N° 1596 - Rapport d'information de M. Gaëtan Gorce déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur les perspectives et le financement de la formation professionnelle




N° 1596

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur les perspectives et le financement de la formation professionnelle

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gaëtan GORCE,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.– LA MOBILISATION DES RESSOURCES DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE PAR L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 7 JANVIER 2009 9

A.– LA SIMPLIFICATION DES DISPOSITIFS ACTUELS POUR LES ENTREPRISES ET LES SALARIÉS 10

B.– UN REDÉPLOIEMENT DES EFFORTS EN FAVEUR DES MOINS QUALIFIÉS 11

C.– LE RENFORCEMENT DE LA TRANSPARENCE ET DU RÔLE DE GESTION DES OPCA 12

II.– L’OCCASION MANQUÉE D’UNE RÉFORME PLUS AMBITIEUSE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 15

A.– L’AFPA, GRANDE ABSENTE DE CETTE RÉFORME 15

B.– LA DIFFICILE ARTICULATION DU FONDS PARITAIRE DE SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS AVEC LE FONDS D’INVESTISSEMENT SOCIAL 16

C.– UNE INCOMPRÉHENSIBLE MISE À L’ÉCART DES RÉGIONS 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE 1 – LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 25

ANNEXE 2 – TEXTE DE L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DU 7 JANVIER 2009 27

INTRODUCTION

Le Rapporteur spécial a organisé une série d’auditions du 17 mars au 7 avril 2009, réunissant les représentants des employeurs et des organisations de salariés qui ont signé unanimement le nouvel accord national interprofessionnel (ANI) du 7 janvier dernier sur la formation professionnelle. Des responsables des régions ainsi que des experts ont également été entendus. Le Rapporteur spécial a également pu s’entretenir avec le directeur de cabinet du Secrétaire d’État à l’emploi, M. Laurent WAUQUIEZ.

Il convient de rappeler qu’à la demande de la commission des Finances, faite en l’application de l’article 58 – 2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la Cour des comptes avait effectué en 2007-2008 une enquête sur le droit individuel à la formation (DIF). Selon cette étude, ce nouveau droit ne constitue pas, en dépit de son développement rapide depuis 2005, un remède aux inégalités d’accès à la formation professionnelle qu’il avait l’ambition de corriger.

Quelques mois plus tard, la Cour a publié un rapport thématique intitulé la formation professionnelle tout au long de la vie, jugeant sévèrement notre système de formation professionnelle et soulignant ses lacunes pour répondre aux exigences nouvelles qui lui sont assignées en termes d’accès à une qualification pour tous les jeunes, de développement des connaissances, des capacités et des compétences de la population active, et d’accompagnement de la gestion prévisionnelle des emplois et de la mobilité des salariés.

Ce rapport analysait les financements mobilisés en faveur de la formation professionnelle et avançait le chiffre de 34 milliards d’euros pour 2006, au titre de la formation initiale (hors enseignement professionnel supérieur) et de la formation continue, soit l’équivalent de 2 % du PIB. Excluant les dépenses relatives aux lycées professionnels, le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2009 évaluait à 27,1 milliards d’euros les sommes consacrées à la seule formation continue et à l’apprentissage.

DÉPENSES DES FINANCEURS FINAUX PAR PUBLIC BÉNÉFICIAIRE EN 2006

En milliards d’euros

 

Apprentissage

Jeunes en insertion professionnelle

Actifs occupés du privé

Demandeurs d’emploi

Agents publics

Total

En %

Entreprises

1,01

0,98

9,19

-

-

11,18

41,2

État

1,27

0,50

1,21

1,43

2,97

7,38

27,2

Régions

1,84

0,86

0,33

0,73

0,13

3,89

14,4

Autres collectivités territoriales

0,03

-

0,02

-

1,74

1,79

6,6

Autres administrations publiques et Unedic

0,10

-

0,03

1,06

0,65

1,84

6,8

Ménages

0,22

-

0,62

0,19

-

1,03

3,8

Total

4,47

2,34

11,40

3,41

5,49

27,11

100,0

En %

16,5

8,6

42,0

20,3

12,6

100,0

 

Source : DARES

Premier financeur de la formation professionnelle, les entreprises consentent un effort important de 11,18 milliards d’euros (soit 41,2 %), dont 1 milliard est consacré à l’apprentissage. Les partenaires sociaux gèrent directement la collecte auprès des entreprises d’une partie de cette somme, via les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et le fonds de gestion du congé individuel de formation (FONGECIF), à hauteur de 5,8 milliards d’euros. L’État (28 %) et les Régions (15 %) viennent ensuite au rang des principaux financeurs. L’Unédic, depuis 2001, et des fonds d’origine communautaire complètent l’effort.

Quel que soit le périmètre retenu, cet effort financier considérable justifie à lui seul que la Commission des Finances se penche régulièrement sur notre système de formation professionnelle. Même si sa gestion relève majoritairement des partenaires sociaux, l’enjeu que constitue la formation professionnelle dans un contexte de crise de l’emploi ne peut pas non plus laisser indifférente la Représentation nationale.

Depuis plusieurs mois, l’économie mondiale est confrontée à la plus importante crise à laquelle elle ait eu à faire face depuis les années 1930. Même s’il est encore trop tôt pour en mesurer toutes les conséquences sur l’économie réelle, cette déconfiture financière a d’ores et déjà plongé notre pays dans la récession. Face à la montée du chômage, il est indispensable que la formation professionnelle soit mobilisée au service du maintien et de la réinsertion dans l’emploi.

Le Rapporteur spécial a souhaité, grâce à cette série d’auditions, prendre la mesure de la réforme de la formation professionnelle initiée par l’accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009. Il espère que le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 29 avril, sera l’occasion un débat de fond et non une simple transposition – plus ou moins respectueuse – de l’accord.

Au cours de ces auditions, il s’agissait d’interroger les acteurs de la formation professionnelle afin de connaître :

– la nature des actions ciblées de formation, prévues par l’accord national interprofessionnel, vers 500 000 salariés moins qualifiés exposés à « un risque de rupture de leur parcours professionnel » ;

– la cohérence de l’objectif de formation de 200 000 demandeurs d’emploi supplémentaires dans le contexte de la crise économique et sociale ;

– les modalités de « portabilité » du droit individuel à la formation, d’une entreprise à l’autre ;

– la répartition des compétences entre l’État, les régions et les partenaires sociaux dans le nouveau schéma proposé ;

– l’articulation du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) prévu par l’ANI avec le fonds d’intervention sociale (FISo) dont la création a été annoncée par le Président de la République ;

– enfin, le Rapporteur spécial souhaitait connaître les réflexions des partenaires sociaux quant à l’amélioration de l’efficience des moyens financiers et humains mobilisés pour la formation.

À ces questions, les auditions ont apporté les réponses suivantes.

I.– LA MOBILISATION DES RESSOURCES DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE PAR L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL
DU 7 JANVIER 2009

L’accord national interprofessionnel (ANI) sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels a été conclu le 7 janvier dernier au terme de huit séances et de 25 heures de discussion.

Calendrier de mise en œuvre de l’accord du 7 janvier 2009

07/01/2009 : Accord ouvert à la signature.

07/01/2009 à début février : Prise de position des organisations syndicales et patronales.

Fin janvier / début février : Définition des mesures transitoires pour l’année 2009.

Fin mars : Conclusions du groupe de travail paritaire relatif à l’évolution des OPCA.

Fin avril : Conclusions du groupe de travail paritaire relatif à l’optimisation du DIF et du CIF.

29 avril : Dépôt d’un projet de loi relatif à la formation professionnelle, reprenant et complétant les dispositions de l’ANI du 7/01/2009.

Avant fin juin : Groupe de travail rassemblant les partenaires sociaux et l’État relatif à la précision des règles d’imputabilité de certaines actions (formation ouverte à distance, ingénierie de certification,…) et à la simplification de la gestion administrative de la formation professionnelle continue.

Fin septembre : Conclusion des accords de branche et des accords collectifs des organisations d’employeurs et de salariés signataires de l’accord constitutif d’un OPCA interprofessionnel (dont OPCALIA) définissant les modalités de mise en œuvre de la contribution au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels à partir de l’année 2010.

Fin décembre 2009 : Conclusion des accords de branche et des accords collectifs des organisations d’employeurs et de salariés signataires de l’accord constitutif d’un OPCA interprofessionnel définissant la durée minimum des périodes de professionnalisation.

Janvier 2010 : Mise en œuvre de la totalité des dispositions de l’accord.

Cet accord a été bien accueilli par les partenaires sociaux (1) qui l’ont signé à l’unanimité. Sa transposition est désormais conditionnée par le dépôt et l’examen du projet de loi annoncé.

A.– LA SIMPLIFICATION DES DISPOSITIFS ACTUELS POUR LES ENTREPRISES ET LES SALARIÉS

Plusieurs dispositifs sont simplifiés et leur efficacité est renforcée.

● Au titre du plan de formation, deux catégories d’actions de formation seront distinguées, au lieu de trois actuellement :

– les actions d’adaptation au poste et celles liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi dans l’entreprise, qui seront réalisées pendant le temps de travail ;

– les actions liées au développement des compétences qui pourront être réalisées hors du temps de travail.

Le contrat de professionnalisation sera désormais ouvert aux personnes de faible niveau de qualification ou éloignées de l’emploi (par exemple les bénéficiaires de contrats aidés, du régime de solidarité…).

Un nouveau dispositif de formation initiale différée est mis en place au profit des salariés ayant arrêté leur formation initiale avant le premier cycle d’enseignement supérieur et qui souhaiterait reprendre leurs études. Des bilans de compétences et des actions de validations des acquis de l’expérience seront financés par les organismes paritaires collecteurs agréés gestionnaires du congé individuel de formation (OPACIF) afin de permettre l’accès à des formations qualifiante ou diplômante. Les partenaires sociaux ont cependant émis le souhait que l’État abonde les sommes mobilisées pour ces formations.

Le bilan d’étape professionnel – déjà esquissé par l’ANI du 14 novembre 2008 sur la gestion prévisionnelle des compétences – permettra de recueillir des données qui pourront être inscrites sur le passeport formation (créé en 2003). Les OPACIF seront chargés d’informer les salariés et les chômeurs sur ce passeport.

● Le congé individuel de formation (CIF) et le droit individuel à la formation (DIF) sont également simplifiés.

Faisant suite à l’ANI du 11 janvier 2008, le texte détermine les modalités de financement de la portabilité du DIF. En cas de rupture du contrat de travail ouvrant droit à l’assurance chômage, le salarié pourra mobiliser le solde du nombre d’heures acquis au titre du DIF multiplié par un coefficient de 9,15 euros. Le financement sera abondé soit par l’OPCA dont relève son ancien employeur, s’il est au chômage, soit par l’OPCA du nouvel employeur s’il retrouve un nouvel emploi, dans les deux ans suivant son embauche. Des accords de branche préciseront les modalités de ces abondements.

Sous réserve de l’accord de l’employeur, un salarié pourra désormais réaliser un CIF en tout ou partie sur son temps de travail, pour une durée d’un an (formation à temps complet) ou de 1 200 heures (formation à temps partiel ou discontinue).

● L’accord prévoit des moyens pour améliorer l’information, l’accompagnement et la prise en charge des candidats à la VAE. Par ailleurs, lorsqu’une formation complémentaire s’avère nécessaire après une première réunion du jury, le candidat bénéficiera d’une priorité d’instruction et prise en charge en vue d’un CIF.

Le rôle des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications, ainsi que celui de la CNCFP, seront également renforcés dans le recensement des certifications professionnelles.

B.– UN REDÉPLOIEMENT DES EFFORTS EN FAVEUR DES MOINS QUALIFIÉS

En application de l’article 15 de l’ANI du 11 janvier 2008, le nouvel accord se fixe comme objectif de former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 chômeurs de plus.

L’accord détermine également les moyens d’identifier les salariés en déficit de formation et leur garantit une prise en charge prioritaire par l’OPCA au titre des périodes de professionnalisation et des actions de formation.

Un nouveau dispositif de préparation opérationnelle à l’emploi est mis en place pour permettre aux publics cibles de bénéficier d’une formation de 400 heures maximum en vue d’occuper un emploi correspondant à une offre déterminée. Cette formation devrait être prise en charge par Pôle emploi et, en partie, par l’OPCA concerné.

Le texte prévoit en outre la création d’un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) destiné à remplacer le Fonds unique de péréquation (FUP) et doté de missions plus larges en faveur des publics cibles. Ce fonds sera financé par un prélèvement sur les sommes versées au titre de la participation des entreprises à la professionnalisation et au plan de formation ainsi qu’au titre de la contribution CIF et CIF-CDD. Le comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPFNP) devra déterminer, avant le 31 octobre prochain, le taux de ce prélèvement qui n’excédera 13 % ; pour l’année en cours, le CPFNP pourra mobiliser les ressources disponibles au sein du FUP et porter à 10 % le prélèvement effectué au titre de la péréquation.

Pour favoriser la qualification et la requalification des publics cibles, des cofinancements de l’État, de Pôle emploi, des régions et du Fonds social européen seront mis en place.

C.– LE RENFORCEMENT DE LA TRANSPARENCE ET DU RÔLE DE GESTION DES OPCA

L’accord restructure la gouvernance de la formation professionnelle.

Il prévoit la composition et les missions du Comité paritaire national pour la formation professionnelle (CPNFP), instance politique qui définira les orientations de la formation professionnelle. Par ailleurs, un conseil national d’évaluation de la formation professionnelle, composé à parité de représentants des syndicats et du patronat ainsi que de quatre personnalités qualifiées, sera créé afin d’évaluer les politiques paritaires et la satisfaction des entreprises et des bénéficiaires.

Enfin, le texte redéfinit le rôle et les missions des organismes collecteurs :

– les OPCA devront favoriser la professionnalisation, la formation et la sécurisation des parcours des jeunes, des demandeurs d’emploi et des salariés ; ils accompagneront les entreprises dans l’analyse et la définition de leurs besoins de formation ;

– afin d’assurer la transparence des activités des OPCA et OPACIF, des règles communes de gestion et de prise en charge seront définies ;

– un groupe de travail sera mis en place pour formuler des préconisations sur les regroupements d’OPCA ; les partenaires sociaux ont néanmoins souligné que le seuil de collecte ne constituait pas un critère pertinent et que des éventuels regroupements devraient reposer sur une double logique de proximité des services et de libre adhésion des parties concernées.

II.– L’OCCASION MANQUÉE D’UNE RÉFORME PLUS AMBITIEUSE
DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Il est regrettable que ces avancées réelles ne se soient pas inscrites dans la perspective d’une réforme plus ambitieuse, incluant l’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et les Régions. La première voit son destin réglé par des initiatives gouvernementales décidées sans véritable concertation. Les secondes ont été tenues à l’écart d’un processus dont elles continuent pourtant à être des acteurs majeurs. La « brusquerie » avec laquelle, enfin, a été imposée la création d’un Fonds d’investissement social et la difficulté de l’articuler avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels prévu par l’ANI sont malheureusement révélateurs du manque de cohérence du dispositif mis en place.

A.– L’AFPA, GRANDE ABSENTE DE CETTE RÉFORME

À l’occasion de l’examen des crédits de la loi de finances pour 2009, le Rapporteur spécial avait souligné le rôle majeur assuré par l’AFPA. En 2007, celle-ci avait enregistré 177 999 entrées en formation et assuré plus de 70 millions d’heures de formation, grâce à un riche réseau de 11 304 salariés et 272 implantations.

L’année 2009 est lourde d’incertitudes pour l’association. Ses ressources sont en forte baisse à 893,84 millions d’euros, consécutive au recours à l’appel d’offres pour la mise en situation d’emploi des publics fragiles ou spécifiques relevant de la solidarité nationale (75 millions d’euros), jusqu’alors assurée par l’association grâce à des dotations de l’État (ex-PAS Emploi), et à l’achèvement du transfert aux régions des crédits correspondants aux actions de formation des demandeurs d’emploi (ex-PAS Formation).

Il aurait été logique d’inclure l’AFPA dans la réflexion conduite sur la réforme de la formation professionnelle plutôt que de procéder par petites touches. Des mesures sont ainsi annoncées par le Gouvernement concernant la cession du patrimoine immobilier de l’AFPA.

L’article 19 du projet de loi met en oeuvre le transfert vers Pôle Emploi des 919 salariés chargés des missions d’orientation professionnelle des demandeurs d’emploi vers la formation. Ce transfert a été annoncé lors du comité central d’entreprise de l’AFPA réuni le 8 avril dernier pour prendre connaissance des projets des directeurs de l’AFPA et de Pôle Emploi. Il est dommageable que ces dispositions soient en quelque sorte « ajoutées » à l’accord plutôt que d’avoir été intégrées dans la discussion d’ensemble.

Le risque est de voir disparaître tout le service global offert par l’AFPA à tout salarié désireux d’améliorer sa qualification : actions pré-qualifiantes, habilitation permanente à qualifier et à certifier sur les titres du ministère du travail, capacités d’hébergement et de restauration offertes aux stagiaires, patrimoine immobilier…

B.– LA DIFFICILE ARTICULATION DU FONDS PARITAIRE DE SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS AVEC LE FONDS D’INVESTISSEMENT SOCIAL

Proposée par le secrétaire général de la CFDT, M. François CHÉRÈQUE, la création d’un fonds d’investissement social (FISo) a été annoncée par le Président de la République à l’issue du sommet social du 18 février dernier. Après plusieurs semaines d’atermoiements, la mise en place du fonds devrait intervenir dans les prochains jours.

Ce fonds aura pour objectif d’inciter les entreprises en difficulté à recourir au chômage partiel plutôt que de licencier leurs salariés et devrait faciliter le recours à la formation pendant le temps chômé. Il serait doté de 2,5 à 3 milliards d’euros.

Si le Gouvernement a fait savoir que l’État financerait lui-même ce dispositif à hauteur de 1,5 milliard d’euros, il n’octroie en réalité que 800 millions de crédits nouveaux, qui font l’objet du dernier collectif budgétaire. Le reste correspond aux 500 millions d’euros déjà inscrits dans le volet emploi du plan de relance et à 230 millions mobilisés via le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse et le Fonds social européen. L’apport nouveau de l’État est en outre présenté comme un plafond : la Présidence de la République a évoqué « jusqu’à 800 millions d’euros d’abondements ».

L’intégralité de cette somme n’ira pas, de surcroît, à la formation : le fonds sera également mobilisé pour financer la prime de 500 euros (à hauteur de 117 millions d’euros) versée aux salariés précaires justifiant de deux à quatre mois de travail.

Le reste de l’enveloppe est laissé à la charge des partenaires sociaux, qui gèrent paritairement les sommes collectées pour l’assurance-chômage et la formation professionnelle. Pour y parvenir, les partenaires sociaux seraient contraints de mobiliser le fonds d’urgence de 200 millions d’euros créé par l’ANI de janvier et, surtout, le fonds de sécurisation des parcours professionnels qui devait être abondé à hauteur de 900 millions d’euros en 2010.

Au cours des auditions organisées par le Rapporteur spécial, les partenaires sociaux se sont montrés très réservés sur cette idée. Alors que le Medef avait d’abord proposé de mobiliser 400 des 900 millions du FPSPP pour financer le FISo, M. Jean-François PILLIARD s’est montré clairement opposé à un prélèvement opéré sur les ressources du FPSPP. Le Président de l’UPA, M. Pierre MARTIN a critiqué la mise à contribution de l’Unedic, puisque le nouveau fonds doit aussi financer les conventions de reclassement personnalisées (CRP).

Mme Annie THOMAS (CFDT) a estimé qu’il fallait que le Gouvernement aille plus loin dans son effort de financement, rappelant que M. François CHÉRÈQUE avait, à l’origine, proposé une dotation de 5 à 10 milliards d’euros. Au nom de la CGT, M. Thierry LEPAON a stigmatisé un effet d’affichage, soulignant que le fonds n’aurait de sens que s’il est vraiment alimenté.

M. Stéphane LARDY (FO) a critiqué un « grand fourre-tout bâti sur une logique de réaffectation de fonds existant déjà ». Surtout, il estime que l’État cherche en réalité, par ce biais, à reprendre la main sur des sommes jusque-là gérées par les partenaires sociaux comme il a, selon lui, déjà tenté de le faire lors de la négociation sur la formation professionnelle.

Au total, les partenaires sociaux se sont montrés unanimes pour refuser la confusion des financements entre le FPSPP et le FISO.

Le FISO a été officiellement installé par le chef de l’État le 10 avril dernier. Cependant, la première réunion opérationnelle qui s’est tenue le 28 avril et qui a rassemblé l’État et les partenaires sociaux n’a pas permis de lever toutes les difficultés liées à la mise en œuvre concrète du fonds.

C.– UNE INCOMPRÉHENSIBLE MISE À L’ÉCART DES RÉGIONS

Il est difficile de s’expliquer que les régions aient été tenues à l’écart de la discussion alors qu’elles sont, sur le terrain, parties prenantes dans le développement de la formation professionnelle.

Les modalités de création du FISo sont à cet égard révélatrices. Celui-ci doit intervenir dans des domaines dont la compétence a été transférée aux régions et alors que celles-ci ont d’ores mis en place des fonds régionaux dédiés aux mêmes mesures.

Face à la crise, les Régions se sont pourtant rapidement mobilisées.

L’État, les partenaires sociaux et la région Île-de-France s’apprêtent à signer une convention tripartite mettant en commun leurs moyens pour sécuriser les parcours professionnels. Ce serait la première mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel du 7 janvier prévoyant la création d’un fonds national de sécurisation des parcours doté de 900 millions d’euros. Cette création sera définitivement actée avec l’adoption du projet de loi sur la réforme de la formation professionnelle. Les trois partenaires veulent ainsi que pendant les périodes de chômage partiel et dans la perspective d’une reprise de tout ou partie de l’activité antérieure de l’entreprise, les salariés puissent bénéficier de formations adaptées améliorant leurs compétences.

Si la mobilisation de ce fonds constitue une première, l’idée de former les salariés en chômage partiel n’en est pas une. C’est une solution déjà adoptée par l’Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté. Mais dans ces deux dernières régions, d’autres fonds vont être mobilisés : le Fonds national de l’emploi (FNE) et le Fonds social européen (FSE), alors qu’en Alsace, ce sont des fonds uniquement régionaux.

La création du FISO permettrait-elle d’y voir plus clair ? L’idée d’un fonds régional de sécurisation des parcours professionnels avait été un temps avancée par le groupe multipartite animé par M. Pierre FERRACCI, avant d’être abandonnée pour s’orienter finalement vers un fonds paritaire. Cette fois-ci, avec un fonds national, régions comme partenaires sociaux semblent y perdre au change...

En pratique, une convention cadre, signée entre le fonds national et l’État déterminera les conditions dans lesquelles des conventions pourront être conclues entre le conseil d’administration du fonds, les branches professionnelles et les conseils régionaux.

CONCLUSION

Le Rapporteur spécial ne peut que dresser un bilan mitigé suite à ces auditions, observant pour le regretter que plusieurs pistes de réforme du groupe multipartite ont été écartées : l’amélioration des outils de prospective et d’anticipation, le renforcement du pilotage stratégique de la formation professionnelle ou l’effort de clarification des compétences respectives des acteurs. À cet égard, la réforme de la formation professionnelle qui s’annonce paraît d’ores et déjà très incomplète.

La raison en est la précipitation qui a été imposée aux partenaires sociaux, rendant impossible le bon aboutissement des réflexions engagées : un nombre élevé de sujets ont été renvoyés, pour leur détail, à une discussion ultérieure, à commencer par les modalités d’intervention du Fonds de sécurisation des parcours professionnels.

Le Rapporteur spécial a constaté que les partenaires sociaux étaient plus que circonspects à l’égard du projet de création d’un fonds social d’investissement, s’il devait être alimenté par le fonds de sécurisation des parcours professionnels.

Si la création d’un fonds d’investissement social est de nature à répondre à l’urgence de la situation et peut constituer une opportunité de former et de qualifier les victimes de la crise, les conditions de sa constitution et de son financement ne sont absolument pas satisfaisantes. La pluralité des objectifs qui lui sont assignés, comme des publics visés, et l’absence de clarification des responsabilités risquent de contribuer à accroître la confusion que la réforme avait, au contraire, pour objet de résoudre.

Le Rapporteur spécial craint que, compte tenu du problème de mise en place de cette réforme, les préjugés à l’égard de la formation professionnelle demeurent solidement ancrés. La formation est trop souvent encore conçue comme une alternative au chômage : « mieux vaut former que chômer », comme l’a déploré l’un des responsables syndicaux auditionnés. Bien au contraire, si la crise et la montée du chômage imposent un effort supplémentaire en la matière, la formation professionnelle doit être conçue non comme un dispositif d’attente mais comme un outil de maintien ou de réinsertion dans l’emploi.

Dans ces conditions, le Rapporteur spécial forme le vœu que ces sujets ne soient pas débattus par quelques spécialistes, à l’extérieur du Parlement. L’examen du projet de loi à venir doit être l’occasion d’une mobilisation sur tous les bancs de notre Assemblée en faveur d’une formation professionnelle ambitieuse et solidaire, au service de l’emploi.

EXAMEN EN COMMISSION

M. le président Didier Migaud. Le point suivant de l’ordre du jour est une communication de M. Gaëtan Gorce relative aux perspectives et au financement de la formation professionnelle.

M. Gaëtan Gorce, Rapporteur spécial. Merci, Monsieur le Président. Je m’exprimerai brièvement compte tenu des incertitudes qui pèsent encore sur la réforme de la formation professionnelle tant que le projet de loi, annoncé pour la mi-avril, n’a pas été déposé.

J’ai organisé une série d’auditions au cours des dernières semaines, réunissant les représentants des employeurs et des organisations de salariés qui ont signé unanimement le nouvel accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels. Cet accord a été bien accueilli par les partenaires sociaux qui l’ont signé à l’unanimité. Sa transposition est désormais conditionnée par le dépôt et l’examen du projet de loi.

Des responsables des régions ainsi que des experts ont également été entendus. J’ai pu m’entretenir avec le directeur de cabinet du Secrétaire d’État à l’emploi, M. Laurent Wauquiez.

Deux enquêtes de la Cour des comptes, l’une réalisée à la demande de notre commission des Finances sur le droit individuel à la formation et l’autre publiée sous la forme d’un rapport thématique sur la formation professionnelle tout au long de la vie, avaient déjà proposé des pistes de réformes. Elles ont analysé les financements mobilisés en faveur de la formation professionnelle, et évalué à 34 milliards d’euros pour 2006 les sommes consacrées à la formation initiale et à la formation continue, dont 27,1 milliards d’euros pour la formation continue et l’apprentissage.

Cet accord national interprofessionnel comprend des points très positifs. Plusieurs dispositifs de formation professionnelle, comme le congé individuel de formation ou le droit individuel à la formation, sont simplifiés et leur efficacité est renforcée. De nouveaux dispositifs sont ajoutés, tels que la formation initiale différée ou le bilan d’étape professionnelle.

Le nouvel accord se fixe comme objectif de former chaque année 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 chômeurs de plus. Il prévoit en outre la création d’un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, destiné à remplacer le Fonds unique de péréquation et doté de missions plus larges en faveur des publics cibles.

En outre, le texte restructure la gouvernance de la formation professionnelle en redéfinissant les missions des organismes collecteurs et en prévoyant la composition du Comité paritaire national pour la formation professionnelle, instance stratégique qui définira les orientations de la formation professionnelle.

Je dois néanmoins vous faire part de plusieurs regrets. Ces avancées réelles ne se sont malheureusement pas inscrites dans la perspective d’une réforme plus ambitieuse, incluant l’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et les régions. La première voit son destin réglé par des initiatives gouvernementales décidées sans véritable concertation. Les secondes ont été tenues à l’écart d’un processus dont elles continuent pourtant à être des acteurs majeurs.

La « brusquerie » avec laquelle, enfin, a été imposée la création d’un Fonds d’investissement social et la difficulté de l’articuler avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels prévu par l’accord sont malheureusement révélateurs du manque de cohérence du dispositif mis en place. Pour financer le Fonds d’investissement social, les partenaires sociaux seraient contraints de mobiliser le fonds d’urgence de 200 millions d’euros créé par l’accord de janvier et, surtout, le fonds de sécurisation des parcours professionnels qui devait être abondé à hauteur de 900 millions d’euros en 2010. Au cours des auditions, les partenaires sociaux m’ont paru très réservés sur cette idée. Les dernières annonces entretiennent cette confusion alors que l’idée de créer un fonds d’investissement social est intéressante : s’il s’agit d’un authentique fonds, la ponction réalisée sur les sommes gérées par les partenaires sociaux sera contestable, et si une simple coordination est mise en place entre les deux fonds, l’idée se résumera à un simple effet de communication.

Je forme le voeu que ces sujets ne soient pas débattus seulement par quelques spécialistes, à l’extérieur du Parlement. L’examen du projet de loi à venir doit être l’occasion d’une mobilisation sur tous les bancs de notre Assemblée en faveur d’une formation professionnelle ambitieuse et solidaire, au service de l’emploi.

M. Alain Rodet. On ne peut que déplorer le climat de défiance qui a présidé à l’élaboration de ce texte, ce qui n’est satisfaisant ni pour l’AFPA, ni pour les régions. La marginalisation des partenaires sociaux est d’ailleurs préoccupante, et on assiste à un véritable retour en arrière par rapport aux acquis de la loi de 1971.

M. Gaëtan Gorce, Rapporteur spécial. Si je ne peux qu’adhérer à ce constat s’agissant de l’AFPA et du rôle des régions, en revanche, s’agissant des partenaires sociaux, il convient de faire preuve d’un peu de patience, car le dialogue se prolonge actuellement, et il faudra attendre le dépôt du projet de loi pour en juger. Un travail considérable a été effectué, mais sous la pression du Gouvernement, les partenaires sociaux n’ont pas eu le temps d’aller jusqu’au bout de leur réflexion. C’est pourquoi la réforme proposée n’est pas satisfaisante, que ce soit pour l’AFPA ou pour les régions.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le Rapporteur spécial, souhaiteriez-vous que le document présenté à l’appui de votre intervention soit publié sous forme de rapport d’information, afin de concourir à informer notre assemblée, conformément à l’article 145 de son règlement ?

M. Gaëtan Gorce, Rapporteur spécial. J’y serais très favorable. Il conviendrait alors d’y faire figurer en annexe le texte de l’accord national interprofessionnel.

La Commission approuve la publication du rapport d’information relatif aux perspectives et au financement de la formation professionnelle.

——fpfp——

ANNEXE 1 – LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– M. Pierre FERRACCI, président du groupe ALPHA, ancien président du groupe multipartite sur la formation professionnelle

– M. Stéphane LARDY, secrétaire confédéral de Force ouvrière (FO)

– M. Alain LECANU, secrétaire national en charge de l’emploi et de la formation à la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) accompagné de M. Marcel BROUARD, responsable du secteur Travail-Emploi-Formation

– M. Thierry LEPAON, secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail (CGT)

– M. Pierre MARTIN, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA) accompagné de M. Pierre BURBAN, secrétaire général et directeur des services

– M. Jean-François PILLIARD, président du conseil d’administration de l’AFPA, délégué général de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), président de la commission « emploi » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) accompagné de M. Bernard FALCK, directeur de la formation professionnelle, et de Mme Audrey HERBLIN, chargée de mission à la direction des relations avec les pouvoirs publics

– M. Jean-Michel POTTIER, président de la commission Formation et Éducation à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

– Mme Annie THOMAS, vice-présidente de l’Unedic, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

– M. Bernard GAZIER, professeur à l’Université Paris I

– M. Thomas FATÔME, directeur de cabinet du secrétaire d’État à l’emploi, et Mme France HENRY-LABORDERE, conseillère parlementaire (entretien téléphonique).

ANNEXE 2 – TEXTE DE L’ACCORD NATIONAL INTERPROFESSIONNEL
DU 7 JANVIER 2009

1 () CGPME, MEDEF, UPA, d’une part, et, CFDT, CFE-CGC, CFDT, CFTC, CGT, FO, d’autre part.


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