N° 1702 - Rapport d'information de M. Alain Gest déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur les pesticides




N° 1702

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 juin 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

sur les pesticides

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Alain GEST,

Député.

INTRODUCTION 5

De quoi parle-t-on ? 7

À quoi servent les produits phytosanitaires ? 9

– Protéger les cultures contre les organismes nuisibles 9

– Assurer des récoltes régulières 9

– Maintenir la qualité des aliments 9

Une utilisation des pesticides importante, des effets sanitaires et environnementaux encore mal connus 10

– Même si les quantités mises sur le marché tendent à diminuer, la France reste un grand pays consommateur de pesticides 10

– Une présence de pesticides dans les milieux naturels assez répandue, dont les effets doivent encore être étudiés 11

– Des effets sur la santé encore mal connus 14

– Une inquiétude dans l’opinion publique que le Parlement ne peut ignorer 15

Un cadre juridique contraignant, qui devrait être renforcé à la suite du grenelle de l’environnement 16

– Un cadre réglementaire résultant du droit communautaire 16

– Des déclinaisons pratiques orchestrées au niveau national 17

– Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ce cadre devrait être renforcé 18

Que faire ? 24

1. L’objectif de protection de la santé publique doit être privilégié, en améliorant la connaissance des effets des pesticides sur la santé 24

2. Les professionnels concernés estiment que l’objectif de réduction de 50 % peut être atteint, à condition que sa mise en œuvre respecte quelques principes de bon sens 25

3. Cet objectif doit être rendu compatible avec la sécurité alimentaire du pays 25

4. La France ne saurait avancer seule dans le domaine des phytosanitaires, sans concertation avec ses partenaires européens 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 35

MESDAMES, MESSIEURS,

Le présent rapport d’information vise à synthétiser les travaux du groupe de travail « Environnement », sur le sujet des pesticides, menés depuis sa constitution à l’automne 2007.

Ce rapport a pour objet d’éclairer les débats parlementaires sur ce sujet complexe, dans le cadre de l’examen du projet de loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement qui prévoit de nombreuses avancées dans le domaine.

Il doit également permettre de faire le point sur les évolutions importantes du cadre juridique communautaire dans le courant des années 2008 et 2009.

Enfin, il proposera certaines orientations fondamentales s’agissant des modalités de mise en œuvre des nouvelles normes, qu’elles découlent du Grenelle de l’environnement ou des évolutions européennes.

De quoi parle-t-on ?

Rappel de quelques définitions

Lors des auditions menées par le groupe de travail, plusieurs termes ont été utilisés pour désigner des notions voisines. Il semble donc utile, à titre liminaire, de rappeler quelques définitions :

– Pesticide : toute substance destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs et les espèces indésirables de plantes ou d'animaux causant des dommages aux denrées alimentaires, aux produits agricoles, au bois et aux produits ligneux, ou des aliments pour animaux. Sont également inclus les régulateurs de croissance des plantes, les défoliants, les dessicants, les agents réduisant le nombre de fruits ou évitant leur chute précoce, et les substances appliquées avant ou après récolte pour empêcher la détérioration des produits pendant leur stockage ou leur transport.

– Produit phytopharmaceutique : ce terme désigne plus spécifiquement les utilisations végétales des pesticides (agricoles et non agricoles, comme dans les jardins ou les espaces verts des communes). Il en existe principalement trois catégories: les herbicides (pour lutter contre les mauvaises herbes), les fongicides (pour lutter contre les champignons) et les insecticides (pour lutter contre les insectes).  D’autres produits existent ayant une action sur les rongeurs (rodonticides), sur les escargots et les limaces (molluscicides). D’après la définition donnée par l’article L. 253-1 du code rural, ils comprennent aussi les produits contenant des OGM ayant pour fonction de détruire les espèces indésirables.

– Produit phytosanitaire : cette notion désigne les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants destinés à en améliorer les conditions d’utilisation.

– Produit biocide : substance active destinée à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles dans les secteurs non agricoles, par exemple dans des applications comme la conservation du bois, la désinfection ou certains usages domestiques.

À titre d’exemple, un insecticide est donc un pesticide, qualifié soit de produit phytosanitaire lorsqu’il est utilisé sur du blé soit de biocide lorsqu’il est utilisé sur du bois de charpente.

– Substance active : les substances ou micro-organismes, y compris les virus, exerçant une action générale ou spécifique sur les organismes nuisibles ou sur les végétaux, parties de végétaux ou produits végétaux. L’agriculture française en utilise environ 500. Ces matières actives entrent dans la composition de plus de 8 000 produits commercialisés. Ceux-ci bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par le ministre chargé de l’agriculture, après une procédure d’évaluation du risque pour le consommateur, l’utilisateur et l’environnement.

– Résidus de pesticides : on parle de résidus de pesticides (au stade des résidus, il est impossible de distinguer un produit phytosanitaire d’un produit biocide) pour désigner une ou plusieurs substances présentes dans les végétaux, les produits comestibles d'origine animale ou ailleurs dans l'environnement constituant le reliquat de l'emploi d'un pesticide, y compris ses métabolites issus de la dégradation.

Conformément au règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement et du Conseil du 23 février 2005, tous les aliments destinés à la consommation humaine ou animale dans l’Union européenne sont désormais soumis à une limite maximale de résidus de pesticides (LMR) dans leur composition, par type de produit. À défaut, une teneur maximale est fixée à 0,01 mg/kg. Depuis 2006, le contrôle de ces LMR est dévolu à l’Observatoire des résidus de pesticides, géré par l’AFSSET.

– Substance « très préoccupante » : utilisé dans le cadre des discussions du Grenelle de l’environnement, ce terme renvoie à la classification établie au niveau communautaire par le système REACH (établissant un cadre réglementaire de gestion des substances chimiques). Alors que la majorité des substances entrant dans le champ d’application de REACH sont soumises à enregistrement, les substances dites « très préoccupantes » sont soumises à autorisation de la Commission européenne. On distingue :

o les CMR (substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) de catégorie 1, 2 ou 3 ;

o les PBT (substances persistantes, bioaccumulables et toxiques) ;

o les vPvB (substances très persistantes et très bioaccumulables) ;

o certaines substances préoccupantes ayant des effets graves irréversibles sur l’être humain et l’environnement, telles que les perturbateurs endocriniens.

À quoi servent les produits phytosanitaires ?

– Protéger les cultures contre les organismes nuisibles

Dans la nature, de nombreuses agressions peuvent faire obstacle au bon développement des plantes : insectes ravageurs, maladies (champignons, bactéries, virus), mauvaises herbes… Les produits phytopharmaceutiques ont pour rôle de protéger les productions agricoles contre ces menaces.

Chaque famille de produit lutte contre un type d'attaque :

• les fongicides luttent contre les champignons pathogènes (oïdium, rouille...) ;

• les insecticides éliminent les insectes nuisibles (pucerons) ;

• les herbicides combattent les mauvaises herbes (ortie, chiendent, morelle, vulpin, ambroisie à feuille d'armoise...).

Il existe d’autres produits spécifiques :

• les nématicides : contre les nématodes (petits vers qui pullulent dans le sol et s’attaquent aux racines des cultures) ;

• les acaricides : contre les acariens, les larves et les œufs d’acariens (petites araignées microscopiques souvent parasites) ;

• les rodonticides : contre les rats, souris et petits rongeurs.

– Assurer des récoltes régulières

Les pesticides protègent les récoltes contre les maladies (champignons…), les insectes et les mauvaises herbes. Ces agressions, susceptibles de survenir à chaque étape de la culture, nuisent à la production et à la qualité des récoltes.

– Maintenir la qualité des aliments

L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contribue à récolter des produits sains, bons et appétissants, qui évitent certaines allergies ou intoxications à l’homme.

Une utilisation des pesticides importante, des effets sanitaires et environnementaux encore mal connus

État des lieux de l’utilisation des pesticides en France

– Même si les quantités mises sur le marché tendent à diminuer, la France reste un grand pays consommateur de pesticides

Les études portant sur l’utilisation des pesticides dans notre pays ne sont pas légions ; elles font pourtant toutes état d’une réduction des doses utilisées, notamment en agriculture, à l’échelle de quelques décennies, quoiqu’il existe des divergences d’appréciation sur l’importance de cette réduction.

Les entreprises vendant ces pesticides, regroupées au sein de l’Union des industries de protection des plantes (UIPP), se fondent souvent sur l’évolution des ventes annuelles de pesticides entre 1999 et 2004 pour mettre en évidence une réduction importante de leur utilisation ; en effet, entre ces deux dates, on est passé de 120 000 tonnes vendues à 76 000 tonnes (70 000 tonnes en 2006, d’après les chiffres fournis par l’UIPP devant le groupe de travail) ce qui représente une baisse de près de 36 %. Il faut pourtant noter que les chiffres des ventes de 1999 étaient anormalement hauts, car les ventes ont été artificiellement soutenues avant l’instauration de la TGAP au début de l’année suivante.

Lorsque l’on élargit l’analyse aux années 1990-2004, cette baisse peut être légèrement relativisée, dans la mesure où près de 100 000 tonnes de ces produits ont été vendues en 1990 (soit une baisse de 24 % sur la période).

Au total, la France reste une grande consommatrice de pesticides, puisqu’elle est le 3ème consommateur mondial (derrière les Etats-Unis et le Japon) et le premier utilisateur en Europe. Les fongicides représentent 49 % du volume, les herbicides 34 % et les insecticides 3 % (les produits divers représentent 14 %). Ces pesticides sont utilisés à 90 % par l’agriculture. Un nombre restreint de cultures (céréales à paille, maïs, colza et vigne), qui occupent moins de 40 % de la SAU, représentent 80 % des pesticides utilisés en France. En moyenne nationale, le volume de produits phytosanitaires vendu par hectare cultivé est de 4,3 kg. En volume par hectare cultivé (hors prairies permanentes), la France se place à la 3ème place européenne après les Pays-Bas et la Belgique avec 5,4 kg de matières actives/ha/an.

Quantités de pesticides utilisées en France (1990-2004)

(en tonnes)

Source : IFEN.

Le chiffre d’affaire des industriels de la protection des plantes est passé de 1,79 milliard d’euros en 2004 à 1,87 milliard d’euros. Il s’est en revanche replié à 1,721 milliard au cours de l’année civile 2006, d’après le rapport annuel de l’UIPP.

– Une présence de pesticides dans les milieux naturels assez répandue, dont les effets doivent encore être étudiés

• Présence dans les milieux aquatiques :

L’Institut français de l’environnement (IFEN) réalise depuis 1998 une synthèse annuelle des données concernant la contamination des eaux par les pesticides, grâce aux actions de contrôle et de surveillance réalisées par les services de l’Etat, les organismes publics et les collectivités locales.

La dernière étude, datant de décembre 2007, porte sur les données de l’année 2005 ; elle fait état de la présence de pesticides dans une grande partie des points de mesures ; plus précisément, les substances actives recherchées ont été quantifiées (1) au moins une fois dans 91 % des points de mesures des cours d’eau et dans 55 % des points de mesure des nappes souterraines. On remarquera que l’IFEN a retenu comme seuil de détection le plus bas des seuils possibles, ce qui peut expliquer ces résultats très hauts.

Cette étude précise par ailleurs que 36 % des points de mesure en eaux de surface ont une qualité moyenne à mauvaise. Pour 10 % des points d’observation, les teneurs en pesticides observées peuvent affecter de manière importante les équilibres écologiques ou ne peuvent permettre l’utilisation de la ressource pour l’approvisionnement en eau potable.

Par ailleurs, 25 % des points de mesure en eaux souterraines ont une qualité médiocre à mauvaise. Pour 1 % des points, les teneurs sont supérieures aux normes réglementaires et rendent les eaux impropres pour la production d’eau potable.

On peut noter que ces chiffres sont globalement meilleurs que ceux relatés par l’IFEN pour l’année 2004 : quantification dans 96 % des points de mesures des cours d’eau [ - 5 points en 2005] et 61 % des points de mesure des nappes souterraines [- 6 points en 2005], 49 % des points montrent une qualité moyenne à mauvaise en eau de surface [- 13 points en 2005], 27 % des points de mesures en eaux souterraines ont une qualité médiocre à mauvaise [- 2 points en 2005].

• Présence dans les eaux de consommation :

D’après les informations disponibles sur le site de l’Observatoire des résidus de pesticides, une campagne d’envergure a été menée sur la période 2001-2003, s’appuyant sur 1,5 million de mesures réalisées à partir de 60 000 prélèvements.

Selon l’Observatoire, 99 % des mesures réalisées dans les eaux mises en distribution mettent en évidence une absence de pesticides ou une présence de pesticides à des teneurs inférieures à la limite de qualité. Les mesures sur les eaux d’origine souterraine se sont avérées conformes dans 98,9 % des cas, contre 99,8 % pour les eaux d’origine superficielle.

59 pesticides ont été détectés à une teneur supérieure à la limite de qualité au moins une fois entre 2001 et 2003. Seuls 17 de ces pesticides présentent plus de 10 dépassements de la limite de 0,1 microgramme par litre et totalisent 99 % du nombre total de dépassements de la limite de qualité sur cette période.

• Présence dans les denrées alimentaires :

L’étude la plus récente sur ce sujet a été menée par la DGCCRF en 2004 ; elle a conduit à l’analyse de près de 4 600 échantillons de fruits, légumes, céréales et produits transformés mis sur le marché français (72,4 % d’origine française, 14,6 % de l’Union européenne, 13 % de pays tiers).

25,5 % des échantillons de fruits, légumes, céréales et produits transformés analysés contiennent plus de 2 résidus à des teneurs très souvent inférieures aux LMR. La présence de plusieurs résidus (jusqu’à 4) concerne plus particulièrement les salades, mais aussi les agrumes, les pommes et les fraises.

Les fruits et légumes : 52,4 % des échantillons ne contiennent pas de résidus. Des teneurs inférieures à la limite maximale de résidus (LMR) ont été détectées pour 43,8 % des échantillons. 96,2% des fruits et légumes analysés respectent donc la réglementation. Les LMR ont été dépassées dans 3,8 % des cas.

Les céréales. 49,1 % des échantillons ne contiennent pas de résidus. Des teneurs inférieures à la limite maximale de résidus (LMR) ont été détectées pour 48,5 % des échantillons. 97,6 % des céréales analysées respectent donc la réglementation. Les LMR ont été dépassées dans 2,4 % des cas.

Les jus d’orange. 65 échantillons de jus d’oranges ont été analysés. 59 échantillons ne présentaient aucun résidu de pesticides. Pour 6 échantillons, des teneurs en résidus de thiabendazole et imazalil ont été détectées en deçà des LMR.

Les produits destinés à l’alimentation infantile. 37 échantillons ont été analysés : 7 matières premières, 5 boissons et jus, 25 purées de fruits et de légumes. Aucun échantillon ne présentait de résidus de pesticides.

Ces résultats ont fait l’objet de controverses s’agissant du raisin de table. En effet, une étude de l’association écologiste française Générations futures (MDRGF) rendue publique le 24 novembre 2008 indique que sur 124 échantillons prélevés dans 5 pays européens, 123 ont fait apparaître des résidus de pesticides. 20 % étaient contaminés par dix substances chimiques différentes au moins. Mais l’étude confirme que 4,8 % seulement des raisins prélevés dépassent les LMR, ce qui est, somme toute, relativement proche des 3,8 % avancés par la DGCCRF en 2004.

• Présence dans l’air :

Il n’existe pas de réglementation spécifique sur la surveillance des pesticides dans l’air. Mais, dès l’année 2000, quelques associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ont mis en place des campagnes spécifiques de mesure dans ce domaine.

En l’absence de norme, les premiers travaux reposent sur une adaptation de méthodes américaines. Un groupe de travail a été constitué en 2002, comprenant les représentants des associations, du laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air et de l’ADEME.

Il apparaît donc qu’il n’existe pas, à ce jour, d’étude qui soit une référence dans ce domaine.

– Des effets sur la santé encore mal connus

D’après le rapport de référence de l’INRA sur les pesticides, « des effets cancérigènes, neurotoxiques ou de type perturbateurs endocriniens des pesticides ont été mis en évidence chez l’animal. La question des risques pour l’homme (applicateurs de pesticides et leurs familles, ruraux non agricoles exposés, consommateurs) est donc posée. Elle fait l’objet de vives controverses, mais elle est inscrite comme une priorité dans tous les rapports et les plans santé-environnement, qui demandent des études épidémiologiques sur ce point. »

D’une certaine manière, notre Commission a été un témoin privilégié de ces controverses lors de l’audition de M. le professeur Dominique Belpomme le 7 novembre 2007, lorsque celui-ci a reconnu que le rapport de l’association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (ARTAC), dont il a été le principal rédacteur, souffrait de certaines erreurs résultant de données épidémiologiques défectueuses, à propos du chlordécone – un pesticide interdit à la vente en 1993.

Dans les dossiers mettant en jeu des questions de santé publique, les évaluations les plus alarmistes sont souvent celles qui reçoivent le plus important écho médiatique, voire qui sont assimilées à la vérité scientifique.

Quoi qu’il en soit, il n’entre pas dans les objectifs de la présente communication de trancher un problème aussi épineux ; on rappellera simplement que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a été saisi plus particulièrement de cette question ; le rapport devrait être rendu dans le courant de l’année 2009.

On pourra simplement rappeler que, lors de son audition par les membres du groupe de travail, la présidente de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) a mis en évidence l’extrême complexité de toute évaluation des effets des pesticides sur la santé. Il faut en effet réaliser une étude sur une période relativement longue, sur des échantillons suffisamment importants pour permettre d’isoler les éventuels effets des pesticides par rapport à d’autres produits nocifs.

La présidente de l’AFSSET a indiqué qu’une étude de très grande ampleur est actuellement menée par la MSA, nommée Agrican ; les études dont on dispose aujourd’hui sont américaines ou scandinaves mais ne reflètent pas les spécificités françaises – notamment une utilisation plus importante de fongicides. L’étude Agrican devrait permettre d’approfondir nos connaissances dans ce domaine, en impliquant une enquête auprès de 200 000 personnes ; les résultats sont attendus au premier semestre 2009.

Au cours des débats du Grenelle de l’environnement, une étude américaine du 26 juin 2006, réalisée par l’Université de Harvard, a été citée : elle met en évidence un impact des pesticides sur le développement de la maladie de Parkinson, principalement chez les agriculteurs.

Plus récemment, un article du Monde (2) faisait référence à une étude de cette même université « suggérant » que le nombre de pesticides autorisés en Europe pourrait avoir une incidence sur le développement du cerveau du fœtus et du jeune enfant.

Un mois plus tard, le même quotidien évoque un risque plus élevé de cancers de la lymphe chez les agriculteurs, mis en évidence par les travaux présentés le 7 novembre 2008 à Marseille par Bertrand Nadel et Sandrine Roulland, du centre d’immunologie de Marseille-Luminy.

Il apparaît donc que la recherche tâtonne encore dans ce domaine, même si de fortes suspicions existent aujourd’hui.

– Une inquiétude dans l’opinion publique que le Parlement ne peut ignorer

Les chiffres concernant la présence de pesticides dans les éléments (aliments et eau potable) ingérés par les Français sont donc plutôt rassurants. Pourtant, toutes les enquêtes d’opinion montrent que les Français se sentent de plus en plus concernés par l’utilisation des pesticides ; à titre d’exemple, le baromètre 2004 réalisé par l’INRS montre que 63 % des personnes interrogées classent les pesticides comme étant à l’origine de situations à niveau élevé ou très élevé de risque ; 12 % seulement pensent qu’on leur dit la vérité concernant les pesticides, et 14 % seulement ont confiance dans les autorités.

Il y a donc une très grande attente de transparence et d’information de la part des Français, ainsi qu’une tendance générale à vouloir réduire l’utilisation des pesticides.

Une enquête d’opinion, plus ancienne mais plus détaillée, réalisée en juin 2001 par la Sofrès, montre par ailleurs que les Français ont globalement une bonne connaissance de ce sujet : 50 % des sondés donnent une définition juste du terme pesticide, sans le confondre, par exemple, avec les engrais (35 % disent ne pas savoir de quoi il s’agit), 75 % savent ou supposent que les fabricants doivent demander une autorisation de mise sur le marché.

En outre, les Français perçoivent plutôt un danger dans l’eau potable (58 %) ; 52 % estiment par ailleurs que les pesticides sont dangereux par principe, quelle que soit la dose utilisée, contre 46 % estimant le contraire. À 65 %, les Français estimaient en 2001 que les agriculteurs utilisent trop de pesticides. 60 % estiment enfin que les résidus de pesticides existent en quantité susceptible d’être nuisible pour la santé (37 % sont d’un avis inverse).

À la question « si des scientifiques indépendants vous disent qu’en dessous d’une certaine dose, des résidus de pesticides dans les aliments n’ont aucune incidence sur la santé, avez-vous tendance à les croire ou à ne pas les croire ? »,  57 % des sondés répondent qu’ils ne le croient pas.

Compte tenu de ces éléments, il semble donc important à la fois de répondre à l’attente des Français s’agissant d’une réduction globale de l’usage des pesticides, mais aussi de faire œuvre de pédagogie sur les effets de ces pesticides sur la santé : les risques sanitaires les plus importants semblent pour l’instant courus par les agriculteurs eux-mêmes, qui sont directement au contact des substances. Pour le reste de la population, ces risques sont encore relativement mal évalués, même si l’exposition quotidienne d’un Français à l’une de ces substances semble assez réduite.

Un cadre juridique contraignant, qui devrait être renforcé
à la suite du grenelle de l’environnement

L’encadrement des produits phytosanitaires est ancien, puisque la première réglementation date de la loi du 2 novembre 1943, validée par une ordonnance du 13 avril 1945. Aujourd’hui, c’est essentiellement par le biais du droit communautaire que les grandes orientations sont données.

– Un cadre réglementaire résultant du droit communautaire

Les directives communautaires relatives aux produits phytopharmaceutiques ont mis en place un double système réglementaire. Le premier date de 1979 ; il est relatif à l’interdiction de mise sur le marché ou d’utilisation des substances actives. Le deuxième, datant de 1991, concerne les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En outre, un troisième dispositif qui peut concerner les produits phytosanitaires résulte de la directive sur les biocides (1998).

La directive n°79/117 du 21 décembre 1978 concerne l’interdiction de la mise sur le marché et d’utilisation des produits phytosanitaires contenant certaines substances actives (tels que les composés mercuriques, les organochlorés persistants, l’oxyde d’éthylène).

La directive n°91/414 du 15 juillet 1991 concerne la mise sur le marché des produits phytosanitaires. Elle vise à instaurer un système harmonisé d’homologation et d’enregistrement des produits phytosanitaires au niveau communautaire. La directive prévoit la reconnaissance mutuelle entre États membres de l’homologation des pesticides composés.

L’annexe I de cette directive établit la liste des substances actives, les exigences le concernant et les délais requis pour réviser les autorisations de mise sur le marché. Une inscription à l’annexe I ne peut être réalisée que s’il est démontré qu’elles n’auront pas d’effets nuisibles sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ni d’incidence inacceptable sur l’environnement. Cette inscription est faite pour une période maximale de 10 ans.

Sur la base de cette directive, de nombreuses décisions de la Commission conduisent à retirer les autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires qui ne présentent pas les garanties requises (en moyenne deux/trois décisions par an depuis 1994, mais une quinzaine de décisions de retrait en 2007, dont les autorisations devaient être retirées par les États membres avant le 22 décembre 2008).

– Des déclinaisons pratiques orchestrées au niveau national

L’arrêté du 14 avril 1998, modifié de très nombreuses fois, établit en droit national la liste des substances actives qui sont autorisées. Ce n’est qu’à la suite de cette inscription que le produit pourra faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché.

L’AMM nationale ne peut avoir lieu, en application de la directive 91/414, que s’il est démontré que :

– le produit est suffisamment efficace ;

– son utilisation conforme aux bonnes pratiques n’a pas d’effets nocifs.

La demande doit être présentée auprès de chaque État membre où le produit doit être commercialisé. L’AMM doit préciser les exigences relatives à la mise sur le marché et l’utilisation du produit. Si le produit a déjà été autorisé dans un autre État membre de l’Union, le demandeur peut s’abstenir de répéter les tests et analyses déjà effectuées, si les matières actives sont toutes inscrites sur la liste communautaire.

Les États membres veillent à ce que le respect des exigences d’efficacité et de non nocivité soit assuré par des essais et des analyses officiels ou officiellement reconnus, dans des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales appropriées à l’emploi du produit phytopharmaceutique en question et représentatives des conditions qui prévalent sur les lieux où le produit est destiné à être utilisé, sur le territoire de l’État membre concerné.

Toute modification dans la composition physique, chimique ou biologique d’un produit déjà homologué doit faire l’objet d’une nouvelle demande d’homologation. Les autorisations ne sont accordées que pour une durée déterminée ne dépassant pas dix ans, fixée par les États membres, et renouvelable. Une autorisation est annulée s’il ressort que les conditions requises pour son obtention ne sont pas ou ne sont plus remplies.

L’arrêté du 6 septembre 1994 prévoit par ailleurs des principes uniformes pour l’évaluation et l’autorisation de ces produits ; l’évaluation consiste à identifier et à évaluer, sur une base scientifique, les effets nocifs potentiels sur la santé humaine ou animale et pour l’environnement de l’utilisation d’un produit phytosanitaire. Elle permet aussi d’identifier la nécessité de prendre des mesures pour gérer les risques, déterminer et recommander des mesures appropriées. Les conditions de réalisation des essais officiels ou officiellement reconnus sont précisées par arrêtés.

– Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ce cadre devrait être renforcé

En 2006, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques a déjà contribué à renforcer le cadre juridique régissant l’utilisation des pesticides (même si certains décrets d’application n’ont pas encore été pris, comme l’a montré le premier rapport d’application de cette loi).

On peut mentionner notamment :

 la mise en registre recensant les quantités de produits phytosanitaires mis sur le marché (article L. 254-1 du code rural);

– le contrôle des matériels destinés à l’application de produits phytosanitaires (pulvérisateurs), qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2009 ; le décret doit définir toutes les prescriptions permettant de réduire les risques pour l’environnement et la santé humaine que doivent respecter les nouveaux matériels destinés à l’application des produits phytopharmaceutiques (article L. 256-1 du code rural) ;

– la disposition précisant les informations que le responsable de la mise sur le marché d’un produit biocide tient à la disposition de l’autorité administrative (relatives aux quantités mises sur le marché) ;

– le décret relatif aux préparations naturelles peu préoccupantes, soustraites aux règles normales d’autorisation de mise sur le marché au profit d’une procédure simplifiée déterminée par voie réglementaire. Au cours des débats parlementaires, le cas du purin d’ortie a été évoqué à plusieurs reprises, mais d’autres substances pourraient être concernées par la nouvelle procédure simplifiée;

– la disposition prévoyant les modalités de déclaration au ministre chargé de l’environnement des produits biocides par les personnes qui les mettent sur le marché, au plus tard le 1er juillet 2008, ainsi que les mentions à apposer sur l’emballage des produits, une fois que leur déclaration est réalisée ;

Parallèlement, le gouvernement a entrepris la mise en œuvre du plan Ecophyto 2018 ; ce plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides (produits phytopharmaceutiques et biocides) a été présenté le 28 juin 2006. Ce plan prévoit la réduction de 50 % des quantités vendues de substances actives les plus dangereuses. Les actions qui le composent sont organisées en cinq axes :

– agir sur les produits en améliorant leurs conditions de mise sur le marché ;

– agir sur les pratiques et minimiser le recours aux pesticides ;

– développer la formation des professionnels et renforcer l’information et la protection des utilisateurs ;

– améliorer la connaissance et la transparence en matière d’impact sanitaire et environnemental ;

– évaluer les progrès accomplis.

Ce plan comporte deux volets : la suppression progressive des 53 molécules les plus dangereuses, dont 30 d’ici 2009, ainsi que la réduction de 50 % de l’usage des pesticides dans la mesure du possible dans un délai inférieur à 10 ans.

Afin d’assurer la mise en œuvre de ce plan, le ministre a chargé M. Guy Paillotin, secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture, de constituer un comité opérationnel chargé de formuler des propositions concrètes pour :

– définir précisément la portée de cet objectif de 50 % (références, modes de calcul, suivi et évaluation) ;

– évaluer les marges de progrès sur les molécules et itinéraires techniques agronomiques ;

– mobiliser la recherche et le développement agronomique autour des méthodes alternatives et des systèmes économes en pesticides ;

– former les agriculteurs à l’utilisation des pesticides et professionnaliser les métiers de la distribution et du conseil phytosanitaires ;

– renforcer les réseaux de surveillance sur les bio-agresseurs et sur les effets non intentionnels de l’utilisation des pesticides avec une transparence de la connaissance.

Deux autres aspects seront abordés au cours de ces travaux : les départements d’outre-mer (Ecophyto DOM) et les zones non agricoles.

En application de ce plan, M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, a annoncé le 1er février 2008 le retrait des autorisations de mise sur le marché de 30 substances considérées comme les plus préoccupantes, entrant dans la composition de plus de 1 500 préparations commerciales. S’agissant des stocks, les préparations ne seront plus autorisées à la distribution à compter du 30 avril 2008 et à l’utilisation à partir de la fin de l’année 2008.

ALACHLORE

ENDOSULFAN

PARAQUAT

ALDICARBE

FENBUTATINOXYDE

PARATHION-METHYL

AZINPHOS-METHYL

FENPROPATHRINE

PROCYMIDONE

AZOCYCLOTIN

FENTHION

TERBUFOS

CADUSAPHOS

FENARIMOL

TOLYFLUANIDE

CARBOFURAN

FLUQUINCONAZOLE

TRIFLURALINE

CHLORFENVINPHOS

METHAMIDOPHOS

VINCHLOZOLINE

COUMAFENE

METHIDATHION

DINOCAP

DICHLORVOS

METHOMYL

MOLINATE

DIURON

OXYDEMETON-METHYL

CARBENDAZIME

Parallèlement, le cadre communautaire régissant les pesticides est également en train d’évoluer, dans un sens plus restrictif. En 2002, la Commission européenne a en effet adopté la communication « Vers une stratégie thématique concernant l'utilisation durable des pesticides » (COM(2002)349), document qui analyse la situation actuelle et énonce les mesures qui pourraient être adoptées au titre de cette Stratégie. Ce premier document a été complété en 2006 par une communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen formalisant une stratégie thématique concernant l’utilisation durable des pesticides.

Plusieurs pays européens se sont déjà engagés dans des programmes chiffrés de réduction d'utilisation des pesticides (dès 1986 pour le Danemark et la Suède, en 1991 pour les Pays-Bas, 1998 pour la Norvège...), même si tous n'ont pas abouti aux résultats escomptés (cas des Pays-Bas, par exemple).

Sur le plan législatif, l’Europe a lancé deux projets parallèles ; le premier consiste en une nouvelle proposition de règlement concernant la mise sur le marché des produits phytosanitaires rendue publique le 12 juillet 2006, qui devrait remplacer la directive 91/414/CE. Elle a pour objet de rationaliser et de simplifier les procédures d’autorisations nationales pour ces produits, et de prévoir le rôle de l’Agence européenne de sécurité des aliments dans les évaluations au niveau de l’Union européenne. Cette proposition limite à trois mois le délai pour l’examen de chacune des substances actives (au lieu de 10 mois dans le programme actuel).

En outre, la Commission a adopté, le 12 juillet 2006, une directive-cadre relative à l’utilisation durable des pesticides.

Ces deux actes ont fait l’objet d’une adoption par le Parlement européen le 13 janvier 2009. Cette adoption conduit à retirer du marché les 22 substances les plus préoccupantes.

L’objectif principal de la proposition de directive-cadre est de mettre en œuvre les mesures de la stratégie thématique qui nécessitent de nouvelles dispositions législatives et ne peuvent s’inscrire dans les instruments juridiques existants. Deux autres textes sont également annoncés par la Commission pour compléter le cadre législatif : un règlement relatif aux statistiques sur la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et une directive sur la certification du matériel d’application des pesticides.

La proposition de directive-cadre prévoit diverses mesures qui, combinées avec l’ensemble des dispositions de mise en œuvre de la stratégie thématique, devraient conduire, à terme, à une réduction d’environ 15 % des quantités de pesticides utilisées, mais aucun objectif quantifié n’est fixé dans la proposition. Parmi les principaux éléments de ce texte, on peut signaler :

– l’établissement de plans d’action nationaux fixant des objectifs de réduction des dangers, des risques et de la dépendance à l’égard de la lutte chimique contre les ravageurs, qui offriront la souplesse nécessaire pour adapter les mesures à la situation spécifique des différents États membres ;

– la création d’un système de formation et de sensibilisation à l’intention des distributeurs et des utilisateurs professionnels de pesticides, afin qu’ils soient parfaitement informés des risques encourus; une meilleure information du grand public grâce à des campagnes de sensibilisation, à des informations transmises par l’intermédiaire des détaillants et à d’autres mesures appropriées ;

– l’inspection régulière du matériel d’application des pesticides, afin de limiter les effets néfastes des pesticides sur la santé humaine (eu égard en particulier à l’exposition de l’opérateur) et sur l’environnement lors de l’application ;

– l’interdiction de la pulvérisation aérienne, avec dérogation possible, pour limiter les risques d’effets néfastes sur la santé humaine et sur l’environnement, liés notamment à la dispersion du produit lors de sa pulvérisation ;

– des mesures spécifiques pour protéger le milieu aquatique d'une pollution par les pesticides ;

– la définition de zones au sein desquelles l’utilisation de pesticides est interdite ou strictement limitée, en accord avec les mesures prises au titre d’autres dispositions législatives (telles que la directive-cadre sur l’eau, la directive «Oiseaux», la directive «Habitats», etc.) ou pour assurer la protection de groupes sensibles ;

– la manipulation et le stockage des pesticides ainsi que de leurs emballages et des restes de produits ;

– l’élaboration de normes de lutte intégrée contre les ravageurs, à l’échelle de la Communauté, et l’instauration des conditions nécessaires à leur mise en œuvre ;

– l’évaluation des progrès accomplis en matière de réduction des risques, au moyen d’indicateurs harmonisés appropriés.

Lors des travaux préliminaires, aucune difficulté majeure n’a été mise en avant par les États membres. On doit néanmoins indiquer que la présidence allemande a décidé de poursuivre les travaux dans le cadre du Conseil « Agriculture », décision qui a provoqué une vive contestation de la part de la Commission.

Toutefois, la France a émis des réserves sur trois points :

en ce qui concerne la définition de normes de lutte intégrée, notre pays a estimé que la définition de « normes générales de lutte intégrée contre les bio-agresseurs » n’est pas pertinente, compte tenu de la diversité des systèmes de production en Europe. Il serait donc préférable de laisser aux États membres le choix des outils et la faculté de les décliner par région ou par système de culture ;

en matière d’encadrement des pulvérisations aériennes, les autorités françaises partagent la volonté de limiter ce mode d’application aux situations strictement nécessaires, mais s’interrogent sur l’opportunité d’une approche dérogatoire, qui peut poser des problèmes de mise en œuvre ;

– la France considère que la directive-cadre devrait également réglementer l’utilisation des mélanges de pesticides.

En outre, le Parlement européen s’est prononcé sur cette directive en octobre 2007. Il ressort de la résolution que :

– le Parlement européen regrette que le projet de directive ne porte que sur une partie des pesticides (en effet, elle ne vise pas les biocides) ;

– le Parlement européen souhaite associer davantage les fabricants de produits phytosanitaires au traitement ou à la réparation des dommages qui pourraient découler de leur utilisation, en application du principe pollueur-payeur ;

– enfin, cette résolution recommande que la vente et la diffusion de ces pesticides se fassent sous la surveillance d’un professionnel ou d’un praticien, afin de mieux contrôler la commercialisation et l’utilisation de ces produits.

Les débats du Grenelle de l’environnement ont, enfin, largement porté sur les pesticides, et il serait difficile, dans la présente communication, de les restituer dans leur ensemble. À l’issue de ces débats, plusieurs engagements ont été formalisés, tant dans les différents discours du président de la République, notamment dans le discours de restitution du 25 octobre 2007, que dans les rapports des tables rondes des 24 à 26 octobre 2007.

S’agissant de ce dernier document, plusieurs des engagements retenus peuvent avoir un impact important sur l’utilisation des pesticides dans les années à venir :

Engagement n°98 : « supprimer ou restreindre au maximum l’emploi des substances extrêmement préoccupantes au sens du règlement REACH dans les produits phytosanitaires ». Le document cite en note de bas de page les CMR1 et CMR2, les polluants organiques persistants, les persistants, bio-accumulants et toxiques, très persistants et très bio-accumulables, sans trancher la question de savoir si les CMR3, les perturbateurs endocriniens et neurotoxiques doivent être compris dans le champ d’application de cet engagement ;

Engagement n°99 : « supprimer les produits phytosanitaires les plus préoccupants (30 substances d’ici fin 2008, 10 d’ici fin 2010) et réduction de moitié d’ici fin 2012 des produits pour lesquels il n’existe pas de substitution et poursuivre en accélérant la recherche et la diffusion des méthodes alternatives ».

On pourra noter que les engagements relatifs à l’agriculture biologique auront également un impact, bien qu’indirect, sur l’utilisation des pesticides :

Engagement n° 120 : « soutenir la structuration de la filière biologique, en passant progressivement à 20 % de produits biologiques en 2012 dans les commandes de la restauration collective publique, puis étudier une généralisation à toute la restauration collective ».

Engagement n° 121 : « passer en agriculture biologique 6 % de la SAU en 2010, 15 % en 2013 et 20 % en 2020 ».

Ces engagements ont été repris par le président de la République dans son discours de restitution du 25 octobre 2007: « Il est grand temps de prendre au sérieux l’usage croissant de produits pesticides, dont nos agriculteurs sont les premières victimes. Je demande à Michel Barnier de me proposer avant un an un plan pour réduire de 50 % l’usage des pesticides, dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent. Vous voyez que j’ai suivi la force de vos travaux jusqu’à ces dernières minutes. Il s’agit pour nous d’engager toutes les institutions au service de cette politique. »

En outre, l’article 28 du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement prévoit que les objectifs à atteindre sont :

– de parvenir à une production agricole biologique suffisante pour répondre d’une manière durable à la demande croissante des consommateurs ;

– de viser pour les produits biologiques une part dans la restauration collective publique de 20 % en 2012 ;

– de généraliser des pratiques agricoles soutenables et productives. Il est ainsi prévu de retirer du marché les substances phytopharmaceutiques les plus préoccupantes en fonction de leur substituabilité : 30 d’ici fin 2009, 10 d’ici fin 2010. Il s’agit également de diminuer de 50 % d’ici 2012 celles pour lesquelles il n’existe pas de produits ni de pratiques de substitution. De manière générale, l’objectif est de réduire de moitié les usages des produits phytopharmaceutiques en 10 ans en accélérant la diffusion de méthodes alternatives et sous réserve de leur mise au point. Un programme pluriannuel de recherche appliquée et de formation sur l’ensemble de l’agriculture sera lancé en 2009, ainsi qu’un état des lieux de la santé des agriculteurs et des salariés agricoles et un programme de surveillance épidémiologique.

L’article 28 prévoit par ailleurs que, pour atteindre ces objectifs, l’État cherchera à encadrer les professions de distributeurs et d’applicateurs de produits phytopharmaceutiques, à organiser les acteurs agricoles et non agricoles.

En conclusion, on constate que les réflexions, les propositions et les programmes d’actions visant à la réduction des pesticides sont déjà nettement avancés. Néanmoins, s’agissant des modalités de mise en œuvre de l’objectif principal, visant à réduire de 50 % l’usage des pesticides, de nombreuses pistes peuvent encore être explorées. Sans anticiper les résultats de la commission Paillotin, le présent travail vise à fournir un cadre de réflexions pour que les modalités de mise en œuvre de cet objectif soient les plus réalistes possibles.

Que faire ?

Perspectives politiques pour les années qui viennent

1. L’objectif de protection de la santé publique doit être privilégié, en améliorant la connaissance des effets des pesticides sur la santé

Compte tenu des effets sur la santé, notamment celle des agriculteurs, et sur l’environnement liés à l’utilisation des pesticides, l’objectif le plus important rappelé par le Grenelle de l’environnement est de réduire l’utilisation des substances les plus dangereuses.

Afin que cette réduction soit mise en œuvre de la manière la plus rationnelle possible, il est primordial que les connaissances sur les pollutions et sur les effets sur la santé des pesticides soient considérablement approfondies. Il faut, certes, se féliciter du travail engagé par l’OPECST, qui permettra de faire le point cette année sur un sujet particulièrement polémique. Mais ce travail ponctuel ne saurait suffire, compte tenu de l’évolution des substances actives mises sur le marché régulièrement et sur l’évolution des enquêtes sur les effets sur la santé des pesticides.

La capacité d’expertise dans ce domaine doit sans doute être renforcée, et la sous-commission s’est étonnée, comme de nombreux observateurs, de l’éclatement des moyens permettant d’y contribuer : outre l’AFSSET, dont l’objet est déjà de coordonner une vingtaine d’organismes différents, on notera la compétence de l’AFSSA mais aussi, dans une moindre mesure, de l’INRS. Il semble plus que jamais nécessaire que la question des pesticides soit attribuée à un seul opérateur, tant au niveau des études préliminaires à la mise sur le marché qu’à celui de l’évaluation ultérieure des effets sur la santé.

2. Les professionnels concernés estiment que l’objectif de réduction de 50 % peut être atteint, à condition que sa mise en œuvre respecte quelques principes de bon sens

L’ensemble des professionnels auditionnés par la sous-commission, qu’ils soient issus du domaine de la protection des plantes ou des agriculteurs, ont estimé que l’objectif qui leur a été assigné par le Grenelle de l’environnement était globalement réalisable. Il risque, certes, d’entraîner un surcoût, encore difficile à évaluer, mais acceptable pour eux dans la conjoncture actuelle de prix élevés des produits agricoles. S’agissant des consommateurs, certaines enquêtes d’opinion semblent montrer qu’ils sont prêts à supporter ce surcoût à condition d’avoir de nouvelles garanties sur l’utilisation des pesticides.

Dans le détail, il faut cependant être attentif à ne pas retirer du marché des produits, même préoccupants, pour lesquels il n’existe pas de produits de substitution. Cette approche est, du reste, celle retenue dans le projet de loi sur le Grenelle de l’environnement : un tel travers conduirait à mettre certains agriculteurs dans des impasses agronomiques qui risquent d’être contreproductives.

Ainsi, chacun a pu noter la récente campagne menée par les producteurs de fruits et légumes (3), soulignant le fait que l’augmentation des coûts liés à la suppression de certains pesticides – de l’ordre de 30 %, par exemple, pour la mâche – pourrait entraîner l’abandon de certaines cultures. En outre, ces producteurs regroupés au sein du collectif « Sauvons les fruits et légumes de France » fait, à très juste titre, remarquer qu’il peut être dangereux sur le plan sanitaire de retirer des pesticides sans produits de substitution pour des maladies et parasites qui n’ont pas disparu.

D’autre part, plusieurs professionnels ont émis de fortes réserves s’agissant de la mise en œuvre de cet objectif par le biais d’un soutien exagéré à la filière de l’agriculture biologique ; en affichant dans ce domaine des objectifs chiffrés excessivement élevés, le Grenelle de l’environnement pose aux députés un problème sur lequel ils devront prendre position.

3. Cet objectif doit être rendu compatible avec la sécurité alimentaire du pays

Plusieurs des personnes auditionnées par la sous-commission ont relevé à juste titre le lien entre l’utilisation des pesticides et la productivité de notre agriculture, qui est particulièrement importante dans le contexte actuel de tension sur le marché mondial des matières premières en général, et des produits agricoles en particulier.

Au risque de rappeler une évidence, le groupe de travail rappelle qu’une saine utilisation des pesticides est nécessaire à cette productivité. L’UIPP a en effet rappelé à juste titre que près de 41 nouveaux insectes ravageurs ont été introduits en France entre 2000 et 2005, certains à cause du réchauffement climatique.

En outre, il faut garder à l’esprit que la population mondiale devrait, selon les projections réalisées par l’ONU, atteindre les 9 milliards de personnes en 2050, avec une production évoluant moins vite que la demande.

Selon une étude de la FAO réalisée en 2001, la production vivrière va devoir, avant 2030, augmenter de 70 % dans les pays en développement par rapport à 1995. 80 % de cette augmentation pourra être absorbée par une intensification de la production végétale, le reste l’étant par une extension des terres arables.

Dans cette perspective, il est donc très important de ne pas appliquer l’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides sans discernement. En lançant de manière isolée un plan trop ambitieux de réduction des pesticides, la France risque d’augmenter sa dépendance dans le domaine de l’approvisionnement en produits agricoles ; cet effet serait tout à fait contre-productif, dans la mesure où il n’existe pas, en l’état actuel, de contrôle homogène sur l’utilisation des pesticides dans les pays hors Union européenne.

Rappelons en effet qu’en dépit d’une apparente bonne tenue des marchés agricoles, voire d’une envolée de certains cours qui profite à court terme à plusieurs catégories d’agriculteurs, la France voit plutôt sa position se dégrader dans le domaine du commerce extérieur agroalimentaire (4). En mars 2008, l’excédent des échanges agroalimentaires français s’élève à 0,7 milliard d’euros, en baisse de 0,2 milliard par rapport à mars 2007. Cette baisse s’explique par une augmentation de 15% des importations en provenance des pays tiers (hors Union européenne), principalement les États-Unis, le Brésil, l’Inde et l’Indonésie.

Il semble donc être de la plus haute importance de ne pas accentuer cette conjoncture plutôt défavorable par la mise en œuvre rigide d’un plan de réduction qui ne s’appuie pas sur la capacité des agriculteurs à répondre aux objectifs retenus par le gouvernement.

4. La France ne saurait avancer seule dans le domaine des phytosanitaires, sans concertation avec ses partenaires européens

Selon les informations transmises par l’UIPP à la sous-commission en mars 2008, sur les 30 substances dont le retrait est acté dans le cadre du plan Ecophyto 2018, 7 sont autorisées par en application de la directive de 1991 précitée.

Dans les 23 qui restent à retirer dans le courant de l’année 2009, 19 sont inscrites à l’annexe I de cette directive. Voici quelques exemples de substances « inscrites » donc autorisées par le droit communautaire, mais dont le retrait est prévu en France :

Selon les informations fournies par le cabinet du ministre de l’Agriculture, il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre le fait qu’une substance soit inscrite à l’annexe I de la directive de 1991et le fait que la France les retire du marché, dans la mesure où l’annexe I de la directive n’autorise l’utilisation de substances que si les conditions d’utilisation de ces produits soient encadrées par l’État membre qui l’autorise, ce qui, pour les substances dont le retrait a été annoncé, s’avère très difficile en France.

Néanmoins, il semble fondamental de ne pas retirer unilatéralement ces substances sans concertation avec nos partenaires européens, notamment les pays limitrophes de la France. Qui pourrait en effet comprendre qu’un produit soit retiré en France et pas en Espagne ? Un tel travers alimenterait la suspicion des consommateurs, mais aussi la défiance des agriculteurs envers l’ensemble du système de contrôle mis en œuvre au niveau européen. Il semble fondamental que les décisions de retrait d’une substance soient prises à une échelle géographique suffisamment large.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 11 février 2009, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a examiné la présente communication.

Après sa présentation par M. Alain Gest, président de la sous-commission « Environnement », un débat a eu lieu.

M. Serge Poignant, président. La question des pesticides est extrêmement prégnante parmi la population. Il n’est donc pas inutile, comme vous l’avez fait, de rappeler de quoi on parle. Ma première observation a trait au fait qu’en cette matière les activités de vente ne sont pas distinguées de celles de conseil. Ne pensez-vous pas que cela peut expliquer la suspicion à l’égard de ces produits ? En outre, il est nécessaire de mesurer les inconvénients mais aussi les avantages de l’utilisation des pesticides. Le collectif « sauvons les légumes » a soulevé à cet égard une vraie difficulté. Les agriculteurs sont disposés à faire des efforts, mais il faut du temps pour développer des techniques de substitution, et ces techniques coûtent cher. Les objectifs du Grenelle de l’environnement doivent être tenus, mais selon des modalités propres à ne pas mettre en péril certaines cultures.

M. Claude Gatignol. Je salue la qualité de cette communication, qui sur un sujet sensible dresse un état des lieux très documenté et formule des propositions intéressantes. C’est un document qui sera utile aux travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui m’a chargé d’un rapport sur les pesticides.

Il faut faire preuve d’une grande prudence dans le discours, comme sur tous les sujets pour lesquels la science intervient en amont afin d’orienter les choix politiques. Il faut se garder des caricatures et des anathèmes.

Il faut par exemple marteler l’existence d’un lien directe entre la dose et le seuil, mais aussi la multiplicité des facteurs qui peuvent interférer.

Rappelons également que l’état de santé de la population s’améliore, l’espérance de vie s’accroît, et qu’il faut créer les conditions pour que cette amélioration se poursuive, par exemple à travers des campagnes de communication à l’instar de celle sur la nécessité de consommer cinq fruits et légumes par jour.

S’agissant de l’utilisation des pesticides, il existe deux grandes catégories d’utilisateurs : les producteurs de fruits et légumes et ceux que l’on pourrait appeler les « utilisateurs du dimanche », d’une part, et les grandes exploitations, d’autre part, lesquelles utilisent de grandes quantités de pesticides. Cette utilisation soulève des interrogations pour eux, mais aussi pour les consommateurs ainsi que pour la santé des animaux et des commensaux.

Gardons en tête que les pesticides sont des médicaments pour des plantes à vocation alimentaire, ils contiennent des substances actives et sont utiles pour nourrir les populations. L’été 2007 a été marqué par une grande humidité, et si nous n’avions pas disposé de pesticides adaptés, nous nous serions retrouvés dans la même situation que l’Irlande en 1830, dans l’incapacité de protéger nos cultures de pommes de terre contre le mildiou.

Il convient par ailleurs de fixer les limites maximales de résidus au niveau adéquat, en ayant en tête que bien souvent ces limites sont mille fois inférieures à la dose produisant un effet sur la santé humaine.

S’agissant du problème de l’eau, la rémanence de certains produits comme l’atrazine, utilisée dans les cultures de maïs, et dont on retrouve la présence quinze ans après son épandage, soulève de réelles difficultés, mais les résidus de pilules contraceptives ont des effets plus nocifs sur certaines espèces.

L’utilité des pesticides est parfois méconnue : outre le fait qu’ils permettent de garantir un niveau de production agricole compatible avec les besoins de la population, les toxicologues, les épidémiologistes et les cancérologues s’accordent pour reconnaître que sans produits phytosanitaires, le développement de champignons engendrant des alphatoxines cancérigènes ne pourrait être endigué.

L’utilisation du DDT avait permis de faire passer de 5 millions à 5 000 le nombre de cas de paludisme, et de chiffre est remonté à 3 millions depuis l’interdiction de cet insecticide.

Les biocides permettent de contrôler la croissance de la population d’étourneaux, redoutables prédateurs et vecteurs de nombreuses maladies.

Des interrogations ont pu être émises sur les effets de certains pesticides sur les insectes pollinisateurs et notamment les abeilles, mais ces doutes ont été dissipés par une récente étude de l’AFSSA.

Une utilisation maîtrisée de toutes ces substances et nécessaire, il convient de veiller à l’interdiction des produits dangereux, et à développer des solutions alternatives par le développement de substances moins rémanentes et moins concentrées, mais aussi de plantes transgéniques. Le Haut comité des biotechnologies, dans lequel mes collègues m’ont fait l’honneur de me désigner, aura à cet égard beaucoup de travail, notamment afin d’éviter les écueils du principe de précaution et de la clause de sauvegarde, et je voudrais à cet égard relayer l’appel d’urgence du professeur Marc Fellous, membre de la commission du génie biomoléculaire, qui nous a déclaré  que la recherche en biotechnologies était sinistrée, le dernier laboratoire français venant de quitter la France pour aller au Chili. Cette recherche a été fauchée avant d’atteindre sa pleine maturité.

M. Michel Raison. Je vous félicite de la qualité de votre travail. Le travail de définition auquel vous vous êtes livré est utile, mais un peu à l’instar de ce que l’on trouve sur la notice d’un médicament, ne peut-on pas imaginer de dresser une liste des indications, des effets positifs de ces produits ?

S’agissant des chiffres dont vous faites état dans votre rapport, vous mentionnez des tonnages de produits, mais il conviendrait d’être plus précis, en particulier de disposer de données sur la quantité de matière active utilisée.

De même le chiffre selon lequel 40% des produits sont utilisés sur 80% de la surface agricole pourrait être précisé par type de cultures, ainsi que par type de produits : 40% sont des fongicides, qui ne présentent absolument aucun danger, alors qu’un blé fusarié est mortel pour les animaux, et présentent de graves dangers pour l’homme.

Mme Catherine Coutelle. La France est le troisième consommateur mondial de pesticides, cette donnée n’est pas anodine. Par ailleurs je souscris au constat de mes collègues sur la nécessité d’une harmonisation européenne.

J’ajoute que la question des pesticides souligne la nécessité d’une recherche publique et indépendante ; en outre, l’information des agriculteurs sur l’utilisation des produits doit être faite de manière également indépendante du prescripteur.

À cet égard, la Mutualité sociale agricole mène des études qui mettent en évidence le caractère plus fréquent des cancers chez les agriculteurs que dans le reste de la population.

Il faut veiller à ce que les consommateurs soient pleinement informés de la provenance des produits qu’ils consomment, car cette provenance n’est pas sans incidence, compte tenu des modes de culture, sur la qualité finale du produit. Il faut aussi souligner que la qualité des produits ne dépend pas de leur aspect extérieur.

Enfin, l’utilisation des pesticides nuit à la qualité de l’eau.

M. Michel Raison. Je souhaitais donner un autre exemple des avantages liés à l’utilisation des pesticides. Dans ma région, on ne peut plus consommer de pissenlits, car les campagnols prolifèrent à défaut d’instrument de lutte efficace, contaminent les renards en leur transmettant l’équinococose, parasite aux effets extrêmement graves sur la santé. Ces renards urinent sur les pissenlits, les rendant impropres à la consommation.

M. Jean-Marie Sermier. Je salue l’excellent travail réalisé par le président de la sous-commission Environnement, qui a réalisé un travail objectif sur un sujet passionné.

On ne dispose pas à ce jour d’étude qui établisse de manière formelle un lien entre les pesticides et la santé. Un travail commun des équipes de recherche françaises et européennes est nécessaire, afin que chacun avance au même rythme : on ne peut interdire en France un produit dont l’utilisation est autorisée dans les pays voisins. L’arsenic destiné à traiter l’escat de la vigne est interdit en France, mais autorisé en Suisse. Gardons-nous de mesures symboliques ou médiatiques !

Il faut également rappeler la différence entre seuil de détection et seuil de tolérance : si un résidu est détecté dans une denrée, cela ne signifie pas nécessairement que ce résidu aura un impact sur la santé.

Rappelons qu’un enfant meurt de faim toutes les cinq minutes, alors qu’il  n’y a pas de problèmes de santé publique présentant un lien avéré et direct avec les pesticides.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. La France jouit d’une des alimentations les plus sécurisées au monde, il importe de le marteler.

Les pesticides revêtent clairement l’aspect d’une problématique européenne, l’harmonisation est en la matière indispensable, et il convient d’informer les consommateurs sur le fait qu’un même produit peut avoir été cultivé avec des techniques différentes.

S’agissant des eaux superficielles, malgré les efforts réalisés, l’amélioration n’est pas immédiate et la persistance de certains résidus entraînent un déclassement de certaines ressources, et soulève des difficultés dans le cadre des schémas départementaux de gestion des eaux.

M. Alain Gest. Je vous remercie de vos observations. La séparation de la vente et du conseil constitue un sujet qui a été abordé dans le cadre du Grenelle I. Mme la secrétaire d’État à l’Environnement a récemment fait état d’un accord de principe sur la séparation de ces deux activités et sur la création d’une offre de conseil indépendant. Une résolution du Parlement européen affirme également la nécessité d’un conseil distinct de la vente et placé sous la surveillance d’un professionnel ou d’un praticien.

J’intégrerais par ailleurs à mon rapport les éléments demandés par Michel Raison sur les effets positifs des pesticides. S’agissant des chiffres sur le tonnage de matières actives, les données dont nous disposons ne sont pas satisfaisantes, et les professionnels ne sont pas en la matière d’une totale transparence. On peut en effet mettre en évidence une baisse du tonnage alors que la concentration de matières actives augmente. Je vais également tâcher de trouver des données plus précises sur l’utilisation des pesticides en fonction des catégories d’utilisateurs.

J’ajoute que si la France est en effet un des plus gros consommateurs de pesticides, nous sommes aussi un des plus gros producteurs agricoles. Lorsqu’on fait le rapport entre ces deux données, nous ne sommes qu’en troisième position au niveau européen.

Les risques sur la santé des agriculteurs sont actuellement mesurés dans le cadre d’une grande étude de la MSA.

Enfin, l’information sur les pesticides constitue un exercice extrêmement difficile, comme tous les sujets très médiatisés et comportant des problématiques de santé publique. L’information doit être considérée comme crédible.

Elle doit être indépendante, et je ne doute pas que les coopératives qui commercialisent ces produits ont à cœur la santé de leurs mandants. L’objectif de réduction de l’utilisation des intrants va d’ailleurs conduire celles-ci à se repositionner sur les activités de conseil.

Puis, la Commission a autorisé la publication de la communication de M. Alain Gest, sous forme d’un rapport d’information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

– MM. Patrick Lavarde, directeur général de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), Pascal Berteaud, président du conseil d’administration de l'ONEMA et Alexis Delaunay ;

– M. Denis Tardit, président de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), et de M. Jean-Charles Bocquet, directeur général ;

– M. Didier Rayon, directeur associé de l’institut de sondage « Opinion way » ;

– M. Jean-Marc Meynard, chef du département Sciences pour l'action et le développement de l'INRA ;

– M. Alexandre Meubeck, chef du bureau Environnement et gestion des espaces ruraux au ministère de l'agriculture et de la pêche ;

– Mme Michèle Froment-Védrine, directrice générale de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) ;

– MM. Philippe Mangin, président de Coop de France,

Christian Rousseau, trésorier de Coop de France et président de Nouricia,

Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France,

Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires ;

– M. Gilles Poidevin, délégué général de l’UNIFA (Union des industries de la fertilisation) ;

– M. Pierre Guy, membre du directoire « agriculture » de France nature environnement (FNE) ;

– M. Thierry Mercier, directeur-adjoint de la DIVE (Direction du Végétal et de l’Environnement) au sein de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ;

– M. Vincent Gitz, conseiller au cabinet de M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche.

1 () Une molécule est quantifiée lorsque sa concentration est supérieure à la limite de quantification, cette dernière étant la plus petite concentration pouvant être déterminée, avec une incertitude acceptable, dans les conditions de l’analyse.

2 () Le Monde du lundi 27 octobre 2008, p. 4, « De nombreux pesticides pourraient affecter le développement cérébral ».

3 () Voir La Croix, 26 novembre 2008 p. 9 : « La lutte contre les pesticides pourrait menacer la production française de fruits et légumes ». Voir aussi Libération, 27 novembre 2008 p. 20 : « Des producteurs en avocat des pesticides ».

4 () Voir la note de conjoncture du ministère de l’agriculture « Agreste Conjoncture » de mai 2008 : http://agreste.agriculture.gouv.fr/conjoncture_1/environnement_economique_21/index.html.


© Assemblée nationale