N° 1776 - Rapport d'information de M. Thierry Mariani déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente



N° 1776

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente,

La mission d’information sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente est composée de : M. Thierry Mariani, président ; M. Serge Blisko, M. Patrick Braouezec, M. Éric Ciotti, M. Michel Hunault, Mme George Pau-Langevin, M. Christian Vanneste.

INTRODUCTION 7

I. LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA RÉTENTION DES ÉTRANGERS NON ADMIS SUR LE TERRITOIRE OU EN INSTANCE D’ÉLOIGNEMENT 9

A. LE PLACEMENT EN ZONE D’ATTENTE DES ÉTRANGERS NON ADMIS SUR LE TERRITOIRE 9

1. La création des zones d’attente a permis de clarifier une situation juridique controversée 9

a) La situation antérieure à 1992 9

b) La difficile consécration législative des zones d’attente 10

2. Les modalités juridiques du maintien en zone d’attente d’un étranger non admis sur le territoire 11

a) Les étrangers pouvant être maintenus en zone d’attente 11

b) L’étendue de la zone d’attente 12

c) La durée du maintien en zone d’attente 13

3. Les différents types de zone d’attente 15

a) Une zone d’attente à part : la ZAPI 3 de Roissy 15

b) Deux zones d’attente intermédiaires : Orly et Marseille 16

c) Des dizaines de zones d’attente à l’activité très épisodique 16

B. LE PLACEMENT EN RÉTENTION DES ÉTRANGERS EN INSTANCE D’ÉLOIGNEMENT 17

1. La lente mise en place d’un cadre juridique de la rétention des étrangers en situation irrégulière 17

a) Jusqu’aux années 1970 : une rétention sans régime juridique et sans contrôle juridictionnel 17

b) La difficile mise en place d’un encadrement de la détention administrative des étrangers dans des locaux pénitentiaires 18

c) Depuis 1981 : une rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire 19

2. Les modalités juridiques de placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière 20

a) Les étrangers pouvant être placés en rétention administrative 20

b) Le placement de l’étranger en rétention 21

c) La durée de la rétention administrative 22

d) La question des audiences déconcentrées 26

3. Des modalités variables de fonctionnement des CRA 29

a) La gestion des CRA 29

b) Des centres de capacité très variable 32

II. LES CONDITIONS DE VIE DANS LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE ET LES ZONES D’ATTENTE SONT GLOBALEMENT ACCEPTABLES 33

A. UNE AMÉLIORATION CERTAINE DES CONDITIONS DE VIE DANS LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE 33

1. Une situation longtemps dégradée faute de réglementation 33

2. Une réglementation aujourd’hui adaptée et appliquée 35

a) La mise en place de normes minimales dans les CRA 35

b) Un réel effort en faveur des Centres de rétention administrative depuis 2002 35

3. Des conditions d’existence aujourd’hui acceptables dans les centres de rétention 38

a) La taille des centres 38

b) Le fonctionnement des centres au quotidien 40

c) Les conditions d’hébergement 42

d) La restauration 43

e) Les espaces de loisir et de détente: 44

f) Des services médicaux efficaces 45

4. Le problème de la présence de mineurs en CRA 45

5. Quelques difficultés persistantes 47

a) Certains centres de rétention anciens n’offrent pas des conditions d’accueil optimales 47

b) La persistance d’incidents dans les CRA 47

c) La nécessaire amélioration de la situation des locaux de rétention administrative 50

d) Le cas particulier de Mayotte  52

B. LES PERSONNES MAINTENUES EN ZONES D’ATTENTE BÉNÉFICIENT TRÈS MAJORITAIREMENT DE CONDITIONS DE VIE SATISFAISANTES 53

1. La ZAPI 3 à Roissy : une situation devenue satisfaisante 53

2. Une situation à améliorer dans certaines zones d’attente 55

a) Les zones d’attente utilisées quotidiennement 55

b) Les zones d’attente utilisées ponctuellement 56

III. LES DROITS DES PERSONNES RETENUES OU MAINTENUES EN ZONE D’ATTENTE SONT GLOBALEMENT RESPECTÉS 58

A. LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE 58

1. L’information sur la situation individuelle : un droit à appliquer plus pleinement 58

2. Le droit de demander l’asile en rétention 59

3. Le droit à une assistance juridique 60

4. Le droit à une assistance matérielle 64

5. Le droit de communication avec l’extérieur 65

B. LES ZONES D’ATTENTE 67

1. Le droit au bénéfice du jour franc 67

2. Le droit de demander l’asile à la frontière 68

3. Le droit à une assistance extérieure 69

a) L’assistance humanitaire 69

b) L’assistance juridique 70

4. Le droit de communiquer avec l’extérieur 71

5. Le respect du droit des mineurs 71

EXAMEN EN COMMISSION 75

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 83

CONTRIBUTION DE MME GEORGE PAU-LANGEVIN ET DE M. SERGE BLISKO, MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE 85

COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS DE LA MISSION D’INFORMATION 97

Visite du centre de rétention administrative de Marseille-Le Canet (7 juillet 2008) 97

Visite du centre de rétention administrative de Paris-Dépôt (22 juillet 2008) 103

Visite du centre de rétention administrative du Mesnil Amelot (22 juillet 2008) 107

Visite du centre de rétention administrative de Mayotte (1er février 2009) 112

Visite du centre de rétention administrative de Lille (9 février 2009) 115

Visite du centre de rétention administrative de Coquelles (9 février 2009) 118

Visite du centre de rétention administrative de Paris-Vincennes (16 février 2009) 123

Visite de la Zone d’attente de l’aéroport d’Orly (20 février 2009) 127

ANNEXES 129

LISTE DES ZONES D'ATTENTE GÉRÉES PAR LA DOUANE 129

LISTE DES ZONES D’ATTENTE GÉRÉES PAR LA P.A.F. 130

RECENSEMENT DES LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE PERMANENTS 2009 138

LES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE LA RÉTENTION EN EUROPE 143

PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION 147

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION D’INFORMATION 149

Mesdames, Messieurs,

La commission des Lois a décidé en avril 2008, en réponse à une demande du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la création d’une mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente, qui a été constituée le 21 mai 2008.

Le premier objectif de la mission d’information a été d’évaluer les conditions de vie dans centres de rétention administrative et les zones d’attente. Généralement mal connus, ces lieux ont en effet souvent une mauvaise réputation. La mission d’information a pu constater que, dans la très grande majorité des cas, cette réputation n’était plus justifiée. Au regard de la qualité de l’hébergement et des espaces communs, de la restauration, du suivi médical et social, la mission d’information peut affirmer que les conditions d’existence dans ces lieux sont correctes et ne méritent pas les critiques qu’ils reçoivent parfois, lesquelles s’expliquent probablement par la situation longtemps dégradée dans ces lieux. Bien évidemment, ce constat général doit être nuancé : la mission d’information a relevé que certains centres de rétention administrative et zones d’attente n’étaient pas dans un état satisfaisant. Elle a également dégagé de nombreuses pistes d’amélioration, notamment pour réduire la tension dans les CRA.

La mission d’information s’est également attachée à vérifier si les étrangers présents dans les CRA et les ZA pouvaient exercer leurs droits de façon effective (droit à une assistance juridique et matérielle, droit de visite et de communication avec l’extérieur, droits disciplinaires…). Là encore, elle a noté au cours de ses visites sur le terrain que les autorités responsables de ces lieux mettaient tout en œuvre pour permettre l’exercice effectif de ces droits.

Au total, la mission d’information dresse donc un constat relativement satisfaisant de la situation des centres de rétention administrative et des zones d’attente, et estime que la France n’a pas à en rougir, notamment vis-à-vis de ses partenaires de l’Union européenne. Cette situation ne signifie bien évidemment pas que la vie quotidienne soit facile et agréable dans ces lieux d’enfermement. Incontestablement, les tensions y sont nombreuses, le stress inévitable compte tenu de la perspective d’un retour non souhaité dans le pays d’origine. Quelle que soit la qualité des infrastructures et des équipements des CRA et des ZA, ces difficultés demeureront.

À la suite des nombreuses auditions qu’elle a menées, notamment auprès d’autorités de contrôle indépendantes, et des visites qu’elle a réalisées, la majorité de la mission d’information juge donc que la plupart des critiques portées contre les centres de rétention administrative et les zones d’attente, parfois présentées comme des zones de non droit inhumaines, sont largement injustifiées.

Cependant, l’administration a peut-être une part de responsabilité dans cette perception car ces lieux sont, dans l’ensemble, très peu connus, car peu ouverts sur l’extérieur. Certes, et cette mission d’information en est la preuve, ils peuvent être visités par les parlementaires. Par ailleurs, entre 2006 et 2008, ces lieux ont fait l’objet de très nombreuses visites par la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente (CNCLRAZA) qui, au cours de ses deux années d’existence, a fait un travail exhaustif de contrôle, débouchant sur de nombreuses observations et suggestions à destination des autorités ministérielles. Malheureusement, pour intéressants qu’ils soient, les rapports de visite de cette commission étaient d’abord adressés aux ministres concernés et n’avaient pas vocation à alimenter le débat public sur la question des CRA et ZA. Il n’en va pas de même des observations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a repris le relais de la CNCRLAZA en ce qui concerne le contrôle des lieux de rétention des étrangers en instance d’éloignement. En effet, l’instauration du contrôleur général permet d’offrir à la société civile un regard extérieur et indépendant sur la situation dans les CRA et les ZA, ce qui permet de pointer certaines difficultés mais également d’apporter une vision objective sur la situation réelle dans ces centres.

La mission d’information estime que les CRA et ZA devraient s’ouvrir encore plus sur l’extérieur. On peut ainsi s’étonner que les journalistes semblent bien plus nombreux à pouvoir accéder aux établissements pénitentiaires qu’aux centres de rétention et aux zones d’attente. Permettre à davantage de journalistes de se rendre dans les CRA et les ZA pourrait permettre de dissiper certaines idées fausses qui continuent d’exister sur les conditions d’existence des personnes retenues dans ces lieux.

Proposition n°1 : Ouvrir davantage les centres de rétention et les zones d’attente sur l’extérieur, en permettant à davantage de journalistes de s’y rendre.

I. LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA RÉTENTION DES ÉTRANGERS NON ADMIS SUR LE TERRITOIRE OU EN INSTANCE D’ÉLOIGNEMENT

A. LE PLACEMENT EN ZONE D’ATTENTE DES ÉTRANGERS NON ADMIS SUR LE TERRITOIRE

La France, comme tout État souverain, réglemente les conditions d’entrée sur son territoire. L’article L. 211-1 du CESEDA dispose que, pour entrer en France, tout étranger doit être notamment muni des documents et visas exigés, ainsi que d’un certain nombre de documents (justificatif d’hébergement…). Par ailleurs, l’article L. 213-1 autorise les services de police ou de douanes à refuser l’accès du territoire à certaines catégories d’étrangers pour des raisons liées à l’ordre public.

Dans le cas d’une frontière terrestre, l’application de ces dispositions ne pose pas de problème : en cas de refus d’entrée sur le territoire, l’étranger qui se présente à la frontière ne peut pas franchir celle-ci. En revanche, l’étranger qui entre en France par la voie aérienne, maritime ou ferroviaire et qui se voir refouler à la frontière doit faire l’objet d’une procédure de rapatriement, nécessairement plus complexe qu’un simple refus d’entrée à une frontière terrestre (2).

En effet, le rapatriement immédiat d’un étranger se présentant à une frontière aérienne, maritime ou ferroviaire sans les documents requis n’est pas toujours possible, tant pour des raisons pratiques (absence de vol de retour immédiat) que juridiques (possibilité de demander l’asile à la frontière). Ainsi, les étrangers qui ne sont pas immédiatement rapatriés sont maintenus dans une zone qualifiée de « zone d’attente », le temps qu’une décision définitive soit prise à leur égard.

1. La création des zones d’attente a permis de clarifier une situation juridique controversée

a) La situation antérieure à 1992

Jusqu’en 1992, les étrangers se trouvant matériellement sur le territoire au sens géographique, mais qui n’étaient pas autorisés à entrer sur le territoire au sens juridique se trouvaient dans une situation juridique très ambiguë.

En effet, les étrangers à qui l’entrée en France avait été refusée ou qui demandaient l’asile à la frontière attendaient dans la zone internationale des ports et aéroports le temps nécessaire à leur rapatriement ou à l’examen de leur demande d’asile. Cette pratique administrative avait été validée par le Conseil d’État qui avait jugé, dans un arrêt Eksir du 27 janvier 1984 que l’étranger maintenu en zone d’attente n’était pas juridiquement entré sur le territoire français.

Pour autant, le maintien dans la zone internationale de personnes, sans aucun encadrement juridique et sans aucun contrôle juridictionnel était pour le moins fragile juridiquement. L’administration considérait que ce maintien ne pouvait pas s’apparenter à une détention puisque l’étranger restait libre de repartir vers son pays de destination. Pourtant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°79-109 DC du 9 janvier 1980, avait exercé un contrôle sur cette question, considérant, s’agissant des étrangers qui se voient refuser l’entrée sur le territoire, que la liberté individuelle pouvait être tenue pour sauvegardée dès lors que le juge subordonne « à la décision du juge le maintien, au-delà de quarante-huit heures, de l'intéressé dans les locaux où il est retenu » (3).

Cette pratique encourait de nombreuses critiques. Tout d’abord, les personnes se trouvaient physiquement enfermées sous surveillance policière permanente, sans aucun contrôle juridictionnel, sans qu’une durée maximale soit prévue et sans qu’un texte législatif garantisse les droits qui leur étaient accordés (avocat, interprète…).

b) La difficile consécration législative des zones d’attente

Face à la montée des critiques et des actions contentieuses (4), le gouvernement de Mme Édith Cresson décida de donner une consécration législative à la pratique administrative. Le Gouvernement déposa alors un amendement au projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, examiné par l’Assemblée nationale en décembre 1991. Ce texte prévoyait que les étrangers non admis sur le territoire ou demandant l’asile à la frontière pouvaient être maintenus dans des « zones de transit » pour une durée de vingt jours, sur décision administrative. Cette durée pouvait être prolongée de dix jours supplémentaires, sur autorisation du président du tribunal administratif ou de son représentant. Par ailleurs, le projet de loi adopté par le Parlement (5) offrait à l’étranger maintenu en zone de transit un certain nombre de garanties et de droit (droit à l’assistance d’un médecin et d’un interprète, communication avec toute personne de son choix, notification des droits dans une langue comprise par l’étranger…).

Saisi par le Premier ministre, le Conseil constitutionnel censura cependant les dispositions voulues par le Gouvernement (6). Tout en admettant « que le maintien d'un étranger en zone de transit (…) n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention », le Conseil estimait néanmoins « que le maintien d'un étranger en zone de transit, en raison de l'effet conjugué du degré de contrainte qu'il revêt et de sa durée, a néanmoins pour conséquence d'affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l'objet au sens de l'article 66 de la Constitution ». En conséquence, le Conseil constitutionnel ne pouvait que censurer l’absence d’intervention du juge judiciaire dans le dispositif.

Le Gouvernement déposa alors immédiatement un nouveau projet de loi afin de tenir compte de cette censure tout en maintenant les « zones de transit » dans leur principe, en dépit d’une nouvelle appellation : les zones d’attente. La loi n°92-625 du 6 juillet 1992 insère dans l’ordonnance du 2 novembre 1945 un article 35 quater (aujourd’hui codifié aux articles L. 221-1 et suivants du CESEDA) qui crée le régime juridique de la zone d’attente, toujours en vigueur aujourd’hui en dépit de quelques évolutions législatives.

2. Les modalités juridiques du maintien en zone d’attente d’un étranger non admis sur le territoire

a) Les étrangers pouvant être maintenus en zone d’attente

L’article L. 221-1 du CESEDA énumère les catégories de personnes susceptibles d’être maintenues en zone d’attente. Il s’agit :

— des étrangers qui arrivent en France par la voie ferroviaire (7), maritime ou aérienne qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français. Dans les faits, les étrangers ne demandant pas le bénéfice du jour franc avant leur réadmission et dont le retour peut immédiatement être organisé ne sont pas placés en zone d’attente. Cela explique que le nombre de personnes maintenues en zone d’attente soit inférieur au nombre des refoulements ;

— des étrangers qui demandent leur admission au titre de l’asile. Comme les personnes de la catégorie précédente, ils sont démunis de documents de voyage nécessaires à l’entrée en France, mais leur éventuelle non admission ne leur sera signifiée qu’après examen de leur demande d’admission au titre de l’asile par le ministre de l’immigration, après avis de l’OFPRA. Il est cependant possible pour un étranger placé en zone d’attente après avoir reçu une décision de non admission de demander l’admission sur le territoire au titre de l’asile ;

— des étrangers qui se trouvent en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France.

Tous les étrangers entrant dans ces catégories peuvent être maintenus en zone d’attente, y compris les mineurs. La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a expressément retenu cette solution, tout en prévoyant la désignation d'un administrateur ad hoc chargé d'assister le mineur étranger isolé durant son maintien en zone d'attente et d'assurer sa représentation dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Auparavant, les juridictions avaient retenu des solutions divergentes, certaines n’hésitant pas à libérer systématiquement les mineurs maintenus en zone d’attente.

Pour l’année 2007, 15 827 étrangers ont été placés en zone d’attente par la police aux frontières, ce qui représente une érosion de 0,31% par rapport à 2006 (15 876). Cette tendance s’est inversée au premier semestre de 2008, avec 9 214 placements contre 7 007 lors de la même période de 2007 (+31,5%).

LES PLACEMENTS EN ZONE D’ATTENTE

 

2004

2005

2006

2007

2008

Placements en zone d’attente

17 098

16 157

15 876

15 827

16 645

Dont demandes d’asile à la frontière

2 513

2 672

2 984

5 123

6 415

LES REFOULEMENTS À LA FRONTIÈRE :
REFUS D’ADMISSION SUR LE TERRITOIRE ET RÉADMISSIONS SIMPLIFIÉES

 

2004

2005

2006

2007

2008

Nombre de refus d’admission (8)

20 893

23 542

21 235

16 374

17 628

Nombre de réadmissions simplifiées (sens France vers étranger)

12 339

12 379

12 892

10 219

Non disponible

Total

33 232

35 921

34 127

26 593

Non disponible

b) L’étendue de la zone d’attente

Les zones d’attente peuvent être créées avec un minimum de formalisme puisqu’elles sont délimitées par arrêté préfectoral. Dans la pratique, des zones d’attente ont été créées dans l’ensemble des ports, aéroports et gares recevant du trafic international. Cependant, l’immense majorité des zones d’attente ne comporte pas d’installations spécifiques, recevant chaque année un très petit nombre d’étrangers maintenus.

La zone d’attente, d’après l’article L. 221-2 du CESEDA s’étend des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes : il s’agit de l’espace généralement qualifiée de zone internationale.

Elle peut en outre comporter des lieux d’hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. Ces lieux, qui peuvent se trouver sur l’emprise aéroportuaire, portuaire ou ferroviaire, ou à proximité, sont soit constitués de bâtiments spécifiquement destinés à cet usage, comme à Roissy, soit de chambres d’hôtel louées par l’administration, comme à Orly. Le code prévoit également que les lieux d’hébergement peuvent se trouver à proximité du lieu de débarquement, afin de tenir compte de la situation de navires débarquant des étrangers en situation irrégulière sur le littoral.

Enfin, dans la mesure où l’étranger maintenu en zone d’attente n’est pas censé être juridiquement entré sur le territoire, il est prévu que la zone d’attente s’étend automatiquement à l’ensemble des lieux où est conduit l’étranger au cours de son maintien en zone d’attente (tribunal de grande instance, tribunal administratif, hôpital…).

c) La durée du maintien en zone d’attente

Les étrangers maintenus en zone d’attente le sont pour le temps strictement nécessaire à leur départ (9) ou pour l’examen de leur demande d’admission au titre de l’asile. Néanmoins, des délais de séjour maximum ont été inscrits dans la loi, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (10). Lorsque ces délais sont dépassés, l’étranger est immédiatement libéré et entre donc sur le territoire français, même si une mesure de non admission a été prononcée à son encontre.

En moyenne, la durée des placements (toutes catégories confondues) a été évaluée en 2007 à 4 jours ; 18 % des étrangers placés ont été maintenus au-delà de cette durée et 3 % l'ont été au-delà de 12 jours. En 2008, la durée moyenne était de 2,69 jours à Roissy et de 53 heures à Orly.

● La phase administrative du maintien en zone d’attente.

Le maintien en zone d’attente doit être formellement notifié par une décision administrative distincte de celle qui la justifie (décision de non admission par exemple). Cette décision est prise, pour une durée de quatre jours (11), par certains agents du service chargé du contrôle aux frontières. Si le poste frontalier relève de la police aux frontières, la décision doit être prise par le chef du service chargé du contrôle des frontières ou d’un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier. Si le poste relève des douanes, la décision relève du chef de service ou d’un fonctionnaire qu’il désigne, au moins titulaire du grade d’agent de constatation principal de deuxième classe.

● La première saisine du JLD.

Le maintien en zone d’attente au-delà de 96 heures ne peut être autorisé que par le juge judiciaire, en l’espèce le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la zone d’attente. Pour la principale zone d’attente, celle de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, le TGI compétent est celui de Bobigny.

La requête au tribunal doit donc lui être adressée avant l’expiration du délai de 96 heures à partir de la décision initiale de placement. Cette décision doit émaner de l’autorité administrative qui a procédé à ce placement et elle doit être motivée et accompagné de pièces justificatives. Il revient en effet à l’administration de justifier les raisons qui ont empêché le réacheminement de l’étranger non admis ou l’admission de l’étranger demandeur d’asile à la frontière pendant la phase administrative de maintien en zone d’attente.

D’ailleurs, la saisine du JLD constitue davantage une exception qu’une règle dans la mesure où la durée moyenne de maintien en zone d’attente était de 4 jours en 2007 : 18% des étrangers placés ont été maintenus au-delà de cette durée et 3% l'ont été au-delà de 12 jours.

Le contrôle du juge judiciaire porte sur le respect de libertés individuelles, c'est-à-dire sur la régularité de la privation de liberté subie par l’étranger, sur le respect des procédures relatives à l’entrée sur le territoire et au placement en zone d’attente, et enfin sur l’opportunité de prolonger ce placement.

Le JLD fixe la durée de la prolongation qui ne peut être supérieure à huit jours, portant la durée totale de séjour dans la zone d’attente à 12 jours.

Comme en matière de rétention administrative, en cas de refus de prolongation du maintien en zone d’attente par le JLD, le parquet a la possibilité, dans un délai de 4 heures suivant la notification du jugement, de demander au premier président de la Cour d’appel ou à son représentant de déclarer le caractère suspensif de l’appel. Pour les mêmes raisons que pour la rétention administrative, il semble que cette procédure soit très peu utilisée. Pourtant, à la différence de la situation rencontrée en matière de rétention, le maintien en zone d’attente concerne presque exclusivement le parquet de Bobigny, qui devrait donc être incité par la chancellerie à utiliser bien davantage cette procédure.

● La deuxième saisine du JLD.

Dans des cas exceptionnels, l’étranger se trouve toujours maintenu en zone d’attente au bout de 12 jours. L’autorité administrative a alors la possibilité de demander au JLD une nouvelle prolongation, pour une durée de 8 jours au maximum, portant la durée totale du séjour en zone d’attente à 20 jours.

Le JLD ne peut accepter cette nouvelle prolongation qu’à titre exceptionnel ou en cas de volonté délibérée de l'étranger de faire échec à son départ. Ce dernier cas de prolongation du maintien en zone d’attente a été ajouté par la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 : il permet de demander une nouvelle prolongation en cas de refus d’embarquement, notamment lorsqu’il intervient au terme de la première prolongation.

Par ailleurs, afin d’éviter un détournement des procédures d’asile à la frontière, la durée du maintien en zone d’attente est automatiquement (12) prolongée dans certaines circonstances :

— lorsque l’étranger maintenu fait une demande d’asile entre le quatorzième et le vingtième jour de sa présence en zone d’attente, cette présence est automatiquement prolongée de six jours supplémentaires, afin de permettre l’examen de sa demande ;

— lorsqu’un étranger qui s’est vu refuser l’admission au titre de l’asile forme un recours suspensif contre cette décision (13) dans les quatre derniers jours de la période de maintien (selon les cas entre le seizième et le vingtième jour ou entre le vingt-deuxième et le vingt-sixième jour), cette période est automatiquement prolongée de quatre jours afin que la décision du juge administratif ne soit pas rendue alors que l’étranger a été libéré. En théorie, bien qu’il s’agisse d’une très peu probable hypothèse d’école, la durée maximale du maintien en zone d’attente est de trente jours.

3. Les différents types de zone d’attente

La zone d’attente est avant tout un concept juridique puisqu’elle s’étend à l’ensemble des lieux où l’étranger qui a fait l’objet d’une mesure de placement en zone d’attente peut être conduit (poste frontière, hôtel, hôpital…). Il est donc difficile de délimiter précisément les zones d’attente en France, d’autant que leurs modalités de création sont assez souples.

a) Une zone d’attente à part : la ZAPI 3 de Roissy

La zone d’attente de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle est la seule à disposer de bâtiments d’hébergement spécifiquement et uniquement destinés à cet objet. En effet, 90 % des placements en zone d’attente prononcés le sont dans cette zone d’attente qui accueille non seulement les passagers en situation irrégulière arrivés à Roissy, de loin la plus grande frontière aérienne pour atteindre le territoire français, mais aussi des aéroports du Bourget et de Beauvais.

La zone d’attente comporte une partie hébergement, la ZAPI (Zone d'attente pour personnes en instance), qui peut héberger 164 personnes dans des bâtiments situés sur l’emprise aéroportuaire, dans la zone de fret n° 1 à proximité immédiate tant des voies menant à la piste, que de l’aérogare n° 2. Elle est qualifiée de « ZAPI 3 » car, avant qu’elle ne soit mise en service en 2001, les étrangers étaient maintenus en zone d’attente dans un étage réquisitionné d’un hôtel Ibis (la ZAPI 1), puis, pour faire face à l’augmentation des arrivées, dans un secteur du Centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (la ZAPI 2).

La zone d’attente de Roissy est gérée par la police aux frontières.

b) Deux zones d’attente intermédiaires : Orly et Marseille

La zone d’attente de l’aéroport d’Orly accueille environ 1 000 personnes par an. Elle dispose de « locaux de jour » au deuxième étage de l’Aérogare Orly Sud : il s’agit d’une pièce d’environ 150 mètres carrés pouvant accueillir environ 20 à 25 personnes. La nuit, les personnes maintenues sont hébergées dans des chambres de l’hôtel « IBIS », situé sur la zone aéroportuaire.

La zone d’attente du Canet à Marseille constitue un secteur distinct du Centre de rétention administrative du Cannet, ouvert en juin 2006. Elle offre 34 places, mais elle est généralement sous-utilisée puisqu’elle n’accueille qu’une centaine de personnes par an.

c) Des dizaines de zones d’attente à l’activité très épisodique

Tout aéroport, port ou gare accueillant un trafic de voyageurs international est normalement doté d’une zone d’attente. Ainsi, il existe plus de 50 zones d’attente en métropole (dont 31 gérés par la police aux frontières et 21 par les douanes) et 70 outre-mer.

Beaucoup de ces zones d’attente ne sont cependant jamais utilisées pour accueillir des personnes non admises à la frontière ou demandant l’admission au titre de l’asile. Néanmoins, elles existent juridiquement afin de pouvoir faire face à l’éventuelle arrivée d’une personne se trouvant dans ce cas. Dans d’autres zones d’attente, compte tenu de la modestie du trafic international, seules quelques personnes y sont maintenues chaque année, pour des durées généralement très courtes (de quelques heures à quelques jours). Ces zones d’attente se confondent généralement avec la zone internationale et les postes de contrôle aux frontières, parfois augmentées d’une salle supplémentaire disposant d’équipement sommaire, voire, dans quelques cas d’une ou plusieurs chambres. Cependant, quand ces zones d’attente accueillent relativement souvent des personnes maintenues pour des durées dépassant 24 heures, des accords sont généralement passés avec des hôtels pour l’hébergement de nuit.

B. LE PLACEMENT EN RÉTENTION DES ÉTRANGERS EN INSTANCE D’ÉLOIGNEMENT

Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans, présent sur le territoire français doit se trouver en situation régulière au regard de la législation sur les conditions de séjour sur le territoire. Pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, un étranger doit être titulaire d’un titre de séjour, sauf s’il est ressortissant d’un État de l’Union européenne.

Ainsi, un étranger ne disposant pas d’un titre de séjour a vocation à quitter le territoire : celui-ci a pu se voir refuser l’octroi d’un titre de séjour, son titre de séjour a pu venir à expiration sans être renouvelé ou a pu lui être retiré ; il peut également ne jamais avoir demandé de titre de séjour. Dans la mesure où la plupart des étrangers concernés par une mesure d’éloignement n’exécutent pas spontanément la décision administrative prise à leur encontre, il est nécessaire de prévoir des modalités d’exécution forcée de la mesure d’éloignement. Afin de s’assurer que la personne qui est frappée d’une mesure d’éloignement ne se soustraie à cette mesure pendant la phase nécessaire à l’examen des recours auxquels elle a droit et à l’organisation matérielle de son retour, celle-ci doit être temporairement privée de liberté par l’autorité administrative, sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Cette forme de détention administrative est qualifiée de rétention administrative.

1. La lente mise en place d’un cadre juridique de la rétention des étrangers en situation irrégulière

a) Jusqu’aux années 1970 : une rétention sans régime juridique et sans contrôle juridictionnel

L’article 120 du code pénal de 1810 punissait « les gardiens et concierges des maisons de dépôt, d'arrêt, de justice ou de peine, qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement, ou sans ordre provisoire du Gouvernement ». Cette rédaction n’offrait donc qu’une application limitée du principe de l’habeas corpus en autorisant implicitement la détention de personnes sur « ordre du gouvernement ». Cependant, en votant la loi du 7 février 1933, le législateur a limité cette exception au principe de l’autorisation judiciaire de la détention aux seuls cas d’expulsion et d’extradition d’étrangers.

Ainsi, sur la base de l’article 120 du code pénal, l’administration pouvait mettre en détention des étrangers en instance d’éloignement du territoire, puisque ses agents ne risquaient pas de sanction pénale en procédant. Pour autant, si la détention administrative des étrangers se trouvait implicitement autorisée, elle ne l’était pas explicitement, ce qui induisait qu’elle ne faisait l’objet d’aucune réglementation, et donc d’aucun encadrement.

Malgré l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment de son article 66 (14), une circulaire du ministre de l’Intérieur du 11 juillet 1967 confirmait que l’article 120 du code pénal était une base suffisante pour détenir les personnes expulsées le temps d’organiser matériellement leur expulsion. Toutefois, cette circulaire précisait que la détention ne devait pas avoir lieu dans des locaux pénitentiaires, contrairement à la lettre de l’article 120 du code pénal.

b) La difficile mise en place d’un encadrement de la détention administrative des étrangers dans des locaux pénitentiaires

Bien que les plaintes formulées par des étrangers pour détention ou séquestration arbitraire aboutirent toutes à des non-lieux, confirmés par la Cour de cassation, le Gouvernement estima, à la fin des années 1970, qu’il était temps d’encadrer le dispositif de détention des étrangers. En effet, plusieurs polémiques se développèrent quant à la légalité de la détention d’étrangers en instance d’expulsion notamment dans un hangar sur le port de Marseille (futur Centre de rétention administrative d’Arenc).

Dans la mesure où la seule base légale de la détention administrative d’étrangers était l’article 120 du code pénal, la décision fut alors prise de mettre enfin en place un régime encadrant cette détention administrative. Cela impliquait notamment de respecter strictement l’article 120 du code pénal en détenant les étrangers expulsés dans des maisons d’arrêt :

— une circulaire des ministres de l’intérieur et de la justice du 21 novembre 1977 vint ainsi préciser l’application de l’article 120 : le ministre de l’intérieur détenait seul le pouvoir d’incarcérer dans des maisons d’arrêt les étrangers, pour une durée de sept jours au maximum. Cependant, cette circulaire fut annulée par le Conseil d’État, celui-ci estimant que ses dispositions relevaient du pouvoir réglementaire général, et donc d’un décret ;

— un décret du 9 décembre 1978 fut donc pris « pour l’application de l’article 120 aux étrangers faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion » qui reprenait les dispositions de la circulaire ;

— l’intervention du législateur sembla cependant rapidement inévitable, notamment en raison du projet d’étendre l’utilisation de l’expulsion, jusque-là réservée aux étrangers troublant l’ordre public, à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Ainsi, le texte de la loi du 10 janvier 1980, tel qu’adopté par le Parlement, prévoyait que l’étranger en instance d’expulsion pouvait être détenu administrativement pendant une durée de sept jours. Au-delà, la prolongation de la détention devait être décidée par le juge judiciaire. Ce texte donnait donc un fondement législatif clair à une pratique mise en œuvre depuis plus de cinquante ans. Pourtant, saisi du texte adopté de cette loi, le Conseil constitutionnel invalida ces dispositions(15), considérant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Il estimait alors que si l’intervention du juge au bout de 48 heures dans le domaine du maintien en zone d’attente était acceptable, il n’en va de même pour la rétention administrative dans la mesure où « l'intervention du juge n'est déclarée nécessaire que pour prolonger, au-delà de sept jours, le régime de détention auquel l'étranger est soumis ».

Afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel, la loi n°81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes permettait de réglementer enfin la détention administrative des étrangers en instance d’expulsion. Ceux-ci restaient détenus dans des locaux pénitentiaires sur décision du préfet, mais la prolongation de la détention au-delà de 48 heures ne pouvait être autorisée que par le juge judiciaire.

c) Depuis 1981 : une rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire

La loi n°81-973 du 29 octobre 1981 relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France insère dans l’ordonnance du 2 novembre 1945 l’article 35 bis (aujourd’hui codifié aux articles L. 551-1 à L. 551-3 du CESEDA). Cet article prévoit la rétention administrative, « dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire » des étrangers en instance d’expulsion (16). Le juge judiciaire doit autoriser la prolongation de la rétention au bout de 24 heures, lorsqu’il considère qu’il n’est pas possible d’assigner à résidence l’intéressé. En effet, jusqu’en 1993, l’assignation à résidence était en théorie le principe et la rétention administrative l’exception.

Depuis 1981, le régime de la rétention administrative a connu de nombreuses évolutions, relatives notamment au délai d’intervention du juge judiciaire, fixé à 48 heures depuis la loi du 24 avril 1997, et à la durée maximale de la rétention. Pour autant, l’architecture du dispositif mis en place en 1981 n’a pas bougé : le principe reste celui d’une rétention de caractère administrative dans des locaux non pénitentiaires — les centres de rétention administrative (CRA) — des étrangers en instance d’éloignement. Cette rétention est décidée par le préfet mais elle doit être nécessairement confirmée par le juge judiciaire dans un délai n’excédant pas 48 heures.

2. Les modalités juridiques de placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière

a) Les étrangers pouvant être placés en rétention administrative

La rétention administrative a été créée pour maintenir à la disposition de l’administration les étrangers en instance d’éloignement le temps que l’administration puisse organiser son retour.

● Ne peuvent donc être placées en rétention que les étrangers soumis à une des mesures d’éloignement suivantes :

— un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), délivré par le préfet en cas de séjour irrégulier, en l’absence de demande de titre de séjour. L’étranger peut alors être placé en rétention dès notification de l’APRF, ainsi que pendant l’année qui suit (17) . En 2008, 43 898 APRF ont été prononcés, 9844 ont été exécutés.

— une obligation de quitter le territoire français (OQTF) : cette mesure, instituée par la loi du 24 juillet 2006, s’applique aux étrangers auxquels la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour ont été refusés ou dont le titre a été retiré. Le placement en rétention ne peut intervenir qu’au bout d’un délai d’un mois suivant la décision préfectorale assortie d’une OQTF, ainsi que pendant l’année qui suit la notification de cette dernière. En 2008, 42 130 OQTF ont été prononcées, 3 050 ont été exécutées ;

— un arrêté préfectoral ou ministériel d’expulsion, prononcé à l’égard des étrangers qui constituent une menace grave pour l’ordre public. Le placement en rétention intervient dès notification de l’arrêté. En 2008, 237 arrêtés d’expulsion ont été prononcés, 168 ont été exécutés ;

— une mesure de réadmission à un État membre de la Communauté européenne. Dans le cadre de la convention de Dublin du 15 juin 1990 (devenu le règlement Dublin II du 18 février 2003), l’Union européenne a mis en place une procédure unique d’examen des demandes d’aile. Ainsi, tout étranger en situation irrégulière qui a déposé une demande d’asile dans un autre État de l’Union doit être réacheminé vers cet État, qui est chargé de procéder à son éloignement en direction de son pays d’origine. En 2008, 12 663 mesures de réadmissions ont été prononcées, 5 276 ont été exécutées ;

— une interdiction du territoire français (ITF) : lorsque cette sanction pénale est prononcée à titre principal, elle entraîne de plein droit le placement de l’étranger en rétention administrative. Lorsque l’ITF est prononcé au titre de peine complémentaire, son exécution ne peut intervenir qu’à l’issu de la détention : si elle ne peut être exécutée dès la levée d’écrou, le préfet peut placer l’étranger en rétention administrative. En 2008, 2611 ITF ont été prononcées, 1386 ont été exécutées.

● L’existence d’une mesure d’éloignement ne signifie pas automatiquement rétention de l’étranger. En effet, l’article L. 551-1 du CESEDA dispose que la rétention est conditionnée au fait que l’étranger ne puisse quitter immédiatement le territoire français. Cependant, dans la quasi-totalité des cas, la décision ne peut pas immédiatement être exécutée en raison de la nécessité de trouver un moyen de transport, d’obtenir la délivrance d’un laissez-passer consulaire ou d’attendre le jugement d’un recours suspensif.

L’article L. 551-4 précise quant à lui qu’un « étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet ». La possibilité de retenir un étranger en rétention est donc strictement conditionnée à la possibilité d’organiser l’éloignement de l’étranger et à l’existence d’efforts effectifs faits par l’administration pour organiser le départ de l’étranger.

b) Le placement de l’étranger en rétention

Ainsi, lorsque les critères de la rétention sont réunis, le préfet peut prendre un arrêté de placement en rétention administrative à l’encontre de l’étranger.

Concrètement, cet arrêté est généralement pris à la suite d’un contrôle d’identité ayant révélé que l’étranger se trouve en infraction à la législation sur les étrangers. Celui-ci est alors placé en garde à vue par un officier de police judiciaire pour une durée maximale de 24 heures, renouvelable une fois. Si le parquet décide d’abandonner les poursuites judiciaires pour séjour irrégulier, le dossier est alors transmis au préfet, qui peut alors déclencher la phase administrative en notifiant un arrêté de placement en rétention administrative, valable 48 heures.

L’étranger est alors placé dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. En application de l’article R. 551-2 du CESEDA, ce placement doit se faire dans un « centre de rétention administrative », respectant un certain nombre de normes et dont la liste est fixée par arrêté ministériel.

Toutefois, lorsqu’il n’est pas possible de placer l’étranger dans un CRA, notamment à cause d’une absence de places disponibles, « en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu » (18), celui-ci peut être placé dans un « local de rétention administrative » (LRA) dont les conditions d’ouverture sont beaucoup plus souples que les CRA. En effet, ils sont créés par simple arrêté préfectoral et sont soumis à des exigences d’équipement beaucoup moins exigeant que les CRA.

Le séjour en LRA ne peut dépasser 48 heures. Il peut cependant aller jusqu’à 96 heures lorsque la mesure de rétention, prolongée par le juge des libertés et de la détention, est frappée d’appel et qu’aucun CRA ne se trouve dans le ressort de la Cour d’appel. L’étranger est alors maintenu dans le LRA jusqu’à ce que le président de la Cour d’appel ait statué dans le délai de 48 heures qui lui est imparti. De même, la présence en LRA peut également dépasser 48 heures en cas de recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière : s'il n'y a pas de centre de rétention administrative dans le ressort du tribunal administratif où se situe le local, l'étranger peut y être maintenu jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le recours, c'est-à-dire pour une durée maximale de 120 heures (19).

c) La durée de la rétention administrative

La durée d’une rétention ne peut jamais être connue à l’avance. En effet, celle-ci dépend d’une part de la réussite des démarches entreprises par l’administration pour organiser le départ de l’étranger frappé d’une mesure d’éloignement, et d’autre part des décisions prises par le juge judiciaire quant à la nécessité de prolonger la rétention ou de l’interrompre à tout moment (20) :

● La phase administrative de la rétention.

Cette phase ne peut dépasser 48 heures. Passé ce délai, en l’absence de décision judiciaire de prolongation, l’étranger doit être immédiatement libéré (21). Ainsi, lorsque le préfet estime que le départ de l’étranger nécessite de prolonger la rétention au-delà de 48 heures, il doit saisir en ce sens le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.

La Commission sur le cadre constitutionnel de l’immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud, a estimé que le délai de 48 heures dans lequel le JLD doit être saisi et statuer est trop court. Selon elle, ce délai « fait peser de trop lourdes contraintes sur le fonctionnement des tribunaux » (22), elle suggère donc que le JLD dispose de 24 heures pour statuer sur la demande du préfet, qui continuerait de disposer de 48 heures pour le saisir.

● La première saisine du JLD

Le juge des libertés et de la détention peut donc décider de prolonger la mesure de rétention administrative au-delà de 48 heures. Il doit prolonger la mesure pour le temps strictement nécessaire au départ de l’étranger, et pour une durée maximale de 15 jours (contre 5 jours avant la loi du 26 novembre 2003). Toutefois, à titre exceptionnel, l’article L. 552-4 dispose que le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise de l'original du passeport. L’article L. 552-5 précise que l’étranger doit se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d'assignation.

En tant que gardien de la liberté individuelle, le juge judiciaire doit se contenter de se prononcer sur les seules atteintes à celle-ci, sans se prononcer sur la mesure administrative d’éloignement. Le contrôle du juge porte tout d’abord sur les conditions d’interpellation de l’étranger, en appréciant notamment la légalité du contrôle d’identité. Le JLD s’assure également que l’étranger a pu faire valoir ses droits tout au long de la procédure, que ce soit au niveau de la garde à vue (notification des droits, accès à un interprète, un médecin et avocat) ou de la rétention elle-même (notification effective des droits, respect des normes réglementaires relatives à la rétention, accès à un téléphone…). Bien évidemment, le JLD se prononce sur les conditions légales du placement en rétention (existence d’une mesure d’éloignement, impossibilité d’un départ immédiat…), vérifiant qu’elles sont réunies.

Lorsque le juge constate une atteinte aux libertés individuelles, celui-ci prononce la libération de l’étranger, ce qui n’entraîne pas pour autant l’annulation de la mesure d’éloignement. L’appel de l’administration n’étant pas suspensif, l’étranger est alors libéré, non pas immédiatement mais dans un délai de 4 heures suivant la décision. En effet, depuis la loi du 26 novembre 2003, le parquet peut demander au premier président de la Cour d’appel ou à son délégué, dans les quatre heures suivant la notification de l’ordonnance de libération, de déclarer le recours suspensif, si l’étranger présente un risque pour l’ordre public ou ne dispose pas de garanties de représentation. Cette procédure est toutefois très peu utilisée : d’après une étude menée en mai 2007 par la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, seules 5,6 % des ordonnances de libération prononcées par les JLD font l’objet d’une demande d’appel suspensif par les parquets.

Ce chiffre est très peu élevé dans la mesure où les appels formés contre les ordonnances de libération sont généralement favorables à l’administration, la Cour d’appel les infirmant à 68 %. Comme le souligne le rapport de la Commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration, « cette situation ne permet pas une bonne régulation des décisions des JLD, car en cette matière, un appel non suspensif est privé d’effet pratique » (23). Ce constat a d’ailleurs conduit la commission « Mazeaud » à inciter le parquet à relever appel des décisions des JLD contestables en droit. Devant la mission d’information, Mme Pascale Fombeur, directrice des affaires civiles et du sceau, a estimé que la faible utilisation de cette procédure s’expliquerait par ses délais particulièrement contraignants et par le manque de disponibilité du Parquet, notamment la nuit et en fin de semaine où ces questions sont gérées par la permanence du parquet, d’abord focalisée sur les affaires pénales, au détriment de cette procédure civile particulière. La directrice a cependant indiqué que l’attention des procureurs généraux les plus concernés par cette question avait été appelée (ceux de Paris et de Versailles) sur la nécessité d’utiliser cette procédure, ce qui s’était traduit par un doublement de son utilisation au cours du premier trimestre 2008. Cet exemple montre bien qu’il serait nécessaire de mieux faire connaître cette procédure aux parquets et de leur indiquer que son utilisation ne devrait pas être exceptionnelle.

Au total, d’après l’étude de la direction des affaires civiles et du sceau précitée, les JLD accueillent favorablement les demandes de prolongation de la rétention administrative demandées par le préfet dans 80 % des cas, prononcent l’assignation à résidence dans 7,2 % des cas et rejettent la demande dans 12,8 % des cas.

● La deuxième saisine du JLD :

Au bout de dix-sept jours suivant le placement en rétention, le préfet peut saisir à nouveau le JLD afin d’obtenir une nouvelle prolongation de la rétention qui ne peut cependant être accordée qu’à condition que l’administration ait accompli les diligences nécessaires pour organiser l’éloignement de l’étranger dans les seuls cas suivants :

— lorsque la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance ou de la délivrance trop tardive des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport, le juge peut prononcer la mesure de cinq jours supplémentaires. Dans cette situation, la rétention administrative peut durer jusqu’à 22 jours ;

— en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge peut prononcer une prolongation supplémentaire de 15 jours, portant la durée totale de rétention à 32 jours.

Les préfets utilisent avec parcimonie la possibilité de demander la prolongation de la rétention au-delà de 17 jours. En effet, lorsqu’ils ne sont pas en mesure de procéder à l’éloignement dans ce délai, ils ne demandent une prolongation au JLD que dans un petit peu plus d’un cas sur quatre (26,4 % d’après l’étude de la direction des affaires civiles et du sceau portant sur le mois de mai 2007). Dans cette hypothèse, la demande de prolongation est formée dans la majorité des cas pour une durée de 15 jours (84 % contre 16 % pour une durée de 5 jours). L’absence d’abus d’utilisation abusive de cette procédure doit être soulignée puisque le JLD accepte la demande de prolongation de la rétention dans 94,7 % des cas. Cette situation a d’ailleurs conduit la Commission sur le cadre constitutionnel de la politique d’immigration à s’interroger sur le bien fondé de la limitation à 15 jours de la première prolongation et donc sur l’existence de la procédure de deuxième prolongation qui en découle.

● La durée totale de rétention :

Au total, la rétention d’un étranger en situation irrégulière ne peut donc jamais dépasser 32 jours. Il est d’ailleurs très rare que cette durée soit atteinte. De l’ordre de 5 jours jusqu’en 2003, la durée moyenne de rétention tourne désormais autour de 10 jours (10, 5 jours en 2007 ; 10,34 jours en 2008).

Cette durée de rétention est donc largement inférieure aux durées observées dans les autres pays de l’Union européenne. En effet, les durées maximales de rétention sont de 40 jours en Espagne (24), 60 jours en Italie et au Portugal, 6 mois en Autriche, en République tchèque, en Slovaquie et en Slovénie, de 8 mois en Belgique, d’un an en Pologne, en Hongrie et en Lituanie, de 18 mois en Allemagne et de 20 mois en Lettonie. Il n’y a pas de durée maximale au Royaume-Uni, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Grèce, en Irlande, aux Pays-Bas et en Suède.

En outre, les conditions de rétention dans les centres de rétention français sont parmi les meilleures d’Europe : sans même évoquer le cas particulier des pays méditerranéens qui doivent affronter l’afflux massifs de migrants sur leurs côtes (Malte, Chypre, Italie notamment à Lampedusa et Espagne aux Canaries) et où les conditions de rétention sont notoirement très difficiles, la pratique courante en Europe est à la construction de très grands centres de rétention aux capacités d’accueil de plusieurs centaines de places, comme au Royaume-Uni. Dans certains pays, notamment dans la majorité des Lander allemands, il n’existe même pas de centres de rétention, les étrangers en instance d’éloignement étant accueillis dans les établissements pénitentiaires où ils côtoient parfois les détenus de droit commun(25).

Compte tenu de cette situation, il n’est pas très étonnant que la directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour » et adoptée par le Parlement européen le 18 juin 2008, ait retenu une durée maximale de rétention très éloignée des standards de notre législation. Il faut néanmoins rappeler que la durée maximale de rétention de six mois prévue la directive ne constitue pas la durée maximale de rétention applicable dans l’ensemble de l’Union européenne (26). Chaque pays reste libre d’adopter des durées maximums plus courtes : à cet égard, la mission d’information estime que la durée maximum actuelle de 32 jours est suffisante et ne devra pas être augmentée lorsque la directive sera transposée en droit français. Certes, dans de nombreux cas, il n’est pas possible d’organiser l’éloignement au cours de cette période, notamment à cause de la difficulté à obtenir les laissez-passer consulaires, mais une augmentation de la durée de rétention ne permettrait probablement pas d’améliorer nettement le taux d’éloignement des étrangers placés en rétention.

Proposition n°2 : Maintenir la durée maximale de rétention à 32 jours malgré l’adoption de la directive « retour » qui autorise une durée de rétention de six mois.

SORT DES ÉTRANGERS PLACÉS EN RÉTENTION EN 2008

Embarqués

Refus d’embarquer

Remis en liberté

Déférée au parquet

Autre (hospitalisation, évasion, transfert…

14 411

1 050

17 390

869

822

d) La question des audiences déconcentrées

Devant la mission d’information, M. Bernard Chemin, magistrat honoraire et ancien président de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente a estimé que l’un des grands problèmes observés tant en centre de rétention qu’en zone d’attente réside dans la noria incessante des escortes et transfèrements vers les juridictions. Ces escortes, qui entraînent trop souvent menottage des retenus et transport en fourgon cellulaire, sont un moment pénible pour les personnes retenues comme pour les policiers et gendarmes.

Pour y remédier, le législateur avait décidé dès 1992 de permettre au juge de statuer, en matière de prolongation du maintien d’une personne en zone d’attente, dans une salle d’audience spécialement prévue à cet effet sur l’emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire. C’est dans cette optique qu’une salle d’audience a été construite en 2001 à proximité de la zone d’hébergement de la ZAPI 3 à Roissy, salle qui n’a jamais été utilisée. La loi du 26 novembre 2003 a étendu la possibilité de tenir de telles audiences pour la prolongation de la rétention à condition que la salle d’audience se trouve « à proximité immédiate du lieu de rétention ».

Une telle salle a été construite à Coquelles et a commencé à fonctionner dès 2005. La mission d’information a pu la visiter et constater que la justice y était rendue dans d’excellentes conditions. De fait, la juge des libertés et de la détention considère que les conditions d’accueil du public qui souhaite se rendre à une audience de prolongation de la rétention sont sans commune mesure avec celles qui règnent à Boulogne-sur-mer où les audiences ont lieu dans un bureau, difficile à trouver. À l’inverse, la salle d’audience de Coquelles est grande, bien aménagée, disposant de tous les équipements nécessaires (bancs nombreux pour le public, salles pour les entretiens avec les avocats…). Les membres de la délégation ont pu constater l’existence d’un public assistant aux audiences, certes assez peu nombreux, alors que personne n’assiste jamais aux audiences quand elles ont lieu à Boulogne.

Les principaux bénéficiaires de l’existence de la salle d’audience sont les personnes retenues. Elles se rendent au tribunal en quelques instants et au moment de l’audience : d’après la juge des libertés et de la détention, le gain en confort pour les retenus est considérable par rapport aux transferts vers le TGI de Boulogne, qui exigent des départs groupés tôt le matin, de longues attentes au TGI et des repas froids pris dans des conditions peu satisfaisantes. La juge des libertés et de la détention a eu l’occasion d’interroger des personnes retenues qui ont connu à la fois les audiences à Coquelles et à Boulogne-sur-mer (les audiences du week-end y ont encore lieu), tous ont exprimé une nette préférence pour les audiences à proximité du centre de rétention.

Par ailleurs, l’existence d’une salle d’audience à proximité du CRA permet de réduire considérablement le nombre d’escortes, particulièrement coûteuses en termes d’effectifs policiers.

À Marseille et à Toulouse en revanche, les deux salles d’audience qui avaient été aménagées ont été fermées. Un arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2008 a estimé que le pôle judiciaire du CRA de Marseille n’était pas construit « à proximité immédiate du lieu de rétention », comme l’exige la loi, mais dans l’enceinte même du centre de rétention. Une nouvelle salle d’audience a cependant ouvert dès le 2 mars 2009, dans un bâtiment disponible à 200 mètres du CRA, ce qui permet ainsi de respecter la jurisprudence de la Cour de cassation.

La mission d’information souhaite donc un développement de ce type de salles déconcentrées. D’ailleurs, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a reconnu qu’il s’agissait d’une très bonne solution à partir du moment où les salles d’audience répondent aux standards exigés par la Cour de cassation. En revanche, il a exprimé des réserves quant à l’utilisation de la visioconférence dans les audiences, considérant que cette solution est très délicate à mettre en œuvre s’agissant de personnes qui maîtrisent parfois mal la langue française. La mission d’information estime aussi que la pratique d’audiences déconcentrées et bien préférable à celles des audiences par visioconférence.

Dans ces conditions, il semble aujourd’hui urgent d’utiliser enfin au plus vite la salle d’audience de Roissy, construite il y a huit ans (27), en 2001, à l’initiative de M. Daniel Vaillant, alors ministre de l’Intérieur. D’après les informations données par le ministère de l’immigration, de nouveaux travaux seraient nécessaires pour respecter la symbolique judiciaire, notamment pour respecter les arrêts de la cour de cassation du 16 avril 2008 (28).

En 2004, le ministère de la justice a validé un programme d’extension du secteur judiciaire de la ZAPI. Il prévoit la création d’une deuxième salle d’audience, d’une salle de repos et de restauration pour les magistrats et la réorganisation de certains bureaux. Le ministère de l'intérieur a étudié ce projet d’extension en concertation avec les magistrats du TGI de Bobigny. Le programme a été officiellement validé par le directeur du cabinet du Garde des Sceaux en mai 2007.

Cette opération, dont le coût est estimé à 2,4 millions d’euros devait être réalisée en conception-réalisation. Le financement n’a toujours pas été mis en place pour l'instant, faisant prendre un nouveau retard à ce projet.

La mission d’information souligne qu’un CRA, et bientôt trois, sont situés au Mesnil-Amelot, c'est-à-dire à proximité immédiate des pistes de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, et donc non loin de la salle d’audience de la ZAPI 3. Y organiser les audiences de prolongation de la rétention des personnes retenues dans les CRA du Mesnil-Amelot permettrait de réduire fortement les nuisances liées aux escortes pour conduire les étrangers jusqu’au TGI de Meaux. Malheureusement, la salle d’audience se trouve dans le département de Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire en dehors du ressort du TGI de Meaux. En effet, l’article R. 552-1 du CESEDA précise que « le juge des libertés et de la détention compétent est celui du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l'étranger est maintenu en rétention ou assigné à résidence ».

Une modification de cette disposition réglementaire pourrait permettre au JLD du TGI de Bobigny d’être compétent pour les audiences de prolongation de la rétention des personnes retenues au Mesnil Amelot. Une autre solution consisterait à permettre au JLD du TGI de Meaux de siéger dans la salle construite à Roissy, ce qui nécessiterait probablement une modification législative puisque l’article L. 552-1 ne prévoit de telles audiences qu’à « proximité immédiate » du lieu de rétention. Il est fort possible que la Cour de cassation estime que la distance entre la salle d’audience et le CRA du Mesnil-Amelot, bien que réduite, ne permette pas de considérer qu’ils sont à proximité immédiate. Une dernière solution consisterait à construire une salle d’audience spécifique, à égale distance des trois CRA du Mesnil-Amelot.

Proposition n°3 : Développer l’utilisation de salles d’audiences déconcentrées situées à proximité des centres de rétention et au sein des zones d’attente.

3. Des modalités variables de fonctionnement des CRA

La liste des centres de rétention administrative est fixée, en application de l’article R. 553-1 par arrêté ministériel. L’arrêté du 21 mai 2008 dénombre ainsi 28 CRA, dont 25 en métropole et 3 en outre-mer (29).

Si les CRA font l’objet de règles très strictes quant aux normes d’hébergement et à la définition des droits dont disposent les personnes retenues, leur fonctionnement au quotidien est très variable, dépendant de nombreux facteurs.

a) La gestion des CRA

La lutte contre l’immigration irrégulière étant l’une des missions principales de la police aux frontières, il est logique que cette administration gère une majorité de CRA.

Ainsi, la PAF gérait, en 2008, seize CRA, soit une partie seulement des CRA gérés par la police nationale puisque quatre centres l’étaient par la Sécurité publique (30) et trois par la préfecture de police (31). En outre, la gendarmerie nationale gère cinq centres (32).

Le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé de confier la gestion de l’ensemble des CRA à la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF). Depuis le début 2008, cinq CRA de la Sécurité publique avaient d’ores et déjà été repris par la PAF (33), les quatre restants l’ont été en février 2009. Les CRA de la gendarmerie devraient être repris par la PAF d’ici 2010 : le nouveau CRA du Mesnil-Amelot dès septembre 2009 ; le nouveau CRA du Menil-Amelot 3 en février 2010 ; l’actuel CRA du Mesnil-Amelot 1 en septembre 2010 ; le CRA de Rennes en février 2011 ; ceux de Metz et Strasbourg en septembre 2011 et celui de Perpignan en décembre 2011.

Le directeur central de la police aux frontières, M. Jean-Yves Topin, a expliqué à la mission d’information que la gestion des CRA constitue une mission spécifique qui exige une expérience et une maîtrise de la procédure. Il a ainsi rappelé que le taux moyen de reconduite des personnes placées en CRA est de 51 %, mais qu’il n’était que de 30 % pour les CRA gérés par la sécurité publique, comme pour ceux gérés par la gendarmerie nationale. La gestion des procédures d’éloignement est en effet un métier, il faut savoir comment traiter les procédures dans les délais, être représentés devant le JLD. À Lyon par exemple, le taux de reconduite est de 76 %. À l’inverse, pour les autres forces de sécurité, la gestion d’un CRA est une contrainte qui vient s’ajouter à ses missions traditionnelles déjà très prenantes. En outre, les faibles taux de reconduite s’accompagnent généralement d’une durée moyenne de séjour en rétention plus élevée : cette durée était par exemple de 18 jours dans les centres de Vincennes avant l’incendie de juin 2008. En effet, lorsque les services de police ont davantage de difficulté à mener à bien les procédures d’éloignement, il est logique qu’ils soient conduits à utiliser davantage les procédures de prolongation de la rétention. Enfin, le directeur central de la PAF a indiqué que le coût moyen de la gestion d’un CRA est de 1,7 emploi par retenu pour la gendarmerie nationale, alors qu’il n’est que de 1,1 pour la PAF.

Dans ces conditions, il est regrettable de ne pas aller au bout de la logique de la réforme en confiant également les CRA parisiens à la police aux frontières.

LISTE DES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE MÉTROPOLE

CENTRE DE
RÉTENTION

SERVICE
GESTIONNAIRE

Capacité

Taux d’occupation réelle en 2008

Durée moyenne de rétention en 2008

Présence
de femmes

Présence
de familles

Création

BOBIGNY (93)

PAF

55

83%

8,19

NON

NON

2003

BORDEAUX (33)

PAF

24

71%

10,9

NON

NON

2003

COQUELLES (62)

PAF

75

85%

9,75

OUI

OUI

2003

GEISPOLSHEIM (67)

Gendarmerie

36

79%

13,47

OUI

NON

1991

LE MESNIL AMELOT (77)

Gendarmerie

140

90%

10,79

NON

NON

1995

LILLE LESQUIN 1 (59)

PAF

40

14%

10,17

NON

NON

1985

LILLE LESQUIN 2 (59)

PAF

96

69%

7,95

OUI

OUI

1996

LYON SAINT EXUPERY (69)

PAF

120

76%

9,96

OUI

OUI

1995

MARSEILLE CANET (13)

PAF

136

69%

11,46

OUI

OUI

2006

METZ (55)

Gendarmerie

30

71%

16,46

OUI

OUI

2007

NANTES (44)

PAF

8

84%

8,68

OUI

NON

1995

NICE AUVARE (06)

PAF

40

88%

8,01

OUI

NON

1986

NIMES (30)

PAF

126

33%

7,81

OUI

OUI

2007

PALAISEAU (91)

PAF

40

71%

9,84

OUI

NON

2005

PARIS VINCENNES 1 (75)

Préfecture de Police

140

93%

14,86

NON

NON

 

PARIS VINCENNES 2 (75)

Préfecture de Police

140

92%

15,96

NON

NON

2006

PARIS DÉPÔT (75)

Préfecture de Police

40

61%

8,04

Exclusivement

NON

1981

PERPIGNAN (66)

Gendarmerie

50

66%

7,90

NON

NON

2007

PLAISIR (91)

PAF

32

67%

10,68

OUI

OUI

2006

RENNES (35)

Gendarmerie

60

52%

11,58

OUI

OUI

2007

ROUEN OISSEL (76)

PAF

72

58%

9,35

OUI

OUI

2004

SÈTE (34)

PAF

28

42%

8,76

OUI

NON

1993

TOULOUSE 1 (31)

Centre actuellement inutilisé

PAF

37

   

OUI

OUI

 

TOULOUSE CORNEBARRIEU (31)

PAF

126

46%

11,77

OUI

OUI

2006

b) Des centres de capacité très variable

Au 21 juin 2008, à la veille de l’incendie des CRA de Paris Vincennes, la capacité maximale de rétention était de 1725 places. Elle est donc passée à 1502 places aujourd’hui, à la suite à la fermeture des deux centres de Vincennes et de celui du CRA de Bordeaux en janvier 2009.

Au moment du lancement du plan triennal de modernisation des CRA, en juin 2005, la capacité de rétention était de 943 places. Elle sera à terme portée à 1890 lorsque les projets en cours seront réalisés : construction de deux nouveaux centres totalement autonomes de 120 places chacun au Mesnil-Amelot, construction de deux modules supplémentaires de 60 places à Vincennes. (34)

Les 23 Centres de Rétention Administrative (CRA) de métropole, d’une capacité 1567 places en 2007, ont hébergé 35 246 personnes pour une durée moyenne de 10,51 jours. Le taux d’occupation sur l’année 2007 était de 76 %.

Les 3 CRA d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion) ont une capacité de rétention de 144 places.

La capacité des CRA est très variable puisqu’elle varie de 8 places (CRA de Nantes) à 140 places, qui constitue le plafond autorisé par la réglementation, atteint au CRA du Mesnil-Amelot et par les deux CRA de Paris-Vincennes jusqu’à leur destruction.

Si presque tous les centres accueillent à la fois des hommes et des femmes, ceux-ci étant cependant bien entendu séparés, seuls certains centres peuvent accueillir des enfants accompagnant leurs parents : il s’agit des centres de Coquelles, de Lille 2, de Lyon Saint-Exupéry, de Marseille-Canet, de Plaisir, de Rouen-Oissel et de Toulouse Cornebarieu.

Les CRA peuvent accueillir des étrangers en instance d’éloignement en provenance de tout le territoire. Toutefois, pour éviter de multiplier des escortes longues et fatigantes tant pour les représentants de forces de l’ordre que pour les personnes retenues, les CRA situés dans des zones connaissant une importante immigration clandestine connaissent une fréquentation plus importante et des taux d’occupation élevés, notamment ceux de la région parisienne. À l’inverse, certains centres connaissent un taux d’occupation très bas car ils ne sont utilisés que ponctuellement, à l’occasion d’afflux exceptionnel de personnes retenues : en effet, lorsque des nouveaux CRA modernes ont été construits à Toulouse et Lille, les anciens CRA de ces villes n’ont pas été fermés, contrairement à celui de Marseille-Arenc, mais ne sont utilisés qu’exceptionnellement.

II. LES CONDITIONS DE VIE DANS LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE ET LES ZONES D’ATTENTE SONT GLOBALEMENT ACCEPTABLES

A. UNE AMÉLIORATION CERTAINE DES CONDITIONS DE VIE DANS LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

Encore aujourd’hui, les centres de rétention administrative ont parfois une réputation de délabrement et d’inconfort, devenue totalement injustifiée. Comme l’a souligné, le contrôleur général des lieux de privation de liberté devant la commission des Lois, le 13 mai 2009, « les centres de rétention, parce qu’ils ont été agrandis récemment, sont souvent dans un état très convenable ».

1. Une situation longtemps dégradée faute de réglementation

L’administration s’est pendant très longtemps désintéressée de la situation matérielle des centres de rétention administrative et celle-ci n’était, incontestablement, pas satisfaisante, alimentant les critiques des associations de défense des droits des étrangers et des institutions internationales de protection des droits de l’homme.

Les deux principaux centres en service dans les années 1980 et 1990 —celui d’Arenc à Marseille et celui du dépôt du Palais de justice à Paris — offraient même des conditions d’hébergement inacceptables. Le comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe a ainsi eu l’occasion de dénoncer à plusieurs reprises les conditions de vie dans ces centres, notamment en 1996 où il avait estimé que ces centres étaient insalubres et susceptibles de transformer la rétention en traitement inhumain ou dégradant. Une nouvelle visite du CPT en 2000, alors que le « dépôt » était temporairement fermé, avait souligné que la situation du centre d’Arenc était toujours aussi intolérable que quatre ans auparavant. Dans un rapport rendu public en février 2006, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Alvaro Gil Roblès se montrait toujours très préoccupé par la situation dégradée de ces deux centres.

Dans son rapport pour avis sur les crédits de la police pour 2001 (35), notre ancien collègue Louis Mermaz dressait d’ailleurs un tableau particulièrement sombre de la situation des centres de rétention administrative, et des zones d’attente, en France. Dans un chapitre intitulé « Aux frontières de l’humanité : les zones d’attente et les centres de rétention », il qualifiait ces « geôles indignes » d’« horreur de notre République ». Après avoir souligné l’absence de tout encadrement juridique de la création des CRA et des conditions de leur fonctionnement, le rapport décrit les conditions particulièrement dégradées des centres qu’il a visités à Calais, Marseille, Paris et Choisy-le-Roi. Louis Mermaz n’hésite pas à indiquer que « la visite des centres de rétention brouille les repères de la citoyenneté et donne le sentiment de pénétrer dans un autre pays, à une autre époque, loin de la France de l’an 2000 ».

À Marseille, Louis Mermaz indiquait que le CRA d’Arenc était « un véritable blockhaus, qui semble dater d’une autre époque, d’un autre régime » et, s’il admettait une certaine amélioration des conditions dans les années précédentes, il considérait que celles-ci n’étaient pas « humainement décentes », marquées par le manque patent d’espace, une literie dégradée, des chambres accueillant jusqu’à 18 retenus, une cour de promenade s’apparentant davantage à un « enclos de zoo »… Il qualifiait globalement le lieu de « prison, très dégradée ».

Au centre du Palais de Justice de Paris, Louis Mermaz estimait également qu’il avait « tout d’une prison », il dénonçait la violence quotidienne, notamment à l’égard des travestis et transsexuels, retenus avec les hommes. En revanche, il considérait que les conditions de rétention dans la partie réservée aux femmes, notamment grâce à la présence des sœurs, étaient acceptables.

Les conditions de rétention à Choisy-le-Roi et Bobigny étaient particulièrement pointées du doigt par le rapport : les retenus n’y disposaient d’aucun accès extérieur, les locaux y étaient confinés, l’état sanitaire inacceptable alors qu’aucune présence médicale n’y était instituée et que la CIMADE y était absente. Le rapporteur pour avis s’interrogeait aussi sur le respect des droits des retenus, particulièrement celui à l’information.

Ce rapport très sévère, mais qui reflétait bien la situation de l’époque, se concluait par ces mots : « Une politique de lutte contre l’immigration clandestine, aussi nécessaire soit-elle, ne saurait justifier un reniement des principes qui font la grandeur de notre pays : la dignité de l’homme, le respect de son intégrité morale et physique, l’humanité ».

De même, dans un rapport publié en 2007, la Cour des comptes rappelait les conditions matérielles dans les CRA jusqu’en 2005 et elle soulignait aussi que « dans plusieurs CRA, parmi les plus importants, les conditions sanitaires et d’hygiène réservées aux étrangers étaient très dégradées et constituaient parfois une véritable atteinte à la dignité humaine ». (36)

Au total, lorsque la majorité actuelle est arrivée au pouvoir en 2002, il semble bien que les centres de rétention administrative intéressaient peu. Au gré des changements de majorité, il semble en effet que la situation matérielle des CRA soit restée particulièrement stable dans la médiocrité, voire dans l’indigence.

2. Une réglementation aujourd’hui adaptée et appliquée

a) La mise en place de normes minimales dans les CRA

L’état de délabrement d’une grande partie des centres de rétention administrative a conduit le Gouvernement Jospin à se saisir de la question. La réponse donnée à l’époque a constitué à mettre en place, pour la première fois, un cadre juridique strict des conditions d’ouverture et de fonctionnement des centres de rétention administrative. C’est ainsi qu’a été publié le décret n°2001-236 du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative. Ce décret fixe des normes matérielles et juridiques minimales dans ces lieux, en distinguant les centres de rétention administrative (CRA) d’une part et les locaux de rétention administrative (LRA) d’autre part. Les règles de fonctionnement et les normes qui s’appliquent aux CRA sont distinctes de celles des LRA.

Toutefois, ce décret ne fut jamais appliqué. Les normes qu’il édictait devaient être mises en œuvre dans un délai de trois ans et malheureusement, aucun plan budgétaire ambitieux d’ensemble ne fut lancé pour permettre le respect de cette période de trois ans. En conséquence, le délai de mise en conformité des centres fut repoussé d’un an en 2004, puis repoussé jusqu’au 31 décembre 2006 afin de tenir compte du lancement du plan triennal de rénovation des centres de rétention administrative en 2005 et de la publication du décret n°2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente, codifié aux articles R. 551-1 et suivants du CESEDA.

b) Un réel effort en faveur des Centres de rétention administrative depuis 2002

L’adoption de la loi du 26 novembre 2003 relatif à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a conduit le Gouvernement de l’époque à modifier profondément le cadre de la rétention administrative par l'augmentation des garanties offertes aux retenus dans l'exercice de leurs droits, en contrepartie de l’allongement de la durée de rétention. En effet, la durée moyenne de rétention était de 5 jours jusqu’en 2003 ; elle a ensuite doublé avec l’augmentation de la durée maximale de rétention et est aujourd’hui environ de 10 jours. Dans ces conditions, il n’était plus envisageable de laisser des personnes séjourner pour des durées plus longues, même si elles restent les plus basses d’Europe, dans des lieux n’offrant pas des conditions matérielles acceptables.

En dépit de la situation particulière de la France, caractérisée par une faible durée de rétention et l’existence de centres de rétention spécifiques pour les étrangers en instance d’éloignement, le Gouvernement français a fait le choix d’améliorer sensiblement la situation des centres de rétention pour tenir compte de l’augmentation, certes mesurée, de la durée de rétention. Aussi, pour faire face à ces nouvelles dispositions législatives un programme immobilier triennal a été lancé en 2005 afin de créer de nouvelles places en centres de rétention administrative par l'agrandissement des centres existants et la construction de nouveaux centres, tout en améliorant les conditions matérielles de la rétention administrative.

Ainsi, dès janvier 2005, un programme d’urgence a été mis en œuvre. Doté d’un budget de 2 millions d’euros, il a permis d’améliorer l’état des locaux existants et de les munir d’un certain nombre d’équipements élémentaires nécessitant un renouvellement ou faisant défaut jusqu’alors. Au-delà de ce programme, plus de 4,8 millions d’euros d’investissement ont été affectés aux travaux d’entretien et de réhabilitation des centres existants (Marseille Arenc, Paris dépôt, Nantes, Nice, Bordeaux et Bobigny) sur la période 2004-2005. Les centres de Nanterre et de Versailles qui ne répondaient pas aux normes ont été fermés et des travaux d’aménagement dans plusieurs centres ont permis une amélioration des conditions de rétention. Début 2005, la totalité des centres existants en métropole disposaient d’une cour de détente extérieure, d’une séparation hommes/femmes et de locaux de visites.

Ainsi, sans même attendre la livraison des nouveaux CRA répondant à l’ensemble des normes du décret de 2005, le Gouvernement avait fait le choix de consacrer des crédits importants à l’amélioration des centres existants, y compris ceux destinés à être fermé, comme celui de Marseille-Arenc. En effet, au cours de l’année 2006, ce centre fut fermé, à l’occasion de l’ouverture du nouveau CRA du Canet. De même, c’est également en 2006 que la partie « hommes » du CRA de Paris-Dépôt a enfin été fermée. Cette fermeture, liée à l’ouverture du deuxième centre de Vincennes, a permis d’agrandir et de moderniser la partie réservée aux femmes de ce CRA.

Pour autant, la visite de ce centre par la mission d’information lui a permis de constater que, malgré les réels efforts consentis, il reste tributaire de sa configuration particulière, au sein même des locaux du Palais de justice. Il en résulte nécessairement une impression de confinement liée au manque d’espace et un très faible accès à la lumière naturelle. Ces conditions demeurent néanmoins acceptables lorsque le CRA est réservé à l’accueil de retenus féminins, comme c’est sa destination habituelle. En effet, le taux d’occupation des CRA réservé aux femmes étant assez faible, les conditions d’existence y sont rendues plus faciles du fait du petit nombre de personnes retenues. De plus, s’agissant du cas particulier du palais de justice, il présente l’avantage de permettre la présence très utile des sœurs de la Congrégation de Marie-Joseph et de la miséricorde qui gèrent les prestations « hôtelières » et offrent une écoute et une attention personnalisées. En revanche, lors de la visite de la mission d’information, le CRA accueillait uniquement des hommes, afin de faire face aux conséquences de l’incendie des CRA de Vincennes, quelques semaines auparavant : elle a pu constater que les locaux n’étaient pas adaptés à la rétention d’hommes, du fait notamment du taux d’occupation beaucoup plus élevé des CRA accueillant des hommes, de l’encadrement policier qui doit alors être plus important, accentuant ainsi les problèmes de manque d’espace.

Mais globalement, le président de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente, M. Bernard Chemin, a pu estimé, lors de son audition par la mission d’information que « les CRA plus infamants ont heureusement été fermés (partie hommes du dépôt du Palais de justice de Paris, Marseille-Arenc) ou mis en sommeil (Toulouse Les Minimes, Lille) ».Concernant ces deux derniers centres, il a cependant estimé que le CRA de Toulouse les Minimes devrait être fermé définitivement, à la différence de l’ancien CRA de Lille, également réactivable, mais dans des conditions acceptables. À ces centres vétustes qui ont été fermés, il faut ajouter celui de Rivesaltes, très dégradé, qui a été fermé fin 2007, à l’ouverture du CRA de Perpignan.

Parallèlement à ces fermetures, des nouveaux centres ont donc été construits, lesquels ont ainsi pris en compte, dès le stade de la conception du projet architectural, les normes du décret de 2005. En outre, ces centres, contrairement à nombre de CRA plus anciens, sont spécifiquement conçus pour la rétention. Ainsi, au cours des années 2006, 2007 et 2008 les nouveaux centres suivant ont été livrés : Plaisir (32 places), Marseille- Le Canet (136 places), Toulouse-Cornebarrieu (126 places), Lille Lesquin II (96 places), Paris-Vincennes II (140 places), Nîmes (126 places), Rennes (60 places), Perpignan (48 places), Metz (30 places), Hendaye (30 places).

Grâce à cet effort, la réputation exécrable des CRA français n’est plus justifiée. On remarque d’ailleurs que les critiques à leur égard ont changé de nature. Désormais, les associations de défense des droits des étrangers, et notamment la CIMADE, ne mettent plus en avant le délabrement des CRA, mais insistent davantage sur la « politique du chiffre » qu’ils imputent au Gouvernement ou sur le caractère « déshumanisé » des nouveaux centres avec généralisation de la vidéosurveillance, des dispositifs de fermeture centralisée à distance…

Les institutions internationales se montrent également beaucoup moins sévères à l’égard des conditions d’existence dans les CRA. Par exemple, dans une étude demandée par la Commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures du Parlement Européen sur les «  Conditions des ressortissants de pays tiers retenus dans des centres (camps de détention, centres ouverts, ainsi que des zones de transit) », les auteurs soulignent, pour la France que « le constat général est celui d’une amélioration globale au fil des années de la prise en charge matérielle des étrangers retenus ». (37) Ce constat contraste avec celui concernant certains autres pays européens, s’agissant des conditions matérielles et d’hygiène. En effet, celles-ci « ont été considérées comme inacceptables, voir inhumaines et dégradantes, dans certains centres visités (ex : Chypre, Malte, Espagne, Italie, Grèce : constats de promiscuité, surpopulation, manque d’éléments nécessaires à l’hygiène de base). »

De même, à la suite de sa visite en France entre le 27 septembre et le 2 octobre 2006, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe notait que « les conditions de rétention dans les nouveaux CRA de Vincennes 2, de Palaiseau, de Marseille - le Canet et de Toulouse Blagnac 2 étaient satisfaisantes, et répondaient globalement aux différents critères énoncés dans le Décret n°2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente » (38). Soulignons que le CTP s’était montré très critique à l’égard des conditions de rétention des étrangers en France dans ses précédents rapports.

De la même façon, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Thomas Hammarberg, a présenté, en novembre 2008, un rapport (39) sur la France, traitant notamment du droit des étrangers. Si la presse a surtout retenu les critiques formulées par le Commissaire concernant la politique d’éloignement des étrangers en général, elle a souvent omis de préciser que le rapport soulignait aussi que « des modifications matérielles importantes ont (…) été entreprises pour améliorer les conditions d’accueil et d’hébergement des étrangers placés en rétention. Ainsi, trois nouveaux centres de rétention sont entrés en fonction en 2007 à Nîmes, Rennes et Metz. Ces travaux ont été salués par plusieurs associations rencontrées par le Commissaire ». Dans un rapport distinct consacré à la visite de la zone d’attente de Roissy et du CRA du Mesnil-Amelot (40), il était par ailleurs indiqué que « compte tenu des précédentes constatations, le Commissaire tient à souligner l’importance des efforts matériels entrepris afin d’améliorer les conditions de vie dans ce centre ».

3. Des conditions d’existence aujourd’hui acceptables dans les centres de rétention

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 30 mai 2005, les CRA sont soumis à des normes très précises et contraignantes, aujourd’hui codifiées à l’article R. 553-3 du CESEDA.

a) La taille des centres

La réglementation impose une capacité maximum de 140 places par centre. Ce maximum, uniquement atteint au Mesnil-Amelot, à Marseille Le Canet et, avant leur destruction par le feu, dans les deux centres de Paris-Vincennes, peut sembler élevé. Il est cependant bien inférieur aux pratiques constatées dans de nombreux pays européens : les centres de rétention allemands (41) peuvent ainsi comporter jusqu’à 600 places, le Centre de rétention espagnol situé aux Canaries peut accueillir 1 600 personnes, les centres de rétention britanniques ont généralement une capacité de 200 places.

Par ailleurs, la capacité maximum d’un centre a un caractère contraignant pour les autorités administratives et judiciaires (42). Contrairement à la situation en prison, toute « surpopulation » est impossible. En effet, lorsque la capacité d’accueil maximale est atteinte, ce qui est heureusement rare, aucun nouveau retenu ne peut être accueilli dans le centre, il doit alors être dirigé vers un autre centre disposant encore de capacité d’accueil. En cas d’impossibilité, l’étranger doit immédiatement être libéré, soit directement par le préfet soit, dans l’hypothèse peu probable d’un placement en rétention malgré tout, par le juge des libertés et de la détention. Ainsi, le fait de disposer d’un réseau de CRA dense sur l’ensemble du territoire permet non seulement d’éviter des déplacements et transferts trop long pour les personnes retenues, mais également d’éviter d’utiliser « à plein » leurs capacités d’accueil. De fait, quelle que soit la taille des centres, et tout particulièrement dans les plus grands, les responsables de CRA rencontrés par la mission d’information ont admis que l’ambiance y était bien meilleure lorsque la capacité maximum n’était pas atteinte.

Les membres de la mission d’information sont bien conscients que les centres ne doivent pas atteindre une capacité trop importante, afin de permettre un contact direct et quotidien entre les personnes retenues et les personnels chargés de la surveillance et de la vie quotidienne dans le centre. Ainsi, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, lors de son audition par la mission d’information, a rappelé qu’à l’occasion d’un déplacement au CRA de Metz, les gendarmes chargés de sa surveillance avaient admis que le passage de 30 à 90 places de ce centre allait modifier leurs pratiques, rendant plus difficile les contacts directs avec les personnes retenues. Le contrôleur général estime ainsi que le plafond autorisé de 140 places est trop élevé. Il rejoint ainsi les observations de M. Bernard Chemin, ancien président de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente, qui considère que « la taille des CRA joue un rôle très important dans l’ambiance dans les centres. Au-delà de 60 à 80, le climat s’en ressent, les sujets de tension entre les retenus sont plus nombreux ». Sans surprise, ce constat est partagé par M. Laurent Giovannoni, secrétaire général de la CIMADE, qui a estimé devant la mission d’information que les CRA ne devraient pas dépasser 80 places.

Si la taille des CRA est donc une donnée importante, la majorité de la mission d’information estime cependant que la configuration des centres importe plus que leur effectif théorique. Ainsi, le CRA du Mesnil-Amelot, bien qu’il atteigne l’effectif maximal de 140 personnes, offre des conditions de rétention tout à fait satisfaisantes.

À l’inverse, l’existence, à Vincennes, de deux CRA contigus de 140 places, partageant de nombreuses infrastructures et équipes d’intervenant, ne pouvait qu’accentuer une impression de confinement.

Au total, l’important est de disposer de modules à taille humaine, dans lesquels les retenus peuvent se déplacer librement, disposer de prestations adaptées, d’une cour de promenade, d’une salle de restauration, d’une salle de détente… Dans son deuxième et ultime rapport, rendu en 2008, la CRAZA estimait ainsi que « dans l’esprit de la commission, le centre de rétention « standard » devrait plutôt être limité à une grosse soixantaine de places, avec un vrai terrain de sport collectif, des espaces de vie commune (lieux de repas et de détente) où tous peuvent se réunir, et des unités de vie séparées regroupant, dans des chambres distinctes, une douzaine de lits. À dire vrai, ce type de centre existe : les centres de Rennes et de Perpignan parmi les derniers à avoir été mis en service, présentent globalement ces caractéristiques. ». (43)

Proposition n°4 : Veiller à la configuration des CRA afin de favoriser des constructions fondées sur l’existence de modules à taille humaine (60 à 80 places).

Le président de la mission d’information ne peut donc que se féliciter que cette approche ait été suivie à l’occasion de la reconstruction des centres de Vincennes. En effet, le choix a été fait de construire trois modules totalement autonomes de 60 places chacun. Pour avoir visité le CRA qui a rouvert en décembre 2008, le président de la mission d’information peut témoigner que les conditions de rétention sont bien meilleures de celles que l’on pouvait constater avant juin 2008. En effet, les parties communes (salles de détente, cour de promenade…) sont bien mieux adaptées à une population de 60 personnes qu’à un effectif de 140 personnes.

b) Le fonctionnement des centres au quotidien

Quelle que soit la propreté et l’aménagement des locaux, la vie quotidienne dans les centres dépend principalement de facteurs humains. C’est pourquoi, la façon dont les centres sont gérés par les personnels chargés de la surveillance est particulièrement importante.

Trop longtemps, la tendance a été observée d’affecter à la surveillance des CRA des personnels non formés à cet exercice, et donc souvent peu motivés. Comme l’a souligné M. Roger Beauvois, président de la CNDS, travailler dans un CRA exige une formation adaptée dont ne disposent pas naturellement des policiers formés pour servir sur la voie publique. Il estime que les qualités nécessaires s’apparentent davantage à celles qui sont demandées au personnel pénitentiaire.

En effet, il est souhaitable que les agents affectés à ces tâches cherchent à maintenir un contact constant avec les personnes retenues. D’après les auditons menées par la mission d’information, il ressort que les personnels issus de services « généralistes » (sécurité publique, préfecture de police) sont moins bien adaptés à ce type de missions que les fonctionnaires de la police aux frontières, qui connaissent mieux les problématiques liées aux questions migratoires, ce qui leur permet de tisser un meilleur contact avec les personnes retenues.

Proposition n°5 : Confier la surveillance des CRA à des personnels de police spécifiquement formés à cette mission.

La décision prise par le Gouvernement de confier progressivement la gestion de l’ensemble des CRA, à l’exception de ceux de Paris, à la police aux frontières va donc dans le bon sens. Cependant, cette décision a également pour conséquence la prise en charge par la PAF des CRA actuellement gérés par la gendarmerie nationale, ce qu’a regretté M. Bernard Chemin, ancien président de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente. Ce dernier considère en effet que les gendarmes ont généralement une attitude plus détendue avec les personnes retenues, ne sont pas en tenue d’intervention ni armés, contrairement aux policiers. M. Roger Beauvois estime aussi que les gendarmes font d’habitude preuve de davantage de discernement dans leurs relations avec les retenus. Néanmoins, si les gendarmes chargés de la gestion du CRA sont généralement des militaires spécialement formés à cette mission, il importe de préciser que les gendarmes affectés aux missions de surveillance des CRA sont des gendarmes mobiles qui ne sont pas formés à ce type de métier et qui ne restent dans le CRA que pour une durée limitée, ce qui les empêche de s’investir réellement dans cette mission.

Au total, beaucoup des interlocuteurs de la mission d’information ont salué le travail des forces de l’ordre dans les CRA qui, de l’avis général, effectue une mission difficile et peu considérée. Cependant, il leur est généralement reproché d’insister de façon excessive sur les considérations de sécurité. M. Laurent Giovannoni regrette par exemple une certaine déshumanisation dans les centres les plus récents, avec généralisation de la vidéosurveillance, des dispositifs de fermeture centralisée à distance…

De fait, comme l’a souligné M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, les pratiques sont très variables d’un centre à l’autre, par exemple sur les heures de couvre-feu, sur l’armement des policiers, sur les objets confisqués car réputés dangereux… Il a par exemple jugé anormal que les stylos soient quasi systématiquement confisqués alors qu’un stylo et du papier font partie du paquetage fourni à chaque détenu en prison.

Si la sécurité constitue un impératif que les services de police et de gendarmerie doivent prendre en compte, il serait néanmoins souhaitable que certaines directives soient données aux chefs de centre, qui sont nécessairement conduits à appliquer le « principe de précaution » en l’absence de consignes claires. Si la rétention constitue une privation de liberté, elle n’est pas une sanction et tout doit être mis en œuvre pour que les personnes retenues puissent vivre le plus normalement possible pendant cette période. C’est pourquoi, la mission d’information estime que certaines pratiques habituelles dans certains centres ne devraient pas être interdites par principe, mais appliquées de façon exceptionnelle, en fonction des circonstances.

En ce qui concerne la question du « couvre-feu », le président de la mission d’information remarque d’ailleurs une tendance à un régime plus « libéral » de la part des chefs de centre. Beaucoup ont en effet compris que l’ouverture des chambres en continu avait pour conséquence de faire baisser la pression et de réduire l’impression d’enfermement. La mission d’information estime que, en règle générale, les personnes retenues doivent être laissées libres de leurs mouvements au sein du CRA, y compris la nuit. Notamment, il n’est pas anecdotique de permettre aux personnes retenues qui fument de pouvoir le faire, dans la mesure où les bâtiments intérieurs des CRA sont « non-fumeurs ». La rétention est certainement un moment de stress, il importe donc de pouvoir laisser fumer à tout moment les personnes qui le souhaitent.

Proposition n°6 : Favoriser une certaine souplesse dans le fonctionnement des CRA, notamment en laissant une liberté de mouvement à l’intérieur du centre aux personnes retenues 24 heures sur 24.

Au total, les considérations de sécurité sont bien évidemment importantes, mais elles doivent être adaptées aux dangers réellement rencontrés. Des interdictions absolues, comme celle des stylos, destinées à empêcher des risques hypothétiques sont à proscrire. De même, le risque d’évasion conduit à prendre des décisions disproportionnées, comme dans ce centre où les panneaux de basket ont été enlevés à la suite d’une tentative d’évasion. Pourtant, les évasions sont très peu nombreuses et leurs conséquences sont à relativiser, dans la mesure où environ la moitié des personnes retenues quittent libres les CRA…

c) Les conditions d’hébergement

Le régime d’hébergement des personnes retenues est un critère essentiel permettant d’apprécier les conditions d’existence dans les CRA. L’article R. 553-3 du CESEDA prévoit ainsi que les chambres, non mixtes, ne doivent pas accueillir plus de six personnes et que les CRA doivent disposer de bloc sanitaire (comprenant des lavabos, douches et wc) pour 10 retenus. Cette norme a ainsi permis de faire disparaître les dortoirs collectifs qui existaient dans certains centres, comme celui de Marseille-Arenc.

Pour autant, l’ancien président de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente, M. Bernard Chemin a estimé que le nombre de six personnes par chambre et l’existence de sanitaires collectifs ne permet pas d’assurer suffisamment d’intimité. Il a toutefois reconnu que dans les nouveaux centres, le « référentiel national cadre de conception » des CRA., élaboré en mars 2005, par la direction de l’évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières du ministère de l’Intérieur, prévoit des chambres comportant deux lits. Dans ces nouveaux centres, les chambres disposent de sanitaires qui leur sont propres : c’est par exemple le cas dans les CRA de nouvelle génération de Marseille Le Canet ou de Lille Lesquin, visités par la mission d’information, qui offrent réellement des « prestations de type hôtelière » tout à fait convenables.

Plus globalement, le rapport 2007 de la CNCRLAZA estimait que les conditions sanitaires et d’hygiène sont « globalement correctes dans les CRA visités (…) elles sont en nombre suffisant et semblent correctement entretenues, quoi que plus difficilement dans les centres de taille importante ». La commission recommandait néanmoins que, « dans les constructions à venir, et dans les centres dont la réhabilitation est envisagée, ces installations soient systématiquement intégrées à la chambre ». La mission d’information partage cette recommandation, déjà systématiquement mise en œuvre dans les centres les plus récents.

Par ailleurs, la mission d’information a relevé que la CRAZA avait constaté que « les draps et couvertures sont fournis propres à chaque retenu lors de son arrivée et systématiquement lavés à son départ. Ils sont généralement renouvelés chaque semaine en cas de séjour long. Un nécessaire de toilette est distribué à tout arrivant ».

Enfin, le linge personnel peut faire l’objet d’un blanchissage gratuit, parfois quotidien comme à Marseille. Quant aux retenus ne disposant pas de suffisamment de linge, la mission d’information a pu constater, lors de ses visites, que les chefs de centre veillaient toujours à leur en fournir, en s’adressant à diverses associations. À Marseille par exemple, une convention avec la Croix-Rouge permet de fournir du linge aux retenus qui ne disposent pas des effets personnels nécessaires. Une convention équivalente existe avec le Secours catholique à Coquelles.

d) La restauration

L’article L. 553-3 du CESEDA prévoit l’existence de locaux pour la restauration, c'est-à-dire d’un réfectoire, Au travers des visites qu’elle a réalisées, la mission d’information partage les constats réalisés par la CNCCLRAZA : à savoir que l’agencement de ces réfectoires est correct et ne soulève pas de difficultés.

S’agissant de la nourriture servie aux personnes retenues, les membres de la mission d’information ont suivi la démarche de la CNCCLRAZA, en déjeunant sur place lors de leurs visites, pour tester la qualité des repas. Ceux-ci sont toujours réalisés par des prestataires privés dans le cadre de marchés publics passés à cet effet. La mission d’information peut témoigner que ces repas sont tout à fait satisfaisants tant à quantité, en qualité qu’en diversité nutritionnelle.

Le président de la CNCCLRAZA, M. Bernard Chemin, a ainsi indiqué à la mission d’information que « bien souvent, les repas qui leur sont servis, qui sont tout à fait corrects et adaptés aux pratiques religieuses, sont de meilleure qualité que ceux qu’ils prenaient à l’extérieur. Pour autant, beaucoup s’en plaignent néanmoins, mais cela est lié à des problèmes d’incompréhension de leur situation ». En effet, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent les personnes retenues, tout peut facilement être prétexte à incident : il a par exemple été rapporté à la mission d’information que dans certains centres, des retenus avaient refusé des plateaux-repas qu’ils considéraient comme périmés dans la mesure où ceux-ci comportaient une date, qui est en réalité la date de fabrication !

e) Les espaces de loisir et de détente

Au-delà de quarante personnes retenues, le CESEDA prévoit « une salle de loisirs et de détente distincte du réfectoire, dont la superficie est d'au moins 50 mètres carrés, majorée de 10 mètres carrés pour quinze retenus supplémentaires ». La mission d’information partage l’opinion de M. Jean-Claude Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, selon laquelle rien ne justifie cette distinction en fonction du nombre de retenus.

Concernant les espaces de détente et de loisir, l’autre obligation formulée par le CESEDA concerne l’existence d’un espace de promenade à l'air libre. Force est de constater que les réalisations sont très diverses dans ce domaine, allant du médiocre au très satisfaisant. Il est clair que les centres gérés par la gendarmerie nationale, notamment celui du Mesnil Amelot, tirent profit de leur étendue souvent plus vaste, en raison de leur construction à l’écart des grands centres urbains : il en résulte l’existence de divers bâtiments de type pavillonnaire construits sur une emprise conséquente où peuvent déambuler les personnes retenues. En outre, il est alors généralement possible de prévoir un terrain spécifiquement destiné à des activités sportives.

En revanche, dans les CRA situées en zone urbaine dense, la cour de promenade est parfois de dimension très réduite. M. Jean-Marie Delarue a ainsi cité l’exemple du CRA de Plaisir dont la cour de promenade est un petit patio dont les ouvertures sur l’extérieur ont été obturées, sans vision sur la forêt pourtant toute proche. Dénonçant le caractère parfois indigent de certaines cours de promenades, il a regretté qu’il n’existe aucune norme en la matière. Il est en effet étonnant qu’aucune superficie minimale ne soit imposée, ni aucune obligation relative à l’agencement de la cour de promenade.

Proposition n°7 : Prévoir des normes minimales concernant la superficie et l’équipement des cours de promenade.

Par ailleurs, le désœuvrement est généralement important dans les centres de rétention. Les gestionnaires de centre en sont conscients et tentent d’équiper au mieux les salles de détente et de loisir (présence de baby-foot ou de tables de ping-pong, de jeux de société, consoles de jeu…) dont le matériel est cependant rapidement détérioré. La principale distraction demeure cependant la télévision, ce qui incite certains chefs de centre à multiplier les abonnements afin notamment d’offrir aux personnes retenues l’accès aux chaînes de sport.

La mission d’information avait pu noter une initiative intéressante au CRA de Marseille-Le Canet. En effet, une association, l’ACICRA (association citoyenne des intervenants en CRA), composée d’étudiants bénévoles venaient proposer aux retenus diverses activités (poterie, atelier photo, théâtre, tennis-ballon…), très appréciées par les personnes retenues. Malheureusement, cette initiative très intéressante a pris fin, en raison de l’hostilité que ressentaient les intervenants de l’ACICRA de la part d’autres associations.

f) Des services médicaux efficaces

Dans tous les CRA visités par la mission d’information, les retenus bénéficient d’une assistance médicale très satisfaisante. Tout d’abord, les moyens déployés permettent d’offrir un service de qualité : des infirmières sont présentes tous les jours selon des plages horaires satisfaisantes ; un ou plusieurs médecins viennent très régulièrement dans les centres. En outre, chaque CRA a conclu une convention avec un centre hospitalier, permettant ainsi la prise en charge des urgences, ou la réalisation d’examens complémentaires ou de soins qui ne peuvent être prodigués dans les centres (soins dentaires par exemple).

Au-delà des moyens, les médecins et infirmières présents dans les centres sont très impliqués dans leur mission qu’ils accomplissent avec le plus grand dévouement. Ils sont en effet conscients que leur rôle n’est pas uniquement médical, mais aussi très important en terme d’écoute.

L’arrivée en rétention peut offrir aux retenus l’occasion de faire l’objet d’un bilan de santé, qui révèle des carences de soins dans de nombreux domaines. Par exemple, à Coquelles, compte tenu du mauvais état sanitaire des migrants du Calaisis, le passage au CRA leur permet « se refaire une santé » : le service médical du CRA de Coquelles a constaté 114 cas de gale en 2008 !

4. Le problème de la présence de mineurs en CRA

Régulièrement des articles de presse décrivent des situations poignantes dans lesquelles des personnes sont conduites dans des centres de rétention avec leurs enfants. La présence d’enfants dans des lieux d’enfermement peut en effet légitimement émouvoir.

M. Laurent Giovannoni, secrétaire général de la CIMADE, a ainsi estimé que la seule présence de mineurs dans un CRA est anormale et que l’on ne devrait donc même pas se poser la question de la bonne adaptation des CRA à la présence de mineurs.

Pour autant, il faut s’interroger sur la faisabilité d’éventuelles alternatives à cette situation. En premier lieu, il est impératif de préciser qu’il n’est pas possible de placer un mineur en rétention puisqu’il n’est pas possible de prendre une mesure d’éloignement à l’égard d’un mineur. Dans ces conditions, aucun mineur isolé ne peut se trouver dans un CRA. Peuvent seuls s’y trouver les mineurs qui accompagnent leurs parents, eux-mêmes soumis à une mesure d’éloignement.

Ces mineurs sont alors hébergés dans des secteurs spécifiques, dans des chambres que M. Bernard Chemin, ancien président de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente a qualifié d’adaptées, estimant qu’elles possédaient tous les équipements nécessaires à l’accueil d’enfants. M. Bernard Chemin a estimé que la présence des enfants de personnes soumis à une mesure d’éloignement en CRA était de loin préférable à l’alternative qui consisterait à placer ces mineurs dans des foyers de l’accueil social à l’enfance pendant la période de rétention de leurs parents. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a une position similaire, considérant que les installations destinées aux familles sont décentes dans les CRA, même si la présence de mineurs dans ces lieux peut les confronter à des situations difficiles, et que placer ces mineurs à l’aide sociale serait probablement pire pour eux.

La mission d’information n’estime donc pas possible d’interdire la présence de mineurs en CRA. Cela dit, il ne faut pas surestimer cette présence : ainsi le taux d’occupation des places « famille » était seulement, en 2008, de 15 %, contre une moyenne de 68 %. Au premier trimestre 2009, ce taux n’a atteint que 10 %. En effet, le directeur central de la police aux frontières, M. Jean-Yves Topin, a indiqué que les préfets choisissaient très souvent d’assigner les familles à résidence. En effet, les familles peuvent plus souvent justifier de garanties de représentation que les personnes célibataires. Afin d’augmenter encore le nombre de familles assignées à résidence plutôt que placées en rétention, il serait intéressant de lancer une réflexion sur la possibilité d’utiliser le placement sous bracelet électronique à domicile dans le cadre de la rétention administrative.

Proposition n°8 : Pour les familles placées en rétention, réfléchir à la possibilité d’utiliser le placement sous bracelet électronique à domicile dans le cadre de la rétention administrative.

5. Quelques difficultés persistantes

a) Certains centres de rétention anciens n’offrent pas des conditions d’accueil optimales

Au cours de ses visites sur le terrain, mais également par des témoignages recueillis lors des auditions ou à la lecture de rapports élaborés par des autorités de contrôle, la mission d’information a pu constater la nette amélioration de la situation matérielle des centres de rétention administrative. Certains exemples, comme celui du CRA de Lille par exemple, montre qu’il est possible de construire des centres grands, aérés et lumineux permettant d’accueillir les personnes retenues dans la dignité.

En effet, la pratique actuelle consiste à favoriser l’installation des CRA dans des bâtiments nouveaux, spécifiquement destinés à cette mission. Au contraire, les CRA les plus anciens occupaient généralement des locaux initialement destinés à d’autres activités (partie d’un commissariat ou d’un palais de justice, hangar, caserne militaire…) et n’offraient pas toujours des conditions de rétention acceptables. Beaucoup de ces centres ont été fermés (Marseille Arenc ou Perpignan Rivesaltes), mis en sommeil (Toulouse Les Minimes) ou convertis en simples locaux de rétention administrative (Nanterre, Cayenne en 2007-2008 avant sa mise aux normes)… Pour autant, certains CRA sont dans un état proche de la vétusté, tout en respectant les normes fixées par le CESEDA. D’après les rapports de la CNCCLRZA, rentreraient dans cette catégorie les CRA de Nice, de Toulouse les Minimes (en sommeil) et du Dépôt du Palais de justice. La mission d’information a visité ce dernier centre et peut confirmer que les conditions d’existence y sont peu agréables (promiscuité, lumière naturelle quasiment absente…). De l’avis général, de par sa configuration, il n’est guère possible d’améliorer la situation de ce centre, malgré les efforts déployés par les services de police et les sœurs de la congrégation de Marie-Joseph et de la miséricorde.

Proposition n°9 : Envisager à moyen terme l’ouverture d’un nouveau CRA à Paris afin de fermer le CRA du Dépôt du Palais de justice de Paris.

Le CRA de Nantes se caractériserait également par sa vétusté, laquelle serait compensée par sa petite taille qui permet de tisser des relations humaines entre personnes retenues et policiers. Ce CRA est d’ailleurs actuellement indisponible car des travaux de rénovation y sont réalisés.

b) La persistance d’incidents dans les CRA

Lors de ses visites, la mission d’information n’a pas eu l’occasion de ressentir l’ambiance tendue qui est susceptible d’y régner et qui peut déboucher sur des incidents parfois graves. Au contraire, elle a toujours pu s’entretenir avec des personnes retenues, qui n’hésitaient naturellement pas à faire valoir aux membres de la mission d’information le caractère injuste selon eux de la mesure d’éloignement qui les frappait. Par contre, ils ne faisaient jamais état de tensions avec le personnel d’encadrement. Pour autant, les personnes rencontrées au cours de ces déplacements, au premier rang desquels les personnels de services de police et de gendarmerie, n’ont pas cherché à dissimuler cette réalité : l’ambiance dans les CRA est parfois lourde, notamment entre personnes retenues qui n’hésitent pas à en venir aux mains au cours de rixes.

En effet, la rétention constitue une privation de liberté, même s’il ne s’agit pas d’une sanction. Dès lors, les conséquences de l’enfermement et de la promiscuité peuvent se traduire par des comportements violents. Mais, surtout, le placement en rétention étant destiné à préparer l’éloignement de l’étranger en situation irrégulière, il signifie bien souvent pour cette personne la fin d’un espoir et la perspective d’un retour difficile dans son pays. Ainsi, des manifestations de stress, de dépression, d’agressivité ne sont pas rares, qu’elles s’adressent à autrui ou prennent la forme d’automutilations, voire de tentatives de suicide (44).

Ces incidents ne sont pas toujours isolés et prennent parfois une dimension plus inquiétante, qui peut aller jusqu’à la destruction du CRA, comme à Vincennes en juin 2008 ou à Bordeaux en janvier 2009.

Dans ces conditions, il est inévitable que des incidents surviennent épisodiquement dans les CRA. D’après la majorité des personnalités entendues, les incidents ne s’expliquent pas par les conditions de vie en rétention, ni par l’attitude du personnel de garde. Le rapport 2007 de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente indique ainsi que « les violences dont peuvent parfois faire preuve certains retenus ne s’accompagnent, dans aucun des centres visités, d’une hostilité particulière et personnelle à l’encontre des forces de sécurité ayant pour mission d’assurer le bon fonctionnement du centre ».

Pour autant, il semble qu’il puisse y avoir un lien direct entre l’état de tension dans un centre et la façon dont il est géré : un souci trop marqué pour les questions de sécurité (multiplication des caméras, des postes de commande, présence de fils de fer barbelé…) se traduirait par une certaine déshumanisation de la rétention. Dès lors, ce n’est pas une présence policière trop importante qui provoquerait des incidents, mais au contraire une présence insuffisante des personnels de police ou de gendarmerie dans la zone de rétention. En effet, la mission d’information a pu constater que si les relations entre personnes retenues et policiers étaient bonnes, encore faut-il qu’elles soient suffisamment denses et suivies.

La configuration des CRA est donc susceptible de jouer un rôle dans la survenue d’incidents. Afin de maintenir une ambiance apaisée, la mission d’information recommande donc de limiter la capacité des CRA, afin que leur densité ne soit pas trop importante, notamment dans les espaces communs. De l’avis général, les incidents sont beaucoup moins nombreux lorsque les taux d’occupation sont faibles. En effet, les personnes retenues souffrent moins de la promiscuité et il est plus facile pour les personnels de police ou de gendarmerie de tisser des liens avec eux.

La mission d’information recommande donc de privilégier des constructions qui ne soient pas trop denses, et dont la capacité ne dépasse pas 80 personnes, sauf lorsque son emprise foncière permet d’atteindre une capacité plus importante, sans atteindre une densité trop élevée, comme au Mesnil-Amelot.

En outre, dans le domaine de la prévention des incidents comme dans d’autres, la présence d’un personnel spécifiquement formé à la mission de garde des CRA est un impératif.

Enfin, le président de la mission d’information souhaiterait insister sur une question qui n’est pas sans lien avec la survenance d’incidents dans les CRA : la présence de personnes condamnées à une interdiction du territoire français (ITF) dans les centres de rétention. En effet, ces personnes ont été condamnées à cette peine, soit à titre principal, soit à titre de peine complémentaire, pour avoir commis un crime ou un délit. Or, la coexistence de personnes sortant de prison après une condamnation pénale assortie d’une ITF et de personnes en instance de reconduite à la frontière est souvent à l’occasion d’incidents et de tension. Ces derniers n’apprécient d’ailleurs pas de côtoyer des « sortants de prison ».

Dès 1995, une première circulaire demandait aux préfectures de se rapprocher de l’administration pénitentiaire afin de préparer les formalités permettant l’éloignement des personnes condamnées à une ITF dès leur sortie de prison, sans qu’il soit nécessaire de les conduire en CRA.

Certes, depuis cette époque le nombre de mesures d’ITF prononcées, alors au-delà de 8000 par an, a considérablement diminué, en raison de la réforme de la double peine issue de la loi du 26 novembre 2003. Il en résulte donc que les mesures aujourd’hui prononcées concernent des personnes particulièrement dangereuses. Dans ces conditions, il est anormal que le taux de reconduite des personnes frappées d’une mesure d’ITF n’ait atteint que 40 % en 2006, 43 % en 2007 et 53 % en 2008..

LES MESURES D’INTERDICTION DU TERRITOIRE FRANÇAIS (MÉTROPOLE)

 

2006

2007

2008

Total des ITF prononcés

4 697

3 580

2611

ITF exécutés

1 892

1 544

1 386

Taux d’exécution

40 %

43 %

53 %

De fait, la mission a pu observer que de très nombreuses initiatives sont prises afin de limiter le passage en CRA des personnes condamnées à une ITF, notamment à Marseille et à Paris avec la présence permanente d’un fonctionnaire de la préfecture de police au sein même de la prison de la santé. Par ailleurs, le directeur central de la police aux frontières a indiqué qu’il avait décidé de réactiver une cellule d’identification, au bureau central d’éloignement, à Rungis, qui propose d’aider les préfectures à anticiper les procédures pour les sortants de prison.

M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a d’ailleurs fait remarquer à la mission d’information que, dans le cas de militants de l’ETA, l’administration a toujours réussi à mettre en œuvre des mesures d’expulsion dès la sortie de prison, montrant que cela est possible en s’en donnant les moyens.

Cependant, deux difficultés de fond sont à prendre en compte :

— la date exacte de la peine dépend du juge d’application des peines, juge du siège qui prend souverainement ses décisions ;

— l’éloignement effectif requiert la délivrance d’un laissez-passer consulaire par les autorités du pays dont la personne a la nationalité. La difficulté à obtenir un laissez-passer consulaire est certes une constante de l’ensemble des procédures d’éloignement, mais elle est difficilement acceptable lorsqu’elle s’explique par une difficulté d’identification de la personne. En effet, la difficulté pour l’administration de prévoir la date effective de sortie d’un détenu s’explique par l’existence de remises de peines. Or, un détenu ne devrait pas pouvoir bénéficier de telles remises de peine lorsqu’il fait lui-même obstacle à son identification par son consulat d’origine, en refusant par exemple de donner les renseignements nécessaires.

Proposition n°10 : Empêcher toute remise de peine à une personne condamnée à une interdiction du territoire français qui fait obstacle à sa reconnaissance par les autorités consulaires de son pays d’origine.

Par ailleurs, la mission d’information estime que devrait être envisagé le regroupement dans un même centre de rétention administrative des personnes frappées d’une mesure d’ITF, ainsi que ceux qui font l’objet d’un arrêté ministériel d’expulsion. Bien évidemment, aucun étranger en instance de reconduite à la frontière ne serait placé en rétention dans ce CRA.

Proposition n°11 : Regrouper dans un même CRA les personnes condamnées à une mesure d’interdiction du territoire français.

c) La nécessaire amélioration de la situation des locaux de rétention administrative

Dans son rapport d’activité 2008, le contrôleur général des lieux de privation de liberté écrit, s’agissant de l’état matériel, qu’il « convient de faire une nette différence entre locaux et centres de rétention ». En effet, M. Jean-Marie Delarue a estimé que si l’état général des CRA était tout à fait correct, il n’en allait pas de même des locaux de rétention administrative qui sont généralement installés dans des locaux mal adaptés à la rétention. Il a cependant fait observer que cet état globalement détérioré s’expliquait principalement par la présence des LRA au sein même des commissariats de police, eux-mêmes dans un état moyen peu satisfaisant.

Les normes applicables dans les LRA, où rappelons-le les personnes ne peuvent pas être retenues plus de 96 heures, sont en effet beaucoup moins contraignantes que dans les CRA. De fait, M. Delarue a indiqué que peu de LRA disposait de cour de promenade ou encore que les prestations médicales y étaient de beaucoup moins bonne qualité qu’en CRA. Par ailleurs, la surveillance y est généralement assurée par de jeunes gardiens de la paix sortant d’école qui estiment que cette mission ne relève pas de leur métier. Enfin, la présence associative, même si elle est possible, n’y est pas assurée de la même façon, ce qui peut fragiliser l’exercice de leurs droits par les étrangers, notamment lorsqu’ils se sont vus notifier un arrêté de reconduite à la frontière à l’occasion du placement en rétention. Dans cette hypothèse, il dispose en effet de 48 heures pour former un recours.

Il est vrai que la très grande majorité des locaux de rétention administrative a été installée dans des lieux dont la destination initiale n’était pas la rétention, il en résulte que l’agencement de ces locaux permet rarement d’accueillir dans de bonnes conditions les personnes retenues. Dans sa recommandation du 17 novembre 2008 relative au local de rétention de Choisy-le-Roi, le contrôleur général des lieux de privation de liberté recommande donc « à moyen terme l’implantation des locaux de rétention dans des immeubles conçus à cet effet ».

D’après les informations données à la mission d’information par le ministère de l’Immigration, 46 LRA sont utilisés de façon permanente en métropole, qui offrent une capacité de rétention de 255 places (241 hommes, 14 femmes). Or, parmi ces LRA, 31 ne seraient pas conformes à la réglementation pour diverses raisons : absence de téléphone en libre accès, absence de salle dédiée pour les visites des avocats, problème de libre accès aux douches, utilisation des cellules de garde à vue… Cette grande enquête lancée en 2009, qui n'avait jamais eu lieu auparavant, demandant un état des lieux aux préfets, permettra d’avoir un état des lieux précis des LRA. Lorsque leur mise aux normes serait trop coûteuse, il a été indiqué à la mission d’information qu’ils seraient fermés.

Après la livraison des deux nouveaux CRA du Mesnil-Amelot, le programme de rénovation des CRA aura été mené à bien. La mission d’information estime qu’il sera alors nécessaire de concentrer les efforts budgétaires sur les locaux de rétention administrative.

Proposition n°12 : Après le recensement de l’ensemble des locaux de rétention administrative (LRA), consacrer les efforts nécessaires à leur mise aux normes ou envisager leur fermeture lorsque cela n’est pas possible..

d) Le cas particulier de Mayotte (45)

Le CRA de Mayotte a une double spécificité. Tout d’abord, Mayotte relevant encore de la spécialisation législative, le CESEDA ne s’y applique pas directement, et notamment pas les normes minimales d’accueil dans les CRA. En outre, le CRA de Mayotte constitue en fait davantage une zone d’attente, puisqu’il accueille essentiellement des personnes venant par bateau d’Anjouan et interceptées en mer. Cette double spécificité explique que le CRA soit souvent saturé, hébergeant souvent le double de personnes de son effectif théorique de 60 personnes : le jour de la visite de la mission d’information, il accueillait par exemple 110 personnes.

La mission d’information a ainsi pu constater, comme l’avait dénoncé devant elle M. Roger Beauvois, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, que les conditions d’hébergement y étaient rudimentaires : hébergement dans une salle dépourvue de fenêtre, absence d’espace de promenade ou de détente et de télévision, couchage et repas pris au sol…

Incontestablement, ces conditions d’hébergement sont indignes, malgré la bonne volonté des fonctionnaires de la PAF qui font tout leur possible pour faire face à une situation rendue très difficile par l’afflux continuel de migrants en provenance d’Anjouan. Néanmoins, il faut remarquer que la durée de rétention y est extrêmement courte, une à deux journées, et que ces conditions de rétention difficiles ne sont pas critiquées par les personnes retenues elles-mêmes.

Pour tenir compte des critiques suscitées par cette situation, le secrétaire d’État à l’outre-mer, M. Yves Jégo, a annoncé la reconstruction du CRA de Mayotte en 2010. De plus, des travaux de rénovation ont d’ores et déjà été lancés qui ont abouti, comme la mission d’information a pu le constater, à isoler les sanitaires et les douches, à créer des espaces distincts pour les hommes et les femmes ainsi que pour la restauration. Le directeur adjoint de l’immigration, M. Jean de Croone, a indiqué à la mission d’information que ce projet constituait une priorité du ministre, mais que se posait un problème de financement, compte tenu de son coût budgétaire était élevé (18 à 20 millions d’euros pour un centre de 140 places). La mission d’information souhaite que les arbitrages interministériels permettent le financement rapide du nouveau CRA dont Mayotte a un besoin impératif.

Proposition n°13 : Doter dans les plus brefs délais Mayotte d’un CRA lui permettant d’accueillir dignement les étrangers en instance d’éloignement.

B. LES PERSONNES MAINTENUES EN ZONES D’ATTENTE BÉNÉFICIENT TRÈS MAJORITAIREMENT DE CONDITIONS DE VIE SATISFAISANTES

1. La ZAPI 3 à Roissy : une situation devenue satisfaisante

La zone d’attente pour personnes en instance, dite « ZAPI 3 » héberge 90% des étrangers faisant l’objet d’un placement en ZA (46). Les installations actuelles ont été inaugurées en janvier 2001 et dispose d'une capacité d'accueil de 164 places, toutes catégories confondues, dans un bâtiment autonome à proximité immédiate des installations aéroportuaires.

Les locaux de la ZAPI 3 sont parfaitement adaptés à l’hébergement des personnes maintenues en zones d’attente, ce qui n’était pas le cas des locaux utilisés jusqu’en 2001 et qui n’étaient pas initialement destinés à cette tâche. Dans son rapport déjà cité, notre ancien collègue Louis Mermaz dressait d’ailleurs une description très sévère des conditions de rétention observées à l’époque, marquées par la promiscuité, la saleté, la modestie des prestations d’assistance médicale ou matérielle.

La situation n’est plus comparable aujourd’hui. Comme l’écrit M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, « la ZAPI 3 est un centre d’hébergement tout à fait satisfaisant, ce qui a été constaté dans le Rapport 2006 » (47). Auditionné par la mission d’information, M. Olivier Brault, directeur général de la Croix-Rouge, présente en permanence dans la ZAPI, a confirmé que les conditions d’hébergement y sont correctes. La principale réserve qu’il formule concerne l’hébergement des mineurs de moins de 13 ans, qui n’est pas assuré dans la ZAPI, mais dans des hôtels à proximité, aux bons soins de « nurses » dépendant des compagnies aériennes qui ont acheminé ces mineurs. Cet hébergement est entouré d'une totale confidentialité en sorte que personne, pas même les services de la Croix Rouge ou les administrateurs ad hoc ne peuvent y avoir accès. M. Olivier Brault a indiqué que cette situation allait prendre fin, avec l’aménagement au sein de la ZAPI 3 d’un secteur particulier et isolé au rez-de-chaussée. Toutefois, les mineurs ne pourront pas accéder aux espaces extérieurs sans passer par la zone « adultes » et sa capacité ne permettrait pas, compte tenu du nombre de mineurs actuellement maintenus, de tous les héberger. Le projet d’aménagement définitif est conditionné au jumelage de ces travaux avec ceux de la zone théoriquement destinée au tribunal. Les diverses réticences quant à l’installation dudit tribunal laissent redouter une échéance lointaine entérinant les conditions précaires d’accueil des enfants.

Les prestations offertes (chambres, sanitaires, espaces communs de détente et de restauration…) correspondent globalement aux normes applicables dans les centres de rétention. Le constat fait par la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente, dans son rapport de visite de la zone d’attente, offre une description équilibrée de ces lieux : « L’ensemble s’apparente à un hôtel de confort moyen (« Formule 1 » selon une expression entendue), son état matériel ne donne lieu à aucune réserve particulière de notre part, les installations nous paraissent bien adaptées à leur fonction d’hébergement et maintenues dans un état d’entretien satisfaisant. Nous n’avons d’ailleurs entendu à ce sujet aucune récrimination particulière ».

Compte tenu de cette situation tout à fait correcte de la ZAPI 3, le titre du rapport 2008 de l’Anafé, « Inhumanité en zone d’attente », semble tout à fait excessif. Certes, ce rapport traite bien davantage de l’exercice des droits dans la zone d’attente que des aspects matériels, qui n’ont d’ailleurs pas fait l’objet de critiques de la part de la présidente de l’Anafé, à l’occasion de son audition par la mission d’information. Mais le choix d’un titre aussi polémique donne une vision totalement déformée de la réalité de la ZAPI 3, qui est un lieu adapté à sa mission, et où les étrangers maintenus peuvent disposer de conditions d’hébergement et d’assistance médicale tout à fait satisfaisant. Ce constat est d’ailleurs partagé par M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté. (48)

Néanmoins, la mission d’information est consciente que les conditions d’existence des personnes maintenues en zone d’attente sont susceptibles de ne plus correspondre à des standards acceptables, en cas d’afflux soudain de demandeurs d’asile à la frontière. En effet, il n’y a pas de capacité maximum d’une zone d’attente, contrairement à ce qui existe pour les CRA. Toute personne qui se présente à la frontière sans document de voyage en règle doit être maintenu en zone d’attente, qu’il existe ou non une structure d’hébergement adapté pour l’accueillir. C’est ainsi que des personnes peuvent être maintenues dans des zones d’attente d’aéroports de province dont les structures d’accueil sont rudimentaires (49)du fait du caractère exceptionnel de l’arrivée d’étrangers en situation irrégulière. De la même façon, il peut arriver que des personnes arrivant à Roissy soient maintenues dans des lieux ne répondant pas à des normes hôtelières, dès lors que la capacité de la ZAPI 3 est atteinte.

Ainsi, à la fin de l’année 2007 et au début de l’année 2008, un afflux soudain de personnes en provenance de Russie (Tchétchènes) et de Somalie a contraint la police aux frontières à accueillir une partie de ces personnes en dehors de la ZAPI 3, arrivée à saturation. Dans un premier temps, ces personnes ont dû passer parfois plusieurs jours dans une salle d’embarquement, c'est-à-dire en l’absence de lits, de douches ou de nourriture chaude. Si une telle situation n’est pas satisfaisante, il faut néanmoins noter que les autorités ont rapidement entrepris des mesures d’urgence en réquisitionnant un hall du terminal E pour y créer une nouvelle zone d’attente provisoire, dénommée la ZAPI 4, progressivement équipée de lits, de douches provisoires et des installations nécessaires pour servir des repas chauds.

Comme le souligne le rapport de visite de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente, « les conditions d'hébergement étaient collectives et sommaires, et les locaux sanitaires insuffisants, l'ANAFE comme la Croix Rouge rencontraient des difficultés matérielles pour y exercer leurs activités ». Mais, compte tenu du caractère imprévisible et soudain de l’afflux de migrants, les autorités ont géré au mieux cette situation, et même « avec humanité », selon le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Hammarberg. Cet exemple montre la difficulté de maintenir un niveau satisfaisant en matière d’hébergement des personnes maintenues, en cas de crise conduisant à un afflux de réfugiés. Dans sa réponse au rapport du commissaire Hammarberg, le Gouvernement français avait ainsi indiqué que la France serait conduite à envisager une extension des capacités d’accueil de la ZAPI 3, si ce type de crise venait à se renouveler. Cependant, en raison de l’instauration d’une obligation de visa de transit aéroportuaire pour les voyageurs russes en provenance d’un aéroport situé en Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Turquie ou Égypte, il a été mis fin au phénomène d’afflux massif de demandeurs d’asile en provenance de Tchétchénie, afflux qui était d’ailleurs déconnecté de toute raison d’ordre géopolitique.

2. Une situation à améliorer dans certaines zones d’attente

a) Les zones d’attente utilisées quotidiennement

En dehors de la zone d’attente de Roissy, deux autres zones d’attente disposent des installations nécessaires pour accueillir de façon régulière des personnes placées en zone d’attente à leur arrivée en France : celle de l’aéroport d’Orly et celle de Marseille Le Canet.

La zone d’attente de Marseille Le Canet est tout à fait adaptée à son usage. Celle-ci se trouve en effet au sein de la même enceinte que le CRA du Canet et se caractérise donc par les mêmes caractéristiques, très correctes, en terme d’aménagement et d’équipement. En outre, ses 34 places (17 hommes et 17 femmes) sont très rarement occupées, améliorant donc les conditions de rétention des personnes placées dans cette zone d’attente. Celle-ci étant juridiquement entièrement distincte du CRA, il n’est pas possible d’utiliser les capacités de la zone d’attente, même si elle est entièrement vide, pour accueillir des personnes placées en rétention.

L’autre zone d’attente utilisée quotidiennement, celle d’Orly, appelle davantage de commentaires. Cette zone d’attente n’est pas configurée pour accueillir des personnes plus de quelques dizaines d’heures. Pendant la journée, les personnes sont hébergées dans une grande salle collective d’une superficie de 190m² et d’une capacité de 20 à 25 personnes, équipée comme une banale salle d’attente de passagers avec une vingtaine de fauteuils alignés sur plusieurs rangées. Par ailleurs, cette salle n’est équipée d’aucun équipement de loisir (en dehors d’une télévision) et d’aucun accès à l’air libre. Certes, la nuit, les personnes sont transférées dans des chambres d’hôtel offrant des qualités de confort classiques, mais il reste que la promiscuité, l’absence de toute possibilité d’activité et d’accès à l’air libre ne permettent pas d’accueillir de façon satisfaisante des personnes pouvant être maintenues jusqu’à 20 jours. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le temps moyen du maintien en zone d’attente à Orly a fortement augmenté en 2008, passant de 33 heures en 2007 à 53 heures en 2008, à la suite de l’instauration d’une procédure de recours suspensif des mesures de non-admissions sur le territoire au titre de l’asile par la loi du 20 novembre 2007.

Toutefois, dans le cadre d’un projet de déplacement de la zone d’attente, il est prévu d’aménager un accès à l’air libre et d’aménager des locaux distincts pour les différents intervenants et visiteurs. Pour autant, la construction, un temps envisagé, d’un Centre de rétention administrative sur l’emprise de l’aéroport, qui aurait également compris un bâtiment destiné à servir de zone d’attente, aurait été nettement préférable. La mission d’information regrette que ce projet ait été finalement abandonné, sous la pression des riverains et des élus.

Proposition n°14 : Relancer le projet d’un Centre de rétention administrative sur l’emprise de l’aéroport d’Orly, qui comprendrait un bâtiment destiné à servir de zone d’attente.

b) Les zones d’attente utilisées ponctuellement

En principe, tout point d’entrée sur le territoire français en provenance de la zone « hors Schengen » dispose d’une zone d’attente, dans l’hypothèse où un étranger se présentant doit être placé en zone d’attente. Ainsi, on qualifie généralement de « zone d’attente » une portion des locaux habituellement réservés aux passagers, à relative proximité du poste de la PAF ou des douanes. Dans la journée, les personnes maintenues en zone d’attente évoluent donc librement au sein de la « zone internationale ». La nuit, la situation est très disparate : soit ils doivent dormir dans des lits de camp installés pour l’occasion, soit ils sont conduits dans des hôtels, soit la zone d’attente bénéficie d’une ou deux chambres spécialement destinées à cet usage mais au confort rudimentaire.

Le rapport 2008 de la commission de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente estime que l’on « est bien loin de ce qu'on peut appeler un équipement hôtelier et quelques zones, heureusement peu nombreuses, peuvent être considérées comme offrant des conditions d'accueil difficilement acceptables en cas de séjour un tant soit peu prolongé ».

Il faut cependant rappeler le caractère exceptionnel de l’arrivée de passagers en situation irrégulière nécessitant un placement en zone d’attente ainsi que la très courte durée du maintien en zone d’attente (variable de quelques heures à 2 ou 3 jours maximum, et exceptionnellement plus longue pour les faibles fréquences de vols sur certains itinéraires).

Il semble peu raisonnable d’exiger de l’ensemble des gestionnaires de gares, de ports et d’aéroport de mettre en place des zones d’attente correspondant aux mêmes critères de confort et d’équipement que la ZAPI 3 de Roissy alors qu’elles n’accueillent qu’exceptionnellement des personnes maintenues en zone d’attente, et pour des durées très courtes. En effet, il n'existe pas de réglementation spécifique sur les modalités d'hébergement en zone d’attente. Néanmoins, compte tenu de la possibilité d’un maintien en zone d’attente jusqu’à 20 jours (50), il semble indispensable de prévoir des normes minimales d'hébergement à partir d’une certaine durée de maintien en zone d’attente. De même qu’un étranger en instance d’éloignement ne peut pas être placé plus de 96 heures dans un local de rétention administrative, aux normes de confort beaucoup moins exigeantes que les centres de rétention administrative, un étranger ne devrait pas être placé plus de 96 heures en dehors d’une zone d’attente convenablement équipée. C’est par exemple le cas à Marignane où les personnes placées en zone d’attente sont transférées à la zone d’attente du Canet si elles doivent être maintenues plus de quelques heures.

Proposition n°15 : Prévoir des normes minimales d’hébergement lorsque le placement en zone d’attente dépasse 96 heures.

III. LES DROITS DES PERSONNES RETENUES OU MAINTENUES EN ZONE D’ATTENTE SONT GLOBALEMENT RESPECTÉS

A. LES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

1. L’information sur la situation individuelle : un droit à appliquer plus pleinement

L’article L. 553-5 du CESEDA prévoit les modalités d’information des personnes retenues sur leurs droits.

Il prévoit notamment que chaque CRA dispose d’un règlement intérieur, rédigé dans les langues les plus couramment utilisées, et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure d'éloignement et de rétention, ainsi que leurs conditions d'exercice. À leur arrivée au centre, un exemplaire de ce règlement intérieur, ainsi que d’un dépliant exposant leur droit de demander l’asile sont remis aux personnes retenues. Le règlement intérieur fait également l’objet d’un affichage, au minimum dans les six langues officielles de l’ONU (anglais, arabe, chinois, espagnol, portugais, russe). Certains centres disposent de la traduction de ces documents dans une trentaine de langues.

L’information ainsi fournie ne se heurte pas seulement à l’insuffisante maîtrise de la langue française chez certains retenus, mais parfois à la non-maîtrise de la lecture.

Proposition n°16 : Mettre à disposition des CRA un enregistrement vidéo ou audio du règlement intérieur dans les principales langues de l’ONU, qui pourrait être diffusé aux personnes retenues non francophones ou ne sachant pas lire.

Le droit à l’information des personnes retenues comprend également celui d’être informé de toutes les prévisions de déplacement les concernant (audiences, présentation au consulat, conditions du départ), « sauf en cas de menace à l'ordre public à l'intérieur ou à l'extérieur du lieu de rétention, ou si la personne ne paraît pas psychologiquement à même de recevoir ces informations, l'étranger est informé par le responsable ».

Force est de constater que ces dispositions sont appliquées de façon très différenciée. En effet, dans de très nombreux centres, cette information est donnée de façon parcellaire, au cas par cas, et généralement par l’intermédiaire de tiers (représentants de la CIMADE ou de l’OFII). Globalement, le secrétaire général de la CIMADE, M. Giovannoni, a estimé devant la mission que la règle générale était plutôt l’absence d’information, alors que la loi prévoit explicitement que l’information est le principe. Il est vrai que les dispositions législatives de l’article L. 553-5, dont la méconnaissance n’entraîne pas l’annulation de la procédure, sont relativement claires et semblent imposer la diffusion de ces informations, sauf circonstances particulières. D’ailleurs, le chef d’un centre où ces informations sont systématiquement affichées a indiqué qu’il agissait ainsi pour se conformer aux dispositions législatives. Le rapport d’activité 2008 du contrôleur général des lieux de privation de liberté indique également que la pratique consistant à ne pas donner systématiquement ces informations est « contraire à l’esprit de l’article L. 553-5 du CESEDA, lequel donne une liste limitée de situations dans lesquelles l’autorité peut se dispenser de donner l’information nécessaire ». S’il est possible de ne pas donner, au cas par cas, ces informations pour des considérations d’ordre public, il est totalement injustifié de refuser systématiquement de les donner au prétexte qu’une telle information est susceptible de troubler l’ordre public à l’intérieur ou à l’extérieur du centre.

Cependant, dans certains CRA, comme au Mesnil-Amelot ou à Vincennes, un tableau des perspectives de déplacement est affiché dans le réfectoire, ce qui rend l’information facilement accessible. Alors que la population de ces centres de la région parisienne n’est pas la plus facile en matière d’ordre public, les chefs de centre estiment que l’affichage des prévisions de déplacements tend plutôt à diminuer la tension que l’inverse. De plus, outre qu’il est peu conforme à la dignité des personnes retenues de les laisser dans l’ignorance de leur sort, cette pratique semble également contre-productive en matière d’ordre public. Au moment où la Police aux frontières s’apprête à prendre la gestion de la quasi-totalité des CRA. Le directeur central de la police aux frontières, M. Jean-Yves Topin, a reconnu que des pratiques diverses existaient en la matière, comme dans d’autres domaines, et que sa direction avait mis en place une unité de suivi des CRA (USCRA) qui va recenser l’ensemble des pratiques afin d’aider à la diffusion des bonnes pratiques.

Proposition n°17 : Généraliser la pratique consistant à afficher les perspectives de déplacement des personnes retenues, sauf exception dûment justifiée.

2. Le droit de demander l’asile en rétention

Tout étranger a le droit de formuler, en application de l’article L. 551-3 du Ceseda, une demande d’asile dans un délai de cinq jours suivant son arrivée au centre de rétention.

La mission d’information a pu constater que les chefs de centre se donnaient les moyens d’assurer la notification de ce droit dans des conditions satisfaisantes, en fournissant systématiquement un document indiquant ce droit de demander l’asile. La consultation des registres de rétention montre que les personnes qui arrivent au centre sont effectivement informées de cette possibilité.

Pour autant, certains interlocuteurs de la mission d’information estiment que la mise en œuvre effective de ce droit à demander l’asile est fragilisée par l’obligation de formuler la demande d’asile en français. Le décret n°2005-617 du 30 mai 2005, dont la légalité a été confirmée par un arrêt du 12 juin 2006 du Conseil d’État, n’impose la prise en charge par l’administration des frais d’interprétariat que dans le seul cadre des mesures d’éloignement, c’est-à-dire des mesures unilatéralement décidées par l’administration à l’égard des étrangers. À l’occasion des déplacements sur le terrain de la mission d’information, la principale doléance formulée par les représentants de la CIMADE concernant l’exercice de leurs droits par les personnes retenues concernait la non prise en charge des frais d’interprétariat par l’État. Pour autant, la mission d’information a vérifié auprès des chefs de centre que ceux-ci permettaient aux étrangers qui le souhaitent de demander le recours d’un interprète, à leurs frais, en leur communiquant les coordonnées téléphoniques des greffes des TGI qui disposent de listes d’interprètes traducteurs agréés.

La réglementation sur ce point est donc parfaitement respectée, mais certains souhaiteraient sa modification afin que les frais d’interprétariat des demandeurs d’asile en rétention soient pris en charge par l’État. Le président de la mission d’information ne voit cependant aucune raison de prendre en charge les frais d’interprétariat liés aux demandes d’asile en rétention alors que ces frais sont également à la charge des demandeurs s’agissant des demandes d’asile faites en dehors d’un centre de rétention. En effet, ces demandes en rétention ont parfois un caractère dilatoire : financer les frais d’interprétariat reviendrait à favoriser cette procédure alors même que la procédure de droit commun doit rester le dépôt d’une demande d’asile avant que l’étranger ne soit placé en rétention. En outre, les visites ont montré que la Cimade, par sa présence dans les centres, avait toute latitude pour aider les étrangers retenus à présenter leurs demandes d’asile, et ne s’en privaient d’ailleurs pas. Le président de la mission d’information considère donc que la subvention accordée à la Cimade, et demain à d’autres associations, pour assurer l’assistance juridique des personnes retenues doit permettre de les aider à remplir leurs demandes d’asile en français.

3. Le droit à une assistance juridique

L’article L. 553-6 du CESEDA prévoit qu’un décret en Conseil d'État définit les modalités selon lesquelles les étrangers maintenus en rétention bénéficient d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ.

En application de cette disposition, l’article R. 553-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prévoit la signature de conventions « avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. À cette fin, la personne morale assure, dans chaque centre dans lequel elle est chargée d'intervenir, des prestations d'information, par l'organisation de permanences et la mise à disposition de documentation. Ces prestations sont assurées par une seule personne morale par centre. »

Dans sa rédaction antérieure à la publication du décret du 22 août 2008, cet article ne prévoyait qu’une seule convention avec une association à caractère national. Ce rôle était assuré par la CIMADE, présente dans les CRA depuis 1985 et dont l’intervention était formalisée par une convention qui venait à échéance le 31 décembre 2008, et qui a été prolongée par un premier avenant jusqu’au 1er juin 2009. Pendant toute la durée des travaux de la mission d’information, la CIMADE intervenait donc seule dans les CRA pour accomplir la mission de soutien juridique. En moyenne, la subvention versée à la CIMADE pour accomplir cette mission atteignait 3,9 millions d’euros, lui permettant d’employer 64 permanents. (51)

La CIMADE assurait une présence dans tous les CRA de métropole et y exerçait, grâce à ses intervenants, une permanence effective à laquelle les retenus avaient largement recours et qui pouvait utilement les conseiller et les aider à faire valoir leurs droits et faciliter leurs démarches. De l’avis tant du président de l’ex CNCCLRAZA, M. Bernard Chemin, que du contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, la CIMADE accomplissait sa mission de façon très satisfaisante. La mission d’information a pu constater que les permanents de la CIMADE effectuaient un travail utile et sérieux, apprécié des personnes retenues. Pour autant, il est incontestable que les relations entretenues avec les personnels de police et de gendarmerie n’étaient pas dénuées de tension, ces derniers reprochant parfois aux personnels de la CIMADE une approche trop militante.

Néanmoins, la mission d’information souhaite souligner le caractère exemplaire de la législation française qui permet le financement d’une association agissant à l’intérieur même du CRA pour défendre les droits des étrangers retenus. Ce principe n’est nullement remis en cause, avec la fin du monopole de la CIMADE. En effet, l’appel d’offres lancé en décembre 2008 a permis de sélectionner les associations présentes dans les CRA en tenant compte de critères liés à leur compétence juridique, à la connaissance de la problématique des CRA, au tarif de leurs prestations… Un premier appel d'offres lancé en août 2008, avait été annulé le 30 octobre 2008 par le tribunal administratif de Paris, qui souhaitait notamment une meilleure définition des compétences juridiques des candidats, souhait pris en compte dans le nouvel appel d’offres qui a abouti à l’attribution des huit lots à six associations le 10 avril dernier. Le marché a été finalement signé le 10 juin 2009 (52).

Sur le fond, par un arrêt du 3 juin 2009, le Conseil d’État a rejeté une requête de la CIMADE tendant à l’annulation du décret du 22 août 2008 modifiant les modalités de l’assistance apportée aux étrangers placés en rétention administrative. Il juge notamment que la nécessité que les droits des étrangers placés en centre de rétention soient garantis dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire n’implique pas que les missions d’assistance à ces étrangers soient assurées par la ou les mêmes personnes morales sur l’ensemble du territoire national. Le décret pouvait donc décider de confier, par la voie d’un marché public, les missions d’assistance à des personnes morales différentes pour chaque centre de rétention administrative. Il estime néanmoins que les conventions conclues dans ce cadre ne sauraient se limiter à l’information des étrangers mais doivent comprendre également des actions d’aide à l’exercice de leurs droits par les étrangers. Il indique également que l’État ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social, pour assurer le bon accomplissement de ces missions d’accueil, de soutien et d’information prévues par la loi.

À partir du 2 juin 2009, les associations suivantes devaient être chargées de la mission d’assistance juridique aux étrangers en rétention :

— la CIMADE : lot 1(Bordeaux, Nantes, Rennes, Toulouse et Hendaye) ; lot 4 (Nîmes, Perpignan et Sète) ; et Lot 6 (Mesnil-Amelot 1, 2 et 3) ;

— l’ordre de Malte : lot 2 (Lille 1 et 2, Metz, Geispolsheim),

— Forum Réfugiés : lot 3 (Lyon, Marseille et Nice) ;

— France Terre d’Asile : lot 7 (Palaiseau, Plaisir, Coquelles et Rouen-Oissel) ;

— l'ASSFAM (Association service Social familial migrants) : lot 8 (Bobigny et Paris) ;

— Collectif Respect : Lot 5 (Outre-Mer).

Cependant, par une ordonnance du 30 mai 2009, le tribunal administratif de Paris a suspendu l’exécution de ce marché, dans l’attente d’une décision au fond. La mission de la CIMADE dans l’ensemble des CRA a donc été prolongée pour trois mois.

Un éventuel changement ne devrait nullement entraîner une baisse de la qualité des prestations d’aide juridique fournies aux personnes retenues. À cet égard, le directeur adjoint de l’immigration, M. Jean de Croone, a indiqué à la mission que l’enveloppe budgétaire consacrée à cette mission devrait augmenter puisqu’elle devrait atteindre 4,7 millions d’euros. En tout état de cause, il sera essentiel d’apporter une attention soutenue à la façon dont les nouvelles associations présentes en CRA assureront leur mission. La mission d’information souhaite que le Gouvernement prenne en compte les observations que le contrôleur général des lieux de privation de liberté ne manquera pas de faire sur la façon dont les différentes associations retenues mèneront leurs missions. S’il s’avérait qu’une ou plusieurs de ces associations n’offraient pas un service satisfaisant, le Gouvernement devrait alors en tirer les conséquences.

Par ailleurs, M. Jean-Marie Delarue avait estimé devant la mission d’information qu’en cas de pluralité des intervenants associatifs, il serait souhaitable qu’une coordination de leurs actions soit mise en place car l’une des forces de la CIMADE était qu’elle disposait d’une vision d’ensemble de la situation des centres de rétention. Or, les associations retenues, à l’exception de la CIMADE, ont d’ores et déjà mis en place un comité de pilotage afin de réunir les informations utiles à une vision globale de la situation dans les centres de rétention en France métropolitaine et outre-mer.

Le président de la mission d’information souhaiterait rappeler que la mission confiée aux associations concerne d’abord l’information donnée aux personnes retenues et le conseil juridique. De par leur mission, ces personnes constituent certes un regard extérieur et exercent nécessairement un rôle de contrôle. Néanmoins, la mission indispensable de contrôle des centres de rétention administratifs appartient à d’autres intervenants : autorité judiciaire et contrôleur général des lieux de privation de liberté. Si l’autorité judiciaire utilise parfois avec parcimonie son pouvoir de contrôle des CRA, ce n’est pas le cas du contrôleur général qui, en moins d’un an d’existence, a déjà pu faire des observations générales particulièrement pertinentes dans son rapport annuel ainsi que des remarques spécifiques à l’occasion de chacune de ses visites de centre ou de local de rétention administratif.

Le droit à l’assistance juridique comprend également le droit de consulter un avocat.

Lorsqu’ils comparaissent devant les juridictions administratives ou judiciaires, les personnes retenues peuvent bénéficier sans problème de l’assistance d’un avocat en raison des dispositions généralement prises par les barreaux pour assurer une permanence de leurs membres en matière de droit des étrangers et de l’existence de l’aide juridictionnelle.

En revanche, la mission d’information a pu constater au cours de ses visites qu’il était extrêmement rare qu’un avocat, qui dispose pourtant d’un droit de visite permanent, vienne rendre visite à une personne retenue.

L’ancienne CNCCLRAZA avait ainsi été amenée à recommander la mise en place d’une permanence d’avocats dans les centres de rétention. Les représentants de la profession d’avocat ont reconnu devant la mission d’information que les avocats n’étaient pas assez présents dans les centres de rétention, même s’il existe des exceptions, notamment dans la capitale où le barreau de Paris a mis en place un dispositif afin d’assurer une vraie présence en CRA. Par ailleurs, une convention signée le 15 juillet 2007 entre la CIMADE, le Conseil national des barreaux et la conférence des bâtonniers afin de mieux organiser la défense des étrangers reconduits. Cependant, une plus grande présence des avocats en rétention se heurte à un obstacle financier alors que la collectivité fournit déjà un effort budgétaire important en faveur dans ce domaine, par l’intermédiaire des conventions conclues avec les associations.

4. Le droit à une assistance matérielle

En application de l’article R. 553-13 du CESEDA, les étrangers retenus bénéficient « d'actions d'accueil, d'information, de soutien moral et psychologique et d'aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, qui portent notamment sur la récupération des bagages des personnes retenues, la réalisation de formalités administratives, l'achat de produits de vie courante et, le cas échéant, les liens avec le pays d'origine, notamment la famille ». Ces prestations sont à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), établissement public qui a succédé à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). Un arrêté du 2 mai 2006 précise les différentes missions de lOFII en CRA :

– acheter pour les personnes retenues les biens de consommation courante dont elles peuvent avoir besoin. Cette mission est très codifiée : notamment, le bien doit être fourni dans les 24 heures suivant la demande. Environ 300 000 euros sont réalisés chaque année. Ces achats concernent principalement les cigarettes et les cartes téléphoniques. À ce propos, il serait souhaitable que l’ensemble des CRA disposent de distributeurs automatiques de cartes téléphoniques, permettant ainsi aux étrangers d’exercer leur droit de disposer d’un téléphone en cas d’absence des agents de l’OFII, le week-end par exemple (de nombreux retenus ont été libérés par le JLD de Lille, en raison de l’impossibilité pour le retenu de disposer d’une carte pendant une durée de 48 heures) ;

— récupérer les fonds appartenant aux retenus : les opérations financières sont très diverses (fermeture de compte, récupération de salaires, remboursement de titres de transport…). Cependant, le retrait de mandats constitue la principale opération réalisée : au premier semestre 2008, 809 mandats ont été retirés représentant des sommes de 101 219 euros. L’APRF est utilisé pour prouver l’identité ;

— la récupération des bagages : il s’agit d’une activité épisodique. Au premier semestre 2008, 172 démarches ont été entreprises, dont 172 ont abouti. La récupération se fait dans un rayon de 100 km autour du CRA et ne se fait qu’en présence d’un tiers car les médiateurs de l’OFII refusent de se rendre seuls dans le domicile d’un retenu, même si celui-ci fournit les clefs ;

— le soutien psychologique : les médiateurs reçoivent les retenus en entretien (15235 premiers entretiens et 19611 entretiens complémentaires au premier semestre 2008) au cours desquels ils les informent sur la vie au centre, les aident à prépare leur retour…

La mission d’information a pu constater l’importance de cette mission de soutien matériel. Néanmoins, la mise en œuvre de cette mission par l’OFII n’est pas exempte de critiques, dont les moyens sont souvent considérés comme insuffisants. Ainsi, l’OFII aurait de grandes difficultés, que confirment ses agents sur le terrain, à recouvrir les fonds des personnes retenues, ainsi que leurs bagages.

L’OFII est l’organisme chargé de gérer les dispositifs d’aide au retour, mais exerce peu cette mission en CRA. En effet, une circulaire du 6 décembre 2006 exclut les personnes placées en rétention de la possibilité de bénéficier de l’aide au retour. Une note du 15 janvier 2008 de la direction générale recommande de mettre en place systématiquement une information aux retenus « libérés », ce qui s’avère très difficile concrètement. Dans la mesure où ces personnes restent soumises à une mesure d’éloignement, il serait en effet utile de les informer sur le dispositif d’aide au retour dont ils pourraient bénéficier uniquement en cas de libération.

Dans la pratique, la délivrance d’une information sur l’aide au retour dépend des chefs de centre et des préfets. En effet, si l’aide au retour est gérée par l’OFII, c’est le préfet qui l’accorde, par exemple lorsqu’il pense qu’une procédure d’éloignement est vouée à l’échec.

Proposition n°18 : Modifier la réglementation afin de permettre de proposer l’aide au retour volontaire aux personnes en rétention, qui pourraient ainsi en bénéficier en cas de libération.

5. Le droit de communication avec l’extérieur

Dans tous les CRA, en application de l’article R. 553-3 du CESEDA, existent des locaux pour les visites des familles et des autorités consulaires. La mission d’information a pu constater que ces locaux étaient très inégalement utilisés. Dans les grandes agglomérations, les visites des familles sont relativement fréquentes, ce qui n’est pas le cas lorsque le CRA ne se trouve pas en zone urbaine, étant alors peu accessible par les transports en commun. Ce type de centre a cependant l’avantage de disposer d’une emprise foncière plus importante, permettant d’offrir des espaces de détente plus grands aux personnes retenues. Il est vrai que lorsque les CRA sont difficilement accessibles, il est souhaitable que la durée des visites ne soit pas trop courte. La Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente recommande ainsi que la durée des visites des familles ne soit jamais inférieure à 30 minutes.

Au-delà des visites des familles, le maintien d’un contact avec l’extérieur passe par la possibilité d’avoir accès à un téléphone librement, ce qui distingue très clairement le régime de la rétention du régime carcéral où l’usage du téléphone est très réglementé.

Le CESEDA impose ainsi un téléphone en libre accès pour 50 retenus. La mission d’information a pu constater que les centres sont équipés de cabines téléphoniques en nombre suffisant et disposent de plus en plus de distributeurs automatiques de cartes de téléphones. En effet, certains JLD, notamment à Lille, n’hésitent pas à mettre fin à des rétentions au motif que le droit d’accéder à un téléphone n’est pas respecté, en dépit de la présence d’une cabine téléphonique, dès lors qu’ils ne peuvent pas se procurer une carte téléphonique en permanence.

Par ailleurs, dans tous les CRA, les personnes retenues peuvent conserver l’usage de leur téléphone portable. Toutefois, dans la quasi-totalité des centres, elles ne peuvent pas conserver les appareils comportant un appareil photo numérique, lesquels tendent pourtant à devenir majoritaires sur le marché. Il semblerait même que les quelques CRA où cette règle n’était pas appliquée sans que cela ne pose de problèmes comme à Coquelles, aient été rappelés à l’ordre. En effet, les fonctionnaires de police craignent que la diffusion d’images tronquées, d’opérations de maintien de l’ordre par exemple en cas de bagarres entre retenus, ne soient systématiquement interprétées de façon défavorable pour les policiers. Compte tenu de la force de l’image, cette crainte ne semble pas dénuée de fondements.

La mission d’information a par ailleurs pu constater les efforts de pragmatisme faits par les chefs de centre pour atténuer les conséquences de cette règle. Les personnes retenues peuvent ainsi toujours conserver la puce de leur téléphone, ce qui leur permet donc de téléphoner avec l’appareil d’un autre retenu ou qui leur aurait été apporté par un membre de la famille. Dans certains CRA, les téléphones munis d’appareil photos sont conservés à la bagagerie et peuvent y être utilisés lorsque la personne retenue s’y rend, dans la plage horaire d’ouverture de ce lieu.

Néanmoins, il reste problématique qu’une partie importante des personnes retenues ne puissent pas avoir accès à son téléphone portable, outil très utile notamment pour préparer son retour. En premier lieu, il est regrettable que la confiscation des téléphones munis d’un dispositif de prise de vue soit devenue une règle systématique, décidée au plan national, alors que dans certains centres particulièrement « calmes », aucun problème n’avait été constaté. En second lieu, dans les autres cas où l’application de cette règle se justifie, les chefs de centre devraient systématiquement proposer une solution afin que les personnes retenues puissent avoir accès à un téléphone portable : ils pourraient par exemple disposer d’un lot de téléphones anciens sans appareil photos qui pourraient être récupérés auprès des opérateurs, ou encore généraliser la possibilité d’un accès aux téléphones dans une pièce, ou laissés aux bons soins de l’association chargée de l’assistance juridique…

Proposition n°19 : Inciter les chefs de centre à proposer systématiquement une solution permettant aux personnes retenues d’avoir accès à leur téléphone portable.

B. LES ZONES D’ATTENTE

1. Le droit au bénéfice du jour franc

D’après les chiffres donnés par la Croix-rouge française, 10 684 personnes ont été hébergées en 2007 dans la ZAPI 3 de Roissy, à comparer aux 14 631 personnes maintenues à Roissy par la PAF cette année-là. En effet, toutes les personnes placées en zone d’attente ne rejoignent pas la zone d’hébergement. Chaque aérogare dispose de locaux d’attente où sont notamment dirigés les étrangers contrôlés et dénués de documents de voyage réguliers. À l’issue d’opérations de contrôles plus approfondies, les personnes maintenues en aérogare peuvent être immédiatement refoulées si elles n’ont pas expressément demandé à bénéficier du « jour franc », ou si leur demande d’asile a reçu un avis négatif, à la suite duquel une mesure de refus d’admission sur le territoire français a été prononcée.

En effet, depuis la loi du 26 novembre 2003, le droit à bénéficier d’un jour franc avant le réacheminement n’est plus systématique mais doit être demandé par l’étranger, à qui l’existence de ce droit est bien évidemment notifiée dans une langue qu’il comprend. Cette disposition est nécessaire car certains non admis ne souhaitant pas bénéficier du jour franc et préfèrent un réacheminement à un placement en zone d’attente. Il est désormais possible de procéder à celui-ci avant l’expiration des 24 heures contribuant ainsi au soulagement de la zone d’attente, notamment à Roissy. Il est ainsi possible de réacheminer ces personnes en utilisant le vol retour, ce qui est particulièrement important pour certaines destinations sur lesquelles les fréquences sont peu élevées.

L’Anafé, association qui dispose depuis 2004 du droit d’accéder à la zone d’attente de Roissy pour veiller au respect des droits des étrangers qui se présentent aux frontières, estime que l’obligation pour l’étranger de demander à bénéficier du jour franc vide ce droit de sa substance. L’Anafé considère que les étrangers arrivant à la frontière ne sont pas à même de comprendre l’importance de demander à bénéficier de ce droit. Les étrangers comprendraient en effet mal le sens et la portée des notifications qui leur sont faites.

Pourtant, tout est fait pour que les étrangers comprennent leur situation juridique. Ainsi, dans son rapport de visite de la ZAPI 3, la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente indique avoir « pu constater qu’il était fait appel, chaque fois que cela s’avérait nécessaire, aux services d’un interprète. À cette fin, des contrats ont été conclus avec des cabinets privés et des traducteurs, pour toutes les langues en usage à l’ONU, sont présents de 7 heures à 21 heures, des traducteurs pour d’autres langues étant disponibles en quelques heures. Il existe aussi des possibilités d’interprétariat par téléphone » ; Le rapport ajoute que ces dispositions « ont paru suffisantes pour permettre à la plupart de ces étrangers de comprendre la raison de leur audition. De même, ils ont la possibilité d’entrer en contact téléphonique avec des personnes de leur choix s’ils en expriment le souhait ou le besoin ».

2. Le droit de demander l’asile à la frontière

La procédure de l'asile à la frontière permet d'autoriser ou non à pénétrer sur le territoire français les étrangers qui se présentent aux frontières démunis des documents requis et qui demandent à y être admis au titre de l'asile. Pour déposer une demande d'asile en France auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), un étranger doit se trouver sur le territoire français. Un étranger maintenu en zone d’attente ne peut donc pas faire une demande d’asile. Par contre, il a le droit de demander l’admission au territoire au titre de l’asile. Si cette admission est acceptée, il quittera la zone d’attente et pourra formuler sa demande d’asile auprès de l’OFPRA.

L'étranger qui sollicite l'asile à la frontière peut le faire dès son arrivée ou à tout moment durant son maintien en zone d'attente. Il ne peut pas être éloigné avant que le ministre de l'immigration se soit prononcé sur le caractère manifestement infondé ou non de sa demande. En pratique, la décision du ministre s’appuie sur l’avis donné par des agents de l’OFPRA qui étudient la demande d’admission au titre de l’asile, afin de vérifier que celle-ci n’est pas manifestement infondée et motivée, en fait, par des raisons migratoires.

Depuis la loi du 20 novembre 2007, les garanties offertes à l’étranger sont particulièrement étendues puisque celui-ci bénéficie de la possibilité de formuler, dans un délai de 48 heures, un recours suspensif d’une éventuelle décision de non-admission. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné par lui statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine. Pendant le délai de recours et jusqu'à ce que le juge ait statué, aucune mesure d'éloignement ne peut être prise.

Malgré ces progrès, les modalités de l’asile à la frontière restent critiquées par l’Anafé. Son ancienne présidente, Mme Hélène Gacon, a insisté auprès de la mission d’information sur le caractère très bref du délai de 48 heures donné à l’étranger pour former son recours. Elle estime qu’il est matériellement difficile de rédiger un recours argumenté dans ce laps de temps, surtout quand les étrangers ne peuvent pas bénéficier du concours d’une association : le week-end par exemple ou dans les aéroports de province. La possibilité pour le président du tribunal administratif de rejeter par ordonnance « de tri » les requêtes entachées d'une irrecevabilité manifeste ou manifestement mal fondées est également très critiquée.

Pourtant, la mise en œuvre des dispositions de la loi du 20 novembre 2007 a incontestablement entraîné une augmentation de la demande d’asile à la frontière, signe que les étrangers maintenus en zone d’attente ont bien compris qu’ils pourraient ainsi bénéficier d’un recours suspensif. La police aux frontières de Roissy-Charles de Gaulle a ainsi enregistré en 2008 5 781 demandes d’asile à la frontière contre 5 014 en 2007 soit une augmentation de 15 %. À Orly, la progression est encore plus impressionnante : 226 demandes d’admission sur le territoire au titre de l’asile y ont été déposées en 2008, contre 84 l’année précédente. Quant au dispositif de recours suspensif proprement dit, il est massivement utilisé : en 2007, avant l’entrée en vigueur du nouveau dispositif, 92 référés liberté avaient été formés à la suite d'un refus d'entrée au titre de l'asile ; en 2008, le tribunal administratif de Paris a été saisi de 1 048 requêtes.

Enfin, il faut rappeler que ces demandes d’asile à la frontière font l’objet d’un examen attentif par les agents de l’OFPRA et connaissent d’ailleurs un taux d’admission relativement élevé : 21,8 % en 2006 et même 44,6 % en 2007, année marquée par un afflux de demandeurs d’asile tchétchènes dont l’admission sur le territoire au titre de l’asile était presque toujours acceptée. Il n’est par ailleurs pas inintéressant de noter qu’environ 30 % seulement des personnes admises sur le territoire au titre de l’asile déposent ensuite effectivement une demande d’asile à l’OFPRA.

3. Le droit à une assistance extérieure

L’article R223-8 du CESEDA dispose que l'autorité administrative compétente fixe la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue d'accéder à la zone d'attente.

Depuis les années 2003-2004, la situation a profondément évolué puisque la présence associative dans la ZAPI 3 de Roissy est permanente. L’action de la police aux frontières s’y déroule donc dorénavant sous un regard extérieur.

a) L’assistance humanitaire

Dans le domaine de l’assistance humanitaire, la mission de soutien associatif est confiée, à Roissy, à la Croix-Rouge française qui y intervient depuis 2003. La Croix-Rouge, qui emploie 16 médiateurs, intervient 24 heures sur 24 et consacre à cette mission un budget de 1,165 million d’euros par an.

Cette mission consiste tout d’abord à rencontrer les étrangers maintenus en zone d’attente pour leur apporter un soutien psychologique et leur donner toute information utile à la compréhension de leur situation et à la connaissance de leurs droits; ce qui exclut le conseil juridique (qui relève de l’Anafé). La Croix-Rouge apporte également une aide matérielle par la fourniture de biens de première nécessité. Enfin, elle assure un rôle de médiateur entre les étrangers et les agents de l’État qui exercent leurs missions en zone d’attente.

M. Olivier Brault, directeur général de la Croix-Rouge, estime que la présence de deux associations dans la ZAPI a permis de considérablement améliorer la situation dans la ZAPI qui, selon lui, n’a plus rien à voir avec la situation dégradée qui prévalait jusqu’en 2003. La Croix-Rouge joue en effet un rôle de médiateur avec la police aux frontières, ce qui permet de déminer des tensions potentielles. La Croix-Rouge a, par exemple, obtenu la suppression de la pratique qui consistait à annoncer les départs par haut-parleur à 4 heures du matin. Ainsi, la Croix-Rouge estime que sa présence a modifié durablement et de façon significative la situation des personnes maintenues lors de leur séjour en ZAPI (meilleure information, apport de réconfort, amélioration et humanisation de la gestion de la vie en collectivité et des procédures…).

Le personnel de la Croix-Rouge a accès à toute personne maintenue et à toute la zone d’attente (Zone internationale des aérogares, zones d’hébergements temporaires le cas échéant comme en fin 2007, début 2008) la convention précise néanmoins que la mission « ne peut s’exercer durant le déroulement des différentes phases de procédures administratives ou judiciaires et dans les locaux de police ». Dans la pratique les visites en aérogare sont limitées par le faible nombre de médiateurs et la Croix-Rouge regrette de ne pouvoir être plus présente en zone internationale. Le directeur général de la Croix-rouge a cependant admis que ses médiateurs éprouvaient parfois des difficultés pour prendre contact avec les étrangers maintenus dans la zone internationale.

En dehors du cas de la ZAPI, qui accueille plus de 90 % des personnes maintenues en zone d’attente chaque année, il n’existe pas de présence associative continue. La Croix-Rouge fait partie des associations qui peuvent y effectuer des visites et elle souhaiterait y accentuer sa présence, mais elle regrette que les textes actuels contraignent la Croix-Rouge à des visites très préparées et très encadrées, à des dates et horaires fixés par la police qui ne laissent que peu de possibilités de rencontrer les personnes maintenues.

b) L’assistance juridique

Dans la ZAPI 3, la mission d’assistance juridique est confiée à l’Anafé, collectif regroupant de nombreuses associations, créé en 1989. Son action est d’abord passée par des visites périodiques dans les zones d’attente, puis par l’installation d’une permanence téléphonique. Depuis, la signature d’une convention avec le ministère de l’Intérieur le 5 mars 2004, une équipe de 15 personnes a été habilitée à se rendre en permanence dans la zone d’hébergement, et deux fois par semaine dans les aérogares afin de fournir une assistance juridique aux étrangers qui y sont maintenus. La convention actuelle est renouvelable à la fin du mois de juin 2009.

Contrairement aux conventions conclues avec des associations pour assurer le soutien juridique en CRA, cette convention ne prévoit pas le versement d’une subvention à l’Anafé pour remplir sa mission. De fait, l’Anafé considère qu’il lui est difficile d’assurer sa mission en continu : ses personnels sont physiquement présents dans la ZAPI 3 trois jours par semaine, et assurent une permanence téléphonique deux autres jours. L’Anafé regrette également de ne pas pouvoir disposer d’un accès permanent à la zone internationale.

En dehors de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, il n’existe pas de présence associative permanente, même à Orly bien que cette zone d’attente soit utilisée quotidiennement.

4. Le droit de communiquer avec l’extérieur

En zone d’attente, les visites sont assez rares, mais les zones d’attente utilisées quotidiennement disposent de locaux pour les visites des familles. Certes, à Orly, le même local est utilisé pour les visites des familles, des avocats et des autorités consulaires. Cette situation n’est pas satisfaisante mais devrait évoluer favorablement dans le cadre des travaux envisagés dans cette zone d’attente.

Concernant les communications téléphoniques, la situation est également assez disparate. Dans la plupart des zones d’attente, et notamment dans les plus grandes, il existe des appareils téléphoniques à carte en accès libre. Il arrive cependant que le seul poste disponible soit celui du bureau de la PAF sous réserve qu'un fonctionnaire de police soit disposé à accompagner la personne dans le bureau, solution peu acceptable en termes de confidentialité et de liberté de communication. Cette situation a par exemple pu être constatée lors de la visite de la zone d’attente de Marignane, mais il était prévu qu’un téléphone public soit installé prochainement.

Par ailleurs, les personnes maintenues en zone d’attente peuvent utiliser leur téléphone portable. Il semble que les téléphones munis d’un dispositif de prise de vue ne soient généralement pas confisqués, comme la mission d’information a par exemple pu le constater à Orly. Il est vrai que le niveau de tension est généralement beaucoup moins prégnant en zone d’attente qu’en centre de rétention.

5. Le respect du droit des mineurs

Contrairement à la situation observée en CRA, où des mineurs isolés ne peuvent être placés, il est possible de maintenir en zone d’attente un mineur isolé.

Sur le principe tout d’abord, la mission d’information estime qu’il serait difficile de ne pas permettre le placement en zone d’attente des mineurs isolés arrivant en France chaque année : 800 à 900 mineurs sont arrivés seuls aux frontières de la France en 2008.

Pourtant, la possibilité de placement des mineurs en zone d’attente est critiquée par de nombreuses organisations internationales qui considèrent qu’elle est susceptible d’être contraire aux principes contenus dans la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) du 20 novembre 1989. En 2007, Comité des Droits de l'Enfant de l'ONU à Genève ainsi adopté une résolution exprimant sa très vive préoccupation, son inquiétude et a exhorté notre pays à adopter des mesures différentes. La Défenseure des enfants s'est montrée tout aussi préoccupée, relevant elle aussi des atteintes à la Convention, stigmatisant des carences au niveau de la prise en charge de ces mineurs tout en reconnaissant que la gestion d'une telle situation s'avérait délicate.

Incontestablement, une pratique qui consisterait à placer systématiquement ces jeunes à l’aide sociale à l’enfance ne pourrait qu’encourager les filières d’immigration clandestine. En 2007, 42 % des mineurs représentés par la Croix-Rouge étaient ainsi de nationalité chinoise, ce qui incite à penser que de telles filières existent notamment en Chine. Par ailleurs, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a estimé qu’un placement systématique des mineurs à l’ASE reviendrait à faire peu de cas du droit à la vie familiale de leurs parents restés en Afrique ou ailleurs, ces mineurs arrivés seuls aux frontières sont en effet rarement orphelins.

L'article L 221-5 du CESEDA fait obligation de désigner, pour chacun des mineurs non accompagnés un administrateur ad hoc (AAH). À Roissy, cette mission est confiée à la Croix-Rouge française habilitée par la Cour d’appel de Paris (53). France Terre d’asile assure cette mission pour la zone d’attente d’Orly. La Croix-Rouge a été désignée en 2007 à 796 reprises comme AAH , soit une hausse de 37 %.

Ces administrateurs sont chargés de représenter le mineur pendant son maintien dans la ZA pour les procédures administratives et judiciaires le concernant.

Le rapport 2008 de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente indique que « l’institution de l’administrateur ad hoc a un rôle plus formel que réel ». Interrogé sur cette critique, M. Olivier Brault, directeur général de la Croix-Rouge française a estimé que le rôle de ses administrateurs est loin d’être formel, que ceux-ci jouent un rôle central dans les procédures appliquées aux mineurs et qu’ils les infléchissent souvent. Pour autant, il reconnaît néanmoins certaines difficultés. Il estime notamment que du fait des ambiguïtés de loi, il n’est pas possible d’assurer la présence de l’administrateur ad hoc au moment de la notification de la décision de maintien en zone d’attente et/ou de non-admission. Il regrette également que les AAH ne puissent avoir accès à l’ensemble de la zone d’attente, y compris les hôtels, ce qui n’est pas le cas actuellement (les moins de 13 ans y sont hébergés). Enfin, il considère qu’il faudrait rendre impossible l’éloignement des mineurs avant que l’administrateur ad hoc ne les rencontre une première fois.

L’autre principale difficulté soulevée par les personnes auditionnées par la mission d’information concerne la question du mode de détermination réelle des personnes se disant mineures. Le parquet peut en effet demander des tests médicaux lorsqu’ils ont un doute sur l’âge d’un jeune. L'âge réel est alors déterminé au vu du recoupement de trois examens (une analyse osseuse, une radiographie dentaire et un examen clinique du développement pubertaire). Le rapport 2008 de la CNCCLRAZA indique que l’Académie de médecine, dans un avis du 15 janvier 2007, a émis des réserves sur la valeur probante de ces types d'examens qui ne seraient pas fiables au-delà de 16 ans et ne permettent pas une détermination rigoureuse à quelques mois près. La CNCCLRAZA invitait donc les autorités à explorer toutes les pistes susceptibles de découvrir une méthode plus fiable et, d’ici là, à appliquer le principe réaffirmé le 23 janvier 2008 par la Cour de Cassation selon lequel, tant qu’il n’est pas apporté la preuve que l’acte de naissance soit irrégulier, l’examen osseux, la radiographie dentaire et l’expertise médicale restent trop imprécises pour permettre de contester les mentions de cet acte.

Mme Hélène Gacon, ancienne présidente de l’Anafé, s’est étonnée que de tels examens médicaux puissent être pratiqués en se passant du consentement du mineur intéressé, et au minimum de l’administrateur ad hoc.

Sur l’ensemble de ces questions difficiles, le directeur adjoint de l’immigration, M. Jean de Croone, a indiqué à la mission d’information que le ministre avait installée, en mai 2009, un groupe de travail pluraliste chargé de faire un état des lieux de la situation et de faire des propositions.

La mission d’information souhaite que les conclusions de ce groupe de travail soient prises en compte afin d’améliorer la prise en charge des mineurs maintenus en zone d’attente. S’agissant de la détermination de l’âge, elle recommande qu’une réflexion soit lancée sur les différentes méthodes existantes, et notamment sur l’efficacité des examens de la clavicule par rayon X pratiqués aux Pays-Bas.

Proposition n°20 : Améliorer la prise en charge des mineurs en zone d’attente et lancer une réflexion sur les différentes méthodes de détermination de la minorité.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 24 juin 2009, la Commission examine le rapport de la mission d’information sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente, sur le rapport de son président, M. Thierry Mariani.

Après l’exposé du rapporteur, plusieurs commissaires interviennent.

Mme George Pau-Langevin. Les commissaires du groupe SRC partagent l’essentiel des constatations établies et des propositions formulées par M. Thierry Mariani. En revanche, nous ne partageons pas la tonalité optimiste du rapport qui nous est présenté. L’industrialisation du placement en rétention administrative est problématique et inefficace, car sont placées en rétention administrative de nombreuses personnes qui, du fait de leur situation, ne peuvent pas être éloignées du territoire. Dès lors, il faut s’interroger sur la pertinence de la systématisation du recours à la rétention administrative.

La création de la mission d’information avait pour point de départ les incidents qui s’étaient déroulés dans le centre de Vincennes. À cet égard, je suis déçue du fait que la mission d’information n’ait pas recueilli davantage d’informations sur les causes et les circonstances de ces incidents et qu’elle ne se soit pas davantage penchée sur les conclusions des enquêtes qui ont été réalisées.

M. Thierry Mariani a fait état du stress important subi par les personnes placées en rétention administrative. Je tiens également à souligner la difficulté des situations sur le plan humain, le désespoir d’un grand nombre de personnes retenues les conduisant à des automutilations ou des tentatives de suicide.

Sur l’état des locaux de rétention administrative, je partage le constat que la plupart des lieux de rétention, surtout les plus récents, sont dans un état correct. Cependant, deux lieux sont impropres à la rétention administrative : le CRA du dépôt du palais de justice de Paris, lieu souterrain et sans ouverture dans lequel il n’est pas acceptable que des personnes soient retenues jusqu’à 32 jours, d’une part, et le CRA de Mayotte, dans lequel les conditions de vie ne sont pas admissibles. Ces deux sites doivent être fermés et reconstruits rapidement, les arguments budgétaires avancés par M. Thierry Mariani dans le rapport pour expliquer que ces travaux ne se feront pas à bref délai ne nous paraissant pas satisfaisants.

Dans un grand nombre de situations, le placement en rétention administrative ne règle pas les situations, puisque près des trois quarts des placements n’aboutissent pas à une reconduite à la frontière. Si le rapport de la mission d’information évoque le coût des escortes, c’est surtout le coût du placement en rétention administrative qui apparaît exorbitant au regard du grand nombre de placements qui ne sont pas suivis d’une reconduite à la frontière.

Sur la présence des mineurs dans les CRA, j’ai noté avec intérêt l’idée de solutions alternatives, qui doivent être développées pour limiter autant que possible l’enfermement d’enfants.

Sur la question du profil des personnes retenues, je regrette que le rapport n’ait pas davantage exploré cet aspect, car une meilleure connaissance de ce profil permettrait de mieux comprendre les raisons pour lesquelles l’éloignement est impossible dans un grand nombre de cas et, de ce fait, le placement en rétention administrative inutile. Pour les personnes revenant régulièrement en CRA alors que chacun sait qu’elles ne peuvent être reconduites à la frontière, il conviendrait d’envisager le développement de l’aide au retour.

La question du devenir des fonds des migrants doit également retenir l’attention, certaines associations ayant fait état de difficultés à obtenir la restitution de fonds conservés par des banques, notamment en cas de problèmes de justification d’état civil.

Sur les droits des personnes retenues, les juridictions ont précisé le rôle des associations, qui consiste non seulement à informer les personnes retenues mais aussi à les aider dans leurs démarches et à témoigner de la situation dans les CRA. Il a également été jugé que les associations présentes dans les CRA doivent présenter des garanties de compétence et d’indépendance, ce qui exclut la présence dans les centres d’associations jusque-là inconnues et ne présentant pas ces garanties comme le « collectif respect ».

Sur la tenue des audiences, une ligne de conduite claire doit être fixée : la justice doit être rendue dans des conditions d’impartialité ne pouvant prêter à contestation. L’existence de juridictions d’exception ne saurait être acceptée. En conséquence, si des salles d’audience existent à proximité des CRA, elles doivent être facilement accessibles de sorte que la publicité des audiences soit garantie.

Sous le bénéfice de ces observations et de la contribution écrite figurant dans le rapport, nous nous prononcerons en faveur de la publication de celui-ci.

M. Serge Blisko. Le rapport, dont je partage l’essentiel des constats et propositions, a oublié certains aspects. S’agissant tout d’abord des zones d’attente, ces dernières créent beaucoup plus de difficultés que les CRA, que le changement de statut intervenu en 1981 a permis d’améliorer.

Concernant la durée de placement en CRA, je partage la conclusion de la mission d’information consistant à écarter tout allongement au-delà de la durée actuelle de 32 jours. Ce délai apparaît même trop long au regard du délai moyen de rétention administrative qui est de 10 à 12 jours, et sachant que, lorsqu’un placement dépasse 20 jours, il est rare qu’il aboutisse à une reconduite à la frontière.

Le système des CRA se trouve dans une impasse pour deux raisons principales : d’une part, la pression des chiffres annoncés de reconduites à la frontière conduit à remplir les CRA dans le but de parvenir à un « effet entonnoir » ; d’autre part, le faible niveau de coopération de certains consulats ou ambassades complique les reconduites à la frontière vers un certain nombre d’États.

S’agissant du CRA de Mayotte, je souhaiterais que la phrase du rapport indiquant que « ces conditions de rétention difficiles ne sont pas critiquées par les personnes retenues elles-mêmes, dans la mesure où elles contrastent peu avec leurs conditions habituelles d’existence » soit supprimée, la comparaison avec les conditions de vie locales ne me paraissant pas souhaitable.

Concernant la situation des mineurs retenus avec leur famille, il serait souhaitable de développer l’assignation à résidence, notamment pour éviter que les familles ayant des enfants en bas âge ne soient retenues dans les centres spécialement équipés pour accueillir de jeunes enfants parfois très éloignés de leur domicile. La situation des mineurs isolés maintenus en zone d’attente doit également être examinée avec attention, s’agissant notamment de leur défense. Je regrette que l’Anafé n’ait pas la possibilité d’assister plus longuement les personnes maintenues en zone d’attente.

Enfin, je regrette que certaines associations, telles que la Ligue des droits de l’Homme qui intervient en matière de défense des étrangers, n’aient pas été entendues.

M. André Vallini. J’ai visité récemment le centre de rétention de dépôt du Palais de justice de Paris. J’ai pu constater le dévouement du personnel, qui essaie de travailler le mieux possible, ainsi que le travail considérable effectué par les Sœurs de la Miséricorde. Malgré cela, on ne peut rien faire de locaux aussi vétustes, voire insalubres. Le centre de rétention sera-t-il déplacé dans le cadre du projet de cité judiciaire ? Il faut absolument abandonner les locaux actuels.

M. Abdoulatifou Aly. Un nouveau CRA va prochainement être construit à Mayotte. Alors que le rapporteur a évoqué une capacité idéale de 80 places, ce futur CRA devrait comporter 140 places. Ne serait-il pas préférable de construire deux CRA ?

Par ailleurs, alors que la durée de rétention est très courte, souvent d’un jour ou deux, l’ordonnance du 26 avril 2000 prévoit une durée minimum de rétention de 24 heures pour exercer les voies de recours. Dans ces conditions, il est difficile pour les avocats d’examiner les décisions de reconduite à la frontière et de former des recours.

Enfin, je tiens à signaler que les mineurs isolés, qui ne peuvent pas faire l’objet de reconduites à la frontière, représentent une part de plus en plus importante de l’immigration clandestine à Mayotte. Ils sont placés en rétention mais ne peuvent être expulsés.

M. Christophe Caresche. Je souhaiterais évoquer le problème particulier des étrangers condamnés à une peine de prison et frappés d’une interdiction judiciaire du territoire. Théoriquement, ils devraient être expulsés directement depuis leur lieu de détention, une fois leur peine accomplie. Mais comme l’administration pénitentiaire gère mal ces cas, ils sont placés en centre de rétention avant d’être reconduits à la frontière. La présence de délinquants dans les CRA et le mélange des publics qui en résulte posent des problèmes de cohabitation, d’autant plus que les CRA comprennent des enfants. Or les CRA avaient justement été créés pour éviter de placer les sans-papiers en prison ! Il serait souhaitable, d’une part, d’améliorer le processus d’expulsion des détenus et, d’autre part, de mettre en place des mesures de séparation des publics dans les CRA.

M. Philippe Gosselin. Le CRA de Mayotte est dans une situation exceptionnelle : on y procède à 16 000 éloignements par an et le nombre de personnes présentes varie de 50 à 180 selon les jours. En réalité, on constate un certain fatalisme des retenus, qui savent que leur retour sera plutôt facile. Il est vrai que les personnes en provenance d’Anjouan ont l’habitude de manger sur le sol, ce qui n’a rien d’infamant. Enfin, je suis d’accord avec le rapporteur sur la nécessité d’adapter les règles relatives à l’immigration lorsque Mayotte deviendra un département.

M. Dominique Raimbourg. Je constate que le taux d’exécution des interdictions judiciaires du territoire s’est amélioré en 2008, du fait de la diminution du nombre d’interdictions prononcées.

Il est effectivement envisageable que celui qui fait obstacle à sa reconduite à la frontière ne puisse pas bénéficier de remise de peine. À l’inverse, il faudrait prévoir des réductions de peine pour ceux qui sont de bonne volonté. La loi actuelle ne le permet pas.

M. Jean-Paul Garraud. Je souhaiterais saluer le travail du rapporteur, qui a remis un travail objectif sur un sujet qui est souvent caricaturé.

Le rapporteur pense que la visioconférence n’est pas adaptée au contentieux de l’éloignement car elle ne permet pas de contact avec le justiciable. Or le Gouvernement a engagé une politique de généralisation de la visioconférence, qui présente de nombreux avantages : elle améliore la disponibilité des magistrats, elle évite de mobiliser des escortes et permet de réduire les coûts. Il faudrait envisager d’améliorer le système plutôt que de le condamner.

S’agissant des interdictions judiciaires du territoire prononcées à titre de peine complémentaire à une peine d’emprisonnement, il est paradoxal qu’elles soient si difficiles à exécuter alors même que l’administration a tout le temps de les mettre à exécution. Il faudrait aménager cette procédure, qui ne fonctionne manifestement pas aujourd’hui.

M. Étienne Blanc. Le rapport mentionne les services médicaux dans les CRA. Ces services sont-ils assurés par des médecins extérieurs appelés au cas par cas ou par des médecins dédiés ? Comment procède-t-on aux extractions pour besoins de santé ? Cela pose-t-il des problèmes particuliers ? On a par ailleurs constaté un développement considérable de la tuberculose dans les prisons. Les CRA sont-ils confrontés au même problème ?

M. Jacques Alain Bénisti. Il est affligeant que six interdictions judiciaires du territoire sur dix ne soient pas appliquées. Il faudrait trouver des solutions à ce problème.

S’agissant de la présence des enfants, on a pu voir lors de l’incendie du CRA de Vincennes que beaucoup de personnes sont accompagnées de leurs enfants et refusent de s’en séparer. L’assignation à résidence pose d’autres problèmes car les étrangers sont souvent hébergés par d’autres familles et se retrouvent très nombreux dans de petits appartements, bien que les centres communaux d’action sociale essaient de les aider au mieux.

Le Président Jean-Luc Warsmann. Tous les membres de la commission partagent-ils le souhait que la salle d’audience de la zone d’attente de Roissy soit utilisée ?

Mme George Pau-Langevin. Oui, étant rappelé qu’elle n’est pas utilisable pour l’instant car elle n’a pas d’entrée séparée, comme l’exige la jurisprudence.

M. Christophe Caresche. Depuis 2003, le Gouvernement – en particulier le ministre de l’intérieur de l’époque – a assuré que cette question sera prochainement réglée.

M. Daniel Vaillant. On dispose d’une belle salle d’audience, qui a coûté très cher. Le problème tient surtout à un dialogue non abouti avec la communauté judiciaire de Bobigny. Il serait préférable pour les retenus d’utiliser cette salle.

Le Président Jean-Luc Warsmann. Je prends acte de la position unanime de la Commission à ce sujet et je ferai une démarche auprès du Gouvernement pour demander l’utilisation de cette salle.

M. le rapporteur. Je voudrais répondre à Mme George Pau-Langevin qu’il est exact que le rapport n’a pas analysé en détail les incidents du CRA de Vincennes. En effet, notre mission d’information n’était pas une commission d’enquête, d’autant qu’une instruction judiciaire est actuellement en cours sur l’incendie du CRA de Vincennes du 22 juin 2008.

En ce qui concerne les audiences déconcentrées, certains critiquent l’entrave à l’impartialité de la justice qui pourrait en résulter, notamment en raison de la présence de policiers. Pourtant, au tribunal de Carpentras, il y a deux policiers à l’entrée, et personne ne remet en cause l’impartialité du tribunal. En réalité, il s’agit d’un prétexte car les réticences de certains avocats et magistrats sont essentiellement motivées par des considérations tenant à leur confort !

S’agissant des zones d’attente, il convient de rappeler que 95 % des personnes maintenues en France le sont dans la ZAPI 3 de Roissy, qui est dans un état très satisfaisant. La très grande majorité des zones d’attente ne sont jamais utilisées ou très exceptionnellement, il semble donc logique de ne pas y réaliser des investissements importants.

Quant à l’Anafé, elle a accès à la zone d’attente de Roissy, mais il est vrai qu’elle n’y assure pas une permanence quotidienne pour des raisons de moyens. Contrairement à la situation en CRA, l’Anafé ne reçoit pas de subventions de l’État pour mener des actions d’assistance juridique.

M. Serge Blisko a évoqué la situation des Palestiniens retenus en CRA. Il aurait également pu évoquer les nombreuses personnes se disant Irakiens, Afghans ou Somaliens, autant de nationalités pour lesquelles il est impossible d’obtenir des laissez-passer consulaires, et qui sont en réalité ressortissants d’autre États ! D’ailleurs, beaucoup de chefs de CRA sont parfaitement conscients de cette situation et préfèrent ne pas prolonger la rétention de personnes dont on sait qu’elles ne pourront pas être reconduites à la frontière.

Plusieurs collègues ont abordé la question de Mayotte, dont je voudrais redire qu’il s’agit d’une situation très particulière. Les personnes retenues passent très peu de temps dans le CRA, un à deux jours, avant d’être réacheminés à Anjouan par le bateau de retour. Il me semble que l’ambiance dans le centre est relativement « bon enfant », les retenus sachant qu’ils pourront tenter de nouveau leur chance une prochaine fois. En ce qui concerne les conditions d’hébergement, bien que je réaffirme qu’elles ne font pas l’objet de critiques de la part des intéressés, je veux bien supprimer la référence, critiquée par M. Blisko, aux conditions habituelles d’existence des personnes retenues au CRA de Mayotte.

Mme George Pau-Langevin. Les procédures d’éloignement sont expéditives à Mayotte. Cela ne devra-t-il pas évoluer avec la départementalisation ?

M. le rapporteur. Il nous faudra tenir compte de la spécificité de la situation migratoire de Mayotte. Chaque année, 16 000 personnes y sont reconduites ont à la frontière. Si l’on veut appliquer les mêmes procédures qu’en métropole, il faudra recruter des centaines de magistrats !

Sur la question des personnes interdites du territoire, je suis entièrement d’accord avec M. Christophe Caresche : l’étranger qui coopère avec l’administration pour établir son identité et sa nationalité doit bénéficier de remises de peine. À l’inverse, il ne doit pas en bénéficier s’il ne se montre pas coopératif. Je pense également que l’on pourrait regrouper l’ensemble des personnes condamnées à une ITF dans un même CRA et même, avant la fin de leur détention, dans un même établissement pénitentiaire où les procédures d’éloignement pourraient être initiées en amont.

En ce qui concerne l’usage de la visioconférence, je n’y suis pas du tout hostile par principe. Il me semble cependant qu’il y a une gradation entre les différentes pratiques. S’agissant d’étrangers qui ont souvent besoin d’interprète et qui sont parfois déboussolés en raison de leur situation, la présence physique du juge et des différents intervenants me semble importante : l’utilisation de salles déconcentrées constitue donc un excellent compromis qui permet à la fois de tenir des audiences classiques tout en évitant des escortes éprouvantes pour les personnes retenues et coûteuses. À Coquelles, tout le monde est satisfait du fonctionnement de la salle d’audience.

M. Étienne Blanc m’a interrogé sur les services médicaux des centres de rétention. Chaque CRA a conclu une convention avec un établissement hospitalier situé à proximité : ce dernier y détache des infirmières à temps plein ainsi que des médecins qui y font des vacations. En cas d’urgence, les personnes retenues sont conduites à l’hôpital, escortées par des policiers, mais il s’agit généralement d’escortes très légères car les étrangers retenus sont rarement des personnes dangereuses. Enfin, au cours de nos visites, aucun cas de tuberculose ne nous a été signalé.

La présence des mineurs est une question difficile. En CRA, pour augmenter le nombre de familles assignées à résidence, la mission d’information propose qu’il soit possible de faire usage d’un bracelet électronique. En zone d’attente, une question importante est la détermination de l’âge réel de la personne se disant mineure : les techniques actuelles sont critiquées, il serait utile d’en expérimenter d’autres pratiquées dans certains pays comme les Pays-Bas.

Conformément à l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, la Commission autorise le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

Proposition n°1 : Ouvrir davantage les centres de rétention et les zones d’attente sur l’extérieur, en permettant à davantage de journalistes de s’y rendre.

Proposition n°2 : Maintenir la durée maximale de rétention à 32 jours malgré l’adoption de la directive « retour » qui autorise une durée de rétention de six mois.

Proposition n°3 : Développer l’utilisation de salles d’audiences déconcentrées situées à proximité des centres de rétention et au sein des zones d’attente.

Proposition n°4 : Veiller à la configuration des CRA afin de favoriser des constructions fondées sur l’existence de modules à taille humaine (60 à 80 places).

Proposition n°5 : Confier la surveillance des CRA à des personnels de police spécifiquement formés à cette mission.

Proposition n°6 : Favoriser une certaine souplesse dans le fonctionnement des CRA, notamment en laissant une liberté de mouvement à l’intérieur du centre aux personnes retenues 24 heures sur 24.

Proposition n°7 : Prévoir des normes minimales concernant la superficie et l’équipement des cours de promenade.

Proposition n°8 : Pour les familles placées en rétention, réfléchir à la possibilité d’utiliser le placement sous bracelet électronique à domicile dans le cadre de la rétention administrative.

Proposition n°9 : Envisager à moyen terme l’ouverture d’un nouveau CRA à Paris afin de fermer le CRA du Dépôt du Palais de justice de Paris.

Proposition n°10 : Empêcher toute remise de peine à une personne condamnée à une interdiction du territoire français qui fait obstacle à sa reconnaissance par les autorités consulaires de son pays d’origine.

Proposition n°11 : Regrouper dans un même CRA les personnes condamnées à une mesure d’interdiction du territoire français.

Proposition n°12 : Après le recensement de l’ensemble des locaux de rétention administrative (LRA), consacrer les efforts nécessaires à leur mise aux normes ou envisager leur fermeture lorsque cela n’est pas possible.

Proposition n°13 : Doter dans les plus brefs délais Mayotte d’un CRA lui permettant d’accueillir dignement les étrangers en instance d’éloignement.

Proposition n°14 : Relancer le projet d’un Centre de rétention administrative sur l’emprise de l’aéroport d’Orly, qui comprendrait un bâtiment destiné à servir de zone d’attente.

Proposition n°15 : Prévoir des normes minimales d’hébergement lorsque le placement en zone d’attente dépasse 96 heures.

Proposition n° 16 : Mettre à disposition des CRA un enregistrement vidéo ou audio du règlement intérieur dans les principales langues de l’ONU, qui pourrait être diffusé aux personnes retenues non francophones ou ne sachant pas lire.

Proposition n°17 : Généraliser la pratique consistant à afficher les perspectives de déplacement des personnes retenues, sauf exceptions dûment justifiées.

Proposition n°18 : Modifier la réglementation afin de permettre de proposer l’aide au retour volontaire aux personnes en rétention.

Proposition n°19 : Inciter les chefs de centre à proposer systématiquement une solution permettant aux personnes retenues d’avoir accès à leur téléphone portable.

Proposition n°20 : Améliorer la prise en charge des mineurs en zone d’attente et lancer une réflexion sur les différentes méthodes de détermination de la minorité.

CONTRIBUTION DE MME GEORGE PAU-LANGEVIN
ET DE M. SERGE BLISKO, MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE

Les députés SRC ont demandé la création de cette mission d'information au début de l'année 2008, suite aux nombreux incidents dans les centres de rétention. Si la création de cette mission est positive, les députés ne peuvent se satisfaire de l'angle restrictif sous lequel la mission a traité cette question. En ne s'intéressant qu'à la situation à l'intérieur des centres de rétention et des zones d'attente, la mission est restée aveugle à la cause profonde de la situation actuelle, à savoir la politique du chiffre avec des objectifs fixés à l’avance : 26 000 reconduites à la frontière prévues en 2008 et 30 000 pour 2009.

Le rapport aurait dû porter une réflexion plus globale sur la place de la rétention au sein de notre politique de gestion de l'immigration irrégulière. Les députés SRC acceptent certes l’existence des centres de rétention quand cette rétention est indispensable pour préparer le départ de ceux qui doivent quitter notre territoire, mais tiennent à rappeler que le seul fait de n’avoir pu obtenir un titre initial de séjour, ou de n'avoir pu le renouveler, ne transforme pas l'étranger en délinquant dangereux à enfermer systématiquement. Ils se prononcent donc contre la banalisation de l'enfermement, y compris quand l’éloignement n’est pas possible, et demandent que se développent des alternatives à la rétention.

La mission élude ce qui constitue en réalité une chaîne de dysfonctionnements : stigmatisation de l'étranger, arrestations massives, industrialisation de la rétention, application mécanique de la loi sans examen individuel des situations humaines, mise au pas des associations trop critiques envers la politique du gouvernement.

Autre conséquence : l'existence du « délit de solidarité » et la définition d’objectifs chiffrés d’interpellation des « aidants », sans distinction entre les passeurs et les simples citoyens agissant par solidarité. Les députés SRC continueront de dénoncer cette dérive inacceptable, comme ils l'ont fait lors du dépôt de la proposition de loi de Daniel GOLDBERG visant à mettre fin au « délit de solidarité » en modifiant les articles L. 622-1 et L. 622-4 du CESEDA.

Il ressort également des travaux parlementaires et des nombreuses auditions menées par les députés SRC que les populations vulnérables (mineurs isolés, mineurs accompagnés, femmes enceintes, personnes âgées ou malades) ne reçoivent pas la protection que leur accordent pourtant les textes.

En conséquence, les députés SRC ne peuvent partager la tonalité positive du rapport de M. Thierry MARIANI. S'ils conviennent que les conditions matérielles dans les Centres de Rétention Administrative (CRA) et les Zones d'Attente (ZA) se sont notablement améliorées (à quelques exceptions près) depuis quelques années, ce qui est logique dans un pays développé comme le nôtre, ils expriment leur plus vive inquiétude en ce qui concerne l'exercice effectif des droits des retenus.

Ils souhaitent mettre l'accent sur certaines questions fondamentales que le rapport ne traite pas de manière satisfaisante et formuler des recommandations.

I. Ce que ne dit pas le rapport

A/ Causes des incidents au CRA de Vincennes

Les députés SRC ont demandé la création de la mission parlementaire suite aux nombreux incidents survenus dans les centres de rétention au début de l'année 2008, et en particulier suite à ceux intervenus dans le CRA de Vincennes dans la nuit du 11 au 12 février 2008.

Les députés ont entendu quelques responsables administratifs à ce sujet, ainsi que les associations. Ils regrettent qu'aucune investigation complémentaire n’ait pu être menée et que le rapport fasse quasiment abstraction de cette question. Celui-ci aurait dû au moins mentionner les conclusions de l'enquête menée par le Syndicat des Avocats de France, la Ligue des Droits de l'homme et le Syndicat de la Magistrature ; enquête qui fait état d'une disproportion entre les faits déclencheurs (un échange verbal vif suite à l'extinction de la télévision) et les moyens répressifs mis en œuvre par les forces de l'ordre (intervention de cinq fourgons de police, usage d'un pistolet à impulsions électriques).

B/ Atteintes à l'intégrité physique des retenus

Contrairement à la tonalité très optimiste du rapporteur, l’atmosphère d’angoisse et de violence dans ces lieux se traduit non seulement par ce qu’en relatent les personnels médicaux rencontrés par les députés, mais aussi par un nombre inquiétant d’atteintes à l’intégrité physique des retenus. L'Anafé fait état d'un nombre croissant de demandes de certificats médicaux dans le cadre de violences policières alléguées, en zones d'attente. Dans sa saisine 2007-113 relative au renvoi d'une famille d'origine tchétchène, la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) dénonce l'emploi de la force contre de jeunes enfants, dont l'un portait des traces de strangulation.

De plus, les associations s'inquiètent du nombre important de suicides et tentatives de suicides en rétention, ainsi que des automutilations, qui concernent principalement des personnes présentes en France depuis de nombreuses années, qui y ont leurs attaches et leur famille. Ce souci a été évoqué par les responsables des centres, en particulier lors de la visite du centre de Marseille Le Canet.

Les députés SRC auraient également souhaité que la mission approfondisse cette question.

C/ Inadéquation de certains lieux visités à une rétention de 32 jours

D’une manière générale, les députés SRC ont noté l’amélioration des lieux, certains CRA étant très récents et spacieux. Il faut cependant souligner que c’est alors une forme de déshumanisation qui prévaut, les rapports avec les retenus étant réduits au minimum. Par ailleurs, ces lieux sont de plus en plus conçus et gérés comme des prisons et les déplacements même à l’intérieur des centres ne sont guère libres.

De surcroît, tous les observateurs soulignent que les tensions sont maximales quand les centres sont pleins et de grande taille. Il est donc surprenant de voir reconstruire à Vincennes et au Mesnil-Amelot des centres de 240 places, même s’ils sont en deux ou trois modules, car cette solution entretient le risque de voir se reproduire des incidents comme précédemment.

Le rapport mentionne bien les réserves expresses des députés quant à l’état de certains lieux, notamment le CRA de Mayotte et le CRA du Dépôt de Paris situé sous le Palais de justice.

Le dépôt de Paris a certes fait l’objet de travaux de remise aux normes suite à de précédents rapports dénonçant les conditions de rétention en son sein. Cependant, il était à nouveau affecté à des retenus hommes quand les députés l’ont visité. D’autre part, il semble insupportable d’y laisser des personnes retenues durant 32 jours car il est en sous-sol : l’impossibilité d’y voir la lumière du jour semble un inconvénient rédhibitoire.

Quant au CRA de Mayotte, la visite de la mission a confirmé, et au-delà, les termes des rapports très sévères émanant tant de la Défenseure des Enfants que de la CNDS. Contrairement à ce qui était dit, les députés ont vu femmes, hommes et enfants assis par terre ensemble, à plus d’une centaine dans la même salle. Face à de telles conditions d’absence d’hygiène et de promiscuité, il est difficilement concevable qu’on puisse invoquer des raisons budgétaires pour repousser la reconstruction du centre prévu. En outre, ce centre abritant couramment plus de 200 personnes, on comprend mal que le projet ne prévoit pas cet ordre de grandeur pour la reconstruction.

D/ Présence des mineurs en CRA et ZA

En France, un mineur en tant que tel ne peut être reconduit à la frontière (article L. 511-4 du CESEDA). Néanmoins, dans deux cas, des mineurs étrangers peuvent être privés de liberté et éloignés du territoire : les mineurs isolés placés en zone d’attente et les mineurs « accompagnant » leur famille.

En 2007, la CIMADE a répertorié 242 enfants présents en centre de rétention administrative. Elle relève que près d’un tiers de ces enfants avait moins de 2 ans et plus de la moitié moins de 5 ans. Même si la majorité des familles est privée de liberté moins de 2 jours, la CIMADE souligne que 28 % d’entre elles sont retenues pendant plus de 10 jours. Cette situation est inacceptable. Ainsi, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, dans son rapport de septembre 2008, a exprimé ses regrets que « les problèmes juridiques et humains que pose la présence d’enfants en rétention » soient toujours « totalement sous-évalués par les autorités françaises ». Quant à la Défenseure des enfants, elle relève, dans son rapport d’activité pour 2007, que « les conditions de la reconduite à la frontière de la famille posent un véritable problème au regard de la Convention internationale des droits de l'enfant : ainsi la présence d’enfants dans les lieux privatifs de liberté que sont les centres de rétention porte-t-elle atteinte aux droits des enfants, même si certains de ces centres ont aménagé des "espaces familles" ». De même, la CNDS a dénoncé le placement en CRA de mineurs à Mayotte.

La problématique des mineurs isolés en zone d’attente est différente, mais force est de constater la violation de l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant, qui dispose notamment que « tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes ». Les enfants de plus de 13 ans sont en effet souvent mêlés aux adultes.

Les mineurs doivent, dans tous les cas, être considérés comme des personnes vulnérables ayant besoin d’une protection. Par voie de conséquence, l’intérêt supérieur de l’enfant conduit à demander l’interdiction du placement en CRA des familles avec enfants au bénéfice de mesures alternatives comme l’assignation à résidence. Des solutions alternatives à la présence des mineurs en zone d’attente doivent aussi être privilégiées.

E/ Coût de la rétention

Le rapport aurait dû être l'occasion de faire la lumière sur le coût pour la nation d'un tel dispositif. Le sénateur Pierre BERNARD-REYMOND, dans son rapport spécial relatif au projet de loi de finances pour 2009, note que figurent 80,8 millions d'euros54 au titre des reconduites à la frontière, parmi lesquels 28,8 millions sont affectés au fonctionnement des CRA. Mais ces chiffres ne prennent pas en compte le coût des « escortes » de la gendarmerie, que le sénateur chiffre à 60,2 millions d'euros pour 2009, ni de celles de la police, estimées à 334,4 millions d'euros55. Au total, le coût des reconduites à la frontière serait de l'ordre de 415,2 millions d'euros, soit près d'un demi-milliard.

Il convient de mentionner que cette somme n'est qu'une estimation basse, dans la mesure où elle ne prend pas en compte les services des préfectures compétents dans ce domaine, l'aide juridictionnelle attribuée aux personnes retenues, ni le coût du contentieux devant les tribunaux lié à la rétention administrative.

Le coût global de la rétention doit être porté à la connaissance de tous, afin de connaître enfin les véritables enjeux financiers de « l'immigration choisie ».

F/ Profil des retenus

Les visites effectuées dans les CRA n’ont pas permis de retracer plus précisément le profil des retenus, même si nombre d’entre eux s’exprimaient dans un français très compréhensible et excipaient de liens anciens avec la France.

Le secrétariat général du Comité Interministériel de Contrôle de l'Immigration, dans son rapport de décembre 2008 sur « les orientations de la politique de l'immigration », fait état de 35 246 personnes placées en CRA en 2007 et 19 767 pour le premier semestre 2008. Ces chiffres ne sont pas suffisants : il est nécessaire de fournir des données plus précises sur la sociologie des personnes placées en CRA (nombre d'années passées en France, attaches familiales, mode d'interpellation, nombre de passages en CRA, état de santé en particulier ...).

G/ Conditions de vie dans les centres

L’assistance médicale joue un rôle essentiel dans ces lieux et le travail effectué par le personnel soignant doit être salué. Selon l'article L.221-4 du CESEDA, l'étranger maintenu « est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un médecin ». Ce droit n'est en réalité pas effectif, l'étranger ne voyant un médecin que dans des cas d'extrême urgence. La question des soins aux personnes perturbées psychologiquement demeure posée, ainsi que ce qui relève de la continuité des soins après renvoi au pays d’origine, certaines personnes repartant avec à peine une semaine de traitements alors que l’accès à celui-ci dans leur région d’origine n’est pas garanti.

Un des problèmes majeurs dans les CRA réside dans l'absence totale d'activité proposée aux retenus alors que dorénavant la durée totale de leur séjour dans ces lieux peut aller jusqu'à un mois. Certes, on imagine bien qu'ils n'ont guère le cœur à se distraire compte tenu des circonstances dans lesquelles ils se trouvent, mais il est clair que l'inactivité ne peut qu'accroître l'atmosphère lourde qui règne déjà dans les centres. Dans ce cadre, des cours ou du sport pourraient être proposés. La mission a noté à juste titre l’intérêt d’expériences comme celle menée à Marseille Le Canet pour assurer, avec des bénévoles, des activités artistiques ou des animations à l’intérieur des centres.

Il a été signalé également par les représentants de l’ANAEM les difficultés rencontrées pour récupérer les fonds déposés par les étrangers en banque, lorsque des discordances existent entre l’état civil de l’étranger et l’intitulé du compte, notamment quand ce dernier a travaillé sous un nom d’emprunt. Il conviendrait donc d’évaluer l’importance des sommes concernées et d’imposer une affectation utile au public concerné des sommes ainsi consignées.

H/ Défense des droits des retenus

Le rapporteur considère de manière positive les mesures prises pour assurer aux étrangers un accès au droit. Certes, la comparaison avec certains autres pays européens peut sembler honorable, mais les garanties accordées aux personnes retenues ne semblent toujours pas suffisantes, et ce même au regard des prescriptions des instances européennes compétentes.

Dans la zone d’attente de Roissy Charles de Gaulle, les permanences effectuées par l’Anafé jouent un rôle positif mais touchent un nombre relativement réduit d’étrangers, car elles ne peuvent être tenues tous les jours de la semaine et n'ont jamais lieu le week-end. L'association n’a pas accès à la zone internationale, ni à certains étrangers qui sont refoulés sans pouvoir demander à bénéficier du jour franc. La loi du 20 novembre 2007 a certes élargi la possibilité pour les demandeurs d’asile de déposer un recours, mais avec des conditions fort restrictives. Nombre d’entre eux sont encore refoulés avant que celui ait pu être examiné. Le droit qui leur est reconnu à un recours effectif n’est donc pas encore assuré. Il convient de noter que ces permanences n’existent guère dans les autres zones d’attente.

Chacun a pu suivre les rebondissements intervenus dans l’antagonisme existant entre le Ministère de l’Immigration et la CIMADE, concernant les modalités de l’assistance juridique apportée aux retenus. Aujourd’hui, il semble acquis, ce qui est important, que celle-ci comprend non seulement une information mais aussi une aide à l’élaboration de recours, et que par ailleurs la ou les associations choisies pour assurer cette mission doivent présenter une importance, une expérience et une compétence permettant d’assurer effectivement le service requis.

Enfin, le rapport aborde aussi la question controversée des audiences délocalisées dans les centres de rétention ou de la vidéosurveillance pour assurer celles-ci à un coût moindre, sans déplacement des escortes. Il convient de s’assurer que le traitement des étrangers ne soit pas le laboratoire de procédures dérogatoires qui portent atteintes aux principes fondamentaux régissant les procédures judiciaires. La jurisprudence a exprimé diverses réserves qui ont abouti à la fermeture des salles d’audiences installées dans les centres de Marseille Le Canet et de Toulouse. Ces principes essentiels sont la publicité des débats, donc la possibilité pour le public d’accéder sans trop de difficultés jusqu’à la salle d’audience, et l’égalité des armes entre la défense et l’accusation.

La Cour européenne attache une grande importance non seulement à l’indépendance des juges telle qu’elle résulte par exemple de leur mode de désignation, mais aussi à l’apparence d’indépendance qui peut résulter de la disposition des locaux où se rend la justice par rapport aux enceintes de police. Ces éléments devront donc être examinés à chaque fois afin d'assurer l’examen des dossiers par une justice impartiale.

I/ Outre-mer

En 2007, le nombre d’étrangers éloignés depuis l’Outre-mer s’élevait depuis les seuls départements de Guyane et de Guadeloupe à 10 857 et depuis Mayotte à 13 990, soit au total à 25 210 contre 23 831 en métropole.

Les CRA en outre-mer font face à des difficultés importantes, dénoncées par de nombreux organismes et associations, mais que le rapport parlementaire sous-estime. La présence d'associations confirmées y est donc déterminante, d'autant plus que le droit des étrangers en outre-mer est régi par la spécificité législative. Les députés ne peuvent donc que se réjouir que le « Collectif Respect », dans un premier temps attributaire du marché « outre-mer » ait finalement été écarté. Cette association, née en 2002 « au lendemain des sifflets contre la Marseillaise au Stade de France », lors du match France-Algérie d’octobre 2001, n'a pas fait la preuve de ses compétences ni de son expertise en terme de respect du droit des étrangers. Pour preuve, alors qu'elle avait pour seul objet de « promouvoir le respect dû à l’autorité légitime, et en particulier aux institutions et au Président de la République », elle a changé ses statuts en préfecture six jours avant la parution du décret portant attribution des lots, pour y mentionner un nouvel objectif : « informer les étrangers, les aider à exercer leurs droits, [...] défendre et promouvoir le concept de respect sous toutes ses formes ».

Les députés SRC rappellent que la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité a désigné le CRA de Mayotte comme « indigne de la République (56) » et demandent de mettre fin sans délai à une telle situation. Celle-ci a également demandé qu'en l'état actuel, les mineurs ne soient plus placés dans ce centre. Thomas Hammarberg, Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, a quant à lui « appelé les autorités françaises à ce que les droits de l'homme et la dignité humaine soient respectés dans l'ensemble des centres de rétention administrative et que les conditions de vie offertes aux étrangers retenus à Mayotte soient immédiatement améliorées ».

En ce qui concerne Cayenne, la CNDS a également dénoncé « la déshumanisation et les conditions de vie arbitraires (57) ». Elle a estimé que « ni les économies budgétaires, ni la primauté donnée aux résultats chiffrés en nombre de reconduites effectives à la frontière ne peuvent justifier l’abandon des cadres légaux d’intervention et la présentation de procès-verbaux contenant des réponses pré-remplies faussement prêtées aux personnes interpellées ».

II. Les recommandations des députés SRC :

En complément des recommandations du rapport, les députés SRC tiennent à formuler les propositions suivantes :

A/ Acteurs extérieurs dans les CRA et les ZA

• Assurer une réelle mission d'aide juridique aux associations ainsi qu'une liberté de parole.

• Assurer une mission nationale aux associations afin que les plus critiques envers la politique du gouvernement ne se voient pas retirer leur marché (renégocié tous les ans).

• Assurer la mixité des jurys d'attribution des marchés afin de garantir leur impartialité (présence de représentants du ministère mais aussi des associations et des professionnels ayant trait à la rétention).

• Mettre en place des permanences d'avocats pour venir en appui des associations.

• Développer la présence d'associations culturelles ou d'animation comme dans le CRA de Marseille le Canet

• Établir une convention entre l'ANAEM et le secteur bancaire pour faciliter la gestion et si besoin la clôture des comptes bancaires des retenus.

• Réduire les délais d'habilitation des intervenants de l'Anafé en zone d'attente à Roissy Charles de Gaulle.

B/ Asile

• Assurer un droit effectif à demander l'asile aux frontières :

—  Proscrire le refoulement quasi immédiat d'étrangers non admis au séjour lors de « contrôles passerelles », qui s'oppose au respect du droit d'asile

—  Délai de recours de 72h au moins (contre 48h actuellement)

—  Enquête interne au sein de la PAF pour mettre fin au refus d'enregistrement des demandes d'asile des étrangers

• Supprimer la procédure prioritaire.

• Supprimer la liste des pays d'origine sûrs.

• Aménager Dublin II.

C/ Audiences

• Affirmer le droit pour les retenus d'avoir accès au juge, et non à son image parlante. À ce titre, le recours à la visioconférence doit être l'exception.

• Comme l'a rappelé une jurisprudence récente, les salles d'audiences ne doivent pas se confondre avec les lieux de rétention. Elles doivent pouvoir être identifiées comme des lieux de justice.

D/ Délais de rétention

Au niveau européen, le vote de la directive « retour », qui permet de retenir des étrangers pendant six mois, voire plus dans certaines conditions, conduit à niveler les conditions de rétention vers le bas.

• Obtenir l'engagement du Ministre qu'il ne modifiera pas la durée de rétention en France.

E / Demande d'une meilleure information

À l'issue des auditions et du rapport parlementaire, les députés SRC font le constat d'une absence d'information précise ou exhaustive dans les domaines suivants. Ils demandent à obtenir des informations dans les meilleurs délais sur :

• La situation dans les LRA (Lieux de Rétention Administrative). La mission a visité un seul LRA. Il est rappelé qu'à la suite de sa visite du LRA de Choisy-Le-Roi (Val de Marne), le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté a dénoncé (58) « des conditions attentatoires à la dignité humaine [qu'] aucunes conditions de sécurité ne sauraient justifier ».

• La sociologie des personnes placées en CRA.

• Une comptabilité exhaustive du coût pour la collectivité des CRA et ZA.

• Les atteintes à l'intégrité physique des retenus, notamment automutilations et tentatives de suicides.

• Le nombre de mineurs séjournant dans les CRA et en ZA et le nombre de mineurs éloignés.

F / Mineurs accompagnés

• Interdire la présence des familles avec enfants en CRA.

• Mettre en place des solutions alternatives pour les familles (assignation à résidence, etc..).

G/ Mineurs isolés (en zone d'attente)

• Droit d'accès de l’Anafé aux mineurs de moins de 13 ans qui sont placés dans un hôtel de la zone aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle.

• Séparer les mineurs de plus de 13 ans des adultes.

• Désigner obligatoirement un administrateur ad hoc dans tous les cas.

• Les administrateurs ad'hoc devraient avoir accès à l'ensemble de la zone d'attente, y compris les hôtels, ce qui n'est pas le cas actuellement (les moins de 13 ans y sont hébergés).

• Rendre impossible l'éloignement des mineurs avant que l'administrateur ad hoc ne les rencontre une première fois. Ainsi, 35,7% des mineurs représentés sont restés moins de 24 heures dans la zone d'attente, ce que signifie que la règle du jour franc ne leur est pas appliquée.

• Établir une présomption de minorité en cas de doute.

• Permettre une enquête réelle de la PAF sur le mineur, sur la raison et les conditions de sa venue et sur les conditions d'accueil à son retour.

• Prévenir l'Anafé au moment du refoulement d'un mineur isolé (ainsi que pour les demandeurs d'asile) afin qu'elle puisse avertir des associations partenaires dans les pays de renvoi.

H/ Outre-mer

• Renforcer la présence associative dans les CRA d'outre-mer.

• En l'état actuel des choses, interdire le placement des mineurs dans le CRA de Mayotte.

I/ Personnels des CRA

• Assurer une formation spécifique aux fonctionnaires de police qui interviennent en CRA, souvent juste sortis de l'école.

J/ Respect des droits des retenus

• Rendre effective la présence obligatoire d'un interprète, à la charge de l'État.

• Énumérer les droits dans la langue maternelle de l'étranger (et non pas « langue qu'il comprend »).

• En zone d'attente : la phase de notification des droits doit intervenir en même temps que la notification de refus d'admission et de maintien en zone d'attente. Or, selon l'Anafé, ces droits ne sont que très rarement notifiés.

• La privatisation croissante des « escortes » ne doit pas se faire au détriment des droits des retenus.

K/ Santé

• Faire en sorte que l'accès aux soins soit une réalité.

• Les malades relevant de la psychiatrie doivent être identifiés et recevoir un traitement adapté.

• Revoir les « fiches pays » sur la base desquelles les étrangers malades sont renvoyés dans leur pays d'origine.

• Prévoir un protocole particulier pour les femmes enceintes.

COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS
DE LA MISSION D’INFORMATION

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE MARSEILLE-LE CANET
(7 JUILLET 2008)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA de Marseille-Le Canet le lundi 7 juillet 2008. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président, de M. Christian Vanneste (UMP) et de Mme George Pau-Langevin (SRC).

La délégation a visité les locaux du CRA et de la zone d’attente du Canet, ainsi que ceux du pôle judiciaire, désormais inutilisés (voir plus loin). Elle a pu s’entretenir notamment avec le secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône, M. Didier Martin, avec le secrétaire général adjoint, M. Christophe Reynaud, avec le directeur zonal de la PAF, le contrôleur général Bernard Reymond-Guyamier, avec le chef du CRA, le commandant Élisabeth Leclerc. Elle s’est également entretenue avec une responsable de la CIMADE, avec les agents de l’ANAEM, avec le personnel médical du Centre. Elle a enfin pu rencontrer des personnes retenues.

1. Description générale du site du Canet.

Le CRA du Canet a été inauguré en juin 2006, il remplace le CRA d’Arenc qui avait une très mauvaise réputation, même si ce dernier avait fait l’objet d’importants travaux de rénovation l’année précédent sa fermeture.

● La Zone d’attente : L’une des particularités du centre du Canet est de comprendre à la fois un CRA et une zone d’attente. Celle-ci comprend 34 places (17 hommes et 17 femmes) offrant les mêmes caractéristiques en terme d’hébergement que le CRA (chambre de deux, bloc sanitaire indépendant). Lors de la visite de la mission, la zone d’attente était entièrement inoccupée, de même que celle de l’aéroport de Marseille Marignane. Cette dernière, qu’a pu visiter M. Vanneste, offre un confort très sommaire. De fait, les personnes maintenues au-delà de quelques heures sont transférées au Canet. Pour autant, notamment suite aux remarques faites par la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente, des travaux sont prévus prochainement dans la ZA de Marignane (installation d’une douche, d’un téléphone…). Il faut par ailleurs noter que la ZA du Canet est entièrement distincte du CRA : elle ne peut ainsi légalement pas accueillir de personnes en instance d’éloignement, même si elle est vide et que le CRA est plein.

● L’aspect général du CRA : il est situé dans un quartier fortement urbanisé, ce qui n’est pas sans poser des problèmes avec les riverains qui se plaignent des nuisances liées au fonctionnement du CRA (escortes, éventuelles manifestations…). Dans la même enceinte que le CRA, se trouvent les bureaux de la direction zonale de la police aux frontières.

Le CRA du Canet a une capacité de rétention de 136 places et un effectif de 137 fonctionnaires de police.

Le bâtiment du CRA est composé tout d’abord d’un rez-de-chaussée où se trouvent l’accès du centre, les quatre parloirs pour les visites (assez nombreuses compte tenu de l’emplacement du CRA, elles durent généralement une demi-heure le matin et l’après-midi), le greffe, le poste de contrôle, les bureaux d’escorte… Au même niveau, se trouvent les bureaux de l’ANAEM et de la CIMADE : ils ne sont donc pas directement accessibles aux étrangers mais ceux-ci y sont conduits dès qu’ils le demandent.

Les unités d’hébergement des retenus sont au premier étage du bâtiment qui a la forme générale d’un peigne. Chaque « dent » du peigne constitue une unité d’hébergement autonome comprenant chambres, salle de détente, salle de TV, cour de promenade… et au sein de laquelle les retenus peuvent circuler librement de 7 heures à 22 heures 30, heure de fermeture des chambres (sauf événement comme un match de football).

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Les chambres : le CRA est uniquement composé de chambres à deux lits non superposés, alors que les retenus étaient à 8 par chambre au centre d’Arenc. Chaque chambre dispose de son bloc sanitaire indépendant équipé d’un WC et d’une douche, ce qui est un élément très positif. La délégation a pu constater que l’état général des chambres a assez vite vieilli (les murs des chambres sont ainsi constellés de graffitis), surtout dans les unités pour hommes, de même que l’ensemble des équipements mis à la disposition des retenus. Mais l’état général de propreté des chambres et des parties communes, qui fait l’objet d’un entretien quotidien par une entreprise extérieure, est satisfaisant.

● Les parties communes : chaque unité comprend une salle de détente avec baby foot, une salle de TV et une cour de promenade, directement accessible en permanence (jusqu’à la fermeture des chambres) dont la taille dépend de la capacité de l’unité. Des téléphones à carte, fournis par l’ANAEM (éventuellement gratuitement aux indigents) sont en accès direct, sachant que les retenus peuvent conserver leur téléphone portable si celui-ci n’est pas équipé d’un appareil photo (dans cette hypothèse, ils conservent néanmoins leur carte « SIM »).

● Les prestations hôtelières : elles sont fournies par des entreprises extérieures. Les retenus reçoivent à leur arrivée un kit complet, renouvelé tous les 3 jours, de même que le matériel de couchage. Leur linge personnel peut faire l’objet d’un blanchissage quotidien effectué gratuitement sur place. Une convention avec la Croix-Rouge permet de fournir du linge aux retenus qui ne disposent pas des effets personnels nécessaires.

Les repas sont pris dans des réfectoires de taille moyenne. Les membres de la mission ont déjeuné au centre et ont donc pu apprécier par eux-mêmes les repas servis aux retenus. Ces repas, préparés à l’avance par une société extérieure et réchauffés au moment du repas, sont tout à fait satisfaisants tant en terme de quantité, de qualité que d’équilibre nutritionnel.

Au total, comme l’a reconnu la représentante de la CIMADE, les conditions matérielles d’hébergement sont très correctes. D’autant que la durée moyenne de rétention au Canet n’est que de 11 jours. Lors de la visite de la mission, la capacité totale du centre n’était pas atteinte puisque s’y trouvaient 73 retenus : d’après le personnel médical du centre, cela explique l’ambiance relativement détendue qui y régnait ce jour-là. Lorsque la capacité maximale est atteinte, la tension y serait beaucoup plus palpable.

3. Les intervenants extérieurs.

● L’ANAEM : elle a une mission d’assistance administrative et matérielle aux retenus. Deux agents travaillent au bureau de l’ANAEM, ce qui est peu, compte tenu de l’ensemble des missions à accomplir (effets personnels à récupérer, récupération des fonds auprès d’employeur, clôture de comptes bancaires, préparation du retour…) qui impliquent de fréquents déplacements. Les agents de l’ANAEM ont par ailleurs un accès à l’ensemble des informations du greffe concernant les informations relatives au retour (heure et date des vols ou des bateaux (59)) qu’elles communiquent aux retenus pour préparer au mieux le retour). Au-delà de cette mission, les agents de l’ANAEM insistent beaucoup sur le soutien moral et psychologique qu’ils apportent aux personnes retenues.

● La CIMADE : de l’avis tant des responsables du centre que de la responsable de la CIMADE rencontrée par la délégation, les relations entre l’administration du CRA et la CIMADE sont bonnes. Le bureau de l’association est ouvert du lundi au samedi, 2 personnes sont présentes en permanence : elles aident les retenus à rédiger des recours ou des demandes d’asile. D’après la responsable de la CIMADE, de telles démarches sont susceptibles d’aboutir pour environ 20 % des retenus, ce qui n’empêche pas la CIMADE d’apporter une aide à l’ensemble des retenus qui le demandent.

● Le service médical : il est composé d’un médecin, présent au centre tous les matins, et de trois infirmières. Il dispose de locaux adaptés à ces missions, sachant qu’une convention avec l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille permet la prise en charge des retenus en cas de nécessité. Chaque retenu bénéficie d’une visite médicale à son arrivée au centre. Le service médical est ouvert tous les jours de 8 heures à 18 heures, il n’est pas directement accessible aux retenus, ce qui ne semble pas poser de problème pour l’accès aux soins des retenus.

● Les associations d’animation : Le CRA du Canet se caractérise par une initiative très bienvenue prise par la chef de centre. En effet, celle-ci, consciente que l’inactivité forcée des personnes retenues pouvait être source de tension, a pris contact avec une association d’animation présente en milieu carcéral, le GENEPI (groupement national d’enseignement aux personnes incarcérées), à l’origine d’une nouvelle association, l’ACICRA (association citoyenne des intervenants en CRA), composée d’étudiants bénévoles qui viennent proposer aux retenus diverses activités (poterie, atelier photo, théâtre, tennis-ballon…) : le CRA dispose en effet de nombreuses cours et patios adaptés à ce type d’activité qui ont, semble-t-il, été très appréciés par les personnes retenues.

Malheureusement, la mission a appris que cette initiative très intéressante allait être interrompue, au grand regret de la chef de centre. Il semble en effet que le positionnement de neutralité absolue revendiqué par l’ACICRA ne soit pas compris par les associations de défense des étrangers, notamment par celle qui est présente sur le site, la CIMADE. Dans ces conditions, les bénévoles de l’ACICRA n’ont pas souhaité poursuivre leurs activités.

4. Les questions soulevées au cours de la visite

● Les incidents au CRA : le plus grave intervenu depuis l’ouverture du centre est un suicide par pendaison avec un drap de lit en décembre 2006, qui a traumatisé les personnels qui n’ont rien pu faire pour sauver le retenu bien qu’ils soient intervenus très vite. En effet, les chambres sont des lieux d’intimité qui ne sont pas couvertes par les caméras de vidéosurveillance, ni même surveillées par des patrouilles de policiers, qui seraient légitimement critiquées. En outre, dans une chambre de deux, il suffit que le co-retenu quitte la chambre pour laisser un retenu entièrement seul : il est peu probable qu’une telle tentative de suicide eût pu intervenir à Arenc où les retenus étaient 8 par chambres.

Les autres principaux incidents sont les « soustractions à mesure d’éloignement », c'est-à-dire les évasions, au nombre de cinq depuis début 2008, et quelques grèves de la faim, plus revendicatives que réelles.

Pour faire face notamment à ces incidents et, plus globalement pour tenir compte de la spécificité des CRA, la Chef de centre estime qu’il serait utile d’offrir aux personnels de la police nationale une formation spécifique. Beaucoup de fonctionnaires sortent en effet de l’école de police où ils n’ont pas reçu d’enseignements adaptés aux missions qu’ils ont à accomplir dans les CRA.

● L’existence d’un pôle judiciaire dans le bâtiment du CRA : en application de la loi du 26 novembre 2003, le CRA du Canet disposait d’un pôle judiciaire, affecté au ministère de la justice, abrité dans le même bâtiment que le CRA, pour accueillir les audiences du juge des libertés et de la détention. Il a été mis fin à cette expérience à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation du 17 avril 2008 qui a estimé que le pôle judiciaire n’était pas construit « à proximité immédiate du lieu de rétention », comme l’exige la loi, mais dans l’enceinte même du centre de rétention.

Pour MM. Thierry Mariani et Christian Vanneste, le local, spacieux et esthétique, semble parfaitement adapté à sa fonction. Il est maintenant inutilisé.

Le bilan du fonctionnement du pôle judiciaire est particulièrement positif, tant pour les magistrats, que pour les économies réalisées sur les escortes et, surtout, pour les retenus eux-mêmes. En effet, les conditions de présentation devant le JLD au Canet sont incomparables avec celles d’une présentation au siège du TGI en centre-ville. Au lieu d’être conduit immédiatement de leur chambre au JLD, ils doivent en effet dorénavant partir pour le TGI par groupe, attendre d’être présentés devant le JLD dans les cellules du TGI mélangés avec les « droits communs », attendre après leur présentation la fin de l’audience pour rentrer au CRA. La fermeture du pôle judiciaire le 17 avril a d’ailleurs entraîné un mouvement de mauvaise humeur de la part des retenus.

Afin de résoudre cette situation, il faut remarquer que l’administration a réagi assez vite puisqu’elle a décidé d’affecter au TGI de Marseille un bâtiment disponible, situé à 200 mètres du CRA. Une fois les travaux nécessaires réalisés, pour un coût de 300 000 euros, la nouvelle salle d’audience pourra être inaugurée à l’automne.

● Le problème des escortes : le très grand nombre d’escortes à réaliser pèse très fortement sur les effectifs de la PAF qui doivent accompagner les retenus devant le JLD, éventuellement devant la Cour d’appel, devant le tribunal administratif, devant leur consul pour obtenir un laissez-passer consulaire. S’agissant de ce dernier type d’escortes, la charge est d’autant plus lourde que les retenus sont conduits devant le consul de leur lieu de résidence, et non pas devant le consul du lieu de rétention. Par exemple, un étranger de nationalité marocaine interpellé en Corse et retenu au CRA de Marseille doit être conduit devant le consul du Maroc à Bastia et non devant le consul du Maroc à Marseille.

● La présence des personnes frappées d’une interdiction du territoire français (ITF) au sein du CRA : la coexistence de personnes sortant de prison après une condamnation pénale assortie d’une ITF et de personnes en instance de reconduite à la frontière est souvent à l’occasion d’incidents et de tension. La PAF travaille avec l’administration pénitentiaire afin d’anticiper les sorties de prison des personnes frappées d’ITF afin que la mesure d’éloignement puisse être immédiatement mise en œuvre dès la sortie du CRA. La principale difficulté réside dans l’identification de ces personnes et leur reconnaissance par leur consulat qui nécessite parfois un placement en CRA, notamment quand la personne a bénéficié d’une libération anticipée, ne permettant donc pas d’effectuer les démarches nécessaires avant la sortie. Il semblerait cependant normal de conditionner une mesure de libération anticipée pour bonne conduite à la coopération de l’intéressé en ce qui concerne son identification.

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE PARIS-DÉPÔT
(22 JUILLET 2008)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA de Paris-Dépôt le mardi 22 juillet 2008. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président, et de M. Patrick Braouezec (GDR).

La délégation a visité les locaux du CRA installés au sein du Palais de justice de Paris sur l’Île de la Cité. Elle a pu s’entretenir notamment avec le directeur-adjoint du cabinet du préfet de police, M. Renaud Vedel, avec le sous-directeur de la protection des institutions, des gardes et des transferts (à la direction de l'Ordre public et de la circulation de la préfecture de police), le contrôleur général Jean-Marie Gutknecht, avec les personnels de police chargés de la gestion du CRA. Elle s’est également entretenue avec une responsable de la CIMADE, avec les agents de l’ANAEM, avec le personnel médical du Centre et avec la mère supérieure de la Congrégation de Marie-Joseph et de la miséricorde, historiquement présente sur le site.

1. Un site peu adapté à la rétention

● Un CRA dont la réputation a longtemps été très mauvaise : le CRA du Palais de justice a été ouvert en octobre 1982. Il est immédiatement contigu au dépôt du Palais de justice qui accueille les personnes en attente de comparution devant le tribunal. Le CRA et le dépôt partagent d’ailleurs une entrée commune où cohabitent les équipes de fonctionnaires de police, distinctes, affectées à chacune de ces deux missions. Du fait de son implantation au sein du Palais de justice, la zone de rétention est relativement exiguë, et est dépourvue d’accès à la lumière naturelle. Pour toutes ces raisons, la coexistence d’un CRA Hommes et d’un CRA Femmes dans un lieu aussi confiné a longtemps entraîné des critiques virulentes, qui avaient d’ailleurs conduit à une première fermeture de la partie Hommes en 1995. Le rapport du commissaire aux droits de l’homme du conseil de l’Europe, en 2005, fut ensuite particulièrement critique quant aux conditions de rétention sur ce site, jugées indignes.

● La fermeture de la partie Hommes a permis de maintenir un CRA sur le site : à la suite de l’ouverture du deuxième CRA de Vincennes, en 2006, il a été possible de fermer la partie Hommes du CRA du Palais de Justice. Ainsi, celui-ci n’accueillait, à partir de juin 2006, que des femmes, qui disposaient ainsi de beaucoup plus de place. Surtout, à l’occasion de la fermeture de la partie réservée aux hommes, de très importants travaux de rénovation du CRA ont été mis en œuvre, qui ont, de l’avis général, considérablement amélioré les conditions d’hébergement sur le site.

Les conditions de rétention au Dépôt sont aujourd’hui acceptables et permettent donc d’envisager le maintien d’un CRA sur ce site, d’autant que, s’agissant d’un CRA réservé aux femmes, sa capacité théorique (40 places) est généralement très loin d’être atteinte. Ainsi, il est possible d’offrir aux retenues une écoute et une attention personnalisée, notamment en raison de la présence permanente sur le site des sœurs de la Congrégation de Marie-Joseph et de la miséricorde.

Enfin, il faut préciser que l’emplacement du CRA au sein du Palais de justice présente au moins un avantage, celui de réduire au maximum la distance entre le lieu de rétention et le juge des libertés et de la détention. Il s’ensuit que les problèmes liés aux conditions de présentation devant le JLD (escortes fatigantes, attente au palais de justice…) rencontrées dans d’autres centres sont absents dans ce CRA.

● Un CRA temporairement affecté à la rétention des hommes : lors de la visite de la Mission d’information, seuls des hommes étaient retenus au CRA. En effet, à la suite de l’incendie du CRA de Vincennes, le 22 juin 2008, le CRA du Palais de justice a été affecté aux hommes. Les femmes dont le préfet décide la rétention sont dorénavant envoyées dans d’autres centres disposant d’une zone réservée aux femmes.

Cette solution ne peut être que provisoire dans la mesure où le CRA du dépôt n’est pas adapté à une rétention d’hommes. En effet, ses conditions d’accueil deviennent difficilement acceptables lorsque sa capacité maximum est atteinte, ce qui arrive rarement lorsque le CRA est uniquement affecté aux femmes. En outre, les effectifs de police nécessaires pour assurer la garde sont bien supérieurs, ce qui ne fait qu’accentuer les problèmes de place. À l’inverse, les sœurs ne peuvent plus intervenir que ponctuellement auprès des retenus masculins, alors que leur présence, très appréciée, est continue avec les femmes. Enfin, et bien qu’aucune détérioration sérieuse n’ait été constatée depuis le 22 juin, le mobilier et les équipements du CRA ne sont pas adaptés à la rétention d’hommes puisqu’ils ne sont pas scellés au sol, comme dans tous les autres CRA, mais mobiles.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Les chambres : le CRA est composé de chambres de deux ou quatre lits, particulièrement sombres. Les chambres de 4 sont équipées de douche et de WC. Les sanitaires sont globalement en nombre suffisant.

● Les parties communes : les retenus ont un accès direct aux parties communes constituées de deux salles, le réfectoire et la salle de détente, qui sont chacune équipée d’une télévision. L’accès à ces salles est fermé à minuit. La cour de promenade est également accessible directement par un escalier extérieur, ce qui n’était pas le cas avant les travaux de 2006 : il s’agit donc d’un progrès. Cette cour est d’assez petite taille mais elle n’est pas recouverte d’un grillage, elle est donc d’aspect plus agréable que de nombreuses cours extérieures de CRA.

● Les prestations hôtelières : elles sont fournies par des entreprises extérieures (repas, entretien, linge, fournitures d’hygiène). Le centre est bien entretenu et n’appelle pas de remarques défavorables sur ce point. Une laverie permet de nettoyer les effets personnels des retenus, qui peuvent disposer de vêtements récupérés par les sœurs auprès de diverses associations. À titre d’exemple, les retenus sont tous chaussés de « claquettes » qui leur ont été fournies par ce biais.

3. Les conditions d’exercice des droits

● Le droit à l’assistance médicale : une infirmière est présente sur le site 20 heures sur 24. La délégation a pu rencontrer l’infirmière présente ce jour-là. Celle-ci, qui vient du CRA de Vincennes, considère que la petite taille du CRA du dépôt permet d’offrir aux retenus une attention plus personnalisée, d’approfondir les traitements et d’apporter un soutien psychologique. Un médecin vient faire quotidiennement des vacations. Par ailleurs, la proximité de l’Hôtel Dieu permet une prise en charge dans d’excellentes conditions lorsque des soins plus élaborés doivent être dispensés.

L’infirmière a également indiqué que la population des sortants de prisons présentait un profil particulier, nécessitant une prise en charge médicale différente et plus approfondie. Il lui semble qu’il serait préférable de retenir ces personnes dans des unités séparées du reste des autres retenus.

● Le droit à une assistance administrative et matérielle : cette mission est confiée à l’ANAEM, elle consiste, comme dans tous les CRA, à faire des achats pour les retenus (cigarettes…), à récupérer leurs effets personnels, à mettre en œuvre les démarches nécessaires pour récupérer des salaires (ce qui s’avère généralement impossible, les employeurs de travailleurs illégaux refusant de reconnaître ces derniers), clore des comptes bancaires… Cette dernière mission s’avère difficile, les banques, ou la poste dans la moitié des cas, étant très réticentes à confier les fonds à un tiers, en l’absence de procuration claire, difficile à établir compte tenu de l’absence fréquente de papiers d’identité. L’agente de l’ANAEM rencontrée par la délégation souhaiterait qu’une convention puisse être conclue entre l’ANAEM et le secteur bancaire.

● Le droit à une assistance juridique : il est assuré, comme dans tous les CRA, par la CIMADE. Celle-ci a néanmoins été absente pendant six mois en 2006 lorsque la partie Hommes du CRA a été transférée à Vincennes. Les responsables du CRA estiment que cette absence posait des problèmes pour l’accès à leurs droits des retenues, que les services de police tentaient de palier en mettant par exemple à disposition leur télécopie. La capacité moyenne du site, surtout quand il est occupé uniquement par des femmes, permet aux personnels de la CIMADE d’examiner de façon plus approfondie les situations individuelles qu’à Vincennes par exemple.

● L’accès à la demande d’asile : dès l’arrivée au greffe du CRA, le retenu se voit informer de son droit de demander l’asile. Un formulaire lui est présenté, traduit dans les principales langues. Si le retenu ne sait pas lire, l’information lui est alors donnée oralement en français ou dans une langue qu’il peut comprendre.

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DU MESNIL AMELOT
(22 JUILLET 2008)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA du Mesnil Amelot (Seine-et-Marne) le mardi 22 juillet 2008. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président, et de M. Patrick Braouezec (GDR).

La délégation a visité le site : secteur administratif comme secteur de vie en rétention où elle a pu rencontrer des personnes retenues. Elle a pu s’entretenir notamment avec le général Saffray, sous-directeur de la sécurité publique et de la sécurité routière à la direction générale de la gendarmerie nationale, avec le général Petit, de la région de gendarmerie d’Île-de-France, avec le lieutenant-colonel Blottiaux, du groupement de gendarmerie de Seine-et-Marne, avec le chef d’escadron Ducq, commandant temporaire du CRA. La délégation s’est également entretenue avec les responsables de la CIMADE, avec les agents de l’ANAEM, avec le personnel médical du Centre et avec les représentants de la société GTM, chargée de la coordination générale de l’ensemble des services délégués.

1. Un site vaste et aéré, adapté à l’installation d’un CRA

● Un CRA géré par la gendarmerie nationale : le CRA du Mesnil-Amelot fait partie des CRA gérés par la gendarmerie nationale. Un noyau permanent de 23 gendarmes départementaux est chargé de la gestion administrative du centre. La mission de sécurité du site est confiée à un escadron de gendarmerie mobile (environ 85 personnes) hébergé sur le site. Les missions d’escorte et de transfèrement sont également assurées par un EGM, qui n’est pas hébergé sur place. Chaque EGM accomplit des missions de 4 à 5 semaines sur le site avant d’être remplacé par un autre : lors de la visite de la délégation, la sécurité était assurée par un EGM de Reims, et les escortes par un EGM de Strasbourg.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la gendarmerie devrait se désengager de la mission de gestion des CRA au profit de la police aux frontières, entre 2009 et 2010. Cela permettra de recentrer la gendarmerie mobile sur son cœur de métier qui est le maintien de l’ordre. De plus, la mission de surveillance des CRA est source de tensions pour des personnels qui n’y sont pas spécifiquement préparées. À l’inverse, l’affectation de gendarmes mobiles à la sécurité de CRA pour des durées courtes n’est pas sans avantage, compte tenu notamment de l’habitude de vie en collectivité de ces militaires. L’autre objectif de cette réforme est de confier la mission de gestion des CRA à des spécialistes, afin d’accroître le taux de reconduite, actuellement de 30 % seulement au Mesnil Amelot. Dans le cadre de cette réforme, 850 emplois seront transférés à la police nationale. Il est à noter que la gendarmerie avait consenti d’importants efforts budgétaires (100 millions d’euros) pour financer le plan triennal de construction de CRA, au détriment de la construction de brigades. Les investissements ainsi consentis seront transférés à la police nationale.

● Un CRA de grande taille mais bien aménagé : le CRA du Mesnil Amelot atteint la capacité maximum autorisée par la réglementation, soit 140 places. Sa capacité a même atteint un temps 172 places.

Le CRA est construit en dehors du village du Mesnil-Amelot, à proximité immédiate des pistes de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Il en résulte deux avantages généralement peu conciliables : d’une part une bonne desserte du centre par les transports en commun, d’autre part le fait de disposer d’une surface importante (3 ha ½ au total).

Le CRA se divise en deux secteurs :

— le secteur administratif est composé de deux bâtiments : l’un réservé à la gestion du CRA, au greffe et à l’accueil, l’autre aux intervenants extérieurs (CIMADE, ANAEM, service médical) où les retenus peuvent accéder quand ils le désirent, escortés par des gendarmes ;

— le secteur de la vie en rétention : entouré d’une double rangée de grillage et d’un chemin de ronde, il n’offre pourtant nullement une impression de confinement. En effet, cette zone occupe une surface au sol importante au sein de laquelle les retenus circulent librement (sauf la nuit). Les bâtiments d’hébergement, au nombre de six, et le bâtiment collectif (réfectoire et salle de détente) sont indépendants les uns des autres, ce qui donne l’impression générale d’un espace très aéré, non dépourvu de verdure.

Non seulement chaque bâtiment d’hébergement (une vingtaine de personnes dans chaque) dispose d’une cour extérieure ouverte en permanence, même la nuit, mais les retenus circulent librement dans la journée d’un bâtiment à l’autre et sur le terrain de sport qui est d’une bonne taille.

● Un CRA qui n’échappe pas à la survenue d’incidents : comme tout CRA de cette taille, le CRA du Mesnil Amelot est confronté à des incidents divers (automutilations, tentatives de suicide, tensions diverses, mouvements d’humeur…). Plusieurs incidents sont par exemple survenus le week-end du 14 juillet attisés par des meneurs bien identifiés, dont trois étaient des sortants de prison et trois étaient en fin de rétention.

Le problème spécifique des sortants de prison, visible dans tous les CRA, est particulièrement prégnant au Mesnil Amelot qui accueille une part particulièrement importante de retenus frappés d’une mesure d’interdiction du territoire (ITF). Les autres personnes retenues se plaignent de cette situation, s’estimant mal considérés d’être mélangés avec des personnes ayant commis des crimes ou des délits parfois graves.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Les bâtiments d’hébergement : les retenus sont répartis dans des pavillons d’une vingtaine de places comportant chacun un espace extérieur, une salle de télévision, des sanitaires et des chambres de deux lits comprenant une armoire fermée, une table et des chaises. Chaque pavillon dispose également d’une cabine téléphonique et d’un allume-cigare (les briquets et allumettes étant interdits). La nuit, quand chacun des secteurs d’hébergement est fermé (entre 21H et 7H30), les retenus peuvent donc néanmoins continuer de circuler librement dans un espace nettement plus grand que leur seule chambre.

● Les parties communes : les retenus ont un accès direct aux parties communes constituées des espaces de circulation entre les bâtiments, du terrain de sport, du réfectoire et de la salle de détente qui comporte une table de tennis de table.

● Les prestations hôtelières : elles sont fournies par des entreprises extérieures (repas, entretien, linge, fournitures d’hygiène) coordonnées par la société GTM qui est chargée de l’accueil du retenu. Cet accueil se fait de façon très professionnelle : chaque retenu qui arrive se voit remettre un kit de literie (draps…) qui est changé sur simple demande, un kit d’hygiène. Sur demande, des objets de loisir (jeux de carte, ballon…) peuvent être prêtés. Les retenus peuvent se rendre sur demande au guichet de la société afin de faire toute demande relative aux prestations offertes. À noter, la présence deux matinées par semaine d’un coiffeur, prestation très appréciée par les retenus qui ne veulent pas apparaître négligés à l’occasion des audiences devant le juge ou en cas de retour effectif dans leur pays d’origine. Comme dans de nombreux centres, une laverie permet le nettoyage des vêtements des retenus, qui peuvent également se voir fournir, en cas de besoin, des vêtements donnés par le secours populaire ou la Croix Rouge.

● La restauration est assurée par la société Avenance qui fournit des plateaux-repas qui sont ensuite portés à température au moment de déjeuner ou du dîner. Les repas sont pris dans des réfectoires lumineux sur de petites tables. Les retenus font l’objet d’un pointage afin de pouvoir signaler au service médical d’éventuelles personnes manquant systématiquement les repas. Les responsables du centre rappellent cependant que bon nombre de grévistes de la faim allégués continuent en réalité de se nourrir. En effet, les retenus disposent de distributeurs de boissons, de friandises et de sandwich.

Au total, les conditions d’hébergement sont tout à fait conformes à la dignité et respectent les prescriptions réglementaires. D’ailleurs, les retenus qui se sont spontanément adressés aux membres de la délégation ne l’ont pas fait pour évoquer des problèmes liés à la rétention elle-même, mais pour montrer leur ressentiment quant aux procédures d’éloignement qui les concernent.

3. Les conditions d’exercice des droits

Les droits liés à la situation administrative : au Mesnil Amelot, les informations relatives à la situation administrative des retenus (convocations devant le JLD ou au TA, dates de vol de retour) font l’objet d’un affichage actualisé tous les jours. Certes, les responsables de la CIMADE font remarquer que les informations de logiciel ELOI ne sont pas toujours parfaitement à jour, néanmoins l’affichage constant de ces informations constitue une marque de transparence qu’il faut souligner. Bien évidemment, pour les cas les plus sensibles, les informations relatives au vol de retour ne sont pas affichées longtemps à l’avance.

Afin de permettre aux retenus de bien comprendre leur situation ou de faire part d’un problème spécifique, le règlement intérieur du CRA prévoit que chaque retenu peut demander à rencontrer un gradé dans les 24 heures.

● Le droit à l’assistance médicale : cinq infirmières se relaient afin d’offrir un service médical quotidien. Trois médecins vacataires se rendent également au CRA dans le cadre de la convention conclue avec l’hôpital de Meaux.

Le service médical propose également une fois par semaine une consultation de psychiatrie, répondant ainsi à un besoin qui se manifeste dans l’ensemble des centres de rétention. Compte tenu de la récurrence des problèmes dentaires, la présence ponctuelle d’un dentiste a été envisagée : pour l’heure, seuls des arrachages de dents sont effectuées, mais pas de soins dentaires proprement dits.

Les infirmières rencontrées par la délégation ont souligné que la population des sortants de prison, particulièrement nombreux au Mesnil Amelot, était très difficile à gérer, du fait notamment de problèmes liés à la toxicomanie (le service médical propose des traitements de substitution, qui doivent obligatoirement être pris dans les locaux du service afin d’éviter un trafic, précaution qui n’est pas suivie en prison).

● Le droit à une assistance administrative et matérielle : cette mission est confiée à l’ANAEM, elle consiste, comme dans tous les CRA, à faire des achats pour les retenus (cigarettes…), à récupérer leurs effets personnels, à mettre en œuvre les démarches nécessaires pour récupérer des salaires ou clore des comptes bancaires… Cette dernière mission semble moins difficile à mettre en œuvre que dans d’autres CRA.

Les effectifs de l’ANAEM, 6 personnes, permettent d’assurer une présence 7 jours sur 7 et d’offrir un niveau de service satisfaisant.

● Le droit à une assistance juridique : il est assuré, comme dans tous les CRA, par la CIMADE. Les permanents rencontrés par la Délégation soulignent la difficulté d’apporter une aide de qualité à l’ensemble des personnes qui en font la demande, compte tenu de la capacité du CRA. Le jour de la visite, le nombre de personnes retenues était de 100, nombre qui permet un examen approfondi des dossiers d’après les permanents de la CIMADE.

Le principal problème évoqué par la CIMADE dans le domaine des droits des retenus concerne la rédaction, en français, des demandes d’asile. Les retenus peuvent faire appel à un interprète, mais à leurs frais, l’administration ne fournissant un interprète que dans le cadre des procédures d’éloignement depuis 2005 et la CIMADE ne disposant pas des moyens financiers pour assurer ce service.

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE MAYOTTE
(1ER FÉVRIER 2009)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA de Mayotte le dimanche 1er février 2009. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président, et de Mme George Pau-Langevin (SRC).

La délégation a visité les locaux du CRA et s’est entretenue notamment avec le directeur de la police aux frontières (PAF) de Mayotte, M. Yvon Carratero. Elle a également pu rencontrer des personnes retenues.

1. Généralités sur le CRA de Mayotte

● Le CRA de Mayotte se caractérise par un caractère vétuste et des dimensions insuffisantes, alors que les succès enregistrés à Mayotte dans la lutte contre l’immigration clandestine ont conduit au cours des dernières années à une forte hausse des personnes transitant par le centre. Il convient de rappeler que, grâce au renforcement des effectifs de la PAF de Mayotte (passés de 31 à 143 agents de 2004 à 2008), à la mise en service de 3 radars fixes de surveillance et de plusieurs nouvelles vedettes rapides, en 2008, le nombre d’embarcations clandestines (dénommées localement kwassas-kwassas) interceptées (256) a été multiplié par 6,9 par rapport à 2004, et celui des éloignements exécutés (16 040) multiplié par 4 depuis 2002.

● Les effectifs de la PAF affectés à la gestion du CRA s’élèvent à 45 agents. Par ailleurs, le coût annuel de gestion de ce centre et des vedettes avoisine 100 millions d’euros (hors personnel). Le coût moyen de l’éloignement d’un étranger en situation irrégulière peut être estimé, à Mayotte, à 150 euros, ce qui est très faible comparé au coût moyen d’un éloignement en métropole.

Le coût moyen payé par les étrangers en situation irrégulière pour gagner Mayotte par la mer depuis l’île comorienne voisine d’Anjouan (située à 70 kilomètres de Mayotte) a augmenté ces dernières années et peut être estimé à 250 euros. Les étrangers interpellés ne manifestent généralement pas de résistance et font globalement preuve de fatalisme – ce qui permet d’éviter des escortes policières pour leur réacheminement aux Comores. Si plus de 90 % d’entre eux sont originaires d’Anjouan, ceux qui proviennent des autres îles (Grande Comore ou Moheli) refusent toutefois d’être reconduits vers Anjouan – ils séjournent donc plus longuement au centre dans l’attente d’une liaison vers leur île d’origine (organisée périodiquement dès qu’un nombre suffisant d’étrangers doivent y être reconduits).

● Conçu pour accueillir 60 personnes, le CRA de Mayotte en héberge souvent le double, en fonction du nombre imprévisible de kwassas-kwassas interceptés en mer, mais son taux d’occupation est très variable d’un jour à l’autre. En cas de blocage prolongé des frontières comoriennes pour des raisons politiques, l’impossibilité de procéder aux reconduites conduit à la remise en liberté des étrangers à l’expiration de leurs délais de rétention, ce qui est décourageant pour les forces de l’ordre.

● Les empreintes digitales des étrangers amenés par la PAF sont systématiquement prises ; en revanche, pour les étrangers conduits au centre par la gendarmerie nationale ou les policiers de la direction de la sécurité publique de Mayotte, le relevé n’est effectué que lorsque cela est matériellement possible.

● Les kwassas-kwassas confisqués par les forces de l’ordre, embarcations de fortune moulées en résine et capable de contenir 30 à 40 personnes ainsi que quelques animaux, sont entreposés sur un terrain situé devant l’entrée du CRA avant d’être détruits.

● Il convient enfin de rappeler que le secrétaire d’État à l’outre-mer, M. Yves Jégo, a annoncé le 8 janvier dernier que le CRA actuel serait remplacé en 2011 par un nouveau centre, plus grand et plus adapté.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Lors de la visite, le nombre d’étrangers retenus dans le CRA s’élevait à 110 personnes, soit presque le double de la capacité théorique du centre. Au cours de l’année 2008, le taux moyen d’occupation du CRA s’est élevé à 116 % (la moyenne mensuelle variant de 21 % en avril à 166 % en novembre), mais a, au cours de l’année, ponctuellement avoisiné 400 % à deux reprises (223 personnes le 21 octobre et 241 personnes le 22 décembre 2008).

● Des travaux d’agrandissement du CRA étaient en cours, sous la supervision directe de son directeur, mais le manque de terrain disponible offre peu de possibilités. Une rénovation était intervenue au cours des semaines précédant la visite, pour un coût de 155 000 euros, de façon à isoler les sanitaires et les douches, à créer des espaces distincts pour l’hébergement des femmes et des enfants, ainsi que pour la restauration.

● Les hommes et les femmes sont désormais accueillis dans des pièces séparées, disposées autour d’un unique couloir, qui sont dépourvues de fenêtres et dont l’aération est effectuée par des espaces grillagés en hauteur. Le centre ne comprend pas d’espace de promenade ou de détente, ni de télévision accessible aux étrangers retenus. Le couchage et la prise des repas ont lieu au sol, selon des conditions rudimentaires, qui sont toutefois habituelles aux Comores et ne sont pas critiquées par les intéressés. L’alimentation des personnes retenues est plus difficile le week-end, du fait de l’appel à un prestataire extérieur pour la nourriture fournie (qui est ensuite réchauffée), si bien que certains étrangers ont déploré son insuffisance. Le respect des règles d’hygiène constitue à l’évidence un défi compte tenu de la promiscuité, et fait l’objet de critiques.

● D’une manière générale, le CRA actuel ne demeure adapté qu’à de courtes périodes de rétention – leur durée est d’ailleurs, en règle générale, limitée à une ou deux journées.

3. Les conditions d’exercice des droits

● Les droits liés à la situation administrative : les étrangers retenus n’ont pas accès à un affichage relatif aux informations administratives les concernant – informations dont la lecture serait pour nombre d’entre eux impossible (absence de maîtrise écrite de la langue française).

● Le droit à l’assistance médicale : la présence périodique de personnels du Centre hospitalier de Mayotte permet la prise en charge médicale des étrangers retenus dont l’état de santé implique des soins rapides. Les conditions sanitaires ne paraissent acceptables que pour de courts séjours – un début d’épidémie de gale est survenu lors d’une période de forte surroccupation, conduisant à l’évacuation et à la désinfection totale du centre.

● Le droit à une assistance juridique : les visites de la CIMADE dans le CRA demeurent épisodiques et les personnes retenues ne disposent pas d’un avocat – rappelons que les recours dirigés contre les procédures d’éloignement sont dépourvus d’effet suspensif à Mayotte.

● Le droit de communiquer avec l’extérieur : les étrangers retenus peuvent avoir accès à une cabine téléphonique payante (ils doivent pour cela acheter une carte téléphonique vendue quelques euros).

● Compte tenu de la hausse récente des demandes d’asile déposées à Mayotte, dont l’instruction très longue par des personnels venus de La Réunion entraîne la libération de nombreux étrangers, l’ouverture d’une antenne permanente de l’OFPRA à Mayotte est à l’étude.

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE LILLE
(9 FÉVRIER 2009)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA de Lille (Nord) le lundi 9 février 2009. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président, de Mme George Pau-Langevin (SRC) et de M. Christian Vanneste (UMP).

La délégation a visité les locaux du CRA et a pu s’entretenir notamment avec le directeur zonal de la Police aux frontières, le commissaire divisionnaire Éric Bosquillon et le chef du centre, le commandant Blondin. Elle s’est également entretenue avec les permanents de la CIMADE, avec les agents de l’ANAEM, avec le personnel médical du Centre. Elle a enfin pu rencontrer des personnes retenues.

1. Généralités sur le CRA de Lille 2.

● Le CRA de Lille 2 est installé à proximité de l’aéroport de Lille Lesquin, immédiatement à côté du CRA de Lille 1. En effet, lorsque le CRA de Lille 2 a été inauguré en novembre 2006, le CRA de Lille 1 n’a pas été fermé pour autant. D’une capacité de 39 places, il n’est occupé que ponctuellement, en cas de besoin exceptionnel, comme après l’incendie du CRA de Vincennes en juin 2008 par exemple.

● L’aspect général du CRA se caractérise par sa superficie importante et l’impression d’espace qui se dégage des bâtiments. En outre, ces espaces sont très clairs et d’une propreté générale irréprochable. D’une capacité de 96 places, le CRA est par ailleurs rarement à saturation. Le jour de la visite de la mission d’information, le taux d’occupation était de 70 %.

● Le CRA est placé sous la responsabilité de la PAF. 94 fonctionnaires y sont affectés, soit un taux d’encadrement de prêt d’un fonctionnaire de police pour un retenu.

● Les personnes retenues dans le CRA sont soit des personnes issues de pays traditionnels d’émigration vers la France (Maghreb, Afrique noire) qui cherchent à s’installer dans l’agglomération lilloise, soit des personnes placées au CRA de Lille en raison de la situation géographique de ce centre, à proximité de la frontière avec la Belgique.

● En 2008, 3000 personnes ont été retenues dans le CRA de Lille 2, 963 ont été éloignées avec succès, mais seulement 204 dans le cadre d’une procédure de reconduite à la frontière, les autres ayant été « réadmises » dans un pays de l’Union européenne.

La durée moyenne de rétention à Lille 2 est de 9 jours.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Les retenus sont répartis en 4 zones de vie s’alignant en parallèle, disposées comme les dents d’un râteau, perpendiculairement à un large espace de circulation, très lumineux, sur lequel s’ouvrent également (du côté opposé) divers locaux communs (bureaux des intervenants extérieurs, réfectoire, cuisine).

Deux ailes de 30 places sont réservées aux hommes, une aile de 20 places accueille les femmes. La quatrième aile est destinée à l’accueil des familles. En 2008, 41 mineurs ont séjourné dans le CRA de Lille.

● Chacune de ces ailes constitue un groupe de vie disposant d’une salle de détente (avec baby-foot), d’une salle de télévision et d’une cour de promenade de bonnes dimensions munie d’une table de ping-pong. En raison d’une tentative d’évasion, le panneau de basket a malheureusement été supprimé. Il est à noter que la cour est d’un aspect agréable car elle est orientée en direction d’espaces verts ou boisés.

● Toutes les chambres sont conçues et équipées pour deux occupants, avec 2 lits non superposés. À chacune d’elles sont adjoints de façon indépendante, un WC (avec cuvette), une douche et un lavabo avec miroir. Toutes ces chambres bénéficient de possibilité d’aération extérieure par vitrage sécurisé, partiellement ouvrant. Elles sont globalement dans un état de propreté satisfaisant.

● Les prestations hôtelières : elles sont fournies par des entreprises extérieures. Les retenus reçoivent à leur arrivée un kit complet de même que le matériel de couchage. Les effets personnels des retenus sont nettoyés une fois par semaine. Pour les retenus qui ne disposent pas des effets personnels nécessaires, des vêtements collectés auprès de la Croix-Rouge sont mis à disposition.

Les repas sont préparés à l’avance par une société extérieure et réchauffée au moment du repas. La mission d’information a déjeuné sur place et a pu constater que la nourriture était satisfaisante en quantité comme en qualité.

3. Les conditions d’exercice des droits

● Les droits liés à la situation administrative : les informations sur les déplacements des retenus (audiences judiciaires, escortes…) ne sont pas affichées dans le centre, ce que regrettent les agents de la CIMADE qui considèrent que cette information est obligatoire, sauf exception, en application de la loi.

● Le droit à l’assistance médicale : l’unité médicale est accessible quotidiennement aux retenus. Un médecin est présent tous les après-midi sur le site. En cas d’urgence ou de besoin d’examen complémentaire, il existe une convention avec le CHU de Seclin. Les retenus y sont également envoyés pour des consultations dentaires.

Chaque personne retenue se voit proposer un examen médical systématique avant toute arrivée en zone de rétention, ce qui permet de tenir compte d’éventuelles pathologies pour l’organisation du séjour au CRA (prise de médicaments, suivi nécessaire…). Si peu de tentatives de suicide sont à déplorer, beaucoup de pathologies sont liées à l’enfermement (angoisse, agressivité, insomnie…).

● Les intervenants extérieurs :

Le droit à une assistance juridique est assuré par la CIMADE, qui dispose de deux grands bureaux en dehors de la zone de rétention proprement dite. Mais, les agents de la CIMADE peuvent accéder directement aux personnes retenues depuis novembre 2007. Les agents de la CIMADE considèrent que leurs rapports avec les services de police se passent bien, estimant que ces derniers font preuve de professionnalisme dans leurs relations avec les retenus.

Le droit à une assistance administrative et matérielle est assuré par l’ANAEM qui dispose de 3 agents sur place, ce qui permet d’assurer une permanence du lundi au samedi. Les relations avec les personnes retenues pour qui elles exercent les démarches habituelles (fermeture de compte, achat de marchandises…) sont qualifiées de très bonnes. Bien que les personnes retenues ne soient pas éligibles au dispositif d’aide au retour, les agents de l’ANAEM en font néanmoins la promotion, afin d’informer les personnes quittant le CRA sans être éloignées du territoire.

● Le droit de communiquer avec l’extérieur : des téléphones fixes et des distributeurs de cartes téléphoniques sont librement accessibles dans le CRA.

Les personnes retenues peuvent conserver les « cartes SIM » de leur téléphone, ainsi que l’appareil s’il n’a pas de dispositif de prise de vue. Les fonctionnaires de la PAF craignent en effet l’utilisation déformée qui pourrait être faite d’images qui pourraient choquer, montrées en dehors de leur contexte.

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE COQUELLES
(9 FÉVRIER 2009)

Une délégation de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente a visité le CRA de Coquelles (Pas-de-Calais) le lundi 9 février 2009. Elle était composée de M. Thierry Mariani (UMP), Président et de Mme George Pau-Langevin (SRC).

La délégation a visité les locaux du CRA ainsi que ceux de l’annexe du Palais de justice de Boulogne-sur-mer, située à proximité immédiate du CRA. Elle a pu s’entretenir notamment avec le sous-préfet de CALAIS, M. Gérard Gavory, avec la directrice départementale de la Police aux frontières, Mme Justo ; le chef du centre, M. Éric Buisine. Elle s’est également entretenue avec les permanents de la CIMADE, avec les agents de l’ANAEM, avec le personnel médical du Centre et avec Mme Willard, Juge des Libertés et de la détention. Elle a enfin pu rencontrer des personnes retenues.

1. Un CRA situé dans une région à la problématique migratoire particulière, le Calaisis.

● L’aspect général du CRA : Le CRA de Coquelles a été inauguré en 2003, il s’agissait de l’un des premiers CRA de nouvelle génération, c'est-à-dire construit spécifiquement dans ce but alors que les CRA étaient traditionnellement aménagés dans des bâtiments des domaines existants. Il se situe à proximité des bureaux de la direction départementale de la police aux frontières, de l’hôtel de police, d’autres services de police (garage, maîtres-chiens…) de l’annexe du tribunal de Boulogne-sur-mer. L’ensemble de ces services se trouve à proximité d’une zone commerciale très fréquentée.

Le bâtiment du CRA est construit sur deux niveaux : au rez-de-chaussée, se trouvent les zones de vie ; au premier étage, les espaces administratifs.

Le CRA a une capacité de 79 places. L’effectif de surveillance est de 63 policiers auxquels il faut ajouter 15 fonctionnaires pour les escortes.

● La problématique migratoire du Calaisis : le CRA de Coquelles accueille principalement des étrangers interpellés dans la région du Calaisis alors qu’ils souhaitent se rendre en Grande-Bretagne, les « migr-errants ». En 2008, par exemple, 22000 personnes ont été interpellées à bord de camions. Ces migrants ont une particularité : ils ne demandent pas l’asile en France (une centaine de demandes par an seulement). De plus, très peu de ces étrangers se sont vus délivrer un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, 80 % des éloignements réalisés (le taux de reconduite est de 62 % au CRA de Coquelles) concernent en effet des réadmissions dans le pays de l’Union européenne par où l’étranger est entré sur le territoire européen. Ces étrangers sont alors remis aux autorités belges ou néerlandaises par exemple, sans aucune garantie qu’ils ne retourneront pas très rapidement dans la région.

Les principales nationalités déclarées par les retenus sont d’ailleurs celles de pays où tout éloignement est impossible (Afghanistan, Erythrée, Irak, Iran, Somalie…). En 2008, 81 nationalités différentes ont été représentées au CRA (91 en 2007).

La population migratoire de la région est principalement masculine, et ne possède aucune attache dans la région. Les visites de famille sont d’ailleurs particulièrement rares au CRA.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Les retenus sont répartis en trois « unités de vie » séparées, chacune comportant ses propres parties communes. Une de ces unités de vie est destinée à l’accueil des femmes et des familles : compte tenu du faible nombre de familles, il n’est pas rare que des hommes et des femmes cohabitent dans la même zone de vie. Les chambres des femmes sont alors fermées la nuit. En effet, depuis 2007, le principe est celui de la libre circulation des retenus dans leur zone de vie 24 heures sur 24 : il serait donc préférable que des hommes et des femmes ne cohabitent pas dans la même unité de vie, même si aucun incident significatif n’a été signalé.

● Les chambres : les chambres disposent généralement de quatre lits et sont équipées d’un cabinet de toilette avec WC mais pas de douches.

● Les parties communes : chaque unité comprend une salle de détente avec baby foot, une salle de TV et une cour de promenade, directement accessible en permanence. Ces parties communes sont relativement lumineuses.

● Les prestations hôtelières : elles sont fournies par des entreprises extérieures. Les retenus reçoivent à leur arrivée un kit complet de même que le matériel de couchage. Un retenu s’est plaint auprès de la délégation de ne pas se voir fournir d’oreiller. Les retenus peuvent demander tous les deux jours un rasoir qu’ils doivent rendre après utilisation, mais ils se rasent sans surveillance dans leurs chambres.

Leur linge personnel peut faire l’objet d’un blanchissage quotidien effectué gratuitement sur place, avec des détergents spécifiques (utilisés dans le milieu hospitalier) compte tenu de l’état sanitaire souvent préoccupant des « migr-errants » du Calaisis. L’ANAEM fournit du linge aux retenus qui ne disposent pas des effets personnels nécessaires qu’elle récupère auprès du Secours Catholique.

Les repas sont préparés à l’avance par une société extérieure et réchauffée au moment du repas, sont tout à fait satisfaisants tant en terme de quantité, de qualité que d’équilibre nutritionnel. Néanmoins, les retenus se plaignant souvent d’avoir faim, des barquettes supplémentaires de légumes ou de féculents sont à leur disposition.

3. Les conditions d’exercice des droits

● Les droits liés à la situation administrative : les informations sur les déplacements des retenus (audiences judiciaires, escortes…) ne sont pas affichées dans le centre mais sont communiquées aux retenus par les agents de l’ANAEM.

● Le droit à l’assistance médicale : l’exercice de ce droit est particulièrement important compte tenu du mauvais état sanitaire des migrants du Calaisis présents dans le CRA. Le service médical est composé deux infirmières et peut compter chaque jour sur l’assistance d’un médecin urgentiste : cet effectif est considéré comme suffisant par les infirmières rencontrées lors de la visite. Dans la mesure du possible, le personnel médical essaye de voir l’ensemble des retenus à leur arrivée, notamment pour détecter d’éventuelles maladies contagieuses (114 cas de gale en 2008). Globalement, il semble que le passage au CRA permet à de nombreux migrants de « se refaire une santé ».

● Les intervenants extérieurs :

Le droit à une assistance juridique est assuré par la CIMADE, qui dispose d’un petit bureau sans fenêtre. Comme souvent, les principaux problèmes soulevés concernent les demandes d’asile et l’accès à l’interprétariat, même si l’OFPRA accepte un simple résumé en français du récit du demandeur d’asile. En outre, la CIMADE estime que de nombreux retenus présents à Coquelles signent le formulaire de notification de leurs droits, bien qu’ils n’aient rien compris au contenu de ces droits.

Le droit à une assistance administrative et matérielle est assuré par l’ANAEM dont l’agent passe une partie importante de son activité à expliquer aux retenus les différents dispositifs d’aide au retour (même si ceux-ci ne sont pas proposés quand la personne est en rétention). Compte tenu de leur situation particulière (absence totale d’attaches en France), les migrants du Calaisis sont susceptibles d’être intéressés par ces dispositifs lorsqu’ils se sont heurtés à de nombreux échecs pour traverser la Manche).

● Le droit de communiquer avec l’extérieur : des téléphones fixes et des distributeurs de cartes téléphoniques sont librement accessibles dans le CRA.

Jusqu’au 31 décembre 2008, les retenus pouvaient garder leur téléphone portable, même s’ils disposaient d’un dispositif de prise de vue. Cette tolérance n’avait entraîné aucun incident, mais le CRA de Coquelles a changé sa pratique pour respecter les consignes nationales. Néanmoins, les retenus peuvent se rendre ponctuellement à la bagagerie pour téléphoner depuis leur téléphone mobile équipé d’un appareil photo.

Les stylos sont interdits dans le CRA pour des raisons de sécurité et pour éviter les graffitis.

4. La salle d’audience à proximité immédiate du CRA

● L’une des principales spécificités du CRA de Coquelles est la présence à sa proximité d’une annexe du tribunal de grande instance de Boulogne où ont lieu, en semaine, les audiences de prolongation de la rétention par le JLD. Contrairement aux salles d’audience des CRA de Marseille et de Toulouse, elle n’a pas été fermée à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 17 avril 2008 dans la mesure où son aménagement (« à proximité » du CRA et non au sein de la même enceinte) correspond aux critères définis par le juge suprême.

● L’annexe du tribunal occupe un bâtiment qui lui est propre. Il est séparé du CRA par un escalier et une allée de quelques mètres. L’entrée de l’annexe est totalement indépendante de celle du CRA. Une entrée a été aménagée depuis le parking, de sorte que les magistrats, avocats et visiteurs peuvent se rendre au tribunal sans voir le CRA, ni passer devant le chenil de la police, dont la présence a proximité a parfois été utilisée comme pour critiquer l’existence de la salle d’audience.

De fait, la juge des libertés et de la détention considère que les conditions d’accueil du public qui souhaite se rendre à une audience de prolongation de la rétention sont sans commune mesure avec celles qui règnent à Boulogne-sur-mer où les audiences ont lieu dans un bureau, difficile à trouver. À l’inverse, la salle d’audience de Coquelles est grande, bien aménagée, disposant de tous les équipements nécessaires (bancs nombreux pour le public, salles pour les entretiens avec les avocats…). Les membres de la délégation ont pu constater l’existence d’un public assistant aux audiences, certes assez peu nombreux, alors que personne n’assiste jamais aux audiences quand elles ont lieu à Boulogne.

● Les principaux bénéficiaires de l’existence de la salle d’audience sont les personnes retenues. Elles se rendent au tribunal en quelques secondes et au moment de l’audience : d’après la juge des libertés et de la détention, le gain en confort pour les retenus est considérable par rapport aux transferts vers le TGI de Boulogne, qui exigent des départs groupés tôt le matin, de longues attentes au TGI et des repas froids pris dans des conditions peu satisfaisantes. La juge des libertés et de la détention a eu l’occasion d’interroger des personnes retenues qui ont connu à la fois les audiences à Coquelles et à Boulogne-sur-mer (les audiences du week-end y ont encore lieu), tous ont exprimé une nette préférence pour les audiences à proximité du centre de rétention.

Par ailleurs, l’existence d’une salle d’audience à proximité du CRA permet de réduire considérablement le nombre d’escortes, particulièrement coûteuses en termes d’effectifs policiers.

Certes, l’éloignement du TGI est un inconvénient pour les magistrats, greffiers et avocats qui doivent se déplacer sur place. Néanmoins, les avocats participent aux audiences et ont pris l’habitude de téléphoner avant de se rendre sur place afin de vérifier qu’une audience est bien organisée. En moyenne, entre 5 et 30 audiences de prolongation de la rétention ont lieu quotidiennement.

VISITE DU CENTRE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE DE PARIS-VINCENNES
(16 FÉVRIER 2009)

Le Président de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente, M. Thierry Mariani, a visité le CRA de Paris-Vincennes le lundi 16 février 2009.

La délégation a visité les locaux du CRA installés au sein l’École nationale de police de Paris, située dans le Bois de Vincennes (Paris 12). Elle a pu s’entretenir notamment avec le chef du cabinet du préfet de police, M. Nicolas Lerner, avec le sous-directeur de la protection des institutions, des gardes et des transferts (à la direction de l'Ordre public et de la circulation de la préfecture de police), le contrôleur général Jean-Marie Gutknecht, avec le chef du centre, le Commandant Bruno Marey et les personnels de police chargés de la gestion du CRA. Elle s’est également entretenue avec une responsable de la CIMADE, avec l’agent de l’ANAEM, avec le personnel médical du Centre.

1. Un CRA reconstruit suite à l’incendie de juin 2008

● Le site de Vincennes abritait jusqu’en juin 2008 deux CRA accolés d’une capacité de 140 retenus chacun. À la suite de l’incendie intervenu le 22 juin 228, les bâtiments de l’un des centres ont été entièrement détruits et ceux de l’autre partiellement.

Les locaux partiellement détruits ont fait l’objet de travaux qui ont permis la réouverture d’un CRA de 60 places le 12 décembre 2008, qui a fait l’objet de la présente visite.

Il est prévu d’ouvrir un second CRA de 60 places dans des espaces modulaires qui seront installés sur le parking en juin 2009. En septembre 2010, un second bâtiment aura été réhabilité : il permettra l’ouverture de deux modules distincts de 60 places.

À terme donc le CRA de Vincennes sera composé de trois modules distincts de 60 places, chacun avec sa cour de promenade, sa salle de détente, son réfectoire. La tension et la promiscuité devraient donc y être beaucoup moins présentes qu’avant juin 2008 où chacun des centres était composé d’un unique module de 140 places.

● Le CRA rouvert en décembre 2008 se compose d’un pavillon sur deux niveaux où se trouvent la zone de rétention et les bureaux des intervenants extérieurs (CIMADE, ANAEM, service médical). Les services administratifs, les salles pour les visites, les rencontres avec les avocats ou les représentations consulaires se trouvent dans des bâtiments préfabriqués situés immédiatement à proximité.

● Le taux d’occupation du CRA est relativement élevé (85 %). De même, la durée moyenne de rétention (14 à 15 jours) est supérieure à la moyenne nationale.

2. Les conditions matérielles d’hébergement.

● Les chambres : le CRA est composé de chambres de deux ou quatre lits équipées d’un mobilier simple mais fonctionnel. Deux mois après la réouverture du CRA, ces chambres étaient dans un état tout à fait satisfaisant, dépourvus de graffitis. Les chambres ne sont pas équipées de sanitaires, lesquels sont situés à chacun des bouts de l’étage.

● Les parties communes : les retenus ont un accès direct et permanent à la salle de détente, les chambres ne sont en effet pas fermées la nuit, ce qui permet aux retenus de pouvoir circuler librement entre les chambres, les couloirs et la salle de détendre. Cette salle est équipée d’une télévision qui peut capter 40 chaînes dont Canal plus et des chaînes de football (le CRA dispose de 9 contrats d’abonnement différents). Des consoles de jeu protégées par une vitre sont à disposition des retenus ainsi que des jeux de société (jeu de dames…). Cette salle est de taille moyenne, mais tout à fait adaptée à la capacité actuelle du centre : ce n’était manifestement pas le cas lorsque le CRA comptait 140 places (le réfectoire était alors ouvert en permanence).

Le réfectoire est désormais uniquement ouvert pendant les repas. Dans la mesure où il dispose d’un téléviseur, il pourrait être judicieux de permettre un accès direct par les retenus pendant une plus grande partie de la journée.

La cour de promenade est de très bonne taille compte tenu de la capacité du centre. Il est ainsi possible d’y placer des buts pour jouer en football en été. En effet, la cour a été agrandie par rapport à la cour de l’ancien centre dont la capacité était pourtant de 140 places. En outre, son aspect est relativement agréable dans la mesure où elle est en grande partie couverte de gazon alors que les cours de CRA sont parfois d’un aspect excessivement minéral. Seul point négatif, la Cour dispose d’un préau pour les fumeurs, ce qui est tout à fait justifié, mais celui-ci a été en partie grillagé, ce que regrette le chef de centre lui-même ! La cour de promenade est ouverte de 7 heures du matin à minuit.

● Les prestations hôtelières : elles sont fournies par des entreprises extérieures (repas, entretien, linge, fournitures d’hygiène) qui offrent un service de bonne qualité. Le seul problème qui se pose est lié à la composition des repas : lorsque ceux-ci contiennent de la viande, de nombreux retenus de religion musulmane refusent de la consommer, celle-ci n’étant pas hallal. Des distributeurs (boissons, sandwich, cigarettes) sont installés mais ne sont plus en accès direct en raison du risque de dégradation : les retenus peuvent s’y rendre plusieurs fois par jour.

Une laverie permet de nettoyer les effets personnels des retenus.

3. Les conditions d’exercice des droits

● Les droits liés à la situation administrative : chaque retenu, à son arrivée au centre, se voit remettre un exemplaire du règlement intérieur (fourni en six langues différentes) et un formulaire lui notifiant son droit de demander l’asile. Contrairement à la situation dans d’autres centres, les informations relatives à la situation administrative des retenus (convocations devant le JLD ou au TA, dates de vol de retour) font l’objet d’un affichage actualisé tous les jours. Le chef de centre estime cet affichage nécessaire pour respecter la loi. De plus, il estime que ne pas le faire serait contre-productif et créerait des tensions.

● Le droit à l’assistance médicale : une infirmière est présente sur le site 20 heures sur 24 alors qu’un médecin se rend sur le site tous les jours sauf le dimanche. Depuis 2009, tous les retenus sont systématiquement vus par l’infirmière à leur arrivée au centre.

Le droit à l’assistance médicale est donc bien respecté, même si le personnel médical a indiqué que ce droit était parfois instrumentalisé par les avocats qui n’hésitent pas à demander, sans même en avertir leur client, des rendez-vous avec le médecin immédiatement avant l’audience devant le JLD.

● Le droit à une assistance administrative et matérielle : cette mission est confiée à l’ANAEM, elle consiste, comme dans tous les CRA, à faire des achats pour les retenus (cigarettes…), à récupérer leurs effets personnels, à mettre en œuvre les démarches nécessaires pour récupérer des salaires (uniquement par téléphone). S’agissant de cette dernière mission, celle-ci s’avère difficile dans la mesure où il s’agit de travail clandestin. Néanmoins, les employeurs peuvent préférer payer les arriérés de salaires plutôt que de risquer un contentieux aux prud’hommes. Le bureau de l’ANAEM est ouvert tous les jours de 9 heures à 18 heures.

● Le droit à une assistance juridique : Elle est assurée par la CIMADE, présente sur le site cinq jours sur sept. La permanente rencontrée lors de la visite estime que le travail se déroule dans d’assez bonnes conditions dans la mesure où la capacité du centre est actuellement limitée. Les retenus rencontrent généralement la CIMADE en arrivant et peuvent également demander à se rendre à son bureau pendant ses heures d’ouverture. Les permanents de la CIMADE peuvent également demander à se rendre eux-mêmes dans la zone de rétention. Les relations avec les autres intervenants (ANAEM, services de police…) sont plutôt bonnes, ce qui n’est pas le cas avec les services chargés des étrangers de la préfecture de police : en effet, les agents de la CIMADE n’ont pas d’interlocuteurs privilégiés et ont souvent des difficultés pour s’entretenir avec les personnes réellement chargées d’étudier les dossiers.

● Le droit de communiquer avec l’extérieur : conformément à la réglementation, des cabines téléphoniques en nombre suffisant sont installées dans la zone de vie. Comme dans tous les CRA visités par la mission d’information, les retenus peuvent conserver leurs téléphones portables si celui-ci n’est pas équipé d’un dispositif de prise de vue : les fonctionnaires de police considèrent que la diffusion d’images tronquées d’opérations de maintien de l’ordre par exemple en cas de bagarres entre retenus soient systématiquement interprétées de façon défavorable pour les policiers. De toute façon, les retenus ont toujours la possibilité d’avoir accès à leur téléphone conservé à la bagagerie ou de se faire fournir un téléphone par une connaissance. D’après les responsables du centre, environ la moitié des retenus peuvent garder leur téléphone portable dans le centre.

4. Questions diverses

● Certains retenus sont des sortants de prison, au profil bien différent des autres retenus. Il serait nettement préférable que les démarches nécessaires à leur éloignement puissent être menées à bien pendant leur détention. Un fonctionnaire de la préfecture de police est d’ailleurs chargé d’assurer cette mission à la prison de la santé.

Toutefois, même lorsque les démarches sont menées à bien, l’éloignement n’est pas toujours possible. Une telle situation s’est présentée récemment avec une personne condamnée dans une affaire de terrorisme qui a fait une demande d’asile le jour de sa sortie de prison alors qu’elle allait être conduite à l’aéroport. Cette personne est restée 32 jours au CRA de Vincennes.

● Les retenus ne peuvent utiliser de stylos à l’intérieur du CRA qui pourraient être utilisés comme arme. Néanmoins, le chef de centre admet que cette situation n’est pas pleinement satisfaisante et a indiqué qu’une réflexion était en cours afin de permettre aux retenus de disposer de moyens d’écriture (mise à disposition de stylos attachés à une chaîne…).

VISITE DE LA ZONE D’ATTENTE DE L’AÉROPORT D’ORLY
(20 FÉVRIER 2009)

Le Président de la Mission d’information relative aux centres de rétention administrative et aux zones d’attente, M. Thierry Mariani, a visité la zone d’attente de l’aéroport d’Orly.

La délégation a visité les locaux de la zone d’attente au deuxième étage de l’aérogare d’Orly Sud, ainsi que les nouveaux locaux envisagés pour accueillir les personnes maintenues en zone d’attente à partir de mi-2009. Elle a pu s’entretenir notamment avec le directeur de cabinet du préfet du Val-de-Marne, M. Philippe Chopin, avec Mme Brigitte Lafourcade, commissaire divisionnaire, directrice adjointe de la police aux frontières d’Orly et avec les personnels de ma police aux frontières.

1. L’activité de la PAF d’Orly en matière de contrôle frontalier

● L’aéroport d’Orly a accueilli 26 millions de passagers en 2008, dont 8,4 millions ont fait l’objet de contrôles frontaliers.

L’aéroport dessert certaines destinations marquées par un fort risque migratoire, notamment l’Afrique subsaharienne et le Maghreb.

● En 2008, 1093 personnes ont fait l’objet d’une mesure de non-admission à l’aéroport d’Orly, soit une augmentation de 14 % par rapport à 2007 (958 personnes non admises). Le nombre de non-admission s’élevait à 956 en 2006, 1224 en 2005 et 1469 en 2004.

L’ensemble des personnes non admises font l’objet d’une notification, et donc sont informées de la possibilité de demander à bénéficier du jour franc. 90 % des personnes non admises sont placées en zone d’attente, les autres pouvant être réacheminées dans des délais courts.

● Le temps moyen du maintien en zone d’attente a fortement augmenté en 2008 : alors qu’il était de 33 heures en 2006 et 2007, il est passé à 53 heures en 2008. Cette augmentation est une conséquence directe de l’instauration d’une procédure de recours suspensif des mesures de non-admissions sur le territoire au titre de l’asile par la loi du 20 novembre 2007. En effet, 226 demandes d’admission sur le territoire au titre de l’asile ont été déposées en 2008 (avec 36 % d’admissions effectives), contre 84 l’année précédente.

2. Des locaux peu adaptés à un séjour prolongé

● Pendant la journée jusqu’à 20 heures, les personnes maintenues en zone d’attente sont hébergées dans la « ZA de jour ». Il s’agit d’une grande salle collective d’une superficie de 190m² et d’une capacité de 20 à 25 personnes, équipée comme une banale salle d’attente de passagers avec une vingtaine de fauteuils alignés sur plusieurs rangées. La zone d’attente n’est pas équipée d’une bagagerie, les personnes retenues conservent leurs bagages avec eux.

Cette salle est complétée par un local de douche, et par deux WC, et par un local unique de visite, qui est utilisé aussi bien pour d’éventuelles visites d’avocat, d’associations (ANAFE) ou des familles. Par ailleurs, la salle est utilisée d’un téléphone public, même si les personnes retenues sont autorisées à conserver leur téléphone portable, même si celui-ci est équipé d’un appareil photo. Cette pratique « libérale » est assez rare pour être souligné, elle n’a jamais posé aucun problème.

Compte tenu de la faible superficie de la salle, celle-ci n’est pas équipée d’équipements de loisir (en dehors d’une télévision). De plus, si la salle est lumineuse car bordée par une grande baie vitrée, aucun accès extérieur n’est prévu : il est par conséquent tout à fait impossible pour les personnes maintenues en zone d’attente de fumer. Dans le cadre du projet de déménagement de la zone d’attente à l’autre bout du terminal, ce qui permettra de réduire la distance avec les terminaux d’arrivée, il est prévu d’aménager un petit patio pour permettre un accès à l’air libre. En outre, il sera alors possible d’aménager des locaux distincts pour les différents intervenants et visiteurs.

● Le soir, après le dîner, les personnes maintenues en zone d’attente sont transférées à la « zone d’attente de nuit » : il s’agit de six chambres spécialement sécurisées (fenêtres bloquées, miroirs non coupants…) d’un hôtel Ibis. Lorsque la capacité d’hébergement de ces chambres est atteinte (12 personnes), les personnes doivent être accueillies dans des chambres non sécurisées de l’hôtel, ce qui entraîne des risques (en 2008, une personne est décédée après avoir chuté du 4ème étage suite à une tentative d’évasion)… La PAF est actuellement en négociation pour faire sécuriser six chambres supplémentaires.

● Au total, la zone d’attente d’Orly n’est pas configurée pour accueillir des personnes plus de quelques dizaines d’heures. La promiscuité, même si seules quatre personnes se trouvaient dans la zone d’attente lors de la visite de la délégation, l’absence de toute possibilité d’activité et d’accès à l’air libre ne permettent pas d’accueillir de façon satisfaisante des personnes pouvant être maintenues jusqu’à 20 jours.

Dans ces conditions, il est particulièrement regrettable que le projet de construction d’un Centre de rétention administrative sur l’emprise de l’aéroport, qui aurait également compris un bâtiment destiné à servir de zone d’attente, ait finalement été abandonné, sous la pression des riverains et des élus de Villeneuve-le-roi.

ANNEXES

LISTE DES ZONES D'ATTENTE GÉRÉES PAR LA DOUANE

Nbre

Département

Implantation

Arrêté

Capacité

1

Côtes d'Armor (22)

Aéroport de Saint-Brieuc

08/10/92

-

2

Finistère (29)

Aéroport de Brest - Quipavas

03/02/93

Aucune structure d'hébergement

3

Finistère (29)

Aéroport de Quimper - Pluguffan

03/02/93

Aucune structure d'hébergement

4

Finistère (29)

Port de Roscoff

03/02/93

Aucune structure d'hébergement

5

Finistère (29)

Port de Brest

03/02/93

Foyer des gens de mer

6

Gironde (33)

Port autonome de Bordeaux

14/10/99

Aucune structure d'hébergement

7

Hérault (34)

Aéroport de Montpellier

09/08/02

Hébergements dans hôtels

8

Isère (38)

Aéroport de
Grenoble – Saint-Geoirs

14/08/92

Hébergements dans hôtels

9

Loire (42)

Aéroport de
St-Étienne Bouthéon

07/05/98

Hébergements dans hôtels

10

Manche (50)

Port de Granville

15/01/93

Hébergements dans hôtels

11

Manche (50)

Aéroport de Cherbourg -
Mauperthus

15/01/93

Hébergements dans hôtels

12

Pyrénées Atl. (64)

Port de Bayonne

29/01/97

Hébergements dans hôtels

13

Pyrénées Atl. (64)

Aéroport de Biarritz –
Anglet – Bayonne

20/12/95

Hébergements dans hôtels

14

Pyrénées Atl. (64)

Aéroport de Pau

27/03/95

Pas d'aménagement

15

Htes Pyrénées (65)

Aéroport de Tarbes -
Ossun - Lourdes

09/01/01

Aucune structure d'hébergement

16

Pyr. orientales (66)

Port-Vendres

05/01/95

Hébergements dans hôtels

17

Pyr. orientales (66)

Aéroport de Perpignan

25/01/95

Hébergements dans hôtels

18

Hte Savoie (74)

Aérodrome d'Annecy - Meythet

23/04/93

-

19

Seine maritime (76)

Aérodrome du Havre-Octeville

06/10/95

Aucune structure d'hébergement

20

Seine maritime (76)

Port autonome de Rouen

06/10/95

Aucune structure d'hébergement

21

Seine maritime (76)

Aéroport de Rouen
Vallée de Seine

06/10/95

Aucune structure d'hébergement

LISTE DES ZONES D’ATTENTE GÉRÉES PAR LA P.A.F.

ZONE EST

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET
N°DE L’ARRÊTÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

BAS-RHIN

(67)

Aéroport Strasbourg-Entzheim

28.07.00

(un 1er arrêté a été signé le 28.07.92)

Pas de structure d’hébergement sur le site

 

HAUT-RHIN (68)

(2)

Aéroport Bale-Mulhouse

- arrêté préfectoral du 04.08.92 n° 98 841

- mise à disposition par l’aéroport de deux locaux séparés (hommes/ femmes) de 20 m2 chacun équipés de 2 fois 6 lits et une table avec 6 chaises. Des sanitaires dans une pièce séparée à proximité comprenant une douche, 2 lavabos et des toilettes accès handicapés. Le tout en zone réservée niveau 2 arrivées internationales.

Téléphone dans le couloir.

 

ZONE NORD

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET
N°DE L’ARRÊTÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

NORD (59)

(3)

Aéroport de Lille Lesquin

Gare de Lille Europe

Port de Dunkerque

26.04.1994

28.04.1995

26.04.1994 Complété par un arrêté du 08.06.1994

Salle des départs internationaux, local de 12 m2 avec 4 lits pliants et 1 armoire.

Salle d’embarquement Eurostar,

Pas d’aménagement permanent

- Utilisation d’une structure hôtelière, le foyer des gens de mer au port Est de Dunkerque. Restauration assurée par la même structure

- aménagements sommaires, commodités réduites aux toilettes publiques

PAS-DE-CALAIS (62)

(3)

Gare de Calais-Frethun

Port de Calais

Port de Boulogne/Mer

26.03.1996

10.07.1992 complété par un arrêté préfectoral du 13.09.1996

10.07.1992

- Utilisation de l’hôtel Holiday Inn de Calais.

- Utilisation de l’hôtel Holiday Inn de Calais.

- Utilisation du foyer des marins.

 

ZONE SUD-OUEST

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET
N°DE L’ARRÊTE

CAPACITÉ

REMARQUES

GIRONDE (33)

(2)

- Aéroport de Bordeaux Mérignac

- Port autonome de Bordeaux

17-11-2006

Même arrêté

- Un local en zone internationale comprenant 2 chambres de 2 lits

- hôtel Balladins à Mérignac

- Aucune structure

- En cas de placement en ZA de non-admis clandestins maritimes, celle de Bordeaux Mérignac est utilisé.

HAUTE-GARONNE (31)

- Aéroport de Toulouse Blagnac

Arrêté préfectoral du 31/12/2002

Z.A. de 2 places hommes et 2 femmes. Extension possible sur la salle des vols retardés

 

ZONE SUD-EST

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET N°DE L’ARRÊTÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

RHÔNE (69)

(2)

- Aéroport de Lyon Saint Exupéry

- Aéroport de Lyon Bron

12.04.2001

(annule les autres arrêtés de 1992)

- même arrêté

- 6 places Hébergement, 1 chambre de 2 lits et une chambre de 4 lits cabine téléphonique et wc en commun à proximité des chambres et éventuellement à l’hôtel KYRIAD ou à défaut l’hôtel SOFITEL.

- Même hébergement

pas d’espace détente et cour

PUY-DE-DOME

(63)

- Aéroport de Clermont-Ferrand-Aulnat

06.01.1993

- Hébergement prévu à l’hôtel Inter-Hôtel situé sur la plate-forme aéroportuaire,

Capacité de l’hôtel : 42 chambres

 

ZONE OUEST

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET N°DE L’ARRÊTE

CAPACITÉ

REMARQUES

ILLE-ET-VILAINE

(35)

- Port de Saint-Malo

- 04.04.1995

Pas de structure d’hébergement sur le site. Réquisition d’hôtel si besoin

Zone d’attente uniquement dans les gares maritimes de La Bourse et du Naye.

LOIRE-ATLANTIQUE

(44)

- Aéroport de Nantes - Atlantique

- 17.02.1993 modifié par celui du 17.01.2000 et du 05-10-2006

Hôtel « escale Océania » inclus dans l’arrêté

 

MANCHE

(50)

- Port de Cherbourg

.Arrêté du 15.01.1993 modifié par celui du 15-01-2007

une chambre (2 lits de 1 personne), offrant toutes commodités, dans l’enceinte des locaux de la DDPAF

 

SEINE MARITIME

(76)

- Port autonome du Havre

- Arrêté du 06.10.95 modifié par arrêté du 29.10 99

Maison des gens de Mer au Havre

 

ZONE SUD

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET N°DE L’ARRÊTÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

BOUCHES DU RHÔNE
(13)

- Aéroport de Marseille-Provence

Z.A. de Marseille Provence

- Z.A. départementale de Marseille le Canet (Port et Aéroport)

Arrêté du 01-06-2006

- Même arrêté

2 chambres de 2 lits chacune en équipement hôtelier

17 hommes et 17 femmes répartis en deux parties distinctes, comprenant chacun 8 chambres à 2 lits et 1 chambre à 1 lit (chambre avec douche, lavabo et wc)

 

HÉRAULT
(34)

- Port de Sète

- n°2002/01/3981 du 22/08/02

- arrêté n°2005/01/0962 modifiant le lieu d’hébergement de la Z.A. qui deviennent Hôtel le Valéry et Hôtel le National à Sète

2 chambres

 

ALPES MARITIMES (06)

- Aéroport Nice Côte d’Azur (T1 et T2)

- Arrêté des 17.09.92 et 12.10.1992 modifiés par arrêté du 02.05.2001

Terminal 1

Pièce dans le poste de police aux normes hôtelières comprenant 3 lits et un lavabo. Nurserie en zone de départ international.

Terminal 2

Pièce dans le poste de police, aux normes hôtelières, comprenant 3 lits (douche, WC, lavabo communiquant et indépendant)

 

AUDE (11)

- Port-la-Nouvelle

- Arrêté n° 2006-11-1798

Hôtel Restaurant « Le Casimir » et

Hôtel Restaurant « La Rascasse »

 

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET N°DE L’ARRÊTÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

CORSE

2A

Aéroport d’Ajaccio Campo Del’Oro

- Port d’Ajaccio

- Aéroport de Figari Sud Corse

- Port de Bonifacio

Arrêté N°92-1267 du 17 août 1992

Arrêté N° 92-1268 du 17 août 1992

Arrêté N° 92-1269 du 17 août 1992

Arrêté n° 92-1270 du 17 août 1992

. Zone parfaitement délimitée mais absence de structures d’accueil

idem

idem

idem

 

HAUTE-CORSE

2B

- Aéroports de Bastia – Poretta,

- Aéroport Calvi Sainte Catherine

- port de Bastia,

- port de Calvi

Arrêté N° 92-1233 bis du 29/07/1992 et 02/185 du 08/02/2002

Arrêté N° 92-1233 bis du 29/07/1992 et 02/185 du 08/02/2002

Arrêté N° 92-1233 bis du 29/07/1992 et 02/185 du 08/02/2002

Arrêté N° 92-1233 bis du 29/07/1992 et 02/185 du 08/02/2002

Zone parfaitement délimitée mais absence de structures d’accueil

idem

idem

idem

 

PARIS ET PETITE COURONNE

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET
N°DE L’ARRETÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

VAL-DE-MARNE (94)

Aéroport d’Orly

Arrêté du 05.08.1992

N°92-3811

Comprend des lieux d’hébergement : hôtel IBIS, ALTEA, HILTON

et 25 places (site jour avec commodités afférentes :téléphone douche TV etc mais pas d’espace de détente et de cour)

6 chambres doubles la nuit.

– Comprend 2 sites :

- site de jour (8h-20h) situé en zone réservée,

- site de nuit (20H-8H) à l’hôtel IBIS

VAL D’OISE

(95)

- Aéroport de Roissy Charles de Gaulle et le Bourget

arrêté n°01-0041 du

08/01/2001

 

- ZAPI 3

DOM-COM

DÉPARTEMENT

IMPLANTATION

DATE ET
N°DE L’ARRÊTÉ

CAPACITÉ

REMARQUES

NOUVELLE-CALÉDONIE

- Aéroport de Tontouta

- Arrêté n° 310 du 13.03.2000

- 4 chambres (8 personnes, 16 à terme)

 

SAINT-PIERRE-

ET-MIQUELON

- port et aéroport : ses limites sont l’agglomération  de Saint-Pierre»

30.12.1994

- l’hébergement se fait dans les hôtels

 

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Pas de zone d’attente à l’aéroport de Tahiti-Faa

 

Hôtel Sofitel Maeva Beach fait office de zone d’attente.

.

RÉUNION

- Aéroport de Gillot-Sainte Marie

- Aéroport de Pierrefonds St Pierre

Arrêté du 23.05.2000
N° 1046

Arrêté du 21.12.1998 N° 3486

10 lits sur 3 chambres, 2 salles de bain avec toilettes (hommes et femmes) et une salle commune

Local d’hébergement comporte 2 lits (wc-douches à proximité)

 

GUYANE

Aéroport de Cayenne Rochambeau

Arrêté du 14.08.2000 n°1561

L’arrêt prévoit la salle d’embarquement, les zones arrivées et départs

Hébergements nocturnes ponctuels

GUADELOUPE

19 zones d’attente :

dont six placées sous l’autorité de la DDPAF

- Aéroport Pôle Caraîbes Abymes

- Aéroport de Grand Case à Saint-Martin

-Aéroport Saint-Jean à Saint Barthélémy

- Port de Pointe-à-Pitre

- Port de Gustavia à Saint Barthélémy

- Port de Marigot Saint Martin

Arrêté du 14.09.1992

Même arrêté

Même arrêté

Même arrêté

Même arrêté

Même arrêté

Même arrêté

.

 

MARTINIQUE

Aéroport de Martinique/Aimé Césaire

Port de croisière de Fort-de-France

Port de plaisance de Fort-de-France

Arrêté n° 92-2202 du 20/10/1992 modifié par arrêté n° 05-0983 du 07/04/2005

Même arrêté

Même arrêté

Extension par la création d’un local d’hébergement nuit comprenant 4 lits

bureau du SPAF port, pas d’hébergement de nuit (transfert à l’aéroport en cas de besoin).

 

MAYOTTE

Port de commerce et de voyageurs de Daoudzi (Petite-Terre)

Aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi (Petite-Terre)

Port de Longoni (Grande-Terre)

28/05/2002

N° 325

28/05/2002

N° 326

28/05/2002

N°327

Total de 4 places pour le local commun

Un Hébergement commun aux trois délimitations de zones d’attente. Deux chambres et une pièce sanitaire ont été aménagées

Dans l’immeuble hébergeant la brigade judiciaire de la PAF à DZAOUDZI.

RECENSEMENT DES LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE PERMANENTS 2009

DÉPARTEMENT

LIEU D'IMPLANTATION (commissariat, hôtel de police, brigade de gendarmerie, structure hôtelière, autre (à préciser))

ADRESSE

NOMBRE THÉORIQUE DE PLACES

SERVICE DE POLICE OU DE GENDARMERIE EN CHARGE DE SA GARDE ET DE SA GESTION (DDSP, DDPAF, CRS, GN)

DATE DE CRÉATION DU LRA PERMANENT

AISNE (02)

Commissariat

19 rue Paul DEVIOLAINE
02200 SOISSONS

4 places

DDSP

25/05/2001

ALPES-MARITIMES (06)

Aéroport de Nice

Terminal I
Terminal II

3 places
3 places

DDPAF

Arrêté du 17/11/2006

ARDENNES (08)

DDPAF

Place de l'Hôtel de Ville - BP 824
08011 Charleville Mézières Cedex

4 places

DDPAF

08/01/2007

AUBE (10)

Commissariat

4 Boulevard du 1er RAM
10000 TROYES

4 places

DDSP

arrêté du 17/10/2005 (abrogé arrêté préexistant du 23/07/02)

CHARENTE (16)

Hôtel de police

rue Raymond Poincaré
16000 ANGOULEME

2 places

DDSP

01/07/2008

CHARENTE-MARITIME (17)

Structure Hôtelière

Hôtel La Terrasse
112 bld Joffre LA ROCHELLE

6 places

le service interpellateur

25/09/2006

CHER (18)

Commissariat

6 Avenue d'Orléans
18014 BOURGES Cedex

2 places

DDSP

22/01/2003

CORSE DU SUD (2A)

Locaux de la PAF

Aéroport d'Ajaccio - Campo dell'Oro

6 places, dont 2 places femmes

DDPAF

19/11/2001

CORSE (Haute-) (2B)

Commissariat

10 bis rue Luce de Casabianca
20294 BASTIA

6 places

DDSP

07/09/2004

COTES D'ARMOR (22)

Commissariat

1 bis boulevard Waldeck Rousseau
St BRIEUC

2 places

DDSP

11/12/2003

DOUBS (25)

Commissariat

16, rocade Georges Pompidou
25304 PONTARLIER

2 places

DDSP

16/09/2005

EURE-ET-LOIR (28)

Commissariat

57 rue du Dr Maunoury
28000 CHARTRES

2 places

DDSP

11/01/2002

Commissariat

4 place d'Evesham
28100 DREUX

1 place

DDSP

11/01/2002

FINISTÈRE (29)

Commissariat

15, rue Colbert
292000 BREST

8 places

DDSP

arrêté préf. du 07/06/2001
modifié le 07/01/05 extension +
mise aux normes

ILLE ET VILAINE (35)

Commissariat

22, Boulevard de la Tour
d'Auvergne 35000 RENNES

3 places

DDSP

22/12/2003

INDRE (36)

Commissariat

 

2 places

DDSP

arrêté 14/01/2002

INDRE ET LOIRE (37)

Commissariat

70 RUE MARCEAU
TOURS

4 places hommes
+ 2 places femmes

DDSP

19/03/2004

LOIR ET CHER (41)

location d'un logement appartenant à la mairie de Blois

44 rue de la Garenne 41000 BLOIS

3 places en 2 chambres

le service interpellateur

28/02/2008

LOIRET (45)

bâtiment appartenant au
Conseil général 45 (ex-gendarmerie)

 

7 places

gendarmerie

14/02/2005

Commissariat

MONTARGIS

1 place

DDSP

26/02/2006

MAINE-ET-LOIRE (49)

Commissariat

15 bis, rue Dupetit-Thouars - BP 3605
49036 Angers cedex 01

3 places

DDSP

20/10/2006

MANCHE (50)

DDPAF

Hôtel Atlantique
27 rue Don Pedro
CHERBOURG

16 places

PAF

01/06/2004

MARNE (51)

Commissariat

40 bd Roederer
51100 REIMS

2 places

DDSP

12/10/2005

MAYENNE (53)

Commissariat

Places Mendès France
LAVAL

2 places

DDSP

20/07/2001

MEURTHE-ET-MOSELLE (54)

Commissariat

bd LOBAU 54 000 NANCY

2 places

DDSP

2001

Commissariat

avenue du colonel Péchot BP 322
54201 TOUL cedex

3 places

DDSP

2004

DDPAF

PAF complexe autoroutierBP 20005 MONT-SAINT-MARTIN54411 LONGWY cedex

2 places

DDSP

2001

MOSELLE (57)

Commissariat

6 rue Belle-Isle à Metz

12

DDSP

30/07/01

Gare ferroviaire

Place Robert Schuman à Forbach

8

DDPAF

30/07/01

HAUT-RHIN (68)

DDPAF

8 rue des Trois Lys
68300 Saint Louis

10 places (dont 4 femmes)

DDPAF

09/10/2001

SARTHE (72)

Commissariat

Rue Claude CHAPPE
72700 ALLONNES

8 places

garde assurée par le
service interpellateur

23/02/2006

SAVOIE (73)

Bâtiment indépendant situé à proximité des locaux de la PAF de Modane

"Maison des Debords" - Police aux Frontières - 73500 MODANE

8 places

DDPAF

07/07/2005 (arrêté transmis à la DLPAJ à l'attention du secrétariat de la Commission nationale de contrôle)

SEINE-MARITIME (76)

Commissariat

16 rue de la Victoire
76600 LE HAVRE

4 places

DDSP

15/04/2004

SEINE ET MARNE (77)

Commissariat

MEAUX

8 places

DDSP

13/12/2002

VIENNE (86)

Commissariat

38 rue de la Marne -
86000 POITIERS

2 places

DDSP

31/10/2001

HAUTE-VIENNE (87)

Commissariat

84 avenue Émile Labussière
87000 LIMOGES

deux cellules pouvant accueillir au maximum deux personnes chacune

DDSP

05/07/2002

VOSGES (88)

Commissariat

Place Clémenceau CO 592
88 000 ÉPINAL CEDEX

1 place

DDSP

05/2004

YONNE (89)

Commissariat

Hôtel de Police -
89000 AUXERRE

12 places

DDSP

11/04/2006 (RAA du 02/05/2006)

Commissariat

36, boulevard Foch -
89100 SENS

30 places

DDSP

11/04/2006 (RAA du 02/05/2006)

Hôtel CAMPANILE

Avenue de l'Europe -
89470 MONETEAU

 

DDSP

11/04/2006 (RAA du 02/05/2006)

Hôtel REVOTEL

Les Chaumois - 89380 APPOIGNY

 

DDSP

11/04/2006 (RAA du 02/05/2006)

TERRITOIRE DE BELFORT (90)

DDPAF

DELLE

6 places

DDPAF

16/07/2004

HAUTS DE SEINE (92)

Centre Administratif

 

14 places

 

21/03/2005

VAL DE MARNE (94)

Commissariat

9 avenue Léon GOURDAULT -
94 600 CHOISY LE ROI

16 (12 hommes + 4 femmes)

DDSP

22/06/2001

VAL D'OISE (95)

Commissariat

CERGY

16 places

DDSP

Oct.-01

GUADELOUPE (971)

Locaux PAF

Les Chaumois -
89380 APPOIGNY

 

DDSP

11/04/2006 (RAA du 02/05/2006)

MARTINIQUE (972)

SPAF

Aéroport Aimé Césaire

PAF

6 places

PAF

24/04/2008

Commissariat

Le Lamentin

9 places

PAF

28/09/04 modifié le 30/06/2006

GUYANE (973)

SPAF DE SAINT GEORGES DE L'OYAPOCK

 

6 places

PAF

17/08/2005

LES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE LA RÉTENTION EN EUROPE

PAYS

DURÉE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

DURÉE RÉTENTION JURIDICTIONNELLE

DURÉE TOTALE RÉTENTION

LIEU DE RÉTENTION

OBSERVATIONS

Allemagne

48 heures

6 mois prorogeable 12 mois si l’étranger fait obstacle à l’éloignement

Placement décidé par le tribunal d’instance

18 mois

exceptionnellement

Centres réservés

aux étrangers en situation irrégulière (capacité maxi : 600 places)

Ou établissements pénitentiaires

Durée moyenne :

3 à 4 semaines

Rétention subordonnée à la possibilité d’expulser sous 3 mois

Préférer toute mesure moins rigoureuse (ex. : présentation périodique à la police) (théorie)

Autriche

2 mois

 

6 mois

   

Belgique

2 mois

+ 1ère prolongation

(2 mois)

+ 2ème prolongation

(1 mois) décidée par le

ministre après avis du

tribunal correctionnel

(recours judiciaire)

 

5 mois, voir 8 mois en cas de menace

à l’ordre public.

En pratique illimitée :

à l’issue des 5 mois, on peut aussitôt prendre une nouvelle décision de placement en rétention

3 centres fermés

pour illégaux

(capacité de 120 à 150 places chacun

 

Danemark

72 heures

Prolongations par tranches de 4 semaines

illimitée

La police peut demander au juge l’isolement total ou partiel pour faciliter l’obtention de renseignements nécessaires à l’appréciation de la situation de l’intéressé.
Période d’isolement de 2 semaines, prolongée par tranches de 4 semaines (cumul de l’isolement total limité à 4 semaines)

« Privation de liberté lorsque les autres dispositifs (ex : assignation à résidence) sont insuffisants

Espagne

72 heures

(période différente

de la garde à vue)

37 jours

40 jours

Env. 10 centres de rétention à caractère non pénitentiaire (centros de internamiento)

Pour les Canaries : capacité de 1600 places

Pas de possibilité

d’un second placement en rétention pour appliquer la même mesure d’éloignement

Finlande

4 jours

illimitée

Pas de délai maximum

 

Contrôle

toutes les 2 semaines

par le tribunal d’instance

France

48 heures

Prolongation : 15 jours

Prorogeable 5 jours ou 15 jours si l’étranger fait obstacle à l’éloignement

32 jours

 

Loi n° 2003-1119

du 26 novembre 2003

Grèce

3 jours

3 mois

3 mois et 3 jours

   

Irlande

8 semaines maximum

 

8 semaines

   

Italie

48 heures

Le juge de paix valide la décision de la police

et ordonne

le placement pour 30 jours

+ prolongation de 30 jours

60 jours

Env. 20 centres

de rétention

(centro di permanenza temporanea ed assistenza)

Capacité :

50 à 300 places

 

Luxembourg

1 mois

Prorogeable 2 fois

 

3 mois

   

Pays-Bas

10 jours

18 jours, puis le juge statue toutes les 48 heures

Illimité en théorie

 

En pratique

6 semaines

Portugal

48 heures

60 jours

60 jours

 

Durée appréciée tous les 8 jours

par le juge

Royaume-Uni

Décision prise par les services de l’immigration, avant ou après que la décision d’expulsion soit prise.
pas de délai prévu

Pas de contrôle juridictionnel automatique.

Ang. et galles : possibilité de saisir la High Court soumise à autorisation
(25 décisions favorables à l’étranger en 2002) + possibilité de demande l’habeas corpus
à la High Court

Aucun délai prévu

- Commissariats de police (maximum de 5 nuits consécutives)

- Centres de rétention

- Établissements pénitentiaires (cas de particuliers)

Possibilité de recours hiérarchique.

Vérification :

- par le supérieur hiérarchique après 24 heures, puis toutes les semaines

- puis par une unité administrative spécialisée tous les mois à compter du 28ème jour

Suède

2 semaines,

2 mois si une décision d’expulsion a été prise

 

2 mois renouvelables

 

Aucune législation : les autorités ont toute latitude

PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION

ADMINISTRATIONS

• Ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

— M. Jean de CROONE, directeur adjoint de l’immigration

• Ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

— M. Jean-Yves TOPIN, directeur central de la police aux frontières

• Ministère de la Justice

— Mme Pascale FOMBEUR, directrice des affaires civiles et du sceau

• Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII, ex Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations)

— M. Jean GODFROID, directeur général

AUTORITES DE CONTRÔLE

• Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente

— M. Bernard CHEMIN, président

• Contrôle général des lieux de privation de liberté

— M. Jean-Marie DELARUE, contrôleur général des lieux de privation de liberté.

• Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

— M. Roger BEAUVOIS, président

ASSOCIATIONS

• Croix-Rouge française

— M. Olivier BRAULT, directeur général

— M. Didier PIARD, directeur de l’action sociale

• CIMADE

— M. Laurent GIOVANNONI, secrétaire général

— M. Damien NANTES, responsable du secteur « étrangers en rétention »

• Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE)

— Mme Hélène GACON, présidente

REPRÉSENTANTS DE LA PROFESSION D’AVOCAT

• Conseil national des Barreaux

— Me Didier LIGER

• Ordre des avocats de Paris

— Me Emmanuelle HAUSSER-PELIZON

• Conférence des bâtonniers

— M. le bâtonnier Claude DUVERNOY

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS
PAR LA MISSION D’INFORMATION

— CRA du dépôt du palais de justice de Paris (Paris)

— CRA de Paris Vincennes (Paris)

— CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne)

— CRA et Zone d’attente de Marseille-Le Canet (Bouches-du-Rhône)

— CRA de Lille (Nord)

— CRA de Coquelles (Pas-de-Calais)

— Zone d’attente de l’aéroport d’Orly (Val de Marne)

— CRA de Pamandzi (Mayotte)

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Le Conseil d’État (CE, 23 janvier 1991, GISTI) a d’ailleurs admis la légalité d’une circulaire du 2 août 1989 qui indique que les procédures liées au rapatriement (jour franc…) ne sont pas applicables aux décisions de refus d’entrée à la frontière terrestre.

3 () L’article 5-2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, créé par la loi du 10 janvier 1980 et ensuite intégré à l’article 35 bis, permettait, en effet, en théorie, de placer en rétention, en cas de nécessité absolue, les étrangers qui n’étaient pas en mesure de déférer immédiatement à la décision leur refusant l'autorisation d'entrer sur le territoire français. En fait, cette possibilité, inadaptée à la situation des personnes dont l’admission en France a été refusée, n’était qu’exceptionnellement utilisée lorsque l’étranger était susceptible de causer un trouble à l’ordre public.

4 () Un jugement du TGI de Paris du 25 mars 1992 (Levelt, Babaki et autres) avait ainsi condamné l’État pour voie de fait pour avoir retenu dans un hôtel jouxtant l’aéroport des étrangers non admis sur le territoire.

5 () Devenu la loi n° 92-190 du 26 février 1992 portant modification de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

6 () Décision n° 92-307 DC du 25 février 1992.

7 () La loi n°94-136 du 27 décembre 1994 a étendu les zones d’attente aux gares ferroviaires.

8 () Il s’agit de la situation des ressortissants étrangers qui se voient interdire l’accès au territoire français, soit dès leur présentation à la frontière, soit après un placement en zone d’attente et examen de leur demande d’asile à la frontière.

9 () Toutefois, si l’étranger demande à bénéficier du jour franc, il peut être réacheminé au plus tôt le surlendemain de son arrivée.

10 () Dans sa décision n°92-307 DC du 25 février, il a estimé, s’agissant du maintien en « zone de transit » que « sa durée ne saurait excéder un délai raisonnable ».

11 () Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007, la décision était prise pour une durée de 48 heures, renouvelable dans les mêmes conditions.

12 () Le JLD est toutefois immédiatement informé de cette prorogation qu’il peut interrompre à tout moment.

13 () A la suite de la condamnation de la France par la CEDH par l’arrêt « Gebremedhin » du 26 avril 2007, la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 a institué une procédure de recours suspensif contre les décisions de refus d’entrée au titre de l’asile. tout étranger qui voit sa demande d’asile à la frontière rejetée dispose de 48 heures pour déposer un recours en annulation contre cette décision auprès du président du tribunal administratif. Celui-ci, ou son délégué, dispose alors de 72 heures pour rendre sa décision.

14 () selon lequel : « Nul ne peut être arbitrairement détenu.

L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la Loi. »

15 () DC n°79-109 du 9 janvier 1980.

16 () Il faut noter que cette même loi faisait de l’expulsion une peine complémentaire de l’infraction pénale à la législation sur les étrangers. Elle ne pouvait donc plus qu’être prononcée par le juge pénal. La mesure de reconduite à la frontière est redevenue une mesure administrative prononcée par le préfet par la loi du 9 septembre 1986.

17 () Depuis la loi du 26 novembre 2003, et conformément à la jurisprudence administrative, il n’est plus possible de placer en rétention un étranger s’étant vu notifié un APRF de plus d’un an.

18 () Art R. 551-3 du CESEDA..

19 () L’étranger dispose de 48 heures pour demander l’annulation de l’APRF à compter de sa notification. Le président du tribunal administratif doit alors rendre son jugement dans les 72 heures qui suivent.

20 () Afin de tenir compte de la réserve d’interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2003-484 DC du 20 novembre 2003, les articles R. 552-17 à R. 552-19 du CESEDA permettent à l’étranger de demander au JLD à tout moment de mettre fin à sa rétention.

21 () L’étranger est toutefois maintenu à la disposition de la justice pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance.

22 () Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, juillet 2008, page 88.

23 () Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, juillet 2008, page 89.

24 () Le projet de réforme de la loi sur l’immigration présenté par le gouvernement Zapatero en décembre 2008 prévoit d’allonger la durée maximale de rétention de 40 à 60 jours.

25 () Un rapport du 18 avril 2007 du comité de prévention de la torture dénonce cette situation, rappelant qu’une prison n’est pas un lieu adéquat pour détenir des personnes qui ne sont ni condamnées ni soupçonnées d’avoir commis un délit.

26 () La résolution adoptée par l’Assemblée nationale sur la proposition de directive s’était d’ailleurs opposé à l’harmonisation des durées de rétention maximale au sein de l’Union européenne (voir le rapport n°3763 – XIIème législature de M. Thierry Mariani au nom de la commission des Lois).

27 () Dans un rapport remis en 2006 sur l’application de la loi du 26 novembre 2003 (rapport n°2922 ; XIIème législature au nom de la commission des Lois), le président de la mission d’information s’étonnait déjà que cette salle n’ait toujours pas été utilisée et souhaitait qu’elle puisse être bientôt opérationnelle.

28 () Pourtant, ces arrêts concernent les audiences de prolongation de la rétention et non ceux de prolongation du maintien en zone d’attente. S’agissant de ces dernières, l’article L. 222-4 du CESEDA permet la tenue de telles audiences sur l’emprise aéroportuaire et ne précise pas qu’elles doivent avoir lieu « à proximité immédiate du lieu de rétention ».

29 () Le centre de rétention administrative de Mamoudzou, à Mayotte, ne figure pas dans cette liste car il ne relève pas des dispositions de l’article R. 553-1 du CESEDA mais de dispositions spécifiques.

30 () Bobigny, Bordeaux, Nice et Nantes.

31 () Paris-Dépôt et Vincennes (constitué de deux centres distincts jusqu’à l’incendie du 22 juin 2008.

32 () Mesnil-Amelot, Perpignan, Metz, Nantes, Geispolsheim.

33 () Nîmes, Palaiseau, Plaisir, Rouen, Touluse 1.

34 () Un module de 60 places a d’ores et déjà été ouvert en décembre 2008.

35 () Avis n°2628 (tome II – Intérieur et décentralisation – Police) fait, au nom de la commission des Lois, par M. Louis Mermaz

36 () Rapport public annuel de la Cour des comptes 2007, page 416.

37 () « Conditions des ressortissants de pays tiers retenus dans des centres (camps de détention, centres ouverts, ainsi que des zones de transit), avec une attention particulière portée aux services et moyens en faveurs des personnes aux besoins spécifiques au sein des 25 Etats Membres de l’Union Européenne. » Etude STEPS Consulting Social pour le Parlement Européen, Décembre 2007.

38 () Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), 10 décembre 2007, page 29.

39 () Memorandum de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, faisant suite à sa visite en France du 21 au 23 mai 2008, 20 novembre 2008.

40 () Memorandum de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, faisant suite à sa visite des Zones d’attente de l’aéroport de Roissy et du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, 1er février 2008.

41 () Dans douze des seize Bundesländer allemands, le placement en centre de rétention s'effectue dans des établissements pénitentiaires.

42 () Il faut toutefois rappeler que la situation du « centre » de Mayotte est particulier. En effet, le CESEDA ne s’y applique pas.

43 () Rapport : bilan de l’exercice 2006-2008 de la commission de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d’attente, adopté en séance plénière le 25 juin 2008.

44 () A titre d’exemple, entre janvier et avril 2009, dans les CRA gérés par la PAF et par la gendarmerie ont été comptabilisés 95 grèves de la faim ; 7 dégradations ; 74 violences ; 7 suicides et tentatives de suicide ; 2 fuites et tentatives de fuite ; 33 cas d’automutilations ; 46 mises à l’isolement et 46 hospitalisations.

45 () Voir en annexe, le compte rendu de la visite du CRA de Mayotte.

46 () Elle accueille non seulement les passagers en situation irrégulière arrivés à Roissy et au Bourget, mais aussi (protocole 12 décembre 2006) les passagers en situation irrégulière identifiés à l'aéroport international périphérique de Beauvais (compagnies low coast), et ce, en l'absence d'un aménagement permanent dans cet aéroport.

47 () Memorandum de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, faisant suite à sa visite des Zones d’attente de l’aéroport de Roissy et du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, 1er février 2008

48 () A l’occasion de son audition par la commission des Lois, le 13 mai 2009, il a indiqué avoir « lu avec attention les observations de l’Anafé sur les zones d’attente, mais celle de Roissy, où il se trouve que nous nous sommes rendus en janvier dernier, nous a paru dans un état plutôt satisfaisant ».

49 () Voir le développement sur les zones d’attente utilisées ponctuellement

50 () En cas de demande d’asile tardive, puis d’un recours tardif contre une éventuelle décision de rejet, la durée totale peut théoriquement aller jusqu’à 30 jours.

51 () Des bénévoles venaient compléter ce dispositif : 30 à 40 en CRA, environ 70 en LRA et 150 pour l’interprétariat.

52 () La CIMADE avait formé un recours en référé précontractuel contre la signature de ce marché devant le tribunal administratif de Paris, lequel avait ordonné le 21 avril 2009 au ministre de ne pas signer les marchés avant un délai de 20 jours expirant le 7 mai. A cette date, le tribunal n’ayant pas rendu sa décision sur le fond, le ministre a pu valablement conclure les marchés le 10 mai.

53 () Début octobre2008, un nouvel AAH (personne physique) a également été habilité pour Roissy.

54 En autorisations d'engagement et en crédits de paiements

55 Les documents officiels ne fournissent pas le détail des moyens affectés par la police nationale à la reconduite à la frontière.

56 () Dans son avis du 14 avril 2008.

57 () Saisines 2008-9, 2008-9 BIS, 2008-86, 2008-87.

58 () JORF n°0274 du 25 novembre 2008.

59 () Depuis peu, l’Algérie n’accepte plus le retour de ses ressortissants par bateau, mais exige un réacheminement aérien, beaucoup plus coûteux et lourd à organiser. Cette décision s’expliquerait par le regain du risque terroriste.


© Assemblée nationale