiscalité propre obtenus par fusion de plusieurs EPCI préexistants.

b) L’achèvement de la carte intercommunale

La coopération intercommunale a rencontré un indéniable succès depuis la loi du 12 juillet 1999 relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, grâce à la clarification du cadre normatif et à la mise en place d’incitations financières adaptées. Les mécanismes d’adhésion volontaire ont permis d’atteindre de très bons résultats, puisque 87 % de nos concitoyens résident aujourd’hui dans une commune participant à l’un des 2 583 EPCI à fiscalité propre existant en France au 1er janvier 2008.

Toutefois, l’intercommunalité progresse aujourd’hui plus lentement : le nombre de communes regroupées dans ces EPCI est passé de 33 413 à 33 636 entre le 1er janvier 2007 et le 1er janvier 2008. Cette organisation intercommunale ne s’est pas encore étendue à l’ensemble du territoire français, puisque 3 047 communes, représentant 8,4 millions d’habitants, demeurent isolées. La situation de Île-de-France est la plus critique : seules 69 % des communes, regroupant 49 % des habitants de la région, y participent à un EPCI à fiscalité propre. Il est probable que l’objectif de couverture de l’ensemble du territoire français en EPCI à fiscalité propre ne pourra pas être atteint sans changement d’approche.

Lors de son audition par la mission, M. Jean-Pierre Balligand, vice-président de l’APVF, a ainsi considéré que l’ensemble des communes devraient être intégrées à un EPCI au plus tard le 31 décembre 2010, les quelques communes demeurées à l’écart de ce mouvement pouvant alors être contraintes par le représentant de l’État de participer à un EPCI. M. Marc Censi, président de l’ADCF, a également rejoint cette analyse.

Certes, nombre de communes rurales seraient naturellement hostiles à toute remise en cause du caractère facultatif de leur adhésion à une structure intercommunale, comme l’a rappelé aux membres de la mission M. Vanick Berberian, président des maires ruraux de l’Indre. Pourtant, alors que plus de neuf communes sur dix ont déjà rejoint un EPCI à fiscalité propre, il paraît logique et inévitable d’étendre, à moyen terme, la démarche intercommunale à l’ensemble du territoire national.

En effet, les fusions de communes ayant échoué, les groupements intercommunaux demeurent un instrument de rationalisation territoriale et la voie privilégiée pour remédier à l’émiettement de notre territoire en plus de 36 000 communes. Le professeur Gérard Marcou, directeur du GRALE, et M. Pierre Richard, président du conseil d’administration de Dexia, ont d’ailleurs partagé ce constat avec la mission. Ajoutons qu’il a été rappelé à plusieurs reprises à la mission que les EPCI à fiscalité propre jouent un rôle essentiel de péréquation financière, car la mise en place d’une taxe professionnelle unique et la mutualisation des services permet de corriger les inégalités de potentiel fiscal entre les communes qui y participent. Enfin, contrairement à une idée reçue, cette nouvelle organisation est loin d’être impopulaire chez les Français eux-mêmes. Ainsi, bien que nos concitoyens connaissent encore mal leurs intercommunalités – ne serait-ce que parce qu’ils n’élisent pas directement leur exécutif –, ils approuvent largement ces regroupements : 87 % de ceux qui vivent dans un EPCI estiment que « c’est une bonne chose pour leur commune » (168).

La mission préconise donc la fixation d’une date butoir, telle que le 1er janvier 2011, pour l’achèvement de la carte intercommunale (qui peut souvent passer par la transformation de syndicats intercommunaux en EPCI à fiscalité propre). Au-delà de cette date, toute latitude pourrait être accordée au représentant de l’État dans le département pour intégrer, après consultation de la commission départementale de la coopération intercommunale, les dernières communes isolées dans des EPCI à fiscalité propre – que ceux-ci aient déjà été créés ou qu’ils puissent raisonnablement l’être avec d’autres communes placées dans la même situation.

Principe n° 8 : Achever l’intercommunalité

Achever la carte des intercommunalités en 2010. En veillant à leur cohérence spatiale, autoriser le représentant de l’État dans le département à inclure au sein d’une intercommunalité à fiscalité propre, après consultation de la commission départementale de coopération intercommunale, les intercommunalité enclavés et les communes isolées.

c) La disparition des pays

Une conséquence logique de l’achèvement de la carte intercommunale devrait être la disparition des pays, dont le bilan est ambigu. Certes, l’élaboration des projets de pays a permis une étroite association entre acteurs socioprofessionnels et élus locaux en faveur du développement de leurs territoires. Ces échanges ont permis la définition de stratégies de développement partagé entre les acteurs locaux dans un cadre souple ne doublant pas les instances existantes. Les pays, en effet, n'ont pas vocation à se substituer aux collectivités locales existantes et à assurer la maîtrise d'ouvrage d'équipements. Les actions à conduire découlant de la charte adoptée sont mises en œuvre par des maîtres d'ouvrage privés ou publics partenaires du pays. Les équipes d'animation des pays, bien que de dimension réduite, et ayant comme tâche première la coordination et la mutualisation des moyens humains existant sur leur territoire, sont progressivement devenues, comme le soulignait M. Claudy Lebreton, président de l’ADF, devant la mission, des embryons d’administration.

Toutefois, la définition de ces pays a pu générer des conflits locaux, susciter des interrogations sur la pertinence de périmètres, aboutir à des articulations difficiles avec des agglomérations ou des communautés de communes, être porteuse d'ambitions insuffisamment affirmées dans le champ du développement durable.

Plus fondamentalement, la multiplication des pays a encore compliqué le paysage administratif français. Ainsi, si le pays n’est pas préalablement organisé sous la forme d’un ou plusieurs EPCI à fiscalité propre intégrant l’ensemble des communes inscrites dans son périmètre, il doit prendre une forme administrative sous la forme d’un groupement d'intérêt public de développement local, à moins que les communes et groupement de communes concernées ne se constituent en syndicat mixte.

LES STRUCTURES PORTEUSES DES PAYS

Structures

Nombre

Pourcentage

Association

106

32,50 %

EPCI

18

5,50 %

Fédération d'EPCI

11

3,40 %

GIP AT

19

5,80 %

Syndicats mixtes fermés

117

35,90 %

Syndicats mixtes ouverts

55

16,90 %

TOTAL

326

100 %

Source : données ETD

NB. 36 pays, soit 10 % des 362 recensés au 1er janvier 2007, n'ont pas à cette date de structures porteuses.

Les pays ont par conséquent contribué à créer des liens entre territoires qui ont pu se révéler utiles, mais ils ont également évolué vers une institutionnalisation qui risque à terme d’aboutir à la création de fait d’un nouvel échelon administratif. Dans la perspective d’une couverture intercommunale complète du territoire français, la mission estime que les pays auront rempli leur rôle et, de ce fait, cessé d’être utiles. Elle recommande par conséquent que leur activité soit reprise par les EPCI compétents sur les territoires concernés.

Principe n° 9 : Supprimer les pays

Supprimer progressivement les pays, en prévoyant un transfert de leurs activités aux intercommunalités.

C. LES REGROUPEMENTS VERTICAUX

Les regroupements de collectivités appartenant à des catégories différentes peuvent être qualifiés de « regroupements verticaux ». De tels regroupements constitueraient, dans le paysage institutionnel français, une nouveauté. Ils contribueraient à la différenciation de la carte territoriale et permettraient de mieux prendre en compte l’existence d’enjeux territoriaux distincts.

1. Le regroupement de la région et des départements qui en sont membres en une seule collectivité territoriale : la « grande région »

Il est possible d’envisager la création d’une nouvelle catégorie de collectivités territoriales qui pourrait, sur la base du volontariat, se substituer à une région et aux départements qu’elle comprend, en exerçant l’ensemble de leurs compétences : la « grande région ».

Dans cette hypothèse, il conviendrait de préciser, au sein d’un nouveau livre du code général des collectivités territoriales, les conditions de formation et de fonctionnement de cette nouvelle catégorie de collectivités territoriales. En effet, la Constitution exige qu’une collectivité territoriale créée en lieu et place d’une ou plusieurs collectivités le soit par la loi. Il revient également au législateur de prévoir la possibilité ou l’obligation d’une consultation préalable de la population du territoire concerné, une telle consultation ne pouvant être décidée par les collectivités elles-mêmes.

La création de la nouvelle collectivité territoriale devrait être subordonnée :

—  soit à un avis favorable de la majorité des membres du conseil régional et des conseils généraux intéressés ;

—  soit à une demande formulée par l’un ou l’autre niveau de collectivités (région ou département) et qui serait ensuite soumise à une consultation à l’échelle régionale.

Par ailleurs, on pourrait envisager qu’un département limitrophe puisse également adhérer à cette nouvelle collectivité territoriale, à la demande de son conseil général et avec l’avis favorable de l’organe délibérant de la nouvelle collectivité si celle-ci a déjà été instituée (ou, à défaut, avec l’avis favorable du conseil régional de la région appelée à devenir la « grande région »). Toutefois, compte tenu du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, l’organe délibérant, voire la population, de la région dont le territoire serait réduit (sinon l’existence remise en cause) par cette perte d’un département limitrophe devraient vraisemblablement être consultés.

On observera que les départements refusant d’être absorbés par cette nouvelle collectivité territoriale pourraient l’éviter en demandant leur rattachement à une autre région.

Des dispositions législatives devraient préciser le régime électoral auquel seraient soumis les membres de l’assemblée délibérante de cette nouvelle collectivité territoriale. La question du mode de scrutin à appliquer à une collectivité de ce type s’était déjà posée en 2003, lorsqu’il avait été envisagé de créer une collectivité territoriale se substituant à la collectivité territoriale de Corse ainsi qu’aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Dans son rapport au nom de la commission des Lois, notre collègue Guy Geoffroy expliquait : « l’équilibre à trouver entre la recherche d’une Assemblée fidèle à la composition politique de l’île et l’exigence d’une proximité avec l’électeur est délicat à trouver ; le curseur entre une dose de scrutin à la proportionnelle et de scrutin majoritaire doit ainsi faire l’objet d’une réflexion approfondie. » (169)

Il serait souhaitable de prévoir un mode de scrutin mixte, associant un scrutin uninominal majoritaire dans le cadre de circonscriptions cantonales et un scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Lors de son audition par la mission, c’est un tel mode de scrutin qu’a préconisé M. Adrien Zeller, président du conseil régional d’Alsace et co-président de l’Institut de la décentralisation. Le mode de scrutin uninominal majoritaire pourrait être appliqué aux espaces ruraux, pour lesquels le territoire cantonal constitue souvent une réalité, tandis que les espaces urbains pourraient se voir appliquer un scrutin de liste à la représentation proportionnelle (170).

L’organisation de la nouvelle collectivité pourrait également s’inspirer de celle qui avait été envisagée en 2003 pour la Corse. La nouvelle collectivité serait dotée d’une assemblée délibérante. Des conseils territoriaux, dont les limites territoriales correspondraient à celles des actuels départements, seraient respectivement composés des membres de l’assemblée délibérante élus dans le ressort territorial en question. Seule la nouvelle collectivité, qui se substituerait à la fois à la région et aux départements, disposerait de la personnalité morale et percevrait le produit des impositions départementales et régionales. Elle pourrait en revanche confier la mise en œuvre de certaines de ses compétences, dès lors qu’elles correspondent aux compétences actuelles des départements, aux conseils territoriaux, qui agiraient ainsi par délégation pour le compte de la nouvelle collectivité territoriale.

Cette nouvelle collectivité cumulerait les impôts et dotations régionaux et les impôts et dotations départementaux, afin que la fusion des deux niveaux de collectivités ne soit pas désavantageuse d’un point de vue financier. Elle voterait à la fois les taux régionaux et les taux départementaux, mais pourrait toujours adopter, pour une durée limitée, des taux départementaux distincts, afin d’éviter que la réunion ne se traduise par des variations excessives des taux départementaux.

Les mêmes dispositions fiscales et financières qu’en matière de regroupement de régions pourraient être appliquées et devraient constituer un effet incitatif réel. Toutefois, il conviendrait également de prévoir que les dotations de niveau départemental continuent à être versées selon une base de calcul correspondant aux anciennes circonscriptions départementales, afin d’éviter d’éventuels effets négatifs sur le montant de certaines dotations (la dotation de péréquation urbaine par exemple, qui n’est accordée qu’aux départements remplissant certains critères en matière d’urbanisation).

Principe n° 6 : Pour les régions : fusionner avec les conseils généraux, dans un délai pouvant être fixé par exemple à un an

Permettre et favoriser la fusion volontaire d’une région et de ses départements en une même collectivité (qui pourrait être dénommée « grande région ») exerçant l’ensemble de leurs compétences.

2. L’élargissement de la trame communale tout en préservant l’existence des communes actuelles

Les communes sont trop nombreuses et trop petites. Cette remarque récurrente invite à apporter des modifications à la trame communale. Toutefois, l’attachement des Français à leur commune, et la vertu de ce maillage fin du territoire, qui permet d’agir au plus proche des citoyens, incitent à ne pas supprimer totalement le découpage actuel. La fameuse citation de Tocqueville reste de ce point de vue d’actualité : « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple. » (De la démocratie en Amérique) Et il est significatif que le législateur, à l’occasion de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ait adopté un article qui affirme que « les communes constituent le premier niveau d’administration publique et le premier échelon de proximité » (article 145).

Dès lors, il est nécessaire de concevoir une sorte d’emboîtement de structures entre un périmètre élargi (qui pourrait dans la plupart des cas être celui de l’établissement public de coopération intercommunale) et le périmètre communal actuel.

La solution la plus simple serait l’absorption des compétences communales par l’EPCI. Cette opération exigerait toutefois que les EPCI deviennent des collectivités territoriales de plein exercice. Or, comme l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées, on peut douter que l’ajout d’un quatrième niveau de collectivités territoriales soit le meilleur moyen de rationaliser les structures territoriales françaises. Dès lors, la transformation des EPCI en collectivités territoriales ne pourrait être pertinente que si elle s’accompagnait d’une modification conjointe du statut des communes membres de ces EPCI.

Une modalité de réduction du nombre de communes tout en préservant l’existence d’une réalité communale fidèle à la trame actuelle serait le recours au mécanisme de la fusion association, initialement prévu par la loi Marcellin du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes.

Les fusions de communes permises par la loi Marcellin

La loi Marcellin du 16 juillet 1971 avait eu pour objectif de permettre une simplification de la carte communale. Elle prévoyait deux types de fusion des communes :

—  la fusion simple(articles L. 2113-1 à L. 2113-10 du code général des collectivités territoriales), ayant pour conséquence une disparition complète des anciennes communes ;

—  la fusion association(articles L. 2113-11 à L. 2113-26 du même code), prévoyant la création de communes associées.

La fusion association se distingue de la fusion simple dans la mesure où il permet aux communes fusionnées de conserver une existence, sous la forme de « communes associées », dotées chacune d’un maire délégué, d’une annexe de la mairie et d’une section du centre d’action sociale. Chacune des anciennes communes peut conserver une section électorale distincte pour l’élection des membres du conseil municipal. En outre, la fusion association, lorsque la commune issue de la fusion compte plus de 100 000 habitants, entraîne de plein droit la création d’un conseil consultatif dans chaque commune associée, qui est élu à la même date que le conseil municipal et dans les mêmes conditions et selon le même mode de scrutin que le conseil municipal d’une commune de même importance que la commune associée. Ce conseil consultatif exerce la plupart des compétences qui sont confiées au conseil d’arrondissement à Paris, Lyon et Marseille.

La loi Marcellin avait prévu deux incitations financières à la fusion des communes : pendant cinq ans à compter de la fusion, les subventions d’équipement attribuées par l’État pour des opérations déjà engagées par les communes fusionnées étaient majorées de 50 % ; l’État compensait le manque à gagner résultant, pour la nouvelle commune, de l’égalisation des charges fiscales. En dépit de ces incitations, les fusions, aussi bien simples qu’associées, furent peu nombreuses. Si l’on dénombre 528 fusions en 1972 (concernant 1 336 communes), la diminution du nombre de fusions annuelles est ensuite rapide : 193 fusions en 1973 (concernant 466 communes) ; 76 en 1974 (154 communes) ; 9 en 1975 (19 communes) et 9 en 1976 (20 communes). Depuis lors, les fusions sont ponctuelles, et un certain nombre de communes fusionnées ont procédé à une défusion.

Une autre possibilité serait de permettre la création de collectivités territoriales sur le modèle des communes de Paris, Lyon et Marseille, comprenant à la fois un conseil municipal (qui détiendrait l’essentiel des compétences et serait élu au suffrage universel direct au sein de sections correspondant aux anciennes communes) et des conseils d’arrondissement (qui permettraient de confier à l’ancien échelon communal certaines compétences). L’élargissement du dispositif des communes de Paris, Lyon et Marseille aux communes urbaines a notamment été suggéré, lors des auditions, par M. Serge Grouard, vice-président de l’AGVF.

La mission considère que le modèle de fonctionnement des communes de Paris, Lyon et Marseille pourrait être une source d’inspiration pour permettre tant la réunion de communes urbaines, par la création d’une commune composée d’arrondissements, que pour permettre la réunion de communes rurales, à l’échelle d’une intercommunalité.

Le statut spécifique des communes de Paris, Lyon et Marseille trouve son fondement dans la densité urbaine de ces communes, justifiant une organisation déconcentrée en arrondissements au sein de la commune (171).

La croissance de nombreuses villes a pour conséquence l’existence d’agglomérations denses et peuplées, pour lesquelles une organisation calquée sur celle de Paris, Lyon et Marseille pourrait se justifier. D’ailleurs, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, en prévoyant la création de conseils de quartier de manière systématique dans les communes de plus de 80 000 habitants et de manière facultative dans les communes de 20 000 à 79 999 habitants(172), a manifesté la nécessité de repenser l’organisation communale des plus grandes agglomérations.

Il est donc possible d’envisager que le législateur permette à certaines agglomérations, dans un premier temps à leur demande, d’acquérir le statut des communes à arrondissements. Afin d’éviter une généralisation excessive du système des communes à arrondissements, dans des unités urbaines de taille insuffisante, il conviendrait toutefois de restreindre cette possibilité aux seules agglomérations comptant plus de 50 000 habitants (seuil actuel pour la création d’une communauté d’agglomération).

La création d’une commune composée d’arrondissements permettrait de regrouper la commune-centre et les communes périphériques en une seule commune. Si le périmètre de l’EPCI peut offrir un critère simple pour délimiter la future commune à statut particulier, il serait néanmoins possible d’adopter une délimitation distincte, qui soit cohérente avec les limites de l’espace urbain et permette d’éviter les ruptures de continuité géographique. Il serait également possible de se demander si, dans le cadre de la création des arrondissements, la commune-centre ne pourrait pas, dans certains cas, être divisée en plusieurs arrondissements, de telle sorte que le poids respectif des différents arrondissements de la commune à statut particulier soit similaire.

Les conseils d’arrondissements bénéficieraient de l’ensemble des compétences reconnues aux conseils d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. Ces compétences ne sont pas négligeables. Elles permettraient d’apporter aux communes devenues arrondissements la garantie qu’elles ne seraient pas dépourvues de tout moyen de contrôler l’action de la nouvelle municipalité (173) :

—  le conseil d’arrondissement est compétent pour l’implantation et le programme d’aménagement des équipements de proximité (à vocation éducative, sociale, culturelle, sportive) et la gestion des équipements de proximité(174) ;

—  le maire d’arrondissement attribue la moitié des logements dont l’attribution relève de la commune qui sont situés sur son territoire(175) ;

—  le maire d’arrondissement émet un avis sur toute autorisation d’utilisation du sol, toute permission de voirie, tout projet d’acquisition ou d’aliénation d’immeuble dans son secteur(176) ;

—  le vote des dépenses d’investissement intervient après consultation d’une conférence de programmation des équipements, et une annexe du budget décrit par secteur les dépenses d’investissement de la commune(177) ;

—  les dépenses et recettes de fonctionnement sont détaillées dans un état spécial à l’échelle de l’arrondissement(178) et le conseil d’arrondissement dispose de ces recettes de fonctionnement.

La création d’une commune composée d’arrondissements devrait intervenir au cas par cas. Afin de donner dans un premier temps aux collectivités la plus large initiative, la création d’une commune à arrondissements résulterait :

—  soit d’une demande formulée dans les conditions de majorité requises pour la création d’un EPCI(179) et obtenant l’accord de la commune la plus peuplée de l’agglomération ;

—  soit d’une demande formulée par la seule commune la plus peuplée de l’agglomération et suivie d’une consultation des électeurs de l’ensemble des communes incluses dans le périmètre de la future commune à statut particulier.

Les membres du conseil d’arrondissement et ceux du nouveau conseil municipal seraient élus sur des listes propres à chaque arrondissement (il conviendrait pour cette raison d’éviter qu’un arrondissement puisse regrouper moins de 3 500 habitants). Les sièges de membres du conseil municipal seraient attribués pour chaque liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, après application d’une prime majoritaire correspondant à la moitié des sièges à pourvoir pour la liste arrivée en tête. Les sièges de membres du conseil d’arrondissement seraient répartis dans les mêmes conditions entre les listes, en commençant pour chaque liste par le premier des candidats non proclamé élu membre du conseil municipal.

Les incitations fiscales et financières appliquées au regroupement des régions pourraient être appliquées à la création des communes à arrondissements pour rendre le mécanisme attractif.

De la même manière, et sous réserve de quelques adaptations nécessaires pour tenir compte des spécificités de l’espace rural, il serait possible de transposer ce système aux communes rurales regroupées en EPCI. Afin d’éviter que les fusions ne s’effectuent à une échelle trop réduite, il serait souhaitable de prévoir que le périmètre du regroupement soit dans ce cas obligatoirement celui de l’EPCI. Ce regroupement donnerait à chaque commune regroupée un conseil consultatif, quelle que soit l’importance démographique de la collectivité issue de la fusion. Chacun des conseils des communes regroupées conserverait l’exercice de compétences de proximité et disposerait de ressources budgétaires. L’élection des conseillers aurait lieu par section, dans chaque ancienne commune, au scrutin de liste si la commune regroupée compte 3 500 habitants ou plus, mais au scrutin uninominal majoritaire à deux tours si la commune regroupée compte moins de 3 500 habitants.

Principe n° 10 : Permettre la création d’une collectivité unique intercommunalité-communes

Permettre la transformation d’une intercommunalité et de ses communes membres en une collectivité unique, à l’instar de la formule Paris Lyon Marseille.

L’ensemble des conseillers pourront alors être élus au suffrage universel direct. Chacun des conseils des communes regroupées conserve l’exercice de compétences de proximité et dispose de ressources budgétaires.

En zone urbaine, les élections ont lieu au scrutin de liste.

En zone rurale, les élections ont lieu au scrutin uninominal.

3. La question des départements comportant une agglomération prépondérante

Une autre voie qui pourrait être explorée pour tirer pleinement profit de l’intercommunalité, dans certaines aires urbaines, consisterait en un renforcement ascendant des EPCI, par absorption des compétences départementales.

Michel Debré, dans La Mort de l’État républicain (1947), avait non seulement proposé de diminuer le nombre de circonscriptions départementales (créer des départements deux fois moins nombreux et deux fois plus grands) mais également proposé de confier aux grandes villes les tâches exercées par le département. « Le trait particulier de ces villes, dont l’importance atteint ou dépasse 100 000 habitants, devrait être d’échapper à l’autorité départementale. […] En d’autres termes, les grandes villes constitueraient à elles seules un département, leur conseil municipal serait en même temps leur conseil général. » Une proposition similaire était formulée par Jean-François Gravier à la même époque, pour les plus grandes villes (Paris, Lyon et Marseille), qui pourraient constituer en tant que tel « un département-ville se limitant à l’agglomération continue et un département campagne comprenant l’arrière-pays ».

La proposition prend une nouvelle vigueur à l’heure actuelle, dans la mesure où les principales agglomérations sont composées de communes réunies en un EPCI à fiscalité propre. M. Gérard Marcou, lors de son audition par la mission, proposait justement que, dans les départements comprenant un établissement public de coopération intercommunale de grande taille, cet établissement puisse reprendre les compétences exercées par le conseil général, le reste du territoire du département étant transféré aux départements voisins. Cette proposition était également formulée par M. Jean-Pierre Balligand, qui considérait que « le conseil général n’a pas sa pertinence sur l’ensemble du territoire ».

Il serait ainsi possible de confier à certains EPCI, correspondant à de grandes aires urbaines, au poids prépondérant au sein de leur département, les compétences actuellement exercées par ce dernier. Le tableau ci-après fait apparaître que seules quelques agglomérations seraient susceptibles d’être concernées (onze si le seuil retenu est celui de 50 % de la population départementale, vingt-deux si le seuil est abaissé à 40 %).

LES EPCI DÉPARTEMENTALISABLES

EPCI

Population de l’EPCI

Population du département

Part de la population de l’EPCI dans le département

Part des communes du département

Part de la superficie du département
(en km2)

Grand Lyon

1 219 111

1 578 869

77 %

57/293

515/3 214

CA belfortaine

97 269

137 408

71 %

30/102

174/609

Grand Toulouse

617 576

1 046 338

59 %

25/588

366/6 309

Tours Plus

268 800

554 003

58 %

14/277

249/6 150

Pays ajaccien

66 260

118 593

56 %

10/124

268/4 013

Marseille Provence Métropole

991 953

1 835 719

54 %

18/119

605/5 087

Saint-Étienne Métropole

392 041

728 524

54 %

43/327

569/4 780

Limoges

191 094

353 893

54 %

17/201

437/5 520

Bordeaux

680 973

1 287 334

53 %

27/542

552/10 000

Perpignan Méditerranée

206 631

392 803

53 %

24/226

333/4 086

Nantes Métropole

572 147

1 134 266

50 %

24/221

523/6 815

Grand Dijon

251 679

506 755

49 %

22/707

219/8 765

Nice Côte d’Azur

500 254

1 011 326

49 %

24/163

330/4 294

Clermont Communauté

287 684

604 266

48 %

21/470

300/7 954

Strasbourg

467 928

1 026 120

46 %

28/526

313/4 755

Rennes Métropole

399 892

867 533

46 %

37/352

607/6 774

Toulon Provence Méditerranée

403 743

898 441

45 %

11/153

328/5 972

Centre de la Martinique

170 125

381 427

45 %

4/34

170/1 106

Orléans-Val de Loire

274 833

618 126

44 %

22/334

334/6 813

Lille Métropole

1 110 035

2 555 020

43 %

85/652

611/5 742

Communauté d’agglomération troyenne

125 051

292 131

43 %

11/433

78/6 004

Montpellier Agglomération

378 879

896 441

42 %

31/993

421/6 112

Le tableau montre également que, si certains EPCI peuvent représenter une part substantielle de la population départementale, ils constituent en tout état de cause une part minoritaire des communes du département (souvent moins de 10 % du total des communes) et une part tout aussi faible de la superficie départementale (excepté dans le cas très particulier du territoire de Belfort).

Par conséquent, un enjeu majeur de la transformation des EPCI en EPCI-départements serait le sort des communes du département qui n’auraient pas été incluses dans le périmètre de l’EPCI-département, étant précisé que la réponse pourrait différer selon les départements.

LES DÉPARTEMENTS OU DEUX EPCI POURRAIENT ÊTRE REGROUPÉS OU DÉPARTEMENTALISÉS

Département

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE

Population de l’EPCI

Population du département

Part de la population de l’EPCI/population du département

Part de la population cumulée des deux principaux EPCI

Martinique

Centre de la Martinique

170 125

381 427

45 %

74 %

Espace Sud de la Martinique

112 787

29 %

Bouches du Rhône

Marseille Provence Métropole

991 953

1 835 719

54 %

72,5 %

Pays d’Aix en Provence

340 270

18,5 %

Alpes Maritimes

Nice Côte d’Azur

500 254

1 011 326

49 %

65 %

Sophia Antipolis

162 635

16 %

Loire

Saint-Étienne Métropole

392 041

728 524

54 %

64 %

Loire-Forez

73 687

10 %

Doubs

Grand Besançon

178 708

499 062

36 %

61 %

Pays de
Montbéliard

125 717

25 %

Côte d’Or

Grand Dijon

251 679

506 755

49 %

60 %

Beaune

52 946

11 %

Loire Atlantique

Nantes Métropole

572 147

1 134 266

50 %

60 %

Région nazairienne et de l’Estuaire

116 705

10 %

Var

Toulon Provence Méditerranée

403 743

898 441

45 %

54 %

CA dracénoise

87 886

9 %

Seine Maritime

CA rouennaise

413 249

1 239 138

33 %

54 %

CA havraise

259 114

21 %

La Réunion

Territoire de la Côte Ouest

195 320

706 300

28 %

54 %

Intercommunale du Nord de la Réunion

184 412

26 %

Nord

Lille Métropole

1 110 035

2 555 020

43 %

52 %

Dunkerque Grand Littoral

212 241

9 %

Marne

Reims

220 101

565 229

39 %

51 %

Châlons en
Champagne

68 732

12 %

N.B. Figurent en gras les EPCI qui représentent conjointement plus de 50 % de la population départementale, sans qu’aucun d’eux ne représente séparément plus de 40 % de la population départementale.

Dans certains cas, le département comprend également un autre EPCI auquel il serait également possible de confier sur son périmètre les compétences du conseil général, ou qui pourrait, lorsque la proximité géographique le permet, être fusionné avec l’EPCI principal de telle sorte que le nouvel EPCI-département couvre un plus grand périmètre.

Dans d’autres cas, la solution la plus simple serait d’effectuer un rattachement des communes ne souhaitant pas adhérer à l’EPCI-département à un département dont elles sont limitrophes (lorsque tel est le cas), avec l’accord de ce dernier.

En outre, les EPCI des aires urbaines se heurtent souvent à la difficulté de faire correspondre l’intercommunalité avec les limites de l’aire urbaine. Plusieurs raisons peuvent en effet se combiner pour empêcher la constitution d’un périmètre large mais cohérent : les stratégies défensives des petites communes périphériques, qui peuvent s’inscrire, soit dans une logique d’opposition politique, soit dans une logique économique de non mutualisation des coûts de l’urbanisation ; l’extension géographique considérable de l’agglomération (on peut expliquer à ce titre la coexistence de la communauté urbaine de Marseille et des trois communautés d’agglomération d’Aix-en-Provence, de l’ouest de l’étang de Berre et de Garlaban, ou bien celle de la communauté urbaine de Nantes et de la communauté d’agglomération de Saint-Nazaire). Par conséquent, si de tels « EPCI-départements » devaient être créés, il conviendrait au préalable de parfaire le champ de l’EPCI concerné, afin de le faire correspondre avec l’aire d’urbanisation continue. Il serait même pertinent de l’étendre au-delà de cette aire, dans la mesure où la tendance à l’étalement urbain se poursuit et pourrait avoir pour conséquence qu’un périmètre aujourd’hui pertinent soit demain trop étroit.

Il conviendrait également de choisir entre une procédure uniforme et un traitement au cas par cas par le législateur. Afin de surmonter les éventuels problèmes de périmètre et les risques d’incohérence ou de discontinuité géographique, il serait, en tout état de cause, prudent de prévoir un contrôle, par le législateur ou le représentant de l’État, de la cohérence spatiale des projets.

Principe n° 7 : Permettre la création de métropoles en fusionnant conseil général et intercommunalité

Permettre la transformation d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine au poids prépondérant au sein de son département en une collectivité territoriale de plein exercice se substituant au département, les communes restantes pouvant être intégrées aux départements voisins avec leur accord.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de la réunion du mercredi 8 octobre 2008, le Président Jean-Luc Warsmann informe les membres de la Commission de l’adoption à l’unanimité par la mission qui vient de se réunir du rapport présenté par votre rapporteur et votre co-rapporteur. Il rappelle qu’il revient à la commission d’autoriser le dépôt du rapport en vue de sa publication.

M. André Vallini. Je suis bien sûr tout à fait favorable à la publication du rapport, ce travail me semble en effet vraiment excellent. Il serait donc d’autant plus dommage que ce rapport se trouve marginalisé face aux multiples initiatives qui se mettent en place : réflexions mises en place par le Gouvernement et par le groupe UMP, initiative coordonnée par M. Pierre Méhaignerie, commission qui serait confiée à M. Édouard Balladur… À mon sens, la prise en compte des propositions de la mission sera un test grandeur nature de la revalorisation du Parlement. Il ne faut pas s’avouer vaincu à l’avance, nos propositions peuvent être centrales, comme cela a été le cas sur le dossier EDVIGE.

Le Président Jean-Luc Warsmann. Le cas EDVIGE sera difficile à reproduire puisque l’on retrouve les neuf recommandations de la Commission dans le projet de décret, presque à la virgule près. Il serait peut-être présomptueux d’espérer que les dix principes retenus par la mission d’information connaissent un tel succès.

M. André Vallini. Parmi les sujets qui me préoccupent figure le développement de l’intercommunalité. Lorsque j’étais membre de l’association des petites villes de France, il y a une dizaine d’années, je mettais en garde mes collègues contre un développement des structures intercommunales qui ne s’accompagnerait pas d’une réduction de la sphère d’intervention communale. Or, c’est bien ce qui s’est passé, avec une explosion des dépenses de fonctionnement des intercommunalités. Je connais des cas, en Isère, d’intercommunalités qui se sont dotées de vingt, voire de quarante, vice-présidents, indemnisés, sans que, dans le même temps, ne baisse le nombre d’adjoints au maire eux aussi indemnisés. Il en est de même de l’explosion des frais de personnel ou immobiliers. L’opinion publique est parfaitement consciente de cette situation et le ressent très mal.

Mon autre sujet de réflexion concerne l’avenir des départements et des régions. À cet égard, je suis satisfait que la mission d’information se prononce pour une réduction du nombre de collectivités. Personnellement, je suis assez favorable au maintien d’un échelon départemental et d’un échelon régional à partir du moment où l’on clarifie les compétences de chacun et où l’on réduit le nombre de collectivités dans chaque strate. La carte départementale date de 1790 : ses critères, fondés sur la nécessité d’atteindre le chef-lieu du département à cheval en une journée, sont dépassés. Atteindre un niveau de 50 à 60 départements me semblerait réaliste et utile. Dans le Sud-Est, on remarque d’ailleurs que les départements s’emboîteraient facilement deux par deux : le Rhône avec la Loire, la Savoie avec la Haute-Savoie, l’Isère avec les Hautes-Alpes, la Drôme avec l’Ardèche, les Alpes de Haute Provence avec les Alpes maritimes, les Bouches du Rhône avec le Var, le Gard avec la Lozère, le Cantal avec la Haute-Loire, l’Aude avec les Pyrénées orientales…

Au niveau régional, sans descendre jusqu’au nombre de 12 régions évoqué par Jean-Pierre Raffarin, l’existence de 15 régions permettrait à celles-ci de peser à l’échelle européenne face à des régions influentes telles que la Catalogne, la Lombardie ou le Bade Wurtemberg. Des régions comme l’Alsace, la Lorraine, la Picardie ou le Limousin n’ont pas une taille suffisante.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaiterais que soient désignés quelques membres de la Commission pour réfléchir au cas particulier de l’Île-de-France et je désirerais connaître la position du président face à cette proposition. Le Sénat a mené une réflexion sur le sujet, mais celle-ci a surtout alimenté la polémique et s’est donc avérée peu utile.

M. Philippe Gosselin. Notre mission d’information a été créée dès novembre 2007, nous avons donc été en avance dans la réflexion et il nous faut en effet, forts de cette antériorité, continuer à peser sur la réflexion en cours. J’estime également que cette question doit être couplée avec celle de la fiscalité locale. Sur l’intercommunalité, il est exact que les dépenses de fonctionnement ont augmenté. Mais il faut préciser que bien souvent, dans le monde rural, les compétences des communes étaient bien souvent nominales alors qu’elles sont aujourd’hui effectivement exercées par les intercommunalités, apportant un réel service à la population.

M. Serge Blisko. Sur le fond, je suis d’accord avec le « Big bang » voulu par les uns et par les autres. Toutefois, il faut rester prudent dans l’expression et se garder de la provocation, telle celle qui a entouré la proposition de la « Commission Attali » de supprimer les départements. Il faut être audacieux sur le fond mais prudent dans la forme.

S’agissant de la proposition n°9 de supprimer les pays, je n’y suis pas opposé sur le principe mais je souhaiterais conserver l’appellation, qui est passée dans la population, pour remplacer le terme affreux « d’intercommunalité ».

M. Michel Hunault. Je suis d’accord avec la nécessité de procéder à des réformes. Mais il faut également être mesuré et prudent dans l’expression dans une société fragile. S’il faut clarifier les compétences, il faut néanmoins conserver la proximité apportée par nos collectivités territoriales, qui est un élément rassurant. Par ailleurs, si l’intercommunalité a effectivement un coût, je veux insister sur le dévouement des élus en milieu rural, dont beaucoup renoncent à leur indemnité et ne se font pas rembourser leurs frais de déplacement. Je voudrais enfin faire une suggestion dans le débat sur le nombre et la taille des collectivités territoriales : celle de développer les contrats d’association. Pour prendre l’exemple du grand Ouest, il est bon de permettre la défense de la langue bretonne par exemple, mais il faut également des actions communes aux régions Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, dans le domaine des grandes infrastructures par exemple.

M. Jean-Michel Clément. La recommandation de faire disparaître les pays est peut-être à tempérer. En effet, parmi les pays, on peut observer le pire comme le meilleur. Si certains ont été créés par défaut, d’autres sont pertinents et très utiles. Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, l’État se réforme et il apparaît que le pays est l’échelon pertinent pour devenir l’interlocuteur de l’État. Dans les faits, les pays sont souvent des regroupements d’établissements publics de coopération intercommunale : assemblons ce qui marche bien.

M. Jean-Pierre Schosteck. Je m’associe aux propos de Jean-Christophe Lagarde sur l’Île-de-France. En effet, cette question ne se résume pas au débat autour du « Grand Paris ». La banlieue n’est plus le « paillasson devant la ville où chacun s'essuie les pieds » comme le disait Céline. De nombreuses intercommunalités se créent. Il est vrai que certaines sont parfois superficielles : c’est pourquoi je crois qu’il faut favoriser les intercommunalités de projet.

M. Philippe Gosselin. Il n’est évidemment pas question de supprimer les communes. Je rappelle d’ailleurs que pour Tocqueville, c’est dans la commune « que réside la force des peuples libres ». Si une suppression des pays devait être envisagée, c’est seulement dans le cadre d’une réforme d’ensemble, car le pays est aujourd’hui le premier échelon de la coopération intercommunale. Il est aussi l’outil le plus adapté à l’échelle d’un bassin de vie.

M. François Calvet. Il est parfois délicat de discuter avec les responsables de certaines grandes régions étrangères limitrophes, je pense à la Catalogne, car leurs compétences sont plus étendues que celles des collectivités territoriales françaises, par exemple en matière de santé animale. La Catalogne a également la compétence en matière de création d’hôpitaux, mais les élus locaux français ne peuvent pas être son interlocuteur car ils n’ont pas cette compétence. Au-delà de la question de la fusion des collectivités, se pose, en fait, le problème de leurs compétences. Si la loi de 2004 permet des expérimentations, dans les faits très peu d’initiatives ont pu être lancées. Pourtant, il existe une forte demande de proximité de la part des citoyens.

M. Étienne Blanc. Il conviendrait en effet de conduire une analyse particulière sur les zones frontalières. De plus en plus de décisions qui touchent la vie quotidienne de nos concitoyens qui y résident sont prises de l’autre coté de la frontière. L’un des seuls outils disponibles est le groupement local de coopération transfrontalière, mais il faut en créer un pour chaque sujet. Cela ajoute donc à la complexité des structures territoriales.

M. Didier Quentin, rapporteur. Je vous remercie pour les compliments que vous avez formulés. Je constate avec plaisir des convergences qui dépassent les partis.

Lorsqu’André Vallini évoque la nécessaire réduction du nombre de départements, il s’inscrit dans la lignée de Michel Debré, qui proposait à la fin des années 1940 deux fois moins de départements deux fois plus grands. Jean-Pierre Raffarin a également déjà évoqué le besoin de réduire à une douzaine le nombre de régions.

En ce qui concerne l’expression « big bang territorial », dont s’inquiète Serge Blisko, l’idée de vos rapporteurs est d’aboutir à un big bang contrôlé.

Comme le disait Philippe Gosselin, l’avantage de cette mission est d’avoir commencé ses travaux il y a un certain temps, et il est souhaitable de garder la main.

J’ai bien pris note des réflexions d’ordre sémantique. Le souhait de vos rapporteurs n’est pas de donner l’image de la brutalité, mais au contraire d’une réforme en douceur.

La suggestion formulée par Michel Hunault, de procéder par la voie d’expérimentations, pourrait être une piste intéressante.

Les gens ne sont pas seulement en colère, comme le disait André Vallini, contre les indemnités parfois excessives des élus mais aussi contre la croissance excessive du nombre des agents territoriaux. Pour ne citer qu’un exemple, la ville de Royan qui comptait il y a quelques années 400 agents municipaux en compte désormais plus de 600, alors que l’intercommunalité a par ailleurs abouti à la création de 120 postes supplémentaires.

Je note la spécificité de l’Île-de-France, évoquée par Jean-Christophe Lagarde et Jean-Pierre Schosteck, ainsi que celle des zones frontalières, soulignée par Étienne Blanc et François Calvet. Dans les deux cas, il s’agit de pistes d’étude intéressantes, sans parler de la question du financement des collectivités territoriales, étudiée par nos collègues de la commission des Finances, MM. Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, ou de celle des modes de scrutin.

M. Jean-Jacques Urvoas, co-rapporteur. Quand nous avons commencé ce travail, sous les auspices de notre président, nous partagions une conviction : la pesanteur du réel, avec ce qu’elle porte de tradition et d’idées fausses, peut limiter l’audace et l’inventivité. Nous avions en commun la volonté de ne pas faire de manichéisme, en considérant que le Gouvernement serait le garant de l’intérêt général tandis que les élus locaux seraient enfermés dans leurs intérêts particuliers. Nous avions également décidé de ne pas tout traiter, assumant ainsi les éventuelles lacunes, pour aboutir à ce qui fait, je crois, la force de ce rapport : l’idée que le volontarisme doit être encouragé par le législateur et qu’il faut accompagner les dynamiques locales.

La Commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication, conformément aux dispositions de l’article 145 du Règlement.

LES DIX PRINCIPES RETENUS PAR LA MISSION

Principe n° 1 : La fin de la dérive des financements croisés

Pour que chaque citoyen puisse identifier la collectivité responsable et afin de réduire les financements croisés, prévoir qu’un seul niveau de collectivités locales peut participer au financement d’un projet conduit par une autre collectivité.

Remarque : Une dérogation à cette limitation pourra être établie au profit des communes dont la population est inférieure à un certain seuil et dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne de leur strate.

Principe n° 2 : Spécialiser l’action des collectivités

Attribuer 80 % des compétences des collectivités exclusivement à un niveau de collectivités.

Exemples :

- pour les départements : l’action sociale, le tourisme, les musées, bibliothèques, archives, services archéologiques…

- pour les régions : collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur (personnel technique, immobilier et équipement), l’enseignement artistique, les transports scolaires, routiers et ferroviaires…

- pour les communes et intercommunalités : les équipements sportifs…

Principe n° 3 : Tenir compte des réalités locales

Permettre à une collectivité attributaire d’une compétence exclusive de la déléguer entièrement à un autre échelon territorial.

Principe n° 4 : Réduire le nombre de collectivités

Inciter financièrement les collectivités territoriales à se regrouper volontairement, soit par l’union avec une collectivité de même niveau, soit par l’accroissement de compétences résultant de la fusion avec un autre niveau, selon les principes prévus par la loi et dans un délai à fixer (par exemple d’un an) au terme duquel il reviendra au législateur de valider les résultats obtenus.

Principes nos 5  et 6 : Pour les régions : s’étendre géographiquement ou fusionner avec les conseils généraux, dans un délai à fixer (par exemple d’un an)

Faciliter le regroupement volontaire des régions, pour rendre la carte territoriale plus cohérente.

Exemple : Basse et Haute Normandie

Permettre et favoriser la fusion volontaire d’une région et de ses départements en une même collectivité (qui pourrait être dénommée « grande région ») exerçant l’ensemble de leurs compétences.

Principe n° 7 : Permettre la création de métropoles en fusionnant conseil général et intercommunalité

Permettre la transformation d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine au poids prépondérant au sein de son département en une collectivité territoriale de plein exercice se substituant au département, les communes restantes pouvant être intégrées aux départements voisins avec leur accord.

Principe n° 8 : Achever l’intercommunalité

Achever la carte des intercommunalités en 2010. En veillant à leur cohérence spatiale, autoriser le représentant de l’État dans le département à inclure au sein d’une intercommunalité à fiscalité propre, après consultation de la commission départementale de coopération intercommunale, les intercommunalité enclavés et les communes isolées.

Principe n° 9 : Supprimer les pays

Supprimer progressivement les pays, en prévoyant un transfert de leurs activités aux intercommunalités.

Principe n° 10 : Permettre la création d’une collectivité unique intercommunalité communes

Permettre la transformation d’une intercommunalité et de ses communes membres en une collectivité unique, à l’instar de la formule Paris Lyon Marseille.

Précisions : L’ensemble des conseillers pourront alors être élus au suffrage universel direct. Chacun des conseils des communes regroupées conserve l’exercice de compétences de proximité et dispose de ressources budgétaires.

En zone urbaine, les élections ont lieu au scrutin de liste.

En zone rurale, les élections ont lieu au scrutin uninominal.

ABRÉVIATIONS

ACUF

Association des communautés urbaines de France

ADCF

Assemblée des communautés de France

ADF

Assemblée des départements de France

AGVF

Association des grandes villes de France

AMF

Association des maires de France

AMRF

Association des maires ruraux de France

APVF

Association des petites villes de France

ARF

Association des régions de France

CCAS

Centres communaux d’action sociale

CTC

Collectivité territoriale de Corse

DOM

Départements d’outre-mer

FMVM

Fédération des maires de villes moyennes

GRALE

Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe

RGPP

Révision générale des politiques publiques

ROM

Régions d’outre-mer

RAPPORTS RELATIFS À LA DÉCENTRALISATION ET AUX COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Philippe Dallier, Le Grand Paris : un vrai projet pour un enjeu capital, Rapport au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur les perspectives d’évolution institutionnelle du Grand Paris, Sénat, session ordinaire 2007-2008, n° 262, 8 avril 2008

Alain Lambert, Les relations entre l’État et les collectivités territoriales, Rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert, décembre 2007

Cour des comptes, Les aides des collectivités territoriales au développement économique, Rapport public, novembre 2007

Jean Puech, Une démocratie locale émancipée. Des élus disponibles, légitimes et respectés, Rapport au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur l’émancipation de la démocratie locale, Sénat, session ordinaire 2007-2008, n° 74, 7 novembre 2007

DEXIA Crédit Local et Assemblée des départements de France, Vingt ans d’aide sociale dans les finances des départements, septembre 2007

Département des affaires économiques de l’OCDE, Faire face aux défis de la décentralisation en France, juin 2007

Bruno Durieux, Bertrand Meary, Jean-Yves Le Gallou, Jean-Baptiste Nicolas, Xavier Hemeury, David Revelin et Christophe Bertani, Rapport sur l’impact de la décentralisation sur les administrations d’État. Ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, juillet 2007.

Jean Puech, Être élu local aujourd’hui : adapter notre gouvernance locale au défi de la décentralisation, Rapport au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur les nouvelles missions de l’élu local dans le contexte de la décentralisation, Sénat, session ordinaire 2006-2007, n° 256, 21 février 2007

Martine Carrillon-Couvreur, L’action sociale du régime général de sécurité sociale et l’action sociale des collectivités territoriales, Rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3739, 20 février 2007.

Michel Mercier, Financement du RMI : sortir de l’impasse par une plus grande responsabilité sur les dépenses, Rapport d’information au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur le suivi du transfert du revenu minimum d’insertion (RMI) aux départements, Sénat, session ordinaire 2006-2007, n° 206, 1er février 2007.

Bruno Durieux, Jean-Baptiste Nicolas, Michel Gagneux, Jean-Yves Le Gallou, Laurent Chambaud, Nicolas Grivel, Rapport sur l’impact de la décentralisation sur les administrations d’État. Ministère de l’Emploi et de la cohésion sociale. Ministère de la Santé et des solidarités, janvier 2007.

Pierre Richard, Solidarité et performance, les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, décembre 2006

Eric Doligé, Transfert des personnels TOS et DDE : un premier bilan encourageant malgré des perspectives financières préoccupantes, Rapport au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) et celui des personnels des directions départementales de l’équipement (DDE), Sénat, session ordinaire 2006-2007, n° 62, 8 novembre 2006.

Philippe Dallier, Bilan et perspectives de l’intercommunalité à fiscalité propre, Rapport d’information au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur le bilan et les perspectives de l’intercommunalité à fiscalité propre, Sénat, session ordinaire 2006-2007, n° 48, 30 octobre 2006.

Bruno Rémond, La région, une France d’avenir, Cahiers de l’Institut de la décentralisation, n° 9, 2006.

Jacques Caillosse, Repenser les responsabilités locales. Du débat sur la « clarification des compétences » à la « clause générale de compétence » à celui d’un changement de modèle territorial, Cahiers de l’Institut de la Décentralisation, n° 8, 2006.

Alain Fouché, Quel avenir pour les pays ?, Rapport d’information au nom de la délégation du Sénat à l’aménagement et au développement durable du territoire sur l’avenir du pays, Sénat, session ordinaire 2005-2006, n° 430, 28 juin 2006.

Alain Gest, Application de la loi du 13 août 2004. Décentralisation, nouvelle étape, nouvel état d’esprit. Rapport d’information au nom de la commission des Lois sur la mise en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3199, 28 juin 2006

Michel Piron, Gouverner en France : Quel équilibre territorial des pouvoirs ? Rapport d’information au nom de la commission des Lois sur l’équilibre territorial des pouvoirs, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2881, 22 février 2006.

Philippe Dallier, L’intercommunalité à fiscalité propre peut-elle rationaliser l’organisation territoriale ?, Rapport d’information au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur l’intercommunalité à fiscalité propre, Sénat, session ordinaire 2005-2006, n° 193, 1er février 2006.

Augustin Bonrepaux et Hervé Mariton, Quand le contribuable se rebiffe. Transparence, responsabilité et efficacité : le refus de la fatalité, Rapport au nom de la commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale, Assemblée nationale, XIIlégislature, n° 2436, 5 juillet 2005.

Roger Karoutchi, La décentralisation de la formation professionnelle et de l’apprentissage, Rapport au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur la décentralisation de la formation professionnelle et de l’apprentissage, Sénat, session extraordinaire 2004-2005, n° 455, 5 juillet 2005.

Michel Mercier, Le RMI : d’un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité, Rapport au nom de l’Observatoire de la décentralisation sur la décentralisation du revenu minimum d’insertion (RMI), n° 316, 3 mai 2005.

Cour des comptes, Les transports publics urbains, Rapport public, avril 2005.

Pierre Mauroy, Refonder l’action publique locale. Rapport au Premier ministre, octobre 2000

Michel Mercier, Pour une République territoriale : l’unité dans la diversité. Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l’exercice des compétences locales, Sénat, session ordinaire 1999-2000, n° 447, 28 juin 2000.

Marcel-Gérard Hauswirth, La répartition des compétences entre l’État, les régions, les départements et les communes : plaidoyer pour une clarification et un recentrage, Rapport à M. Daniel Hoeffel, ministre délégué à l’aménagement du territoire et aux collectivités locales, 1995

Daniel Hoeffel, Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information désignée par la commission des Affaires culturelles, la commission des Affaires économiques et du Plan, de la commission des Affaires sociales, la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, et chargé d’étudier le déroulement et la mise en œuvre de la politique de décentralisation, Sénat, deuxième session extraordinaire 1990-1991, n° 248, 27 mars 1991.

Olivier Guichard, Vivre ensemble. Rapport de la commission de développement des responsabilités locales, septembre 1976.

PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION

• Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales :

– M. Edward JOSSA, directeur général des collectivités locales

– M. Daniel BARNIER, sous directeur compétences et institutions à la direction générale des collectivités locales

- M. Louis LAUGIER, directeur de cabinet de M. Edward JOSSA

• Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement du territoire

- M. Pierre MIRABAUD, délégué général à l’aménagement et à la compétitivité des territoires

- Mme Eliane DUTARTE, conseillère du délégué

• Assemblée des communautés de France

– M. Marc CENSI, président

- M. Michel PIRON, député, vice-président

- M. Nicolas PORTIER, délégué de l’ADCF

- M. Emmanuel DURU, responsable juridique de l’ADCF

• Assemblée des départements de France

– M. Claudy LEBRETON, président

- M. Bruno SIDO, sénateur, secrétaire général

- M. Nicolas LARMAGNAC, directeur adjoint du cabinet du président

- M. Steven PRUNETA, conseiller du secrétaire général

• Association des communautés urbaines de France

– M. Olivier LANDEL, délégué général de l’ACUF

• Association des grandes villes de France

– M. Serge GROUARD, député, vice-président

• Association des maires de France

– Mme Jacqueline GOURAULT, sénatrice, première vice-présidente

• Association des maires ruraux de France

– M. Vanick BERBERIAN, président de l’association des maires ruraux de l’Indre

• Association des petites villes de France

– M. Jean-Pierre BALLIGAND, député, vice-président, co-président de l’Institut de la décentralisation

- M. André ROBERT, délégué général de l’APVF

• Association des régions de France

– M. Alain ROUSSET, député, président

- M. François LANGLOIS, délégué général

- M. Éric PERRAUDEAU, directeur de cabinet

• Personnalités qualifiées :

– M. Alain LAMBERT, sénateur, président du groupe de travail de la RGPP sur les relations État collectivités territoriales

- M. Gérard MARCOU, professeur à l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne, directeur du GRALE

- M. Jean PUECH, sénateur, président de l’Observatoire de la décentralisation du Sénat

- M. Pierre RICHARD, président du conseil d’administration de DEXIA

- M. Adrien ZELLER, président du conseil régional d’Alsace, co-président de l’Institut de la décentralisation

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () M. Alain Gest, Application de la loi du 13 août 2004. Décentralisation, nouvelle étape, nouvel état d’esprit. Rapport d’information au nom de la commission des Lois sur la mise en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, XIIe législature, n° 3199, 28 juin 2006, page 138.

3 () En vertu de l’article L. 2312-3 du code général des collectivités territoriales.

4 () Discours du Premier ministre du 22 novembre 2007.

5 () M. Jacques Caillosse, Repenser les responsabilités locales, Cahiers de l’Institut de la Décentralisation, 2006, n° 8, page 16.

6 () M. Jean-Marie Pontier, « Semper manet. Sur une clause générale de compétence », in Revue de droit public, n° 6, 1984.

7 () Cour des comptes, Les aides des collectivités territoriales au développement économique. Rapport public thématique, novembre 2007.

8 () En vertu de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, une communauté de communes doit exercer des compétences relevant de l’aménagement de l’espace et des actions de développement économique intéressant l’ensemble de la communauté ainsi que d’au moins un des cinq groupes suivants : protection et mise en valeur de l’environnement ; politique du logement et du cadre de vie ; création, aménagement et entretien de la voirie ; construction, entretien et fonctionnement d’équipements culturels et sportifs ; action sociale d’intérêt communautaire. L’article L. 5215-20 du même code énumère une liste précise de compétences obligatoirement exercées par la communauté urbaine, dans les six domaines suivants : développement et aménagement économique, social et culturel ; aménagement de l’espace communautaire ; équilibre social de l’habitat ; politique de la ville ; gestion des services d’intérêt collectif ; protection et mise en valeur de l’environnement et politique du cadre de vie. Pour les communautés d’agglomération, quatre domaines sont visés (développement économique, aménagement de l’espace communautaire, équilibre social de l’habitat, politique de la ville) et trois compétences doivent en outre être exercées parmi les six suivantes : création, aménagement et entretien de la voirie et des parcs de stationnement ; assainissement ; eau ; protection et mise en valeur de l’environnement ; construction, entretien et fonctionnement d’équipements culturels et sportifs ; action sociale d’intérêt communautaire (article L. 5216-5 du même code).

9 () Arrêts « Commune de Beaulieu-sur-Mer » et « Commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat », Conseil d’État, 22 novembre 2002.

10 () Arrêt « Commune de Sète », Conseil d’État, 31 juillet 1996.

11 () Paragraphe V de l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

12 () Paragraphe III de l’article L. 5215-20 du même code.

13 () Article 33 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983.

14 () Article 30 de la même loi.

15 () Articles L. 5215-20 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales.

16 () M. Gérard Marcou, « Les contrats entre l’État et les collectivités territoriales », in AJDA, 19 mai 2003, page 985.

17 () MM. Jean-Claude Groshens et Jean Waline, « À propos de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 », in Mélanges Paul Amselek, Bruylant, 2005, pages 425 et 427.

18 () Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, L’évaluation des maisons des services publics, juillet 2008.

19 () M. Jean-Marie Pontier, « La décentralisation et le temps », in Revue de droit public, 1990, pages 1220-1221.

20 () MM. Bruno Durieux, Bertrand Meary, Jean-Yves Le Gallou, Jean-Baptiste Nicolas, Xavier Hemeury, David Revelin et Christophe Bertani, Rapport sur l’impact de la décentralisation sur les administrations d’État. Ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer, juillet 2007.

21 () MM. Bruno Durieux, Jean-Baptiste Nicolas, Michel Gagneux, Jean-Yves Le Gallou, Laurent Chambaud, Nicolas Grivel, Rapport sur l’impact de la décentralisation sur les administrations d’État. Ministère de l’Emploi et de la cohésion sociale. Ministère de la Santé et des solidarités, janvier 2007.

22 () M. Jacques Attali, Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali, remis au Président de la République le 23 janvier 2008, page 201.

23 () M. Michel Piron, Gouverner en France : Quel équilibre territorial des pouvoirs ? Rapport d’information au nom de la commission des Lois sur l’équilibre territorial des pouvoirs, XIIe législature, n° 2881, 22 février 2006.

24 () Circulaire du 25 août 2000 relative à la mise en œuvre de l’évaluation dans les procédures contractuelles (contrats de plan, contrats de ville et d’agglomération, contrats de pays, contrats conclus avec les parcs naturels régionaux) pour la période 2000-2006.

25 () L'intercommunalité en France : rapport au Président de la République suivi des réponses des administrations et des organismes intéressés, Cour des comptes, 2005.

26 () M. Jacques Attali, op. cit., page 203.

27 () OCDE, op. cit., page 17.

28 () M. Michel Pébereau, Rompre avec la facilité de la dette publique, rapport au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, 2005, page 76.

29 () Op. cit., page 77.

30 () Le même rapport soulignait en outre que « la multiplication des échelons politiques […] accroît la capacité des intérêts particuliers […] à trouver un écho favorable, ce qui suscite de nouvelles dépenses. », page 78.

31 () OCDE, op. cit., page 18.

32 () Olivier Guichard, Vivre ensemble. Rapport de la commission de développement des responsabilités locales, La documentation française, septembre 1976.

33 () M. Daniel Hoeffel, Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information désignée par la commission des Affaires culturelles, la commission des Affaires économiques et du Plan, de la commission des Affaires sociales, la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et la commission des Lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, et chargé d’étudier le déroulement et la mise en œuvre de la politique de décentralisation, n° 248 (deuxième session extraordinaire 1990-1991), 27 mars 1991.

34 () M. Marcel-Gérard Hauswirth, La répartition des compétences entre l’État, les régions, les départements et les communes : plaidoyer pour une clarification et un recentrage, Rapport à M. Daniel Hoeffel, ministre délégué à l’aménagement du territoire et aux collectivités locales, 1995.

35 () M. Michel Mercier, Pour une République territoriale : l’unité dans la diversité. Rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l’exercice des compétences locales, n° 447 (session 1999-2000), 28 juin 2000.

36 () M. Pierre Mauroy, Refonder l’action publique locale. Rapport au Premier ministre, La documentation française, octobre 2000.

37 () Olivier Guichard, op. cit., page 36.

38 () Olivier Guichard, op. cit., page 43.

39 () M. Marcel-Gérard Hauswirth, op. cit., page 23.

40 () M. Michel Mercier, op. cit., page 16.

41 () Sur ce dernier point, il convient également de mentionner le rapport remis en décembre 2006 par M. Pierre Richard (Solidarité et performance. Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales).

42 () Article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales, introduit, à l’initiative du rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez, par l’article 97 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

43 () M. Jacques Caillosse, op. cit., page 50.

44 () M. Bruno Rémond, La région, une France d’avenir, Cahiers de l’Institut de la décentralisation, 2006, n° 9.

45 () MM. Jean-Claude Groshens et Jean Waline, op. cit., pages 375-429.

46 () M. Jean-Marie Pontier, « Les contrats de projet État-régions 2007-2013 », in La Revue administrative, n° 359, septembre 2007, page 527.

47 () Mme Laurence Lemouzy, « Le rapport Caillosse sur la « clause générale de compétence » », in La Semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, 3 juillet 2006.

48 () Jean-François Brisson « Les nouvelles clefs constitutionnelles de répartition matérielle des compétences entre l’État et les collectivités locales » in AJDA, 24 mars 2003.

49 () Robert Savy, « Vingt ans après, ou les régions françaises au milieu du gué », in Mélanges en l’honneur de Jean-François Lachaume, 2007, page 973.

50 () Décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 (Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire).

51 () M. Pierre Richard, Solidarité et performance, les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, décembre 2006, page 56. Ce rapport rappelle également que la France « rassemble plus de 40 % des 90 000 communes que comptent les 25 membres de l’Union européenne ».

52 () M. Jacques Attali, op. cit., page 281.

53 () 17 février 1800.

54 () Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite « loi Defferre ».

55 () Loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions. Cette loi a substitué les régions aux « circonscriptions d’action régionales » créées par le décret n° 60-516 du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives.

56 () La première élection des conseillers régionaux au suffrage universel direct n’a eu lieu que le 16 mars 1986.

57 () Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

58 () Collectivités locales telles que les communautés autonomes espagnoles, les régions italiennes ou les Länder allemands.

59 () Sondage effectué en août 2000 par la Sofres pour la Commission sur l’avenir de la décentralisation.

60 () Notre collègue Michel Piron remarquait toutefois, dans le rapport d’information (n° 2881) sur l’équilibre territorial des pouvoirs précité, que « la détermination d’un intérêt communautaire change la nature de la coopération intercommunale, qui devient un véritable échelon d’administration » (page 299).

61 () Comme le souligne le rapport Attali qui précise qu’entre 2000 et 2004, l’augmentation de 1,11 milliard d’euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux intercommunalités « a été absorbée pour moitié au moins par les charges des structures administratives et non par la production de services nouveaux ».

62 () Loi du 22 mars 1890 sur les syndicats de communes ajoutant un titre VIII à la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale.

63 () Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation.

64 () Qu’il s’agisse d’organismes consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres d’agriculture, chambres de métiers) ou d’autres établissements publics. Toutefois, les dispositions législatives applicables aux syndicats mixtes dits fermés (composés uniquement de communes et d’EPCI), qui sont en grande partie celles relatives aux syndicats intercommunaux, sont différentes des dispositions législatives applicables aux syndicats mixtes dits ouverts.

65 () Loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines.

66 () Loi n° 83-636 du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles.

67 () Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, dite « loi ATR ».

68 () Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement ».

69 () Dans tous les cas, le territoire couvert par l’EPCI à fiscalité propre doit être « d’un seul tenant et sans enclave ».

70 () Ont à ce titre le statut de communautés urbaines : Alençon, Arras, Brest, Cherbourg, Dunkerque, Nancy, Strasbourg, Le Creusot-Montceau les Mines, Le Mans.

71 () Une commune se trouvant à la fois membre d’un pays et d’un EPCI peut concilier cette double appartenance si les missions qu’elle partage dans le pays ne recoupent pas les compétences de l’EPCI auquel elle appartient. Les modalités de cette double appartenance sont précisées par une convention entre la commune, le pays et l’EPCI.

72 () La charte du pays comprend un rapport établissant un diagnostic de l'état actuel du territoire du pays et présentant son évolution démographique, sociale, économique, culturelle et environnementale sur vingt ans, un document définissant au moins à dix ans les orientations fondamentales du pays, les mesures et modalités d'organisation nécessaires pour assurer leur cohérence et leur mise en œuvre ainsi que les dispositions permettant d'évaluer les résultats de l'action conduite au sein du pays, ainsi que des documents cartographiques.

73 () La mission d’information a d’emblée choisi d’écarter du champ de ses investigations les collectivités d’outre-mer (COM), les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et la Nouvelle-Calédonie, dont les statuts différenciés expriment, dans chaque cas, des choix politiques spécifiques.

74 () Loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale.

75 () Le conseil de Paris compte 163 membres, le conseil municipal de Lyon 73 conseillers municipaux et le conseil municipal de Marseille 101 conseillers municipaux.

76 () Marchés de travaux, fournitures et services qui peuvent être passés sans formalités préalables en raison de leur montant (article L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales).

77 () Par ailleurs, l’article L. 2512-7 du code général des collectivités territoriales dispose que ce préfet « a entrée au Conseil de Paris et aux conseils d’arrondissement » et qu’il « est entendu quand il le demande et assiste aux délibérations relatives aux affaires relevant de sa compétence ».

78 () Article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales.

79 () L’article L. 2512-25 du code général des collectivités territoriales distingue ceux-ci des services chargés, à titre principal, de la « police active ».

80 () À l'exception des fondations et associations reconnues d’utilité publique exerçant une activité sociale dépourvue de but lucratif.

81 () Dans le cadre de ses attributions de police et pour assurer la sécurité de la population, le maire de ces communes doit procéder, ou faire procéder, à une inspection annuelle des cheminées et ordonner les travaux éventuellement nécessaires. Il peut aussi prescrire de combler et signaler divers trous, carrières ou puits potentiellement dangereux.

82 () Les distinctions religieuses et la présence d’emblèmes religieux dans les parties communes des cimetières sont autorisées, tandis que des cimetières (ou parties de cimentières) distincts sont affectés à chaque culte officiellement reconnu.

83 () Le décret n° 70-18 du 9 janvier 1970 modifiant le décret n° 60-516 du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives a procédé à ce détachement. La loi n° 75-356 du 15 mai 1975 portant réorganisation de la Corse a procédé à la division en deux départements, afin d’éviter qu’une région métropolitaine soit monodépartementale.

84 () Loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

85 () L’article L. 4422-31 du code général des collectivités territoriales prévoit un mécanisme original de motions de défiance constructives, destiné à favoriser la stabilité politique au sein de la collectivité territoriale de Corse : en cas d’adoption, à la majorité absolue des membres composant l’assemblée de Corse, d’une motion de défiance signée par au moins un tiers des conseillers, le conseil exécutif est immédiatement renouvelé, les candidats désignés dans la motion entrant aussitôt en fonctions.

86 () La CTC est chargée de l’exploitation des transports ferroviaires, mais aussi de la construction, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion des routes nationales, des ports maritimes de commerce et de pêche, ainsi que des aérodromes. Pour assurer le respect du principe de continuité territoriale entre l’île et la France continentale, la CTC définit les modalités d’organisation des transports maritimes et aériens, ainsi que les obligations de service public imposées sur ces liaisons, un office des transports de la Corse placée sous la tutelle de la CTC jouant le rôle d’autorité régulatrice à l’égard des différents opérateurs de transports maritimes et aériens.

87 () Les articles L. 4424-16 à L. 4424-41 du code général des collectivités territoriales mentionnent en particulier les organismes spécialisés qui suivent : Office des transports de la Corse, Agence du tourisme de la Corse, Office du développement agricole et rural de Corse, Office d’équipement hydraulique de Corse, ou encore Office de l’environnement de la Corse. L’article L. 4424-40 du code général des collectivités territoriales autorise toutefois la CTC à reprendre l’exercice des missions confiées à un office ou à l’agence du tourisme.

88 () Loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse.

89 () Décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991 « Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse ».

90 () Décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002 « loi relative à la Corse ».

91 () Loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française.

92 () Le premier alinéa de l’article 73 de la Constitution rappelle la règle traditionnelle selon laquelle, dans ces collectivités, « les lois et règlements sont applicables de plein droit » et ne « peuvent faire l’objet d’adaptations » qu’en raison des « caractéristiques et contraintes particulières » de ces espaces.

93 () Articles L. 3441-1 à L. 3444-6 du code général des collectivités territoriales.

94 () En vertu des deuxième et quatrième alinéas du point 2 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil des ministres de l’Union européenne arrête, « en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières des régions ultrapériphériques » de l’Union européenne (catégorie dont relèvent explicitement les DOM), les « mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application du présent traité à ces régions ».

95 () Énumérées au quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution, ces matières sont « la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ».

96 () Articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-12 du code général des collectivités territoriales.

97 () Loi n° 82-1171 du 31 décembre 1982 portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion.

98 () Consultés par référendum local, les électeurs de la Guadeloupe comme ceux de la Martinique ont refusé la fusion du DOM et de la ROM en une collectivité unique.

99 () Voir les articles R. 4432-5 à R. 4432-13 du code général des collectivités territoriales.

100 () Cette situation est rappelée à l’article L. 4433-1 du code général des collectivités territoriales, dont la rédaction est exactement calquée sur celle des deux premiers alinéas de l’article L. 4221-1 du même code fixant les attributions de droit commun des régions.

101 () En revanche, la consultation sur la programmation annuelle des aides de l’État au logement n’est prévue qu’à l’échelon départemental.

102 () Article L. 4433-4-6 du code général des collectivités territoriales, introduit par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer.

103 () Article L. 4433-4-7 du code général des collectivités territoriales, issu de la même loi.

104 () Articles L.O. 4435-1 à L.O. 4435-12 du code général des collectivités territoriales.

105 () En sus de leurs propres actions en matière agricole et forestière, d’énergie ou de logement, ainsi que de leurs attributions consultatives en matière d’emploi, de formation professionnelle ou d’aides à l’habitat, les ROM exercent des compétences maritimes spécifiques. Elles sont ainsi chargées de la gestion et de conservation des ressources biologiques de la mer, de l’attribution des aides aux entreprises de culture marine, ainsi que de l’élaboration et la mise en œuvre de l’inventaire minier en mer.

106 () En matière d’aménagement du territoire, il convient notamment de relever que les ROM sont autorisées à créer des sociétés d’économie mixte intervenant dans le transport aérien ou maritime et mettre en place des infrastructures ferroviaires. La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a également prévu que chaque ROM puisse, à l’issue d’une concertation avec le DOM correspondant, être chargée par décret de la gestion des routes nationales sur son territoire. Le transfert des routes nationales à la région a eu lieu pour la région Martinique (dès 2002) et pour la région Guadeloupe.

107 () S’agissant de la culture, sont notamment prévus l’élaboration par le conseil régional d’un « programme culturel régional » définissant la politique de développement culturel mise en œuvre par la ROM, la consultation préalable du conseil régional par le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur les demandes d’autorisation relatives à des services de radio et de télévision, ainsi que l’éventuelle mise en place, pendant les heures d’ouverture des établissements scolaires gérés par la ROM, d’activités facultatives relatives aux langues et cultures régionales.

108 () Le régime de cette contribution indirecte a été précisé par la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.

109 () Taxe prévue par l’article 266 quater du code des douanes.

110 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

111 () L’article 3 de la Constitution prévoit que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ».

112 () Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur le préambule et l’actuel article 1er de la Constitution pour juger que le principe d’unicité du « peuple français » a valeur constitutionnelle, notamment dans ses décisions n° 91-290 DC « Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse » du 9 mai 1991 et n° 99-412 « Charte européenne des langues régionales ou minoritaires » du 15 juin 1999.

113 () L’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 énonce que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

114 () Il convient de rappeler que le dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution confie à l’autorité préfectorale « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois » dans ces collectivités.

115 () « Le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales », Constantinos Bacoyannis, Presses universitaires d’Aix-en-Provence, 1993.

116 () M. Michel Verpeaux, Les collectivités territoriales en France, Dalloz, 2006.

117 () M. Gérard Marcou, « Le bilan en demi-teinte de l’Acte II : décentraliser plus ou décentraliser mieux ? », in Revue française de droit administratif, 2008, n° 2.

118 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2004-503 DC du 12 août 2004, « Loi relative aux libertés et responsabilités locales ».

119 () Article 5 de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

120 () Décision du Conseil constitutionnel n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 « Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ».

121 () Voir notamment M. Pascal Clément, Rapport au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, XIIe législature, n° 376, 13 novembre 2002. En réponse à des commissaires s’interrogeant sur « les moyens de résoudre les conflits en cas de difficulté dans la détermination de la collectivité chef de file », le rapporteur avait alors « rappelé que cette collectivité serait désignée par la loi ».

122 () Cette règle, issue de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État et codifiée aux articles L. 1111-3 et L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, a ensuite acquis une valeur constitutionnelle. Ainsi, dans sa décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002 « Loi relative à la Corse », le Conseil constitutionnel s’est assuré que la loi « ne pla[çait] pas les communes et les départements de Corse sous la tutelle d’une autre collectivité territoriale » et qu’aucune de ses dispositions « ne méconnai[ssait] les compétences propres des communes et des départements ou n’établi[ssait] de tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ».

123 () Le fait que la phrase relative à l’organisation de l’« action commune » des collectivités territoriales par une collectivité chef de file débute par le mot « cependant » atteste bien du caractère dérogatoire de ce mécanisme, par rapport à là règle générale, précédemment énoncée, qui interdit à une collectivité territoriale d’exercer une tutelle sur une autre.

124 () M. René Garrec, Rapport au nom de la commission des Lois du Sénat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, n° 27 (session ordinaire 2002-2003), 23 octobre 2002.

125 () Conseil constitutionnel, décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat.

126 () M. Pierre Richard, op. cit., proposition n° 13.

127 () Arrêt «  Ville de Dunkerque », Conseil d’État, 31 mai 2000.

128 () Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

129 () Les dépenses d’aide sociale mentionnées à l’article L. 121-7 du code de l’action sociale et des familles, qui concernent essentiellement l’aide médicale d’État, le revenu minimum d’insertion, les personnes âgées, sans domicile fixe ou handicapées, demeurent à la charge de l’État.

130 () Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

131 () Rapport annuel pour 2005 de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

132 () « Les relations entre État et les collectivités locales », rapport du groupe de travail présidé par le sénateur Alain Lambert dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, décembre 2007.

133 () Instituts médico-éducatifs, instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, instituts d’éducation motrice, établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés, présentant une déficience auditive grave ou une déficience visuelle grave.

134 () Décret n° 2005-834 du 20 juillet 2005 pris en application de l’article 95 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et relatif aux services chargés des opérations d’inventaire général du patrimoine culturel et décret n° 2005-835 du 20 juillet 2005 pris en application de l’article 95 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et relatif aux services chargés des opérations d’inventaire général du patrimoine culturel et au Conseil national de l’inventaire général du patrimoine culturel.

135 () Sur le plan législatif, ce transfert supposerait, pour les bibliothèques, une modification des articles L. 1421-4 et L. 1421-5 du code général des collectivités territoriales, ainsi que des articles L. 310-1 à L. 310-6 et L. 320-1 du code du patrimoine et, pour les musées, de l’article L. 1421-6 du code général des collectivités territoriales, ainsi que des articles L. 410-2 à L. 410-4 du code du patrimoine.

136 () S’agissant de l’archéologie, l’attribution d’une compétence exclusive au département impliquerait de modifier l’article L. 1421-7 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les articles L. 522-7, L. 522-8, L. 523-4 et L. 523-5 et L. 523-7 à L. 523-10 du code du patrimoine. Pour ce qui concerne les archives, l’intervention du législateur devrait porter sur les articles L. 1421-1 à L. 1421-3 du code général des collectivités territoriales, ainsi que sur les articles L. 212-6 à L. 212-14 et L. 212-33 à L. 212-36 du code du patrimoine.

137 () Loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

138 () Il conviendrait également de n’attribuer qu’à la collectivité gestionnaire de l’établissement la compétence facultative prévue à l’article L. 216-1 du code de l’éducation s’agissant des « activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires » qui peuvent être proposées aux élèves pendant les heures d’ouverture.

139 () Article L. 719-14 du code de l’éducation.

140 () Articles L. 722-2 et suivants du code de l’éducation.

141 () Article L. 712-3 du code de l’éducation.

142 () Consultation préalable des chambres de commerce et de l’industrie, des chambres de métiers et chambres d’agriculture au niveau régional, du conseil académique de l’éducation nationale, du comité régional de l’enseignement agricole et du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle.

143 () Article 21-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.

144 () Réponse à la question écrite n° 1945 de M. Jean-Louis Masson (J.O. Questions, Sénat, 22 novembre 2007, page 2137).

145 () Réponse à la question écrite n° 1354 (J.O. Questions, Sénat, 20 mars 2008, page 561)

146 () Ainsi, l’assemblée du Conseil économique et social d’Alsace a adopté le 4 juin 2007 un projet d’avis sur la gouvernance publique en Alsace proposant de réunir en une seule collectivité les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la région Alsace.

147 () Réponse à la question écrite n° 4 557 (J.O. Questions, Sénat, 27 février 2003).

148 () En vertu de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, « les personnes inscrites sur les listes électorales municipales sont consultées sur l’opportunité de la fusion de communes ».

149 () En vertu de cette disposition constitutionnelle, « lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. »

150 () À Saint-Martin, les électeurs s’étaient prononcés à 76,2 % en faveur de la transformation en collectivité séparée de la Guadeloupe et régie par l’article 74 de la Constitution, le taux de participation étant de 44,2 %. À Saint-Barthélemy, la transformation en collectivité d’outre-mer avait été approuvée plus massivement encore, par 95,5 % des électeurs avec un taux de participation de 78,7 %.

151 () En Guadeloupe, le non l’emporta par 73 % des suffrages exprimés, le taux de participation s’élevant à 51,3 %. En Martinique, le vote fut négatif à une plus courte majorité, de 50,5 %, et avec un taux de participation moindre, de 44 %.

152 () Certes, un redécoupage complet et équilibré de la carte des départements et des régions pourrait permettre de fondre en un seul échelon les départements et les régions, à l’instar du projet de M. Michel Debré, mais un bouleversement aussi radical semble peu réaliste dans le contexte politique actuel.

153 () En vertu du I de cet article : « En cas de fusion de communes, des taux d'imposition différents, en ce qui concerne chacune des taxes mises en recouvrement en vertu des 1° à 4° du I de l'article 1379 (taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties, taxe d’habitation et taxe professionnelle), peuvent être appliqués, selon le territoire des communes préexistantes, pour l’établissement des douze premiers budgets de la nouvelle commune. Toutefois cette procédure d’intégration fiscale progressive doit être précédée d’une homogénéisation des abattements appliqués pour le calcul de la taxe d’habitation. Cette décision est prise, soit par le conseil municipal de la commune fusionnée, soit en exécution de délibérations de principe concordantes prises antérieurement à la fusion par les conseils municipaux des communes intéressées. La procédure d’intégration fiscale progressive est également applicable de plein droit sur la demande du conseil municipal d’une commune appelée à fusionner lorsqu’elle remplit la condition prévue au II. Les différences qui affectent les taux d'imposition appliqués sur le territoire des communes préexistantes sont réduites chaque année d'un treizième et supprimées à partir de la treizième année. ». Le II de cet article permet de ne pas appliquer la procédure d’intégration fiscale progressive dès lors que l’écart de taux entre la commune la plus imposée et la commune la moins imposée est inférieur à 20 %.

154 () Les impôts locaux pour lesquels ces deux prélèvements sont appliqués sont la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe d’habitation, la taxe professionnelle, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage (article 1641 du code général des impôts).

155 () Raymond Marcellin, L’importune vérité, Plon, 1978, pages 264-265.

156 () S’agissant de la seule taille, la situation des Länder est très contrastée, pour des raisons historiques liées au caractère tardif de l’unité allemande. Ainsi, certains Länder sont de simples villes-États (Hambourg, Brême) de quelques centaines de km2, tandis que d’autres sont très étendus (70 000 km2 pour la Bavière, 35 000 km2 pour le Bade-Wurtemberg).

157 () Unité monétaire calculée par Eurostat pour permettre des comparaisons malgré les différences monétaires de pouvoir d’achat entre pays.

158 () Région ou collectivité territoriale de Corse.

159 () Estimation au 1er janvier 2007.

160 () Estimation pour l’année 2006.

161 () Telles que les politiques de massif et de bassin, celles menées par l’Arc Atlantique, ou encore l’organisation interrégionale ou zonale retenue en matière d’équipement, de transmission, de police, de sécurité civile ou de défense.

162 () M. Michel Piron, Gouverner en France : Quel équilibre territorial des pouvoirs ? Rapport d’information au nom de la commission des Lois sur l’équilibre territorial des pouvoirs, XIIe législature, n° 2881, 22 février 2006 (p. 305).

163 () Op. cit. (p. 305 et 307).

164 () Ile-de-France, Nord-Ouest, Est, Ouest, Sud-Ouest, Sud-Est et Massif-central-Centre.

165 () Dans tous les cas où un accord de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale est prévu, celle-ci peut décider d’organiser un référendum local pour confier à la population de la collectivité le soin de décider. Ce recours à la procédure du référendum local introduite par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pourrait être particulièrement opportun pour l’ensemble des opérations de regroupement.

166 () La création de cette part serait exclusivement imputée sur la part de la DGF actuellement réservée à la dotation forfaitaire. Pour l’ensemble des impôts directs locaux, ces prélèvements s’élèvent à un total de près de 5 milliards d’euros. 60 % concernent des impôts communaux, 30 % des impôts départementaux et 10 % des impôts régionaux.

167 () La France compte 36 678 communes, contre 13 176 pour l’Allemagne, 10 679 pour le Royaume-Uni, 8 100 pour l’Italie, 8 108 pour l’Espagne et 2 478 pour la Pologne.

168 () Sondage effectué en octobre 2005 pour la convention nationale de l’Association des communautés de France.

169 () M. Guy Geoffroy, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l’organisation institutionnelle de la Corse, n° 870, XIIe législature, 21 mai 2003, page 15.

170 () De la même manière, le mode d’élection des sénateurs est distinct selon le nombre de sénateurs que compte le département : scrutin uninominal pour les départements comptant moins de quatre sénateurs, scrutin de liste pour les départements comptant au moins quatre sénateurs.

171 () Le Conseil constitutionnel a admis cette dérogation à l’unité communale, en considérant « qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur d’instituer des divisions administratives au sein des communes ni d’instituer des organes élus autres que le conseil municipal et le maire » (décision n° 82-149 DC du 28 décembre 1982, Loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, considérant 6).

172 () Article L. 2143-1 du code général des collectivités territoriales.

173 () Ces compétences sont dans une très large mesure des compétences qui sont également exercées, dans les communes associées de plus de 100 000 habitants ou les communes associées de moins de 100 000 habitants en ayant fait la demande, par le conseil consultatif de la commune associée.

174 () Article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales.

175 () Article L 2511-20 du même code.

176 () Article L. 2511-30 du même code.

177 () Article L. 2511-36 du même code.

178 () Article L. 2511-37 du même code.

179 () C’est-à-dire d’une demande formulée soit par la moitié des communes concernées regroupant les deux tiers de la population, soit par les deux tiers des communes concernées regroupant la moitié de la population.


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