N° 1485 - Rapport d'information de MM. Didier Quentin, Philippe Gosselin et René Dosière déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur les perspectives de départementalisation de Mayotte



N° 1485

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur les perspectives de départementalisation de Mayotte,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Didier QUENTIN, Philippe GOSSELIN et René DOSIÈRE,

Députés.

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INTRODUCTION 7

I. LE LONG CHEMIN DE MAYOTTE VERS LA DÉPARTEMENTALISATION 9

A. UNE ASPIRATION COLLECTIVE DÉJÀ ANCIENNE 9

1. La cohérence de la volonté politique exprimée par la population de Mayotte lors des consultations successives 9

2. Les conséquences ambiguës de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pour Mayotte 10

B. DES AVANCÉES STATUTAIRES IMPORTANTES 11

1. Le renforcement des responsabilités politiques confiées aux élus et aux électeurs de Mayotte 12

2. L’extension progressive du droit commun 13

3. La modernisation inachevée du statut personnel 14

C. UN EFFORT PUBLIC SANS PRÉCÉDENT POUR RELEVER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX 16

1. Une économie en développement en dépit de lourdes contraintes géographiques 16

2. L’adaptation rapide des infrastructures sociales aux besoins 20

a) Une scolarisation en rapide expansion 20

b) Le développement encore déséquilibré de l’offre de soins 22

c) Des règles de protection sociale dont les spécificités diminuent 25

3. Les progrès sensibles enregistrés dans la lutte contre l’immigration clandestine 25

II. LES CONDITIONS D’UNE DÉPARTEMENTALISATION RÉUSSIE 32

A. EXPLIQUER LA PORTÉE JURIDIQUE D’UNE TRANSFORMATION DE LA COLLECTIVITÉ EN DÉPARTEMENT ET RÉGION D’OUTRE-MER 32

1. La nécessaire association de la population à l’évolution statutaire 32

2. Le nouveau régime législatif prévu par l’article 73 de la Constitution 33

a) Une extension automatique du droit commun qui n’exclut pas certaines adaptations expressément prévues par le législateur 33

b) La préservation du droit du conseil général de Mayotte à prendre l’initiative d’une adaptation normative 34

3. L’intérêt d’une représentation politique unifiée 36

B. APPLIQUER RAPIDEMENT LA LOI ET LES PRINCIPES RÉPUBLICAINS EN MATIÈRE CIVILE 37

1. La mise en place urgente d’un état civil rigoureux 37

a) Un legs historique catastrophique 37

b) Les résultats insuffisants de la révision en cours 38

c) La mise en place urgente de moyens et de procédures efficaces 39

2. Le respect encore incomplet des principes de laïcité et d’égalité des droits 41

a) La modernisation du droit du mariage et des successions 41

b) Le remplacement des activités juridictionnelles des cadis par des fonctions de médiation sociale 42

3. La protection juridique insuffisante des propriétés foncières 43

C. FAVORISER UNE STABILISATION DE LA DÉMOGRAPHIE INSULAIRE 44

1. Les tensions engendrées par le dynamisme démographique 44

2. Les possibilités d’action sur les composantes locale et importée de l’augmentation démographique 45

D. MAINTENIR UNE LÉGISLATION PRAGMATIQUE EN MATIÈRE DE PRESTATIONS SOCIALES ET DE DROIT DES ÉTRANGERS 46

1. Une mise à niveau des prestations sociales qui ne peut être que progressive 46

a) Une mise à niveau de nature à limiter les flux de population vers l’île de La Réunion 47

b) Une mise à niveau à opérer avec prudence et progressivité 49

2. La nécessité d’assurer l’adaptation du droit des étrangers à des contraintes régionales bien particulières 50

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXES 61

ANNEXE 1 : PROGRAMME DE LA MISSION EFFECTUÉE DU 2 AU 6 FÉVRIER 2009 62

ANNEXE 2 : MAYOTTE ET SON ENVIRONNEMENT RÉGIONAL 66

ANNEXE 3 : DOCUMENTS D’INFORMATION ADRESSÉS AUX ÉLECTEURS POUR LE RÉFÉRENDUM DU 29 MARS 2009 68

ANNEXE 4 : RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL DE MAYOTTE LE 18 AVRIL 2008 84

ANNEXE 5 : ACCORD SUR L’AVENIR DE MAYOTTE DU 27 JANVIER 2000 93

ANNEXE 6 :DOSSIERS DE LA COMMISSION DE RÉVISION DE L’ÉTAT CIVIL (CREC) EN INSTRUCTION AU 31/12/2008 95

ANNEXE 7 : DOCUMENT ADRESSÉ À LA MISSION PAR L’ASSOCIATION DES OFFICIERS DE L’ÉTAT CIVIL DE MAYOTTE 96

MESDAMES, MESSIEURS,

Français depuis plus d’un siècle et demi, nos compatriotes de Mayotte ont maintes fois confirmé leur volonté de lier leur destin à celui de leurs concitoyens de métropole. Les conséquences politiques et juridiques de cette ambition vont bien au-delà de l’appartenance formelle de cette île au territoire français : la perspective de vivre selon des lois communes et dans des conditions plus proches de celles de la métropole fait depuis longtemps l’objet d’un très large consensus au sein de la population de Mayotte, comme parmi les élus de cette collectivité.

La résolution adoptée le 18 avril 2008, à l’unanimité, par le conseil général de Mayotte, pour demander que Mayotte passe de son actuel statut de collectivité d’outre-mer (COM) à celui de département et région d’outre-mer (DOM-ROM), témoigne à nouveau de cette aspiration. Alors que le statut de cette île a déjà été largement modifié par le législateur en 2001 (1) et en 2007 (2), il s’agirait non plus d’une simple évolution statutaire, mais d’une véritable révolution juridique. Elle conduirait en effet, conformément à l’article 73 de la Constitution, à rendre « automatiquement » applicables à Mayotte l’ensemble des lois et règlements, sauf si ceux-ci en disposent autrement.

Conformément au vœu exprimé dans cette résolution et à la procédure prévue par l’article 72-4 de la Constitution, le Président de la République a décidé que la population de Mayotte serait consultée, le 29 mars prochain, sur cet enjeu statutaire essentiel. Les électeurs de Mayotte pourront alors se prononcer, en conscience et en responsabilité, sur leur avenir collectif au sein de la République. Si les électeurs de Mayotte approuvent le projet de départementalisation qui leur sera soumis à cette date, celle-ci pourrait intervenir progressivement à partir de l’année 2011, comme l’a indiqué le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, dans la « feuille de route » qu’il a rendu publique le 16 décembre dernier.

Notre commission des Lois a dépêché, du 2 au 6 février, trois de ses membres à Mayotte, afin d’informer la population et les élus mahorais bien sûr, mais aussi l’ensemble de nos concitoyens, sur les enjeux de cette possible évolution statutaire. À l’instar de la mission de la commission des Lois du Sénat, qui s’était rendue sur place en septembre 2008 en présence de son président, notre mission a pu constater l’importance des progrès accomplis ces dernières années pour stimuler le développement économique et social de Mayotte, ainsi que pour y moderniser le droit applicable. En dépit de fortes contraintes géographiques et d’un environnement régional difficile, la mobilisation des pouvoirs publics a permis, en quelques années, d’enregistrer dans cette île des avancées importantes en matière d’instruction et de santé publique, mais aussi de lutte contre la pauvreté et l’immigration clandestine, sans revenir sur son actuel régime constitutionnel.

La perspective d’une départementalisation du statut de cette collectivité doit conduire à prendre toute la mesure des défis à relever et des efforts à accomplir, notamment sur le plan juridique : une action plus résolue encore devra être menée pour fiabiliser l’état-civil et le cadastre, mais aussi parvenir à l’extinction de la justice cadiale et des discriminations liées au droit local. La transformation en collectivité tenant lieu de département et région d’outre-mer devrait également s’accompagner, aussi longtemps que les réalités locales l’imposeront, du maintien d’une législation spécifique en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et de prestations sociales.

I. LE LONG CHEMIN DE MAYOTTE VERS LA DÉPARTEMENTALISATION

La perspective d’une véritable départementalisation du statut de Mayotte, dont la population sera prochainement consultée, fait depuis longtemps l’objet, dans cette collectivité, d’un consensus politique. Si cette aspiration légitime n’a pas encore pu se concrétiser, les pouvoirs publics s’y sont toutefois préparés, notamment sur le plan normatif, puisque les statuts successifs de Mayotte l’ont rapproché du droit commun de la République.

A. UNE ASPIRATION COLLECTIVE DÉJÀ ANCIENNE

Les électeurs de Mayotte ont déjà manifesté à plusieurs reprises non seulement leur volonté de demeurer des Français, mais aussi celle d’obtenir pour leur collectivité un statut de département d’outre-mer (DOM) qui les rapprocherait du droit commun. Les conséquences, pour Mayotte, de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ont toutefois compliqué les efforts du législateur pour prendre en compte cette aspiration.

1. La cohérence de la volonté politique exprimée par la population de Mayotte lors des consultations successives

Le lien entre Mayotte et la France a, dès l’origine, pris la forme d’une aspiration à la liberté et à la sécurité : l’île fut cédée à la France en 1841 par le sultan Andriantsouli afin de la protéger des attaques et pillages venus de Madagascar et des Comores, et l’esclavage y fut aboli dès 1846.

Française un demi-siècle avant les autres îles de l’archipel des Comores, Mayotte fut également la seule à refuser l’indépendance, à 63,8 % des suffrages exprimés, lors du référendum d’autodétermination des populations des Comores, organisé le 22 décembre 1974. Ce résultat contrastait alors singulièrement avec celui obtenu dans les autres îles de l’archipel (Grande Comore, Anjouan et Mohéli), dont les populations avaient opté pour l’indépendance à près de 95 %. L’exécutif local des Comores ayant décidé la sécession de l’ensemble de ce territoire le 6 juillet 1975 en contradiction avec la procédure d’accession à l’indépendance prévue par le législateur, la loi sépara la Grande Comore, Anjouan et Mohéli de la République, tandis qu’une seconde consultation était organisée à Mayotte le 8 février 1976. Le choix du maintien dans la République fut alors confirmé à 99,4 % par les électeurs mahorais.

Lorsqu’ils ont été consultés, les électeurs de Mayotte ont, en outre, constamment émis le souhait que leur île soit dotée d’un statut de département d’outre-mer (DOM), plutôt que de territoire d’outre-mer (TOM). Ce dernier était associé aux souvenirs douloureux de la domination exercée auparavant par la Grande Comore sur Mayotte et laissait craindre que la métropole ne finisse par « prendre ses distances », pour des raisons tant diplomatiques qu’économiques
– crainte que le législateur et le Constituant ont, depuis lors, sans cesse cherché à apaiser, en veillant toujours à mentionner l’appartenance de Mayotte à la République.

Dès 1958, les représentants de Mayotte à l’assemblée territoriale des Comores avaient unanimement demandé, en réponse aux différentes options statutaires proposées par le Président de la République Charles de Gaulle, que l’archipel des Comores passe du statut de TOM à celui de DOM. Toutefois, l’assemblée territoriale des Comores ayant rejeté la motion exprimant cette demande au nom de la défense des particularismes locaux, ce souhait ne fut pas pris en compte. La même volonté s’exprima lors du référendum du 11 avril 1976, par lequel la population de Mayotte rejeta à 97,5 % le statut de TOM – rejet qui conduisit à ériger Mayotte en « collectivité territoriale à statut particulier », les pouvoirs publics considérant comme prématurée une transformation en DOM.

Plus récemment, lors du référendum du 2 juillet 2000, les électeurs mahorais ont approuvé à 72,9 % le projet de transformation de Mayotte en « collectivité départementale » régie par le droit commun dans un nombre accru de matières : il s’agissait alors de franchir une nouvelle étape vers une véritable départementalisation. Ajoutons enfin que les principaux élus de Mayotte s’affirment tous « départementalistes », par référence au statut de DOM, et que ce qualificatif figure même dans la dénomination officielle de certaines formations politiques insulaires.

L’attachement indéfectible de la population de Mayotte à la France, la constance et la force de son aspiration à se rapprocher du droit commun de la République créent des devoirs pour notre pays : prendre en compte cette volonté constitue une exigence démocratique.

2. Les conséquences ambiguës de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pour Mayotte

L’accord sur l’avenir de Mayotte, conclu le 27 janvier 2000 par le Gouvernement avec les élus de Mayotte, reposait sur un projet de départementalisation, largement approuvé lors de la consultation qui suivit. La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte (3) exprima cette dynamique départementaliste en érigeant cette collectivité territoriale en « collectivité départementale ». Toutefois, cette dénomination, indépendamment de sa grande importance symbolique et politique, était dépourvue de fondement constitutionnel spécifique : Mayotte demeurait une « collectivité territoriale à statut particulier » régie par l’article 72 de la Constitution.

En dépit de ses imperfections juridiques, cette position constitutionnelle originale permettait de bien distinguer Mayotte des TOM, catégorie dans laquelle étaient regroupées les collectivités du Pacifique aspirant, en règle générale, à une plus grande autonomie – à l’exact inverse de la population de Mayotte.

Cette distinction a, toutefois, pris fin avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (4). Ne constituant pas des DOM, les collectivités de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ont alors été, par défaut (5), rangées parmi les collectivités d’outre-mer (COM). Cette nouvelle catégorie juridique succédait à celle, mieux connue, des TOM, tout en en conservant, en réalité, les principaux traits juridiques (statut fixé par une loi organique, « organisation particulière » prenant en compte des « intérêts propres » au sein de la République, principe de spécialité législative, compétences consultatives et normatives étendues, y compris en matière législative, et, le cas échéant, autonomie politique).

Un tel changement, s’il était légitimement motivé par le souci de réduire le nombre de catégories de collectivités ultramarines dans la Constitution au nom de la clarté, a donc plutôt entraîné pour Mayotte un retour vers l’ancienne catégorie des TOM, en dépit de son impopularité locale. Le fait que le statut de Mayotte relève désormais, en application de l’article 74 de la Constitution tel qu’il résulte de la révision du 28 mars 2003, de la loi organique plutôt que de la loi ordinaire, constitue également une singularité juridique au regard des règles de droit commun. Ce changement de régime constitutionnel a, à lui seul, rendu juridiquement nécessaire, en 2007, une refonte du statut de Mayotte qui relevait jusqu’alors de la loi ordinaire.

Ainsi, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a généré pour Mayotte des lourdeurs et rigidités procédurales – de nouvelles lois organiques, précédées d’une consultation du conseil général de Mayotte, seront nécessaires pour modifier, même partiellement, les dispositions de l’actuel statut – mais aussi réduit la « lisibilité » du processus de départementalisation progressive de l’île. L’intervention du législateur a, fort heureusement, lors de la rédaction du nouveau statut de Mayotte en 2007, permis de rétablir des perspectives départementalistes en poursuivant l’extension du droit commun à Mayotte.

B. DES AVANCÉES STATUTAIRES IMPORTANTES

Les modifications apportées en 2001, puis en 2007, au statut de Mayotte ont permis de préparer, sur le plan juridique et institutionnel, une départementalisation ultérieure de cette collectivité d’outre-mer, en mettant fin à la tutelle exercée sur son exécutif par l’État, en gommant les aspects les plus problématiques du droit local et en réduisant le champ de la spécialité législative.

1. Le renforcement des responsabilités politiques confiées aux élus et aux électeurs de Mayotte

Conformément à l’Accord sur l’avenir de Mayotte conclu le 27 janvier 2000 entre le Gouvernement, le président du conseil général et les principaux partis politiques de l’île (voir Annexe 5), la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a rapproché la collectivité territoriale de Mayotte, baptisée depuis lors « collectivité départementale », du droit commun de la décentralisation. Ainsi, son exécutif a été transféré du préfet vers le conseil général, à compter du renouvellement de ce dernier en 2004. Le président du conseil général de Mayotte est désormais chargé de représenter la collectivité, de préparer et d’exécuter les délibérations du conseil général, à l’instar des missions confiées aux exécutifs départementaux en métropole. Cette évolution a été parachevée par la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (6), qui a prévu que le contrôle a priori encore exercé par le préfet sur certains actes de la collectivité départementale prendrait fin après le renouvellement du conseil général en 2008.

Par ailleurs, la loi précitée du 21 février 2007 a précisé que la collectivité départementale de Mayotte exerce les compétences attribuées aux départements et aux régions d’outre-mer (DOM-ROM), à l’exception de celles relatives :

– à la construction, la gestion et l’entretien des collèges et des lycées ;

– à la construction, la gestion et l’entretien des routes nationales ;

– à la lutte contre les maladies vectorielles (7).

Le législateur a alors estimé, à juste titre, que le dynamisme démographique de Mayotte, les insuffisances de sa voirie et les contraintes sanitaires particulièrement lourdes auxquelles cette île est confrontée ne permettaient pas au conseil général d’exercer de telles compétences dans des conditions satisfaisantes. L’alignement avec les DOM a été recherché, sans toutefois ignorer les réalités locales – qui pourront encore être prises en compte par le législateur en cas de départementalisation de Mayotte, puisque l’article 73 de la Constitution permet d’invoquer des « caractéristiques et contraintes particulières » à l’appui de dérogations explicites au droit commun.

Enfin, les procédures de droit commun relatives au droit de pétition, au référendum local et à la consultation des électeurs ont été étendues à Mayotte par cette même loi organique : la démocratie directe peut ainsi y trouver toute sa place, comme dans les DOM-ROM.

2. L’extension progressive du droit commun

Collectivité territoriale à statut particulier puis, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, collectivité d’outre-mer (COM), la collectivité départementale de Mayotte est soumise au principe de spécialité législative : la présomption d’applicabilité du droit commun, valable pour les DOM-ROM en vertu de l’article 73 de la Constitution, ne s’y étend pas.

Toutefois, la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, en précisant le régime local d’application des lois et règlements, a réduit le champ de cette spécialité législative. Elle a en effet précisé que, par exception à ce principe, seraient de plein droit applicable à Mayotte plusieurs parties du code civil (nationalité, état et capacité des personnes, régimes matrimoniaux, successions et libéralités), ainsi que la matière pénale (droit pénal et procédure pénale), la procédure administrative, le droit électoral et le droit des postes et télécommunications.

La loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM a inversé cette logique en faisant de l’assimilation législative la règle et de la spécialité législative l’exception. Cette dernière ne concerne plus que le droit fiscal et les finances communales, le droit de l’urbanisme, de la construction et du logement et les droits de propriété qui s’y rattachent, le droit de l’aménagement rural, le droit social et le droit des étrangers, ainsi que les matières pour lesquelles l’article 74 de la Constitution impose au statut de la COM de fixer des règles (8). Dans toutes les autres matières, le droit commun s’applique désormais à Mayotte, à moins qu’il n’en dispose autrement de manière expresse, le régime législatif devenant ici comparable à celui des DOM-ROM. La loi organique et la loi (9) du 21 février 2007 portant DSIOM ont également procédé à un alignement presque complet sur le droit commun départemental des règles propres à Mayotte en matière de budget et de finances locales, de fonctionnement des institutions, de contrôle de la légalité et de démocratie locale.

Enfin, en vertu des articles L.O. 6161-22 et L.O. 6161-24 du code général des collectivités territoriales, issus de cette même loi organique, les compétences fiscales et douanières attribuées au conseil général de Mayotte prendront fin avec l’entrée en vigueur à Mayotte du code général des impôts et du code des douanes et « au plus tard le 31 décembre 2013 ». À cette date, la fiscalité et les droits de douane en vigueur en métropole devront donc avoir été étendues à Mayotte, avec les adaptations requises. L’intention du législateur a bien été, là encore, de préparer une éventuelle départementalisation ultérieure du statut de Mayotte.

3. La modernisation inachevée du statut personnel

L’existence d’un statut personnel de droit local, fondé sur le droit musulman et diverses coutumes africaines et malgaches, constitue l’une des singularités juridiques de Mayotte. Le régime juridique de ce statut personnel, réservé aux Mahorais de confession musulmane, issus de deux parents relevant eux-mêmes de ce statut, a été précisé dans la délibération de la Chambre des députés des Comores du 3 juin 1964. Ce statut prévoit des règles spécifiques en matière civile (essentiellement pour l’état civil, le droit de la famille et celui des successions), dont le respect est assuré par le cadi, magistrat de droit musulman.

Bien que la coexistence du droit commun et du droit local s’avère d’un maniement complexe pour la justice, l’administration et les citoyens, en particulier pour les mahorais ne résidant pas à Mayotte (10), l’existence même d’un statut personnel de droit local ne peut être remise en cause par le législateur. En effet, l’article 75 de la Constitution prévoit que « les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun [   ] conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé ». Cette exigence n’interdit pas pour autant au législateur d’en moderniser le contenu, afin de mieux assurer le respect des « principes et droits constitutionnellement protégés », comme l’a jugé en 2003 le Conseil constitutionnel (11). Vos rapporteurs remarquent, à cet égard, que certains aspects du droit local, tels que la répudiation des femmes ou la possibilité d’inégalités successorales fondées sur le genre, entrent en tension tant avec les principes de laïcité et d’égalité devant la loi tels qu’ils sont exprimés à l’article 1er de la Constitution (12), qu’avec les articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) interdisant les discriminations sexuelles ou garantissant le droit à un « procès équitable » (13). Cette analyse juridique, alliée à la demande d’émancipation des femmes mahoraises, a conduit au cours des dix dernières années à corriger certaines règles de ce droit local.

L’Accord sur l’avenir de Mayotte conclu le 27 janvier 2000 avait bien prévu de poursuivre la « clarification du statut personnel » en renforçant les droits des femmes mahoraises et en recentrant l’activité des cadis sur les « fonctions de médiation sociale » (voir Annexe 5). Toutefois, les modifications législatives adoptées dans la foulée n’ont que très partiellement permis à cette ambition de se concrétiser. Certes, l’ordonnance du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte (14) a retiré aux cadis l’établissement des actes de mariage et la tenue des registres de l’état civil, mais la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a seulement précisé les règles de renonciation au statut de droit local, ainsi que de conciliation de celui-ci avec le statut de droit commun.

Une étape importante dans la modernisation de ce statut fut franchie avec la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer (15), puisque celle-ci a, sur l’initiative du député Mansour Kamardine, pour les personnes accédant à l’âge requis pour se marier à partir du 1er janvier 2005, interdit la polygamie et la répudiation unilatérale, et, pour les enfants nés après sa promulgation, interdit les discriminations successorales fondées sur le genre ou la nature du lien de filiation – le droit appliqué par les cadis privant de part successorale les enfants naturels et prévoyant qu’à défaut d’accord contraire, les fils reçoivent une part deux fois plus importante que celle des filles. Vos rapporteurs tiennent à souligner la pertinence et à saluer le courage de ce toilettage du droit local applicable à Mayotte, tout en notant qu’il mettra encore beaucoup de temps à produire tous ses effets.

Indépendamment de l’adaptation progressive de son contenu aux grands principes de notre Constitution, le droit local connaît à Mayotte un déclin important, comme en attestent les statistiques fournies par le bureau de l’état civil des mairies de Koungou et, surtout, de Mamoudzou, ville regroupant près d’un tiers des habitants de Mayotte : dans cette dernière commune, le droit local a concerné en 2008 moins d’une naissance sur dix (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DES NAISSANCES ET DES DÉCÈS ENREGISTRÉS AU SERVICE DE L’ÉTAT CIVIL DE LA MAIRIE DE MAMOUDZOU

Année

2004

2005

2006

2007

2008

Naissance de droit commun

3 822

3 811

3 478

3 639

4 047

Naissance de droit local

471

449

441

392

391

Proportion de droit local dans les naissances

12,3 %

11,8 %

12,7 %

10,8 %

9,7 %

Décès de droit commun

259

258

251

147 *

n.d.

Décès de droit local

94

88

81

39 *

n.d.

Proportion de droit local dans les décès

36,3 %

34,1 %

32,3 %

26,5 %

n.d.

* chiffres provisoires

Source : Mairie de Mamoudzou, service de l’état civil

Ce déclin du droit local à Mayotte s’explique par une moindre adhésion de la population la plus jeune, en particulier féminine – les femmes considérant que le droit commun leur offre des garanties supérieures, comme certaines d’entre elles l’ont indiqué à vos rapporteurs –, ainsi que par la règle selon laquelle l’enfant issu d’une union mixte (un parent de droit local et un parent de droit commun) relève nécessairement du droit commun. Ajoutons, enfin, que la renonciation au droit local est irréversible pour celui qui en est l’auteur.

C. UN EFFORT PUBLIC SANS PRÉCÉDENT POUR RELEVER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

En investissant massivement pour doter Mayotte d’infrastructures économiques, sociales et sanitaires plus performantes et en combattant vigoureusement l’immigration clandestine, les pouvoirs publics ont permis à cette île de mieux surmonter ses contraintes géographiques et régionales. Même si vos rapporteurs estiment que d’importants efforts devront encore être accomplis pour parvenir à un développement économique endogène, cette mobilisation a créé des conditions matérielles plus propices pour envisager, si la population le souhaite, une départementalisation du statut de Mayotte au cours des prochaines années.

1. Une économie en développement en dépit de lourdes contraintes géographiques

L’implication des services de l’État et de la collectivité départementale de Mayotte a permis à Mayotte de renouer récemment avec un relatif dynamisme économique, alors que l’île se caractérise par d’importantes contraintes géographiques.

En effet, à la double insularité (Mayotte comprend en réalité deux îles principales, Grande-Terre et Petite-Terre, voir carte en Annexe 2) s’ajoute le manque d’espace disponible : la superficie ne dépasse pas 374 kilomètres carrés, pour une population de plus de 186 000 habitants recensés en 2007. L’exode rural est confronté au manque de logements disponibles à Mamoudzou, « capitale économique » située sur Grande-Terre, ce qui entraîne, à sa périphérie, un fort développement de l’habitat précaire, voire anarchique (présence de nombreux « bidonvilles »).

Cette tension est accrue par le dynamisme de la démographie insulaire : 54 % des habitants sont âgés de moins de vingt ans à Mayotte, ce qui est le pourcentage le plus élevé de l’ensemble du territoire national – à titre de comparaison, il atteint 36 % à La Réunion et est inférieur à 25 % en métropole. En 2007, l’indice de fécondité s’établirait encore, selon des données provisoires, à 3,4 enfants par femme née en France (6,4 pour les femmes nées à l’étranger), mais il dépassait 8 enfants par femme en 1978. Ajoutées à l’importance des flux migratoires à destination de l’île, ces données expliquent aisément que la population de Mayotte ait été multipliée par quatre au cours des trente dernières années (voir ci-après). Il en résulte un défi considérable pour les infrastructures économiques et sociales de Mayotte, ainsi que pour la maîtrise de l’urbanisation et l’organisation de la vie collective.

LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE DE MAYOTTE DEPUIS 1978

Année

1978

1985

1991

1997

2002

2007

Population recensée

47 246

67 167

94 410

131 320

160 265

186 452

Indice de fécondité

8,1

6,7

5,1

5

4,7

3,4 (16)

Source : Préfecture de Mayotte et INSEE

L’économie de l’île reposait traditionnellement sur la pêche (deuxième production piscicole d’outre-mer en 2006, exportée à près de 90 %) ainsi que sur l’agriculture (production de cultures vivrières à destination locale, mais aussi exportations d’ylang-ylang et de vanille). Toutefois, le volume des exportations agricoles diminue depuis vingt ans et la main-d’œuvre employée dans le secteur primaire décline – alors même que la population active de Mayotte a triplé entre 1991 et 2002.

Cet affaiblissement progressif de l’exploitation des ressources naturelles de l’île est, fort heureusement, plus que compensé par le développement de l’activité économique dans les services. Le secteur tertiaire fournit aujourd’hui les deux tiers des emplois et connaît un essor général, qu’il s’agisse du commerce (ouverture de grandes surfaces, notamment pour l’alimentation), des transports (quadruplement de la circulation aérienne entre 1996 et 2007, croissance de 42,4 % du trafic débarqué sur le port de Longoni), du tourisme ou des administrations. Le secteur du bâtiment et des travaux publics est en plein essor, en particulier grâce à l’importance de la commande publique, nécessaire pour faire face aux nouveaux besoins en logements, routes et écoles engendrés par la croissance démographique.

LE RENFORCEMENT DE LA CIRCULATION AÉRIENNE À MAYOTTE DEPUIS 1996

Nature de la circulation aérienne

1996

1998

2000

2002

2004

2006

2007

Nombre de vols commerciaux

58 170

88 034

112 575

133 686

166 128

210 982

230 261

Nombre de vols de transit

0

0

10 692

12 002

12 393

3 232

12 451

Nombre total de vols

58 170

92 692

123 267

145 688

178 521

214 214

242 712

Source : Préfecture de Mayotte

En raison de la beauté naturelle de son littoral, de son lagon, de ses mangroves et de ses forêts humides primaires, l’île dispose d’un grand potentiel touristique, bien au-delà des quelque 40 000 touristes accueillis en 2007. Afin de tirer pleinement parti de cet atout, des efforts importants sont menés pour :

– désenclaver l’île, tant par les transports (construction, depuis 2008, de deux nouvelles gares maritimes, création en 2009 d’un second quai sur le port de Longoni, et allongement, à partir de 2014, de la piste aéroportuaire afin qu’elle puisse accueillir des avions gros porteurs assurant une liaison directe avec la métropole) que par les technologiques numériques (travaux d’installation, depuis le mois de mars 2008, du câble Eassy reliant Mayotte à l’Afrique de l’Est) ;

– accroître sa capacité d’hébergement, qui est passée de 30 à 48 établissements entre 2000 et 2007 mais demeure très modeste et nettement insuffisante comparée à celle de La Réunion ou de l’île Maurice ; cette capacité devrait être nettement renforcée, dans les prochaines années, par la création de trois structures hôtelières de catégorie supérieure (trois à cinq étoiles) prévue dans le plan d’aménagement et de développement durable adopté le 29 février 2008 par le conseil général de Mayotte ;

– protéger et mettre en valeur son patrimoine naturel exceptionnel (publication, au mois de janvier 2007, d’un décret créant la réserve naturelle nationale de l’îlot Mbouzi ; présentation consensuelle, au mois de juin 2007, d’un projet de parc naturel marin couvrant l’ensemble du lagon, création annoncée de sentiers de randonnée et de sites touristiques).

Le contrat de projet signé le 28 mars 2008 entre l’État et Mayotte prévoit de soutenir le développement économique endogène de Mayotte en y investissant 550 millions d’euros de 2008 à 2014 – dont 337 millions d’euros versés par l’État et 182 millions d’euros par la collectivité départementale de Mayotte. Ce plan devrait bénéficier en priorité à l’aménagement du territoire (258 millions d’euros), au développement durable (156 millions d’euros), ainsi qu’au développement économique et à l’emploi (97 millions d’euros).

D’une manière générale, les politiques de développement volontaristes menées par l’État et la collectivité départementale permettent à l’île d’afficher de meilleurs indicateurs économiques : la croissance économique dépasse 9 % par an et 1 300 emplois (dont 60 % dans le secteur privé) ont été, en moyenne, créés chaque année depuis 1997. Même si Mayotte demeure très dépendante de la métropole et que sa balance commerciale est structurellement déficitaire, la progression des échanges extérieurs accélère son développement économique.

Par ailleurs, tout en restant, comme souvent outre-mer, supérieur à la moyenne nationale, le taux de chômage a fortement diminué à Mayotte ces dernières années et atteint 22 % en 2007 (contre 29 % en 2002 et 41 % en 1997). Ce résultat encourageant a été obtenu alors que la forte augmentation du salaire minimum a renchéri le coût de la main-d’œuvre employée légalement, rendant d’autant plus attractif le travail dissimulé, déjà très présent dans le secteur agricole et celui des emplois à domicile : le « SMIG de Mayotte » (17) a presque doublé en six ans, passant de 2,85 euros par heure au 1er juillet 2002 à 5,49 euros par heure au 1er juillet 2008.

L’ensemble de ces éléments permet de penser que l’économie mahoraise, grâce à l’aide déterminante de l’État, surmonte progressivement ses faiblesses structurelles et connaît un développement assez prometteur. La rapidité du rattrapage dépendra largement d’une transformation du statut communautaire de Mayotte de pays et territoire d’outre-mer (PTOM) à celui de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union européenne, éligible aux fonds structurels européens.

Par ailleurs, vos rapporteurs estiment que l’essor de l’économie locale, pour être durable et non artificiel, doit reposer sur la mise en place, par les acteurs privés eux-mêmes, de filières organisées, notamment dans les secteurs du tourisme et de l’aquaculture, plutôt que sur la seule assistance fournie par la métropole.

2. L’adaptation rapide des infrastructures sociales aux besoins

La société mahoraise se modernise et se développe rapidement, avec l’aide de l’État qui s’efforce d’adapter son réseau d’infrastructures scolaires, sanitaires et sociales.

a) Une scolarisation en rapide expansion

L’État mobilise des moyens très importants pour mieux assurer la scolarisation d’élèves toujours plus nombreux – scolarisation dont vos rapporteurs ont appris avec surprise qu’elle n’était obligatoire à Mayotte que depuis le début des années 1980. Ainsi, la population scolarisée à Mayotte a plus que doublé depuis 15 ans et s’est élevée, en 2008, à 72 958 élèves, dont :

– 46 349 élèves (contre 31 093 en 1997) dans les 198 écoles primaires, qui emploient 2 584 enseignants (18) ;

– 26 609 élèves (contre 12 065 en 1997) dans les 18 collèges et 8 lycées, qui emploient 1 860 enseignants.

Rappelons que les effectifs scolaires atteignaient, premier et second degrés confondus, 43 158 élèves en 1997 : ils ont donc augmenté de 69 % depuis lors (voir graphique ci-après). La hausse est plus marquée encore dans l’enseignement secondaire (progression de 120,5 %) que dans l’enseignement primaire (progression de 49,1 %).

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS SCOLAIRES À MAYOTTE DE 1997 À 2008

Source : Vice-rectorat de Mayotte

La scolarisation en maternelle, particulièrement utile pour des enfants dont le français n’est généralement pas la langue maternelle, se développe également, puisque le nombre d’enfants qui en ont bénéficié a été porté de 9 966 en 2003 à 13 081 en 2008, progressant ainsi de 31,3 % en l’espace de cinq ans.

Bien que les infrastructures soient encore saturées, notamment pour l’enseignement secondaire, l’État met en service à Mayotte, chaque année, au moins un nouvel établissement d’enseignement secondaire et augmente continuellement les effectifs enseignants – leur croissance s’élève, en 2008, à 13,6 % dans l’enseignement primaire et à 6,6 % dans l’enseignement secondaire. L’évolution des dépenses engagées à ce titre par l’État témoigne de cet effort exceptionnel : celles-ci ont presque doublé en cinq ans, passant de 116,9 millions d’euros en 2003 à 221,9 millions d’euros en 2008.

Cette mobilisation devrait se poursuivre et même s’amplifier au cours des prochaines années, puisque la généralisation de l’accueil des enfants à l’école maternelle a été planifiée (accueil dès 4 ans en 2009 et dès 3 ans en 2010) et que le vice-rectorat a prévu la construction, pour l’année 2010, de 5 nouveaux collèges et de 5 nouveaux lycées. Pour la période 2010-2015, l’État devrait programmer un effort financier supplémentaire de 207 millions d’euros. Vos rapporteurs sont convaincus que cette orientation doit être fermement soutenue, car elle est déterminante pour l’avenir de Mayotte. En effet, l’éducation des enfants demeure la clef de leur intégration sociale et de leur future réussite professionnelle ; elle seule donnera à la population insulaire une perspective de développement économique et social harmonieux.

Cet objectif est bien loin d’être atteint aujourd’hui. Ainsi, le baccalauréat n’est obtenu que par 17 % d’une classe d’âge (contre 62 % en métropole) et la moitié des élèves quitte l’école sans formation professionnelle. Plus fondamentalement, la maîtrise de la langue française n’est pas suffisamment assurée : elle est deux fois moins élevée chez les élèves à la fin du cycle élémentaire à Mayotte (moins de 35 %) qu’au niveau national (plus de 70 %). Dans une collectivité où plus de la moitié de la population ne pratique pas la langue de la République, son enseignement doit être considéré comme absolument prioritaire dans la perspective d’une départementalisation.

b) Le développement encore déséquilibré de l’offre de soins

Par ailleurs, le système de santé se réorganise et se modernise rapidement depuis 2005. Alors que les moyens du Centre hospitalier de Mayotte (CHM) étaient auparavant concentrés sur le site de Mamoudzou, disposant d’un plateau technique complet et d’une capacité de 183 lits, une quinzaine de dispensaires, couvrant l’ensemble de l’île, y sont désormais rattachés. Afin de renforcer la sécurité médicale, tout en conservant un degré de proximité suffisant avec les patients, un effort de regroupement des dispensaires est actuellement conduit autour de trois nouveaux sites hospitaliers intercommunaux (implantés à Chirongui, Kahani et Dzoumogné, respectivement en 2005, 2006 et 2008), qui seront complétés en 2012 par un quatrième site prévu à Dzaoudzi (voir la localisation des « hôpitaux de référence » figurant sur la carte ci-après).

L’activité du CHM de Mayotte, qui dispose d’un budget de 114 millions d’euros, est considérable, puisqu’il assure chaque année près de 8 000 accouchements, 22 000 journées d’hospitalisation et 390 000 consultations – les trois quarts d’entre elles ayant lieu dans les dispensaires. Ses effectifs ont presque doublé de 2003 à 2007 (voir tableau ci-après) et, après le récent agrandissement du site de Mamoudzou, le CHM devrait bénéficier, au cours de la période 2007-2012, de nouveaux investissements s’élevant à 150 millions d’euros. A terme, le nombre total de lits d’hospitalisation disponibles à Mayotte devrait passer de 265 à 500. Vos rapporteurs ont constaté que le site de Mamoudzou, qui a bénéficié d’une importante rénovation achevée depuis quelques mois seulement, dispose désormais d’aménagements adéquats et d’équipements aussi, sinon plus modernes que nombre d’hôpitaux métropolitains.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DU CENTRE HOSPITALIER DE MAYOTTE DE 2003 À 2007

Année

2003

2004

2005

2006

2007

ÉVOLUTION 2003-2007

Effectifs médicaux

80

120

130

145

155

+ 93,7 %

Effectifs non médicaux

875

1 200

1 300

1 332

1 410

+ 61,1 %

Effectifs totaux

955

1 320

1 430

1 477

1 565

+ 63,9 %

Source : Préfecture de Mayotte

L’offre de santé à Mayotte souffrant, d’une manière générale, d’effectifs soignants insuffisants – la densité médicale y est trois fois moins élevée qu’à La Réunion (19) –, ces efforts engagés pour mettre à niveau les moyens matériels et humains du CHM sont tout à fait nécessaires. Ils devront être poursuivis, afin de mieux protéger la santé de nos compatriotes mahorais. Rappelons en effet que Mayotte est une île africaine au climat tropical maritime, soumise à des contraintes sanitaires particulières, en raison non seulement d’une très forte pression démographique, mais aussi de nombreux cas d’infections, notamment d’origine vectorielle : bien que ces maladies déclinent, 514 cas de paludisme et 65 cas de chikungunya ont encore été enregistrés à Mayotte en 2008, et l’Institut de veille sanitaire vient d’y déceler l’apparition de la fièvre de la vallée du Rift en provenance du continent africain. La situation sanitaire de Mayotte est également fragilisée par l’existence d’importants retards de développement en matière de distribution d’eau et d’assainissement (20).

Toutefois, le développement de l’offre de soins ne peut être limité au seul secteur public hospitalier : il convient également de remédier à la grande faiblesse du secteur privé libéral. En effet, Mayotte ne compte que 21 médecins, dont seulement 14 généralistes, et n’est équipée, pour une population de plus de 180 000 habitants, que d’un seul laboratoire et un seul cabinet de radiologie. Pour remédier à cette situation, vos rapporteurs suggèrent que le Gouvernement étudie la possibilité de mettre en place à Mayotte un système d’incitations financières à l’installation de médecins libéraux.

c) Des règles de protection sociale dont les spécificités diminuent

Afin de préparer la départementalisation sur le plan administratif et d’éviter que la gratuité des soins n’attire davantage d’immigrés en situation irrégulière à Mayotte (21), un véritable régime d’assurance maladie y a été mis en place en 2005 et les personnes handicapées y bénéficient, depuis l’an dernier, d’un statut protecteur inspiré des règles en vigueur en métropole.

Par ailleurs, depuis 2006, l’âge de départ à la retraite est progressivement relevé pour atteindre 60 ans en 2010. En revanche, les prestations sociales existant à Mayotte continuent à différer sensiblement de celles de la métropole et de l’île presque voisine de La Réunion : certaines d’entre elles, comme le revenu minimum d’insertion (RMI) ou l’allocation parent isolé (API) n’existent pas encore, tandis que d’autres, comme l’aide personnalisée au logement (APL) ou l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), existent mais ouvrent des droits bien moindres qu’en métropole. Le cas des allocations familiales témoigne toutefois, là encore, d’une évolution vers le droit commun : ces prestations, qui étaient plafonnées à trois enfants jusqu’en 2005, sont désormais versées pour chaque enfant scolarisé, sans limitation – ce qui représente un progrès matériel important pour de nombreuses familles, compte tenu du taux de fécondité à Mayotte.

Pour éviter de déstabiliser l’économie et la société mahoraise, vos rapporteurs préconisent toutefois, dans ce domaine, de ne procéder à un rapprochement avec le droit commun qu’avec prudence et progressivité, selon des modalités sur lesquelles ils reviendront ultérieurement.

3. Les progrès sensibles enregistrés dans la lutte contre l’immigration clandestine

L’île de Mayotte est confrontée à une pression migratoire exceptionnelle du fait de sa proximité avec les autres îles de l’archipel des Comores (voir carte en Annexe 2), dans lesquelles le niveau de vie est dix fois moins élevé. Selon le rapport publié au mois de mars 2006 par la mission d’information de notre Commission sur la situation de l’immigration à Mayotte, le revenu moyen par habitant et le salaire minimum étaient, en 2005, respectivement neuf et onze fois moins élevés aux Comores qu’à Mayotte. Cet écart, ajouté à l’instabilité politique presque permanente des Comores, à l’existence de liens familiaux et à l’attraction exercée par les infrastructures sanitaires et scolaires de Mayotte, conduit chaque année plusieurs milliers de Comoriens, essentiellement originaires de l’île d’Anjouan, à tenter de franchir illégalement les 70 kilomètres de mer qui la séparent de celle de Mayotte.

En l’échange de la rémunération d’un passeur qui s’élèverait aujourd’hui à environ 200 à 250 euros par personne (contre 100 à 150 euros en 2005, selon les informations alors recueillies par la mission précitée), cette traversée est effectuée en quelques heures à bord d’embarcations à moteur, moulées en résine et dénommées localement kwassas-kwassas. Ces dernières contiennent en règle générale une trentaine de personnes, ainsi que quelques animaux, et chavirent assez fréquemment, causant de nombreux décès.

Vos rapporteurs ont pu constater que les étrangers en situation irrégulière présents à Mayotte sont concentrés dans des quartiers d’habitat illégal qui s’apparentent à de véritables bidonvilles et s’étendent aux abords des grandes agglomérations, en partie dissimulés par une végétation luxuriante. Leur nombre est évidemment difficile à estimer, mais s’élèverait de sources concordantes à environ 60 000 (enfants nés à Mayotte inclus), soit un peu moins du tiers de la population totale de l’île (22). Un nombre important d’actes de délinquance, essentiellement des vols, leur est attribué – ils seraient impliqués dans 70 % des actes de délinquance à Mamoudzou. En outre, leur présence alimente le « marché » du travail dissimulé, très important dans des activités telles que la pêche et l’agriculture, le transport en taxis ou les services à domicile.

Une réelle prise de conscience sur l’ampleur de ce phénomène et la nécessité de le combattre plus fermement, afin de préserver la stabilité économique et sociale de Mayotte, s’est opérée au cours des cinq dernières années, comme en attestent :

– l’augmentation des effectifs des forces de l’ordre, qui ont été plus que multipliés par quatre pour la police aux frontières (PAF) et par six pour les policiers de la direction de la sécurité publique (voir tableau ci-après) ;

– l’implantation à Mayotte, en 2005, 2006 puis 2008, de trois radars fixes de détection couvrant presque la totalité des eaux qui entourent l’île et qui permettent généralement de localiser, avec une grande efficacité, les embarcations se dirigeant vers Mayotte ;

– la mise à disposition, depuis 2005, de six nouvelles vedettes adaptées aux interceptions en mer (quatre pour la PAF et deux pour la gendarmerie).

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE POLICIERS ET GENDARMES À MAYOTTE DE 2004 À 2008

Année

2004

2005

2006

2007

2008

ÉVOLUTION 2004-2008

Policiers de la direction de la sécurité publique

29

135

132

135

186

+ 541,4 %

Policiers de la police aux frontières

31

86

94

139

143

+ 361,3 %

Gendarmes

135

153

181

194

207

+ 53,3 %

Source : Préfecture de Mayotte

Le déploiement de ces moyens supplémentaires s’est accompagné de l’adaptation du cadre normatif aux nécessités de la lutte contre l’immigration clandestine. Ainsi, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration (23), qui comportait un titre spécifiquement consacré à l’immigration ultramarine, a modifié les règles applicables à Mayotte en matière de contrôles, de vérifications d’identité et d’éloignements, mais aussi de lutte contre les fraudes à l’état civil et le travail clandestin (voir ci-après).

Rappel des principales dispositions adoptées dans la loi du 24 juillet 2006 pour lutter contre l’immigration clandestine à Mayotte

Les mesures visant à renforcer l’efficacité des contrôles d’identité et des éloignements

* Pour une durée de 5 ans, les officiers de police judiciaire sont autorisés à procéder, le long des côtes mahoraises (jusqu’à un kilomètre du littoral, ce qui couvrirait 85 % du réseau routier insulaire), avec l’accord du conducteur ou sur instruction du procureur de la République, à la visite sommaire de véhicules terrestres à moteur circulant sur la voie publique, afin de rechercher des infractions aux règles d’entrée et de séjour des étrangers (article 101).

* Le procureur de la République peut ordonner l’immobilisation des véhicules terrestres (ou aéronefs) ayant servi à commettre les infractions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, en neutralisant « tout moyen indispensable à leur fonctionnement », dès lors qu’aucune autre mesure n’est raisonnablement envisageable (article 102).

* Le relevé et la mémorisation des empreintes digitales et de la photographie des personnes dépourvues de titre de séjour lors du franchissement de la frontière à Mayotte peuvent être effectués, comme cela était déjà possible pour les étrangers en situation irrégulière ou faisant l’objet d’une mesure d’éloignement (article 104).

* Pour une durée de 5 ans, sont autorisés les contrôles d’identité destinés à vérifier la régularité du séjour, le long des côtes mahoraises (jusqu’à un kilomètre du littoral, ce qui couvrirait 88 % de la population insulaire), sans avoir à justifier d’un motif spécifique (article 113).

* La durée maximale de rétention des personnes soumises à une vérification d’identité après avoir été incapables de justifier leur identité lors d’un contrôle est portée de 4 à 8 heures (article 114).

Les mesures visant à limiter les fraudes à l’état civil

* Le père reconnaissant un enfant né à Mayotte d’une mère en situation irrégulière (ce qui confère immédiatement la nationalité française à l’enfant et le droit au séjour à la mère) doit participer aux frais médicaux d’accouchement (article 106).

* Lorsqu’il existe un « indice sérieux » laissant penser qu’une reconnaissance de paternité serait frauduleuse, l’officier d’état civil peut saisir le procureur de la République afin qu’il fasse, le cas échéant, opposition à l’enregistrement de la reconnaissance (article 108). Sont en outre étendues à ces reconnaissances frauduleuses les sanctions pénales applicables aux mariages frauduleux, soit 5 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (article 109).

* Les mariages de droit local sont désormais, comme ceux de droit commun, obligatoirement célébrés en mairie par l’officier d’état civil et non plus le cadi (article 111).

* La procédure dite de la « dation de nom » est désormais limitée aux seuls cas où les deux parents relèvent du statut civil de droit local (article 107). Cette procédure permet à toute personne « qui se présente comme le père » d’un enfant né hors mariage de déclarer, avec l’accord de la mère, cette paternité : le père confère alors à l’enfant son propre nom et la filiation paternelle est considérée comme établie.

Les mesures de lutte contre le travail clandestin

Le code du travail applicable à Mayotte a été modifié pour :

- rendre plus dissuasif le montant de l’amende administrative que le préfet de Mayotte peut prononcer à l’encontre d’un employeur de travailleurs clandestins (montant porté de 360 à 3 600 euros environ en 2006) ;

- étendre aux employés de maison les mesures de contrôle du respect du droit du travail et permettre aux inspecteurs du travail de pénétrer sur leur lieu de travail ;

- autoriser les officiers de police judiciaire à procéder, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, à des visites domiciliaires et perquisitions sur le lieu de travail, même s’il est habité (article 112).

Les forces de l’ordre jugent particulièrement utiles ces mesures relatives aux contrôles, vérifications d’identité et éloignements et y ont effectivement recours – à l’exception de l’immobilisation des véhicules terrestres par neutralisation de leur fonctionnement. En revanche, certaines mesures relatives à la lutte contre les reconnaissances frauduleuses d’enfants (participation du père aux frais d’accouchement d’une femme en situation irrégulière et opposition du parquet à l’enregistrement d’une reconnaissance de paternité) et au travail dissimulé (possibilité d’infliger des amendes administratives à l’employeur) demeurent peu utilisées, notamment du fait de la mise en place de procédures administratives inadaptées. Vos rapporteurs constatent notamment que les liens demeurent insuffisants entre les services communaux chargés de l’état civil, le trésor public et le centre hospitalier de Mayotte (la mairie de Mamoudzou ayant retiré de celui-ci, en 2007, son antenne chargée de l’état civil), et que le recours aux amendes administratives contre les employeurs d’étrangers en situation irrégulière est entravé par un encadrement réglementaire trop strict (24).

Il n’en demeure pas moins que cette évolution législative, ajoutée à l’augmentation considérable des moyens humains et matériels à la disposition des forces de l’ordre, semble avoir produit des effets très positifs, si l’on en juge par les statistiques relatives au nombre d’embarcations interceptées, de passeurs arrêtés et d’étrangers effectivement reconduits dans leur pays d’origine (voir tableau ci-après). L’effort d’équipement en vedettes et radars devra être maintenu à l’avenir, car les passeurs comoriens n’hésitent pas à faire de longs détours et à prendre des risques importants pour déjouer la surveillance, en profitant des failles du dispositif grâce aux complicités dont ils bénéficient sur Mayotte.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’EMBARCATIONS INTERCEPTÉES, DE PASSEURS ARRÊTÉS ET D’ÉLOIGNEMENTS EFFECTUÉS DE 2004 À 2008

Année

2004

2005

2006

2007

2008

ÉVOLUTION 2004-2008

Embarcations interceptées

37

59

100

179

256

+ 591,9 %

Passeurs arrêtés

55

64

140

258

358

+ 550,9 %

Étrangers en situation irrégulière éloignés

8 536

7 714

16 246

16 174

16 040

+ 87,9 %

Source : Préfecture de Mayotte

Vos rapporteurs constatent que le nombre d’éloignements effectués à Mayotte au cours des trois dernières années a été considérable, puisqu’il atteint presque 50 000 personnes – dont certaines tentent à nouveau la traversée peu après –, pour un coût total de gestion évalué à 150 euros par personne environ, ce qui est incomparablement moins élevé qu’en métropole. Entre 2002 et 2008, le nombre d’éloignements exécutés est passé de 3 998 à 16 040, c’est-à-dire qu’il a plus que quadruplé. L’effort fourni par les policiers et les gendarmes dans ce domaine, dans des conditions particulièrement difficile, doit être salué. Les progrès enregistrés ces dernières années sont plus spectaculaires encore s’agissant des flux migratoires à destination de Mayotte : Le nombre d’embarcations interceptées et de passeurs arrêtés ont été plus que multipliés par six depuis 2004 ; les résultats obtenus en 2008 (256 embarcations et 358 passeurs) sont respectivement 37 et 22 fois plus élevés que ceux de l’année 2002 (7 embarcations et 16 passeurs).

Conséquence de cette lutte beaucoup plus performante des policiers et gendarmes contre l’immigration clandestine, le nombre d’étrangers en situation irrégulière retenus au centre de rétention administrative et de passeurs détenus à la maison d’arrêt de Majicavo a beaucoup augmenté, au-delà des capacités offertes par ces locaux. Vos rapporteurs, lors de leur visite, ont noté que le centre de rétention, conçu pour accueillir 60 personnes, hébergeait dans des conditions très rudimentaires (25), pour une durée en général limitée à un ou deux jours, 89 personnes, dont un certain nombre de jeunes mineurs. Ce constat se rapproche d’ailleurs des moyennes mensuelles d’occupation de ce centre calculées pour l’année 2008 – la moyenne annuelle étant de 69 personnes, avec de forts écarts d’un jour à l’autre (26), (voir tableau ci-après).

OCCUPATION DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE MAYOTTE EN 2008

Mois

Capacité théorique

Occupation réelle
(en moyenne mensuelle)

Taux d’occupation

Janvier

60

68

113 %

Février

60

69

115 %

Mars

60

78

130 %

Avril

60

13

21 %

Mai

60

92

153 %

Juin

60

62

103 %

Juillet

60

67

111 %

Août

60

49

81 %

Septembre

60

71

118 %

Octobre

60

87

145 %

Novembre

60

100

166 %

Décembre

60

77

128 %

Année 2008

60

69

116 %

Source : Préfecture de Mayotte

De même, la maison d’arrêt de Majicavo comptait 239 détenus (dont 184 étrangers, principalement des passeurs comoriens), alors qu’elle n’offre théoriquement que 90 places – dans ces conditions, le maintien du calme et de la propreté de l’établissement, que la mission a pu constater, doit être souligné.

Quelles que soient les mesures et les précautions prises par leurs responsables administratifs, ces infrastructures n’ont, à l’évidence, plus la taille critique qu’impliquerait l’ampleur de la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte : elles sont structurellement surpeuplées. La Commission nationale de déontologie de la sécurité a d’ailleurs estimé, dans un avis du 14 avril 2008 rendu à l’issue d’une visite du centre de rétention, qu’il offrait des conditions de vie portant « gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus ». Il est donc indispensable de procéder, dans les plus brefs délais :

– à l’agrandissement de la maison d’arrêt de Majicavo, ce qui suppose de mettre en œuvre le projet d’extension de 125 places, encore à l’étude ;

– à la construction du nouveau centre de rétention administrative de 140 places, dont le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, a annoncé le 8 janvier dernier, lors d’une visite sur place, qu’il remplacerait le centre actuel en 2011. Il est en effet particulièrement décourageant pour les forces de l’ordre de devoir libérer des étrangers en situation irrégulière du seul fait de la taille insuffisante du centre de rétention administrative.

II. LES CONDITIONS D’UNE DÉPARTEMENTALISATION RÉUSSIE

Le référendum local organisé à Mayotte le 29 mars prochain permettra à sa population d’approuver, ou de refuser, le projet de départementalisation qui lui sera soumis par le Président de la République, sous la forme d’une question simple. Selon les termes d’un décret du 20 janvier dernier (27), la question posée aux électeurs, sur proposition du Gouvernement, sera ainsi libellée : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée « Département », régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer ? ».

Il s’agira pour Mayotte d’un choix historique fondamental. À l’issue de notre mission sur place, il nous paraît essentiel que la représentation nationale et, plus largement, l’ensemble de nos compatriotes, soient pleinement informés de la portée juridique d’une telle décision. La transformation de cette collectivité d’outre-mer, régie par l’article 74 de la Constitution, en collectivité régie par son article 73, impliquera en effet d’importants changements juridiques et pratiques, qui affecteront directement la population de Mayotte dans sa vie quotidienne.

A. EXPLIQUER LA PORTÉE JURIDIQUE D’UNE TRANSFORMATION DE LA COLLECTIVITÉ EN DÉPARTEMENT ET RÉGION D’OUTRE-MER

La réussite d’une éventuelle transformation du statut de Mayotte en collectivité régie par l’article 73 de la Constitution suppose d’en exposer clairement les modalités et les conséquences juridiques. Le Parlement sera en effet appelé, si la population de Mayotte se prononce en faveur de ce projet de départementalisation, à adopter des dispositions organiques fixant le nouveau statut de cette collectivité et à tirer les conséquences législatives de ce changement de régime constitutionnel. Il est donc heureux qu’il ait déjà pu envisager cette perspective, lors des débats organisés, les 11 et 12 février derniers, à l’Assemblée nationale et au Sénat.

1. La nécessaire association de la population à l’évolution statutaire

Le projet qui sera soumis au vote de nos concitoyens de Mayotte ne présentera pas seulement les apparences de la départementalisation : la référence explicite à l’article 73 de la Constitution, régissant les départements et régions d’outre-mer, devrait à cet égard lever toute ambiguïté. Cette approche politique de l’évolution statutaire de Mayotte diffère donc radicalement de celle qui a longtemps prévalu. Il s’agirait d’une départementalisation réelle et non plus symbolique – contrairement à celle qui a conduit, depuis la loi du 11 juillet 2001 (28), à dénommer « collectivité départementale » une collectivité ultramarine ne constituant nullement un département au plan constitutionnel.

La procédure applicable à la transformation d’une collectivité d’outre-mer (COM), régie par l’article 74 de la Constitution, en collectivité territoriale régie par son article 73, obéit à des règles précises qui imposent une étroite association de la population concernée. En effet, si l’article 72-4 de la Constitution offre au Président de la République la simple faculté, sur proposition du Gouvernement, de consulter les électeurs d’une collectivité ultramarine sur toute question relative « à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif », le consentement de ceux-ci est en revanche obligatoire pour « tout changement […] de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 ». En outre, le Gouvernement est alors tenu de faire sur ce sujet une déclaration, suivie d’un débat, devant chaque assemblée parlementaire – ce qui a été fait les 11 et 12 février derniers.

Enfin, l’accord de la population ultramarine concernée est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour procéder au changement de statut. Celui-ci relève en effet de la compétence du seul Parlement et prend la forme d’une loi organique, dont le Conseil constitutionnel est, à ce titre, toujours saisi – ce qui est un gage de sécurité juridique pour le nouveau statut.

En tout état de cause, indépendamment de ces règles procédurales qui s’imposent aux pouvoirs publics, l’association de la population mahoraise au changement statutaire envisagé constitue une impérieuse nécessité politique. Nos compatriotes doivent prendre la pleine mesure des conséquences importantes d’un tel changement, afin de se l’approprier concrètement et d’en assurer ainsi la réussite. À cet égard, les documents d’information distribués par le Gouvernement (voir Annexe 3) seront d’une grande utilité et notre mission à Mayotte a été l’occasion d’échanges particulièrement instructifs et fructueux avec les élus et associations de Mayotte.

2. Le nouveau régime législatif prévu par l’article 73 de la Constitution

a) Une extension automatique du droit commun qui n’exclut pas certaines adaptations expressément prévues par le législateur

En dépit de sa dénomination légale, la « collectivité départementale de Mayotte » relève, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, de la catégorie des collectivités d’outre-mer (COM) régies par l’article 74 de la Constitution, comme la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

La transformation de cette COM en collectivité régie par l’article 73 de la Constitution, à l’instar des départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) dont elle exercerait d’ailleurs les compétences, entraînerait l’application à Mayotte du régime d’assimilation législative défini au premier alinéa de cet article : « les lois et règlements sont applicables de plein droit », même s’ils « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».

Ce principe d’assimilation législative n’impose donc pas d’aligner entièrement le droit applicable localement sur le droit commun, mais il confère un caractère implicite à cet alignement : toute législation restée muette quant à son champ d’application territorial est présumée applicable dans ces collectivités et, inversement, toute dérogation à la loi commune suppose une mention législative expresse. Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi, exerce en outre un contrôle attentif sur la motivation et l’ampleur des adaptations législatives, adoptées pour tenir compte de l’existence de situations et besoins locaux spécifiques dans la matière législative concernée.

Sauf mention contraire, le droit commun deviendrait automatiquement applicable à Mayotte, alors qu’il ne l’est pas actuellement (29), en matière de droit fiscal et douanier, de finances communales, de droit social, de droit des étrangers, ainsi que de gestion de l’espace au sol (droit de l’urbanisme et du logement, droit immobilier et cadastre, droit domanial et aménagement rural).

En conséquence, le Gouvernement et le Parlement devront, pour les matières dans lesquelles ils souhaiteraient éviter d’appliquer à Mayotte certaines lois et règlements en raison des « contraintes et caractéristiques particulières » de cette île, le préciser dans ces normes avant que le changement de statut de cette collectivité n’ait pris effet, c’est-à-dire au plus tard en 2011 compte tenu de la « feuille de route » rendue publique par le Gouvernement. Ce dernier devra donc préparer cette échéance en amont, en « repérant » dès à présent dans notre législation les dispositions de droit commun dont l’application devrait être écartée à Mayotte.

b) La préservation du droit du conseil général de Mayotte à prendre l’initiative d’une adaptation normative

Le basculement du régime de l’article 74 vers celui de l’article 73 de la Constitution ne bouleversera pas fondamentalement, pour Mayotte, les conditions dans lesquelles son conseil général peut prendre l’initiative d’adapter lui-même les lois et règlements à sa situation spécifique.

En effet, l’article L.O. 6161-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise, depuis la loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM (30), que le conseil général de Mayotte peut décider de telles adaptations normatives, après y avoir été habilité par la loi ou le décret selon le cas. La procédure actuellement applicable à Mayotte est directement inspirée de celle prévue pour les DOM aux articles L.O. 3445-1 à L.O. 3445-12 du CGCT, issus de la même loi organique, s’agissant notamment de la motivation de l’adaptation envisagée : celle-ci doit prendre en compte les « caractéristiques et contraintes particulières » de la collectivité. En reprenant les termes mêmes de l’article 73 de la Constitution pour les adaptations normatives, le législateur avait donc, d’une certaine manière, anticipé en 2007 sur une départementalisation ultérieure du statut de cette COM.

Deux différences procédurales doivent toutefois être signalées :

– l’adaptation n’est possible dans les DOM-ROM que dans les matières où s’exercent leurs compétences, alors que cette restriction imposée par l’article 73 de la Constitution n’a pas été apportée pour Mayotte ;

– l’habilitation à modifier une disposition réglementaire ne peut intervenir que par la loi dans les DOM-ROM, en raison de la rédaction de l’article 73 de la Constitution applicable en 2007 (31), alors qu’elle est aujourd’hui possible par décret à Mayotte. Cette seconde solution, plus logique, ayant été étendue aux DOM-ROM depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (32), la loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM devra être mise à jour sur ce point, afin de la mettre en conformité avec la nouvelle procédure constitutionnelle.

Le conseil général de Mayotte pourra en outre, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, être habilité au niveau national à fixer lui-même les règles applicables sur son territoire, afin de tenir compte des « spécificités » locales, dans un nombre limité de matières législatives – sont exclues celles qui ont trait à la souveraineté (nationalité, droits civiques et droit électoral), aux libertés publiques, aux droits individuels fondamentaux (état et capacité des personnes, droit et procédure pénale), ainsi que les matières régaliennes traditionnelles (affaires étrangères, défense, sécurité, justice, monnaie, crédits et changes). La loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM dispose que l’habilitation est donnée par la loi, mais il conviendra, là encore, de tirer les conséquences de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui étend cette procédure de « création normative locale » aux matières relevant du règlement et prévoit, dans ce cas, une habilitation donnée par décret.

La multiplicité des outils normatifs qui devraient être offerts au conseil général de Mayotte, si son statut est à l’avenir régi par l’article 73 de la Constitution, lui permettra d’éviter une application trop abrupte du droit commun dans certaines matières, sous le contrôle du Gouvernement et du Parlement comme des juridictions administratives.

3. L’intérêt d’une représentation politique unifiée

La collectivité départementale de Mayotte dispose actuellement d’un champ de compétence relativement proche de celui des DOM-ROM, auquel renvoie d’ailleurs explicitement son statut (33) depuis la loi organique du 21 février 2007 portant DSIOM. Ses compétences sont plus étendues que celles des DOM-ROM en matière fiscale et douanière (pour une période transitoire dont le législateur a fixé le terme au 31 décembre 2013), ainsi qu’en matière internationale (coopération régionale et droit à être consulté, voire associé, pour certaines négociations). Elles sont, à l’inverse, moins étendues en matière de construction et de gestion des établissements d’enseignement secondaire, de construction et de gestion des routes nationales et de lutte contre les maladies vectorielles (telles que le paludisme ou le chikungunya).

Ces compétences sont actuellement exercées par une même collectivité : dès lors, est-il opportun de les répartir entre deux collectivités, un DOM et une ROM, qui interviendraient sur un territoire strictement identique ? Cette solution n’apparaît ni la plus intelligible, ni la plus claire politiquement – combinée à la clause générale de compétences reconnue par la loi à l’ensemble des régions et départements, elle pourrait en principe conduire à des politiques antagonistes en tous domaines si les élections cantonales et régionales ont donné des résultats contraires –, ni la plus économe des deniers publics.

En outre, la Constitution n’impose pas la création d’un tel doublon, puisque le dernier alinéa de son article 73 permet explicitement, dès lors que ce projet a été approuvé par les électeurs, de créer par la loi « une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer » ou « une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ». La question qui sera posée le 29 mars prochain à nos concitoyens de Mayotte s’appuie sur la première des deux hypothèses, puisqu’elle fait référence à une « collectivité unique » et non à une « assemblée unique », mutualisée pour les deux collectivités.

Cette solution paraît rationnelle, mais ne doit évidemment introduire aucune confusion juridique ou politique : cette collectivité tiendra bien lieu de DOM et de ROM et son régime constitutionnel et législatif sera de même nature, comme l’indique bien la référence, dans la question posée aux électeurs de Mayotte, à l’article 73 de la Constitution. La population et les élus de Mayotte n’ont donc pas à craindre une intention cachée derrière l’organisation proposée, qui ne remettra pas en cause leur souhait légitime de se rapprocher du droit commun, mais obéit uniquement à des considérations d’efficacité administrative et politique.

B. APPLIQUER RAPIDEMENT LA LOI ET LES PRINCIPES RÉPUBLICAINS EN MATIÈRE CIVILE

De nombreux indicateurs et témoignages recueillis par vos rapporteurs au cours de la mission qu’ils ont effectuée à Mayotte révèlent une application encore insuffisante, à Mayotte, des règles de droit et des principes fondamentaux de notre République en matière civile. Une éventuelle départementalisation du statut de cette collectivité devrait impérativement être précédée de la mise en place d’un état civil fiable, des instruments permettant de garantir, en matière foncière, le respect du droit individuel de propriété, ainsi que de la suppression des règles de droit local encore contraires aux principes de laïcité et d’égalité des droits entre les hommes et les femmes.

1. La mise en place urgente d’un état civil rigoureux

Les défaillances de l’état civil à Mayotte, bien qu’elles ne soient pas nouvelles, perturbent gravement la vie quotidienne et l’efficacité de l’action administrative dans cette collectivité. Même si des efforts visibles ont été engagés depuis une dizaine d’années, les moyens et l’organisation mis en place demeurent nettement insuffisants pour garantir l’identité des personnes et les droits qui en découlent : le projet de départementalisation devrait être l’occasion d’un sursaut rapide sur cette question fondamentale.

a) Un legs historique catastrophique

Pour tout citoyen qui n’en a pas déjà fait l’expérience à Mayotte, la découverte de l’état général de conservation de notre état civil dans cette collectivité constitue un choc. Ainsi, les actes d’état civil présentés à vos rapporteurs, lors de leur visite du service de l’état civil de la mairie de Mamoudzou sont, pour les années 1920 aux années 1980 comprises, généralement réduits à l’état de feuilles éparses, usées, jaunies et racornies, souvent raturées et trouées. Nombre de ces documents, dont certains n’ont, en outre, pas été rédigés en langue française, sont de ce fait devenus illisibles. L’humidité du climat et la fréquence des consultations permettent, bien sûr, d’expliquer en partie ce résultat désastreux, et il est probable que les actes d’état civil établis depuis une dizaine d’années, reliés et beaucoup mieux protégés, résisteront bien mieux à l’épreuve du temps.

De nombreux actes d’état civil, dont la gestion avait été confiée aux cadis jusqu’à l’année 2000 pour les mahorais relevant du statut personnel de droit local, ont été égarés au fil du temps. Par ailleurs, ces Français pouvaient n’être désignés que par des « vocables », les notions de nom et de prénom étant étrangères à la tradition islamique. Enfin, la date de leur naissance n’ayant pas toujours été enregistrée, nombre de nos concitoyens sont, selon les termes de cet état civil, « nés vers » une année donnée.

Ces graves lacunes sont particulièrement lourdes de conséquences à Mayotte, compte tenu de l’importance de l’immigration clandestine et de la fraude documentaire dans cette île : faute d’état civil fiable, de nombreux mahorais sont privés des documents d’identité exigés pour de nombreuses démarches administratives, tandis que les étrangers en situation irrégulière sont souvent en mesure de produire des actes d’état civil falsifiés… Une situation aussi anarchique ne saurait demeurer, sur aucune parcelle du territoire national, dans un pays développé et un État de droit comme le nôtre.

b) Les résultats insuffisants de la révision en cours

Afin de surmonter ce handicap historique et les dysfonctionnements qu’il engendrait, une ordonnance du 8 mars 2000 (34) a non seulement confié aux mairies la gestion de l’ensemble de l’état civil (de droit local comme de droit commun), mais aussi établi pour cinq ans une Commission de révision de l’état civil (CREC).

Cette commission, présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire et à laquelle participent le préfet, les élus locaux, le grand cadi ou leurs représentants (35), est chargée d’arrêter les noms et prénoms choisis par les personnes soumises au droit local et, plus généralement, de combler les lacunes de l’état civil en établissant les actes requis. Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur une équipe de 39 rapporteurs chargés d’instruire les dossiers dans les communes, ainsi qu’une greffière et cinq secrétaires. Mise en place au mois d’avril 2001, elle a déjà rendu près de 80 000 décisions et été prolongée en 2005 (36) pour 5 années supplémentaires, en raison de l’importance de la tâche à accomplir.

Toutefois, le fonctionnement actuel de la CREC et de la réorganisation de l’état civil à Mayotte présente de nombreuses déficiences :

– le délai d’instruction d’un dossier par la CREC est généralement compris entre 2 et 4 ans, alors que la durée réglementaire maximale est d’un an (37). Dans l’intervalle, les demandeurs peuvent donner naissance à des enfants dont l’acte de naissance sera établi sur le fondement de l’état civil non encore révisé de leurs parents, et ne sont pas en mesure de fournir aux administrations ou aux banques les actes révisés que celles-ci leur demandent systématiquement (ce qui leur interdit notamment de quitter Mayotte) ;

– le nombre de décisions rendues par la CREC a beaucoup chuté au cours des dernières années, passant de 13 527 en 2005 à 746 en 2008, ce qui est nettement inférieur au nombre de nouvelles demandes (voir tableau ci-après). Le stock étant actuellement constitué de plus de 16 000 dossiers (voir Annexe 6), auxquels il convient d’ajouter environ 5 000 dossiers en rectification d’erreurs matérielles, ce rythme ne permettra pas à la CREC d’avoir achevé ses travaux à la date prévue, le 5 avril 2011 ;

LES NOUVELLES DEMANDES ENREGISTRÉES ET LES DÉCISIONS RENDUES PAR LA CREC

Années

2005

2006

2007

2008

Nouvelles demandes

7 805

6 952

3 497

3 490

Décisions rendues

13 527

9 600

5 600

746 (38)

Source : Commission de révision de l’état civil (CREC) de Mayotte, février 2009

– les rapporteurs sont dépourvus de formation juridique et travaillent dans les communes de manière isolée, sans supervision et parfois sans téléphone, ce qui ralentit leur rythme de travail et favorise les erreurs matérielles, tandis que la présidence de la CREC, déjà laissée vacante pendant 6 mois en 2006, l’est à nouveau depuis le mois d’août dernier (l’intérim étant partiellement assuré par une vice-présidente du tribunal supérieur d’appel) ;

– l’équipement informatique ne permet, en raison tantôt de l’absence de matériel ou de maintenance, tantôt de l’incompatibilité des logiciels installés, d’établir de communications directes ni entre les rapporteurs et le siège de la CREC, ni entre la CREC, les services de l’état civil des communes et la préfecture. Les piles de documents transportées manuellement doivent ainsi être saisies à nouveau sur informatique, ce qui génère de nouvelles erreurs (certaines portant par exemple sur le nom ou l’âge, mais aussi sur le sexe du demandeur) ;

– enfin, lorsqu’une personne a bénéficié d’une décision de la CREC révisant son état civil, les services de l’État et organismes sociaux n’en sont informés que si cette personne le leur signale, ce qui crée un risque de discordance dans les identités déclarées.

c) La mise en place urgente de moyens et de procédures efficaces

Les conditions actuelles de fonctionnement de la CREC ne permettent pas d’envisager à court terme l’achèvement de ses travaux. Or, il est impératif de parvenir rapidement à une stabilisation de l’état civil à Mayotte, car elle conditionne l’exercice de nombreux droits, ainsi que la fiabilité des listes électorales. Aussi cette tâche doit-elle désormais être considérée comme prioritaire, non seulement sur place, mais aussi dans les administrations centrales installées à Paris – ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Vos rapporteurs ne sont pas favorables à ce que les activités de la CREC, et le délai accordé à la population pour la saisir (39) soient, à nouveau, prolongés de plusieurs années, car cette commission ne doit pas être considérée comme un organe permanent. En effet, la révision doit être courte et exceptionnelle : la population de Mayotte ne peut voir son état civil constamment modifié, tant du fait de délais d’instruction excessivement longs que d’initiatives personnelles tardives, ou encore de manœuvres frauduleuses. Les rapporteurs de la CREC ont, ainsi, indiqué être parfois saisis par des personnes souhaitant modifier l’âge auquel fait référence leur état civil en fonction de l’évolution de leurs besoins administratifs, notamment en matière scolaire.

L’achèvement des travaux de la CREC requiert l’engagement, pendant une période courte, de moyens accrus, ainsi que la mise en place d’une organisation plus rationnelle. À cet égard, il est impératif de doter au plus vite la CREC d’une présidence à plein temps – l’arrivée d’un magistrat devrait intervenir avant la fin du mois de mars prochain –, d’un vice-président, ainsi que d’un secrétaire général qui serait chargé de la gestion des ressources humaines, du budget et des questions matérielles. Le nombre d’audiences, permettant pour chacune d’entre elles d’examiner 60 à 80 dossiers, pourrait ainsi être multiplié, d’autant que, depuis 2008 (40), la présence de deux de ses membres en sus du président suffit pour que la CREC puisse délibérer.

Par ailleurs, l’existence d’erreurs matérielles grossières, qui ralentit également le processus de révision en imposant de nombreuses relectures et le réexamen d’environ un tiers des décisions déjà prises, met en évidence un problème de fiabilité dans le travail accompli dans les communes par les rapporteurs. Il paraît indispensable que ces derniers bénéficient d’une courte formation dans ce domaine, ainsi que d’un encadrement humain spécifique – tâche qui pourrait être confiée à une équipe de fonctionnaires spécialisés en matière d’état civil, détachés par leurs administrations à Mayotte jusqu’à l’achèvement de l’instruction de tous les dossiers dont la CREC aura été saisie. Des objectifs quantitatifs et qualitatifs pourraient ainsi être assignés à chaque rapporteur, dont l’isolement prendrait fin.

Enfin, le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer devrait veiller à ce que les crédits d’équipement informatique alloués par l’État aux différentes administrations intervenant en matière d’état civil soient utilisés pour acquérir des logiciels identiques, ou au moins compatibles entre eux, et en assurer la maintenance (41). En effet, la communication directe des informations permettrait de gagner du temps et de réduire le nombre d’erreurs matérielles découlant des phases successives de saisie des données.

Une informatique adaptée pourrait, en outre, servir à « recouper » certaines informations, telles que le patronyme choisi par les enfants d’une même fratrie, et à procéder aux signalements requis auprès des administrations sociales intéressées, à Mayotte comme à La Réunion. Une utilisation adéquate de l’informatique devrait, enfin, conduire à numériser les actes d’état civil dont la conservation en bon état est compromise sous la forme « papier ».

Il est urgent d’engager dès à présent de tels changements et de rompre avec l’inertie et les dérives constatées, afin que ce travail de remise en ordre de l’état civil puisse être achevé en 2011 et, en tout état de cause, avant une départementalisation. À défaut, les défaillances persistantes de l’état civil à Mayotte compromettraient inéluctablement la réussite d’un processus qui vise à rapprocher cette collectivité du droit commun de la République.

2. Le respect encore incomplet des principes de laïcité et d’égalité des droits

En dépit des lourdes difficultés juridiques posées par l’application du droit local à Mayotte, la départementalisation ne saurait conduire à sa suppression, puisque l’article 75 de la Constitution garantit son maintien à ceux qui n’y ont pas renoncé. Son contenu devra en revanche être, une nouvelle fois, modernisé en cas de départementalisation.

a) La modernisation du droit du mariage et des successions

La mise en adéquation du droit local mahorais avec les principes juridiques fondamentaux applicables dans les départements impliquera, en premier lieu, d’en modifier les règles en matière de mariages et de successions.

Ainsi, les règles établissant des discriminations successorales selon le genre et la naissance des enfants (42), ou permettant encore, pour les personnes majeures avant le 1er janvier 2005, la polygamie et la répudiation, ne pourront être maintenues en cas de départementalisation de Mayotte. En effet, le régime de l’article 73 de la Constitution impose une rigueur accrue dans le respect du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, ainsi que dans celui du principe de non-discrimination résultant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (43). L’interdiction de procéder à de nouvelles unions polygames devra donc être étendue à l’ensemble de la population de Mayotte ; la violation de cette règle, comme la célébration habituelle de mariages religieux non encore enregistrés civilement, devrait dès lors être pénalement sanctionnée, selon les règles de droit commun (44).

De même, l’âge minimal du mariage, qui demeure fixé à 15 ans pour les femmes relevant du statut personnel de droit local en vertu de l’ordonnance du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte (45), devra être relevé à 18 ans, et le consentement des époux devra être recueilli librement, sans intervention d’un tuteur matrimonial.

Les élus de Mayotte rencontrés par vos rapporteurs ont affirmé que ces pratiques étaient aujourd’hui devenues marginales à Mayotte et qu’un tel changement du droit, dans le cadre d’une départementalisation, ne devrait pas poser de difficulté. Même si chacun s’accorde à reconnaître que la polygamie décline à Mayotte et apparaît comme une forme d’organisation familiale datée, il est difficile d’en apprécier l’étendue réelle aujourd’hui à Mayotte. Il semblerait qu’environ 4 % des hommes adultes, et par conséquent un pourcentage nettement plus élevé de femmes, soient concernés.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agira d’une transformation sociale importante et que cette rupture avec la tradition marquera un progrès dans le respect de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Mme Cris Kordjee, représentante de l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes, a d’ailleurs souligné devant la mission que les femmes vivant en situation légale de polygamie ne disposaient pas, en réalité, des moyens de la refuser.

b) Le remplacement des activités juridictionnelles des cadis par des fonctions de médiation sociale

La modernisation du statut personnel de droit local devra également conduire à transformer l’activité professionnelle des actuels cadis.

Vos rapporteurs ont bien indiqué au grand cadi et aux cadis que la justice cadiale devrait être supprimée, car le maintien de cette justice de droit musulman et coutumier ne permettrait ni d’assurer le respect des principes constitutionnels de laïcité et d’égalité de tous les citoyens devant la justice, ni d’offrir les nombreuses garanties procédurales requises par l’article 6 de la convention précitée pour garantir le « droit à un procès équitable » (46). Comme le souligne le Pacte pour la départementalisation de Mayotte, « l’Etat garantit deux statuts, mais une seule justice » (voir Annexe 3). De même, leur formation juridique ne leur permet pas d’assurer des activités notariales offrant les garanties attendues dans un département, en particulier pour assurer la sécurité juridique des transferts de propriété.

Toutefois, cette modification de l’activité des cadis ne remettra en cause ni leur statut actuel d’agents rémunérés par la collectivité départementale de Mayotte, ni leur rôle social éminent. Leur connaissance des familles et des traditions mahoraises devra être reconnue à sa juste valeur, et leur expérience pourrait s’avérer particulièrement utile pour l’exercice de fonctions de médiation sociale, voire pour apporter un éclairage complémentaire aux formations collégiales des tribunaux de droit commun. Lors de leur audition, les cadis ont d’ailleurs indiqué qu’ils souhaiteraient bénéficier, dans cette perspective, d’une formation juridique.

3. La protection juridique insuffisante des propriétés foncières

La perspective de l’instauration à Mayotte d’une fiscalité de droit commun avant le 31 décembre 2013, comme le prévoient depuis 2007 (47) les articles L.O. 6161-22 et L.O. 6161-24 du code général des collectivités territoriales, conduira notamment à substituer aux impôts et taxes actuellement perçus par le conseil général des taxes locales, telles que la taxe d’habitation ou les taxes foncières, dont l’assiette dépend de la valeur locative des biens concernés.

Or, le plan cadastral de Mayotte, établi en 2004, et le livre foncier (qui comprend un bornage incomplet des propriétés), ne permettent pas de connaître la valeur locative des parcelles et constructions, dont les propriétaires sont en outre, dans de nombreux cas, non domiciliés, voire tout simplement inconnus. Les services déconcentrés de l’État, entendus par vos rapporteurs, ont indiqué que de certains titres de propriété avaient été perdus au fil du temps et que de nombreuses parcelles étaient occupées sans titre de propriété, même si l’État délivre parfois une autorisation d’occupation temporaire.

Cette situation inacceptable s’explique notamment par l’exercice d’activités notariales par les cadis, qui règlent également les successions de droit local, ainsi que par l’intervention d’un seul notaire pour l’ensemble de l’île – alors même que l’intervention de celui-ci est obligatoire depuis le 1er janvier 2008. Ajoutons enfin qu’environ la moitié des constructions effectuées sur l’île le seraient sans qu’un permis de construire ait été préalablement obtenu, bien que l’on estime qu’il existe un risque naturel sur 65 % du territoire de la collectivité.

Une telle confusion juridique posera bien sûr de graves problèmes administratifs pour l’établissement et le recouvrement des impôts locaux – à cet égard, un impôt tel que la taxe d’habitation, compte tenu de la complexité de l’établissement de son assiette et de ses règles de calcul, sera peut être plus difficile à mettre en place qu’une imposition sur la consommation ou le revenu des personnes.

Ce désordre porte en outre, plus fondamentalement, une grave atteinte au droit individuel de propriété. Or, ce dernier est pourtant, à Mayotte comme sur l’ensemble du territoire national, constitutionnellement protégé sur le fondement de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (48).

D’une manière générale, il est inadmissible que les règles de droit soient aussi peu respectées dans ce domaine à Mayotte. Indépendamment des procédures qui devraient être conduites pour faire effectivement respecter les règles d’urbanisme, il pourrait être utile de mettre en place, comme vos rapporteurs le proposent pour les médecins libéraux, des incitations financières à l’installation de notaires à Mayotte. La réduction progressive de l’importance du droit local dans cette collectivité devrait en outre permettre à ces derniers d’exercer leur activité professionnelle avec une meilleure sécurité juridique.

C. FAVORISER UNE STABILISATION DE LA DÉMOGRAPHIE INSULAIRE

Comme vos rapporteurs l’ont précédemment exposé, le dynamisme de la démographie insulaire, qui résulte en partie de la pression migratoire, représente pour les pouvoirs publics un défi sans précédent, car toutes les infrastructures sociales doivent être renforcées en conséquence. L’âge moyen de la population de Mayotte n’atteint que 22 ans, chiffre sans équivalent dans les autres collectivités territoriales de la République.

1. Les tensions engendrées par le dynamisme démographique

La contrainte résultant de ce dynamisme démographique est particulièrement forte en matière scolaire et sanitaire : les seuls effectifs des établissements scolaires de l’enseignement primaire et secondaire représentent presque 40 % de la population, tandis que le centre hospitalier de Mayotte assure près de 8 000 naissances chaque année. Par ailleurs, le coût du rapprochement progressif des prestations familiales servies à Mayotte de celles de droit commun sera d’autant plus lourd que la natalité demeurera élevée dans ce territoire.

L’augmentation de la population de Mayotte, déjà multipliée par quatre en trente ans, pose également un problème pour l’aménagement de l’espace insulaire. En effet, le nombre de terrains disponibles pour les constructions légales et pour les cultures ne cesse de diminuer : l’accès au foncier, déjà perturbé par les difficultés relatives à la tenue du cadastre et à l’évaluation des parcelles, est ainsi de plus en plus difficile. Par ailleurs, la délinquance générale, alimentée par les écarts de richesse et le désoeuvrement de nombreux jeunes, a déjà plus que quadruplé en dix ans et les violences contre les personnes augmentent rapidement, même si elles demeurent moins nombreuses que dans les départements d’outre-mer (voir tableau ci-après).

LA DÉLINQUANCE À MAYOTTE ET DANS LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER EN 2007

Nature de la délinquance

Rappel Mayotte 2006

Mayotte

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Rappel de la population estimée (49)

n.d.

186 452

447 000

399 000

202 000

784 000

Ensemble des faits de délinquance constatés

19 090

22 818

25 939

21 244

24 839

30 914

Infractions à la législation des étrangers

13 967

16 706

2 027

599

12 884

103

Violences contre les personnes

595

938

4 708

4 363

2 745

5 982

Mineurs mis en cause

2 184

2 268

1 041

1 080

479

2 118

Source : Préfecture de Mayotte

Il est donc évident que la population de cette collectivité, dont la superficie est limitée à 374 kilomètres carrés, ne pourra s’élever indéfiniment sans générer des tensions sociales accrues. Rappelons que la densité de population dépasse déjà 500 habitants au kilomètre carré à Mayotte, alors qu’elle n’atteint que 330 habitants au kilomètre carré dans l’île voisine de La Réunion.

2. Les possibilités d’action sur les composantes locale et importée de l’augmentation démographique

Pour limiter les tensions engendrées par la jeunesse de la population et le manque d’espace, vos rapporteurs jugent particulièrement nécessaire de renforcer la politique de planification des naissances à Mayotte (50) et les mesures éducatives correspondantes, ce que l’évolution des mentalités et des droits des femmes devrait faciliter. La transition démographique de Mayotte pourra ainsi continuer à progresser, comme elle l’a déjà fait depuis trente ans, et le taux de fécondité se rapprocher de la moyenne réunionnaise (environ 2,5 enfants par femme). En outre, comme le souligne Mme Cris Kordjee, représentante de l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes, la modernisation des rapports sociaux et l’élévation du niveau de vie devrait également favoriser un meilleur contrôle des naissances, car une progéniture nombreuse est parfois considérée comme une garantie dans la perspective de la retraite.

Cet effort ne portera pleinement ses fruits que si le contrôle des flux migratoires à destination de Mayotte est encore amélioré. En effet, parmi la population insulaire, le taux de fécondité des femmes nées aux Comores est presque deux fois plus élevé que celui des femmes nées sur le territoire national (51). Ce constat devrait d’ailleurs conduire à rechercher une coopération avec l’Union des Comores en matière sanitaire, en soutenant notamment, tant en matériel qu’en personnel, la construction et l’entretien d’une maternité moderne sur l’île d’Anjouan.

Dans ce domaine, comme en matière d’état civil ou d’éducation, vos rapporteurs tiennent à souligner qu’il serait particulièrement souhaitable de promouvoir plus activement une politique de co-développement au sein de l’océan Indien.

D. MAINTENIR UNE LÉGISLATION PRAGMATIQUE EN MATIÈRE DE PRESTATIONS SOCIALES ET DE DROIT DES ÉTRANGERS

Il convient dès à présent d’anticiper les conséquences juridiques du basculement, si le changement de statut de Mayotte prend effet en 2011, du régime législatif de l’article 74 de la Constitution vers celui de son article 73 : sauf mention contraire, le droit commun s’appliquerait alors dans des matières actuellement régies par le principe de spécialité législative, telles que le droit du travail, le droit de l’urbanisme, ou encore celui de la protection sociale et des étrangers.

Si, de manière générale, le Gouvernement devra s’efforcer de recenser les dispositions législatives de droit commun qu’il conviendrait de modifier préalablement dans ces matières, vos rapporteurs estiment que la préservation des équilibres économiques et sociaux de Mayotte impose le maintien de dérogations importantes au droit commun en ce qui concerne l’extension et le renforcement des prestations sociales, ainsi que les règles d’entrée et de séjour des étrangers.

1. Une mise à niveau des prestations sociales qui ne peut être que progressive

Une bonne compréhension de la situation économique et sociale de Mayotte suppose de prendre en compte les nombreuses interactions entre cette île et son environnement régional, qu’il s’agisse des autres îles de l’archipel des Comores ou de celle de La Réunion – problématique que vos rapporteurs ont pu évoquer notamment avec le président de son conseil régional, un vice-président de son conseil général et le maire de Saint-Denis de La Réunion. La modification des dispositifs de protection sociale à Mayotte est, en effet, susceptible d’influer fortement sur les importants échanges de population entre ces territoires.

a) Une mise à niveau de nature à limiter les flux de population vers l’île de La Réunion

Une forte population mahoraise et comorienne réside actuellement sur l’île de La Réunion, ce qui s’explique par le niveau de développement plus élevé atteint par cette île, considéré comme une source d’inspiration pour Mayotte, mais aussi par la possibilité d’y bénéficier de prestations sociales identiques à celles de la métropole. Rappelons en effet que nos compatriotes de Mayotte ont évidemment le droit, comme tous les autres Français, de circuler librement sur le territoire de la République.

Les informations recueillies par vos rapporteurs auprès de la Caisse d’allocations familiales (CAF) de La Réunion mettent en évidence l’ampleur de l’écart qui, en matière de prestations sociales, sépare aujourd’hui Mayotte du droit commun :

- de nombreuses prestations sociales, telles que le revenu minimum d’insertion (RMI), l’allocation parent isolé (API) ou la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) sont encore inexistantes à Mayotte ;

- le montant des allocations familiales versées y est nettement moins progressif en fonction du nombre d’enfants : en particulier, pour une famille de cinq enfants, ce montant est quatre fois moins élevé à Mayotte qu’à La Réunion ;

- le montant de l’allocation adulte handicapé (AAH) et de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) perçue pour un élève scolarisé dans un établissement de l’enseignement primaire à Mayotte représente environ le tiers de celui de ces mêmes allocations à La Réunion (voir tableau ci-après).

PRESTATIONS SOCIALES SERVIES À MAYOTTE ET À LA RÉUNION

Prestations sociales

Montant mensuel à Mayotte (en euros)

Montant mensuel à La Réunion (en euros)

Allocations familiales (1 enfant)

54,8

22,1

Allocations familiales (2 enfants)

87,7

120,3

Allocations familiales (3 enfants)

105,2

274,5

Allocations familiales (4 enfants)

122,7

428,6

Allocations familiales (5 enfants)

140,1

582,8

Allocation de rentrée scolaire (écoles primaires)

103,2

275,3

Allocation de rentrée scolaire (collèges et lycées)

240,9

275,3

Allocation pour adulte handicapé

211

628,1

Source : Caisse d’allocations familiales de La Réunion (prestations servies en 2008)

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’un certain nombre de Français originaires de Mayotte – notamment des femmes accompagnées de nombreux enfants – préfèrent s’établir à La Réunion. Leur intégration sociale y demeure pourtant très difficile, du fait des spécificités de leur mode de vie et de leur insuffisante maîtrise de la langue française. Vos rapporteurs ont d’ailleurs pu rencontrer, à La Réunion, certains de leurs représentants associatifs (52), qui ont souligné les difficultés quotidiennes auxquelles nombre d’entre eux sont confrontés dans leurs démarches administratives, en raison des défaillances persistantes de l’état civil à Mayotte.

La direction régionale de l’INSEE de La Réunion estime qu’en 2005, environ 32 000 personnes nées à l’étranger et 5 100 personnes nées à Mayotte vivaient à La Réunion. Toutefois, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de La Réunion estime, à partir des données fournies par la Caisse d’allocations familiales, que cette même année, environ 22 500 personnes nées à Mayotte résidaient dans ce DOM (contre 6 056 en 1999 et 1 434 en 1990).

La motivation de l’installation de ces ménages ne semble généralement pas liée à des problèmes de logement, puisque 73 % d’entre eux sont propriétaires d’un logement à Mayotte et qu’à l’inverse, leurs conditions de logement à La Réunion sont particulièrement précaires – la moitié d’entre eux vivent dans des logements en mauvais ou très mauvais état et seulement 8 % disposent de l’eau chaude. Leur insertion professionnelle est très marginale, puisque seuls 9 % des ménages mahorais de La Réunion tirent des ressources d’une activité professionnelle (déclarée ou dissimulée). À l’inverse, 93 % de ces ménages perçoivent les allocations familiales et 72 % le RMI ou le revenu de solidarité.

Dans ces conditions, la perspective, dans le cadre de la départementalisation du statut de Mayotte, d’un alignement progressif des prestations sociales qui y sont servies sur celles de La Réunion, combinée à un développement plus soutenu de l’économie mahoraise, devrait avoir pour effet positif de réduire les flux de population de Mayotte vers ce DOM. Une telle évolution préserverait mieux les équilibres sociaux à La Réunion, tout en évitant la déstructuration de nombreuses familles mahoraises et en satisfaisant leur aspiration à disposer de droits sociaux égaux à ceux des autres Français.

b) Une mise à niveau à opérer avec prudence et progressivité

Vos rapporteurs ont le sentiment que nos concitoyens de Mayotte ont intégré le fait que leur demande d’égalité sociale avec la métropole, aussi légitime soit-elle dans son principe, ne pourra pas être satisfaite avant de nombreuses années, du fait de ses conséquences pratiques. Dans cette collectivité, aligner brutalement, dès 2012, le niveau des prestations sociales sur celui de la métropole serait absolument déraisonnable, pour trois raisons majeures :

– ce bouleversement déstabiliserait l’économie mahoraise, où le taux de chômage demeure plus du double du taux métropolitain, même s’il a beaucoup diminué. Rappelons à cet égard que le SMIG mahorais, après plusieurs années de forte progression, n’atteint encore que 928 euros par mois, alors que le RMI atteint, à La Réunion, près de 1 300 euros pour un ménage élevant 4 enfants ;

– la transition démographique en cours à Mayotte pourrait s’en trouver retardée, alors que la moindre progressivité des allocations familiales actuelles peut au contraire, combinée à une campagne de sensibilisation, contribuer à limiter le nombre de naissances par foyer ;

– le niveau de revenu et de consommation qui en résulterait inciterait davantage encore les Comoriens à tenter de gagner Mayotte pour y trouver une vie meilleure ; cela risquerait fort de créer aussitôt un grand appel d’air pour l’immigration clandestine, qui pèse déjà lourdement sur le développement de ce petit territoire.

Aussi vos rapporteurs suggèrent-ils de prendre tout le temps nécessaire, en fonction de l’évolution démographique et économique de Mayotte ainsi que des moyens disponibles pour la lutte contre l’immigration clandestine, avant d’y mettre en place des minima sociaux tels que le RMI ou l’API.

Par ailleurs, ils jugent sage de ne relever que progressivement, pendant une période de 20 à 25 ans, le niveau des prestations sociales déjà en place ou créées en 2012. Ils adhèrent en particulier à la volonté, affirmée dans le Pacte pour la départementalisation de Mayotte s’agissant des prestations familiales, de conserver « les particularités justifiées par la pression démographique de Mayotte » (voir Annexe 3). La réussite du processus de départementalisation de Mayotte dépendra en partie de la détermination des pouvoirs publics à maintenir durablement ces orientations après 2012.

Le nouveau régime constitutionnel auquel sera soumis Mayotte ne devrait pas entraver cette démarche pragmatique. Le législateur pourra en effet invoquer dans ce domaine, afin de motiver les adaptations législatives apportées au droit commun pour Mayotte, la nécessité de prendre en compte, comme le permet l’article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières ». L’existence de ces dernières en matière sociale pourrait difficilement être contestée, compte tenu des conditions de vie et du fonctionnement du marché du travail à Mayotte.

2. La nécessité d’assurer l’adaptation du droit des étrangers à des contraintes régionales bien particulières

Comme le permet actuellement le régime de spécialité législative de l’article 74 de la Constitution, ainsi que le statut de la collectivité départementale de Mayotte, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) n’est pas applicable dans celle-ci. Le droit des étrangers y est régi par un texte législatif spécifique, l’ordonnance du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte (53). Celle-ci limite notamment l’exercice du droit au regroupement familial et permet à l’administration d’exécuter d’office une mesure d’éloignement, un éventuel recours dirigé contre celle-ci n’ayant pas d’effet suspensif.

Compte tenu de l’intensité exceptionnelle de la pression migratoire à Mayotte, il sera évidemment nécessaire d’y maintenir une législation des étrangers dérogeant, à bien des égards, au droit commun. Les dispositions de l’ordonnance précitée qu’il serait indispensable de conserver devraient donc, avant que le basculement du régime législatif de Mayotte vers l’article 73 de la Constitution ne prenne effet, être intégrées au CESEDA – une démarche de même nature devrait d’ailleurs conduire à adapter à Mayotte certaines dispositions du code civil ou du code du travail, de façon à maintenir certaines dispositions législatives spécifiques destinées à lutter contre les fraudes à l’état civil ou le travail dissimulé.

Là encore, l’invocation des « caractéristiques et contraintes particulières » visées à l’article 73 de la Constitution offre des possibilités d’adaptation législative. Certes, le Conseil constitutionnel exerce un contrôle attentif sur les restrictions qui pourraient être apportées dans l’exercice des libertés publiques, en s’assurant notamment de la réalité des contraintes locales justifiant la dérogation au droit commun et en se réservant la possibilité d’annuler des mesures disproportionnées.

Toutefois, rappelons que son statut de DOM n’a pas empêché la Guyane de bénéficier, dans le cadre de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration (54), de mesures spécifiques en matière de visite sommaire et d’immobilisation des véhicules terrestres ou de destruction des embarcations fluviales utilisées par des étrangers en situation irrégulière. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs déjà admis la constitutionnalité de mesures de même nature en 1997, en jugeant qu’elles visaient à « prendre en compte la situation particulière [du département] en matière de circulation internationale des personnes », tout en respectant le principe d’égalité et un équilibre « entre les nécessités de l’ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle » (55).

Dans ce domaine comme dans celui de la protection sociale, l’intervention du législateur devrait être rapide, vigilante et équilibrée, afin de concilier, dans le nouveau cadre statutaire, les exigences constitutionnelles, les aspirations de nos compatriotes et la prise en compte de réalités locales encore très difficiles.

*

* *

À l’issue de la mission qu’ils ont effectuée à Mayotte, vos rapporteurs mesurent bien l’importance du défi que représente pour cette île le projet de départementalisation. Le 29 mars prochain, les électeurs de cette collectivité se prononceront librement et en conscience. Mayotte restera en tout état de cause française mais, si les électeurs de Mayotte approuvent l’évolution statutaire qui leur est proposée pour l’avenir, celle-ci marquera une étape historique pour le développement de cette collectivité. Son succès dépendra largement de l’implication de la population de Mayotte, mais aussi de la volonté et de l’énergie que les pouvoirs publics mettront au service de quelques priorités stratégiques : la stabilisation de la démographie insulaire, le renforcement de l’apprentissage de la langue française, la construction des infrastructures nécessaires au développement de l’économie productive, grâce à un fonds de développement spécifique, et, surtout, la mise en place d’un état civil fiable, qui n’a que trop tardé.

La France a trop longtemps négligé Mayotte, alors que nos compatriotes y attendent beaucoup de la République. À l’approche d’une échéance décisive pour l’avenir de cette collectivité, il nous faut adresser à sa population et à ses élus un message d’espoir et de confiance, mais aussi les appeler à l’action et à la responsabilité. Cet appel vaut aussi pour notre État, qui doit rapidement et vigoureusement se donner les moyens de faire pleinement respecter à Mayotte les règles de droit. Si ces conditions sont réunies, les espoirs que suscite le projet de départementalisation ne seront pas déçus et Mayotte pourra, comme ses habitants y aspirent, atteindre progressivement un niveau de développement plus satisfaisant.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le compte rendu de la mission effectuée à Mayotte par MM. Didier Quentin, Philippe Gosselin et René Dosière. Plusieurs commissaires interviennent dans la discussion.

M. Didier Quentin. Au retour d’une mission accomplie, avec mes collègues Philippe Gosselin et René Dosière, du 2 au 6 février dernier à Mayotte, nous souhaitons apporter à notre commission un éclairage concret sur le projet de départementalisation du statut de cette collectivité. Parler de Mayotte sans s’y être préalablement rendu serait en effet bien difficile. En effet, il faut avoir mesuré directement les attentes de la population, les grands progrès déjà accomplis, et ceux qui devront rapidement l'être pour réussir la départementalisation. Il s’agit d’un enjeu majeur pour l’avenir de nos compatriotes mahorais, car nous avons pu constater l’attente que suscite, chez les élus et dans la société civile, ce projet si longtemps différé.

Comme le permettait la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, ce changement de statut a été demandé par le conseil général de Mayotte dans une résolution adoptée, le 18 avril dernier, à l'unanimité. Il a également fait l’objet, à la demande du conseil général, d’un débat dans notre hémicycle et dans celui du Sénat mercredi et jeudi derniers. Le Président de la République a décidé que la population de Mayotte serait consultée sur ce projet le 29 mars prochain et devrait répondre à la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en collectivité unique, appelée département, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et régions d’outre-mer ? ».

Alors que l'Union africaine a adopté, voici deux semaines, un texte inacceptable – qui me paraît même, personnellement, scandaleux – qui condamne l'organisation d'un référendum à Mayotte, prétendument « occupée par une puissance étrangère », il me semble utile de dissiper par avance tout malentendu : quelle que soit la réponse apportée par la population à la question posée – qui ne concerne que notre organisation administrative interne –, Mayotte restera française. Elle l’est depuis 1841 et sa population a librement confirmé ce choix, à 64 % puis 99 %, lors des référendums de 1974 et 1976.

La départementalisation est un enjeu déterminant pour l'avenir de cette collectivité, qui sera désormais, si les électeurs de Mayotte répondent favorablement à la question posée, régie non plus par l'article 74 de la Constitution, consacré aux collectivités d'outre-mer (COM), mais par son article 73, relatif aux départements et régions d'outre-mer (DOM-ROM). Cette transformation statutaire entraînera des conséquences juridiques importantes, dont le remplacement du principe de spécialité législative par celui de l'assimilation législative : cela signifie que, sitôt la départementalisation effective, nos lois et règlements deviendront de plein droit applicables à Mayotte, sauf lorsqu'ils en disposeront autrement de façon expresse. Dans ce cadre, des adaptations législatives demeureront évidemment possibles et nécessaires – j’y reviendrai tout à l’heure. Mais il nous faudra d’abord examiner, avant la fin de l’année 2009, une loi organique modifiant l’actuel statut de l’île, puisque la collectivité départementale de Mayotte devrait devenir, comme le permet l’article 73 de la Constitution, une collectivité unique, tenant lieu à la fois de DOM et de ROM, dont le conseil général exercerait à la fois les compétences départementales et régionales. Il ne s’agit ici que de parvenir à une organisation simple, rationnelle et économe des deniers publics, car la superposition d’un conseil général et d’un conseil régional, disposant éventuellement de majorités politiques contraires, aurait bien peu de sens sur ce petit territoire de 374 kilomètres carrés.

Si le projet de départementalisation nous a semblé faire, a priori, l'objet d'un grand consensus politique à Mayotte – ses habitants l'attendent depuis plus de 50 ans –, il reste en revanche nécessaire de s'interroger sur le calendrier, les modalités et les conséquences d'un tel changement.

Il est clair que Mayotte n'est pas encore parvenue à un niveau de développement satisfaisant : l'habitat et la voirie y sont souvent très dégradés, les projets économiques trop dépendants du soutien des pouvoirs publics, le niveau d'instruction et la maîtrise de la langue française insuffisants – ne serait-ce que parce que l'école n'est devenue obligatoire qu'au début des années 1980. Ajoutons à cette situation le poids de l'immigration clandestine, qui représenterait environ 60 000 personnes, soit le tiers de la population insulaire, la jeunesse de la population – 54 % des habitants sont âgés de moins de 20 ans –, la quasi-absence de médecine libérale, de notaires, de cadastre à jour et, surtout, d'état civil fiable, et l'on mesure la longueur du chemin qui reste à parcourir. A cet égard, procéder dès 2011 à une départementalisation peut paraître bien ambitieux : c’est assurément un grand défi.

Cette ambition devrait favoriser une prise de conscience collective sur l'urgence de la situation et permettra d’accélérer les efforts entrepris pour remédier au retard de développement et aux dysfonctionnements administratifs. Si nous devions attendre la réunion de toutes les conditions avant de procéder à la départementalisation, celle-ci risquerait fort, comme par le passé, d’être continuellement différée. À Mayotte, le poids de la tradition, des habitudes, la tolérance ou le relativisme de l’administration et des élus ont trop longtemps conduit au fatalisme et la résignation, voire tout simplement à l’indifférence ; la départementalisation pourrait enfin donner un nouveau souffle à la volonté politique et l'ardeur réformatrice.

Bien sûr, les lacunes et les insuffisances sont encore nombreuses, et nous avons noté que les acteurs économiques et sociaux peinent encore à mettre en place, dans les conditions légales, des projets porteurs de développement à long terme, notamment en matière agricole, aquacole ou touristique. Nous avons aussi constaté avec inquiétude la persistance de graves difficultés matérielles dans la gestion de l’état civil, qui a été laissé dans un état de délabrement inimaginable jusque dans les années 1980 – comme nous l’avons constaté en visitant de service de l’état civil de la mairie de Mamoudzou, les registres de cette époque ne sont bien souvent qu’une pile de feuilles éparses, jaunies, et racornies, raturées, voire trouées, et presque illisibles !

Il n’en demeure pas moins que certains signes sont déjà encourageants. Les indicateurs économiques et sociaux sont mieux orientés : le nombre d'enfants par femme mahoraise a été ramené de 8,1 à 3,4 en trente ans et, en dix ans, le chômage est passé de 41 à 22 % de la population active. L'île a été progressivement désenclavée, tant sur le plan portuaire qu’aéroportuaire : la circulation aérienne a été multipliée par quatre depuis 1996, même si la liaison directe avec la métropole reste attendue. Mayotte dispose aujourd'hui, nous l’avons constaté, d'un centre hospitalier moderne et performant - qui a réalisé près de 8 000 accouchements en 2008, chiffre stabilisé depuis 2004. Entre 2003 et 2007, les effectifs de ce centre ont cru de presque 64 %. L'instruction s'étend avec une efficacité croissante : grâce au doublement des moyens alloués par l'État depuis 2003, elle concerne désormais 73 000 élèves (contre 43 708 en 1997), sur une population aujourd’hui estimée à 186 000 habitants. Les revenus augmentent, comme en atteste le doublement en six ans du salaire minimum, la modernisation de certains bâtiments ou le développement de l'automobile – il existe désormais des embouteillages à Mamoudzou !

Par ailleurs, la modernisation juridique entreprise en 2003 et en 2006, à l'initiative du député Mansour Kamardine, portent aujourd'hui leurs fruits. Les femmes disposent des moyens de s'émanciper du droit local – qui ne concerne plus que 10 % des naissances à Mamoudzou – et de se dégager du poids de traditions incompatibles avec les principes républicains inscrits dans notre Constitution : la polygamie a reculé ; le rôle juridictionnel des cadis, ces magistrats de droit musulman, s'est amoindri ; l'égalité des droits entre les hommes et les femmes est mieux assurée.

Enfin, grâce à la réforme de la législation des étrangers adoptée dans la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, ainsi qu’au renforcement des moyens alloués aux forces de l'ordre, la lutte contre l'immigration irrégulière a gagné en efficacité. Alors que le revenu par habitant est dix fois moindre aux Comores, en proie à une instabilité politique incessante – une vingtaine de coups d’État y ont été organisés en trente ans d’indépendance – et à des conditions sanitaires épouvantables, la stabilisation de cette immigration constitue déjà une performance remarquable : au cours des trois dernières années, près de 50 000 étrangers clandestins ont été éloignés et le nombre d'embarcations interceptées en mer a presque triplé, grâce notamment à la mise à disposition des forces de l’ordre de trois radars et de nouvelles vedettes rapides. La surpopulation que nous avons constatée dans le centre de rétention administrative et, surtout, la maison d’arrêt de Majicavo (où il n’existe que 90 places pour 239 détenus, essentiellement des passeurs), qui seront prochainement agrandis, sont la conséquence des succès enregistrés dans cette lutte.

Ces constats sont bien sûr encourageants, mais la départementalisation de Mayotte nous obligera à franchir de nouvelles étapes. La modernisation du droit local, dont l’article 75 de la Constitution nous interdit de remettre en cause l’existence même pour les citoyens qui n’y ont pas renoncé, devra être accentuée avant 2011 afin de respecter pleinement nos principes constitutionnels et les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Comme nous le leur avons expliqué, les cadis ne pourront plus rendre la justice, mais uniquement jouer un rôle de médiation sociale ou d’expertise auprès des tribunaux de droit commun. En outre, les discriminations sexuelles en matière successorale devront prendre fin, l’âge légal du mariage devra être relevé de 15 à 18 ans pour les femmes et les répudiations, comme les nouvelles unions polygames, seront proscrites pour tous les mahorais, quel que soit leur âge.

La départementalisation ne pourra réussir que si une forte volonté politique et des moyens exceptionnels sont mis au service de quelques priorités stratégiques, telles que :

- la stabilisation de la démographie insulaire, grâce à la planification des naissances et au renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine, car la densité de population dépasse déjà 500 habitants au kilomètre carré et ne pourra s'élever indéfiniment ;

- l’apprentissage de la langue française dans les écoles, dans lesquelles le nombre d’heures de cours prévues pour chaque élève demeure, paradoxalement, inférieur aux normes métropolitaines, du fait du manque de salles de classes ;

- la construction des infrastructures nécessaires au développement de l'économie productive, en particulier dans les secteurs prometteurs de l'aquaculture et du tourisme, car Mayotte peut s’appuyer sur un patrimoine naturel hors du commun – alors que la fréquentation touristique ne s’élève qu’à environ 30 000 personnes par an. Cela suppose notamment de doter l’aéroport de Pamandzi d’une piste longue, capable d’accueillir des avions assurant une liaison directe avec la métropole, comme cela est évoqué depuis de nombreuses années ;

- la mise en place d’un état civil fiable, comme nous l'avions déjà demandé en 2006 dans le cadre d’une mission d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte. À cet égard, il est inadmissible que la Commission de révision de l'état civil (CREC), mise en place en 2001, ait été privée de présidence pendant 6 mois en 2006 et le soit à nouveau depuis le mois d’août dernier, ou encore qu'elle n'ait rendu l'an dernier que 746 décisions, alors que plus de 16 000 dossiers attendent encore sa décision. Il conviendra de la doter d’une présidence à temps plein – on nous a assuré que ce devrait être fait le mois prochain –, d’un secrétariat général à même de superviser l’instruction des dossiers par les rapporteurs, et de moyens informatiques lui permettant de communiquer directement avec la préfecture et les services communaux de l’état civil.

Il nous faudra, par ailleurs, faire preuve de souplesse et de discernement dans l'application du droit commun à Mayotte en 2011 : des adaptations législatives demeureront évidemment nécessaires en matière d'entrée et de séjour des étrangers, ainsi que de protection sociale.

L'élévation du niveau de vie qui résultera du processus de départementalisation et, je l'espère, de l'obtention du statut communautaire de région ultrapériphérique (RUP), réduira le différentiel entre Mayotte et La Réunion, île où résident déjà 20 000 à 30 000 mahorais, parfois mal acceptés. Mais à l'inverse, le différentiel de niveau de vie augmentera entre Mayotte et les Comores, ce qui pourrait accroître les flux migratoires au sein de l'archipel. Le développement de Mayotte, perçu comme un petit Eldorado par la population des Comores, implique donc d'offrir à ces dernières – et en particulier à l'île autonome d'Anjouan, distante de 70 kilomètres seulement – une aide au développement nettement supérieure, notamment en matière d’état civil et de santé. Nous avions d’ailleurs suggéré, en 2006, comme l’a rappelé la semaine dernière notre collègue Jean-Christophe Lagarde, de construire à Anjouan une maternité dotée d’équipements modernes et de doter celle-ci d’une équipe permanente de médecins français. Si la coopération entre États ne porte pas ses fruits, la coopération décentralisée offre encore des possibilités d’action, notamment pour la région Réunion qui peut trouver son intérêt à une stabilisation des flux migratoires.

La France de l’époque coloniale avait négligé Mayotte. Cette époque est bien révolue, en particulier grâce à la détermination des mahorais, et toutes les conséquences doivent en être tirées. Notre collègue René Dosière citait Charles Péguy, je ferai pour ma part référence à Paul Morand, selon lequel « la France est partout où l’on ne renonce pas ». Nos compatriotes de Mayotte sont pleinement français et attendent beaucoup de la République ; nous avons écouté leurs élus avec attention et ils nous ont semblé conscients des droits et des devoirs qu’impliquerait une départementalisation. À l'approche d'une échéance décisive pour l'avenir de Mayotte, il nous faut adresser à la population et aux élus de cette collectivité un message d'espoir et de confiance, mais aussi les appeler à l'action et à la responsabilité. Cet appel vaut aussi pour notre État, qui doit rapidement et énergiquement se donner les moyens de faire respecter à Mayotte les règles de droit. Alors que le consensus qui semble localement entourer le projet de départementalisation permet d’envisager sereinement l’issue du prochain référendum, les espoirs que cette démarche fait naître ne devront pas être déçus. Pour faire face aux retards prévisibles ainsi qu’aux risques pour la sécurité publique et la santé de nos compatriotes, comme pour juguler les dérives constatées, des moyens exceptionnels devront être engagés à Mayotte. Dans ces conditions, une départementalisation adaptée de Mayotte pourrait tirer le meilleur parti de ses atouts naturels et ses spécificités historiques et culturelles enrichir notre modèle républicain, afin que ce petit territoire devienne un jour le 101ème département français.

M. René Dosière. Sur le fond, je rejoins les observations qui viennent d’être formulées par notre collègue Didier Quentin à la suite de notre mission à Mayotte. Je regrette toutefois que le débat dans l’hémicycle sur ce sujet ait eu lieu la semaine dernière, dès notre retour, et avant même que nous ayons pu informer notre commission, car la précipitation peut conduire au désintérêt. Or, la situation qui prévaut actuellement dans les DOM antillais montre bien que l’on ne pourra pas créer un cinquième DOM dans l’indifférence métropolitaine. Lorsque nous serons saisis de la future loi organique modifiant le statut de Mayotte, notre commission devra donc rechercher une formule adaptée pour permettre à nos collègues d’étudier ces enjeux et de prendre conscience de leur importance.

La situation de l’état civil demeure le problème central auquel cette collectivité est confrontée. La responsabilité historique de la France est, dans ce domaine, extraordinairement lourde, car l’état civil comorien a également été très mal tenu avant que ces îles n’accèdent, en 1975, à l’indépendance. À cet égard, le processus de départementalisation, qui avait été engagé avec l’Accord sur l’avenir de Mayotte du 27 janvier 2000, se présente assez mal aujourd’hui, car les propositions relatives à l’état civil formulées en 2006 par notre commission, dans le cadre d’une mission d’information sur la situation de l’immigration en Mayotte, n’ont pas été mises en œuvre, contrairement à celles qui concernaient la répression de l’immigration clandestine. La situation de l’état civil s’est au contraire dégradée, puisqu’une organisation ubuesque a été mise en place, comme en atteste l’absence de compatibilité des logiciels et l’impression de documents et leur transport, avant que leurs données ne soient à nouveau saisies manuellement, ce qui génère de nouvelles erreurs. De même, les agents publics chargés d’instruire les demandes et de délivrer les papiers ne semblent soumis à aucun contrôle, alors même qu’ils peuvent être soumis à de fortes influences. La situation de l’état civil à Mayotte est exceptionnelle et ne ressemble en rien à celle de la métropole : elle impose bien sûr des moyens adaptés, mais aussi une organisation administrative transversale, beaucoup mieux coordonnée.

J’ajoute que la fiabilité des listes électorales dépend également de celle de l’état civil – vous comprenez les motifs de ma grande réserve lorsque nous avions évoqué la possibilité d’élire à l’avenir un second député à Mayotte. Si les mesures requises ne sont pas prises pour régler ce problème, Mayotte, devenue département français, pourrait connaître dans une dizaine ou une quinzaine d’années une évolution beaucoup plus dangereuse encore que celle de l’actuelle Guadeloupe. Chacun doit donc s’employer à mettre un terme aux dysfonctionnements de l’état civil à Mayotte, qu’il s’agisse de l’État ou des maires, qui devraient s’investir dans ce domaine bien plus qu’ils ne le font aujourd’hui.

La départementalisation ne me semble pas envisageable si ce problème de l’état civil n’est pas réglé dans des délais très courts, avec des procédures innovantes. Cela suppose que les administrations centrales aient bien conscience de la gravité de ce problème, mais nous avions constaté en 2006 que les magistrats en fonction au ministère de la justice n’avaient aucune idée des difficultés concrètes rencontrées sur le terrain à Mayotte, par exemple pour l’utilisation des logiciels et la maintenance informatique.

M. Jérôme Lambert. Je connais Mayotte, pour y avoir séjourné moi-même à plusieurs reprises, même si je n’ai pas eu l’occasion d’y retourner depuis 7 ou 8 ans. La situation qui vient d’être décrite n’est pas nouvelle et correspond bien aux souvenirs que j’en ai gardé, même si la pression migratoire semble s’être renforcée depuis lors.

Même s’il convient de tenir compte des promesses de départementalisation qui ont été faites, un tel projet ne pourra aboutir tant que certaines questions ne seront pas réglées. À quelques jours du référendum prévu sur cette question à Mayotte, il faut rappeler que la solution des problèmes de Mayotte ne peut reposer sur la seule départementalisation de son statut. Jusqu’à présent, les progrès accomplis n’ont pas été à la hauteur de l’ambition affichée de créer un véritable département français sur ce petit territoire dont la gestion est si complexe, où les attentes de la population sont si fortes : les efforts les plus difficiles doivent encore être accomplis. À cet égard, la description de la situation de Mayotte qui vient d’être effectuée recueille mon adhésion, même s’il aurait été préférable qu’elle s’accompagne de propositions plus précises.

M. Yves Nicolin. Le rapport de qualité qui nous a été présenté est pour nous très enrichissant. Il me semble que les déficiences de l’état civil à Mayotte nous exposent également à des difficultés dans notre action internationale, en particulier en matière d’adoption, question dans laquelle je me suis personnellement investi. En effet, notre pays ne cesse de donner des leçons sur la gestion de l’état civil à des États tels que le Népal, Madagascar, le Vietnam ou le Cambodge, et risque de ce fait d’être placée en porte-à-faux. Pour remédier à cette situation, des propositions très concrètes devront être faites, et le rapport qui nous est présenté appellera donc des suites au sein de notre commission, dans la perspective d’une future départementalisation de Mayotte.

M. Dominique Raimbourg. La départementalisation ne pourra être un succès que si elle s’accompagne d’un plan de développement des Comores. En effet, il ne faut pas sous-évaluer les interactions entre la situation mahoraise et celle des Comores. On ne pourra par exemple résoudre le problème de l’état civil à Mayotte si les Comores n’évoluent pas.

D’autre part, il faudra savoir régler avec douceur et habileté le problème de la langue mahoraise, pour éviter que le développement de l’utilisation du français ne conduise à la disparition de cette langue locale.

M. Jean-Paul Garraud. Le fait que la départementalisation soit mise en place est, de mon point de vue, un grand progrès. Cela permettra à la loi française de s’appliquer pleinement à Mayotte, dans tous les domaines du droit. Comme mon collègue Yves Nicolin, je pense qu’il conviendra de contrôler rapidement l’application de la loi mettant en œuvre la départementalisation et je suis prêt à participer aux travaux de la commission sur ce sujet.

M. René Dosière. Je suis d’accord avec Dominique Raimbourg lorsqu’il insiste sur le respect de la langue mahoraise. Toutefois, à l’heure actuelle, nombre de Mahorais, qui sont des Français, n’éprouvent pas le besoin de connaître le français, tandis que les Anjouanais, qui ne sont pas des Français, apprennent notre langue et la parlent souvent très bien...

M. Daniel Garrigue. Il faudrait que la départementalisation apporte une réponse au problème de la scolarisation et mette un terme au déficit de structures d’enseignement.

M. Didier Quentin. Concernant la langue mahoraise, qui comprend en fait deux dialectes – le shiboushi et le shimahorais -, on ne peut que constater le paradoxe étonnant relevé par René Dosière.

De manière générale, la situation de Mayotte a progressé. En matière d’enseignement, un effort extraordinaire est fourni puisqu’au moins un nouvel établissement du second degré est construit chaque année. Mais, bientôt, nous serons confrontés aux conséquences de cet effort : les jeunes diplômés, de plus en plus nombreux, ne trouveront pas forcément de travail sur place et n’auront d’autre solution que l’émigration vers la Réunion ou la métropole. En matière de santé, si des risques de dérive subsistent, le paludisme n’étant pas encore éradiqué, l’investissement dans l’hôpital de Mamoudzou, dont le budget dépasse 110 millions d’euros, est remarquable.

M. René Dosière. On peut rappeler à ce propos que l’effort total de la France en faveur de Mayotte avoisine 800 millions d’euros chaque année.

M. Didier Quentin. C’est pourquoi j’ai été très surpris par les récents propos tenus, à propos de la consultation du 29 mars 2009 prochain, par le colonel Kadhafi mettant en cause un prétendu « néocolonialisme » de la France à Mayotte.

La Commission autorise le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication, conformément aux dispositions de l’article 145 du Règlement.

ANNEXES

ANNEXE 1

PROGRAMME DE LA MISSION EFFECTUÉE DU 2 AU 6 FÉVRIER 2009

Lundi 2 février

-12 h 25 : arrivée à l’aéroport de Pamandzi et accueil au salon d’honneur par M. Jean-Paul Normand, directeur de cabinet du préfet, et M. Arnaud Gillet, chef de cabinet du préfet

- 13 h 15 : déjeuner avec le député Abdoulatifou Aly, le sénateur Soibahadine Ibrahim Ramadani, les députés George Pau-Langevin et Thierry Mariani (en mission pour évaluer l’application de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration), M. Ahamed Attoumani Douchina, président du conseil général, et M. Denis Robin, préfet de Mayotte

- 14 h 30 : traversée en vedette vers la grande terre

- 14 h 45 : installation à l’hôtel Caribou

- 15 h 15 : entretien avec le député Abdoulatifou Aly et le sénateur Soibahadine Ibrahim Ramadani

- 16 h 00 : entretien avec les membres du conseil général, M. Amedi Bonahery Ibrahim, maire de Tsingoni et président de l’Association des maires, le sénateur Soibahadine Ibrahim Ramadani, M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur du comité pour la départementalisation et les membres de ce comité

- 19 h 45 : traversée en vedette vers petite terre

- 20 h 00 : dîner avec le corps préfectoral, puis traversée en barge vers grande terre

Mardi 3 février

- 7 h 45 : départ de l’hôtel Caribou

- 8 h 00 : visite du service de l’état civil de la mairie de Mamoudzou

- 9 h 30 : entretien avec M. Mohamed Hachim, Grand cadi, puis tous les cadis

- 11 h 00 : visite d’une école en présence de M. Laurent Simplicien, directeur de cabinet du vice-rectorat, M. Maurice Robert, secrétaire général du vice-rectorat et M. Bruno Wils, inspecteur adjoint au vice-rectorat

- 12 h 30 : déjeuner au lycée hôtelier de Kawéni avec MM. Laurent Simplicien, Maurice Robert et Bruno Wils

- 14 h 00 : entretien avec M. Ahmed Souffou, maire de Koungou, et son équipe chargée de la gestion de l’état civil

- 15 h 15 : visite de la Commission de révision de l’état civil (CREC) ; entretien avec sa présidente par intérim, Mme Karine Pontchateau, et les personnels placés sous son autorité

- 16 h 30 : entretien avec Mme Rix Geay, présidente du tribunal de première instance, M. Gilles Rognoni, procureur de la République et M. Thomas Michaud, vice procureur

- 17 h 15 : entretien avec M. Jean-Claude Sarthou, premier vice-président du tribunal supérieur d’appel et M. Marc Brisset-Foucault, procureur de la République près ce tribunal

- 18 h 15 : entretien avec M. Matthieu Morando, directeur de l’antenne INSEE de Mayotte

-20 h 00 : dîner avec M. Mansour Kamardine, ancien député de Mayotte

Mercredi 4 février

- 7 h 15 : départ de l’hôtel Caribou

- 7 h 30 : visite de la direction de la réglementation et des libertés publiques en présence du directeur, M. Didier Bernard

- 8 h 45 : visite de la maison d’arrêt de Majicavo en présence du directeur, M. Christian Rouzier

- 10 h 15 : entretien avec M. Jean-Paul Aygalent, directeur du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

- 11 h 30 : traversée en vedette vers la petite terre

- 11 h 45 : visite du centre de rétention administrative et entretien avec M. Yvon Carratero, directeur de la police aux frontières

- 13 h 00 : déjeuner avec les services de l’État chargés de la lutte contre l’immigration clandestine

- 14 h 45 : traversée en vedette vers la grande terre

- 15 h 00 : visite du centre hospitalier de Mayotte en présence de M. Alain Daniel, directeur, de Mme Danielle Mouffard, directrice des affaires sanitaires et sociales, et du Dr Martial Henry, président du conseil d’administration de ce centre

- 17 h 00 : entretien avec Mme Danielle Mouffard, directrice des affaires sanitaires et sociales et avec Mme Catherine Fleury, chargée de la protection judiciaire de la jeunesse

- 18 h 00 : entretien avec Mme Cris Kordjee, représentante de l’association pour la condition féminine et l’aide aux victimes

- 20 h 30 : dîner au lycée hôtelier de Mtsamboro

Jeudi 5 février

- 8 h 00 : départ de l’hôtel Caribou et visite de quartiers d’habitat illégal avec le commissaire divisionnaire Laurent Klimt, directeur de la sécurité publique

- 9 h 00 : entretien avec M. Philippe Porte, directeur de l’équipement, M. Patrick Poyet, directeur de l’agriculture et de la forêt, M. Heric Jean Baptiste, directeur des services fiscaux, M. Patrice Vernet, directeur des douanes, et M. Yves Godefroy, trésorier payeur général

- 10 h 15 : entretien avec les représentants des organismes consulaires, des partenaires sociaux et de la direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

- 12 h 30 : traversée en vedette vers la petite terre

- 12 h 45 : déjeuner avec M. Denis Robin, préfet de Mayotte, les représentants des services de l’État, ainsi qu’avec les ministres néerlandais chargés de la justice et des Antilles néerlandaises

- 14 h 30 : départ pour l’aéroport de Pamandzi et rencontre sur place avec la presse

- 16 h 10 : décollage du vol UU 975 en direction de La Réunion

- 19 h 10 : arrivée à l’aéroport Gillot de Saint-Denis de La Réunion, accueil par M. Philippe Le Moing-Surzur, directeur de cabinet du préfet

- 19 h 40 : installation à l’hôtel Le Saint-Denis

- 20 h 30 : dîner avec M. Pierre-Henry Maccioni, préfet de la région Réunion et les responsables des services de l’État dans la région

Vendredi 6 février (La Réunion)

- 7 h 10 : départ de l’hôtel Le Saint-Denis

- 7 h 30 : visite du nouvel établissement pénitentiaire de Domenjod en présence de son directeur, M. Hubert Moreau

- 8 h 45 : entretien avec M. Christian Meurin, directeur régional des affaires sanitaires et sociales (DRASS)

- 10 h 00 : entretien avec M. Paul Vergès, président du conseil régional de La Réunion

- 11 h 30 : entretien avec M. Jean-Claude Fidji, vice-président du conseil général chargé de l’enfance, de la famille et de la santé publique

- 13 h 00 : déjeuner libre

- 14 h 30 : entretien avec l’Union des étudiants et élèves mahorais et l’Association des femmes mahoraises

- 16 h 00 : entretien avec M. Gilbert Annette, maire de Saint-Denis de La Réunion

- 17 h 15 : entretien avec M. Georges Auré, directeur financier, et Mme Liliane Pausé, sous-directrice, responsable du cabinet du directeur de la Caisse d’allocations familiales de La Réunion (compétente pour Mayotte)

- 19 h 00 : départ vers l’aéroport Gillot de Saint-Denis de La Réunion

- 19 h 30 : entretien avec le commissaire principal Jean-François Lebon, directeur de la police aux frontières

- 21 h 00 : décollage du vol UU 975 en direction de Paris (Roissy)

ANNEXE 2

MAYOTTE ET SON ENVIRONNEMENT RÉGIONAL

ANNEXE 3

DOCUMENTS D’INFORMATION ADRESSÉS AUX ÉLECTEURS
POUR LE RÉFÉRENDUM DU 29 MARS 2009

PACTE POUR LA DÉPARTEMENTALISATION DE MAYOTTE

Nicolas SARKOZY vous a écrit en 2007. Il vous a indiqué que Mayotte avait naturellement vocation à devenir un département. L’engagement qu’il a pris avec vous est tenu. C’est sur la départementalisation de Mayotte que vous vous prononcerez au mois de mars prochain. Vous aurez entre vos mains l’héritage de vos parents et grands-parents qui se sont battus pour obtenir ce statut il y a 50 ans et de ceux qui ont voté le maintien de Mayotte dans la République en 1976. La mise en place d’une politique de développement à Mayotte et l’extension du droit commun pendant près d’un quart de siècle, ont débouché sur les accords du 27 janvier 2000 que vous avez acceptés massivement.

Depuis les lois du 11 juillet 2001, du 21 juillet 2003, du 21 février 2007, l’évolution de Mayotte vers le statut départemental s’est accélérée et précisée. Avec le transfert de l’exécutif au Conseil général en 2004 et l’identité législative depuis le 1er janvier 2008, l’essentiel des lois et des règlements en vigueur en métropole est désormais applicable à Mayotte.

Ces évolutions ont été permises par la volonté des élus mahorais et l’engagement des gouvernements successifs qui ont partagé une même vision du développement de Mayotte, la volonté de vous donner de nouvelles opportunités, de nouvelles perspectives personnelles et collectives. Mais, à juste titre, ces évolutions ont toujours été inscrites dans la durée.

Décider n’est pas imposer mais agir avec réalisme. C’est prendre en compte la réalité de Mayotte. Quand, par exemple, les accords de 2000 ont prévu le passage à une fiscalité identique à celle de la métropole et des DOM au 1er janvier 2008, les difficultés pratiques avaient été mal évaluées. La Loi, en 2007, a dû repousser l’échéance de l’identité fiscale au 1er janvier 2014.

Nous voulons donc des évolutions réalistes et acceptées car expliquées. Cela nécessite du temps. Des lois non appliquées, car déconnectées des réalités socio-économiques, seraient sources de déceptions et d’incompréhensions. Nous ne voulons induire personne en erreur en laissant entendre que la départementalisation peut réussir du jour au lendemain. La départementalisation sera par la force des choses un processus ambitieux, complexe, exigeant pour chacun, qui donnera de nouvelles chances, de nouveaux droits et de nouveaux devoirs.

L’évolution institutionnelle rapide permettra un nouvel élan pour achever progressivement la mise en place du droit commun. Sa mise en oeuvre exigera un travail approfondi de préparation technique, d’explication et de vérification.

Ce document vous présente les droits nouveaux et les avantages du futur statut sur lequel vous vous prononcerez, les devoirs et les règles qui s’imposeront, comme ils s’imposent à vos compatriotes dans les départements de métropole ou d’outre-mer.

La départementalisation réussira si le Gouvernement, les Mahorais et leurs représentants scellent un pacte pour la départementalisation, prometteur, sans zone d’ombre ni ambiguïté. Ce pacte concrétisera nos engagements mutuels pour l’avenir.

Si vous choisissez une autre voie, il va de soit que les institutions actuelles seront maintenues et que votre place au sein de la République restera garantie. L’État poursuivra l’action de développement de Mayotte à laquelle vous aspirez.

1. Une nouvelle organisation pour Mayotte

a) Le gouvernement a compris que vous souhaitiez une évolution rapide

Moins d’un an après la délibération du Conseil général demandant la transformation de Mayotte en département, vous serez consultés le dimanche 29 mars.

Si vous vous prononcez pour la départementalisation, le gouvernement présentera au Parlement avant la fin de l’année 2009 un projet de loi organique pour changer le statut de Mayotte. La loi ordinaire précisera ensuite les modalités concrètes de mise en œuvre du droit commun qui en découle.

Nicolas SARKOZY vous écrivait que le processus de départementalisation serait progressif et adapté. Nous pensons qu’il convient en effet de tirer tous les enseignements de l’histoire et de l’évolution des autres départements d’outre-mer.

Nous devrons privilégier la responsabilité, favoriser l’économie de marché et un développement économique fondé sur les atouts propres du territoire, encourager les revenus du travail personnel, préserver l’environnement. Le modèle de départementalisation à Mayotte est à inventer. Ne plaquons pas à Mayotte des modèles qui correspondent à d’autres époques ou d’autres situations.

La contrepartie de la rapidité de notre action est l’évaluation régulière de la mise en place de la départementalisation, dans la transparence, pour vérifier que les objectifs que nous allons déterminer ensemble seront atteints dans les délais que nous nous serons fixés.

b) Vos futures institutions serviront le développement de Mayotte et l’instauration de nouvelles relations avec les institutions nationales 

Nous vous proposons une organisation moderne, efficace, innovante, pour exercer l’ensemble des compétences départementales et régionales.

Le débat national sur l’enchevêtrement des compétences et des financements des collectivités locales impose d’anticiper sur ce que sera peut-être la nouvelle organisation territoriale française.

C’est pourquoi nous vous proposons que Mayotte, aujourd’hui collectivité départementale au titre de l’article 74 de la constitution, devienne, ainsi que vous le souhaitez, un département relevant de l’article 73 de la constitution qui aura en outre les compétences d’une région, et disposera des ressources adaptées à cette double compétence.

Aujourd’hui, 19 conseillers généraux vous représentent à l’assemblée départementale. Nous pensons que les futurs conseillers qui vous représenteront dans l’assemblée de la collectivité doivent être plus nombreux.

Nous organiserons les élections de la totalité des nouveaux conseillers de Mayotte au plus tard à la date qui était envisagée pour le renouvellement de la moitié des actuels conseillers généraux, c’est-à-dire au printemps 2011.

Une fois les nouveaux conseillers élus, les nouvelles institutions seront mises en place. L’Assemblée élira son Président et l’existence du département de Mayotte sera alors effective.

c) La départementalisation sera la base d’un nouvel équilibre des pouvoirs entre les collectivités publiques à Mayotte 

Aujourd’hui, les 17 communes de Mayotte n’ont pas de pouvoirs, de moyens et de ressources fiscales comparables à ceux des communes des départements métropolitains ou d’outre-mer.

La commune est la cellule de base de la vie en société. C’est vers le maire que les citoyens se tournent naturellement pour formuler des demandes de toute nature : des aides sociales, un logement, un emploi. C’est vers le maire que les acteurs économiques se tournent pour les aider à créer leur entreprise. C’est au maire que les associations demandent un soutien. Force est de constater que les maires de Mayotte n’ont aujourd’hui pas les moyens de répondre à ces demandes. Il n’y a pas de centres communaux d’action sociale à Mayotte capables de fournir des aides d’urgence aux personnes en situation dramatique ou précaire. Par ailleurs, les services municipaux et la gestion municipale sont insuffisamment professionnalisés. Les maires ne disposent pas des moyens nécessaires pour élaborer des politiques à long terme sur des sujets aussi importants que la politique foncière, le logement ou le développement économique.

C’est par la création d’une fiscalité locale que les communes auront les moyens d’exercer ces compétences. Et elles le feront de manière plus autonome qu’aujourd’hui. En effet, actuellement, les ressources des communes viennent pour l’essentiel des transferts financiers de l’État et du Conseil général. La mise en place des taxes foncières, telles qu’elles existent en métropole et dans les DOM, donnera de nouveaux moyens aux maires pour exercer leurs responsabilités.

Par ailleurs, nous encouragerons la coopération entre les communes. En mutualisant des services ou des compétences, vos maires partageront ces coûts de fonctionnement et rendront un service plus performant.

Dès l’élection de la nouvelle assemblée, l’État lancera le schéma départemental de l’intercommunalité qui entrera en vigueur parallèlement à la mise en place de la nouvelle fiscalité locale.

Les transferts de compétence, là où la décentralisation n’a pas été complète, sont acquis dans leur principe mais leurs modalités seront engagées et les modalités de mise en œuvre seront discutées préalablement si nécessaire à la demande des mahorais. Sont notamment concernées les routes, les constructions scolaires du second degré et la gestion des personnels T.O.S. Les dates de ces transferts seront fixées par la loi, après une étroite concertation entre l’État et la nouvelle collectivité de Mayotte.

2. Mieux garantir et mieux respecter les principes républicains à Mayotte

Les évolutions juridiques ont été plus rapides que les mentalités et que le renforcement des services de l’État chargés de leur mise en œuvre et de leur respect. Les règles de droit ne sont pas toujours connues des opérateurs. Certaines infrastructures sont encore inexistantes alors même que les lois et règlements les prévoient. Ainsi par exemple, l’absence d’abattoir ou l’insuffisance des stations d’épuration des eaux usées à Mayotte rendent difficile l’application de certaines dispositions des codes de la santé publique, de la consommation et de l’environnement.

L’État mobilisera des moyens, au même titre qu’il installe aujourd’hui une direction de la concurrence et de la consommation. Mais nous attendons aussi un engagement des professionnels et des organismes consulaires pour réaliser les investissements nécessaires aux mises aux normes, notamment sanitaires.

Nous misons sur la volonté de travailler conjointement plus que sur la contrainte ou le contrôle. Respecter la loi est un acte civique.

a) Disposer d’un état-civil fiable

Vous avez le droit de disposer d’un état-civil fiable, garant de votre identité, garant de vos droits. Aujourd’hui, tel n’est pas suffisamment le cas. Vous ne disposez pas tous d’une identité fixée par la commission de révision de l’état-civil. Vous ne pouvez pas faire valoir, comme tous les citoyens français, vos droits élémentaires à vous déplacer librement sur l’ensemble du territoire national faute d’obtenir une pièce d’identité et vous ne pouvez qu’imparfaitement faire valoir vos droits notamment dans le domaine sanitaire et social.

Cette situation n’est pas satisfaisante, ni pour vous ni pour vos enfants. Cette situation est source de suspicion sur votre identité voire même sur votre nationalité. Cette situation est inacceptable pour l’État.

Et pourtant, des efforts sont menés depuis 2000 pour améliorer l’état-civil à Mayotte.

La commission de révision de l’état-civil (CREC) a d’ores et déjà accompli un lourd travail. À peu près la moitié d’entre vous l’ont déjà saisie et plusieurs dizaines de milliers de décisions ont été rendues. Mais les liens entre la CREC et les services d’état-civil dans les mairies restent malheureusement encore insuffisants et toutes les décisions de la CREC ne sont pas encore retranscrites dans les registres municipaux.

En 2009, la CREC va se renforcer pour accélérer le traitement des dossiers et fiabiliser les décisions qu’elle rend. Nous espérons ainsi que vous serez plus nombreux encore à disposer d’une identité incontestable.

Par ailleurs, nous avons fait de gros efforts depuis 5 ans dans les mairies pour financer des équipements informatiques, améliorer les conditions de conservation des registres d’état-civil et faciliter votre accueil. Nous avons également financé des actions de formation pour les agents municipaux. Mais ces améliorations n’ont pas porté tous leurs fruits et la situation de l’état-civil à Mayotte reste très problématique.

Aussi, nous voulons que la départementalisation et la généralisation du droit commun à Mayotte soient l’occasion de régler la question de l’état-civil avec une méthode et des moyens sans commune mesure avec ce qui a été fait jusqu’à présent.

Après la consultation sur la départementalisation, nous organiserons une opération générale de recensement de tous les Mahorais. Ce recensement sera mené dans chaque commune. Des équipes pluridisciplinaires s’y installeront le temps nécessaire, afin que l’ensemble de la population soit recensé. Chacun sera reçu individuellement.

Soit vous disposez déjà d’une décision de la CREC et dans ce cas, la fixation de votre identité ne devrait pas poser de problèmes. Vous pourrez alors faire valoir les droits découlant de votre identité.

Soit vous ne disposez pas encore d’une décision de la CREC, parce que votre dossier est en cours d’instruction ou parce que vous ne l’avez pas encore saisie et dans ce cas les équipes du recensement examineront avec vous tous les renseignements d’état-civil dont vous disposez. Ces renseignements seront vérifiés, la comparaison avec les inscriptions figurants sur les registres municipaux sera effectuée. L’objectif est d’obtenir une identité fiabilisée, grâce à des documents en votre possession ou en possession de l’administration, pour garantir la véracité de toutes les informations vous concernant.

Ces recoupements permettront l’attribution d’une identité, immédiatement s’il n’y a pas de problèmes, soit après examen par la CREC en cas de difficulté.

b) Assurer la justice républicaine

La justice est la même pour tous les citoyens français, à Mayotte, en métropole et dans les DOM.

Toutefois, les Mahorais qui relèvent du statut local peuvent encore faire appel à la justice cadiale. Cette situation a longtemps été un élément de l’identité mahoraise. Aujourd’hui, toutefois, elle est de plus en plus source d’interrogations, voire de griefs.

Et en tout hypothèse, elle est incompatible avec des principes républicains tels que le droit d’être assisté par un avocat, le caractère contradictoire du procès, le caractère public des audiences.

Il n’est pas illégitime de poser publiquement ces questions, alors même qu’il semble que ce ne sont plus majoritairement les Mahorais, citoyens français, qui se tournent aujourd’hui vers la justice cadiale.

L’activité des cadis dans le domaine des biens immobiliers a disparu en droit avec l’obligation de faire appel au notaire au 1er janvier 2008. Quant à celle concernant l’état-civil, elle devrait se limiter à un conseil et non à l’établissement d’actes générateurs de droit.

Nous voulons que tous les citoyens français de Mayotte bénéficient des mêmes droits et garanties devant la justice. Il ne doit plus y avoir deux justices à Mayotte. Les Français relevant du droit local ont la possibilité de se tourner vers la justice civile car le juge de droit commun peut se fonder sur des règles de droit particulier pour rendre une décision de justice.

L’État garantit deux statuts, mais une seule justice.

Comme cela avait déjà été prévu, le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale. Leur activité judiciaire s’éteindra avec la mise en place des nouvelles institutions.

Agents du Conseil général, les cadis pourront ainsi développer leurs activités dans le domaine social, en jouant un rôle de référence, de relais ou de conseil auprès de celles et ceux qui voudraient bénéficier de leur expérience.

c) Maîtriser la langue française

Mieux parler le français est le meilleur moyen pour donner toutes leurs chances aux jeunes mahorais. L’Éducation nationale réalise un effort massif qui produira tous ses effets à terme. L’ampleur de cet effort se mesure au nombre d’élèves passé de 8000 il y a 20 ans à 73000 actuellement. Mais aujourd’hui encore, des Mahorais n’ont pas une pratique courante de la langue française. Il ne s’agit pas d’opposer la maîtrise du français à la culture mahoraise. L’une autant que l’autre sont des éléments de votre identité et de votre culture. Nous pensons que c’est par une meilleure diffusion culturelle, par un développement des lieux de culture à Mayotte et par l’implantation de bibliothèques dans les communes, que le français sera davantage compris et parlé. Si l’État remplit son rôle en faveur de la pratique du français grâce à l’Éducation nationale, d’autres services publics devront également faire des efforts de diffusion de la langue française.

Il faut donner aux jeunes étudiants mahorais qui entament des études supérieures en métropole une meilleure capacité à s’exprimer à l’oral et à l’écrit en français. Dans un monde d’échanges, l’insuffisante maîtrise du français aggraverait les situations d’échec scolaire et universitaire, et créera une forme d’exclusion dans le monde du travail salarié. Nous lutterons contre ce risque en vous donnant les moyens de parler français aisément. À cet égard, nous sommes prêts à élaborer avec vous, localement, un plan d’aide et de soutien pour les adultes. Mais il en va aussi de votre responsabilité personnelle pour que vos enfants et vous-mêmes mettiez toutes les chances de votre côté.

Aujourd’hui, la société mahoraise, comme toutes les sociétés, est médiatique. Alors posons nous ensemble la question par exemple de l’augmentation du nombre d’émissions en langue française sur RFO qui assume une mission de service public.

L’État continuera de remplir sa mission d’apprentissage du français dès le primaire et de transmission du savoir et des valeurs républicaines en français. Mais, c’est grâce au soutien de la famille, des structures collectives, culturelles, médiatiques ou sportives, que tous les Mahorais auront dès l’origine les mêmes chances que leurs compatriotes domiens ou métropolitains.

d) Respecter l’égalité entre les femmes et les hommes

Les Mahoraises et les Mahorais qui ont choisi le statut personnel de droit local ont la garantie que leur choix est protégé par l’article 75 de la Constitution.

Nous voulons concilier votre droit à un statut personnel avec les droits et libertés garantis par la République. Ainsi, le conseil constitutionnel a jugé en 2003 que la loi, à la condition qu’elle ne remette pas en cause le statut civil de droit local, peut adopter des dispositions de nature à faire évoluer les règles dans le but de les rendre compatibles avec les principes et les droits constitutionnellement protégés.

C’est d’ailleurs ce qui a été initié depuis les accords du 27 janvier 2000. Le statut civil de droit local a évolué, des ordonnances ou la loi ayant permis de mieux respecter les principes de la République et de mieux prendre en compte le droit et la situation des femmes mahoraises.

Avec la départementalisation nous approfondirons les réformes déjà entreprises et respecterons ainsi nos engagements européens et internationaux.

Pour affirmer l’égalité des époux dans le mariage qui est un principe de droit intangible, plusieurs réformes seront nécessaires.

L’âge légal minimum des femmes pour se marier sera relevé de 15 à 18 ans. C’est l’âge légal dans le droit national qui s’applique en métropole et dans les DOM.

Le libre consentement à célébrer le mariage est un principe général en métropole et dans les DOM. À Mayotte, cela signifie que désormais, toute référence au tuteur matrimonial devra disparaître.

Le mariage religieux n’est évidemment pas interdit mais, comme cela est la règle en métropole et dans les DOM, le mariage civil doit avoir été célébré au préalable en mairie par un officier d’état-civil.

La loi du 21 juillet 2003 a commencé à prendre en compte la question de la polygamie. Mais le dispositif retenu qui fait référence à l’âge des époux n’est en définitive pas suffisant. Il n’est pas question de remettre en cause les situations acquises. Les Mahoraises et les Mahorais mariés continueront de vivre sous le régime matrimonial qu’ils ont choisi. Mais pour le futur, les mariages polygames seront interdits. La loi actuelle qui fait référence à l’âge des futurs époux (tous les hommes nés avant le 1er janvier 1987 et toutes les femmes nées avant le 1er janvier 1990 pouvaient encore contracter un mariage polygame) sera donc modifiée.

e) Préserver l’équilibre social et l’ordre public

L’État assure à Mayotte la mission de sécurité et de sûreté qu’il doit à ses citoyens, comme sur le reste du territoire national.

La pression migratoire, telle qu’elle s’exerce à Mayotte, requiert une action soutenue de l’État. Son efficacité repose sur une collaboration sans faille de la police, de la gendarmerie, de l’armée, des services des douanes et du travail, avec l’autorité judiciaire. L’action de l’État est menée dans la transparence vis-à-vis de la population et des élus.

Elle nécessite des outils juridiques adaptés à la situation mahoraise. Aussi, les règles de droit de l’entrée, de l’éloignement et du séjour sur le territoire national, spécifiques à Mayotte, ne sauraient être affectées par la départementalisation.

Cette lutte concerne toute la chaîne de l’immigration clandestine : les passeurs qui organisent le transport, les trafiquants qui fournissent des faux papiers, les employeurs qui, à titre professionnel ou privé, facilitent l’emploi d’un étranger en situation irrégulière.

Avec fermeté et humanité, les dispositions sont prises pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière. Le nombre de personnes reconduites traduit bien l’ampleur de l’effort réalisé par l’État. Cette politique sera poursuivie.

Ces efforts ne produiront leurs effets que si les filières ne trouvent pas à Mayotte des complicités plus ou moins conscientes. Nous devons donc nous engager ensemble pour identifier, et poursuivre, ceux qui sont les complices de l’immigration clandestine.

Bannir le travail clandestin est avant tout la mission des acteurs socio économiques mahorais. Fournir consciemment du travail à des immigrés en situation irrégulière est un délit qui doit être réprimé avec la plus grande fermeté.

Au delà des approbations de principe, nous attendons une attitude responsable et civique de tous ceux qui habitent à Mayotte, dans tous les secteurs d’activité, qu’il s’agisse de l’emploi à domicile, du bâtiment et des travaux publics ou de l’agriculture par exemple.

3. Des décisions rapides pour une évolution progressive et adaptée

Le faible niveau de vie, la faiblesse de la prise en charge de certaines populations, telles les personnes âgées ou les handicapés et l’organisation des services à la personne encore très largement dépendant des familles caractérisent aujourd’hui la situation sociale à Mayotte. En dépit des efforts humains et financiers, les retards sont réels et s’inscrivent dans un contexte de forte croissance démographique.

Cette situation est à bien des égards inacceptable. Le changement de statut de Mayotte doit permettre progressivement d’y remédier.

a) Dans le domaine de la santé

Des investissements majeurs ont permis la reconstruction complète de l’hôpital de Mamoudzou et l’installation de plateaux techniques qui n’ont rien à envier aux établissements de métropole ou des DOM. Ils vous permettent de bénéficier d’une prise en charge sanitaire de très haut niveau et vous assurent les meilleurs traitements.

L’organisation des soins dans les 5 zones de l’île, avec les hôpitaux de référence qui comportent l’accueil des urgences, des lits de maternité, un centre de consultation, renforce le tissu sanitaire de Mayotte. Les dispensaires qui sont dans vos communes vous offrent un accueil de proximité.

La mise en place d’une politique pour la santé est et restera pilotée par l’État. Nous souhaitons simultanément renforcer le partenariat avec les collectivités et les professionnels de santé, avec notamment l’objectif de développer le secteur libéral.

b) Le renforcement de la protection sociale

Il est naturel que la départementalisation se traduise à terme par l’égalité sociale. Vous attendez que la départementalisation s’accompagne du versement des prestations sociales et des minima sociaux à Mayotte au même niveau que dans les DOM et en métropole.

Mais en métropole ou dans les DOM, les prestations sociales et les minima sociaux ont été créés au fil des décennies, en fonction du développement de l’économie et de la société.

Nous considérons qu’il n’est ni possible ni souhaitable de verser immédiatement les prestations sociales au même taux qu’en métropole ou dans les DOM.

Compte tenu notamment du faible taux d’activité salariée, la généralisation des prestations sociales serait de nature à déstabiliser l’économie et la société, à rendre moins attractive la recherche ou la poursuite d’un emploi.

Le risque est de remettre en cause les efforts menés par vous-mêmes, vos élus, l’État, les entreprises pour que Mayotte poursuive son chemin sur la voie du développement économique et social.

Nous pensons par ailleurs que les insuffisances de l’état-civil à Mayotte sont en l’état actuel sources, d’une part d’incertitude sur les droits auxquels vous pouvez prétendre, quelle que soit votre bonne foi, d’autre part de fraudes de personnes en situation irrégulière, et enfin d’erreurs de la part des services publics qui vous verseront ces futures allocations, qu’il s’agisse de l’État, de la sécurité sociale ou du Conseil général.

Nous ne voulons pas plus que vous que la mise en œuvre de nouvelles prestations soit un nouvel appel d’air qui aggraverait l’immigration irrégulière. Nous voulons donc disposer d’un état-civil fiable et complet avant de mettre en place les nouvelles prestations sociales.

La politique que nous vous proposons est une politique dynamique et équilibrée, fondée sur le développement économique autonome sans négliger les exigences de la solidarité nationale.

• En ce qui concerne les prestations sociales

Le bénéfice des assurances sociales (maladie, retraite, famille, accidents du travail et chômage) est lié aux cotisations qui sont prélevées sur les salaires et les revenus.

Aujourd’hui à Mayotte, les modalités de calcul et le niveau des cotisations sont très inférieurs à la règle applicable en métropole et dans les DOM. C’est pourquoi l’augmentation de ces assurances sociales sera menée au rythme de l’alignement des cotisations sur le régime de droit commun applicable en métropole et dans les DOM et au rythme du développement économique de Mayotte.

Un effort particulier sera toutefois réalisé pour la mise en place à Mayotte de l’allocation de logement social qui constitue une clef d’accès importante au logement social. Un audit interministériel sera réalisé au premier semestre 2009 sur le logement à Mayotte, afin de donner des bases solides aux actions nouvelles qu’il faudra engager.

Concernant les prestations familiales, les particularités justifiées par la pression démographique de Mayotte seront conservées. Une politique sociale en faveur des enfants doit constituer le corollaire de l’égalité des chances à laquelle aspire la jeunesse mahoraise.

L’augmentation des cotisations sociales nécessaire au développement de la protection sociale à Mayotte aura un effet sur le coût salarial pour les entreprises. Par conséquent, l’effort qui a été fait ces dernières années de revalorisation du SMIC net a atteint un niveau que nous souhaitons stabiliser pour préserver l’emploi.

• En ce qui concerne les minima sociaux

Seuls deux des huit minimas sociaux sont actuellement applicables à Mayotte, ceux pour les adultes handicapés et les personnes âgées, mais à un niveau inférieur à celui de la métropole et des DOM.

Le système des minima sociaux se caractérise par la multiplicité de dispositifs existants obéissant à des règles et à des logiques propres en fonction des bénéficiaires. Leur création à Mayotte ou leur montée en charge ne peut par conséquent suivre une règle unique d’évolution. Là encore, l’objectif est de parvenir à l’égalité sociale. Mais ces prestations en vigueur en métropole et dans les DOM ne sont pas apparues en un jour. Elles se sont développées au fil des décennies, en fonction de l’évolution de l’économie et de la société. L’expérience a suffisamment montré que la mise en place de nouvelles prestations sociales sans une assise économique solide avait de nombreux effets pervers.

Dès l’entrée en vigueur de la départementalisation, un plan de revalorisation des prestations existantes sera mis en œuvre pour les adultes handicapés et les personnes âgées, avec des augmentations significatives.

Le niveau des prestations non encore étendues (revenu minimum d’insertion, allocation de parent isolé et allocation de solidarité spécifique) se situera à compter de leur mise en place, en 2012, à environ le quart de ce qu’elles représentent en métropole ou dans les DOM.

La montée en charge de ces prestations sera ensuite progressive sur une période de 20 à 25 ans, éventuellement plus rapide en fonction du rythme du développement économique de Mayotte.

• En ce qui concerne les prestations départementales

Les prestations liées à la perte d’autonomie, servies par le Conseil général, sont l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap. Elles sont versées en fonction du niveau de dépendance de la personne concernée et non uniquement en fonction de son niveau de ressources.

Leur mise en place à Mayotte suppose en conséquence une définition des outils adaptés pour permettre cette évaluation individualisée, des recettes fiscales départementales afin de les financer, ainsi que la mise en place d’une journée de solidarité (contribution solidarité pour l’autonomie).

c) Pour instaurer une fiscalité de droit commun

Le passage a une fiscalité de droit commun était prévu pour le 1er janvier 2008. Cela n’a pas été possible et l’objectif a été repoussé au 1er janvier 2014.

La mise en œuvre de la départementalisation impose non seulement de respecter ce calendrier, mais aussi de l’anticiper quand cela sera possible.

La fiscalité de droit commun à Mayotte concernera à la fois les particuliers et les entreprises et modifiera en profondeur la répartition des ressources entre les collectivités publiques.

Aujourd’hui, c’est le Conseil général qui perçoit l’essentiel des impôts et droits de douanes. Avec le droit commun, les droits de douanes et certains impôts, par exemple l’impôt sur les sociétés et celui sur le revenu, n’abonderont plus le budget de la nouvelle collectivité mais le budget de l’État comme c’est le cas en métropole et outre-mer.

L’instauration d’une fiscalité directe locale pour les communes et la nouvelle collectivité de Mayotte est l’enjeu majeur pour accompagner la mise en place de vos nouvelles institutions. C’est une évolution très importante pour Mayotte qui vous concernera tous car vous devrez acquitter de nouveaux impôts : la taxe d’habitation, qui concerne toutes les personnes (des exonérations sont toutefois prévues en fonction des revenus), les taxes foncières qui concernent tous les propriétaires et la taxe sur les ordures ménagères.

La base de l’impôt sera la valeur locative cadastrale. À Mayotte, cette évaluation n’existe pas encore. Certes il y a un cadastre à jour. Mais les parcelles et les constructions ne sont pas évaluées. C’est ce travail que l’administration devra mener avant que ces nouveaux impôts soient instaurés.

Dans le cadre global de la mise en œuvre de la départementalisation, des efforts concernant l’état civil et la domiciliation devront être réalisés afin que la réforme fiscale soit effective.

d) Pour réformer les règles concernant le droit du travail, les politiques de l’emploi et la formation professionnelle, ainsi que celles concernant l’urbanisme

Le droit régissant ces matières relève encore pour l’essentiel du principe de la spécialité législative. La départementalisation conduira à l’instauration du droit applicable en métropole et dans les DOM pour l’ensemble de ces matières. Beaucoup de ces sujets sont extrêmement techniques et la transposition du droit commun à Mayotte imposera un très lourd travail de recodification. En clair, il convient de réécrire des pans entiers des textes.

Le travail préparatoire a d’ores et déjà été réalisé afin d’identifier les textes à modifier. Désormais, il conviendra d’affecter des équipes de juristes et de spécialistes des questions sociales et d’urbanisme, notamment pour mettre à jour ces textes afin qu’ils soient applicables à Mayotte.

En fonction de la difficulté des modifications à effectuer mais aussi en prenant en compte de manière réaliste la situation qui prévaut à Mayotte, l’application des nouveaux textes pourrait s’échelonner entre 2009 et 2013. Un effort particulier sera réalisé pour permettre une entrée en vigueur plus rapide de dispositions attendues et importantes dans les domaines du droit syndical et de la formation professionnelle.

Les modifications de la réglementation pour le droit du travail exigeront un effort d’information et de concertation des services de l’État auprès des chefs d’entreprises et des organisations syndicales. En effet, un travail de recodification de cette ampleur ne peut produire tous ses effets que grâce à l’implication des acteurs économiques et socio-professionnels.

Pour le secteur de l’urbanisme, une nouvelle étape dans la décentralisation des compétences au profit des communes pourra être réalisée. Les communes de plus de 10.000 habitants pourront ainsi instruire elles-mêmes les demandes de permis de construire. L’État les accompagnera en mettant dans un premier temps à leur disposition les fonctionnaires compétents pour instruire les dossiers.

e) Pour favoriser un développement économique autonome

Nous sommes attachés à ce que la départementalisation ne conduise pas à une déstabilisation de l’économie et la société mahoraise. C’est pourquoi la montée en puissance des prestations sociales ne peut être que progressive. Mais parallèlement, cela signifie que l’économie doit être modernisée à un rythme accéléré. Pendant cette période de transition, nous nous engageons donc à réaliser un effort, pour promouvoir un développement économique et social du territoire qui soit à la fois autonome et équilibré.

Un fonds de développement économique, social et culturel, créé à partir de l’actuel fonds mahorais de développement économique, sera chargé de financer tout ou partie des équipements ou des actions retenues.

Cet engagement sera inscrit dans la loi. L’effort de l’État sera calculé et discuté dans la transparence avec la représentation nationale et avec vos élus. Le montant et le rythme des dépenses publiques feront l’objet d’une évaluation régulière pour en garantir la meilleure utilisation.

Ces nouveaux crédits serviront à amplifier les actions prioritaires qui ont été retenues conjointement par l’État et la collectivité départementale de Mayotte dans le cadre du 13ème contrat de projet 2008-2014, telles que l’accélération de la politique de logement social et de résorption de l’habitat insalubre, qui répond à un besoin considérable de la population ou l’accompagnement du développement des secteurs économiques créateurs d’emploi et de richesse .

Enfin, ces crédits serviront également à initier de nouvelles politiques de solidarité, afin de construire des structures d’accueil pour les enfants, les personnes âgées et les handicapés, et de mener des actions de prévention sanitaire, de lutte contre l’exclusion sociale et d’intégration des jeunes.

Nous faisons le pari du développement. Nous souhaitons que l’évolution sociale à Mayotte accompagne le développement économique de l’île et vice versa.

Tous les deux ans un rapport d’évaluation sera présenté par l’État aux collectivités de Mayotte, afin de dresser un bilan de l’impact économique des dépenses publiques consenties. Sur ces bases objectives, les conditions et le rythme d’extension des aides et prestations sociales pourront être précisés.

4. Mayotte dans son environnement régional, vers un nouveau statut au sein de l’Union Européenne

En ce début de 21ème siècle, Mayotte doit s’inscrire et se développer dans son environnement régional. Votre histoire est dans l’Océan Indien. Votre culture et votre patrimoine appartiennent à l’Océan Indien. Votre développement économique dépend en partie des échanges avec les îles de l’Océan Indien.

Vos élus ont renforcé les contacts avec les membres de la Commission de l’Océan Indien, en rendant visite depuis quelques mois à leurs homologues de l’île Maurice, des Seychelles ou de Madagascar et en développant les actions de coopération régionale. Ces démarches sont prometteuses et en harmonie avec la politique étrangère de la France.

Le Chef de l’État a décidé avec le Président de l’Union des Comores d’engager un dialogue politique, afin de normaliser dans les meilleurs délais les relations entre les deux États.

Cette démarche repose sur le groupe de travail de haut niveau (GTHN) qui s’est réuni plusieurs fois en France et aux Comores. Le déplacement officiel d’une délégation de l’Union des Comores à Mayotte au mois de septembre 2008 a été une illustration forte de cette volonté partagée d’aboutir, comme l’est la participation d’élus mahorais dans la délégation française. Notre objectif commun est non seulement de mettre un terme à un différend d’État à État, mais aussi d’inventer un nouvel avenir qui inscrira pleinement Mayotte dans sa géographie, pour qu’elle ait encore plus d’atouts pour son développement.

Les travaux du GTHN sont indépendants de la départementalisation qui reste un processus interne à l’organisation administrative de la France.

La départementalisation peut également permettre à Mayotte de connaître une évolution de son statut au sein de l'Union européenne. 

En devenant région ultrapériphérique (RUP) de l'Europe, Mayotte bénéficiera des dispositions du Traité de l'Union qui reconnaît la spécificité des RUP et la nécessité d'adapter les politiques communautaires à leurs réalités et à leurs contraintes permanentes.

Ainsi, l'Europe pourra contribuer davantage au développement de Mayotte.

Mais la départementalisation ne conduit pas directement au statut de RUP et ne donne pas accès automatiquement aux fonds structurels comme le Fonds européen de développement régional (FEDER) ou le Fonds social européen (FSE).

La procédure est complexe. Elle suppose, entre autres, que Mayotte puisse faire face à l'ensemble de ses obligations de région européenne. Un certain nombre de dispositions préalables devront être prises pour que l'ensemble des règles communautaires s'y applique.

Dans le cadre de la départementalisation ,l'État engagera très rapidement une démarche auprès des institutions communautaires pour que la transformation de Mayotte en région ultrapériphérique intervienne dans des délais compatibles avec l’accès aux financements européens disponibles à partir de 2014.

La départementalisation, ce n’est pas atteindre le bout d’un chemin que nous avons emprunté ensemble depuis longtemps.

C’est un nouveau départ potentiel pour Mayotte et chacun d’entre vous, pour une démarche qui s’inscrit dans la durée et non dans le temps d’un scrutin.

Les règles nouvelles, vous l’avez compris, sont exigeantes. Elles impliquent de profondes évolutions, vers le droit commun, qui se feront étape après étape. Contrôler, évaluer, amender si nécessaire les conditions de mise en œuvre de la départementalisation, seront les bases du succès du processus dans lequel nous nous engageons.

Sans ces exigences, la départementalisation serait vouée aux déceptions collectives et individuelles, dont les conséquences seraient lourdes pour le développement humain, économique et social de Mayotte auquel nous aspirons.

Aujourd’hui, nous construisons un nouveau socle pour ce développement. Ce socle est solide. C’est l’application pleine et entière des principes de la République, à partir desquels la société mahoraise évoluera, s’adaptera, pour tendre vers la situation des départements de métropole et d’Outre-mer sans renier l’identité de Mayotte. Nous créons les conditions du développement local et régional de Mayotte pour l’instant présent et les générations

ANNEXE 4

RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL
DE MAYOTTE LE 18 AVRIL 2008

Séance plénière du 18 avril 2008

(extrait relatif à la résolution)

M. le président :

Chers collègues,

Je vous remercie d'avoir répondu présents à cette session.

Je remercie tout particulièrement les personnalités qui nous font l'honneur de leur présence ce matin, à l'occasion de cette journée exceptionnelle et historique : monsieur le préfet, monsieur le sénateur, monsieur le maire, madame la conseillère économique et sociale, monsieur le grand cadi ― toutes les personnalités qui sont ici ― monsieur le député : merci.

Heureux de représenter la collectivité territoriale en ce jour, je vous souhaite à tous la bienvenue au sein de cet hémicycle, sans oublier que la démarche que nous allons accomplir est retransmise à la télévision, et sera également suivie par de très nombreux Mahorais et Mahoraises aujourd'hui.

Avant toutes choses, je souhaite que nous observions une minute de silence en l'honneur de M. Aimé Césaire, précurseur de la départementalisation en 1946, et dont le combat a permis l'accession des quatre colonies au statut de département d'outre-mer. Je souhaite aussi qu'à cette minute de silence soient associés tous nos anciens qui ont combattu pour Mayotte française, et qui ne sont plus là aujourd'hui. Une minute de silence s'il vous plaît.

(Minute de silence.)

Je vous remercie.

Il est 9 h 45. La séance est ouverte.

Je pense que tous mes collègues sont là. Je propose que M. Hadadi Andjilani soit secrétaire de séance aujourd'hui.Y a-t-il des objections à la désignation de M. Hadadi Andjilani en tant que secrétaire de séance ?

Je donne la parole à M. Hadadi Andjilani, secrétaire de séance, afin qu'il procède à l'appel nominatif des conseillers généraux.

M. Hadadi Andjilani :

Merci, monsieur le président.

Conseillers généraux présents :

M.M'Hamadi Abdou, CG de Bandraboua.

M. Ibrahim Aboubacar, CG de Sada.

M. Ahamada Madi Chanfi, CG de M'Tsangamouji.

M. Ali Assani, CG de Mamoudzou 1.

M. Hadadi Andjilani, CG d'Ouangani.

M. Ahamed Attoumani Douchina, CG de Kani Keli.

M. Ali Bacar, CG de M'Tsamboro.

M. Hariti Bacar, CG de Koungou.

M. Fadul Ahmed, CG de Pamandzi.

M. Ali Halifa, CG de Choungui.

M. Issoufi Hamada, CG de Tsingoni.

M. Jacques Martial Henry, CG de Mamoudzou 3.

M. Issiaka Ibrahim, CG de Chiconi.

M. Soiderdine Madi, CG d'Acoua.

M. Mustoihi Mari, CG de Bandrele.

Mme Sarah Mouhoussoune, CG de Dembeni.

M. Mirhane Mousseni, CG de Boueni.

M. Said Omar Oili, CG de Dzaoudzi Labattoir.

M. Zaidou Tavanday, CG de Mamoudzou 2.

Voilà, monsieur le président, la liste des 19 conseillers généraux.

M. le président :

Merci.

Je constate que le quorum est atteint. Par conséquent, nous pouvons valablement délibérer.

Notre premier objet porte sur l'adoption de la résolution du conseil général portant sur la modification du statut de Mayotte, et son accession au régime de département et région d'outre-mer, tel que défini à l'article 73 de la Constitution.

C'est en application de l'article LO 71-2 du code général des collectivités territoriales que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation l'adoption de cette résolution.

Pour que cette résolution soit valide, il est nécessaire qu'elle soit adoptée à la majorité absolue des membres de notre assemblée départementale, soit 13 conseillers généraux sur 19.

Il s'agit d'un scrutin public. Après l'appel nominal, chaque conseiller exprime oralement son vote par « oui », « non », ou « abstention ». Je souhaite vivement qu'une fois adoptée la résolution puisse marquer un point de départ irréversible dans l'accession de Mayotte au statut de département et région d'outre-mer.

(Applaudissements.)

Que de chemin parcouru depuis 1958 ! C'est-à-dire depuis que des hommes comme Georges Nahouda, Marcel Henri, le président Younoussa Banama, et des figures historiques telles que Mme Zena M'Dere, Mme Boueni M'Titi, Mme Zena Meresse et d'autres ont forgé en quelques générations une véritable conscience collective de la départementalisation de notre île.

En tant que président du conseil général de Mayotte, élu depuis le 20 mars dernier, j'ai donc une responsabilité toute particulière, à savoir : créer les conditions de la consultation populaire afin que les Mahoraises et les Mahorais puissent mener, à terme, le processus de la départementalisation.

C'est pourquoi c'est avec un immense honneur et beaucoup d'émotion que je préside aujourd'hui cette séance solennelle au cours de laquelle je vous proposerai d'adopter ― à l'unanimité, chers collègues ― la résolution relative à l'accès de Mayotte au statut de département d'outre-mer.

Sans évoquer de manière exhaustive les évolutions politiques, institutionnelles, engagées et obtenues durant ce laps de temps, permettez-moi, mesdames et messieurs, de rappeler quelques faits et dates majeurs que les Mahorais gardent précieusement en mémoire, car ce sont là des éléments qui plaident pour l'adoption, à l'unanimité, de la résolution :

1958 : le congrès de Tsoundzou a été l'occasion d'évoquer la consultation des Mahorais sur la départementalisation de notre île.

1976 : le 8 février et le 11 avril 1976, les Mahoraises et les Mahorais ont été consultés. Ils ont exprimé à ce moment-là leur volonté de demeurer français, et leur choix de statut de DOM déjà ce moment-là.

Le 2 juillet 2000, les Mahoraises et les Mahorais ont à nouveau été consultés, et la consultation populaire a abouti à la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

Enfin, la lettre de Nicolas Sarkozy aux Mahorais, qui date du 14 mars 2007, et qui rappelle que l'ancrage de Mayotte dans la République est désormais inscrit depuis 2003 dans notre Constitution, et notre île a naturellement vocation à devenir un département d'outre-mer.

(Applaudissements.)

Aussi, si le conseil général de Mayotte me le demande, comme la loi m'y autorise à partir de 2008, je vous consulterai sur la départementalisation de votre île.

Mesdames et messieurs, afin de concrétiser rapidement cette résolution, et comme aucun texte ne l'interdit, les élus de l'assemblée départementale proposent que la consultation se fasse avant le 31 décembre 2008.

(Applaudissements.)

J'ajoute que cette consultation conférera une force plus grande à Mayotte, comme elle consolidera davantage l'ancrage de cette dernière au sein de la République.

Par ailleurs, elle permettra à notre île de devenir une collectivité de plein exercice ; l'assemblée départementale disposera ainsi des atouts et des moyens adéquats pour agir au mieux, amplifier ses actions en faveur des Mahorais.

Le 20 mars dernier, j'étais engagé devant vous tous à préparer, à élaborer la résolution qui va modifier le statut de notre territoire, et à vous la soumettre pour adoption. Mais, avant cette adoption, je me suis concerté avec nos anciens parlementaires. Et ils sont là. Je profite encore une fois pour leur dire merci.

(Applaudissements.)

De même qu'avec ceux qui sont en exercice, afin qu'ils m'indiquent leurs observations sur le projet de résolution.

J'ai également réuni, le vendredi 11 avril dernier, la majorité des conseillers généraux pour avoir leur avis sur cette question qui constitue l'affaire de tous les Mahorais. Et chacun de nous s'est investi pleinement.

Mesdames et messieurs, chers amis, à l'issue du vote de la résolution, je vous proposerai le plan d'actions suivant. L'article 6111-2 du livre Ier de la sixième partie du code général des collectivités territoriales dispose que cette résolution sera publiée au Journal officiel de la République française et transmise au Premier ministre, aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, par le président du conseil général, dans le mois qui suit son adoption.

Sans attendre la publication de la résolution au Journal officiel d'ici le 18 mai, nous allons la déposer auprès de M. le préfet de Mayotte dès cet après-midi, à 16 h 30. Puis, dans les 72 heures qui suivent, je serai accompagné d'une délégation officielle pour aller à Paris et remettre ce document majeur aux personnalités mentionnées dans l'article 6111-2, soit au Premier ministre, au président de l'Assemblée nationale, au président du Sénat.

Nous la remettrons aussi à M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, et nous solliciterons le Gouvernement pour que les Mahorais soient consultés sur la départementalisation de Mayotte, d'ici le 31 décembre 2008, comme nous l'avons ajouté dans le texte de la résolution.

(Applaudissements.)

Nous avons notre ministre de l'intérieur, qui est aussi ministre de l'outre-mer. Nous allons aussi lui remettre ce texte ; ministre que j'ai rencontrée la semaine dernière, et à qui j'ai demandé son soutien.

Nous allons, en outre, faire valoir la nécessité de la mise en place rapide d'un groupe de travail composé des parlementaires, de moi-même en tant que président du conseil général, de représentants des partis politiques présents au sein du conseil général, pour définir un calendrier d'extension des six matières relevant encore de la spécialité législative de la loi DSIOM, et préciser l'article L.O. 6113-1 du code des collectivités territoriales :

1. Impôts, droits et taxes.

2. Propriété immobilière et droit réel immobilier, cadastre, expropriations, domanialité publique, urbanisme, construction, habitation et logements, aménagement rural.

3. Protection et action sociale.

4. Droit syndical, droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

5. Entrée et séjour des étrangers et droit d'asile.

6. Finances communales.

Nous prévoyons également très prochainement des communications destinées à accompagner les Mahorais dans les nouvelles étapes du processus de départementalisation. Nous comptons ainsi sur nos partenaires médiatiques tels que RFO Mayotte, et aussi sur nos partenaires économiques, sociaux et associatifs, pour expliquer ou réexpliquer les avantages et les bouleversements qui découlent de la départementalisation.

Nous demandons parallèlement à l'État d'apporter son aide, son assistance, son expérience à la collectivité départementale, afin de mener à bien ce dossier. D'ici l'échéance de la consultation, je ferai appel à l'ensemble des forces vives de la collectivité pour qu'elles s'organisent autour de groupes de réflexion thématiques.

Elles formuleront des propositions à l'exécutif de la collectivité départementale pour promouvoir un modèle de développement économique, social, culturel, pour que Mayotte vive dans la cohésion et l'harmonie dans la République.

La campagne pour le oui à la départementalisation, oui à Mayotte comme cinquième département d'outre-mer est donc lancée. Mayotte, cinquième département d'outre-mer, c'est l'assurance d'une plus grande solidarité de la France vis-à-vis de nous. Cette solidarité s'exprimera à travers des financements importants de la République, et des fonds de l'Union européenne dont nous ne bénéficions pas jusqu'à présent. Ceci pour mettre en œuvre nos politiques publiques.

Je souligne que la transformation institutionnelle se fera au service de la société mahoraise et que le conseil général, qui concentre des compétences relevant des départements et des régions, conformément à la loi en vigueur, agira activement au quotidien pour la solidarité, le développement de l'éducation de nos enfants.

J'indique que le conseil général de Mayotte restera aussi le garant, ou le gardien, de notre culture, de nos traditions, de notre identité. C'est pourquoi j'en appelle à la conscience de nos concitoyens pour leur dire qu'ils n'ont pas à douter d'eux-mêmes, de leur valeur, de leurs compétences, de leur avenir. Qu'ils n'ont pas à avoir encore des incertitudes par rapport au nouveau statut que nous obtiendrons très bientôt, car Mayotte doit avancer, Mayotte doit continuer le chemin qu'elle s'est tracé depuis plus de trente ans.

Je vous remercie.

(Applaudissements.)

Mes chers collègues, je vous ai à tous transmis le projet de résolution, et maintenant je vous dirai aussi que je vous ai fait parvenir tout à l'heure le projet amendé. Puisqu'il y a eu le projet qui vous a été transmis. Nous nous sommes réunis au sein de la majorité pour travailler et tenir compte des amendements qui nous ont été transmis par nos anciens et nos actuels élus parlementaires. Avez-vous des amendements ? Non.

Sinon, je vais vous faire lecture de la résolution amendée par la majorité du conseil général.

Résolution de M. le président du conseil général portant sur la modification du statut de Mayotte et son accession au régime de département et région d'outre-mer défini à l'article 73 de la Constitution :

Mayotte, île française depuis le traité de cession du 25 avril 1841, s'est toujours singularisée dans son histoire avec la métropole et son environnement régional.

Dans les premières années, elle est administrée par la Réunion ; ensuite, elle dépend de Nosy Be et dépendances ; et de nouveau de l'île de la Réunion et de Madagascar.

Après la Seconde Guerre mondiale, après le décret du 24 septembre 1946, les Comores, dont Mayotte, se transforment en territoire d'outre-mer, selon la politique d'association et de décentralisation prévue par la Constitution.

Ensuite, en 1958, lors de la consultation sur le projet constitutionnel, les forces politiques mahoraises demandent un statut de département d'outre-mer.

Enfin, consultée le 22 décembre 1974, la majorité de la population de Mayotte déclare vouloir rester française. Une seconde fois, lors du référendum du 8 février 1976, à 99, 4 % les Mahorais se prononcent pour le maintien dans la République française. Une nouvelle consultation est organisée le 11 avril 1976 et, à 80 %, les électeurs mahorais réclament la création d'un département.

De 1976 à 2001, l'île de Mayotte sera administrée avec un statut de collectivité territoriale, selon les dispositions de la loi du 24 décembre 1976. Après les accords de Paris du 27 janvier 2000 et la consultation de la population le 2 juillet 2000, la loi du 11 juillet 2001 instaure un statut de collectivité départementale qui permet notamment la mise en œuvre, en 2004, du transfert de l'exécutif de la collectivité du préfet au président du conseil général.

À la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, Mayotte se trouve dans la catégorie des collectivités d'outre-mer prévue à l'article 74 de la Constitution. Cependant, la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer rend applicables de plein droit toutes les dispositions législatives et réglementaires, à l'exclusion de six domaines :

― les impôts, droits et taxes ;

― l'urbanisme ;

― l'habitat et l'aménagement rural ;

― la protection sociale ;

― le droit du travail ;

― l'entrée et le séjour des étrangers ;

― les finances communales.

Par ailleurs, dans l'article L.O. 6111-2 du code général des collectivités territoriales, instauré par la loi du DSIOM, il est prévu qu'à compter de la première réunion qui suit son renouvellement en 2008, c'est-à-dire aujourd'hui, le conseil général de Mayotte peut, à la majorité absolue de ses membres et au scrutin public, adopter une résolution portant modification du statut de Mayotte, et son accession au régime de DOM-TOM, défini à l'article 73 de la Constitution.

Le candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy, dans sa lettre aux Moharais du 14 mars 2007, s'est engagé sur l'évolution statutaire de Mayotte : « L'ancrage de Mayotte dans la République est désormais inscrit depuis 2003 dans notre Constitution, et votre île a naturellement vocation à devenir un département d'outre-mer. Aussi, si le conseil général de Mayotte me le demande, comme la loi l'y autorise à partir de 2008, je vous consulterai sur la départementalisation de votre île. » Propos de M. Nicolas Sarkozy.

Enfin, au conseil des ministres du 23 janvier 2008, le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer a présenté une communication sur la départementalisation de Mayotte, qui annonce la consultation des Mahorais dans les douze mois suivant l'adoption de la résolution de notre assemblée.

M. Yves Jégot, secrétaire d'État à l'outre-mer, en visite à Mayotte les 28 et 29 mars 2008, a réaffirmé le souhait de voir l'assemblée départementale s'engager dans la transformation institutionnelle aboutissant à la création de Mayotte comme département et région d'outre-mer.

Au regard de l'histoire singulière de notre île, de son ancrage dans la République française, et des aspirations des Mahoraises et des Mahorais à transformer notre collectivité en département et région d'outre-mer, notre assemblée demande, selon les dispositions de l'article L.O. 6111-2, que Mayotte accède au régime de département et région d'outre-mer défini à l'article 73 de la Constitution.

Dans toutes les évolutions statutaires de Mayotte, la population de notre île a été consultée. De surcroît, les nouvelles dispositions de la Constitution, dans son article 72-4, disposent que nul changement de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 ne peut se faire sans le consentement de la population concernée.

C'est pourquoi nous demandons l'organisation d'une consultation de la population qui doit être préparée par une vaste campagne d'information et d'explications sur les enjeux de cette réforme importante pour l'avenir de Mayotte.

Ainsi, le conseil général de Mayotte, réuni en séance le 18 avril 2008 :

Vu la Constitution de la République française, et notamment ses dispositions du titre XII sur les collectivités territoriales issues de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ;

Vu la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer et la loi ordinaire n° 2007-224 la complétant ;

Vu la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte instituant la collectivité départementale de Mayotte ;

Vu l'accord sur l'avenir de Mayotte, signé le 21 janvier 2000 ;

Vu la volonté exprimée par la population mahoraise lors de la consultation du 27 juillet 2000 sur l'avenir de Mayotte ;

Considérant que Mayotte a choisi d'appartenir à la France depuis 1841 et n'a jamais cessé de réaffirmer cette volonté, notamment lors des consultations du 24 décembre 1974, du 8 février et du 11 avril 1976 ;

Considérant la volonté des Mahorais d'assumer pleinement leur citoyenneté française dans ses droits et ses devoirs ;

Considérant le travail accompli ces vingt dernières années pour étendre le droit commun de la République à Mayotte et la volonté des Mahorais de voir cette œuvre rapidement achevée, sur les six domaines encore réservés à la spécialité législative, par la loi DSIOM du 21 février 2007 ;

Considérant la volonté de la population mahoraise d'appartenir pleinement à l'Union européenne, en qualité de région ultrapériphérique,

Demande au Premier ministre pour proposition, au Président de la République, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat d'engager, conformément à l'article 72-4 de la Constitution, la consultation tendant à transformer Mayotte en département et région d'outre-mer, tel que défini à l'article 73 de ladite Constitution, avant le 31 décembre 2008.

Mes chers collègues, vous avez la résolution dans son expression première et la résolution avec l'amendement qui a été proposé.

Nous allons maintenant procéder au vote de cette résolution. Je vous donne le temps de souffler, mes chers collègues, pour vous demander si, parmi vous, certains font abstention.

Qui est contre ? Personne.

Qui est pour ? Unanimité.

(Applaudissements.)

Mesdames et messieurs, c'est très solennellement que j'ai l'honneur de déclarer adoptée la résolution portant sur la modification du statut de Mayotte et son accession au régime de département et de région d'outre-mer définie à l'article 73 de la Constitution.

(Applaudissements.)

Vous savez tous, chers amis, qu'en dehors de l'hémicycle il y a des hommes et des femmes qui témoignent de l'allégresse de toute une population qui, au terme de plus de trente ans de combat, voit se dessiner les contours d'un avenir qu'elle a choisi. Je vous propose une interruption de séance pour participer à ce moment fort et vous propose de rejoindre la population rassemblée à l'extérieur. Madame la conseillère, messieurs les conseillers généraux, vous savez aussi que notre ordre du jour d'aujourd'hui est dense. Aussi, je vous propose que cette interruption de séance soit d'une durée de 30 minutes.

Il est 10 h 15. Nous reprendrons nos travaux à 10 h 45. Je vous remercie.

(Applaudissements.)

Interruption de séance à 10 h 15.

Le président du conseil général,

Ahamed Attoumani Douchina

Le secrétaire de séance,

Hadadi Andjilani

ANNEXE 5

ACCORD SUR L’AVENIR DE MAYOTTE DU 27 JANVIER 2000

ANNEXE 6

DOSSIERS DE LA COMMISSION DE RÉVISION DE L’ÉTAT CIVIL (CREC)
EN INSTRUCTION AU 31/12/2008

ANNEXE 7

DOCUMENT ADRESSÉ À LA MISSION PAR L’ASSOCIATION
DES OFFICIERS DE L’ÉTAT CIVIL DE MAYOTTE

1 () Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

2 () Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM).

3 () Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

4 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

5 () Le deuxième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution citait l’ensemble des collectivités territoriales situées outre-mer en indiquant qu’elles sont régies « par l’article 73 pour les départements et les régions d’outre-mer et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article 73, et par l’article 74 pour les autres collectivités ». En conséquence, toutes celles de ces collectivités qui ne sont ni des DOM-ROM à l’instar de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion, ni des collectivités uniques obtenues par fusion de DOM et ROM, sont régies par l’article 74 de la Constitution, lequel concerne exclusivement les COM.

6 () Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer (DSIOM).

7 () Maladies telles que le paludisme, la dengue ou le chikungunya, provenant de la transmission sanguine par un insecte d’un agent pathogène (virus, bactérie ou parasite).

8 () Ces matières concernent les « règles d’organisation et de fonctionnement » des institutions de la COM, le « régime électoral de son assemblée délibérante », ainsi que les conditions d’exercice des compétences consultatives attribuées aux institutions de la COM.

9 () Loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

10 () Comme l’ont indiqué tant les représentants de la mairie de Koungou que l’Union des étudiants et élèves mahorais et l’association des femmes mahoraises de La Réunion, les personnes nées à Mayotte qui relèvent du statut civil de droit local ne peuvent, de fait, en obtenir l’application hors de Mayotte, les services déconcentrés de l’État ne disposant pas d’une connaissance suffisante de ces règles, à La Réunion comme en métropole.

11 () Décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003 « Loi de programme pour l’outre-mer ».

12 () Rappelons que, selon les termes du premier alinéa de l’article 1er de notre Constitution, « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » et que, si elle « respecte toutes les croyances », elle « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

13 () Articles 14 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950.

14 () Ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte.

15 () Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.

16 () Indice de fécondité des seules femmes nées à Mayotte (données provisoires). La distinction entre les femmes présentes à Mayotte selon leur lieu de naissance n’avait pas été effectuée lors des recensements antérieurs.

17 () Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) de Mayotte représente, au 1er juillet 2008, 63 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) brut métropolitain, dont il est progressivement rapproché par des négociations annuelles.

18 () Dont 1 456 postes rémunérés par l’État (les autres étant encore rémunérés par la collectivité départementale de Mayotte, contre remboursement par l’État depuis 2000).

19 () La densité médicale atteint 68 médecins pour 100 000 habitants à Mayotte, contre 239 médecins pour 100 000 habitants à La Réunion.

20 () Ainsi, en 2002, un habitant sur quatre n’avait pas accès à l’eau potable, tandis que l’équipement en latrines et fosses septiques ne concernait respectivement que 63 % et 25 % de la population.

21 () Depuis 2004, ces étrangers clandestins ne bénéficient de la gratuité des soins que lorsque la gravité de leur état ou l’existence d’un risque de contagion le justifie. Dans le cas contraire, ils doivent acquitter un forfait de 10 euros pour pouvoir bénéficier d’une assistance médicale du CHM.

22 () Selon la direction de la réglementation et des libertés publiques de Mayotte, le nombre d’étrangers en situation régulière présents à Mayotte s’élevait quant à lui à 13 800 personnes à la fin de l’année 2008, ce qui signifie qu’au total, près de 40 % de la population insulaire serait aujourd’hui composée d’étrangers, toutes situations confondues.

23 () Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

24 () Le nombre d’amendes administratives infligées est passé de trois en 2006 à une en 2007, tandis qu’aucune n’a été prononcée en 2008.

25 () La mission a constaté que M. Yvon Carratero, directeur de la police aux frontières, avait supervisé au cours des dernières semaines des travaux de rénovation du centre de rétention administrative, visant à isoler les sanitaires et les douches, ou encore à créer des espaces distincts pour l’hébergement des femmes, celui des enfants, ainsi que la restauration. En dépit de ces aménagements nécessaires mais modestes, dont le coût s’est élevé à 155 000 euros, le centre actuel ne demeure adapté qu’à de très brèves périodes de rétention.

26 () Le nombre de retenus a pu dépasser 200 personnes pendant de courtes périodes au cours de l’année 2008, en fonction du nombre imprévisible d’embarcations clandestines interceptées par les forces de l’ordre au cours des nuits précédentes, ainsi que des changements politiques aux Comores.

27 () Décret n° 2009-67 du 20 janvier 2009 décidant de consulter les électeurs de Mayotte en application des articles 72-4 et 73 de la Constitution.

28 () Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.

29 () En vertu de l’article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales.

30 () Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

31 () Le second alinéa de l’article 73 de la Constitution prévoit que « ces adaptations [des lois et règlements aux caractéristiques et contraintes particulières des DOM-ROM] peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences si elles y ont été habilitées par la loi ».

32 () Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vè République.

33 () Article L.O. 6114-1 du code général des collectivités territoriales.

34 () Ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 fixant les règles de détermination des noms et prénoms des personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte.

35 () Toutefois, depuis le décret n° 2008-157 du 21 février 2008 modifiant le décret n° 2000-1261 du 26 décembre 2000 portant application de l’ordonnance 2000-218 du 8 mars 2000 et relatif à la commission de révision de l’état civil à Mayotte, le magistrat du siège présidant la CREC peut statuer seul en cas d’urgence ou pour rectifier des erreurs matérielles.

36 () Décret n° 2005-1620 du 22 décembre 2005 portant prorogation de la commission de révision de l’état civil à Mayotte.

37 () Délai de six mois, renouvelable une fois, en vertu du décret n° 2000-1261 du 26 décembre 2000 portant application de l’ordonnance 2000-218 du 8 mars 2000 et relatif à la commission de révision de l’état civil à Mayotte.

38 () Chiffres provisoires. La priorité a été donnée en 2008 aux rectifications d’erreurs matérielles, ici non comptabilisées.

39 () En vertu de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant DSIOM, les personnes relevant du statut civil de droit local devaient avoir indiqué à la CREC, au plus tard le 31 décembre 2008, le nom et le prénom qu’elles ont choisi.

40 () Décret n° 2008-157 du 21 février 2008 modifiant le décret n° 2000-1261 du 26 décembre 2000 portant application de l’ordonnance 2000-218 du 8 mars 2000 et relatif à la commission de révision de l’état civil à Mayotte.

41 () L’Association des officiers de l’état civil de Mayotte indique, dans une note remise à vos rapporteurs (voir annexe 7), que « le contrat de maintenance du logiciel et des matériels informatiques destinés aux mairies de Mayotte a expiré depuis septembre 2008 ».

42 () En droit musulman, aucune part successorale n’est accordé à l’enfant qui n’est pas issu de parents mariés.

43 () Rappelons que celle-ci reconnaît des droits dont la jouissance, selon son article 14, « doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion […], la naissance ou toute autre situation ».

44 () La polygamie est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 433-20 du code pénal), tandis que la célébration religieuse de mariages non encore enregistrés civilement est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

45 () Ordonnance n° 2000-219 du 8 mars 2000 relative à l’état civil à Mayotte (article 16).

46 () Garanties telles que la publicité des audiences, le caractère contradictoire de la procédure, l’information préalable sur les charges motivant les poursuites, l’assistance d’un avocat, l’interrogation de témoins, ou encore le respect de délais raisonnables.

47 () Loi organique précitée du 21 février 2007 portant DSIOM.

48 () Rappelons que cet article proclame : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

49 () Estimations au 1er juillet 2007 pour Mayotte et au 1er janvier 2006 pour les départements d’outre-mer.

50 () Une importante campagne de sensibilisation, dont le principal slogan était « un, deux, trois enfants et stop », avait déjà été menée, avec succès, au début des années 2000 à Mayotte. Il est regrettable qu’elle n’ait pas été poursuivie.

51 () Comme cela a déjà été souligné, l’indice de fécondité des femmes nées à l’étranger qui résident à Mayotte s’élèverait en 2007, selon des données encore provisoires, à 6,4 enfants par femme, contre 3,4 enfants par femme pour celles qui sont nées sur le territoire français.

52 () Union des étudiants et élèves mahorais et Association des femmes mahoraises.

53 () Ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers à Mayotte.

54 () Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration (articles 101 et 102).

55 () Décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 « Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration ».


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