N° 1473 - Rapport d'information de Mme Nicole Ameline déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires étrangères sur le bilan de la présidence française de l'Union européenne




N° 1473

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

sur le bilan de la présidence française de l’Union européenne

et présenté par

Mme Nicole AMELINE

Députée

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INTRODUCTION 5

I – LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE, UN SUCCÈS DANS LE CONTENU ET LA MÉTHODE 7

A – UN SUCCÈS PRÉPARÉ AVEC BEAUCOUP DE PROFESSIONNALISME 7

1) Un dispositif institutionnel efficace, marque d’un « grand pays » 7

2) Un bilan où transparaissent une excellente préparation politique et une exécution budgétaire en ligne avec les prévisions, dans l’attente du « coût complet » 10

a) Un « déploiement ministériel » organisé en amont 10

b) Un redéploiement d’effectifs à même de contenir le budget 11

B – UN CONTENU AMBITIEUX SERVI PAR UNE MÉTHODE RÉACTIVE 15

1) La gageure d’une appréciation par la performance 15

2) Le contenu : de 4 priorités à 142 engagements 17

3) La méthode : entre savoir-faire et créativité 20

a) Une redéfinition de l’équilibre entre l’intergouvernemental et le communautaire 20

b) Un constant souci d’adaptation 23

II – UN SUCCÈS QUI OBLIGE 27

A – L’AFFIRMATION DE LA PFUE DANS L’IMPRÉVU DES CRISES MONDIALES 27

1) La démonstration par les crises 27

a) La crise géorgienne ou l’Europe pacificatrice 27

b) La crise financière ou l’Europe régulatrice 30

2) La nécessité d’une Europe politique 33

B – DES PISTES POUR UNE UNION EUROPÉENNE CONQUÉRANTE 34

1) Des regrets à surmonter 34

2) Le Traité de Lisbonne à appliquer 36

3) L’Europe dans le monde : des normes et des valeurs à promouvoir dans le cadre d’une nouvelle relation transatlantique 37

CONCLUSION 39

EXAMEN EN COMMISSION 41

ANNEXE : LE CALENDRIER DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE 45

Mesdames, Messieurs,

La présidence française du Conseil de l’Union européenne qui s’est achevée le 31 décembre dernier semble déjà assez loin derrière nous. Ce qu’il est convenu de dénommer, sous forme d’acronyme confinant à l’abus de langage, la « PFUE » (1), aura été marqué par un calendrier extraordinaire à maints égards. Pourtant les dossiers continuent d’exister et d’avancer − espérons-le − nonobstant le « ballet » des présidences tournantes, et déjà certains d’entre eux ne se présentent plus sous le même jour qu’il y a quelques semaines. En effet, le contenu des politiques communautaires ne cesse d’évoluer, parfois comme sous l’effet d’une dynamique propre. Ce que l’on appelle la « machine communautaire » persiste, semestre après semestre, à faire mûrir des compromis et à élaborer des normes dans quantité de domaines. Le processus législatif communautaire est généralement beaucoup plus long que notre procédure nationale.

À la différence des contenus, les méthodes semblent à votre Rapporteure davantage porter la marque de la présidence du moment. De ce point de vue, dresser un bilan de la présidence française doit également permettre de tirer des leçons sur le fonctionnement de l’Union. Peut-être même est-ce là l’aspect le plus pérenne de cette présidence. Naturellement, le contenu influe sur les méthodes, et réciproquement. Mais comme on va le voir dans les développements qui suivent, cette distinction est utile pour l’analyse.

La présidence française appartient au passé, donc, bien que ce passé soit proche. Le « temps médiatique » fait inexorablement son œuvre. Le changement de titulaire du portefeuille de secrétaire d’État aux Affaires européennes joue aussi, sans doute, un rôle. Votre Rapporteure tient d’ailleurs ici à saluer le travail absolument remarquable accompli par M. Jean-Pierre Jouyet ; sa contribution au succès de la présidence, une contribution empreinte de subtile efficacité et de chaleureuse modestie, a été tout simplement décisive. M. Bruno Le Maire n’a que plus de mérite à reprendre ce portefeuille avec le brio qui est le sien.

Tardif aujourd’hui, si l’on se réfère au temps médiatique, l’établissement du bilan exhaustif de la présidence française est, à l’inverse, quelque peu prématuré selon d’autres critères temporels. Deux exemples permettent d’illustrer ce propos. Le premier est de court terme : on ne sait pas encore quel est le « coût complet » de la présidence française. Cet exercice, délicat, ne pourra vraisemblablement être mené à bien que lorsque seront disponibles les rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement du budget de 2008, c’est-à-dire pas avant la fin du mois de mai. Le second exemple renvoie au temps long de l’histoire de l’Union européenne : à l’évidence, il est un peu tôt pour mesurer avec justesse ce que sera le legs de la « PFUE ». Par conséquent, l’exercice auquel votre Rapporteure se livre suppose un devoir de modestie (2).

Au demeurant, il serait illusoire de croire que l’unanimité s’est faite parmi tous les observateurs pour ne pas émettre la moindre critique à l’égard de la présidence française, et le présent rapport n’aurait guère de sens s’il n’en faisait pas état sur tel ou tel point, ou s’il ne soulignait les regrets que peut légitimement nourrir la présidence de n’être pas allée plus loin dans le traitement de certains dossiers.

Force est pourtant de constater combien plus nombreuses sont les raisons de saluer le succès de la présidence française. Les pages qui suivent s’y attachent sans prétendre à l’exhaustivité mais en faisant ressortir quelques idées-forces : une présidence réussie, à la fois dans le contenu et dans la méthode, est une présidence qui ne s’improvise pas, mais qui sait bousculer ses priorités pour répondre à l’imprévu. Une présidence ambitieuse est aussi une présidence qui oblige, et dont l’héritage doit fructifier.

I – LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE DU CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE, UN SUCCÈS DANS LE CONTENU ET LA MÉTHODE

Le Président Nicolas Sarkozy a bien résumé les traits essentiels permettant de caractériser la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui s’achevait, en parlant d’une Europe qui ne subit pas, mais qui agit et qui protège. Pour ce faire, notre pays s’était préparé bien en amont.

A – Un succès préparé avec beaucoup de professionnalisme

1) Un dispositif institutionnel efficace, marque d’un « grand pays »

Au risque d’encourir le reproche d’« arrogance », il faut bien admettre que les ressources administratives et les capacités d’organisation dont dispose la France font d’elle un « grand pays » parmi les États membres de l’Union. On entend par là ce que M. Pierre Sellal, Ambassadeur de France, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles, a appelé, au cours de son audition à l’Assemblée nationale devant la commission chargée des Affaires européennes, le 14 janvier dernier, « une présidence très complète », caractéristique d’un pays à même de couvrir tous les sujets au cours de son mandat de six mois. Notre Représentant permanent aura été un rouage tout à fait essentiel de la réussite de la présidence française.

La France, acteur global, avait ainsi la capacité de ne laisser aucun sujet de côté. En s’organisant très en amont, elle s’est donné les moyens d’atteindre cet objectif. Cela est d’autant plus remarquable que les précédentes présidences françaises avaient été affectées par de sérieux problèmes d’organisation, comme l’a rappelé le même Pierre Sellal, lors de son audition devant la commission des Affaires européennes du Sénat le 13 janvier dernier. En 2000, pesait le contexte particulier créé par la cohabitation. Et en 1995, l’élection présidentielle qui s’était déroulée à mi-parcours avait entraîné un changement de gouvernement, évidemment source de difficultés dans la conduite de la présidence. Au contraire, la présidence de 2008 aura été organisée dans les meilleures conditions. La prochaine présidence française étant, à droit constant, prévue pour 2022, mieux valait ne pas risquer de laisser une mauvaise impression aussi durable…

Les instances de coordination que sont le Secrétariat général des affaires européennes à Paris et la Représentation permanente à Bruxelles ont rempli leur rôle de façon exemplaire et la mise en place d’un Secrétariat général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (SGPFUE) a été décidée dès le mois de juin 2007. Le décret n° 2007-1028 du 15 juin 2007 dispose que le Secrétaire général « arrête, en liaison avec les administrations concernées, la programmation des crédits correspondants, coordonne leur gestion et en rapporte l’exécution ». À ce titre, M. Claude Blanchemaison, nommé secrétaire général lors du Conseil des ministres du 20 juin 2007, est, pour quelque temps encore, le responsable d’un programme budgétaire ad hoc, au sein des crédits de la mission Direction de l’action du Gouvernement. Votre Rapporteure veut ici lui exprimer sa reconnaissance pour la qualité du travail accompli.

Ce programme budgétaire a été conçu comme un programme de soutien visant à financer les dépenses additionnelles occasionnées par l’exercice de la présidence du Conseil et par les activités préparatoires. Plus précisément, il s’est agi d’assurer, par rapport aux exercices antérieurs :

− une meilleure lisibilité des dépenses induites par l’exercice de la présidence, que ce soit à l’égard du Parlement, des services de l’État ou des citoyens ;

− une clarification des responsabilités de gestion, à travers une structure unique à vocation interministérielle, placée sous l’autorité du Premier ministre. Elle devait notamment organiser les manifestations auxquelles participaient le Président de la République ou le Premier ministre, ainsi que les manifestations relevant du ministère des Affaires étrangères et européennes ;

− une gestion plus efficace des crédits, fondée sur la recherche d’économies d’échelle permises par certaines mutualisations (par exemple les équipements pour l’interprétariat ou le parc automobile, ou encore le site Internet de la présidence, www.ue2008.fr).

Comme votre Rapporteure avait eu l’occasion de l’indiquer dans son avis budgétaire relatif au programme Présidence française de l’Union européenne pour 2008 (3), la création d’une structure centralisée n’est pas systématique. La présidence allemande de l’Union européenne du premier semestre 2007 avait ainsi confié le rôle de coordination au ministère des Affaires étrangères, chaque ministère ayant conservé une compétence autonome pour l’organisation de ses propres manifestations. Au sein du ministère des Affaires étrangères, c’est une cellule « présidence allemande », instituée au service du protocole, qui aura géré l’ensemble des événements organisés par la Chancelière et ce ministère, de même que les services communs à l’ensemble des activités de la présidence (cadeaux, transport, etc.).

Par ailleurs, la création d’un Secrétariat général de la présidence française n’a pas été une innovation de la présidence 2008. La nouveauté, en revanche, résidait dans le fait qu’il soit rattaché directement au Premier ministre et non plus au Quai d’Orsay. Il fallait y voir la volonté politique de recourir à une organisation réellement interministérielle de la présidence française, et une façon pour le Gouvernement de tirer les enseignements de la précédente présidence du second semestre 2000, critiquée par la Cour des comptes. Cette dernière avait déploré, dans un rapport non rendu public, l’insuffisante « interministérialité » de l’organisation de la précédente présidence française de l’Union.

Concrètement, le décret précité instituant le Secrétariat général de la PFUE lui a conféré un rôle d’organisation et de coordination, en liaison avec le secrétariat général des affaires européennes et les ministères concernés. Le SGPFUE est principalement compétent pour les aspects matériels de la présidence française (prise en charge de la logistique des différentes manifestations, gestion des marchés publics, communication, produits dérivés, etc.). Il n’a jamais eu vocation à intervenir dans l’élaboration de la stratégie politique de la présidence, ni dans la définition au fond des positions.

Ainsi, le SGPFUE s’est vu charger :

– de coordonner la définition de la liste des événements, réunions et manifestations relevant de la PFUE arrêtée par le Premier ministre ;

– d’évaluer le coût de ces événements et manifestations, en liaison avec les administrations concernées et d’en coordonner la mise en œuvre ;

– d’arrêter, en liaison avec les administrations concernées, la programmation des crédits correspondants, de coordonner leur gestion et d’en rapporter l’exécution devant le Parlement ;

– d’organiser les événements, manifestations et réunions relevant de la Présidence de la République, du Premier ministre et du ministère des Affaires étrangères et européennes ;

– d’assurer la synergie des secteurs de la communication, du mécénat, des modalités d’accréditation et d’articuler l’association de la société civile aux événements et activités de la PFUE ;

– d’assurer la coordination avec la saison culturelle européenne comprenant des manifestations artistiques et culturelles chez les vingt-six autres États membres, ainsi qu’un programme d’accueil des cultures européennes en France et de circulation des artistes et des œuvres en Europe.

Le SGPFUE est composé d’une vingtaine d’agents mis à disposition par leur ministère d’origine, excluant ainsi toute dépense de personnel pour le secrétariat général. Pour ses tâches de gestion, le SGPFUE s’appuie sur la Direction des services administratifs et financiers (DSAF) des services du Premier ministre, qui exerce à son profit ses responsabilités d’ordonnateur et de pouvoir adjudicateur en matière de marchés publics. Cette organisation a donné satisfaction compte tenu des compétences et de l’expérience de la DSAF, structure pérenne.

2) Un bilan où transparaissent une excellente préparation politique et une exécution budgétaire en ligne avec les prévisions, dans l’attente du « coût complet »

a) Un « déploiement ministériel » organisé en amont

La présidence a été minutieusement préparée en amont, à la fois par de nombreux déplacements ministériels dans les 27 capitales et, en interne, par la mobilisation de toutes les administrations.

Au cours de l’année 2008, le Secrétariat général de la présidence française s’est attaché à exercer les vastes compétences qui lui ont été reconnues par son décret institutif. L’exercice de ces attributions s’est matérialisé dans la gestion directe ou le contrôle de l’exécution d’une dizaine de programmes concourant à la bonne réalisation de la PFUE :

− le programme SIGA d’accréditation des délégués et des journalistes, qui a été mis au point pour la circonstance ;

− le programme des agents de liaison, recrutés par le groupement d’intérêt public France coopération internationale, qui accompagnaient les ministres étrangers pendant leur séjour en France ;

− le programme « automobiles », pour l’utilisation des 140 véhicules obtenus des constructeurs français (avec 50 conducteurs du ministère de la Défense) ;

− le programme des produits promotionnels, dessinés par Philippe Starck ;

− la mise en scène du Secrétariat général du Conseil à Bruxelles, avec l’architecte-designer Sylvain Dubuisson ;

− le programme d’utilisation et de déclinaison du logo de la présidence française conçu par l’agence Euro-RSCG ;

− le programme d’incitation des entreprises et des établissements d’enseignement supérieur à prendre part à la PFUE ;

− le programme d’activité du télédiffuseur-hôte, qui couvrait les principaux événements et rendait les images disponibles pour toutes les télévisions ;

− le programme « bilan carbone » de chacune des administrations agissant dans le cadre de la PFUE ;

− le programme destiné à mesurer le degré de satisfaction des participants étrangers aux réunions organisées au titre de la PFUE.

Ce dernier programme est d’ailleurs celui qui a été choisi pour bâtir l’unique indicateur de performance de ce programme budgétaire, pour répondre aux exigences posées par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

b) Un redéploiement d’effectifs à même de contenir le budget

• Pour répondre aux besoins de la PFUE dans son ensemble, le ministère des Affaires étrangères et européennes a eu recours à des redéploiements d’effectifs très substantiels, de façon à assurer l’activité très lourde de coordination de nos partenaires, menée tant par les postes – notamment les représentations multilatérales – qu’en administration centrale. Dès la programmation des effectifs de 2007, les postes et les services de l’administration centrale ont ainsi été invités à définir précisément leurs besoins ; la programmation 2008 – avec effet à l’été 2008 – a permis de compléter les demandes.

En regard de ces besoins, le ministère n’a pas disposé de ressources supplémentaires : les renforts ont donc été financés exclusivement par redéploiement d’effectifs, dans un contexte de réduction des moyens budgétaires. Compte tenu de la large palette de besoins, tous les moyens ont été mis à contribution :

– l’affectation temporaire de titulaires en renfort ;

– le « tuilage » pendant toute la durée de la PFUE entre l’agent partant début 2009 et son successeur arrivé dès 2008 ;

– le recrutement de volontaires internationaux sur des postes de travail nouveaux ;

– le recrutement d’agents contractuels à l’administration centrale en renfort temporaire ;

– le recours des vacations ou le recrutement temporaire d’agents de droit local (secrétariat, traduction, chauffeurs) ;

– le renfort de diplomates d’échange.

Dès l’automne 2007, ce sont 34 postes de travail supplémentaires qui étaient pourvus (17 en centrale, notamment au secrétariat général de la PFUE et à la direction de la Coopération européenne, 17 à Bruxelles et New York), afin que les agents soient totalement opérationnels au moment où la PFUE débuterait.

En 2008, 50 agents supplémentaires ont pris leurs fonctions – 15 à l’administration centrale, notamment au protocole et à la direction de la communication et de l’information, 35 dans les postes dont New York, Genève, Vienne, ou encore Lima qui devait accueillir un sommet UE / Amérique latine. S’y sont ajoutés des vacations ponctuelles et des renforts pour faire la liaison à Ljubljana avec la présidence slovène qui a précédé la PFUE, ainsi qu’à Prague avec la présidence tchèque, débutée au 1er janvier 2009.

Au total, le ministère des affaires étrangères et européennes a redéployé 119 équivalents temps plein entre 2007 et le début de 2009, dont 50 en administration centrale et 69 à l’étranger, soit l’équivalent d’un doublement des effectifs de la Représentation permanente de la France auprès de l’ONU à New York et de la direction de la Coopération européenne en administration centrale :

PART DES CRÉATIONS D’EFFECTIFS AU QUAI D’ORSAY AFFECTÉE À LA PFUE

(en équivalents temps plein travaillé)

 

2007

2008

2009

Total

Catégorie

Centrale

Réseau

Centrale

Réseau

Centrale

Réseau

Centrale

Réseau

A

4,3

2

22,6

14,1

10,3

9,1

37,2

25,1

B

0,3

0,3

2,3

2

0,7

0,8

3,3

3,1

C

1

0,3

5,9

6,3

2

0,8

8,9

7,5

VI (*)

 

3

 

14,8

 

3,8

 

21,7

ADL (**)

 

0

 

1,4

 

0,2

 

1,6

Vacation

0

 

1,2

9,9

0

 

1,2

9,9

TOTAL

5,7

5,7

31,9

48,5

12,9

14,7

50,5

68,8

(*)   Volontaires internationaux. 

(**) Agents de liaison.

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

On peut noter que la présidence française a ainsi, en 2008, accaparé 58 % des créations de postes du programme budgétaire Action de la France en Europe et dans le monde en administration centrale et 30 % des créations de postes du même programme dans le réseau.

• Le SGPFUE fonctionnant avec du personnel mis à disposition par les administrations, aucune création nette d’emploi n’a eu lieu. Cette solution de bonne gestion s’est imposée dès l’origine puisqu’il s’agissait d’une structure provisoire destinée à disparaître rapidement à la fin de la présidence française − en principe au printemps 2009. Les tâches de gestion rémanentes seront prises en charge par le Secrétariat général du Gouvernement, puisque le SGPFUE est un service du Premier ministre. Les agents mis à disposition rejoindront alors leurs administrations d’origine, en tenant compte des nécessités du service. En bonne logique, le pôle budgétaire et comptable disparaîtra en dernier.

Fin août 2008, le SGPFUE comprenait 21 agents provenant de diverses administrations, les plus gros contingents étant fournis par le ministère des Affaires étrangères et européennes (6 agents) et les ministères de l’Économie et du Budget (5 agents). Les agents de catégorie A sont prédominants (14 agents) compte tenu de la nature de l’activité. Ceux de catégorie B sont au nombre de six. Une secrétaire de catégorie C complète l’effectif. Le coût des personnels mis à disposition peut être estimé à 1 million d’euros environ, selon le rapport sur le projet de loi de finances pour 2009 de notre collègue Jean-Pierre Brard, Rapporteur spécial au nom de la commission des Finances (4). Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères et européennes estimait à 350 000 euros, en gestion prévisionnelle, la charge budgétaire correspondant aux six agents mis à disposition du SGPFUE.

• Centré sur les moyens de fonctionnement additionnels propres à l’exercice de la présidence, le programme Présidence française de l’Union européenne était doté de 188,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 118,6 millions d’euros en crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2008, répartis de la façon suivante :

CRÉDITS DU PROGRAMME PRÉSIDENCE FRANÇAISE DE L’UNION EUROPÉENNE
VOTÉS EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2008

(en milliers d’euros)

Action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

01 – Activités obligatoires et traditionnelles de la présidence

88 340,7

55 410,7

02 – Manifestations correspondant à l’initiative propre de la présidence française

81 389

51 349

03 – Activités interministérielles (« biens collectifs »)

18 859,2

11 829,2

Total

188 589

118 589

Source : projet annuel de performances du programme PFUE annexé au projet de loi de finances pour 2009.

L’exécution budgétaire fait apparaître une consommation des crédits de 153,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 110,5 millions d’euros en crédits de paiement, soit respectivement 82 % et 93 % des crédits votés. Même avec le solde des dépenses à régler en 2009, pour lesquelles 69,5 millions d’euros de crédits de paiement ont été votés en loi de finances initiale, les dépenses devraient être maintenues en deçà des 190 millions d’euros initialement prévus, qui se situaient dans la moyenne des budgets adoptés par les dernières présidences comparables.

CRÉDITS DU PROGRAMME PRÉSIDENCE FRANÇAISE DE L’UNION EUROPÉENNE
DEMANDÉS EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2009

(en milliers d’euros)

Action

Crédits de paiement

01 – Activités obligatoires et traditionnelles de la présidence

32 930

02 – Manifestations correspondant à l’initiative propre de la présidence française

30 040

03 – Activités interministérielles (« biens collectifs »)

7 030

Total

70 000

Source : projet annuel de performances du programme PFUE annexé au projet de loi de finances pour 2009.

La différence entre le montant ci-dessus indiqué et le montant effectivement voté résulte d’un amendement gouvernemental en seconde délibération à l’Assemblée nationale, qui a minoré de quelque 468 000 euros le total prévu, afin de financer des mesures prioritaires en faveur de l’emploi.

Votre Rapporteure souligne que le coût complet de la présidence ne pourra être reconstitué qu’ex post. Il reviendra aux membres de la commission des Finances d’y veiller, appuyés par la Cour des comptes, par exemple pour réintégrer les coûts de personnel, qui sont portés par les ministères et non par le programme budgétaire spécifique. De même pourra-t-on examiner, par exemple, le coût et les modalités de financement du Sommet du 13 juillet dernier consacré à l’Union pour la Méditerranée. En tout état de cause, il conviendra de dépasser le niveau d’analyse assez fruste du bilan précité établi par le Secrétariat général des affaires européennes : « Un budget maîtrisé : avec 190 millions d’euros prévus d’autorisations d’engagement votés par le Parlement, le budget de la présidence française se situait dans la moyenne des budgets adoptés par les dernières présidences comparables. Le souci de maîtrise des dépenses publiques et une gestion collective efficace auront conduit à réaliser près de 30 millions d’économies par rapport au budget initial. »

Au-delà d’une remarquable capacité d’organisation institutionnelle et matérielle, le succès de la présidence française restera pour la plupart des observateurs celui de l’alliance entre contenu et méthode, dans le prévisible comme face à l’imprévu.

B – Un contenu ambitieux servi par une méthode réactive

1) La gageure d’une appréciation par la performance

Résumer en quelques traits saillants le contenu d’une présidence particulièrement dense n’est pas chose aisée. Votre Rapporteure, tout en redisant que l’exhaustivité n’est pas son propos, veut néanmoins citer, à titre d’illustration, le travail d’un think tank qui a tenté de « noter » la présidence française à partir de quinze dossiers phares du semestre. Une gageure assurément, qui présente l’intérêt de recouper l’analyse du présent rapport en distinguant entre « résultat » et « démarche » − donc en identifiant un contenu et une méthode :

« NOTES » ATTRIBUÉES À LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE

Thèmes

Note globale
sur 10

Résultat
(note sur 5)

Démarche
(note sur 5)

Traité de Lisbonne

8

4

4

Paquet « climat-énergie »

8

4

4

Sécurité énergétique

6

3

3

Géorgie

8

3

5

Pacte européen sur l’immigration

9

5

4

Europe de la défense

7

3

4

Politique agricole commune

7

3

4

Pêche

7

4

3

Union pour la Méditerranée

6

3

3

Stratégie de Lisbonne

6

3

3

Crise financière

7

3

4

Recherche

7

4

3

Total

86 / 120

42

44

Moyenne sur 10

7,15

   

Moyenne sur 20

14,3

   

Source : Institut Thomas More, Le baromètre de la présidence française de l’Union européenne. Les principales propositions de Nicolas Sarkozy, décembre 2008.

Précisons la méthodologie appliquée par les auteurs de l’étude pour aboutir à un résultat chiffré en regard de chacun des douze dossiers. Le résultat et la démarche sont l’un comme l’autre notés sur cinq. L’évaluation des résultats est effectuée selon l’échelle suivante :

− 0 : « proposition non abordée » dans quelque enceinte communautaire que ce soit, aucune mention du sujet n’étant faite dans les comptes rendus de discussions, ou bien proposition abordée de manière informelle mais sans qu’une suite y soit donnée ;

− 1 : « proposition bloquée », la présidence française ayant essayé de soumettre les mesures correspondantes mais ayant essuyé un rejet ;

− 2 : « proposition en débat », les partenaires de la négociation étant convenus d’entamer ce débat, mais peu d’éléments concrets de réalisation étant intervenus ;

− 3 : « proposition en cours de réalisation », le débat étant entamé et des éléments concrets d’avancement du dossier apparaissant (déclaration commune, calendrier, etc.) ;

− 4 : « proposition modifiée ou partiellement réalisée », des progrès significatifs ayant été enregistrés ou un accord final signé, mais sans que tous les objectifs présentés en début de présidence soient atteints ;

− 5 : proposition réalisée, comprenant tous les objectifs définis en début de présidence.

Quant à l’évaluation de la démarche − c’est-à-dire la capacité de la présidence à faire vivre le débat avec ses partenaires et à atteindre le consensus −, elle correspond à la grille suivante :

− 0 : « démarche inactive », la présidence française ne faisant preuve d’aucun dynamisme ou d’aucune implication, non plus que d’efforts de concertation ou de recherche de l’intérêt européen ;

− 1 : « démarche franco-française », la présidence ne recherchant que l’intérêt français et péchant par défaut de conciliation même si un certain dynamisme peut s’observer ;

− 2 : « démarche suiviste », aucune impulsion française n’étant donnée, la présidence se contentant de suivre les échéances de l’ordre du jour communautaire ;

− 3 : « démarche ouverte », globalement positive, tant pour rechercher des résultats que pour rechercher la concertation, mais sans être extrêmement soutenue ;

− 4 : « démarche entreprenante », l’action de la présidence française étant marquée par une implication et un esprit de concertation satisfaisants, servis par un dynamisme certain ;

− 5 : « démarche énergique », la présidence française s’étant montrée entièrement satisfaisante, à la fois dynamique, impliquée et laissant une large place à la conciliation et à la recherche de l’intérêt européen.

Même si la notation peut se discuter, l’exercice ne manque pas d’intérêt ; il contraste d’ailleurs avec la quasi-absence de mesure de la performance dans le document qui pourtant devrait y être consacré − au moins en partie : le projet annuel de performances ou « bleu budgétaire » dans son format issu de la LOLF.

2) Le contenu : de 4 priorités à 142 engagements

• On l’a vu sous l’angle de l’organisation administrative : la présidence française a eu la capacité de traiter tous les sujets que la « machine communautaire » avait à son ordre du jour. Le premier trait caractéristique de cette présidence est ainsi qu’elle a été globale, exhaustive. Comme cela était attendu d’elle – et ne l’est pas d’un plus petit pays – la France a appréhendé, au-delà des grands dossiers prioritaires, l’ensemble des sujets et des politiques de l’Union, de l’espace à l’éducation en passant par la santé ou la politique maritime.

Ainsi que l’a indiqué M. Pierre Sellal au cours de son audition précitée à l’Assemblée nationale, une telle ambition reflétait certes la conception française d’une Europe elle-même acteur global, mais cette ligne directrice a aussi directement servi l’autorité même de la présidence française et sa capacité de négociation. Ne rien laisser de côté, répondre aux préoccupations de chacune des délégations a ainsi donné un crédit très utile dans le reste des négociations. Le Représentant permanent a pris l’exemple de la façon dont la France a pris en considération les préoccupations majeures des Roumains – la question des relations avec la Moldavie et celle des Roms – pour expliquer que cette attention à un sujet considéré − à tort ou à raison − à l’échelle de l’Union comme « non prioritaire », a donné à notre pays un crédit considérable auprès de ce pays.

• Afin de donner un aperçu de l’ampleur des sujets traités, votre Rapporteure veut sacrifier, si peu que ce soit, à l’exercice des listes, en allant du champ le plus circonscrit au panorama le plus vaste.

La première liste se concentre, comme il est logique dans l’exercice du bilan, sur les priorités initiales de la présidence, annoncées − voire déjà négociées − en amont. Puisqu’il n’y a pas de bonne présidence sans grandes priorités, il importait de les définir avec pertinence, de les placer au bon niveau d’ambition ; c’est ce qui a été fait, à travers des sujets qui sont les réponses à apporter aux défis mondiaux :

− la maîtrise des migrations ;

− la relance de la politique européenne de la défense ;

− la politique européenne de l’énergie et du développement durable ;

− la croissance et l’emploi, par le développement d’une économie de la connaissance et de l’innovation ;

− s’y est ajouté le « bilan de santé » de la politique agricole commune, assorti d’une réflexion à conduire sur la PAC de l’après-2013.

La deuxième liste, qui regroupe à la fois les priorités prévues et les événements non anticipés, est correctement dressée dans la grille de « performance » ci-dessus reproduite. Le contenu a minima des objectifs qui étaient à atteindre sur chacun de ces points peut être ainsi résumé :

DOUZE THÈMES D’ACTION PRIORITAIRES
PENDANT LE SEMESTRE DE PRÉSIDENCE FRANÇAISE

Thème

Objectif à atteindre

Traité de Lisbonne

Rechercher une solution, d’ici octobre ou décembre, en accord avec le gouvernement irlandais, pour sortir l’Europe de la crise institutionnelle où elle se trouve.

Paquet « climat-énergie »

Obtenir un accord à 27 sur le « Paquet climat-énergie » avant décembre 2008 incluant des mesures contraignantes destinées à lutter contre le changement climatique et à favoriser un accord mondial ambitieux lors du sommet de Copenhague de 2009.

Sécurité énergétique

Renforcer la sécurité énergétique de l’UE tant au plan interne, par une amélioration de l’efficacité énergétique, l’établissement d’un espace énergétique unifié et solidaire et une diversité des sources d’énergie, qu’au plan externe par la mise en œuvre d’un dialogue privilégié avec certains pays tiers, producteurs, consommateurs ou de transit.

Géorgie

Obtenir l’application du plan signé le 12 août 2008 qui comprend : le retrait complet des forces russes hors des zones adjacentes à l’Ossétie du Sud et à l’Abkhazie avant le 15 octobre, l’envoi de 200 observateurs européens dans ces mêmes zones, et la reprise des discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité et la question des réfugiés et déplacés dans la région.

Pacte « asile-immigration »

Adopter un Pacte européen pour l’immigration qui insistera sur l’importance des contrôles aux frontières, l’organisation concertée de l’immigration légale et illégale, l’harmonisation du droit d’asile ainsi que la promotion du codéveloppement et de l’aide au développement.

Europe de la Défense

Améliorer l’Europe de la défense par la réalisation de 4 objectifs ; 1) le renforcement des capacités militaires et de gestion des crises et le développement des instruments de l’Union ; 2) la création d’un véritable marché intérieur de la défense ; 3) la lutte contre le terrorisme et la non prolifération ; et, 4) le développement des partenariats et de la coopération multilatérale.

« Bilan de santé » de la PAC

Parvenir à une position commune concernant le bilan de santé de la PAC et engager une discussion sur les principes d’une nouvelle politique agricole pour l’après 2013.

Pêche

Promouvoir une pêche durable et responsable et trouver une solution adaptée à la crise par l’engagement d’une réflexion concernant notamment la fixation de totaux admissibles des captures, les mesures techniques et les modalités de gestion des quotas de pêche.

Union pour la Méditerranée

Lancer le grand projet de l’Union pour la Méditerranée et ouvrir les premiers chantiers concrets lors du Sommet de Paris des 13 et 14 juillet 2008.

Compétitivité / stratégie de Lisbonne

Renforcer la compétitivité de l’économie européenne à travers la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne rénovée ainsi que l’adoption de conclusions déterminantes en faveur des petites et moyennes entreprises comme le projet de Small Business Act de la Commission.

Crise financière

Repenser un nouveau capitalisme, fondé sur des valeurs qui mettent la finance au service des entreprises et des citoyens, sanctionner financièrement les responsables de la crise (dirigeants et traders), faire en sorte qu’aucune institution financière n’échappe au contrôle d’une autorité de régulation, organiser un sommet international de tous les principaux pays concernés, en obtenant l’union des pays européens, œuvrer enfin pour éliminer les paradis fiscaux.

Recherche

Accélérer la construction d’un véritable espace européen de la recherche par l’adoption de conclusions sur la stratégie de programmation conjointe, la mobilité des chercheurs et la stratégie de coopération internationale puis lancer les travaux visant à définir une « vision à l’horizon 2020 » de la recherche européenne.

Enfin, sans être elle-même complète − l’Institut Thomas More a recensé pour sa part quelque 142 thèmes d’action assortis d’objectifs −, la liste contenue dans le programme officiel de la PFUE et reprise dans le bilan tout aussi officiel établi par le SGAE donne une idée de la notion de « présidence globale » :

1. UNE EUROPE UNIE FACE AUX CRISES ET À L’URGENCE

1.1. TROUVER UNE ISSUE À LA CRISE EN GÉORGIE

1.2. APPORTER UNE RÉPONSE RAPIDE ET COORDONNÉE À LA CRISE FINANCIÈRE

1.3. DÉGAGER LES AXES D’UNE RELANCE ÉCONOMIQUE COORDONNÉE EN EUROPE

1.4. FIXER UNE FEUILLE DE ROUTE POUR LA MISE EN OEUVRE DU TRAITÉ DE LISBONNE

2. UNE RÉPONSE EUROPÉENNE AUX PRINCIPAUX DÉFIS DU 21e SIÈCLE

2.1. L’EUROPE À L’AVANT-GARDE DE LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET POUR LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE

• Un accord historique sur le paquet « climat / énergie »

• Favoriser une croissance plus sobre en carbone

• Renforcer notre sécurité énergétique

• Atténuer les conséquences du renchérissement de l’énergie

2.2. UNE POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ADAPTÉE AUX DÉFIS DE DEMAIN

• Adopter le bilan de santé de la PAC

• Lancer la discussion sur l’avenir de la PAC

• Autres résultats liés aux politiques communes de l’agriculture et de la pêche

2.3. UNE POLITIQUE JUSTE, EFFICACE ET COHÉRENTE FACE AUX MIGRATIONS

• L’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile

• La déclinaison du Pacte en action concrètes

2.4. UN NOUVEL ÉLAN À L’EUROPE DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

• Une stratégie de sécurité pour la prochaine décennie

• Renforcer les capacités militaires et de gestion de crise, développer les instruments de l’Union européenne

• Développer des partenariats au service de la sécurité

• Faire de l’Union européenne un acteur à la pointe du désarmement et de la lutte contre la prolifération et le terrorisme

3. UNE EUROPE AU SERVICE DES CITOYENS ET DES ENTREPRISES

3.1. UNE EUROPE INNOVANTE ET COMPÉTITIVE

• L’Europe de la connaissance et de la mobilité

• Une Europe de la compétitivité garante des intérêts de ses entreprises

• Une Europe plus protectrice des intérêts des consommateurs et des citoyens

3.2. UNE EUROPE PLUS SOLIDAIRE

• Développer des politiques au service de la cohésion sociale

• Une ambition renouvelée pour la politique de cohésion

• Le développement d’une politique maritime intégrée

3.3. UNE EUROPE PLUS ATTENTIVE AUX DROITS, À LA SÉCURITÉ ET AUX ASPIRATIONS DES CITOYENS

• Un espace de liberté, de sécurité et de justice

• Une Europe plus sûre pour ses citoyens

• Une Europe de la Justice soucieuse de renforcer la protection des personnes, de faciliter le quotidien de ses citoyens et d’accroître la confiance mutuelle

• Une Europe respectueuse des droits fondamentaux et solidaire en cas de catastrophes

3.4. UNE EUROPE DE LA CULTURE, DE LA JEUNESSE ET DU SPORT

• L’engagement en faveur de la culture

• L’engagement en faveur de la jeunesse

• L’engagement en faveur du sport

4. UNE EUROPE PLUS FORTE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

4.1. PROMOUVOIR DES RÈGLES DU JEU COMMERCIALES FONDÉES SUR L’OUVERTURE ET LA RÉCIPROCITÉ

• Assurer l’accès aux marchés des pays tiers pour les entreprises européennes

• Promouvoir une concurrence internationale loyale

• Poursuivre les efforts de négociations bilatérales et réfléchir au renforcement des relations commerciales multilatérales

4.2. ELARGISSEMENT ET VOISINAGE : ŒUVRER À LA CRÉATION D’UN ESPACE DE STABILITÉ ET DE PROSPÉRITÉ

• Croatie et Turquie

• Balkans occidentaux

• Méditerranée

• Dimension orientale

• Politique de développement

• Intégrer les pays partenaires dans l’économie mondiale

4.3. CONSTRUIRE DE NOUVEAUX PARTENARIATS AVEC LES DIFFÉRENTS ACTEURS DE LA SCÈNE INTERNATIONALE

• Afrique

• Asie

• Relations transatlantiques

• Amérique latine

• Golfe

• AELE

4.4. PROMOUVOIR LES DROITS DE L’HOMME ET L’ETAT DE DROIT

3) La méthode : entre savoir-faire et créativité

a) Une redéfinition de l’équilibre entre l’intergouvernemental et le communautaire

• La question de l’équilibre entre le communautaire et l’intergouvernemental dans le fonctionnement des institutions de l’Union renvoie aux mouvements de balancier qui rythment l’histoire de la construction communautaire. Elle a manifestement connu pendant la PFUE, pour autant que l’on puisse déjà en juger avec certitude, une évolution décisive.

De l’avis général, l’effacement de la Commission européenne a été rendu plus évident que jamais, tandis que le troisième élément du triangle institutionnel, le Parlement européen, se voyait accorder par la présidence du Conseil une attention toute particulière, de nature à renforcer l’impression d’amoindrissement du poids de la Commission.

L’audition précitée de notre Représentant permanent à Bruxelles a été l’occasion pour ce dernier de nuancer cette impression : « On […] a décrit […] [la présidence française] comme une période de retour des États au détriment de la Commission. C’est excessif, même si en situation de crise les gouvernements, l’État qui apporte la garantie ultime, sont bien sûr au centre du jeu. Les États ont été mobilisés dans leur capacité d’impulsion, d’initiative, mais toujours au profit de la recherche d’une solution communautaire. Sur le plan économique et financier par exemple, il faut tout leur engagement et toute leur légitimité pour rétablir la confiance et lancer une réaction, qui doit être poursuivie par la mise en place de règles communautaires de supervision et de protection des épargnants. Quant au paquet “changement climatique”, seul l’engagement fort des États permettra de mettre en œuvre les politiques qu’impliqueront les nouvelles disciplines communautaires. »

Certes, votre Rapporteure doit reconnaître que par rapport aux présidences antérieures, y compris françaises, ces six mois ont été marqués par la recherche d’une certaine coopération entre les institutions. La présidence française étant à l’avance créditée d’un grand savoir-faire, on craignait de sa part une certaine mise à l’écart de ses partenaires. Mais elle n’a pas négligé les contacts avec la Commission. La meilleure preuve en est que le Président de la République a constamment associé M. José Manuel Barroso à ses initiatives – même si le « traitement de faveur » réservé au Parlement européen a été plus ostensible encore.

Il faut se réjouir à cet égard que le Président Nicolas Sarkozy se soit rendu trois fois à Strasbourg et les membres du gouvernement pas moins de 111 fois, ce qui constitue un record. En outre, les présidents de groupes politiques du Parlement européen ont plusieurs fois été invités à Paris, une manifestation de considération sans précédent qui a certainement facilité le travail de négociation et la mise au point des textes. M. Pierre Sellal s’est plu à rappeler devant la commission chargée des Affaires européennes qu’aucun « accrochage » avec le Parlement n’avait eu lieu de toute la présidence.

• Une autre caractéristique de la méthode mise en œuvre au cours de la PFUE a été l’ambition de restaurer la vocation du Conseil européen. Créé pour être l’instance centrale du système, il s’en était éloigné au point que ses conclusions étaient devenues une sorte de bilan semestriel d’activité au lieu de la définition d’une impulsion politique au plus haut niveau. L’ambition affichée par la présidence française de réduire leur volume des deux tiers n’était donc nullement anecdotique ; elle participait d’une volonté délibérée de rétablir le Conseil dans son rôle d’instance qui fixe un cap, décide sur l’essentiel et oriente le travail.

Il est par ailleurs très intéressant de noter à quel point la créativité a été grande en matière de formats de réunions. Non contente de réunir plus souvent qu’à leur tour les instances existantes, la présidence française a innové en créant plusieurs formats nouveaux, nécessité faisant loi. C’est ainsi que du G4 de Paris à la session extraordinaire du Conseil en passant par le sommet de l’Eurogroupe à Paris – c’était une novation que cette réunion des pays de la zone euro au niveau des chefs d’État et de gouvernement – ou le sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée, les rencontres se sont multipliées sans jamais, semble-t-il, paraître excessives aux yeux de nos partenaires. Il est vrai que le besoin de se rassurer entre soi a dû alors jouer un grand rôle.

• Enfin, dans le fonctionnement traditionnel de la coordination à 27, la présidence française a aussi cherché à innover dans le sens d’une plus grande efficacité. Votre Rapporteure a notamment pu s’en rendre compte à l’occasion d’un déplacement effectué à New York :

Initiatives prises par la présidence française
           pour améliorer la coordination à 27 à New York

– Une rationalisation des méthodes de travail

La Présidence s’est efforcée d’imposer une rationalisation des procédures de coordination, visant à raccourcir les délais et à permettre une certaine marge de manœuvre de la présidence : par exemple avec la suppression de l’une des étapes de la « procédure de silence », l’élaboration de la version finalisée des déclarations sous la seule responsabilité de la présidence, la lecture en séance de versions abrégées des déclarations (une version « papier » plus longue étant distribuée en salle), et la pratique, chaque fois que possible, du « partage du fardeau » (« burden sharing ») avec les partenaires, permettant à la présidence de se concentrer sur la coordination et les initiatives spécifiques de l’Union européenne.

– Une application plus dynamique de la coordination

Les réunions hebdomadaires au niveau des conseillers politiques ont été consacrées à un compte rendu des activités du Conseil de sécurité durant la semaine précédente, ce qui devait permettre une approche plus prospective lors des réunions au niveau des chefs de mission et une meilleure prise en compte des positions des partenaires non membres du Conseil de sécurité pour les réunions à venir. En outre, consigne a été donnée aux experts « géographiques »  de la mission de se tenir à la disposition de leurs collègues à l’issue de chaque réunion du Conseil de sécurité.

– Le maintien de positions fermes lorsque des principes fondamentaux du droit international ou les positions de principe de l’Union sont remis en question, afin que l’Union européenne soit non seulement appréciée comme « l’artisan du consensus », mais que (forte d’une quarantaine de voix avec les pays associés), elle sache également se faire « respecter » : par exemple par la demande d’un vote en juillet 2008 sur la résolution du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) relative à l’assistance humanitaire, face au refus du G77 d’inclure une référence à l’accès aux victimes, ou encore par le report de la Troïka avec l’ASEAN, dès lors que cette organisation avait refusé que soit évoquée la situation en Birmanie.

– L’organisation durant l’Assemblée générale d’un séminaire, présidé par le ministre et en présence du Secrétaire général de l’ONU, mettant en valeur la coopération entre l’Union européenne et l’ONU dans le domaine de la paix et de la sécurité.

– La tenue chaque mois d’un déjeuner « stratégique » au niveau des chefs de mission. Ces déjeuners sont l’occasion d’échanges en vue de l’élaboration (sous l’égide conjointe de la présidence et du secrétariat du Conseil) d’un document, évolutif, sur les modalités d’une meilleure visibilité et d’une plus grande efficacité de l’Union au sein des Nations unies.

On retiendra les principales orientations et recommandations suivantes :

– l’identification, dès le début des sessions, des thèmes et résolutions-clefs sur lesquelles l’Union européenne entend concentrer son énergie et sa capacité d’influence, et les initiatives d’autres groupes nécessitant au contraire une vigilance particulière de l’Union ;

– la promotion des échanges avec les autres organisations ou groupes régionaux (en particulier l’Union africaine), et la recherche d’initiatives conjointes ou « trans-régionales » permettant de donner une assise plus large à nos priorités (et, par exemple, de renouveler le succès de notre proposition, l’an dernier, en faveur d’un moratoire sur la peine de mort) ;

– le besoin d’une supervision au niveau « politique » du débat budgétaire, afin de s’assurer que les préoccupations en matière de discipline budgétaire demeurent en cohérence avec les priorités politiques de l’Union ;

– l’élaboration d’une véritable politique de relations publiques et de communication sur les réalités de l’Union européenne et sa contribution à l’ONU, avec l’invitation plus régulière du Secrétaire général de l’ONU à Bruxelles, par exemple pour participer à une réunion du COREPER ; idem pour le Président du Conseil de sécurité. Avec également la constitution et la diffusion d’une fiche d’information régulièrement actualisée sur l’UE à l’ONU. Avec enfin l’identification précise des ressortissants de l’Union européenne occupant des postes de responsabilité au sein du Secrétariat.

Lorsque se confirmera la perspective d’une entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, devra également être poursuivie une réflexion sur le statut du Secrétariat du Conseil et de la Commission à l’ONU, et, dans le nouveau schéma institutionnel, de la répartition des rôles dans la présentation des positions de l’Union au sein des principales réunions de l’Organisation. Ces initiatives devront évidemment être poursuivies et prolongées par les prochaines présidences.

Source : secrétariat général de la PFUE à New York.

b) Un constant souci d’adaptation

Rarement l’adage selon lequel la réussite d’une présidence du Conseil de l’UE se mesure à l’aune de sa capacité à faire face à l’imprévu aura été autant vérifié qu’au second semestre de 2008.

À cet égard, M. Pierre Sellal a pertinemment fait la lumière sur la remarquable propension de la présidence française à articuler le programmé et l’imprévu. Certains dossiers ont ainsi obéi au calendrier très rigoureux qui avait été fixé. Ce fut le cas de la politique européenne de sécurité et de défense : tout au long de ces six mois, il s’est d’abord agi de faire émerger une analyse commune sur les menaces encourues, puis de réunir un consensus sur les capacités nécessaires, et donc sur leur insuffisance actuelle, et enfin de définir des voies d’action – complémentarité avec l’OTAN, organisation interne… Ce programme rigoureusement respecté a permis à la défense européenne de franchir une étape supplémentaire.

D’autres dossiers ont été en revanche complètement bouleversés par les événements. Ainsi, alors qu’une des priorités du mandat français devait être la mise en place du traité de Lisbonne pour le 1er janvier 2009, l’objectif est soudain devenu, au lendemain du 12 juin, de réunir les conditions pour permettre aux autorités irlandaises de lancer une deuxième consultation dans des délais compatibles avec les besoins institutionnels.

Sur d’autres sujets enfin, il a fallu estimer à quel point les événements modifiaient ou non la programmation établie. Ainsi, la PFUE a pu puiser dans la crise géorgienne un surcroît de mobilisation en faveur de la défense européenne et un moyen d’affirmer l’Europe en tant qu’acteur international. En sens inverse, la crise économique et financière a fait craindre, à l’automne, que la lutte contre le réchauffement climatique soit brusquement reléguée au second plan, alors même que les négociations devaient s’intensifier pour qu’un accord fût envisageable au Conseil européen de décembre. L’art de la PFUE a ici consisté à réaffirmer la priorité environnementale initiale, tout en rendant sa mise en œuvre soutenable dans le contexte économique nouvellement créé.

L’un des succès les plus attendus, les plus menacés et les plus célébrés de la présidence française aura été l’accord intervenu au Conseil européen de décembre sur le « paquet climat-énergie », adopté dans la foulée par le Parlement européen. En termes de méthode, d’adaptation permanente et de pilotage fin, ce dossier est exemplaire. En effet, lorsqu’un grand pays assure la présidence de l’Union, on craint toujours qu’il fasse « cavalier seul » ou qu’il privilégie ses grands partenaires. Cela n’a pas été le cas pour ce qui est du « paquet climat-énergie ».

Le Conseil européen d’octobre était censé préparer une prise de décision en décembre alors même que, la crise économique débutant, de nombreux pays doutaient de sa pertinence – la Pologne, mais aussi l’Allemagne ou l’Italie avaient fait part de leurs hésitations. Le Président Nicolas Sarkozy a alors déclaré qu’il ne chercherait pas à obtenir une décision à la majorité mais qu’il voulait un consensus, en s’engageant à trouver une réponse pour chacun. « C’était prendre un risque considérable », selon M. Pierre Sellal. « Compte tenu de la difficulté du dossier, beaucoup pensaient que l’unanimité bloquerait toute décision. Mais tout au contraire, si la présidence avait cherché une majorité, des alliances se seraient formées et les positions durcies jusqu’au blocage. En l’occurrence, l’assurance qu’un consensus serait recherché a rendu les négociations beaucoup plus fluides et malgré l’importance de l’enjeu, l’accord a été trouvé en décembre sans le moindre drame, avec le plein soutien du Parlement européen dont les prérogatives auront été pleinement respectées… La visite du Président de la République à Gdansk a d’ailleurs probablement contribué à convaincre les pays que le paquet “changement climatique” mettait en difficulté, que leurs points de vue seraient pris en considération. »

Cette présidence a donc été marquée à la fois par l’ambition et par le compromis. Ainsi que l’a remarqué le Président de la République, l’un favorise l’autre car si l’on ne poursuit que des objectifs restreints, rien ne justifie qu’on bouscule les positions nationales… La volonté de compromis de la France, sa capacité à tenir compte des positions de chacun a permis de tenir le cap sans jamais rabattre à l’excès les ambitions fixées au départ. Cela est très net à propos du « paquet climat-énergie » dont aucun des objectifs emblématiques n’a été abandonné.

*

En se montrant à la hauteur des grandes ambitions placées en elle, la présidence française du Conseil de l’UE a constitué un réel succès pour la France comme pour l’Union. Il importe désormais de faire croître et embellir ce qui a été semé, de surmonter ainsi les quelques regrets que laissera la PFUE et surtout, d’élever le regard pour le porter à l’échelle du monde.

II – UN SUCCÈS QUI OBLIGE

A – L’affirmation de la PFUE dans l’imprévu des crises mondiales

La préparation d’une présidence du Conseil de l’Union comprend, entre autres passages obligés, la publication du calendrier prévisionnel des principales réunions du semestre, formelles ou informelles. Ainsi qu’il est de tradition communautaire, rien n’était prévu en août 2008… or la présidence s’est alors impliquée au plus haut point dans la crise en Géorgie, avec notamment la convocation d’un Conseil « affaires générales » extraordinaire le 13 août. Et le 1er septembre, là où le calendrier prévisionnel ne mentionnait qu’une réunion ministérielle informelle sur les transports, s’est tenu un Conseil européen extraordinaire sur cette crise géorgienne.

De même, rien n’était prévu les week-ends des 4 et 5 octobre, puis des 11 et 12 octobre. Or les réunions aux formats les plus innovants ont été convoquées par la présidence pour traiter de la crise financière et stopper la propagation de l’onde de choc américaine dans la sphère bancaire et financière. C’est ainsi que s’est tenu, pour la première fois, un Sommet de l’Eurogroupe au niveau des chefs d’État et de gouvernement, à Paris, le dimanche 12 octobre. Une réunion informelle des 27 chefs d’État et de gouvernement a également été organisée le 7 novembre pour préparer la réunion du G 20 aux États-Unis. Ce que l’on peut appeler « l’esprit de coordination » a en l’occurrence fonctionné à merveille.

À bien y réfléchir, l’image du calendrier (5) est des plus éloquentes : la PFUE s’est en apparence coulée dans le moule du fonctionnement habituel de l’Union mais elle lui a donné une dimension mondiale totalement inédite.

1) La démonstration par les crises

a) La crise géorgienne ou l’Europe pacificatrice

Bien que le conflit couvât depuis longtemps en Géorgie et que l’éventualité d’une guerre fût connue des observateurs les plus avisés, le déclenchement effectif des hostilités a pris le monde par surprise. Sans prétendre que tout soit réglé dans le conflit qui a éclaté au début du mois d’août dernier entre la Géorgie et la Russie, il est possible d’établir une chronologie du règlement obtenu sous présidence française :

CHRONOLOGIE DE L’INTERVENTION DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE
DU CONSEIL DE L’UE DANS LE RÈGLEMENT DE LA CRISE GÉORGIENNE

12 août 2008

Conclusion du cessez-le-feu. Plan en six points.

18 août

Conférence de presse de M. Kouchner : la France se mobilise sur la mise en œuvre du suivi de l’accord de cessez-le-feu.

19 août 

Déclaration : vers le renforcement de la présence de l’UE en Géorgie.

22 août

L’aide humanitaire française en Géorgie s’élève à 1,4 million d’euros.

23 août

Entretien téléphonique de M. Bernard Kouchner avec Mme Condolezza Rice et M. Alexander Stubb.

27 août

Déclaration des ministres des Affaires étrangères d’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de France, d’Italie, du Japon et du Royaume-Uni.

1er septembre

Conseil européen extraordinaire.

3 septembre

La France rappelle son attachement à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la Géorgie.

9 septembre

Accord sur la mise en œuvre du plan en six points.

11 septembre

Annonce de la rencontre de Genève du 15 octobre.

22 septembre

Déploiement des observateurs de l’UE en Géorgie : la France premier contributeur

24 septembre

La mission d’observation de l’Union européenne en Géorgie pourrait compter environ 300 observateurs.

9 octobre

Adoption de la résolution 1839 au Conseil de sécurité : le mandat de la Mission d’observation des Nations unies en Géorgie est renouvelé.

10 octobre

La Mission de surveillance de l’UE en Géorgie compte plus de 300 observateurs sur le terrain.

16 octobre

Annonce : les discussions reprendront le 18 novembre.

22 octobre

Conférence internationale des donateurs pour la reconstruction de la Géorgie à Bruxelles : 3,4 milliards d’euros levés.

Pour sortir de la crise, la présidence française a su imposer une ligne équilibrée de reprise des relations avec Moscou et de renforcement des relations avec la Géorgie. Le Conseil européen du 1er septembre avait évité d’entrer dans un débat sur de possibles « sanctions » contre la Russie, mais avait décidé le « report » des négociations du nouvel accord UE-Russie – lancées en juillet dernier après deux ans de blocage polono-lituanien – jusqu’au retrait des troupes russes.

La présidence française a géré les choses avec habileté, sous la houlette du Représentant permanent Pierre Sellal. Elle a fait noter par le Conseil européen d’octobre, sans débat de fond, que l’évaluation approfondie de la relation UE-Russie demandée par le Conseil européen du 1er septembre en vue du prochain Sommet avec la Russie, devrait être « prise en compte dans la poursuite des négociations ». Il a également été noté que le « report » n’était pas une « suspension » et qu’il n’y avait donc pas besoin d’une décision unanime pour reprendre les négociations. La présidence a enfin plaidé, avec la Commission européenne, pour une stratégie de dialogue et d’interdépendance avec la Russie, dès lors que celle-ci avait respecté l’essentiel de ses engagements. C’est ce qui a permis, moyennant une déclaration au ton ferme adoptée par la présidence lors du Conseil Affaires générales du 10 novembre, d’annoncer au sommet UE-Russie de Nice, le 14 novembre, la reprise des négociations du nouvel accord.

Selon M. Maxime Lefebvre, dans un récent article (6) consacré à ce sujet, « On a dit parfois qu’aucune autre présidence n’aurait réussi cette opération, soit parce qu’un pays trop petit aurait été trop peu respecté par la Russie, soit parce qu’un autre grand pays (Royaume-Uni, Italie, Allemagne) aurait été trop soupçonné de parti pris envers l’un ou l’autre des belligérants. La France a tiré parti de son poids, de son faible intérêt direct dans la région, de son relatif équilibre entre les deux parties, de sa détermination (son leadership, comme disent si bien les Anglo-Saxons), et aussi de la paralysie de l’administration américaine sortante. Il est étonnant de voir combien l’OTAN s’est retrouvée dans toute cette affaire à la remorque de l’Union européenne, sur-réagissant lors de la ministérielle du 19 août (en coupant la coopération avec Moscou), puis faisant d’autant plus machine arrière à la ministérielle de décembre, et ne jouant finalement dans tout le conflit qu’un rôle de figurant. »

Même si une telle vision est assez largement partagée, il est des commentateurs qui adoptent un ton nettement plus critique, à l’image de M. Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut français de géopolitique (7) :

« Avec le recul et conformément aux analyses les plus pessimistes, le plan Medvedev-Sarkozy (12 août 2008) s’est révélé favorable à la partie russe qui a su en exploiter au mieux les silences et les imprécisions. L’activisme et la surestimation de son poids propre, aggravés par l’obsession du “prime time”, se sont heurtés à la volonté politique russe et au savoir-faire diplomatique de ce pays. ».

L’intérêt d’une telle divergence de vues pour le propos de votre Rapporteure réside dans ce qu’elle révèle de la perception du poids de l’Union européenne sur la scène mondiale. En effet, selon M. Jean-Sylvestre Mongrenier : « En définitive, le bilan de la présidence française et les évolutions en cours illustrent le fait que la ruse ne saurait pallier les insuffisances de la force. Ce n’est pas en manipulant les procédures et en affaiblissant les institutions que l’on renforcera la solidité et la cohésion de l’UE. Le bonapartisme et l’occasionnalisme ne sont pas des méthodes de gouvernance adaptées à un vaste ensemble multinational. »

À l’inverse, M. Maxime Lefebvre estime qu’« Au total, la présidence française a été une réussite à l’Est parce qu’elle s’est montrée sincère, et même désintéressée, dans ses engagements, et parce qu’elle a su réagir aux événements avec une bonne dose d’à-propos, sachant mesurer les risques et les chances. Pour la France, c’est un gain de crédit considérable, à la fois aux yeux de nos partenaires dans l’UE et aux yeux des pays de la région. L’enjeu est à présent de capitaliser sur la durée à partir de ces acquis, une fois les responsabilités de la présidence abandonnées. »

Dans ce débat qu’il serait prématuré de clore, votre Rapporteure est clairement d’avis que la magistrale et courageuse intervention de la présidence française, dont la chronologie ci-dessus rappelée suffit à démontrer la portée, restera comme un vibrant témoignage de tout ce que peut faire l’Union européenne lorsqu’elle est animée par une volonté politique suffisante. Dans un autre registre, la gestion de la crise financière, dans la phase la plus aiguë survenue cet automne, a permis d’observer le même volontarisme et le même sang-froid.

b) La crise financière ou l’Europe régulatrice

Sur le sujet de la crise financière, pas davantage que sur le précédent, votre Rapporteure ne prétend au traitement exhaustif (8) mais souhaite privilégier l’analyse d’une méthode et les leçons qu’il est possible d’en tirer pour l’avenir de l’Union européenne. Aux dérégulations excessives de l’appareil financier et aux défaillances de la supervision des institutions bancaires et des établissements de crédit, dont les effets de contagion sont planétaires, la réponse coordonnée des gouvernements européens, en association avec la Banque centrale européenne et avec la Commission, a permis de démontrer l’efficacité de l’Union :

− le premier acte de la réponse à la « grave crise de confiance [qui] ébranle l’économie mondiale et l’activité financière » a été une lettre du Président Nicolas Sarkozy aux autres membres du Conseil européen, en date du 3 octobre ;

− le lendemain, samedi 4 octobre, un sommet a réuni les chefs d’État et de gouvernement de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et de la France, ainsi que le Premier ministre du Luxembourg, président de l’Eurogroupe, le président de la Commission européenne et le président de la Banque centrale européenne, au palais de l’Élysée ;

− il a débouché le 6 octobre sur une déclaration des 27 chefs d’État et de gouvernement relative à la stabilité du système financier ;

− le Conseil Ecofin du 7 octobre a naturellement traité de la question ;

− le dimanche 12 octobre, M. Nicolas Sarkozy, accompagné du président de la Commission européenne, du président de l’Eurogroupe et du président de la Banque centrale européenne, a reçu M. Gordon Brown, Premier Ministre du Royaume-Uni. Puis s’est réuni un « Sommet de l’Eurogroupe » au niveau des chefs d’État et de gouvernement.

Avec ce Sommet, la zone euro est apparue comme un pôle attractif de convergence au sein de l’Union européenne, au niveau politique, tout en faisant valoir dans le domaine économique et financier la force que représente, face aux turbulences, la monnaie unique pour les pays qui la partagent. S’est alors naturellement posée la question de savoir s’il fallait envisager d’organiser de nouveau, à l’avenir, des réunions des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. S’exprimant devant le Parlement européen, le 21 octobre, le Président Nicolas Sarkozy a affirmé : « la seule réunion des ministres des finances n’est pas à la hauteur de la gravité de la crise », ajoutant : « il n’est pas possible que la zone euro continue sans un gouvernement économique clairement identifié ». L’Eurogroupe n’étant pas, à ce jour, une institution européenne mais une réunion périodique informelle, rien n’empêche les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro de se rencontrer de nouveau, même s’il paraît par définition impossible qu’une telle réunion soit organisée par un chef d’État ou de gouvernement qui ne fait pas partie de la zone euro. Votre Rapporteure est persuadée que l’intuition du Président de la République est la bonne ; l’Union a besoin, pour garantir la cohésion de la zone euro et améliorer les réponses à la crise, d’un Eurogroupe doté du pouvoir d’impulsion politique suffisant. Que la présidence française elle-même n’ait pas voulu l’imposer aussitôt, pour éviter de prêter le flanc au soupçon d’un quelconque « coup de force », est compréhensible. La nécessité de cette évolution institutionnelle n’en est pas moins évidente aujourd’hui.

Le Conseil européen qui a réuni les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-sept les 15 et 16 octobre a entériné, à l’échelle de l’Union tout entière, les décisions prises le 12 octobre par les États de la zone euro. Les conclusions du Conseil européen indiquent : « Le Conseil européen salue le plan d’action concerté des pays de la zone euro du 12 octobre, dont il fait siens les principes. […]. Le Conseil européen réaffirme l’engagement qu’en toutes circonstances les mesures nécessaires seront prises pour préserver la stabilité du système financier, soutenir les institutions financières importantes, éviter les faillites et assurer la protection des dépôts des épargnants. […] Le Conseil européen considère que les mesures de soutien aux institutions financières en difficulté devraient s’accompagner de mesures permettant d’assurer la protection des contribuables, la responsabilisation des dirigeants et des acteurs de marché ».

Le Conseil européen des 15 et 16 octobre a décidé, conformément à ce qu’avaient préconisé les États de la zone euro, la mise en place d’un « mécanisme informel d’alerte, d’échange d’informations et d’évaluation (cellule de crise financière) [associant] des représentants de la Présidence en exercice, du Président de la Commission, du Président de la BCE (en liaison avec les autres banques centrales européennes), du Président de l’Eurogroupe et des gouvernements des États membres. Il […] pourra être activé à tout moment par un État membre confronté à une crise et assurera l’information immédiate et confidentielle des institutions et de tous les États membres. Il permettra aussi de veiller à la bonne coordination des actions entreprises ou à entreprendre ».

Comme le souligne notre collègue Daniel Garrigue dans son rapport précité, « l’Union européenne s’est ainsi dotée d’une doctrine, d’un plan et d’une cellule de crise ». L’impact de ce plan européen a été considérable, puisque les autorités américaines ont modifié, en s’en inspirant directement, leur dispositif national de sauvetage. La réponse de l’Union européenne aux conséquences de la crise financière se devait également d’être très ferme dès lors que la solidarité entre les États membres de l’Union se trouvait mise en jeu, ce qui a été le cas dans l’aide apportée à l’un d’entre eux, la Hongrie.

La conclusion de cet épisode – pour la période couverte par la PFUE – a été la réponse apportée à la crise sous la forme des « plans de relance » des États membres dont une « version consolidée » et augmentée de moyens proprement communautaires a été approuvée au Conseil européen de décembre :

Le « plan de relance » à l’échelle de l’Union européenne

Le plan qui a été proposé par la Commission européenne le 26 novembre 2008 comporte deux piliers :

– le premier « pilier » consiste à prévoir une injection de pouvoir d’achat dans l’économie pour stimuler la demande et restaurer la confiance ; la Commission propose que les États membres et l’Union européenne s’accordent sur une « impulsion budgétaire immédiate » d’un montant total de 200 milliards d’euros (1,5 % du PIB de l’Union), à raison de 170 milliards d’euros provenant des budgets nationaux et de 30 milliards d’euros de financements communautaires (budget de l’Union européenne et prêts de la Banque européenne d’investissement).

Les mesures budgétaires nationales doivent être rapidement adoptées, temporaires, ciblées et coordonnées. Pour tenir compte des situations différentes dans les États membres, la Commission européenne suggère une panoplie de mesures possibles, dont plusieurs ont effectivement déjà été prises ou sont envisagées dans certains États membres (comme par exemple l’accroissement provisoire des transferts en faveur des chômeurs, des mesures incitatives pour promouvoir l’efficacité énergétique, des réductions de charges sociales pour les employeurs…). De plus, la Commission européenne réitère la nécessité pour les États membres de poursuivre en dépit des conditions difficiles, des réformes structurelles ;

– le second « pilier » obéit à des objectifs de plus long terme en proposant un programme d’« investissements intelligents » conformes à la stratégie de Lisbonne, portant notamment sur les infrastructures de transport et d’énergie, l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments, et les investissements en matière d’éducation et de recherche-développement.

La Commission européenne propose en particulier de lancer trois grands partenariats entre les secteurs public et privé pour soutenir l’innovation dans l’industrie : dans le secteur automobile, une « initiative européenne en faveur des voitures vertes » ; dans le secteur de la construction, une initiative en faveur de bâtiments économes en énergie ; et une « initiative concernant les usines du futur » susceptible de concerner tous les secteurs de l’industrie manufacturière, en particulier les PME.

En complément des actions qui seront entreprises par les États membres, la Commission européenne propose de simplifier les critères d’utilisation du Fonds social européen et d’accélérer le versement de ses crédits, et de revoir les règles du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation. Ce cadre proposé par la Commission européenne a été approuvé par les États membres lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre.

Source : Daniel Garrigue, rapport d’information précité.

De l’une comme de l’autre de ces deux crises, de nature très différente, une conclusion commune peut être tirée, dont votre Rapporteure se réjouit qu’elle ait dépassé la sphère des « spécialistes » ou des « Européens convaincus » à l’occasion de la présidence française, pour intéresser l’opinion publique : celle de l’Europe politique comme seule voie d’avenir pour l’Union.

2) La nécessité d’une Europe politique

À l’appui de la présentation de son étude sur le bilan de la présidence française, l’Institut Thomas More a publié un éditorial consacré à la question du « retour du politique en Europe » à l’occasion de la PFUE. On peut y lire : « Nicolas Sarkozy entendait bien “faire de la politique” et obliger, à son corps défendant si besoin devait être, l’Union européenne à en faire. Que faut-il entendre par là ? Institutionnellement, revaloriser le Conseil par rapport à la Commission. Pratiquement, obliger les responsables européens et la lourde machinerie bruxelloise à changer leurs manières de voir et leurs manières de faire, repolitiser les débats, les décisions et les responsabilités aux yeux des citoyens […]. La politisation de l’Europe devait être la meilleure réponse à apporter à la désaffection et à la méfiance des populations, manifestées par trois référendums perdus en trois ans. Pour le dire comme nous le pensons, il y avait du vrai dans tout cela. »

L’auteur précise que la gestion de deux crises évoquées plus haut est venue s’ajouter à la réalisation du copieux programme de travail de la présidence. La référence à la personne du Président s’impose évidemment : « On l’a beaucoup dit, Nicolas Sarkozy “aime” l’état de crise en ce qu’elle le galvanise et met au jour ses qualités de décideur et de “doer” (9). Et force est de constater que face aux deux incendies sévères qui se déclarèrent, il fut un pompier efficace. »

Vu sous cet angle, le bilan de la PFUE est vite troussé mais présenté non sans intérêt :

« Sur les dossiers […] qui constituaient le gros du programme de travail de la présidence française, un réel volontarisme permit d’aboutir à des résultats tangibles. Le pacte sur l’immigration fut signé à l’unanimité dès le Conseil d’octobre. Le bilan de santé de la PAC fut adopté sans psychodrames – ce qui est à remarquer tant on s’était habitué à ce que les dossiers agricoles provoquent des crises de nerfs à répétition Conseil après Conseil. Un compromis sur le paquet énergie-climat fut accouché dans la douleur le 12 décembre, incomplet et trop peu ambitieux pour certains, mais méritoire dans le contexte de ralentissement économique et surtout pionnier à l’échelle planétaire. La relance du processus d’adoption du traité de Lisbonne fut entérinée grâce à un accord trouvé avec les Irlandais – et il est à noter que cette relance est passée par les États et les responsables gouvernementaux, non par le retour à l’“esprit communautaire” tant vanté par certains ; c’est la prise en compte des revendications nationales irlandaises par le collège des chefs d’États et de gouvernement qui a permis de déboucher sur un accord : ce qui constitue d’une certaine manière la validation de la “méthode Sarkozy” qui veut que l’Europe “fasse de la politique”. »

Le panorama est complété par l’évocation de « dossiers moins spectaculaires », tels que la gestion concertée de la pêche européenne, l’instauration d’un « Small Business Act européen (certes moins ambitieux qu’on aurait pu l’espérer) », ou encore l’espace européen de la recherche. Sur le thème de l’Europe de la défense, tout en soulignant le fait qu’aucune grande initiative n’ait été lancée, le choix de « la relance par de petits dossiers concrets (nouvelle flotte d’hélicoptères, plan d’évacuation des ressortissants européens, Erasmus militaire, lutte contre la piraterie maritime) » est également approuvé, sinon salué.

Si le consensus peut aisément se faire sur le constat d’une présidence éminemment politique, vient ensuite la question cruciale des prolongements possibles et du legs, pour l’Union à 27, d’une présidence de six mois seulement. Votre Rapporteure avait déjà abordé cette question dans le cadre de son rapport d’information de novembre dernier (10) ; la fin de la PFUE, le relais pris par la présidence tchèque dans un contexte mondial difficile, l’avènement aux États-Unis de « l’administration Obama » ne font que renforcer les conclusions de cette analyse : tant les enjeux à aborder que le fonctionnement interne de l’Union européenne exigent une Europe politique et un volontarisme au sommet.

B – Des pistes pour une Union européenne conquérante

1) Des regrets à surmonter

Dresser un bilan par trop idyllique de la présidence française susciterait à juste titre des reproches sur le mode de l’aveuglement ou de la partialité. Or quelques regrets sont certes à formuler à l’égard de la PFUE. Non pas pour tout ce qui a été accompli, et qui est considérable, comme l’a montré la première partie du présent rapport ; mais pour ce qui n’a pu l’être, pour quelques hautes ambitions incomplètement satisfaites, et qui sont autant d’incitations à penser l’Union européenne comme un acteur qui doit encore progresser pour se hisser sur la scène mondiale autrement que par épisodes, si remarquables soient-ils − à l’image des deux crises qui viennent d’être évoquées.

Comme l’ambassadeur Pierre Sellal lui-même l’a reconnu lors de son audition à l’Assemblée nationale en janvier, on aurait aimé parfaire le bilan de la PFUE sur quelques dossiers. On songe en particulier à l’Union pour la Méditerranée, lancée par un beau succès diplomatique lors du Sommet réuni à Paris le 13 juillet dernier et dont votre Rapporteure a dit dans le rapport d’information précité combien ce nouveau paradigme des relations Nord / Sud lui paraissait fondamental. Cette analyse demeure ; il est regrettable que les nouvelles solidarités concrètes n’aient pu se nouer suffisamment tôt pour commencer à la faire prospérer dès aujourd’hui, au lieu de quoi c’est avec une certaine impuissance que l’Union européenne a dû assister au récent conflit dans la bande de Gaza.

De façon moins tragique, il faut aussi regretter que l’échec des négociations commerciales à Genève en juillet, dans le cadre du cycle de Doha – qui n’est nullement imputable à l’Union européenne puisqu’elle s’était, au contraire, montrée disposée à des concessions importantes pour favoriser un compromis –, n’ait pas été l’occasion de redéfinir notre stratégie commerciale à 27, dans la perspective d’une conclusion du cycle qu’il faut ardemment souhaiter.

En outre, la contrepartie d’un calendrier bousculé par l’imprévu et du nouvel environnement économique international créé par l’aggravation brutale de la crise financière a été, dans le domaine de la réflexion sur les politiques communes – dont la Politique agricole commune au premier chef –, la part trop succincte prise par la préparation de l’après-2013, au-delà du cadre financier pluriannuel actuellement en vigueur. Cette réflexion prospective ne peut se concevoir de manière déconnectée de la négociation à prévoir sur le futur budget communautaire, et ce sujet-là, lui non plus, n’était pas mûr à l’automne dernier.

Enfin, les inquiétudes nourries à l’heure actuelle quant à la mobilisation des électeurs à l’occasion du scrutin du 7 juin prochain, pour l’élection des députés français au Parlement européen, montrent que le semestre de présidence française a sans doute été insuffisamment mis à profit pour développer une véritable pédagogie de l’Union européenne à l’adresse de nos concitoyens. Or il s’agit à l’évidence d’un socle indispensable pour toute consolidation de l’idée européenne, pour toute appropriation de l’identité européenne au cœur même de la population.

Ces exemples montrent que le bilan était perfectible – comment ne l’aurait-il pas été ? – mais quel que soit le degré d’ambition de toute présidence à venir, il ne pourra qu’être mieux atteint avec des institutions simplifiées et rendues plus efficaces grâce au Traité sur le fonctionnement de l’UE issu du Traité de Lisbonne.

2) Le Traité de Lisbonne à appliquer

Les traits saillants de l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne sur la scène internationale sont connus ; ils étaient déjà contenus dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe et figurent aujourd’hui dans le Traité de Lisbonne en attente de ratification complète :

– le Traité contient la reconnaissance explicite de la personnalité juridique de l’Union européenne, qui est de nature à résoudre la plupart des problèmes de représentation unifiée de l’UE dans les organisations internationales auxquels ses États membres appartiennent ;

– la création d’un président stable du Conseil européen, détenteur d’un mandat renouvelable de deux ans et demi, doit permettre d’éviter qu’une présidence forte soit remplacée six mois plus tard par un titulaire n’ayant ni les moyens ni l’ambition de se maintenir au même niveau, à la fois dans les rapports internes entre institutions de l’Union, et vis-à-vis de l’extérieur ;

– l’institution d’un nouveau Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également vice-président de la Commission, qui veillera à la cohérence de l’action extérieure de l’Union en s’appuyant sur un nouveau service européen pour l’action extérieure, est le miroir de la création d’une présidence stable. Ce Haut représentant serait son véritable « ministre des Affaires étrangères ». Le service européen pour l’action extérieure se composera de fonctionnaires du Conseil, de la Commission et des services diplomatiques des États membres ;

− accessoirement, la plupart des dispositions sur les relations extérieures contenues dans les traités en vigueur sont regroupées dans un titre unique du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ce qui en facilitera la lisibilité et renforcera la cohérence de l’action de l’Union ;

− enfin, ce traité introduit une base juridique spécifique pour l’aide humanitaire. Cette stipulation insiste sur l’application des principes du droit international, ainsi que des principes d’impartialité, de neutralité et de non-discrimination. Le traité prévoit en outre la création d’un corps de volontaires européens d’aide humanitaire.

Le Traité de Lisbonne a été complètement ratifié par 23 États membres sur 27. Outre le « non » au référendum irlandais du 12 juin dernier – le nouveau référendum dont principe a été entériné sous présidence française devrait être organisé en octobre –, le Président polonais n’a pas encore signé l’instrument de ratification après le vote positif du Parlement en avril dernier, la décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande préalable à la signature du Président devrait être rendue cet été ; enfin, le fait que la République tchèque assume, ce semestre, la présidence de l’Union, laisse espérer une ratification à brève échéance.

En ligne avec son rapport de novembre dernier, votre Rapporteure estime que la mise en œuvre de ces nouvelles stipulations une fois entrées en vigueur devra s’effectuer selon le principe : « tout sauf le statu quo ». En particulier, la mise en place effective des nouvelles modalités de représentation extérieure devra s’accomplir en ayant pleinement intégré le gigantesque « saut qualitatif » qui aura été accompli sous présidence française. Assurer un véritable « continuum politique » dans la gestion de crise, par exemple, doit désormais relever de l’évidence. Par ailleurs, le choix des personnalités chargées d’incarner l’Union dans le monde devra être réfléchi et ambitieux.

3) L’Europe dans le monde : des normes et des valeurs à promouvoir dans le cadre d’une nouvelle relation transatlantique

Votre Rapporteure a esquissé dans le rapport d’information précité de l’automne dernier un certain nombre de pistes pour que l’Europe soit le fer de lance d’une nouvelle éthique de la mondialisation. Le présent rapport, centré sur le bilan de la présidence française, n’a pas vocation à les évoquer de nouveau, sinon pour en confirmer la validité en insistant sur le fait qu’il n’y aura pas de « refondation » de la mondialisation sans refondation sociale, en ces temps de crise d’ampleur planétaire.

Ce qui était encore très indécis – et pour cause – en novembre 2008 et qui est en train de prendre corps, est la nouvelle doctrine diplomatique américaine caractérisée par le concept de « smart power ». Le journaliste Jacques Charmelot en a récemment livré une analyse (11) très intéressante, notamment en ce qu’elle insiste sur les conséquences pour l’Union européenne de cette nouvelle doctrine, en forme de défi intellectuel ou de saine émulation. Il indique en particulier que « l’Europe doit prendre rapidement la mesure de la révolution, dans les idées et dans les faits, qui s’opère aux États-Unis. Elle doit trouver une réponse qui fasse d’elle un partenaire à part entière et non pas un embarras, voire un obstacle. »

L’auteur rappelle combien l’Europe et ses États membres souffrent depuis toujours de la difficulté de se mettre d’accord dans le domaine de l’action internationale, à formuler des stratégies unitaires et à parler d’une seule voix, prenant en exemple la récente crise à Gaza. Or la conférence sur la sécurité de Munich des 6-8 février a été l’occasion pour les responsables américains de présenter à leurs partenaires européens le nouveau visage de leur diplomatie. M. Charmelot indique à cet égard que ces responsables y « ont eu tout loisir d’articuler de manière concrète la théorie du “smart power”, et de proposer un retour ambitieux de l’internationalisme libéral. Ils ont pu ouvrir leur boîte à outils, et demander aux Européens d’en faire autant. Il s’agit d’un sérieux défi lancé à l’Union européenne, et elle ne doit pas arriver les mains vides. Nous devons être capables de faire des offres de coopération à la hauteur de la volonté de dialogue affichée par la nouvelle direction américaine. »

Toutefois, votre Rapporteure est d’accord avec l’auteur pour estimer que le vrai rendez-vous entre l’Amérique et l’Europe se tiendra début avril prochain à Strasbourg et à Kehl, à l’occasion du sommet de l’OTAN et du soixantième anniversaire de l’Alliance atlantique, qui marquera le premier déplacement en Europe de M. Barack Obama. C’est alors, à n’en pas douter, que seront énoncées les modalités de la relance de la coopération transatlantique.

Dans cette perspective, la France et l’Allemagne ont déjà fait un effort de clarification : le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont signé une lettre commune publiée dans Le Monde et la Süddeutsche Zeitung le 5 février dernier, où l’on peut lire qu’« aucun pays n’est aujourd’hui capable de résoudre seul les problèmes du monde ». Cet adieu à la précédente administration américaine est suivi du salut adressé à l’administration Obama et à l’avènement d’un nouvel internationalisme, dans le cadre duquel le Président et la Chancelière reconnaissent la nécessité « de revoir la manière dont nous abordons les nouvelles menaces, nos partenariats et nos structures ». Les enjeux sont posés on ne peut plus clairement : « La présidence de Barack Obama est d’ores et déjà marquée par des accents nouveaux en matière de politique étrangère et de sécurité. Nombreux sont les Européens qui attendent beaucoup de ce changement. Barack Obama en attend certainement autant de nous. »

Le défi ne demande qu’à être relevé ; il est pour le monde – non pas celui de l’après Seconde Guerre mondiale mais bien celui d’aujourd’hui –, porteur d’espoir.

CONCLUSION

Nul ne pouvait se douter, en juillet dernier, alors que l’Union européenne était comme sonnée par le double échec du référendum irlandais sur la ratification du Traité de Lisbonne et des négociations commerciales du Cycle de Doha, quels moments épiques attendaient la présidence française du Conseil. Il ne faut certes jamais se réjouir d’une crise, à cause des souffrances qu’elle provoque. Mais si l’on se hisse un peu au-dessus de l’écume, si l’on prend le temps de la réflexion, comme votre Rapporteure s’y est essayée dans cette esquisse du bilan de la PFUE, on découvre à quel point la crise peut servir de révélateur et rendre à la politique sa dimension visionnaire.

Comme l’a écrit tout récemment Maxime Lefebvre dans son article précité, consacré notamment à la gestion de la crise géorgienne, « Ce qui aura marqué le plus cette présidence française, c’est […] sa capacité à faire l’histoire, à saisir la fortune à la façon décrite par Machiavel dans ses analyses du pouvoir. C’est un peu un paradoxe que cette Union européenne, qui vise plutôt à incarner la fin de l’histoire et la stabilisation de l’ordre économique et politique en Europe, ait réintroduit l’Histoire (avec un grand “H”) alors que ce sont les États-Unis qui nous avaient habitués à la faire. »

Si cela est vrai − et nous le croyons fermement −, le monde n’a pas fini de voir dans l’Europe un moteur de son histoire.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent rapport d’information au cours de sa réunion du 17 février 2009.

Après l’exposé de la Rapporteure, un débat a lieu.

M. Jean-Marc Roubaud. Vous avez évoqué, Madame la Rapporteure, la qualité et l’efficacité de la Présidence française, qui a été saluée par l’ensemble de la communauté internationale. Vous avez également évoqué la passivité de la Commission, qui désespère nos concitoyens et réduit encore leur confiance dans l’action politique. Vous avez enfin évoqué le traité de Lisbonne, dont la ratification se trouve aujourd’hui bloquée par le vote irlandais. Qu’en est-il de la situation actuelle sur ces points ?

Mme Nicole Ameline, Rapporteure. En contribuant à renouer un dialogue positif avec l’Irlande, la Présidence française a, là encore, apporté la preuve de son efficacité. Concernant l’activité de la Commission, je me suis entretenue récemment avec l’un de ses responsables, et il m’a rassurée en m’indiquant que l’institution est désormais convaincue que l’Europe doit être, à l’avenir, moins réglementaire, et plus régulatrice, ce dont je suis également persuadée. Sur tous les points, la dynamique créée par la Présidence française a montré qu’il fallait surtout améliorer la visibilité de l’Union européenne.

M. François Rochebloine. La Présidence française a montré que l’Union pouvait obtenir des résultats quand elle se mettait en action, par exemple dans le cas de la crise géorgienne. Ma seule interrogation concerne l’axe franco-allemand : l’activisme français au cours de la Présidence n’a-t-il pas nui à cette relation ?

Mme Nicole Ameline, Rapporteure. L’axe franco-allemand reste fondamental. La nomination de M. Bruno Le Maire au poste de secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes est un signe de la priorité accordée à cette relation.

M. Axel Poniatowski, Président. Je vous renvoie également à la lecture du livre de M. Jean-Pierre Jouyet, paru récemment, qui montre que le partenariat franco-allemand a un avenir prometteur.

M. Loïc Bouvard. L’une des ambitions de la Présidence française de l’Union européenne était d’obtenir des avancées dans le domaine de l’Europe de la défense. Ce point est d’autant plus important que la France envisage de reprendre toute sa place au sein de l’OTAN. Quels acquis la Présidence française a-t-elle enregistrés dans ce domaine ? La France a-t-elle réussi à entraîner d’autres États membres dans la construction d’une Europe de la défense ?

Mme Nicole Ameline, Rapporteure. La Présidence française a permis d’avancer sur quatre points principaux : le renforcement des capacités militaires, la formation des soldats et des officiers par la mise en place d’un véritable Erasmus militaire, la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la piraterie. Ces progrès sont tangibles et sont porteurs de sens. J’en suis d’autant plus convaincue que j’ai assisté, à Deauville, à la réunion des ministres de la défense au cours de laquelle ces points ont été discutés. De telles avancées étaient nécessaires, si la France souhaite effectivement rénover ses liens avec l’OTAN. L’Europe de la défense apparaît donc à la fois à l’actif de la Présidence française, mais est également un des aspects les plus prometteurs du futur de l’Union.

M. Axel Poniatowksi, Président. La Présidence française a également permis de lancer d’autres projets très importants, en matière de transport aérien, de coopération dans le domaine aéronaval et d’entretien des flottes d’hélicoptères. Au total, dans le domaine de la défense, une dizaine d’initiatives ont été lancées par la France au cours de son semestre de Présidence.

M. Jacques Myard. L’évocation de la Présidence française de l’Union européenne me rappelle la pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot. La crise géorgienne a montré que les États étaient revenus au cœur des relations internationales, évolution dont je me félicite. La crise économique, également, a d’abord été traitée par des États, au sein du G4 au niveau européen, où la Commission ne siégeait pas, puis au sein du G20, là encore sans la Commission, quand des solutions mondiales ont commencé à être avancées.

Il est clair que le système européen actuel s’épuise. Il est faux de dire que l’Europe va bien. L’Union européenne est un projet des années 1950. La mondialisation économique telle qu’elle se fait conduit à réfléchir à des enjeux qui dépassent le cadre de l’Europe. Celle-ci va connaître une crise d’ici dix ans, qui provoquera un blocage de tout le système européen. On ne peut donc pas honnêtement parler de bilan positif pour l’Union européenne.

Concernant l’Europe de la défense, les projets de la Présidence française existent mais, dans le même temps, de très nombreux États européens financent la génération future d’avions de combat américains ! Dassault est le seul industriel européen autonome qui puisse encore fabriquer un avion de combat ! L’Europe de la défense, en l’état, est en réalité dominée par les États-Unis.

Mme Nicole Ameline, Rapporteure. Vous n’évoquez le projet européen que pour y renoncer : c’est un peu Amédée ou comment s’en débarrasser de Ionesco ! La Présidence française a donné à l’Europe plus de réactivité, tout en gardant constant à l’esprit le souci des coûts des mesures ainsi impulsées. Les organismes d’évaluation extérieurs et indépendants ont qualifié la Présidence française de très performante et j’ai eu le souci de m’intéresser à leurs travaux pour ne pas demeurer tributaire des seules analyses de source gouvernementale.

La commission autorise la publication du rapport d’information.

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ANNEXE : LE CALENDRIER DE LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE

1 ()   Parler de « présidence française de l’Union européenne » est en effet juridiquement erroné puisque la présidence tournante exercée par un État membre ne vaut que pour une institution, le Conseil de l’Union européenne, dans ses différentes formations : au niveau des experts, des ambassadeurs représentants permanents, des ministres et enfin des chefs d’État et de gouvernement. Le Traité de Lisbonne érige ce dernier niveau, le Conseil européen, en institution distincte du Conseil de l’UE.

2 ()   Pour un bilan complet des actions menées sous présidence française, voir le travail de synthèse du Secrétariat général des affaires européennes, Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Bilan et perspectives, 1er juillet-31 décembre 2008, « Une Europe qui agit pour répondre aux défis d’aujourd’hui », janvier 2009.

Voir également : Institut Thomas More, Le baromètre de la présidence française de l’Union européenne. Les principales propositions de Nicolas Sarkozy, décembre 2008.

3 ()   Doc. AN n° 279, tome VI, octobre 2007.

4 ()   Doc. AN n° 1198, annexe 12, novembre 2008.

5 ()   Voir en annexe le calendrier final de la PFUE.

6 ()   « À l’Est de l’Union européenne : bilan d’une présidence française mouvementée », in Revue du Marché commun et de l’Union européenne n° 524, janvier 2009.

7 ()   Paris-Londres-Moscou : une nouvelle « Europe à la française » ?, publication de l’Institut Thomas More, décembre 2008.

8 ()   Pour une analyse détaillée, voir le rapport d’information de notre collègue Daniel Garrigue au nom de la commission chargée des Affaires européennes, L’Europe face à la crise financière, doc. AN n° 1291, décembre 2008.

9 ()   L’auteur, jouant avec le pléonasme, définit ainsi ce terme : « Mot américain qui n’a pas de bon équivalent en français et qui désigne celui qui, pleinement plongé dans l’action, agit, fait et réalise. »

10 () L’Europe dans le monde : de la présence à la puissance, doc. AN n° 1242, novembre 2008.

11 ()   Jacques Charmelot, « Le “smart power” américain, un défi pour l’Europe », in Questions d’Europe n° 127, Fondation Robert Schuman, 9 février 2009.


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