N° 1859 - Rapport d'information de MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire relatif aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales




N° 1859

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2009

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

relatif aux relations financières entre l’État et les collectivités territoriales

ET PRÉSENTÉ

par MM. Jean-Pierre BALLIGAND et Marc LAFFINEUR

Députés.

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INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LA TAXE PROFESSIONNELLE : CHRONIQUE D’UNE SUPPRESSION ANNONCÉE 9

I.– LA TAXE PROFESSIONNELLE : UN IMPÔT INSATISFAISANT DEPUIS SA CRÉATION ET DONT LA RÉFORME EST AUJOURD’HUI INÉLUCTABLE 9

A.– LA DIFFICILE GESTATION D’UNE ASSIETTE D’IMPOSITION CONDAMNÉE PAR LES ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES 9

1– L’échec d’une première tentative de réforme en 1959 9

2.– La création de la taxe professionnelle en 1975 9

3.– Un allégement de l’impôt des commerçants et des artisans, financé par l’alourdissement de celui des industriels 10

B.– LA MULTIPLICATION DE RÉFORMES PARCELLAIRES 11

1.– La nécessité de corriger les faiblesses de la taxe est apparue immédiatement 11

2.– Les mesures générales d’allégement du poids de l’impôt 12

3.– Les tentatives d’encadrement de la dérive du coût pour l’État des dégrèvements 13

C.– DES RÉFORMES RÉCENTES MAJEURES QUI CONDAMNENT LA TAXE PROFESSIONNELLE 14

1.– La suppression de la part salaires consacre la taxe professionnelle comme impôt frappant l’investissement 14

2.– La pérennisation du dégrèvement pour investissements nouveaux condamne la taxe professionnelle 16

II.– UNE ASSIETTE D’IMPOSITION OBSOLÈTE REND INSUPPORTABLE LA RÉPARTITION DE LA CHARGE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE 17

A.– UNE ASSIETTE COMPLEXE ET OBSOLÈTE 17

1.– La part foncière de la taxe professionnelle : une assiette légitime mais qu’il convient de moderniser 19

a) L’assiette naturelle d’un impôt local 19

b) Des bases obsolètes et concentrées dans l’industrie, pénalisée par un mode d’évaluation défavorable 19

2.– La part EBM de la taxe professionnelle : une assiette antiéconomique 22

a) Un impôt frappant l’investissement dans des facteurs de production 22

b) Une assiette devenue dominante dans l’imposition de tous les contribuables 22

3.– L’existence d’assiettes particulières témoigne des limites de l’assiette de droit commun 23

a) L’assiette spécifique de certains professionnels libéraux 23

b) L’organisation d’une imposition minimale partielle 24

B.– UN IMPÔT DONT LA CHARGE EST TRÈS INÉGALEMENT RÉPARTIE 24

1.– La méthode employée pour résorber l’inégale répartition de la charge de l’impôt : l’accumulation des dégrèvements de taxe professionnelle 25

a) Un impôt fossile face à une économie en mutation : l’émergence des inégalités fiscales 25

b) Les multiples tentatives de corrections du poids de la taxe professionnelle 25

2.– Conséquence de la méthode des dégrèvements : l’État premier contribuable de la taxe professionnelle 27

a) Montants des dégrèvements et des produits perçus par l’État de taxe professionnelle 28

b) Les limites d’une fiscalité locale acquittée majoritairement par le contribuable national 28

3.– L’échec de la méthode : une inégalité insoutenable demeure entre les entreprises devant la charge de l’impôt 29

a) Une distribution très hétérogène de la contribution à la taxe professionnelle entre les secteurs d’activité 29

b) Des écarts inacceptables de poids de la taxe professionnelle entre les redevables 31

DEUXIÈME PARTIE : LES PROPOSITIONS POUR UN IMPÔT ÉCONOMIQUE LOCAL ET MODERNE 35

I.– SOUS QUELLES FORMES MAINTENIR LE LIEN INDISPENSABLE ENTRE LES ENTREPRISES ET CHAQUE ÉCHELON DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ? 36

A.– LA NÉCESSAIRE SUPPRESSION DE L’ASSIETTE EBM COMMANDE UNE RÉFORME DE PLUS GRANDE AMPLEUR 36

1.– Les effets de la suppression de l’assiette EBM 36

a) Les conséquences pour les entreprises 36

b) Les conséquences pour les collectivités publiques 38

2.– Les questions soulevées par la suppression de l’assiette EBM 39

a) Les dégrèvements de taxe professionnelle 39

b) Le devenir de l’assiette « recettes » 42

B.– LE MAINTIEN D’UN IMPÔT FONCIER MODERNISÉ ET PLUS JUSTE 42

1.– Le maintien d’une taxe d’activité économique, pendante pour les entreprises de la taxe d’habitation 43

2.– La révision indispensable des bases évaluées par comparaison 43

3.– La réévaluation du prix des bases foncières industrielles 44

C.– UN IMPÔT GÉNÉRALISÉ ET PLUS ÉQUITABLE SUR LA VALEUR AJOUTÉE 45

1.– Côté entreprises : le choix inéluctable de la valeur ajoutée comme assiette de l’impôt économique 45

a) Un agrégat imparfait mais qui porte un sens économique 45

b) Une assiette large et mieux répartie entre tous les contribuables 47

2.– Côté collectivités territoriales : comment faire de la valeur ajoutée l’assiette d’un impôt local ? 49

a) Comment répartir l’assiette VA entre les territoires ? 49

b) Comment concilier l’impératif d’un taux national avec le caractère local de l’impôt ? 50

c) La nécessité d’une assiette autonome et totale à défaut d’un pouvoir sur le taux : l’impôt économique découplé et généralisé 51

3.– Le taux de la contribution sur la valeur ajoutée 53

D.– L’IMPACT DE LA RÉFORME POUR LES ENTREPRISES 55

1.– Un impôt économique local modernisé 55

a) Une imposition économique locale principalement assise sur la valeur ajoutée 55

b) La liaison des taux des impôts frappant les ménages et les entreprises d’un même territoire 55

c) Un impôt qui doit demeurer plafonné par l’État 56

2.– Un impôt fortement allégé et mieux réparti entre les entreprises 56

a) Un allègement de plus de 7 milliards d'euros de la fiscalité locale économique 56

b) Une correction des inégalités criantes des contributions 57

E.– LE BOUCLAGE BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME POUR L’ÉTAT 58

1.– Une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés 59

a) La contribution additionnelle applicable de 1995 à 2006 59

b) La contribution additionnelle applicable de 1997 à 1999 60

2.– Des mesures de rendement relatives à l’assiette de l’IS 60

II.– UNE RÉFORME INÉDITE POUR UN SYSTÈME FISCAL LOCAL PLUS SIMPLE ET PLUS RESPONSABILISANT 60

A.– LA SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE BOULEVERSE LE SYSTÈME FISCAL LOCAL 61

1.– Avant et après la taxe professionnelle : le tableau d’ensemble des ressources locales 61

a) Les ressources fiscales directes sont globalement diminuées 61

b) L’inégalité des échelons face à la réforme plaide en faveur d’une nouvelle spécialisation fiscale 63

2.– Les principes directeurs du nouveau système fiscal local 63

a) Un bloc communal et intercommunal en prise directe avec les contribuables : la spécialisation des assiettes les mieux localisées 64

b) Des ressources départementales mixtes et protectrices pour faire face à des dépenses à la fois hétérogènes et rigides 64

c) Un financement régional par un impôt économique stable et dynamique 66

B.– UNE RÉFORME ASSORTIE D’UNE GARANTIE DE RESSOURCES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 67

1.– Au niveau d’ensemble : le complément du produit des impôts locaux par le transfert de ressources complémentaires 67

a) Les nouveaux transferts de recettes fiscales nationales 68

b) La couverture du besoin de financement par la baisse des FAR et des dotations de l’État 70

2.– Au niveau individuel : la mise en œuvre d’une garantie individuelle de ressources 72

a) Une réforme à l’impact très hétérogène sur le territoire 72

b) La création d’un Fonds de compensation géré par les collectivités elles-mêmes 73

3.– La question du financement des intercommunalités 75

a) La réforme de la taxe professionnelle ne remet pas en cause l’intégration fiscale des EPCI, du point de vue du volume global des recettes fiscales 75

b) Peut-il y avoir une fiscalité intercommunale qui ne soit d’abord communale ? 76

c) La redéfinition des pactes financiers proposée par la mission 77

C.– LE SCHÉMA DE SPÉCIALISATION PROPOSÉ RESPECTE L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES MAIS APPELLE DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DE PÉRÉQUATION 78

1.– Le financement du bloc communal et intercommunal 78

a) Tableau d’ensemble proposé 78

b) Degré d’autonomie financière et dynamique des ressources 79

c) Poids respectif de chaque contribuable dans les impôts directs 79

2.– Le financement des départements 80

a) Tableau d’ensemble proposé 80

b) Degré d’autonomie financière et dynamique des ressources 81

c) Poids respectif de chaque contribuable dans les impôts directs 81

3.– Le financement des régions 82

a) Tableau d’ensemble proposé 82

b) Degré d’autonomie financière et dynamique des ressources 82

c) Poids respectif de chaque contribuable dans les impôts directs 82

4.– L’approfondissement des dispositifs de péréquation fiscale 83

a) La distribution territoriale des produits exceptionnels de TAE et de taxes sectorielles 83

b) Quelle péréquation horizontale ? 84

EXAMEN EN COMMISSION 87

INTRODUCTION

Constituée à l’été dernier, la mission d’information de la Commission des finances sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales a établi la nécessité d’une complète remise à plat des modalités actuelles de financement des collectivités locales. En octobre 2008, la mission soulignait, à l’occasion d’une communication à la Commission, que la première étape de ce chantier devait être la réforme de la fiscalité locale.

Le souhait exprimé à plusieurs reprises par le Président de la République d’une suppression de la taxe professionnelle qui frappe les investissements dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 a conduit la mission à mener prioritairement une réflexion sur les modalités de l’imposition locale des entreprises. En effet, la taxe professionnelle représente 35 milliards d'euros de recettes pour les personnes publiques, dont 29 milliards d'euros pour les collectivités territoriales. La seule suppression de l’impôt sur les investissements représenterait une perte sèche de 20 milliards d'euros pour tous les échelons d’administration du pays. La suppression de l’imposition des équipements et biens mobiliers est donc un enjeu majeur, car elle ne peut que s’accompagner d’une nouvelle imposition locale des entreprises, respectueuse de l’autonomie financière des collectivités locales.

Cette réflexion a été conduite en lien étroit avec Madame Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, et a nécessité le recours aux moyens de simulation des services du ministère. Le travail de la mission n’aurait donc pas pu être mené à son terme sans la volonté de la ministre de lui apporter l’appui de ses services et vos rapporteurs tiennent à l’en remercier tout particulièrement.

Les propositions de la mission ont fait l’objet d’une communication à la Commission le 9 juin dernier et ont été présentées à la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, aux associations d’élus et aux associations d’entreprises. Elles ont été accueillies avec intérêt par l’ensemble des parties et semblent aujourd’hui susceptibles d’inspirer largement les dispositions correspondantes du projet de loi de finances pour 2010.

Comme le présent rapport le souligne, la suppression de la taxe professionnelle rend nécessaire, outre une refonte intégrale de la fiscalité locale des entreprises, une réforme plus vaste de la fiscalité locale. La compensation des pertes de recettes fiscales résultant de la réforme de la fiscalité locale des entreprises implique, en effet, de modifier l’affectation d’autres impôts locaux et de transférer aux collectivités territoriales des impôts d’État.

L’ampleur des mouvements de prélèvements obligatoires imposés par la réforme ne doit toutefois pas conduire à considérer celle-ci comme constituant une véritable réforme d’ensemble de la fiscalité locale. La mission s’est, en effet, bornée à proposer la modification de l’affectation de certains impôts locaux sans étudier, à ce stade, la réforme de leurs règles, notamment celles de la taxe d’habitation. Le travail devra donc être poursuivi sur ce point pour proposer, parallèlement à la modernisation de la fiscalité locale des entreprises, une modernisation de la fiscalité locale des ménages.

De même, la question plus vaste encore du financement des collectivités territoriales et notamment de l’évolution de leur financement par l’État devra naturellement faire l’objet d’une réflexion complémentaire dans le contexte de la réforme à venir des collectivités territoriales.

PREMIÈRE PARTIE : LA TAXE PROFESSIONNELLE : CHRONIQUE D’UNE SUPPRESSION ANNONCÉE

I.– LA TAXE PROFESSIONNELLE : UN IMPÔT INSATISFAISANT DEPUIS SA CRÉATION ET DONT LA RÉFORME EST AUJOURD’HUI INÉLUCTABLE

Impôt relativement récent, et davantage que ne l’est, par exemple, la taxe sur la valeur ajoutée pourtant généralement considérée comme un impôt particulièrement moderne, la taxe professionnelle a connu, dans sa brève histoire, de multiples réformes.

Celles-ci ne sont pas parvenues à faire véritablement accepter cet impôt dont les défauts initiaux n’ont pu être partiellement atténués que par des réformes récentes (suppression de la part salaires, dégrèvement sur les investissements nouveaux) qui portaient en germe sa complète remise à plat.

A.– LA DIFFICILE GESTATION D’UNE ASSIETTE D’IMPOSITION CONDAMNÉE PAR LES ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES

Les principaux traits de la taxe professionnelle datent de 1975, année au cours de laquelle la contribution des patentes, établie à la Révolution pour succéder aux droits de maîtrise et de jurande et transformée en impôt local en 1917, a été supprimée.

1– L’échec d’une première tentative de réforme en 1959

La création d’un nouvel impôt local dû par les entreprises, de même que sa dénomination de taxe professionnelle, est toutefois plus ancienne puisque sa création était prévue par l’ordonnance du 7 janvier 1959 qui a, par ailleurs, créé la taxe d’habitation et les taxes foncières. Cette ordonnance envisageait le nouvel impôt comme un impôt indiciaire dont le montant aurait été calculé à partir de barèmes prenant notamment en compte des éléments de l’assiette actuelle comme la valeur locative des locaux. Pour diverses raisons, et en particulier du fait des difficultés rencontrées lors de la révision générale des valeurs locatives cadastrales qui n’a été achevée qu’en 1970, cette réforme n’a jamais été mise en œuvre.

2.– La création de la taxe professionnelle en 1975

Par rapport au projet de 1959, la réforme opérée par la loi du 29 juillet 1975 marque une modernisation importante en posant le principe d’un impôt assis sur des bases comptables, naturellement beaucoup plus proches des réalités économiques que les évaluations administratives.

Trois éléments d’assiette avaient été initialement proposés par le Gouvernement dans un projet de loi déposé en février 1974 :

– le bénéfice net,

– la moitié de la masse salariale,

– la valeur comptable des immobilisations incorporelles ou le loyer versé.

L’exposé des motifs du projet de loi estimait que cette nouvelle assiette :

– allégerait la charge d’imposition des petites entreprises du commerce (- 34 %) et de l’artisanat (– 20 %),

– en accroissant celle des entreprises industrielles (+ 14 %) et des professions libérales (+ 10 %).

Le décès du président Pompidou et les élections qui en découlèrent ayant interrompu la discussion législative, celle-ci reprit sur la base d’un nouveau projet de loi.

Compte tenu des effets de transfert attendus, en particulier au détriment des plus petites entreprises et des difficultés de localisation de cet élément d’assiette, ce projet de loi abandonnait l’imposition du bénéfice net. L’assiette retenue était finalement :

– le quart (fraction ramenée au cours du débat parlementaire au cinquième) des salaires,

– les valeurs locatives des immobilisations corporelles, calculées de façon forfaitaire, dans les mêmes conditions que la taxe foncière pour les immeubles et pour 16 % de leur coût d’acquisition pour les autres immobilisations.

3.– Un allégement de l’impôt des commerçants et des artisans, financé par l’alourdissement de celui des industriels

La réforme de 1975 a engendré d’importants transferts entre entreprises et secteurs. Le Conseil des impôts notait ainsi que, conformément aux objectifs initiaux, « les petites entreprises, notamment les artisans et les commerçants, ont bénéficié de diminutions importantes de leurs cotisations au moment de la suppression de la patente (celles-ci ont diminué de plus des trois quarts pour 29 % des artisans et 39 % des commerçants) », cet allégement étant financé « dans une proportion limitée par le commerce de gros et par les professions libérales et à titre principal par les entreprises industrielles (les branches les plus pénalisées étant celles de la chimie et des matériels électriques et électroniques) » (1).

Assise sur les salaires et sur les investissements, la taxe professionnelle était, en effet, évidemment un impôt particulièrement pénalisant pour l’industrie, dont de nombreux secteurs étaient alors plus intensifs en main-d’œuvre qu’ils ne le sont devenus. Cette assiette d’imposition aurait pu être supportable dans le contexte économique des Trente glorieuses et de la prospérité de la grande industrie. Conçu et mis en place presque simultanément au premier choc pétrolier, cet impôt fordien s’est révélé particulièrement inadapté aux évolutions économiques.

B.– LA MULTIPLICATION DE RÉFORMES PARCELLAIRES

Depuis 1975, le législateur a modifié le droit applicable en matière de taxe professionnelle quasiment chaque année et parfois plusieurs fois au cours de la même année.

Si certaines de ces modifications ont résulté de la nécessité immédiatement apparue de corriger certains défauts de la taxe nouvellement créée, les réformes ultérieures ont été animées par deux préoccupations contradictoires, alléger l’imposition pour tout ou partie des entreprises, d’une part, et maîtriser le coût de cet allégement, d’autre part. Par ailleurs, de nombreuses réformes, dont il n’est pas rendu compte ci-après, répondaient à des logiques sectorielles (par exemple, des mesures d’exonération en faveur de diverses activités culturelles) ou géographiques.

1.– La nécessité de corriger les faiblesses de la taxe est apparue immédiatement

Si 1,6 million de contribuables ont vu leur imposition fortement diminuée lorsque la taxe professionnelle s’est substituée à la patente, 300 000 ont subi une hausse de celle-ci, souvent importante (en moyenne de 70 %). Le nombre élevé de perdants à la réforme ayant suscité une « tempête de protestations » (2) à la réception des premiers avis d’imposition, deux adaptations ont immédiatement été apportées :

– un écrêtement de l’écart entre la nouvelle base d’imposition et la base d’imposition de la patente actualisée, limitant l’accroissement de l’assiette au tiers de son montant brut,

– un plafonnement de l’augmentation de l’imposition de l’entreprise par rapport au montant acquitté au titre de la patente en 1975 à 70 % de celui-ci.

La nécessité d’une meilleure prise compte de la capacité contributive a également été très rapidement perçue : la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale posait ainsi le principe de la création d’une taxe professionnelle « assise sur la base de la valeur ajoutée » selon des modalités définies « au vu d'un rapport présentant les résultats de simulations effectuées à partir de déclarations déposées par les entreprises en retenant la valeur ajoutée comme base de la taxe professionnelle ».

La même loi organise le vote par les collectivités locales du taux des impôts directs locaux. Pour protéger les entreprises, il a été prévu de plafonner l’augmentation du taux de TP à la moyenne pondérée de l’augmentation des taux des trois autres impôts directs locaux puis, à partir de 1983, de lier ce taux à celui de la taxe d’habitation (TH) et de le plafonner à 2,5 fois puis 2 fois la moyenne nationale des taux de taxe professionnelle.

Cette liaison des taux a été profondément remise en cause par la loi de finances pour 2003 qui a permis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d'augmenter plus fortement le taux de taxe professionnelle que le taux de la taxe d'habitation ou le taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières.

Sous certaines conditions, les collectivités locales peuvent ainsi augmenter leur taux de taxe professionnelle dans la limite d'une fois et demie l'augmentation de leur taux de taxe d'habitation ou, si elle est moins élevée, de leur taux moyen pondéré des trois autres taxes. Pour les régions, le taux de taxe professionnelle peut augmenter dans la limite d'une fois et demie l'augmentation du taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.

2.– Les mesures générales d’allégement du poids de l’impôt

À partir du début des années 1980, plusieurs allégements successifs ont été apportés aux bases. Outre des mesures sectorielles, il a été décidé :

 la réduction de 20 % à 18 % de la part des salaires (1982),

 des mécanismes de lissage de l’augmentation des bases (mécanisme spécifique aux EBM en 1982 auquel a succédé, en 1982, la « réduction pour embauche et investissements » lissant sur deux ans l’effet de l’augmentation des bases),

 un dégrèvement de cotisation de 10 % (1985) puis (1987) un abattement général à la base de 16 %.

L’une des modifications les plus importantes de l’architecture de l’impôt a toutefois été l’instauration, en 1979, d’un plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.

Initialement fixé à 8 % de la valeur ajoutée, le taux de ce plafonnement a progressivement été abaissé pour atteindre 3,5 % en 1991.

3.– Les tentatives d’encadrement de la dérive du coût pour l’État des dégrèvements

Compte tenu du coût croissant pour l’État du plafonnement à la valeur ajoutée (multiplié par six entre 1990 et 1995 pour atteindre 31 milliards de francs), la loi de finances pour 1995 a relevé le taux du plafonnement pour les grandes entreprises. Son taux a ainsi été porté à 3,8 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires était compris entre 140 et 500 millions de francs et à 4 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires était supérieur à 500 millions de francs. Il a, en outre, été introduit un « plafonnement du plafonnement » limitant le montant de celui-ci à un milliard de francs.

Dans la même préoccupation budgétaire, la loi de finances pour 1996 a procédé à deux modifications importantes.

La première a été le gel du taux pour le calcul de la cotisation plafonnée. Il a, en effet, été décidé d’appliquer le plafonnement sur une cotisation de taxe professionnelle de référence calculée au niveau de l’entreprise. Pour les impositions établies au titre de 1996 et des années suivantes, cette cotisation de référence était égale à la somme des cotisations de chaque établissement de ladite entreprise calculées en retenant :

 la base servant au calcul de la cotisation de taxe professionnelle établie au titre de l’année d’imposition au profit de chaque collectivité territoriale ou groupement doté d’une fiscalité propre ;

 et le taux d’imposition de chaque collectivité ou groupement à fiscalité propre au titre de l’année 1995, ou le taux de l’année considérée, s’il est inférieur.

Le contribuable dégrevé supportait un ticket modérateur dont le montant était égal au produit de la base nette imposable de l’année par l’augmentation du taux global de taxe professionnelle intervenue depuis 1995.

En revanche, ce mécanisme était sans conséquence pour les collectivités territoriales qui se voyaient garantir le produit qu’elles avaient voté. Dans son rapport remis au Premier ministre le 21 décembre 2004, la commission de réforme de la taxe professionnelle présidée par M. Olivier Fouquet a longuement détaillé les dysfonctionnements d’un tel système, aggravés dans de nombreuses collectivités territoriales par la hausse du taux. Les taux de taxe professionnelle ont, en effet, globalement augmenté de deux points en cinq ans, de 23,34 % en 2000 à 25,27 % en 2005.

Ce gel des taux a été remis en cause par l’article 85 de la loi de finances pour 2006 en application duquel l’État a repris à sa charge le coût du PVA lié aux hausses de taux intervenues de 1995 à 2005 tandis que le coût du PVA résultant des hausses de taux postérieures a été mis à la charge des collectivités territoriales (mécanisme dit du ticket modérateur).

La seconde modification importante opérée par la loi de finances pour 1996 a été la mise en place d’une cotisation minimale de taxe professionnelle, à la charge des entreprises réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre d’affaires, perçue par l’État et ayant pour objet de contribuer au financement des dégrèvements de taxe professionnelle supportés par lui.

Le taux de cette cotisation minimale différentielle, qui a abouti à la fixation d’un plancher d’imposition, était initialement de 0,35 %. Il convient de noter que le montant de la contribution minimale était, en outre, plafonné en fonction de la cotisation brute de taxe professionnelle à 2,5 fois celle-ci pour 1996, 3 fois celle-ci pour 1997 et 4 fois celle-ci pour 1998. Il était estimé que 1 137 entreprises en seraient redevables pour un produit global de 400 millions de francs (soit 0,32 % du produit total de TP attendu pour 1995). Cette estimation s’est révélée grossièrement inexacte avec un produit effectif de seulement 50 millions de francs en 1996.

Du côté des attributaires du produit de la TP, il convient de rappeler qu’une évolution importante a résulté de la loi du 12 juillet 1999 dite loi Chevènement qui a instauré une politique de soutien à la mise en place de communautés d’agglomération et de communautés de communes en accordant notamment un supplément de dotation moyenne par habitant aux communautés de communes qui optaient pour la taxe professionnelle unique (TPU). Le succès de ce dispositif fait qu’aujourd’hui, le produit de TP perçu par les communautés à TPU (avant reversements aux communes membres) représente 2,5 fois celui perçu directement par les communes.

C.– DES RÉFORMES RÉCENTES MAJEURES QUI CONDAMNENT LA TAXE PROFESSIONNELLE

Deux réformes récentes, importantes et liées, méritent un examen particulier, compte tenu des conséquences qu’elles emportent.

Il s’agit de la suppression de la part salariale et de la création puis de la pérennisation du dégrèvement pour investissements nouveaux.

1.– La suppression de la part salaires consacre la taxe professionnelle comme impôt frappant l’investissement

La loi de finances pour 1999 a organisé la suppression progressive de la part salariale, qui représentait, en 1998, le tiers des bases brutes.

La suppression de la part salariale a été organisée en cinq ans et a été achevée en 2003, la progressivité étant organisée par un abattement en valeur absolue croissant (fixé à des niveaux équivalents à 6 SMIC annuels pour 1999, 20 SMIC pour 2000, 68 SMIC pour 2001 et 408 SMIC pour 2002) de sorte que la réforme a, en proportion des cotisations, profité plus vite aux petits contribuables (820 000 établissements étant exonérés de la part salaires dès 1999, 237 000 supplémentaires au titre de 2000, 98 000 au titre de 2001, 39 000 au titre de 2002 et les 6 000 derniers au titre de 2003).

Bien logiquement, la baisse des cotisations résultant de la suppression de la part salariale a été particulièrement forte dans les secteurs pour lesquels cet élément de l’assiette était important au regard de leurs immobilisations. Ce sont donc les secteurs du commerce et des services qui ont le plus bénéficié de cette réforme.

Parallèlement, il a été décidé l’augmentation du taux de la cotisation minimale (1 % pour 1999, 1,2 % pour 2000 et 1,5 % à partir de 2001), ce qui a assuré une limitation des gains de certains secteurs peu imposés et à forte valeur ajoutée (services financiers). Le seuil de chiffre d’affaires déterminant l’assujettissement à la cotisation minimale n’ayant pas été modifié, la reprise des gains n’a évidemment concerné que les grandes entreprises qui ont relativement moins profité de la réforme que les petites et moyennes entreprises.

Le tableau suivant, extrait du rapport de la commission de réforme de la taxe professionnelle, illustre les effets de la suppression de la part salariale.

IMPACT SECTORIEL DE LA SUPPRESSION DE LA PART SALARIALE

Impact de la suppression de la part salariale par secteur

Nombre

Cotisation 2003

En %

Cotisation 2003 reconstituée

En %

Bénéfice tiré de la suppression

Réintégration de la part salaires

Non

Oui

En M€

En %

Taux de la cotisation minimale

1,50 %

0,35 %

Commerce

179 062

2 454

14,5 %

3 768

16,8 %

1 314

53,5

Services aux entreprises

104 377

2 004

11,8 %

2 952

13,1 %

948

47,3

Industrie des biens d’équipement

17 886

1 084

6,4 %

1 591

7,1 %

507

46,8

Industrie des biens intermédiaires

31 294

3 077

18,2 %

3 549

15,8 %

472

15,3

Construction

56 295

673

4,0 %

1 117

5,0 %

444

66,0

Transports

24 038

1 667

9,8 %

2 102

9,4 %

435

26,1

Activités financières

16 933

795

4,7 %

1 068

4,8 %

273

34,3

Services aux particuliers

51 888

608

3,6 %

850

3,8 %

242

39,8

Industrie des biens de consommation

19 974

882

5,2 %

1 123

5,0 %

241

27,3

Énergie

1 084

1 576

9,3 %

1 809

8,1 %

233

14,8

Industries agricoles et alimentaires

12 503

911

5,4 %

1 057

4,7 %

146

16,0

Industrie automobile

1 302

669

3,9 %

815

3,6 %

146

21,8

Éducation santé action sociale

10 991

224

1,3 %

368

1,6 %

144

64,3

Activités immobilières

51 147

164

1,0 %

184

0,8 %

20

12,2

Administration

2 126

26

0,1 %

36

0,2 %

10

38,5

Autres activités

540

30

0,1 %

36

0,2 %

6

20,0

Agriculture, sylviculture, pêche

6 034

41

0,2 %

45

0,2 %

4

9,8

TOTAL

587 474

16 887

100,0 %

22 470

100,0 %

5 585

33,1

Source : DGI/M2

Champ : BIC/IS au régime réel normal (i.e. hors régime simplifié, micro, BNC)

NB : – la cotisation 2003 intègre la cotisation totale TP hors produits des chambres consulaires, la cotisation minimale et l’ensemble des dégrèvements ;

– la cotisation 2003 reconstituée est obtenue en réintégrant la part salaires et en ramenant en outre le taux de la cotisation minimale à son niveau de 1998 ;

– le bénéfice tiré de la suppression de la part salariale est calculé par rapport à la cotisation 2003 réelle.

À partir de la suppression de la part salaires, la valeur locative des EBM, qui représentait environ la moitié des bases brutes de taxe professionnelle en 1998, est mécaniquement devenue l’élément prédominant de l’assiette, amplifiant la critique d’impôt pénalisant l’investissement adressé dès l’origine à la taxe professionnelle.

2.– La pérennisation du dégrèvement pour investissements nouveaux condamne la taxe professionnelle

Pour répondre à ces critiques et soutenir l’investissement et l’activité, en particulier dans les secteurs industriels intensifs en capital, l’article 85 de la loi de finances pour 2006 a instauré un dégrèvement pour investissements nouveaux.

Ce dispositif organisait initialement une entrée progressive dans la base d’imposition à la taxe professionnelle des immobilisations acquises neuves. Un équipement acquis en année N est déclaré, au titre de la taxe professionnelle, lors de l’année N+1, l’imposition correspondante étant payée en N+2. Le DIN prévu par la loi de finances pour 2006 prévoyait un abattement dégressif pendant trois ans. Pour un équipement acquis en année N, l’abattement était égal à 100 % en année N+2, aux deux tiers en année N+3 et au tiers en année N+4, l’imposition dans les conditions de droit commun n’intervenant donc que lors de la cinquième année suivant la création ou l’acquisition de l’équipement.

La loi de finances rectificative pour 2008 a pérennisé ce dégrèvement pour les investissements réalisés entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009, ainsi exonérés de manière permanente de taxe professionnelle. Dans la mesure où le contexte économique rendrait particulièrement difficile de ne pas au moins prolonger ce dispositif pour les investissements postérieurs au 31 décembre 2009, on peut dire que ce dispositif met, en pratique, en extinction le principal élément de la base d’imposition de la taxe professionnelle. Il en commande donc la suppression au bénéfice d’une réforme profonde de l’imposition locale des entreprises.

II.– UNE ASSIETTE D’IMPOSITION OBSOLÈTE REND INSUPPORTABLE LA RÉPARTITION DE LA CHARGE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Pour les raisons historiques qui viennent d’être rappelées, la taxe professionnelle apparaît aujourd’hui comme le vestige fiscal d’une économie industrielle nationale dans une économie de services désormais ouverte sur le monde. Son assiette obsolète et complexe aboutit en effet à une répartition profondément insatisfaisante du poids de l’impôt.

A.– UNE ASSIETTE COMPLEXE ET OBSOLÈTE

La taxe professionnelle est un impôt d’une extrême complexité, notamment en raison de ses règles d’assiette.

Cette assiette comprend, en principe, deux fractions :

– d’une part, une part foncière due par tous les redevables et assise la valeur locative des immeubles, calculée comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties,

– d’autre part, pour certains redevables :

– soit la valeur locative de leurs autres immobilisations corporelles (les équipements ou biens mobiliers, « EBM ») ;

– soit, pour la plupart des professionnels libéraux, une fraction des recettes.

L’application de ces bases d’imposition dépend de critères liés à la nature de l’activité exercée, au régime d’imposition sur les bénéfices et au chiffre d’affaires. La commission de réforme de la taxe professionnelle, présidée par M. Olivier Fouquet, a présenté la « combinatoire complexe » en résultant sous la forme d’un tableau évocateur qui reste parfaitement d’actualité :

J’exerce une activité …

Mon bénéfice est taxé à …

J’emploie moins de 5 salariés

Mon CA est supérieur à 61 000 € (PS) ou
152 500 € (ventes)

Je suis taxé à
la TP sur :

Commerciale, industrielle, artisanale

   

Non

VLF seule

   

Oui

VLF + EBM

Non commerciale ou d’agent d’affaires / intermédiaire de commerce

IR

Oui

 

VLF + recettes

IR

Non

Non

VLF seule

IR

Non

Oui

VLF + EBM

IS

 

Non

VLF seule

IS

 

Oui

VLF + EBM

Source : Commission de réforme de la taxe professionnelle.

Le poids des trois éléments principaux de l’assiette est toutefois très inégal. La valeur locative des EBM constitue, en effet, de très loin l’élément principal de l’assiette.

Élément de l’assiette

Part de la base brute de taxe professionnelle

Valeur locative foncière (VLF)

17,6 %

Valeur locative des équipements et biens mobiliers (EBM)

79,8 %

Recettes

2,6 %

 

100 %

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, fichier des établissements imposés à la TP en 2007.

Enfin, il convient de noter que l’impôt résultant de ces éléments d’assiette est :

– plafonné à 3,5 % de la valeur ajoutée de l’entreprise,

– pour les redevables dont le chiffre d’affaires excède 7,6 millions d'euros, majoré, si nécessaire, pour être porté à 1,5 % de la valeur ajoutée de l’entreprise.

En pratique, la valeur ajoutée fonctionne donc comme un quatrième élément d’assiette dont l’importance est forte. Elle détermine, en effet, l’imposition d’environ 165 000 entreprises qui acquittent 54 % du produit total de TP.

Particulièrement complexe, l’assiette de la taxe professionnelle frappe donc aujourd’hui principalement la valeur locative des immeubles, dont l’évaluation est profondément insatisfaisante, et les investissements, dont la prise en compte est économiquement contre-productive.

L’existence de règles d’assiette particulières régissant l’imposition de certains professionnels libéraux et de mécanismes d’imposition minimale de certains redevables illustrent l’incapacité de l’assiette de droit commun à tenir fidèlement compte des réalités économiques.

1.– La part foncière de la taxe professionnelle : une assiette légitime mais qu’il convient de moderniser

a) L’assiette naturelle d’un impôt local

La propriété et/ou l’usage d’immeubles figurent traditionnellement parmi les éléments d’assiette des impôts locaux. Cela a été vrai au fil de notre histoire comme ça l’est également par-delà nos frontières.

Ainsi, la valeur locative des immeubles figurait dans l’assiette de la patente dès l’an VIII. De même, comme le soulignait le rapport de la commission de réforme de la taxe professionnelle, « la taxe foncière est sans nul doute le mode d’imposition locale des entreprises le mieux partagé » puisqu’ « à l’exception de la Suède, de la Grèce et de Malte, la totalité des pays de l’UE-15 et des nouveaux États membres, de même que les États-Unis, par le biais de la Property tax, se sont dotés d’une taxe foncière sur les propriétés bâties, la plupart disposant également d’une taxe foncière sur les propriétés non bâties ».

Répartie sur l’ensemble du territoire, évidemment aisément localisable, l’assiette foncière est, en outre, bien acceptée par les contribuables qui n’en contestent pas le principe. La mission estime donc souhaitable de conserver une imposition de la jouissance des immeubles, distincte de l’imposition de leur propriété au titre des taxes foncières et comparable à celle organisée, pour les ménages, par la taxe d’habitation.

b) Des bases obsolètes et concentrées dans l’industrie, pénalisée par un mode d’évaluation défavorable

Les règles d’évaluation des valeurs locatives foncières sont communes à la taxe professionnelle et aux taxes foncières. Deux méthodes d’évaluation coexistent donc.

La règle générale est l’évaluation à la valeur cadastrale, qui s’applique à tous les locaux autres que les établissements industriels et qui est également appliquée pour calculer la valeur locative des locaux d’habitation. Elle repose sur des rôles d’imposition dont la dernière révision, qui est intervenue en 1974, a fixé les valeurs locatives de référence au 1er janvier 1970. Ces valeurs locatives ont été réévaluées pour la dernière fois en 1980.

En application de cette méthode :

– la valeur locative des locaux loués dans des conditions normales au 1er janvier 1970 est déterminée à partir du loyer prévu par le bail (5,7 % des locaux dont la valeur locative est évaluée à la valeur cadastrale relèvent de cette modalité de calcul (3)) ;

– la valeur locative des autres locaux est déterminée par comparaison avec des locaux de référence situés dans la même commune à partir desquels l’administration détermine une valeur locative au m² pondéré (92,7 % des locaux dont la valeur locative est évaluée à la valeur cadastrale relèvent de cette modalité de calcul (4)) ;

– dans certains cas particuliers, la valeur locative est appréciée directement par l’application d’un taux d’intérêt à une estimation de la valeur vénale (1,5 % des locaux dont la valeur locative est évaluée à la valeur cadastrale relèvent de cette modalité de calcul (5)).

La valeur locative de l’immense majorité des locaux est donc évaluée par comparaison avec la valeur d’un local de référence. Comme la Cour des comptes l’a relevé dans son dernier rapport public annuel, la méthode suivie est complexe, opaque pour le contribuable et source d’inéquités entre contribuables, notamment en raison de l’obsolescence des bases.

Par exception, pour les établissements industriels, la valeur locative est, en principe, évaluée au prix de revient inscrit au bilan selon la méthode dite comptable. Cette valeur locative a donc augmenté au fil des années, compte tenu de l’augmentation des prix du foncier et de celle des coûts de la construction.

En revanche, les valeurs locatives cadastrales ne font l’objet que d’une réévaluation annuelle selon un taux fixé en loi de finances pour tenir compte de l’évolution des prix. Le cumul de ces réévaluations depuis 1980 équivaut à une majoration de 175 %. Par comparaison, on notera que, depuis 1980, l’index national du prix du bâtiment établi par l’INSEE a progressé de 265 % tandis que, sur la même période, l’indice du prix des logements a augmenté de 336 %. La comparaison de l’évolution récente de la valeur locative moyenne des locaux commerciaux et de celle des locaux industriels fait donc logiquement apparaître un accroissement significativement plus rapide de celle des locaux industriels.

ÉVOLUTION DE LA VALEUR LOCATIVE MOYENNE PAR CATÉGORIE DE LOCAUX

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2007/2001

Local commercial

6 963

7 124

7 348

7 539

7 751

7 996

8 234

18,26 %

Local industriel

55 698

58 003

60 678

63 279

66 293

68 393

69 928

25,55 %

Source : Annuaire statistique de la DGFIP.

La mission ne dispose toutefois pas de données lui permettant d’apprécier précisément le montant du renchérissement de la valeur locative des locaux industriels relativement à celle des locaux commerciaux, ce qui nécessiterait de neutraliser les éventuelles évolutions « qualitatives » des assiettes (toutes choses égales par ailleurs, la valeur locative moyenne des locaux industriels augmentera si, par exemple, au cours d’une même année un petit atelier ferme et qu’une grande usine se crée). L’existence même de ce renchérissement parait, en revanche, avérée. En conséquence, principalement faute de réévaluation suffisante des valeurs cadastrales, la part des établissements industriels dans les bases brutes foncières a mécaniquement cru pour atteindre, en 2007, près de 47 % de celles-ci.

Or, au sens des dispositions légales correspondantes (article 1499 du code général des impôts), les établissements industriels sont :

– les usines et ateliers où s'effectuent, à l'aide d'un outillage relativement important, la transformation des matières premières ainsi que la fabrication ou la réparation des objets ;

– les établissements n'ayant pas ce caractère mais où sont réalisées :

o soit des opérations d'extraction (carrières de pierres, par exemple),

o soit des opérations de manipulation ou de prestation de services (marchands de gros utilisant notamment des engins de levage de grande puissance tels que grues, ponts roulants et monte-charge ou des installations de stockage de grande capacité telles que réservoirs et silos, blanchisseries automatiques, teintureries, entreprises de conditionnement, etc.) et dans lesquels le rôle de l'outillage et de la force motrice est prépondérant.

Ils correspondent donc principalement à des usines et ateliers et donc aux locaux de production des entreprises industrielles. Ainsi, les 5 secteurs industriels de la nomenclature NES16 concentrent 60 % de la valeur locative des établissements évalués par la méthode comptable, proportion qui monte à plus de 90 % en prenant également les secteurs de l’énergie, des transports et des services aux entreprises. De même, les locaux évalués par la méthode comptable représentent 85 % de la base brute foncière des entreprises des 5 secteurs industriels de la nomenclature NES16. La distorsion d’évaluation constatée précédemment frappe donc très inégalement les secteurs d’activité économique, au préjudice de l’industrie.

2.– La part EBM de la taxe professionnelle : une assiette antiéconomique

a) Un impôt frappant l’investissement dans des facteurs de production

Les équipements et biens mobiliers (EBM) sont imposés à la taxe professionnelle en proportion de leur valeur brute au bilan, c’est-à-dire de leur prix de revient.

Pour un investissement donné, le poids de la taxe professionnelle, prélevée chaque année, dépend de sa durée d’utilisation et est donc d’autant plus important que l’investissement est durable et donc, en règle générale, lourd. La taxe professionnelle étant déductible de l’IS, sa charge est, en outre, évidemment plus importante pour une entreprise déficitaire (qui ne profite pas de cette déductibilité) que pour une entreprise bénéficiaire.

Le tableau suivant, issu des travaux de la commission de réforme de la taxe professionnelle, illustre ces effets.

Durée d’utilisation du bien

3 ans

7 ans

10 ans

15 ans

20 ans

Surcoût induit par la TP (en % du montant de l’investissement)

Entreprise déficitaire

9,8 %

21,6 %

29,5 %

34,5 %

45,6 %

Entreprise bénéficiaire

6,5 %

14,4 %

19,7 %

27,6 %

34,4 %

Hypothèses : Cas d’une entreprise soumise au régime réel normal. Le bien concerné est acquis l'année N, et commence à être taxé au titre de la TP l'année N+2. Le taux applicable la 1ère année est de 22,3 % (après application de l'abattement à la base de 16 %). À l’issue de sa durée d’utilisation, le bien sort de l’actif. Les montants de TP et d'IS acquittés sont actualisés au taux réel de 3 %.

b) Une assiette devenue dominante dans l’imposition de tous les contribuables

La valeur locative des EBM représente environ 80 % de la base brute de la taxe professionnelle. À quelques exceptions, cette part moyenne est, contrairement à ce que l’on pouvait intuitivement supposer, assez proche de celle constatée dans la plupart des secteurs d’activité et à tous les niveaux de chiffre d’affaires.

Ainsi, les EBM représentent moins de la moitié de la base d’imposition de seulement deux secteurs d’activité (les administrations, d’une part, et le secteur de l’éducation, de la santé et de l’action sociale, d’autre part), puis 59 % pour les activités immobilières. Quant aux treize autres secteurs, ils représentent 72 % à 94 % de la base d’imposition. La part des EBM dans la base d’imposition est ainsi voisine pour le secteur des activités financières (76 % de la base d’imposition) et pour celui de l’industrie des biens de consommation (82 % de la base).

De même, la taxation nette des EBM représente 79 % de la cotisation totale de TP des entreprises concernées dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros, de sorte qu’il faut considérer que la densité des entreprises en EBM est totalement étrangère au chiffre d’affaires.

3.– L’existence d’assiettes particulières témoigne des limites de l’assiette de droit commun

La taxe professionnelle étant désormais assise sur les immobilisations (VLF et EBM), elle frappe peu les entreprises dont les immobilisations sont faibles. Des règles d’imposition particulières sont toutefois prévues dans certains cas et corrigent, dans une certaine mesure, cet effet.

a) L’assiette spécifique de certains professionnels libéraux

Environ 448 000 contribuables sont imposés sur la base de leurs recettes et non sur la base de l’assiette EBM et acquittent, au titre de cette assiette, une TP nette d’environ 700 millions d'euros.

Ces contribuables sont :

– des titulaires de bénéfices non commerciaux (cédule de revenus dans laquelle sont imposés les revenus de la plupart des professionnels libéraux) ou des intermédiaires de commerce,

– employant moins de 5 salariés (en équivalent temps-plein)

– et imposés sur leurs bénéfices à l’impôt sur le revenu et non à l’impôt sur les sociétés.

En 1979, la taxe professionnelle de ces redevables était assise, d’une part, sur la valeur locative de leurs immobilisations (y compris les EBM) et, d’autre part, sur le huitième de leurs recettes (soit 12,5 % de celles-ci). À la différence de celle des autres contribuables, leur taxe professionnelle n’était, en revanche, pas assise sur les salaires versés. L’assiette recettes était donc, à l’origine, un substitut à la part salaires.

Dès 1980, la valeur locative des EBM a été retirée de la base d’imposition de ces redevables qui comprend depuis, outre la part recettes, la seule valeur locative des immeubles, c’est-à-dire la part foncière. À cette date, l’assiette recettes a, en outre, été ramenée à 10 %.

En raison de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, la fraction des recettes prises en compte a été réduite par la loi de finances pour 2003 à 9 % au titre de 2003, 8 % au titre de 2004 et 6 % à compter de 2005.

b) L’organisation d’une imposition minimale partielle

Deux mécanismes visent à assurer un plancher d’imposition minimale.

Le premier est la cotisation minimum, qui fixe un plancher forfaitaire d’imposition déterminé à partir de la taxe d’habitation théorique d’un local de référence. Ce mécanisme s’applique donc aux plus petits contribuables. Les 991 000 entreprises assujetties à la cotisation minimum en 2007 ont acquitté une TP nette d’environ 400 millions d’euros, soit une cotisation moyenne de l’ordre de 400 euros.

Le second est la cotisation minimale de taxe professionnelle, dont la coexistence avec une cotisation minimum avec laquelle elle ne doit pas être confondue témoigne, si besoin était, du niveau de complexité atteint en matière de taxe professionnelle.

La cotisation minimale de taxe professionnelle (CMTP) est perçue par l’État et ramène l’imposition totale des assujettis à 1,5 % de leur valeur ajoutée. Elle est donc égale à la différence entre 1,5 % de la VA et la cotisation de TP produite par l’imposition des bases foncières et EBM. La cotisation minimale n’est applicable qu’aux entreprises de plus de 7,6 millions d’euros de chiffre d’affaires. 15 500 des 40 338 entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse ce seuil sont assujetties à la CMTP. Ces entreprises ont acquitté, en 2007, une TP nette de 4 milliards d'euros, dont 2,43 milliards d'euros au titre de la CMTP.

Il existe donc :

– un plancher d’imposition minimale, théoriquement applicable à toutes les entreprises mais qui, compte tenu de son caractère forfaitaire, ne concerne, en pratique, que les plus petites d’entre elles,

– un second plancher d’imposition, proportionnel à la valeur ajoutée mais qui n’est applicable qu’aux grandes entreprises.

B.– UN IMPÔT DONT LA CHARGE EST TRÈS INÉGALEMENT RÉPARTIE

Le caractère obsolète de l’assiette de la taxe professionnelle décrit précédemment a conduit à l’émergence d’inégalités excessives entre les contribuables. Le législateur s’est longtemps efforcé de corriger ces effets à la marge, dans les situations les plus criantes, en dégrevant le redevable de la taxe. Toutefois, force est de constater aujourd’hui l’échec de cette méthode qui a, en outre, eu pour effet pervers de donner à l’État un rôle prépondérant de contribuable local.

1.– La méthode employée pour résorber l’inégale répartition de la charge de l’impôt : l’accumulation des dégrèvements de taxe professionnelle

a) Un impôt fossile face à une économie en mutation : l’émergence des inégalités fiscales

Plus encore que les critiques spécifiques qui peuvent être aux composantes techniques de la taxe professionnelle, il ressort des développements précédents que cet impôt, assurément mal adapté dès sa conception, s’est révélé de plus en plus en décalage avec l’économie française.

Conçue pour imposer les facteurs de production et de transformation de matières premières (les lieux, les hommes, les machines), la taxe professionnelle est un impôt fossile sans aucune marge d’adaptation. Cette rigidité a suscité deux effets pervers principaux :

– la taxe n’a pas pu être modulée pour s’adapter à une activité de plus en plus tertiaire. Conséquence de cette incapacité d’adaptation, la taxe professionnelle a frappé principalement une catégorie de contribuables – l’industrie – dont le poids relatif dans l’économie a continûment reculé. L’assiette de la taxe professionnelle a donc été, en quelque sorte, progressivement débordée par des activités qu’elle était incapable de saisir (peu de foncier, pas de machine) ;

– la rigidité de son assiette a conduit à ce que le poids de cette imposition ne diminue ni globalement, ni spécifiquement sur les secteurs cibles tels que l’industrie, lorsque l’économie française est devenue davantage sensible que par le passé à la conjoncture européenne et mondiale. Assise sur des valorisations structurelles (prix des EBM et du foncier), la taxe professionnelle constitue une charge d’exploitation totalement déconnectée du volume d’activité de l’entreprise et de ses variations.

Ni l’assiette spécifique de certains professionnels libéraux, ni les règles d’imposition minimale n’ont pleinement corrigé ce phénomène de sorte que la taxe professionnelle est devenue un impôt de plus en plus inégalement réparti. Ce constat a amené l’État à se substituer progressivement, dans des proportions très importantes, au redevable par la technique du dégrèvement, entraînant deux conséquences majeures : l’État est devenu tant le premier contribuable que le premier bénéficiaire de la taxe, et ces dégrèvements ont été inefficaces à restaurer une équité minimale parmi les redevables de l’impôt.

b) Les multiples tentatives de corrections du poids de la taxe professionnelle

Au fil des années, le législateur est intervenu à de multiples reprises pour alléger le poids de la taxe professionnelle.

Certains de ces allégements ont été décidés au bénéfice de l’ensemble des entreprises (même si leurs effets pouvaient être variables selon les secteurs d’activité). Cela a été le cas, par exemple, des abattements à la base ou de la suppression de la part salaires.

En complément de ces interventions transversales, le législateur s’est également attaché à corriger la répartition du poids de la taxe professionnelle en dégrevant certains contribuables, c’est-à-dire en acquittant à sa place une fraction de l’impôt.

Ces dégrèvements ont notamment été prévus :

– en faveur des entreprises disposant de camions ou d’autocar ;

– en faveur des ambulances ;

– en faveur des armateurs ;

– au titre des EBM affectés à la recherche ;

– au titre des investissements nouveaux.

Au total, comme le montre le graphique suivant, le nombre de ces allègements sectoriels de taxe professionnelle n’a cessé de croître, y compris depuis la suppression de la part salaires, pour dépasser cinquante dispositifs dès 2007. Ceci témoigne de la nécessité dans laquelle s’est trouvé le législateur de rechercher en permanence les moyens de corriger un impôt dont le poids et surtout la répartition sont devenus inacceptables.

Source : Annexe Effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, au projet de loi de finances pour 2009

Couronnement de ces tentatives de rationalisation de la charge de la taxe professionnelle pour les entreprises : la mise en place, par la loi de finances pour 2006, d’un plafonnement de la cotisation réellement acquittée à un taux unique (3,5 % de la valeur ajoutée). Présenté comme une mesure générale d’allègement de l’impôt, ce dégrèvement supplémentaire a pourtant conforté la distribution plutôt industrielle des avantages consentis en matière de taxe professionnelle.

Ainsi, jusqu’en 2004, les chiffres du PVA montraient à l’évidence une très forte concentration du dégrèvement dans les secteurs industriels :

RÉPARTITION DU PVA (AVANT RÉFORME) PAR SECTEUR D’ACTIVITÉS

Secteurs

Dégrèvement au titre du PVA

(millions d’euros)

Répartition

1.– Industrie

3 101

55 %

2.– Énergie

481

8 %

3.– BTP

130

2 %

4.– Commerce

316

6 %

5.– Finance

86

2 %

6.– Services

1 567

28 %

Total

5 681

100 %

Ce caractère catégoriel ou sectoriel du PVA n’a pas été sensiblement modifié par la réforme décidée par la loi de finances pour 2006. La mesure du gain supplémentaire tiré de cette réforme pour les entreprises atteste, en effet, de la permanence de la concentration sectorielle du dégrèvement :

RÉPARTITION PAR SECTEUR D’ACTIVITÉS DU COÛT DU DÉGRÈVEMENT SUPPLÉMENTAIRE RÉSULTANT DE LA RÉFORME DU PVA

(cotisations de taxe professionnelle de 2007)

 

Allègement supplémentaire

(millions d'euros)

Répartition

1.– Industrie

– 1 631

53,2 %

2.– Énergie

– 148

4,8 %

3.– BTP

– 372

12,1 %

4.– Commerce

– 221

7,2 %

5.– Finance

– 46

1,5 %

6.– Services

– 646

21,1 %

Total

– 3 064

100,0 %

Source : Rapport au Parlement évaluant la mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle (article 85 de la loi de finances pour 2006), octobre 2008, page 11.

Ces chiffres confirment l’inégale répartition de l’impôt, et démontrent que le PVA est une tentative supplémentaire de réduire les inégalités entre contribuables devant la charge de la taxe professionnelle.

2.– Conséquence de la méthode des dégrèvements : l’État premier contribuable de la taxe professionnelle

La répétition de cette intervention de l’État dans la relation fiscale entre les collectivités locales et les entreprises, afin de tenter de corriger les inégalités, a eu pour conséquence de faire de lui le premier contributeur de la taxe.

a) Montants des dégrèvements et des produits perçus par l’État de taxe professionnelle

Le tableau suivant montre que, sur la seule période 2003-2008, la taxe professionnelle acquittée par l’État sous forme de dégrèvement a crû de 60 %.

(en millions d'euros)

Allègement de taxe professionnelle

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Plafonnement au regard de la valeur ajoutée (article 1647 B sexies du code général des impôts)

6 207

5 478

5 891

6 468

5 975

8 391

Dégrèvement « ambulances » (art. 1 647 C bis)

12

14

15

25

17

22

Dégrèvement poids lourds (article 1647 C)

31

33

113

238

274

261

Dégrèvement armateurs (article 1647 C ter)

0

23

33

45

53

52

Dégrèvement recherche (article 1647 C)

0

6

31

42

68

52

Dégrèvement au titre des investissements nouveaux (article 1647 C quinquies)

0

0

24

746

1 442

1 300

Crédit anti-délocalisation (article 1647 C sexies)

0

0

101

108

188

200

Autres dégrèvements

1 115

1 105

1 557

1 043

1 339

1 422

Total

7 365

6 660

7 766

8 715

9 356

11 700

Encore conviendrait-il d’additionner ces montants et les compensations que l’État verse aux collectivités locales au titre des bases dont il décide l’exonération, ou au titre des modifications du régime fiscal de la taxe professionnelle générant des pertes de recettes. Ainsi la seule compensation de la suppression de la part salaires représentait-elle, en 2008, environ 10 milliards d'euros, intégrés depuis 2004 à la dotation globale de fonctionnement.

b) Les limites d’une fiscalité locale acquittée majoritairement par le contribuable national

De nombreuses publications ont déjà démontré les effets pervers suscités par la substitution de l’État aux contribuables locaux. Le principal d’entre eux, au-delà du strict risque budgétaire que l’État ne parvienne plus à financer les compensations, consiste en une détérioration progressive du lien fiscal entre les collectivités et leurs contribuables. Ainsi, en 2005, les collectivités locales ont voté la perception d’un produit de taxe professionnelle de 24 274 millions d’euros, dont in fine un tiers précisément a été payé par l’État. Cet exemple montre bien à quel point la place occupée aujourd’hui par l’État dans la fiscalité locale induit un biais dans la nécessaire relation entre le pouvoir exécutif local et les entreprises qui sont des contribuables du territoire qu’il gère.

Cette déresponsabilisation des collectivités locales peut être un des facteurs expliquant la croissance des taux moyens totaux appliqués par les collectivités territoriales au cours des dix dernières années, alors que sur la même période les assiettes ont augmenté plus vite que l’inflation (+18 % de 2002 à 2007) :

C’est donc la responsabilité fiscale des élus elle-même qui est en cause dès lors que ceux-ci ne peuvent réellement assumer pleinement leur politique vis-à-vis de leurs électeurs.

3.– L’échec de la méthode : une inégalité insoutenable demeure entre les entreprises devant la charge de l’impôt

Au terme de trois décennies d’aménagements du régime de la taxe professionnelle, force est de constater que le caractère insatisfaisant de cet impôt demeure plus que jamais. Pour n’être pas parvenu à gommer le vice de conception initial de la taxe, c'est-à-dire la rigidité et la mauvaise répartition de son assiette, l’État doit assumer aujourd’hui, en sus du coût budgétaire considérable des dégrèvements, un impôt dont la très inégale répartition témoigne du décalage avec l’économie française du 21ème siècle.

a) Une distribution très hétérogène de la contribution à la taxe professionnelle entre les secteurs d’activité

En dépit de la concentration importante des dégrèvements dans les secteurs les plus contributeurs à la taxe professionnelle, la charge de cet impôt demeure très inégalement répartie. Ainsi l’industrie concentre 26 % de la charge de l’impôt. Cette concentration atteint même 45 % en ajoutant le secteur des services aux entreprises, qui inclut aussi, en raison d’erreurs de classification, de nombreuses entreprises industrielles de la sidérurgie (ARCELOR Atlantique et Lorraine, par exemple), pharmaceutique (SANOFI chimie, par exemple), de l’aéronautique (SNECMA, par exemple) ou encore de l’automobile (Faurecia, par exemple).

RÉPARTITION DU POIDS DE LA TP

Cette part prépondérante de certains secteurs dans la charge de la taxe professionnelle, compréhensible au regard des règles d’assiette, peut d’emblée paraître critiquable du point de vue économique. Alors que certains services ne peuvent, par nature, être fournis loin de leurs consommateurs, la plupart des biens industriels peuvent aujourd’hui être produits partout dans le monde. L’industrie est donc particulièrement exposée au risque de délocalisations, et justifie des mesures pour préserver la compétitivité économique, donc notamment fiscale, de notre territoire national.

De surcroît, la concentration de la charge de la taxe professionnelle est totalement décalée en comparaison avec la place qu’occupe chaque secteur dans la production de richesse nationale (PIB). Ceci signifie que l’impôt économique local – la taxe professionnelle – n’a globalement pas suivi les mutations de l’activité en France, qui ont vu émerger des secteurs d’activité tertiaires aujourd’hui prépondérants mais beaucoup moins contributeurs à la taxe que les secteurs secondaires qui dominaient l’économie il y a une vingtaine d’années.

Enfin, il convient de souligner que la détérioration du partage du poids de la taxe professionnelle au détriment de l’industrie est également déconnectée de la répartition des bénéfices dégagés entre les secteurs d’activité. À mesure que la profitabilité des entreprises industrielles s’est dégradée relativement à celle d’autres secteurs, le poids de la taxe professionnelle ne s’est pas déplacé vers ces secteurs à plus forte capacité contributive.

Ces deux derniers points sont illustrés par le graphique suivant qui met en relation la part respective de l’industrie et des secteurs financier et immobilier dans les émissions de taxe professionnelle, avec leurs parts relatives dans la VA nationale et dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés :

COMPARAISON DES POIDS RESPECTIFS DE L’INDUSTRIE ET DES SECTEURS FINANCE ET IMMOBILIER, DANS LA TP, LA VA NATIONALE ET LES BÉNÉFICES (IS)

b) Des écarts inacceptables de poids de la taxe professionnelle entre les redevables

Au-delà de l’analyse sectorielle du poids de la taxe professionnelle, il importe de relever que la charge relative de cet impôt pour les entreprises, prises individuellement, s’avère particulièrement inégalitaire.

Afin de comparer le poids relatif que représente la taxe professionnelle pour les entreprises, il convient de rapporter la somme des cotisations nettes acquittées à la valeur ajoutée dégagée par l’entreprise. Ce ratio TP/VA constitue le taux d’effort de l’entreprise en matière de taxe professionnelle. Or l’analyse de ces taux d’effort caractérise une très forte hétérogénéité des situations des entreprises.

Cette hétérogénéité est manifeste par secteur d’activité puisque l’industrie subit globalement un taux d’effort plus important que le taux moyen (2,34 %) :

TAUX D’EFFORT DE CHAQUE SECTEUR RAPPORTÉ AU TAUX MOYEN


Plus encore, les taux d’effort individuels des entreprises montre qu’autant d’entreprises – environ 240 000 – acquittent une taxe professionnelle inférieure à 0,5 % de leur VA et une taxe supérieure à 3,5 % de leur VA. Or, rien ne justifie une quelconque progressivité du taux d’effort. La VA croit elle-même de façon linéaire en fonction croissante du chiffre d’affaires : une entreprise de taille importante ne produit pas nécessairement davantage de richesses relativement à son chiffre qu’une petite. Par conséquent, la diversité du taux d’effort ne peut être aucunement légitimée par la taille de l’entreprise. Elle résulte purement et simplement du fait que la structure d’activité de certaines entreprises est intensive en assiette de la taxe (beaucoup d’immobilisations corporelles), tandis que la structure d’autres entreprises leur permet d’échapper à l’imposition.

Le graphique suivant (6) confirme cette grande inégalité des redevables devant la charge que représente la taxe professionnelle par rapport à leur capacité contributive. Alors que la cotisation minimale a été portée à 1,5 % de la VA en 2001 pour les seuls redevables de plus de 7,6 millions d'euros de chiffre d’affaires, vos rapporteurs constatent que 571 000 entreprises supportent un impôt économique local représentant moins de 1 % de leur VA tandis que 403 200 d’entre elles contribuent pour plus de 3 % de leur VA.

DEUXIÈME PARTIE :
LES PROPOSITIONS POUR UN IMPÔT
ÉCONOMIQUE LOCAL ET MODERNE

La mission d’information propose de transformer en profondeur l’impôt économique local. Prenant en considération le caractère manifestement obsolète et inégalitaire de l’assiette de la taxe professionnelle, elle juge indispensable d’adosser dorénavant l’impôt économique local à une assiette généralisée entre toutes les entreprises, et qui reflète plus fidèlement leur capacité contributive propre.

La première étape de cette transformation consiste à supprimer toute imposition sur les EBM.

De la taxe professionnelle actuelle survivrait alors une imposition foncière, physiquement localisée, assise sur une base qu’il conviendra de rénover en profondeur. Ceci implique de supprimer non seulement l’assiette EBM, mais également, d’une part, son corollaire pour les professions libérales, l’assiette recettes, et, d’autre part, la cotisation minimale et la cotisation minimum de péréquation perçues par l’État.

En complément de cet impôt de proximité, la mission propose de généraliser l’assujettissement à une taxe assise sur leur valeur ajoutée, évaluée sur l’ensemble de l’entreprise et répartie, le cas échéant, géographiquement selon des critères physiques traduisant le lien entre le territoire et le contribuable.

I.– SOUS QUELLES FORMES MAINTENIR LE LIEN INDISPENSABLE ENTRE LES ENTREPRISES ET CHAQUE ÉCHELON DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ?

A.– LA NÉCESSAIRE SUPPRESSION DE L’ASSIETTE EBM COMMANDE UNE RÉFORME DE PLUS GRANDE AMPLEUR

Les défauts majeurs de l’assiette EBM, qui ont été précédemment rappelés, justifient incontestablement de supprimer cet élément de l’assiette, comme le propose d’ailleurs le Président de la République.

Compte tenu des effets qu’elle entraîne, cette suppression implique toutefois une réforme d’ensemble de l’imposition locale des entreprises.

1.– Les effets de la suppression de l’assiette EBM

L’assiette EBM constituant l’élément le plus contestable de l’assiette actuelle de la TP, la mission d’information a souhaité engager sa réflexion en étudiant l’effet de sa suppression, associée à celle de l’ensemble des dégrèvements.

Le tableau ci-après présente les résultats de la simulation de cette hypothèse réalisée à la demande de la mission par le ministère de l’économie.

(en millions d’euros)

TP acquittée

Coût brut

Montant du dégrèvement PVA

Montant de la cotisation minimale

TP nette (y compris cotisation minimale)

Référence

Nouveau

 

Référence

Nouveau

Référence

Nouveau

Référence

Nouveau

30,7

6,1

24,6

8,5

0

2,6

7,1

24,8

13,2

a) Les conséquences pour les entreprises

Comme on le constate à la lecture du tableau précédent, la suppression simultanée de l’assiette EBM et des dégrèvements allège globalement d’environ 11,6 milliards d’euros le montant de la TP nette acquittée par les entreprises.

Cet allégement est inférieur au produit net acquitté par les entreprises au titre de l’assiette EBM en raison de l’accroissement mécanique de 4,5 milliards d'euros de la cotisation minimale de taxe professionnelle (CMTP).

La CMTP est, en effet, égale à la différence entre, d’une part, 1,5 % de la valeur ajoutée de l’entreprise et, d’autre part, sa cotisation de TP résultant de l’imposition des assiettes VLF et EBM. Pour les entreprises assujetties à la CMTP avant la réforme, le gain résultant de la suppression de l’assiette EBM est donc intégralement annulé par la majoration à due concurrence de la CMTP. En outre, le gain d’autres entreprises dont le chiffre d’affaires excède 7,6 millions d'euros mais qui ne sont pas redevables de la CMTP en l’état du droit (parce que la cotisation de leurs assiettes VLF et EBM excède 1,5 % de leur valeur ajoutée) est également partiellement repris.

Ainsi, par exemple, une entreprise de plus de 7,6 millions d'euros acquittant, avant la réforme, une TP nette égale à 3 % de sa valeur ajoutée dont 2,4 points au titre de ses EBM et 0,4 point au titre de ses VLF acquitterait, après la réforme sous ces hypothèses, une CMTP égale à 1,1 % de sa valeur ajoutée, s’ajoutant à une TP foncière résiduelle égale à 0,4 % de sa VA. Dans cet exemple, 46 % du gain résultant de la suppression de l’assiette EBM est annulé par la majoration mécanique de la CMTP.

Par construction, cet effet ne joue que pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 7,6 millions d'euros, les autres entreprises n’étant pas redevables de la CMTP. Il en résulte que les gains tirés de la suppression des EBM sont proportionnellement plus importants pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros que pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à ce montant.

Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros, le gain est, en effet, égal à l’intégralité de la TP nette qu’elles acquittent au titre de l’assiette EBM (5,1 milliards d'euros en 2007, soit 79 % de leur TP nette totale, hors assiette recettes). Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 7,6 millions d'euros, le gain est égal à la TP nette acquittée au titre de l’assiette EBM (environ 10,3 milliards d'euros en 2007) minorée de la majoration mécanique de la CMTP (soit 4,5 milliards d'euros). Le gain net s’établit donc à environ 5,8 milliards d'euros, soit un gain comparable à celui des plus petites entreprises qui détiennent pourtant moitié moins d’EBM.

Il convient, en outre, de noter que, malgré l’allégement fiscal massif résultant des hypothèses simulées, près de 67 000 entreprises seraient perdantes nettes à la réforme, leur cotisation résultant des hypothèses proposées étant supérieure à la cotisation résultant de l’état du droit.

Ces perdants nets appartiennent à tous les secteurs d’activité et sont, en outre, relativement nombreux dans l’industrie (secteurs A à F de la nomenclature NES) dans laquelle 3,5 % des entreprises sont perdantes nettes alors que, tous secteurs confondus, seules 2,3 % des entreprises le seraient.

Il apparaît à l’analyse qu’un grand nombre de ces perdants le sont en raison de la suppression du plafonnement à la valeur ajoutée dans le scénario simulé.

Secteur d'activité

Nombre d'entreprises perdantes

Part des entreprises du secteur

A.– Agriculture, sylviculture, pêche

736

2,14 %

B.– Industries agricoles et alimentaires

1 163

2,26 %

C.– Industrie des biens de consommation

1 787

3,81 %

D.– Industrie automobile

55

3,14 %

E.– Industrie des biens d’équipement

1 120

3,16 %

F.– Industrie des biens intermédiaires

2 335

4,70 %

G.– Énergie

460

17,27 %

H.– Construction

1 443

0,50 %

J.– Commerce

20 801

4,72 %

K.– Transports

1 939

2,75 %

L.– Activités financières

574

2,02 %

M.– Activités immobilières

7 738

5,16 %

N.– Services aux entreprises

6 778

2,00 %

P.– Services aux particuliers

13 802

5,15 %

Q.– Éducation, santé, action sociale

4 143

1,31 %

R.– Administration

913

1,79 %

Z.– Autres

910

0,13 %

Total

66 697

2,31 %

Source : simulation réalisée à la demande de la mission par le ministère de l’économie.

Ces perdants nets sont aussi des redevables actuels dont le niveau de cotisation est particulièrement faible. Dès lors, l’existence de perdants nets à la réforme a rapidement semblé à la mission d’information comme totalement incontournable, voire souhaitable en tant qu’elle permettrait un rééquilibrage. Ce phénomène est apparu très clairement dans les simulations demandées par les organisations patronales que le Gouvernement a rendues publiques, le 16 juin dernier. Il était envisagé comme hypothèses de supprimer les EBM et de mettre en place un plafonnement total à 1,5 % de la VA. Or, il est apparu que, même sous de telles hypothèses, plusieurs milliers d’entreprises seraient perdantes nettes à la réforme : celles dont le taux d’effort actuel est très inférieur à la moyenne.

b) Les conséquences pour les collectivités publiques

La combinaison de la suppression de l’assiette EBM, d’une part, et des dégrèvements de taxe professionnelle, d’autre part, produit, à autres règles inchangées, un gagnant massif à la réforme : l’État.

Celui-ci économise, en effet, la compensation des dégrèvements actuellement à sa charge, dont le poids budgétaire était de 9,35 milliards d'euros en 2007.

Il bénéficie, par ailleurs, de l’accroissement de la CMTP dont il perçoit le produit, soit un supplément de recettes de 4,5 milliards d'euros.

Enfin, la taxe professionnelle étant déductible de l’impôt sur les sociétés, l’État bénéficie également d’un supplément de produit d’impôt sur les sociétés de près de 3 milliards d’euros.

Pour les collectivités locales, en revanche, la réforme entraînerait une perte considérable de produit fiscal, supérieure à 27 milliards d’euros, puisqu’elles perdent, outre le produit de l’imposition de l’assiette EBM, le montant des dégrèvements pris en charge par l’État.

2.– Les questions soulevées par la suppression de l’assiette EBM

a) Les dégrèvements de taxe professionnelle

Le tableau suivant présente la répartition des 9,4 milliards d’euros de dégrèvements exécutés en 2007 :

Type de dégrèvement

Montant
(en M d’euros)

Recherche (y compris CCI) art. 1647 C quater du CGI

68

Ambulance art. 1647 C bis

17

Camion art. 1647 C

274

Armateurs (y compris CCI) art. 1647 C bis

53

Dégrèvement pour investissements nouveaux art. 1647 C quinquies

1 442

Plafonnement sur la valeur ajoutée art. 1647 B sexies

5 975

Crédit d’impôt anti-délocalisations art. 1647 C sexies

250

Autre

1 277

Total

9 356

La mission estime que l’un des objectifs de la réforme de la fiscalité locale des entreprises doit être de restaurer un lien fiscal effectif entre les entreprises et les collectivités locales en mettant un terme au rôle de contributeur de substitution que joue l’État. Compte tenu des différents types de dégrèvements, cet objectif apparaît difficile à atteindre.

● Le nécessaire maintien d’un plafonnement à la valeur ajoutée

Comme les résultats présentés ci-dessus l’attestent, de nombreuses entreprises seraient perdantes nettes à la réforme dans l’hypothèse d’une suppression du PVA et ce, malgré la suppression de l’assiette EBM.

Il s’agit d’entreprises qui sont actuellement bénéficiaires du PVA et qui sont donc parmi les contribuables les plus imposés à la TP. Or, la mission estime inacceptable d’augmenter, à l’occasion de la réforme, l’imposition des contribuables les plus lourdement imposés en l’état du droit.

La mission estime donc nécessaire de maintenir un mécanisme de plafonnement de la charge de l’impôt économique local en fonction de la valeur ajoutée, au moins au niveau actuel, soit 3,5 %.

Toutefois, il est souhaitable d’écarter par principe la technique du dégrèvement qui consiste à faire de l’État un contributeur de substitution. La mission propose donc d’instaurer un mécanisme de plafonnement par le biais d’un impôt d’État, dont les modalités sont présentées infra.

● Les dégrèvements au titre de certains équipements

Des dégrèvements relativement importants sont conditionnés par la disposition de biens taxables au titre de l’assiette EBM, par exemple des investissements nouveaux bénéficiant du DIN. Ces dégrèvements concernant des biens qui seront exonérés par la réforme, leur suppression apparaît mécanique.

Une difficulté existe toutefois s’agissant de ceux des dégrèvements qui ne sont pas pris en compte pour le calcul du PVA. Le PVA s’applique, en effet, au regard de la cotisation de TP nette des réductions et dégrèvements à l’exception toutefois du dégrèvement prévu à l’article 1647 C (véhicules routiers, bateaux affectés à la navigation intérieure). Pour les entreprises bénéficiant de ce dégrèvement et du PVA, tout se passe donc comme si le dégrèvement s’imputait sur la cotisation produite par d’autres éléments d’assiette et, pour celles d’entre elles qui relèveraient du plafonnement au seul titre de leur assiette foncière, tout se passe comme si le dégrèvement « camions » s’appliquait à une cotisation due au titre d’immeubles. La mission estime que ce cas particulier mérite un traitement spécifique.

● Le crédit d’impôt anti-délocalisations

L’article 1647 C sexies du code général des impôts prévoit un crédit de taxe professionnelle de 1 000 euros par salarié au bénéfice des entreprises exerçant des activités industrielles, de recherche, d’études ou d’ingénierie sises dans des zones d’emploi reconnues en grande difficulté au regard des délocalisations.

À la différence d’autres mécanismes d’allégements de la TP, ce crédit est, en réalité, étranger à la TP elle-même (et est d’ailleurs assis sur une donnée exogène au calcul de l’impôt, à savoir le nombre de salariés des entreprises éligibles) qui est, en l’espèce, utilisée de fait comme vecteur de distribution de subventions d’État car elle constitue l’impôt à la charge des entreprises embrassant le champ le plus large (en particulier par rapport à chacun des termes du couple IR/IS).

Du point de vue de la logique fiscale (et précisément parce qu’il est, en dernière analyse, étranger à celle-ci), la réforme de la TP ne commande donc pas directement la remise en cause de cet avantage fiscal. La mission estime souhaitable de maintenir un mécanisme d’effet similaire par le canal d’un impôt d’État.

Il en est de même s’agissant du crédit de taxe professionnelle prévu par l’article 1647 C septies au bénéfice de certaines entreprises sises dans une zone de restructuration de la défense.

● Les mesures d’aménagement du territoire

Dans une perspective d’aménagement du territoire, des avantages fiscaux concernant notamment la taxe professionnelle sont prévus au bénéfice d’entreprises sises dans diverses zones du territoire. Certains de ces avantages prennent la forme d’un crédit de taxe professionnelle et ont été précédemment évoqués. La plupart sont des exonérations totales ou partielles.

La mission d’information n’a pas considéré que son champ d’investigation l’engageait à entreprendre une révision en opportunité de tous ces dispositifs. Elle estime que la réforme de la taxe professionnelle, en tant que telle, ne condamne pas ces exonérations territoriales. Au contraire, rien n’interdira de reproduire, après la réforme, les avantages compétitifs que le législateur a accordés au fil du temps à certains territoires particuliers, quitte à les faire porter sur de nouveau instruments fiscaux.

● Le cas particulier de certaines entreprises des secteurs de l’énergie, des télécommunications et des transports

La suppression de l’assiette EBM bénéficie massivement à certaines entreprises des secteurs de l’énergie, des télécoms et des transports et, en particulier, à celles de ces entreprises qui sont très lourdement imposées en l’état du droit en raison du plafonnement du PVA à 76,2 millions d’euros. La réforme réduirait ainsi de plusieurs centaines de millions d’euros la charge de la fiscalité locale pour certaines entreprises.

Or, ces entreprises ne sont pas parmi celles qui sont le plus exposées à la concurrence internationale. Une aussi forte diminution de leur imposition locale n’apparaît donc pas prioritaire.

Il s’agit, en outre, d’entreprises qui utilisent l’espace selon des modalités particulières, lesquelles peuvent déjà faire l’objet d’une imposition spécifique (exemple : taxe sur certains pylônes de transport d’électricité), et/ou dont l’implantation peut poser des problèmes d’acceptabilité locale.

La mission estime nécessaire d’instituer ou de renforcer, parallèlement à la suppression de l’assiette EBM, une taxation locale spécifique adaptée aux activités des secteurs de l’énergie, des télécommunications et des transports. Cette taxation locale, dont le produit aurait vocation à être attribué au bloc communal (mais pas nécessairement exclusivement aux communes d’implantation de ces activités), pourrait prendre la forme de modalités particulières d’appréciation des valeurs locatives foncières de certains établissements et/ou de taxes ad hoc. La mission estime que le produit global de cette fiscalité spécifique pourrait être d’au moins 1 200 millions d’euros.

b) Le devenir de l’assiette « recettes »

La part de la taxe professionnelle de certains professionnels libéraux résultant de l’imposition de leurs recettes se substitue, pour eux, à l’imposition des EBM.

Comme on l’a rappelé, ne sont redevables de cette assiette que les professionnels :

– qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés,

– et qui emploient moins de cinq salariés.

En l’état du droit, un professionnel libéral redevable de l’IR et employant moins de cinq salariés acquitte donc une TP assise sur ses VLF et sur ses recettes alors que celui qui est redevable de l’IS ou qui emploie plus de cinq salariés acquitte une TP assise sur ses VLF et sur ses EBM.

Dans la plupart des cas, et en particulier pour les professions libérales employant peu d’EBM, le régime d’imposition de droit commun est d’ores et déjà plus favorable que l’imposition de l’assiette recettes.

La suppression de l’assiette EBM accentuera évidemment l’écart entre les deux régimes et risque d’aboutir :

– à une dégradation de la situation concurrentielle des petites entreprises libérales par rapport à celles qui comptent plus de cinq salariés,

– à une incitation plus forte à opter pour l’impôt sur les sociétés.

La mission estime que ces arguments techniques justifient la suppression de l’assiette recettes parallèlement à celle de l’assiette EBM.

Elle considère toutefois que l’assiette recettes ne présente pas les mêmes défauts que l’assiette EBM (elle ne dissuade pas l’investissement) et est acquittée par des redevables très peu exposés à la concurrence internationale (on notera, par exemple, que 63 % de l’assiette recettes sont détenues par des entreprises du secteur éducation, santé, action sociale).

La suppression de l’assiette recettes constitue une nécessité technique mais l’allégement de la charge d’imposition de ces redevables n’est, en revanche, pas un objectif. Cette suppression est donc conditionnée à un assujettissement effectif de ces actuels redevables à un impôt économique local se substituant à la TP.

B.– LE MAINTIEN D’UN IMPÔT FONCIER MODERNISÉ ET PLUS JUSTE

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, la part foncière de l’actuelle taxe professionnelle peut-être considérée comme un bon impôt, tant par la vertu de sa bonne localisation géographique – qui traduit bien l’enracinement de l’entreprise sur son territoire – qu’en raison de sa très large généralisation au sein des pays de l’Union européenne. Toutefois, l’assiette foncière actuellement taxée n’est pas exempte de critiques auxquelles la réforme proposée doit permettre de répondre.

1.– Le maintien d’une taxe d’activité économique, pendante pour les entreprises de la taxe d’habitation

La fiscalité locale sur les immobilisations foncières subit peu de critiques au plan de sa légitimité. Elle repose sur une idée très ancienne selon laquelle l’impôt local est dû par celui qui occupe le territoire de la commune. Par extension, cet impôt constitue sans doute aujourd’hui la contrepartie fiscale la plus directe qui puisse être imaginée au développement des services publics locaux et aux compétences exercées par les collectivités locales, et donc leur mode de financement le plus lisible et le plus acceptable pour les contribuables.

S’agissant des ménages, cette fiscalité repose sur un dédoublement entre un impôt dû par le propriétaire foncier – les taxes foncières – et un impôt dû par l’occupant – la taxe d’habitation. En dépit du fait que ces deux impôts frappent, en pratique, la même assiette, c'est-à-dire la valeur locative du logement, voire parfois le même contribuable (lorsque le propriétaire est occupant), il n’est pas contesté que ce dédoublement fiscal peut faire sens du point de vue des budgets locaux. Dans ceux-ci, certaines dépenses seraient ainsi rattachables au territoire dans lequel le propriétaire a investi – la voirie, les réseaux, l’urbanisme, etc. – tandis que d’autres s’adresseraient davantage au « résident local » – les transports, les équipements sportifs et culturels, l’aide sociale, etc.

Vos rapporteurs proposent de maintenir l’imposition foncière des entreprises de l’actuelle taxe professionnelle, au taux global communal de référence de cette dernière. De la sorte, un parallélisme plus strict serait établi entre les ménages et les entreprises au regard de leur fiscalité foncière locale. En effet, les entreprises continueraient d’acquitter la taxe foncière due par le propriétaire du local professionnel, et acquitteraient en sus une taxe d’activité économique due par l’actuel redevable de la taxe professionnelle, c'est-à-dire l’exploitant du local professionnel. Cette taxe d’activité économique concernerait les mêmes redevables que l’actuelle taxe professionnelle, sous le bénéfice des mêmes règles d’imposition et d’exonération (7).

2.– La révision indispensable des bases évaluées par comparaison

Vos rapporteurs estiment également que cette réforme est l’occasion de moderniser profondément les assiettes servant de base à la fiscalité foncière locale, c'est-à-dire les valeurs locatives cadastrales des immeubles. Comme cela a déjà été souligné, les évaluations actuelles de ces bases souffrent de nombreuses limites, au premier rang desquelles une distribution qui n’est pas favorable à l’industrie. Celle-ci, au sens strict (hors énergie et construction), acquitte aujourd’hui 27,2 % de la TP nette (après dégrèvements), et concentre 32,3 % de l’assiette foncière.

Cette répartition inégale de l’assiette ne doit rien au développement du foncier industriel par rapport aux autres types de locaux. Ainsi, de 2001 à 2007, le nombre de locaux industriels a reculé de 3,31 % tandis que celui des autres locaux (professionnels et commerciaux) a progressé de 6,94 %. La forte concentration de l’assiette foncière au sein des secteurs industriels s’explique, au contraire, essentiellement par l’utilisation de méthodes différentes d’évaluation de sa valeur.

Ainsi que vos rapporteurs l’ont expliqué précédemment, l’application aux locaux industriels d’une méthode comptable prenant en compte le prix réel de l’immobilisation et aux autres locaux (55 % de l’assiette) d’une évaluation administrative (méthode dite par comparaison) conduit à constater un écart substantiel de croissance annuelle de la valeur moyenne des immobilisations foncières. Alors que dans l’industrie l’assiette foncière a suivi une dynamique proche du marché, les autres secteurs ont profité de la fossilisation d’une assiette qui n’a plus été révisée depuis la fin des années 1970. Ce renchérissement accéléré des locaux industriels par rapport aux autres locaux a entraîné, selon la mission, environ 30 % de survalorisation depuis 1981. Vos rapporteurs estiment que cette inégalité de traitement ne peut plus durer.

Vos rapporteurs proposent donc à nouveau d’engager de toute urgence une révision d’ensemble des valeurs locatives évaluées par comparaison. Cette proposition a d’ores et déjà été adoptée, une première fois, sous la forme d’un amendement au projet de loi de finances pour 2009, par la commission des Finances. Le Gouvernement s’étant déclaré hostile à cette proposition, qu’il a jugée prématurée, l’amendement n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale. Vos rapporteurs considèrent qu’une année utile a ainsi été perdue, au cours de laquelle les travaux de modernisation de cette assiette auraient pu progresser dans les communes et les départements, afin que la réforme de la taxe professionnelle s’opère dans un contexte rénové.

Tenant compte des objections qui ont pu être avancées à l’encontre d’une telle révision, et notamment des risques qu’elle conduise à des transferts importants de charge fiscale entre les ménages, vos rapporteurs proposent que la révision s’engage tout d’abord sur les locaux commerciaux et professionnels, moins nombreux et moins sensibles.

3.– La réévaluation du prix des bases foncières industrielles

En complément de cette révision, qui doit essentiellement conduire à stopper le différentiel de croissance entre les valeurs locatives industrielles et les autres, vos rapporteurs jugent indispensable d’opérer immédiatement une correction à la baisse des valeurs des locaux industriels. Ils proposent que celles-ci soient minorées de 15 %, soit la moitié du différentiel de croissance constaté. Par corollaire, il convient de noter que cette mesure d’allégement de la fiscalité foncière présente l’avantage de cibler particulièrement un gain sur des secteurs prioritaires. En effet, 60 % de l’assiette évaluée par la méthode comptable est concentrée dans les secteurs industriels au sens strict, part qui monte à 65 % en incluant le secteur des services aux entreprises qui comprend certaines entreprises industrielles.

Il est ainsi proposé d’alléger de 775 millions d’euros la charge totale supportée au titre de la somme de la taxe d’activité économique et de la taxe foncière par les établissements industriels. Certes, il pourrait être procédé à cette révision à la baisse de la valeur locative des établissements industriels au seul titre de la nouvelle taxe. Toutefois, les règles de définition de l’assiette foncière de la taxe professionnelle et de l’assiette des taxes foncières étant harmonisées, il en résulterait un élément de complexité nouveau qui n’est pas souhaitable. En outre, l’inégalité constatée s’est répercutée depuis 30 ans par le canal des deux impositions.

Cette minoration de la valeur locative des locaux industriels pourrait prendre la forme d’une diminution du taux d’intérêt appliqué aux bases brutes dans le calcul de l’assiette, soit actuellement 8 % en application combinée des articles 310 J bis et 310 l de l’annexe II du code général des impôts.

VLC INDUSTRIELLE : CAS GÉNÉRAL DE LA MÉTHODE COMPTABLE ACTUELLE

 

Prix inscrit au bilan

Taux d'intérêt actuel

VLC actuelle

Abattement

base nette imposable

taux d'intérêt net

Taxe d'activité économique

100

8 %

8

16 %

6,72

6,72 %

Taxe foncière

100

8 %

8

50 %

4

4,00 %

IMPACT DE LA MINORATION PROPOSÉE

 

Prix inscrit au bilan

Taux d'intérêt proposé (– 15 %)

VLC proposée

Abattement

base nette imposable

taux d'intérêt net

Taxe d'activité économique

100

6,80 %

6,80

16 %

5,712

5,71 %

Taxe foncière

100

6,80 %

6,80

50 %

3,4

3,40 %

C.– UN IMPÔT GÉNÉRALISÉ ET PLUS ÉQUITABLE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Depuis les travaux de la commission de réforme de la taxe professionnelle en 2004, la pertinence de la valeur ajoutée (VA) comme assiette de l’impôt économique local n’est plus remise en cause, en dépit d’inconvénients indéniables et de modalités de mise en œuvre complexes.

1.– Côté entreprises : le choix inéluctable de la valeur ajoutée comme assiette de l’impôt économique

a) Un agrégat imparfait mais qui porte un sens économique

Dès 1997, le 15e rapport du Conseil des impôts suggérait de retenir un agrégat comptable de l’entreprise comme assiette de la taxe professionnelle, et recommandait de choisir la VA. Le principal mérite d’adosser l’assiette fiscale à un agrégat de la comptabilité de l’entreprise consiste à paramétrer l’impôt en fonction de l’activité réelle de celle-ci, plutôt qu’en fonction des facteurs de production, par exemple.

Au sein des agrégats comptables, la VA présente l’avantage de se situer à un niveau intermédiaire entre :

– le plus large, le chiffre d’affaires, qui répercute massivement la structure de la production de richesse (coût des facteurs de production, des matières premières, nombre d’intermédiaires, etc.) sans que son volume traduise réellement le résultat de l’entreprise ;

– le plus volatile, le résultat net, qui figure sans doute idéalement les capacités contributives de l’entreprise, mais constituerait une assiette susceptible d’enregistrer des variations de +/– 40 % chaque année.

De ce fait, la valeur ajoutée de l’entreprise est à la fois une image de la production de richesses (la somme des VA formant le PIB), mais aussi une globalisation de la rémunération des facteurs de production (y compris les salaires).

Au niveau microéconomique, il est vrai que les choix de gestion de l’entreprise déterminent le niveau de sa valeur ajoutée. Ainsi, parce que la valeur ajoutée comprend les charges de personnel mais non les consommations en provenance de tiers, la VA d’une entreprise sera d’autant plus importante, toutes choses égales par ailleurs, que son activité sera intégrée. Une entreprise sous-traitant une large part de son activité a une VA plus faible que celle qui confie les mêmes tâches à ces salariés.

Cette caractéristique de la VA ne condamne toutefois pas son utilisation comme assiette fiscale. Elle impose, en revanche, de rechercher une imposition aussi homogène et aussi généralisée que possible. Si le sous-traitant est imposé dans les mêmes conditions que son donneur d’ordres, il devrait, en effet, répercuter la charge fiscale dans ses prix, assurant ainsi l’égalité concurrentielle entre son client recourrant la sous-traitance et une entreprise intégrée, directement imposée sur sa propre valeur ajoutée.

En outre, l’imposition de la valeur ajoutée a le double mérite :

– d’être neutre entre les facteurs de production eux-mêmes ;

– de tenir compte de l’activité de l’entreprise, donc de la conjoncture ;

Cette assiette se rapproche donc d’une évaluation des capacités contributives de l’entreprise.

En outre, la volatilité de la VA est beaucoup plus soutenable pour des budgets locaux que celle du résultat ou de l’excédent brut d’exploitation puisque les variations annuelles ne s’écartent pas d’une fourchette de +/– 5 %.

b) Une assiette large et mieux répartie entre tous les contribuables

Contrairement à une assiette constituée par la valorisation rigide de certains facteurs de production, la VA peut être considérée à la fois comme une assiette mieux partagée entre les entreprises, mais aussi mieux répartie.

● La VA est un agrégat généralisé, fonction de l’activité économique et globalement stable

Comme l’ont expliqué précédemment vos rapporteurs, les multiples aménagements opérés sur l’assiette de la taxe professionnelle depuis sa création ont eu essentiellement pour objet d’élargir le champ de ses redevables, afin d’y réintégrer des formes d’activité qui échappaient à l’imposition en raison des règles d’assiette historiques.

Ce fut notamment le cas de l’instauration d’une assiette spécifique adossée aux recettes des titulaires de BNC. Il convient également d’interpréter en ce sens l’élargissement de la cotisation minimale assise sur la VA, qui, sur le constat que de nombreux redevables étaient manifestement sous-imposés faute de foncier et d’EBM, avait pour but de les taxer sur une assiette plus pertinente.

Ces deux tentatives illustrent bien la limite d’un impôt assis sur des facteurs de production en particulier, qui, par définition, ne peuvent être utilisés également par toutes les entreprises. Or ces deux « assiettes de rattrapage » ont pour base respectivement le chiffre d’affaires et la VA, c'est-à-dire précisément des agrégats comptables pertinents quels que soient la structure et le secteur d’activité de l’entreprise.

De ce point de vue, la valeur ajoutée constitue un équilibre très satisfaisant entre trois objectifs : taxer une assiette très largement partagée par toutes les entreprises, taxer une assiette représentative des capacités contributives de l’entreprise et de l’activité économique, taxer une assiette relativement stable en volume.

● Une assiette moins inégalement partagée entre les secteurs d’activité

Par ailleurs, la VA est un agrégat qui présente le mérite supplémentaire de coïncider plus fidèlement que les actuelles assiettes au résultat des entreprises. Comme le montre le graphique ci-après, le poids de chaque secteur d’activité dans la VA nationale n’est pas si éloigné de leur poids dans les émissions d’IS, que l’on peut rapprocher de leur rentabilité. Vos rapporteurs constatent que deux écarts sont notoires entre les deux courbes :

– les secteurs industriels demeurent davantage représentés dans la VA que dans les émissions d’impôt sur les bénéfices, même si leur représentation est moins forte que dans les émissions de taxe professionnelle ;

– les activités financières et immobilières et les services sont également toujours moins représentés dans la VA que dans les émissions d’IS, mais leur part serait plus forte que dans les émissions de taxe professionnelle actuelle.

POIDS RELATIF DE CHAQUE SECTEUR DANS LA VA NATIONALE
ET DANS LES ÉMISSION D’IS

La valeur ajoutée est beaucoup mieux répartie entre les secteurs que les actuelles assiettes de la taxe professionnelle, sans pour autant constituer un bouleversement complet de la charge fiscale. S’en servir comme assiette de l’impôt économique local permettrait donc de rapprocher chaque secteur d’activité de la charge fiscale spécifique qu’il supporterait si la taxe frappait le résultat, sans aller jusqu’à des transferts de charge excessifs entre eux. Le graphique ci-dessous montre ce phénomène d’adoucissement des distorsions que permettrait le passage à la VA.

2.– Côté collectivités territoriales : comment faire de la valeur ajoutée l’assiette d’un impôt local ?

S’appuyant sur ces constats, vos rapporteurs estiment qu’il est temps aujourd’hui d’entreprendre ce que toutes les études sur la taxe professionnelle ont préconisé depuis 1997, c'est-à-dire asseoir l’impôt économique local sur la valeur ajoutée. Pour autant, ils ne méconnaissent pas que la qualité intrinsèque de l’assiette ne suffit pas à bâtir un véritable impôt local. Pour cela il faut encore pouvoir lier de façon directe le produit levé avec un territoire donné, question qui, dans le cas d’un impôt assis sur la VA, se décline en trois points, qui découlent les uns des autres :

– Comment répartir localement le produit d’une assiette qui est une construction comptable à l’échelle de l’entreprise ?

– Une fois répartie localement, cette assiette ne peut être taxée qu’à un taux unique, ce qui pose la question du pouvoir local sur les taux d’imposition.

– En l’absence de liberté locale sur le taux d’imposition, il apparaît que l’assiette territoriale doit être impérativement découplée de tous les autres impôts.

a) Comment répartir l’assiette VA entre les territoires ?

Par construction, la valeur ajoutée ne peut se décompter qu’à l’échelle de l’entreprise tout entière. L’assiette brute que constituerait la VA ne peut donc être calculée qu’à l’échelle du pays tout entier, pour être ensuite ventilée dans les territoires bénéficiaires du produit fiscal taxé. Dès lors, il convient de s’interroger sur les critères les plus pertinents selon lesquels opérer cette répartition. Des nombreuses simulations réalisées à leur demande par le ministère de l’économie et des finances, vos rapporteurs tirent deux constats majeurs.

Premièrement, la valeur ajoutée est moins concentrée (notamment en Île-de-France) que les facteurs de production eux-mêmes (EBM, foncier, salaires). Ce phénomène peut paraître paradoxal de prime abord car la comptabilisation au niveau des sièges sociaux de la VA des groupes devrait concourir à une concentration plus importante de la VA que des facteurs de production. En réalité, cette répartition indique qu’une masse importante de la richesse nationale est produite par des entreprises comptant soit un seul établissement, soit plusieurs établissements implantés dans une même aire géographique (région ou département, la moindre concentration de la VA se vérifiant aux deux échelons).

Deuxièmement, pour des motifs tenant au moins pour partie à la diversité des taux actuels de taxe professionnelle, la distribution territoriale des assiettes de la taxe s’avère beaucoup plus concentrée que la répartition du produit lui-même. Le tableau suivant illustre ce phénomène de plus grande concentration en Île-de-France des facteurs de production que du produit de la taxe professionnelle.

 

Part dans la TP régionale totale

Part dans la somme des EBM

Part dans la somme des salaires

Part dans la somme des valeurs locatives foncières

Île-de-France

13,49 %

35,72 %

35,75 %

39,00 %

Nord-Pas-de-calais

8,94 %

5,27 %

5,28 %

4,78 %

Par conséquent, vos rapporteurs proposent d’écarter toute répartition fondée sur un critère fiscal ou comptable au bénéfice de critères physiques moins déstabilisants. Ils demandent que soit envisagée une répartition selon les critères des surfaces utilisées ou du nombre de salariés, ou selon une combinaison des deux. À l’évidence, ce choix de critères physiques de répartition déconnectés de la production de VA introduirait des facteurs péréquants qui contrecarreraient la pureté du lien entre l’assiette et les collectivités locales. Toutefois, cette répartition ne concernerait que la valeur ajoutée des entreprises comptant plusieurs établissements, afin, non pas de distribuer un produit fiscal entre des bénéficiaires concurrents, mais de répartir l’assiette entre ses différents territoires d’élection.

b) Comment concilier l’impératif d’un taux national avec le caractère local de l’impôt ?

Le choix de la valeur ajoutée comme assiette de l’impôt économique local pose inévitablement un dilemme. Soit on considère que le produit assis sur la VA est un véritable impôt fondé sur la taxation d’une assiette parfaitement localisée (fut-ce par des critères arbitraires), soit on regarde ce produit comme une dotation qu’il conviendrait de répartir entre les collectivités locales. Dans ce débat, et conformément aux orientations qu’ils ont déjà soumises à la Commission des finances, vos rapporteurs soutiennent que la réforme de la taxe professionnelle doit être compensée par de nouveaux impôts.

Or, si la cotisation sur la valeur ajoutée est un véritable impôt frappant une assiette locale, il convient d’en tirer la conclusion inévitable que le taux de cet impôt ne peut être qu’unique et national. Il ne s’agit pas d’une pétition de principe résultant d’un souci – par ailleurs défendable – de stabilité du taux d’imposition, voire de neutralisation de la compétition fiscale entre les territoires. Au contraire, c’est la conséquence même de la localisation de l’assiette. En effet, toute solution consacrant une marge – même très encadrée – de variation locale du taux de la CVA conduirait à ce qu’une entreprise comptant plusieurs établissements voie sa valeur ajoutée taxée, par fractions territoriales construites arbitrairement, à des taux différents.

Or, un tel schéma ferait retomber la fiscalité locale dans une trop grande artificialité. Que la valeur ajoutée dégagée par une entreprise qui compte plusieurs établissements spécialisés (un centre de recherche, une usine de transformation, un siège social…) puisse être découpée en quantum au prorata de critères extérieurs à la production de valeur en tant que telle (la surface au sol des emprises, par exemple) reste acceptable dès lors que cette ventilation reste neutre sur le produit total acquitté par ladite entreprise.

En revanche, en cas de diversité des taux appliqués à chacune de ces fractions, l’entreprise serait conduite à acquitter un impôt plus ou moins lourd, non pas selon l’endroit où sa VA serait théoriquement produite, mais selon la localisation de son plus grand nombre de mètres carrés ou de ses salariés. Ce qui reviendrait en définitive à taxer non pas la VA mais le nombre d’employés et les surfaces. La mission considère que cette solution reviendrait à reconstruire un impôt sur des facteurs de production encore moins légitimes que les assiettes actuelles.

c) La nécessité d’une assiette autonome et totale à défaut d’un pouvoir sur le taux : l’impôt économique découplé et généralisé

Dès lors que seul un taux unique national peut s’appliquer à la CVA, la mission a estimé que l’absence de pouvoir local sur les taux d’imposition amoindrirait le lien fiscal entre la collectivité et l’entreprise. Il paraît donc indispensable, pour que la CVA conserve le caractère d’un impôt local, que les collectivités bénéficient de la totalité du produit levé sur l’assiette localisée sur leur territoire afin de lier leur sort budgétaire à son développement.

Il semble également nécessaire que cette assiette couvre le champ le plus large possible des entreprises. Cette exigence pourrait se résumer sous la formule : « rien que l’assiette, mais toute l’assiette ». Pour vos rapporteurs, ceci commande d’abandonner le mode actuel de calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle, c'est-à-dire son caractère différentiel et son champ d’application limité aux seules entreprises de plus de 7,6 millions d’euros de chiffre d’affaires.

● La généralisation de la cotisation assise sur la VA

En effet, la CMTP actuelle a pour limite majeure le faible nombre de ses redevables. En ne frappant que les redevables dont le CA est supérieur à 7,6 millions d’euros par an, elle n’est due que par 40 300 entreprises, c'est-à-dire 1,4 % du total des redevables de la taxe professionnelle. Ce champ extrêmement restreint ne sera plus soutenable après suppression de l’assiette EBM pour deux motifs :

– Premièrement, les entreprises hors du champ de la CMTP acquittent 28 % de la taxe professionnelle nette (7,1 milliards d’euros), dont 70 % au titre des EBM (5 milliards d’euros). En l’absence de majoration de la part foncière, la réforme de la taxe professionnelle, si le seuil d’assujettissement à la CMTP était étendu à la CVA, susciterait donc un effet d’aubaine massif pour les entreprises de moins de 7,6 millions d’euros de CA, qui profiteraient pleinement de la suppression de l’assiette EBM. Ceci hypothèquerait grandement les marges de manœuvres budgétaires disponibles pour les entreprises de taille plus importante, qui verraient la suppression de leurs EBM compensée par un assujettissement plus lourd à la CVA.

– Deuxièmement, le produit de la CMTP actuellement perçu par l’État ayant nécessairement vocation, dans tout scénario de réforme, à être attribué à un ou plusieurs échelons de collectivités locales, il n’est pas envisageable d’en exonérer plus de 98 % des entreprises. Cela reviendrait à rompre le lien fiscal avec les collectivités affectataires, dont probablement (compte tenu de la répartition territoriale de l’assiette VA) les régions, pourtant compétentes en matière économique et de soutien aux entreprises.

Au bénéfice de ces deux arguments essentiels, vos rapporteurs considèrent que le champ de la CVA devra être élargi afin de toucher les entreprises de moins de 7,6 millions d’euros de CA, selon le mécanisme proposé ci-après.

● Le découplage de la CVA

Le caractère différentiel de la CMTP n’est plus acceptable dès lors que l’essentiel de l’impôt économique résulte d’une assiette taxée sans pouvoir sur les taux. En effet, la cotisation due au titre de la valeur ajoutée est minorée de la somme des cotisations acquittées par l’entreprise au titre des autres assiettes de la taxe (dont ne survivrait que le foncier).

En outre, un tel mécanisme ne saurait être maintenu pour deux autres motifs :

– Premièrement, il conduit à ce que soient exonérés de CVA tous les redevables dont la taxe professionnelle dépasse déjà 1,5 % de leur VA au titre de leur seule base foncière. Ainsi, sur 40 300 redevables soumis en principe à la CMTP en 2007, 15 500 seulement acquittaient une cotisation. Certes, la suppression de l’imposition des EBM élargirait mécaniquement le nombre de ces redevables, mais l’imposition à la VA resterait nulle pour toutes les entreprises dont la seule imposition foncière dépasserait 1,5 % de leur VA. Il s’agirait, selon les simulations réalisées par le ministère de l’économie, de plus de 165 000 entreprises.

Le maintien du caractère différentiel de la CVA produirait donc le même effet que le seuil d’assujettissement : il romprait le lien fiscal entre les collectivités territoriales et de nombreuses entreprises, en particulier celles les plus intéressées à l’action économique des collectivités.

– Deuxièmement, le caractère différentiel de la CMTP fait que son produit dépend de l’impôt acquitté en premier rang (ici l’assiette foncière de la taxe professionnelle). Il serait donc juridiquement hasardeux et contraire à l’autonomie financière des collectivités locales de bâtir un nouveau système fiscal local dans lequel un ou deux échelons de collectivités locales verraient une part essentielle de leurs recettes dépendre des décisions votées par un troisième échelon.

Cet argument, majeur aux yeux de vos rapporteurs, a été relevé avec force par toutes les associations d’élus locaux entendues par la mission. En outre, bien que ceci n’ait pas fait l’objet de projections poussées, cette « cannibalisation » du produit de la CVA par celui de la taxe d’activité économique, dans des proportions variant selon le taux de cette dernière, poserait inévitablement la question de l’implantation géographique de la VA. En effet, si celle-ci devait être répartie selon un critère foncier (surface utilisée, par exemple), une masse importante de valeur ajoutée serait « distribuée » dans des zones où la taxation du foncier assécherait davantage la CVA que si la valeur ajoutée devait être répartie selon d’autres critères.

En outre, si la localisation territoriale de la valeur ajoutée des entreprises comptant des établissements dans plusieurs collectivités affectataires du produit de la CVA présentera nécessairement un caractère conventionnel puisqu’il devra être fait appel à un critère physique de répartition de la valeur ajoutée, cette répartition entre établissements sera déterminée par les données comptables pour les établissements constituant des personnes juridiques distinctes, y compris à l’intérieur de groupes.

Conséquemment, la valeur ajoutée des groupes sera, dans une certaine mesure, mobile entre les établissements compte tenu des facturations intra-groupe, sauf à contrôler celles-ci par un mécanisme du type de celui des prix de transfert qui serait complexe. Cette mobilité relative de la valeur ajoutée favoriserait l’optimisation dans l’hypothèse de taux locaux substantiellement différents. On notera incidemment qu’elle commande également de tendre, autant que faire se peut, vers un niveau de prélèvement aussi homogène que possible notamment au regard du chiffre d’affaires.

Au total, vos rapporteurs considèrent que l’impôt économique local ne peut prendre la forme que d’une CVA autonome, découplée des autres impôts acquittés par l’entreprise, frappant une assiette territorialisée à un taux unique national. Conscients des enjeux d’une telle proposition pour les entreprises, ils proposent de paramétrer cette nouvelle imposition afin d’en limiter les effets pervers, et d’assortir le nouveau système fiscal local de plusieurs garanties de modération de la charge fiscale pour les acteurs économiques.

3.– Le taux de la contribution sur la valeur ajoutée

Le niveau auquel sera fixé le taux de la contribution sur la valeur ajoutée constitue d’évidence l’un des paramètres centraux de la réforme. Vos rapporteurs estiment souhaitable que ce taux soit unique. Au contraire, des taux différents selon le chiffre d’affaires ne présenteraient aucun avantage mais permettraient l’optimisation fiscale.

Il est, par ailleurs, évidemment nécessaire que le niveau de ce taux dégage un produit budgétaire significatif.

Or, compte tenu du faible niveau auquel sont aujourd’hui imposées de très nombreuses entreprises au regard de leur valeur ajoutée, il est impossible de concilier ces deux objectifs sans accroître fortement l’imposition de plusieurs centaines de milliers d’entreprises. L’instauration d’une CVA au taux unique de 1,19 %, dont les conséquences ont été simulées par le Gouvernement à la demande des associations d’élus, aboutirait ainsi à ce que 550 000 entreprises (soit 19 % des entreprises) soient perdantes nettes à la réforme, malgré une perte totale de produit fiscal local de 6,2 milliards d'euros.

Si vos rapporteurs estiment inéluctable que la réforme produise des perdants et légitime que la contribution de certaines des entreprises actuellement les moins imposées augmente, il leur semble difficile d’augmenter significativement l’imposition d’un aussi grand nombre d’entreprises à l’occasion d’une réforme constituant globalement un allégement fiscal et attendue comme telle.

Il est conséquemment nécessaire de renoncer à l’instauration immédiate d’un taux unique de contribution à la valeur ajoutée et il convient, au contraire, de rechercher des modalités d’assujettissement à la CVA faisant en sorte que celle-ci dégage un rendement budgétaire suffisant sans produire un nombre de perdants excessifs.

Deux caractéristiques de notre tissu économique invitent à rechercher la combinaison de ces objectifs en modulant le taux de la CVA en fonction du chiffre d’affaires des entreprises :

– la concentration de la valeur ajoutée dans les entreprises de chiffre d’affaires élevé (65 % de la valeur ajoutée sont produits par les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 7,6 millions d'euros),

– le nombre limité d’entreprises dont le CA est élevé (8 % des entreprises ont un chiffre d’affaires supérieur au million d’euros).

En conséquence, la mission a demandé au ministère de l’économie la simulation des effets d’un barème d’assujettissement à la CVA reposant sur les règles suivantes :

– taux progressant linéairement de 0 % à 1,5 % entre 152 500 euros à 2 millions d’euros de chiffre d’affaires,

– taux de 1,5 % à partir de 2 millions d'euros de chiffre d’affaires,

– réduction forfaitaire de cotisation de 1 500 euros pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 5 millions d'euros.

Le niveau précis de ces différents paramètres pourra naturellement être affiné et vos rapporteurs estiment nécessaire que l’analyse soit prolongée sur ce point. Deux principes doivent, en revanche, être préservés :

– l’objectif d’un taux unique de CVA à terme doit être affirmé,

– le chiffre d’affaires en deçà duquel un taux substantiellement inférieur au taux plein s’appliquerait doit être aussi faible que possible afin de limiter les risques d’optimisation (celle-ci nécessitant, si le seuil de chiffre d’affaires est suffisamment faible, une multiplication de structures juridiques si importante qu’elle en devient dissuasive).

D.– L’IMPACT DE LA RÉFORME POUR LES ENTREPRISES

1.– Un impôt économique local modernisé

a) Une imposition économique locale principalement assise sur la valeur ajoutée

L’imposition économique locale proposée par la mission pour remplacer la taxe professionnelle repose sur deux impôts de poids inégal : la taxe d’activité économique (5,8 milliards d'euros) et la contribution sur la valeur ajoutée (12,6 milliards d'euros).

La contribution sur la valeur ajoutée représenterait donc près de 70 % de l’impôt économique local. Deux garanties importantes en découlent pour les entreprises.

Premièrement, à la différence de la taxe professionnelle, l’imposition économique locale serait désormais pour l’essentiel directement assise sur un agrégat tenant compte du niveau d’activité de l’entreprise et de la conjoncture. Une entreprise en difficulté bénéficiera donc d’un allégement mécanique de la charge de l’impôt.

Deuxièmement, la mission recommande la fixation d’un taux national pour la contribution sur la valeur ajoutée. La dérive des taux locaux d’imposition constatée en matière de taxe professionnelle ne sera donc, par construction, plus possible pour l’essentiel de l’imposition économique locale.

b) La liaison des taux des impôts frappant les ménages et les entreprises d’un même territoire

La mise en œuvre des propositions de la mission conduirait à la mise en place d’une taxe d’activité économique, pendant, pour les entreprises, de la taxe d’habitation et assise, comme celle-ci, sur la disposition d’immeubles.

Il n’y aurait donc pas de légitimité à ce que le taux de cet impôt évolue d’une manière différente de celui de la taxe d’habitation et la mission propose donc une stricte liaison des taux de ces deux impôts.

En complément du taux national de la contribution sur la valeur ajoutée, les entreprises seront donc également protégées par cette liaison des taux, s’agissant de l’évolution de la charge de la taxe d’activité économique, impôt dont il faut, par ailleurs, rappeler qu’il ne représenterait qu’environ 30 % de la nouvelle imposition économique locale et moins du quart du poids actuel de la taxe professionnelle.

c) Un impôt qui doit demeurer plafonné par l’État

Pour les raisons précédemment indiquées, la mission estime nécessaire de maintenir un mécanisme de plafonnement à la valeur ajoutée.

Il est donc proposé la création d’un mécanisme à trois acteurs sur trois impôts. Premièrement, la relation collectivités territoriales/entreprises n’est affectée par aucune intervention et les impôts locaux économiques s’appliquent pleinement. Deuxièmement, l’État joue un rôle d’amortisseur économique, en finançant la surcharge fiscale pesant sur les entreprises au-delà de 3,5 % de leur VA. Il opère cette prise en charge par le biais de l’impôt d’État sur les bénéfices (IS ou IR). Troisièmement, afin de ne pas retomber dans les errements du PVA antérieur à 2005, la mission propose de faire jouer ce mécanisme à taux d’impôt local gelé.

Afin de mieux tenir compte des réalités économiques et notamment de mettre un terme aux pratiques d’optimisation constatées (localisation de l’assiette taxable dans des filiales dont la valeur ajoutée est très faible), et par cohérence avec l’adossement à l’impôt sur les bénéfices de ce mécanisme de garantie, ce plafonnement serait apprécié, le cas échéant, au niveau des groupes.

Cette garantie protégera donc les entreprises dont l’assiette immobilisée pèse lourd relativement à la VA. Elle allège l’impôt dû par les entreprises dans deux circonstances distinctes :

– d’un point de vue statique, dès l’entrée en vigueur de la réforme, lorsque l’entreprise dispose d’assiettes foncières lourdes (elle bénéficiait d’ailleurs auparavant du PVA). En ce cas elle conserve un plafonnement de la nouvelle imposition locale des entreprises à 3,5 % de la VA ;

– d’un point de vue dynamique, au fil de l’eau, lorsque la VA de l’entreprise chute de façon importante, accroissant le poids relatif de ses assiettes foncières. En ce cas elle bénéficie (en plus de l’ajustement de la CVA sur une assiette déprimée) d’un ajustement à 3,5 % de sa VA de ses impôts locaux, afin de tenir compte de la diminution de ses capacités contributives.

2.– Un impôt fortement allégé et mieux réparti entre les entreprises

a) Un allègement de plus de 7 milliards d'euros de la fiscalité locale économique

À la demande de la mission, le ministère de l’économie a simulé l’impact pour les entreprises de ses propositions. Le tableau ci-après compare, pour une situation de référence qui est celle de 2007, la taxe professionnelle actuelle et l’imposition résultant de la combinaison de la taxe d’activité économique (TAE) et de la contribution à la valeur ajoutée (CVA) proposées par la mission.

TP acquittée

Coût brut

Montant du dégrèvement PVA

Montant de la cotisation minimale ou de la CVA

TP nette (y compris cotisation minimale)

Référence

Nouveau

 

Référence

Nouveau

Référence

Nouveau

Référence

Nouveau

30,7

5,8

24,9

8,5

0,4

2,6

12,6

24,8

18,1

Comme on le constate, les cotisations cumulées de TAE et de CVA sont inférieures de 6,7 milliards d’euros à la cotisation de TP de référence.

Par ailleurs, les entreprises industrielles bénéficieront d’un allégement de leur taxe foncière, résultant de la minoration forfaitaire de la valeur locative des établissements évalués par la méthode comptable. Cette mesure représente un gain supplémentaire de 375 millions d’euros.

Au total, la fiscalité locale économique pesant sur les entreprises sera donc allégée de près de 7,1 milliards d'euros.

b) Une correction des inégalités criantes des contributions

Le tableau ci-après présente, par secteur d’activité, la simulation des propositions, à l’exception de l’effet induit par l’allégement proposé en matière de taxe foncière. Les gains résultant de la proposition de la mission pour les secteurs comprenant des établissements industriels sont donc minorés par rapport aux chiffres figurant ci-après.

NES

1-gagnant

2-stable

3-perdant

Nombre
millier

Variation de la cotisation totale en %

gain (M€)

Nombre millier

gain (M€)

Nombre millier

perte (M€)

Nombre millier

A.– agriculture, sylviculture, pêche

– 37,5

15,5

0,0

17,5

9,2

1,4

34 401

– 31 %

B.– industries agricoles et alimentaires

– 361,1

32,5

0,0

17,9

13,0

1,0

51 448

– 35 %

C.– industrie des biens de consommation

– 223,1

21,7

0,0

22,0

47,2

3,2

46 922

– 19 %

D.– industrie automobile

– 198,2

1,2

0,0

0,3

12,7

0,3

1 754

– 31 %

E.– industrie des biens d'équipement

– 269,8

21,2

0,0

9,7

64,8

4,6

35 417

– 18 %

F.– industries des biens intermédiaires

– 995,3

32,9

0,0

12,1

58,9

4,7

49 689

– 35 %

G.– énergie

– 610,6

1,4

0,0

1,1

8,0

0,2

2 664

– 39 %

H.– construction

– 472,0

128,6

0,0

150,3

85,6

12,6

291 485

– 32 %

J.– commerce

– 829,9

253,8

0,0

149,7

295,1

37,6

441 150

– 15 %

K.– transports

– 655,8

31,0

0,0

34,9

87,1

4,6

70 571

– 30 %

L.– activités financières

– 96,0

9,0

0,0

16,0

159,7

3,4

28 363

4 %

M.– activités immobilières

– 79,1

35,4

0,0

105,8

81,9

8,9

150 091

1 %

N.– services aux entreprises

– 1 657,1

169,5

0,0

142,4

423,3

26,9

338 849

– 26 %

P.– services aux particuliers

– 346,1

139,1

0,0

123,6

61,6

5,1

267 837

– 28 %

Q.– éducation, santé, action sociale

– 545,5

280,1

0,0

32,6

47,4

3,8

316 541

– 56 %

R.– administration

– 52,3

33,6

0,0

16,9

7,7

0,6

51 045

– 38 %

Z.– AUTRES

– 788,9

140,2

0,0

569,2

19,2

1,1

710 406

– 60 %

Total

– 8 218,3

1 346,8

0,0

1 422,1

1 482,5

119,8

2 888 633

– 27 %

Comme on le constate, 1 350 000 entreprises (soit près de 47 % des entreprises) seraient gagnantes à la réforme et environ 120 000 entreprises (soit 4 % des entreprises) perdantes nettes.

Ces perdants nets sont, pour l’immense majorité d’entre eux, des contribuables aujourd’hui faiblement imposés. Selon les données transmises à la mission par le ministère de l’économie et relatives à l’évolution des taux d’effort (cotisation nette rapportée à la valeur ajoutée) avant et après la réforme, et mis à part les 26 500 perdants dont le taux d’effort serait peu modifié (maintien dans la même tranche de la ventilation du taux d’effort par quart de point, donc modification maximale de 0,25 % de la VA) :

– 43 % des perdants nets à la réforme seraient des contribuables dont la cotisation de référence est inférieure à 0,5 % de la VA,

– 57 % seraient des contribuables dont la cotisation de référence est inférieure à 0,75 % de la VA,

– 70 % seraient des contribuables dont la cotisation de référence est inférieure à 1 % de la VA.

En sens inverse, seulement 1 % environ des perdants nets (1 008 entreprises) seraient des contribuables qui paient actuellement plus que la moyenne.

De même, le nombre de contribuables fortement imposés par rapport à leur valeur ajoutée (plus de 2,5 %) passerait d’environ 700 000 à 215 000.

La réforme opérerait donc un rééquilibrage de la charge de la fiscalité locale économique.

E.– LE BOUCLAGE BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME POUR L’ÉTAT

La perte de recettes pour les collectivités locales résultant de la réforme devant être compensée par l’État (les modalités de cette compensation étant présentées ci-après), le coût de celle-ci pour l’État correspond à l’allégement de la fiscalité locale pour les entreprises.

Comme cela a été indiqué, cet allégement serait, selon les paramètres retenus par la mission, de 7,1 milliards d'euros, hors effet des taxes sectorielles prélevées sur les entreprises des secteurs de l’énergie, des télécommunications et des transports. Après celles-ci, le coût net de la réforme s’établirait donc pour l’État à environ 5,9 milliards d'euros.

Compte tenu de l’état des finances publiques, une telle dégradation du solde budgétaire ne peut être acceptée. La nécessité de soutenir la consommation et l’équité interdisent de majorer le poids des prélèvements obligatoires supportés par les ménages pour financer cette réforme. Le bouclage budgétaire de la réforme doit donc être assuré par le maintien à un niveau constant des prélèvements obligatoires à la charge des entreprises.

Ce bouclage pourrait être assuré par le produit de nouveaux prélèvements obligatoires innovants sur lesquels la réflexion est en cours, comme la contribution climat énergie. Cependant, l’instauration de nouveaux prélèvements soulève des difficultés techniques importantes, et il n’est pas exclu qu’ils ne permettent pas d’assurer le bouclage budgétaire de la réforme, en tout cas à brève échéance.

À titre transitoire, l’utilisation de prélèvements obligatoires existants à la charge des entreprises doit donc être étudiée, en privilégiant ceux dont la distribution de la charge est le plus compatible avec l’objectif d’allégement du poids de la fiscalité sur les entreprises industrielles les plus exposées à la concurrence internationale.

De ce point de vue, l’impôt sur les sociétés apparaît comme un bon instrument. La répartition sectorielle de sa charge est, en effet, compatible avec le bouclage budgétaire de la réforme selon des modalités assurant une redistribution de la charge fiscale au profit de l’industrie. L’industrie n’a, en effet, acquitté qu’environ 12 % de l’impôt des sociétés au cours de la période 2005-2008.

La mission souhaite donc que soit étudiée une mesure générale de majoration de l’impôt sur les sociétés. Des mesures d’assiette plus ciblées sont également envisageables.

1.– Une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés

Le bouclage budgétaire de la réforme pourrait être assuré, en tout ou partie, par l’instauration d’une contribution additionnelle à l’IS, inspirée des mécanismes appliqués entre 1995 et 2006 (« surtaxe Juppé ») et entre 1997 et 1999.

a) La contribution additionnelle applicable de 1995 à 2006

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a introduit une contribution additionnelle de 10 % à l’impôt sur les sociétés pour « financer les mesures en faveur de l’emploi tout en contribuant à l’équilibre des finances publiques ». Le rendement attendu était de 12 milliards de francs. Il était prévu que cette contribution à caractère temporaire soit rapportée « lorsque la réduction des dépenses et la reprise de l’emploi donneront l’assurance que le déficit public au sens du Traité sur l’Union européenne sera inférieur à 3 % du PIB ».

Pour les sociétés imposées sous le régime du bénéfice consolidé ou du bénéfice mondial, la contribution était assise sur le montant de l’IS qui aurait été dû en l’absence d’application de ces régimes.

Cette contribution additionnelle a été réduite par la loi de finances pour 2001 pour « ramener le taux de l’IS en France à un niveau comparable à celui existant chez nos principaux partenaires économiques » en deux étapes : baisse à 6 % de la majoration pour les exercices clos en 2001 et à 3 % pour les exercices clos en 2002.

La loi de finances pour 2005 a supprimé cette contribution pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2006 et réduit transitoirement son taux à 1,5 % pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2005.

b) La contribution additionnelle applicable de 1997 à 1999

Afin de contenir le déficit dans la perspective du passage à l’euro, la loi du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier a institué une contribution temporaire égale à 15 % de l’IS pour les exercices clos en 1997 et en 1998 et à 10 % pour les exercices clos en 1999.

Les entreprises dont le chiffre d’affaires était inférieur à 50 millions de francs étaient exonérées. Le produit attendu était de 14,4 milliards de francs.

2.– Des mesures de rendement relatives à l’assiette de l’IS

Alternativement ou parallèlement à une mesure générale de majoration de l’impôt des sociétés, des mesures d’assiette peuvent être envisagées.

De telles mesures avaient d’ailleurs été adoptées pour financer la diminution ou la suppression des contributions additionnelles à l’IS précédemment évoquées.

En 2001, il avait ainsi été procédé à un durcissement du régime fiscal des sociétés mères et filiales, à une diminution du taux de l’avoir fiscal pour les personnes morales, et à une diminution des coefficients d’amortissement dégressif. De même, en 2005, il avait été décidé un plafonnement du montant de la dotation pour provision pour hausse de prix.

II.– UNE RÉFORME INÉDITE POUR UN SYSTÈME FISCAL LOCAL PLUS SIMPLE ET PLUS RESPONSABILISANT

La suppression de l’assiette EBM, et plus globalement la réforme de la taxe professionnelle commande une réforme ambitieuse de l’ensemble du système fiscal local, car elle assèche en pratique les recettes fiscales directes de l’ensemble des collectivités locales, et plus particulièrement du bloc communal et intercommunal.

Cette réforme globale doit permettre d’améliorer la lisibilité de la fiscalité locale et l’adéquation des recettes aux structures de dépenses propres à chaque échelon. Cet exercice est cependant fortement contraint par les principes qui encadrent la réforme : la garantie qu’aucune collectivité ne perdra de recettes, la garantie du respect de leur autonomie financière, et la garantie de maintien des grandes lignes de partage de l’effort fiscal local entre les deux catégories de contribuables : les ménages et les entreprises.

A.– LA SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE BOULEVERSE LE SYSTÈME FISCAL LOCAL

A minima, la suppression de l’assiette EBM de la taxe professionnelle, nette des dégrèvements, constituerait une perte de recettes d’une vingtaine de milliards d’euros, très inégalement répartie entre les échelons. Compte tenu du projet de reconstitution d’un impôt dont le produit attendu approcherait les 18,5 milliards d’euros, la mission propose de se livrer à un véritable exercice de redistribution des ressources.

1.– Avant et après la taxe professionnelle : le tableau d’ensemble des ressources locales

La réforme de la taxe professionnelle condamne la structure de 35,3 milliards d’euros de recettes dont bénéficient tous les échelons de collectivités locales, ainsi que l’État et les CCI.

TAXE PROFESSIONNELLE, SITUATION DE RÉFÉRENCE (2007)

(en millions d’euros)

Produits perçus

Contributions

Entreprises

0

État (dégrèvements)

10 477

État (dont FAR, CMTP et CNP)

5 929

Entreprises EBM

17 610

CCI

1 420

Entreprises foncier

3 997

Régions

2 926

Entreprises recettes

655

Départements

8 429

Entreprises VA (CMTP)

2 585

Communes et groupements

16 620

   

TOTAL

35 324

TOTAL

35 324

a) Les ressources fiscales directes sont globalement diminuées

La réforme de la taxe professionnelle proposée précédemment par vos rapporteurs suscite trois effets directs distincts du point de vue des recettes budgétaires :

– la disparition des produits de l’assiette EBM, de l’assiette recettes et des dégrèvements : perte de recettes de 26 600 millions d’euros ;

– la baisse du produit de la taxe professionnelle assise sur le foncier (devenue la TAE) résultant de la minoration des VLF industrielles : perte de recettes 400 millions d’euros ;

– la construction d’une CVA autonome en remplacement de la CMTP : recette supplémentaire de 10 206 millions d’euros.

L’effet cumulé de ces trois ensembles représente une minoration nette de 16 794 millions d’euros, faisant passer la recette totale à 18 500 millions d’euros. L’État est, bien sûr, la première collectivité impactée par cette baisse, puisqu’il perdrait mécaniquement la totalité des produits qu’il perçoit actuellement au titre de la taxe professionnelle.

(en millions d'euros)

Produits perçus TP

Contributions TP

État (dont FAR et CNP)

0

État (dégrèvements)

0

CCI

275

Entreprises EBM et recettes

0

CVA

12791

Entreprises foncier

5 700

TP - VLF Régions

567

Entreprises VA

12 791

TP-VLF Départements

1 634

   

TP-VLF Communes et groupements

3 223

   

TOTAL

18 491

TOTAL

18 491

À ces effets propres à la taxe professionnelle doit être ajouté l’impact sur la taxe foncière de la minoration des VLF industrielles, soit moins 375 millions d’euros.

Ces multiples baisses de recettes doivent être rapprochées des besoins budgétaires qu’elles visaient à couvrir. Les ressources tirées de la fiscalité directe locale (8), y compris TH et taxe foncière, et le besoin de financement des collectivités locales s’établissent de la manière suivante :

(en millions d'euros)

 

TH

TFB

TFNB

TP nette de PVA

TOTAL

Communes et EPCI

10 357

12 733

792

16 620

40 502

Départements

5 021

6 040

51

8 429

19 541

Régions

0

1 765

14

2 926

4 705

État (FAR)

1 428

1 691

81

ns

5 510 (1)

(1) Ce montant intègre le montant des FAR perçus actuellement par l’État au titre de la taxe professionnelle, afin de donner une image fidèle des besoins couverts par le produit fiscal. Cependant, il faut noter, d’une part, que ce montant n’a pas vocation à être retrouvé à l’issue de la réforme, la taxe professionnelle ayant elle-même disparue, d’autre part qu’il convient de le placer dans une balance spécifique de l’État où les contributions à la taxe professionnelle (les dégrèvements) sont compensées par les produits qu’il en perçoit.

Ces recettes actuellement perçues (70 258 millions d’euros) sont à comparer aux nouvelles recettes attendues en fonction des propositions de la mission (58 089 millions d’euros) :

(en millions d'euros)

Collectivités

Impôts

Communes et EPCI

40 502

TH

16 806

départements

19 541

TFPB

21 854

régions

4 705

TFPNB

938

État (FAR)

5 510

TP-VLF

5 700

   

CVA

12791

TOTAL

70 258

 

58 089

La réforme proposée entraîne donc mécaniquement un besoin de financement de 12 milliards d'euros, qui représente le moindre rendement de la fiscalité directe locale.

b) L’inégalité des échelons face à la réforme plaide en faveur d’une nouvelle spécialisation fiscale

Du constat de ce moindre rendement, vos rapporteurs tirent la conclusion inévitable que de nouveaux transferts de recettes nationales sont indispensables en direction des collectivités territoriales. Toutefois, ils considèrent qu’une démarche consistant à combler le déficit de chaque collectivité, voire de chaque échelon de collectivités, occasionné par la réforme, au moyen de recettes de substitution n’est pas envisageable compte tenu de l’impact très hétérogène de la réforme de la taxe professionnelle.

En effet, hors la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés non bâties qui ne sont pas affectées par la réforme de la taxe professionnelle, l’impact de celle-ci par échelon est le suivant, avant répartition de la CVA :

(en millions d'euros)

 

Avant réforme

 

Après réforme

 

TFB

TP nette de PVA

TOTAL

ÉCART

TOTAL

TAE

TFB

Communes et EPCI

12 733

16 620

40 502

– 24 789

15 713

3 223

12 490

Départements

6 040

8 429

19 541

– 11 969

7 572

1 634

5 938

Régions

1 765

2 926

4 705

– 2 403

2 302

567

1 735

Le bloc communal et intercommunal concentre à lui seul la moitié de la perte de recettes générée par la réforme, avant répartition de la CVA, laquelle ne couvrirait que la moitié du besoin de financement de ce bloc.

Pour la mission, il n’est pas souhaitable de remplacer, dans les budgets locaux, la part EBM de la taxe professionnelle par un panier de recettes composé de CVA, de fractions d’impôts nationaux et de dotations. Au contraire, cette réforme doit être l’occasion de revisiter en profondeur le financement des collectivités territoriales, en s’appuyant sur une fiscalité rénovée, plus lisible pour le contribuable et pour le citoyen.

2.– Les principes directeurs du nouveau système fiscal local

Conformément aux principes de réforme de la fiscalité locale qu’ils ont présentés en 2008, vos rapporteurs proposent de décliner la réforme de la taxe professionnelle selon les trois axes suivants.

a) Un bloc communal et intercommunal en prise directe avec les contribuables : la spécialisation des assiettes les mieux localisées

La mission considère qu’il est délicat de traiter distinctement les communes et les EPCI, tout en respectant une autonomie financière qui serait propre à ces deux échelons, alors que, juridiquement, ils n’en forment qu’un. Au contraire, il est nécessaire d’assurer au niveau national tant la couverture du besoin de financement du « bloc communal », que l’autonomie financière de cet échelon, dans le respect de la Constitution. Vos rapporteurs proposent ci-après plusieurs pistes de financement spécifique des EPCI.

Sur l’ensemble du « bloc communal », les recettes de fiscalité directe s’élèvent à 40 502 millions d’euros. La mission propose que ce besoin soit couvert par des impôts aux assiettes particulièrement bien localisées et dont l’évaluation s’avère relativement stable. Dans cette perspective, elle a écarté l’attribution au bloc communal d’une fraction de la CVA, en estimant notamment que la VA, qui ne peut être qu’une assiette nationale, serait profondément dénaturée à l’issue d’une répartition artificielle sur l’ensemble des unités du tissu communal français. Enfin, le volume et la structure des dépenses des communes et EPCI, composées majoritairement de charges de fonctionnement rigides, plaident pour l’attribution de ressources fiscales modérément dynamiques en tendance longue, mais très peu volatiles.

(en millions d'euros)

 

1996

2000

2005

Dépenses totales des communes

67 356

74 663

84 366

dont dépenses de fonctionnement

46 670

49 288

54 927

soit

69 %

66 %

65 %

Par comparaison : ratio toutes collectivités

65 %

64 %

66 %

De même, la mission considère que le bloc communal et intercommunal, échelon de proximité, doit conserver une relation politique et fiscale avec ses deux catégories de contribuables (ménages et entreprises), incarnée par le vote de taux.

Au total, il est donc proposé que le bloc communal bénéficie de l’essentiel des impôts assis sur des immobilisations foncières, qu’ils frappent les ménages ou les entreprises. Plus généralement, vos rapporteurs proposent que soient affectés à ce bloc les impôts les mieux localisés, touchant à l’emprise sur le territoire.

b) Des ressources départementales mixtes et protectrices pour faire face à des dépenses à la fois hétérogènes et rigides

S’agissant de l’échelon départemental, la mission propose un financement mixte, aussi diversifié que possible. En effet, la nature des compétences exercées par les départements, ainsi que l’évolution prévisible de leurs dépenses, conduisent à privilégier : un double lien tant avec les ménages qu’avec les entreprises, une capacité encadrée à voter des taux de fiscalité locale, et surtout un « panier fiscal » comprenant un compartiment dynamique et un compartiment stable.

En effet, les dépenses départementales en comptabilité nationale se caractérisent par la prépondérance des dépenses de transferts, dont l’évolution relève d’une dynamique au moins partiellement exogène (en particulier pour le RSA ou l’APA).

(millions d'euros)

 

1996

2000

2005

Dépenses totales des départements

34 794

36 121

54 305

dont dépenses de fonctionnement

22 653

23 636

39 291

dont dépenses de transferts

29 %

56 %

68 %

Évolution par rapport à l’ensemble des APUL

+ 2 %

+ 23 %

+ 27 %

Vos rapporteurs estiment qu’en conséquence, il est capital que les départements conservent des sources de financement diversifiées formant un panier équilibré entre garantie de ressources stables (par exemple : dotations budgétaires, fiscalité directe foncière), recettes potentiellement très dynamiques mais cycliques (par exemple : DMTO) et recettes dont le dynamisme est modéré mais incontestable en tendance moyenne et longue (par exemple : TSCA, CVA).

La mission a retenu de ses auditions que les transferts de fiscalité indirecte frappant des assiettes ayant vocation à diminuer ou disparaître, en particulier la TIPP, ne constituent pas un mode de financement satisfaisant des budgets départementaux.

Enfin, devant la revendication portée par les présidents de conseils généraux d’obtenir le transfert d’une fraction de la CSG, la mission propose une attitude pragmatique :

– Premièrement, elle a constaté que cet impôt serait sans doute transférable dans des conditions techniques analogues à une dotation, à la manière de la TSCA, et que la compensation aux organismes de la sécurité sociale serait également possible. En effet, s’il fallait en faire un impôt local à proprement parler, il s’agirait d’une recette localisée dangereuse, du point de vue de son rendement. L’adéquation charges/recettes ne suppose pas seulement qu’une collectivité compétente en matière sociale doive imposer principalement les ménages et les revenus. Il convient également que le dynamisme de la recette coïncide, autant que possible, avec celui des dépenses. Or, il semblerait fortement inégalitaire et procyclique d’assurer le financement des départements par une recette autant corrélée à leur structure démographique et économique. Ainsi, les départements à forte proportion de population vieillissante ou exclue du marché du travail subiraient à la fois de lourdes dépenses d’APA ou de RSA et une recette très faible de CSG sur les revenus d’activité… Le transfert de la CSG ne peut donc s’entendre que du transfert d’une fraction bloquée de son produit, évoluant au prorata de l’assiette globale.

– Deuxièmement, la mission a constaté qu’il est difficile d’apprécier le dynamisme de la CSG, compte tenu des modifications récurrentes apportées au périmètre de son assiette. Vos rapporteurs relèvent cependant qu’en dépit de ces élargissements, le produit n’évolue en moyenne que de 1,8 % par an en volume depuis 2002. Il convient de rapprocher ce dynamisme de celui du PIB (VA) sur la même période (+1,7 % par an), voire de celui de la valeur locative des immeubles hors coefficients de revalorisation (+2,17 % par an). Pour la mission, rien ne laisse donc présager que le transfert d’une fraction d’une telle assiette se révélerait particulièrement avantageux pour les départements.

Compte tenu de ces éléments, la mission ne propose pas d’intégrer dès à présent le transfert d’une fraction du produit national de CSG au panier de recettes visant à maintenir les ressources départementales, sans pour autant condamner une telle solution.

c) Un financement régional par un impôt économique stable et dynamique

La mission propose, enfin, que les régions soient financées intégralement au moyen d’un impôt économique : la CVA. Leurs compétences principales semblent en adéquation avec cette recette, de même que leur structure budgétaire davantage orientée vers l’investissement (direct ou par fonds de concours ou subventionnement) :

(en millions d'euros)

 

1996

2000

2005

Dépenses totales des régions

11 250

12 281

19 524

dont dépenses d’investissement

6 661

6 520

9 077

soit

59 %

53 %

46 %

Par comparaison : ratio toutes collectivités

35 %

36 %

34 %

Vos rapporteurs considèrent, sous le bénéfice d’une réforme de la péréquation, que l’échelon régional serait le plus à même de supporter la volatilité inévitable – quoique modérée – de la CVA. Plus encore, le financement presque exclusif de la collectivité par un impôt contracyclique favorisera le dialogue entre les conseils régionaux et les entreprises, puisque les régions amortiront directement par leurs recettes fiscales les difficultés économiques que pourraient rencontrer les entreprises implantées sur leur territoire. À l’inverse, elles bénéficieraient de façon très immédiate des fruits de la croissance économique qu’elles auront concouru à favoriser.

B.– UNE RÉFORME ASSORTIE D’UNE GARANTIE DE RESSOURCES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Par comparaison au financement actuel assuré en partie par la taxe professionnelle, la fiscalité directe locale proposée par la mission devrait susciter un besoin de financement complémentaire de 12 169 millions d'euros. Or, ainsi que le Président de la République et le Gouvernement l’ont rappelé à de nombreuses reprises, les effets de la réforme de la taxe professionnelle seront compensés à l’euro près pour les collectivités territoriales.

Cette contradiction en apparence pose trois problèmes : comment compléter la fiscalité directe locale par des recettes complémentaires ? Comment assurer individuellement la garantie de ressources ? Comment décliner cette garantie dans le cas des groupements de communes, aujourd’hui construits essentiellement autour de la taxe professionnelle unique ?

1.– Au niveau d’ensemble : le complément du produit des impôts locaux par le transfert de ressources complémentaires

Le besoin de financement lié à la réforme de la taxe professionnelle est lui-même réduit par une mesure corollaire : la construction de taxes sectorielles sur les secteurs de l’énergie, des transports et des télécommunications pour environ 1,2 milliard d'euros.

(en millions d'euros)

Collectivités

Impôts

Communes+EPCI

40 502

TH

16 806

départements

19 541

TFPB

21 854

régions

4 705

TFPNB

938

État (FAR)

5 510

TP-VLF

5 700

   

CVA

12 791

TOTAL 1

70 258

TOTAL 1

58 089

       
   

Taxes sectorielles

1 200

       

TOTAL 1+2

70 258

TOTAL 1+2

59 289

Au total, le besoin de financement résultant de la réforme s’élève à 10 969 millions d'euros.

a) Les nouveaux transferts de recettes fiscales nationales

La plupart des publications prospectives sur la réforme de la taxe professionnelle, qu’elles émanent du Conseil économique et social, de la RGPP ou de la Commission présidée par M. Édouard Balladur, conduisent à proposer que la réforme s’accompagne du transfert ou du partage de recettes fiscales nationales. Dans le débat sur l’opportunité de transférer telle ou telle recette, la mission n’a pas remis en cause les grandes orientations de ces rapports, qui sont relativement convergentes.

Elle a entendu les demandes formulées par les associations d’élus locaux qu’une fraction de CSG soit transférée en lieu et place de la TSCA – pour des motifs tenant strictement à une anticipation du dynamisme supposé de l’assiette de la CSG – et que soit exclu tout transfert de fiscalité frappant une assiette ayant vocation à régresser – de type TIPP. Sans condamner pour autant une telle solution, il n’a pas semblé opportun à vos rapporteurs de remettre en cause, au profit de la CSG, le transfert du solde de la TSCA, dès lors que les départements perçoivent déjà l’essentiel de cette taxe. En revanche, ils estiment que les recettes fiscales dégagées par la réforme de la taxe professionnelle permettent de ne pas assurer de financement complémentaire par la TIPP.

La proposition de la mission consiste donc à transférer des recettes complémentaires afin de consolider des blocs fiscaux, dont le produit est intégralement versé aux collectivités territoriales. Afin de former des blocs homogènes, il est proposé de transférer aux collectivités locales la fraction encore perçue par l’État de certains impôts partagés :

– les droits de mutation à titre onéreux, pour 340 millions d'euros ;

– et la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, pour 2 600 millions d'euros.

LA TASCOM

La taxe sur les surfaces commerciales (ou Tascom), qui est due quelle que soit la forme juridique de l'entreprise exploitante, frappe les établissements ouverts depuis le 1er janvier 1960 dont la surface de vente des magasins de commerce de détail dépasse 400 m2 et dont le chiffre d'affaires annuel est au moins égal à 460 000 €.

Toutefois, le seuil de 400 m2 ne s'applique pas aux établissements contrôlés directement ou indirectement par une même personne et exploités sous une même enseigne commerciale (chaîne de distribution commerciale intégrée) lorsque la surface de vente cumulée de l'ensemble de ces établissements excède 4 000 m².

Le montant de la taxe dépend du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'établissement au cours de l'année civile précédente. Son barème est fixé comme suit (par m2 de surface de vente) :

Chiffre d'affaires annuel hors taxe
par m2 (CA et S)

Établissements ayant également une activité de vente au détail de carburants

Autres établissements

CA/S < 3 000 €

8,32 €

5,74 €

3 000 € ≤ CA/S ≤ 12 000 €

8,32 € + [0,00304 × (CA/S - 3 000)

5,74 €+ [0,00315 × (CA/S – 3 000)

CA/S > 12 000 €

35,70 €

34,12 €

Des réductions de taux sont prévues et cumulables :

– 30 % en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (vente exclusive de meubles meublants, véhicules automobiles, machinismes agricoles, matériaux de construction) ;

– 20 % pour les établissements dont la surface de vente au détail est comprise entre 400 et 600 m2, lorsque le chiffre d'affaires annuel par m2 est au plus égal à 3 800 €.

Le montant de la taxe est majoré de 30 % pour les établissements dont la superficie est supérieure à 5 000 m2 et dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes est supérieur à 3 000 € par m2.

Les établissements situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles bénéficient d'un abattement de 1 524,49 € sur le montant de la taxe dont ils sont redevables.

Par ailleurs, il est également proposé de transférer la globalité de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM, ancienne TACA), dont le produit attendu en 2009 serait d’environ 617 millions d'euros (9) (613 millions d'euros en 2008).

FINANCEMENT DU SECTEUR LOCAL PAR LA FISCALITÉ

(en millions d'euros)

Collectivités

Impôts

Communes +EPCI

40 502

TH

16 806

départements

19 541

TFPB

21 854

régions

4 705

TFPNB

938

État (FAR)

5 510

TP-VLF

5 700

   

CVA

12 791

TOTAL 1

70 258

TOTAL 1

58 089

   

Autres recettes fiscales

 
   

TASCOM

617

   

TSCA

2 600

   

Taxes sectorielles

1 200

   

DMTO

340

TOTAL 2

0

TOTAL 2

4 757

TOTAL 1+2

70 258

TOTAL 1+2

62 846

Au total, l’apport de recettes fiscales nouvelles permet de réduire le besoin de financement à 7 412 millions d'euros.

Afin de couvrir ce solde, la mission propose de recourir à la fois à une minoration des FAR perçus par l’État sur les impôts locaux et à des dotations budgétaires, plutôt qu’à un transfert de TIPP, globalement mal accepté par les collectivités territoriales.

b) La couverture du besoin de financement par la baisse des FAR et des dotations de l’État

La mission a considéré que le produit des impôts directs locaux devait prioritairement servir au financement autonome des collectivités locales, et qu’il serait paradoxal d’en prélever une fraction substantielle si celle-ci devait être compensée à l’euro près par un abondement en dotation budgétaire. Certes, vos rapporteurs ne méconnaissent pas que la gestion des impôts locaux, l’établissement de leur assiette comme leur recouvrement génèrent un coût pour l’État. Ils retiennent cependant que les FAR actuels peuvent être regardés comme surévalués et que la réforme proposée devrait encore minorer le coût de gestion supporté par l’État.

En effet, comme l’a rappelé à nouveau le rapport public annuel de la Cour des comptes en 2009, le taux des FAR actuellement en vigueur (article 1641 du code général des impôts), c’est-à-dire 4,4 %, génère une « surfacturation » d’environ deux fois et demie le coût des interventions de l’État, que la DGFiP estime pour les taxes foncières à 1,7 % du produit recouvré. De même, l’État perçoit 3,6 % de chacun des impôts locaux en couverture des dégrèvements et admissions en non-valeur. Or, les chiffres de l’exercice 2007 (10) montrent que les montants ordonnancés représentent environ 2,1 % des taxes, soit là encore un coût moindre que celui facturé en prélèvement sur fiscalité (11).

Dès lors, la mission propose de revoir à la baisse les frais perçus par l’État sur la fiscalité locale. Constatant que l’État prélève 8 % du produit à son profit (sauf pour la taxe d’habitation), tandis que le coût de ses interventions représente environ 3,8 % du produit recouvré, vos rapporteurs estiment que les FAR pourraient être divisés par deux. Ils considèrent que cette baisse est d’autant plus acceptable pour le budget de l’État que le seul impôt dont l’assiette incluait des éléments autres que les VLF est présentement réformé et que dorénavant toute la fiscalité locale sera assise sur une seule et même assiette : la valeur locative des immeubles. Il est donc proposé de ne maintenir les FAR actuels que sur la taxe foncière, qui touche toutes les catégories de locaux et de redevables :

(en millions d'euros)

   

Produit recouvré

FAR (12)

Situation de référence

Taxe professionnelle

24 847

2 310

Taxe d'habitation

16 806

1 428

Taxes foncières

23 167

1 772

TOTAL

64 820

5 510

       

Réforme de la TP

TAE

5 700

422

Taxe d'habitation

16 806

1 428

Taxes foncières

23 167

1 772

TOTAL

45 673

3 622

       

Minoration des FAR de moitié

TAE

5 700

0

Taxe d'habitation

16 806

0

Taxes foncières

23 167

1 772

TOTAL

45 673

1 772

Cette minoration des FAR permet, à taux constant pour les contribuables, de majorer de 1 428 millions d'euros le produit de la taxe d’habitation perçu par les collectivités territoriales. Dès lors, compte tenu de la minoration des FAR perçus par l’État et de cette hausse du rendement local de la taxe d’habitation, le solde de la réforme que l’État devrait couvrir par des dotations budgétaires s’établit à 3,6 milliards d'euros :

(en millions d'euros)

Collectivités

Impôts

Communes+EPCI

40 502

TH

16 806

départements

19 541

TFPB

21 854

régions

4 705

TFPNB

938

État (FAR)

5 510

TP-VLF

5 700

   

CVA

12 791

TOTAL 1

70 258

TOTAL 1

58 089

   

Autres recettes fiscales

 
   

TASCOM

617

   

TSCA

2 600

   

Taxes sectorielles

1 200

   

DMTO

340

TOTAL 2

0

TOTAL 2

4 757

TOTAL 1+2

70 258

TOTAL 1+2

62 846

Minoration FAR État

– 3 738

Dotations budgétaires

3 674

TOTAL GÉNÉRAL

66 520

TOTAL GÉNÉRAL

66 520

2.– Au niveau individuel : la mise en œuvre d’une garantie individuelle de ressources

Au-delà de ces montants globaux, vos rapporteurs attirent l’attention sur le fait que la consolidation des assiettes fiscales par échelon aura un impact extrêmement diversifié collectivité par collectivité. Il est donc incontournable que la réforme soit assortie d’un mécanisme de compensation assurant sa neutralité sur les recettes de chacune des collectivités.

a) Une réforme à l’impact très hétérogène sur le territoire

Quels que soient les arbitrages précis retenus, il est inévitable que la mise en œuvre du principe de spécialisation fiscale, et plus généralement le remplacement de l’assiette EBM par des ressources fiscales ou de substitution, suscite des effets très contrastés sur le territoire.

En effet, dès lors que les recettes complémentaires transférées ne sont pas directement corrélées à la densité du territoire en EBM, de tels écarts sont incontournables :

– une concentration de la taxe d’habitation, et – dans une moindre mesure – des taxes foncières, produira un excédent de ressources dans les collectivités comptant peu d’entreprises et beaucoup de ménages résidents, et inversement un déficit dans celles dominées par les activités économiques ;

– une compensation par la CVA générera des écarts liés au ratio de VA produite dans la collectivité par rapport aux EBM détenus, mais aussi en fonction des taux précédemment pratiqués sur le territoire.

Par conséquent, vos rapporteurs considèrent que seul un ajustement à la charge de l’État, c'est-à-dire par des dotations budgétaires, sera en mesure de garantir à chaque collectivité que son montant de ressources ne variera pas au moment de la réforme par rapport à sa situation de référence.

b) La création d’un Fonds de compensation géré par les collectivités elles-mêmes

Le principe consiste donc à ce qu’aucune collectivité perde ou gagne, lors de l’entrée en vigueur de la réforme, et retrouve le niveau précis de ses recettes fiscales de référence. Cependant, sa mise en œuvre appelle plusieurs précisions importantes :

● Le niveau de recettes fiscales de référence pose un premier problème. Dès lors que la réforme de la taxe professionnelle ne pourra être mise en œuvre dès 2010 pour son volet collectivités territoriales, le niveau de référence ne peut être figé sur l’exercice 2008, sauf à geler les recettes sur une période de quatre années (2008, 2009, 2010 et 2011). Pour vos rapporteurs, il n’est pas plus envisageable de retenir une situation de référence adossée à l’exercice 2010 qui serait postérieur au vote de la réforme par le Parlement, et générerait des effets d’aubaine. Dès lors, il semble que le niveau de référence des ressources ne puisse être que celui de l’année 2009, ou celui de l’année 2008, majoré d’une progression forfaitaire des assiettes et des taux d’imposition.

● Mathématiquement, dès lors qu’aucune collectivité ne doit ni perdre ni gagner, les excédents et les déficits occasionnés par la réforme doivent s’équilibrer pour parvenir à un besoin de financement négatif par échelon. Ce besoin représente le montant des dotations budgétaires que l’État doit apporter pour équilibrer la réforme à chaque échelon, pour un total général de 3 674 millions d'euros. En tant que telles, ces seules dotations ne suffisent donc pas à couvrir la somme des besoins de financement individuels. Elles doivent impérativement être complétées par la reprise des excédents réalisés par les collectivités territoriales gagnantes à la réforme. Aucune estimation n’a pu être réalisée pour la mission de ces effets de gain/perte à l’échelle individuelle des collectivités.

En revanche, vos rapporteurs préconisent que cette compensation soit assurée par un Fonds dont la gestion reviendrait aux collectivités elles-mêmes. En effet, la mécanique de compensation des écarts de produits fiscaux doit être sanctuarisée au sein d’un Fonds géré par les collectivités locales. Ce Fonds, qui servirait les dotations individuelles des collectivités territoriales déficitaires, serait alimenté à la fois par les prélèvements sur la fiscalité des collectivités excédentaires et par l’État pour la part de dotations lui revenant, c'est-à-dire 3 674 millions d'euros.

● Afin de parvenir au niveau de recettes fiscales de référence, la méthode préconisée est la suivante :

– calcul pour chaque collectivité du produit des impôts dont l’assiette est localisée (taxe d’habitation, taxes foncières, TASCOM, CVA) ;

– calcul de la fraction de produit de fiscalité non localisée dont chaque collectivité bénéficie (TSCA ou CSG, le cas échéant) en complément ;

– détermination soit d’un excédent, soit d’un déficit de recettes fiscales pour chaque collectivité, par rapport au niveau de référence ;

– prélèvement ou abondement opéré par l’intermédiaire du Fonds de compensation.

● Lors de la présentation de ses travaux aux associations d’élus locaux, la mission a pu mesurer que cette mécanique de compensation suscitait de nombreuses inquiétudes. En effet, vos rapporteurs ne peuvent exclure que certaines collectivités, sans doute des communes, soient, après la réforme, financées massivement par des dotations budgétaires. De même, la question de la dynamique d’évolution du volume de dotations de compensation a été soulevée à de nombreuses reprises. Leur vocation est d’assurer que chaque collectivité retrouve son niveau de ressources. Ceci implique :

– que la dotation individuelle de chaque collectivité soit répétée chaque exercice, indéfiniment ;

– que, par conséquent, cette compensation ne soit calculée que la première année en fonction du niveau de référence et du produit de la fiscalité nouvelle ;

– que, conséquemment également, cette dotation de compensation ne puisse évoluer, ni être indexée, dans le temps, sauf à prévoir également une dynamique propre aux prélèvements qui seront opérés sur les collectivités gagnantes, ce qui ne semble pas soutenable à moyen terme.

● Pour la mission, cette reconduction à un niveau gelé d’une dotation de compensation constitue l’épure de la réforme, qui vise à replacer chaque collectivité en situation de voir ses ressources évoluer en fonction des nouvelles recettes fiscales. Cependant, vos rapporteurs soulignent que ce schéma théorique devra être mis à l’épreuve de situations particulières. Ainsi, dans le cas de collectivités dont le financement serait dorénavant assuré à plus de 50 % par une dotation de compensation figée, et dans un contexte où les autres concours de l’État progressent très faiblement d’année en année, la réforme pourrait conduire à des situations de blocage durable de budgets locaux. Inévitablement, cette dégradation potentielle de l’autonomie financière de certaines collectivités, prises individuellement, appelle un renforcement particulièrement soutenu de la péréquation, tel que vos rapporteurs le proposent ci-après.

3.– La question du financement des intercommunalités

La mission a été confrontée à l’inquiétude des représentants des communes et des EPCI à l’égard du financement des groupements intercommunaux.

a) La réforme de la taxe professionnelle ne remet pas en cause l’intégration fiscale des EPCI, du point de vue du volume global des recettes fiscales

La taxe professionnelle versée actuellement au bloc communal représentait, en 2007, 16 620 millions d'euros dont 73 % au bénéfice des EPCI. Cette concentration est évidemment le fruit de la construction de la carte intercommunale française, bâtie sur l’instrument d’intégration qu’a constitué la taxe professionnelle unique.

En 2008, 19 % seulement de la population française ne vivait pas dans un groupement de communes. La France comptait 2 583 EPCI à fiscalité propre pour 33 636 communes regroupées, dont presque la moitié (1 224 EPCI et 16 336 communes pour 42,4 millions d’habitants) avait adopté la TPU. Ces derniers percevaient, en 2007, 11 321 millions d'euros de taxe professionnelle, soit 93 % du total intercommunal. Ces données montrent à quel point la question de la réforme de la taxe professionnelle peut s’avérer sensible pour le tissu intercommunal.

Toutefois, vos rapporteurs ont considéré que certains ordres de grandeur doivent contribuer à apaiser le débat sur le financement futur des intercommunalités, sans retirer aucunement leur pertinence aux questions qui se posent. Ils ont ainsi relevé que, si aucune recette de substitution n’était véritablement à la mesure de l’assèchement de la taxe professionnelle intercommunale en tant que tel (près de 10 milliards d'euros liés à l’assiette EBM), cette même taxe professionnelle, nette des reversements aux communes membres (attributions de compensation et dotations de solidarité communautaire), s’élevait en 2007 à 3 384 millions d'euros. La suppression pure et simple de l’assiette EBM la minorerait d’environ 680 millions d'euros, ce qui semble pouvoir être aisément compensé dans un scénario de spécialisation des assiettes fiscales. Ainsi vos rapporteurs constatent que la seule TAE devrait procurer une recette de 5,7 milliards d'euros, tandis que la part départementale de la taxe d’habitation qui pourrait être transférée au bloc communal et intercommunal générerait une recette nouvelle de plus de 5 milliards d'euros.

b) Peut-il y avoir une fiscalité intercommunale qui ne soit d’abord communale ?

Dès lors que le besoin de financement spécifique des EPCI pourrait être comblé en volume, la question de leur fiscalité propre doit se poser sous l’angle des relations financières entre les groupements et leurs communes membres. En effet, la TPU apporte principalement deux atouts aux EPCI : d’une part, une dynamique appliquée à l’ensemble de l’assiette intercommunale (tandis que les reversements sont forfaitisés), et, d’autre part, un pouvoir fiscal sur le taux appliqué sur l’ensemble du périmètre. Or, ces deux atouts sont deux aspects de la relation financière qui unit les communes et leurs groupements dans un pacte, que la spécialisation fiscale en tant que telle n’a pas vocation à remettre en cause dans son principe. Ainsi, le fait que des communes décident d’allouer à leur groupement tant une ressource fiscale à part entière que le pouvoir d’en fixer le taux, dans le respect de la loi, ne semble en rien incompatible avec la réforme de la taxe professionnelle.

Au contraire, vos rapporteurs considèrent que toute solution de spécialisation visant à transférer aux EPCI un impôt dédié uniforme déconnecté de ceux des communes se révélerait juridiquement hasardeuse et, en pratique, insoutenable à l’échelle du territoire national.

– Au plan strictement juridique, la Constitution consacre les communes comme des collectivités territoriales, leur consent une clause générale de compétence et garantit leur libre administration (13) et leur autonomie financière (14). Les groupements ne peuvent se prévaloir d’un tel statut, qui obligerait le législateur à les protéger autant que les communes. Vos rapporteurs soulignent, en particulier, que la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales impose que la réforme de la taxe professionnelle ne diminue pas le ratio de ressources propres du bloc communal et intercommunal en deçà de son niveau de 2003.

– En outre, en dépit des progrès accomplis au cours des dernières années, la mission ne peut que tenir compte du fait que la carte intercommunale n’est pas encore achevée et que, de surcroît, les EPCI existants se partagent presque par moitié entre deux modes de financement alternatifs (fiscalité additionnelle ou TPU). Il n’y a donc d’impôt dédié au groupement que dans 47 % des EPCI, regroupant moins de 45 % des communes. Pour la mission, il a semblé que cette cartographie condamnait clairement tout projet de transfert d’un impôt spécifique aux EPCI, qui ne soit pas d’abord une recette communale intégrée au sein d’un groupement. Sauf à privilégier un financement des EPCI par un mécanisme de dotation budgétaire, ou de fraction de fiscalité nationale (du type de la TSCA départementale actuelle), vos rapporteurs constatent que l’allocation d’une recette fiscale spécifique aux EPCI :

> Soit provoquerait une discrimination fiscale forte entre les territoires regroupés et les zones non couvertes, au bénéfice de ces dernières, ce qui semble juridiquement inacceptable ;

> Soit conduirait à minorer autoritairement, partout où il y a un EPCI à TPU, les produits fiscaux perçus par les autres échelons de collectivités, sans régler pour autant la question des futures créations ou transformations d’EPCI à fiscalité unifiée.

c) La redéfinition des pactes financiers proposée par la mission

Vos rapporteurs considèrent donc que la réforme ne peut que distribuer et spécialiser les impôts qu’entre les catégories de collectivités territoriales en tant que telles, dont le maillage couvre intégralement le territoire national. Ils estiment que la recette fiscale ne peut, en l’état du droit et de la carte intercommunale, qu’être d’abord communale avant d’être transférée, le cas échéant et au cas par cas, à un EPCI. Tout en se déclarant favorable à de tels transferts, la mission ne peut donc que conclure qu’une telle intégration fiscale ne doit pas être le fait unilatéral de la loi.

Au demeurant, plusieurs arguments de bon sens militent pour que le financement de chaque groupement demeure un arbitrage local entre les assemblées des communes membres. Ainsi, comme vos rapporteurs l’ont déjà relevé, l’impact de la réforme de la taxe professionnelle sera très hétérogène selon les configurations territoriales. Tel EPCI à TPU dont les bases fiscales comprennent des établissements importants intenses en EBM verrait ses ressources fiscales fondre au bénéfice de dotations budgétaires, ce qui remettrait en cause son pacte financier avec les communes. Tel autre, dont les bases de taxe professionnelle sont maigres et les reversements fiscaux limités, verrait croître, par spécialisation, ses recettes et serait également contraint de rediscuter son pacte financier.

En définitive, afin de préserver les équilibres locaux qui ont conduit la plupart des communes à se regrouper au sein d’EPCI aux ressources très variables, la mission préconise que le législateur fournisse aux communes et à leurs groupements une large palette d’instruments visant à assurer un financement fiscal pérenne de l’EPCI, au moyen des impôts perçus par ses communes membres (transfert d’un ou plusieurs impôts en bloc, fiscalité additionnelle, etc.). Cette solution de souplesse, qui n’interdit aucunement aux communes et groupements d’opter pour des solutions fiscales très intégrées, semble à vos rapporteurs la seule qui permette d’adapter chaque territoire aux effets de la réforme proposée.

C.– LE SCHÉMA DE SPÉCIALISATION PROPOSÉ RESPECTE L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALES MAIS APPELLE DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DE PÉRÉQUATION

Les tableaux de spécialisation ci-après sont le fruit d’une réflexion nourrie de la mission, mais relève nécessairement, d’une part, d’un compromis trouvé par vos rapporteurs entre des revendications concurrentes et, d’autre part, de solutions pragmatiques permettant de couvrir au mieux les besoins de chaque échelon.

Loin de régler de façon satisfaisante toutes les situations particulières, ce schéma a néanmoins le mérite de respecter l’autonomie financière de chaque échelon et de déformer le moins possible le partage du financement des collectivités territoriales entre les ménages et les entreprises. En revanche, vos rapporteurs considèrent qu’il devra être accompagné dès sa mise en place par un dispositif audacieux de péréquation.

1.– Le financement du bloc communal et intercommunal

Ce bloc percevrait l’intégralité de la taxe d’habitation (y compris l’actuelle part départementale et la fraction actuellement perçue par l’État au titre des FAR), les actuelles parts communales et régionales des taxes foncières, ainsi que l’intégralité de la nouvelle TAE. Dans le même esprit, le bloc communal bénéficierait du transfert de l’intégralité de la TASCOM, dont l’assiette est parfaitement localisée.

Enfin, le produit des taxes sectorielles nouvelles serait également affecté à l’échelon communal, puisque ces entreprises exploitent des immobilisations très volumineuses et parfaitement localisées.

a) Tableau d’ensemble proposé

Le changement de fiscalité du bloc communal se résumerait ainsi :

(en millions d'euros)

Avant réforme

Après réforme

TP

16 620

TH

16 806

TH

10 357

TFPB

14 225

TFPB

12 733

TFPNB

806

TFPNB

792

TP-VLF

5 700

   

TASCOM

617

   

Taxes sectorielles

1 200

TOTAL

40 502

TOTAL

39 354

b) Degré d’autonomie financière et dynamique des ressources

Comme le montre le tableau précédent, ce schéma conduirait à une moindre couverture des budgets communaux par la fiscalité, puisque le Fonds de compensation serait alimenté par 1 148 millions d'euros de dotations budgétaires de l’État au profit du bloc communal et intercommunal. Ramené au taux d’autonomie financière pour l’exercice 2005 (dernier indice connu) du bloc communal, cet apport de dotations en substitution de ressources fiscales porterait le ratio à 60 %, soit à la limite du ratio plancher de 2003.

Du point de vue de la dynamique que le bloc communal pourrait attendre de ses nouvelles recettes fiscales, la mission constate que les valeurs locatives des immeubles – qui serviront de base à 95 % de la fiscalité communale – ont progressé depuis 2001 de 3,37 % en moyenne par an en valeur (2,17 % hors coefficients légaux de revalorisation). Quant à la TASCOM, compte tenu des modifications récentes de son régime juridique, la mission ne peut tenir compte que de l’évaluation de son évolution spontanée associée au projet de loi de finances pour 2009 : + 6,5 %.

c) Poids respectif de chaque contribuable dans les impôts directs

Afin d’évaluer la distorsion que la réforme génère dans la répartition du poids de la fiscalité locale entre ménages et entreprises, la mission a procédé à la ventilation des produits fiscaux actuels et futurs en fonction de la nature du contribuable. Si cette distinction s’avère aisée pour la taxe d’habitation, l’actuelle taxe professionnelle, la future TAE, la CVA et les taxes sectorielles, elle nécessite des précisions s’agissant des taxes foncières.

À défaut de données plus fines, la mission a procédé à une répartition en fonction du poids des valeurs locatives détenues respectivement par des professionnels et des ménages dans la somme des valeurs locatives imposées en 2007 (15). Vos rapporteurs concèdent que cette méthode relativement fruste n’est évidemment pas satisfaisante (elle ne tient notamment pas compte du taux de fiscalisation réelle de chaque fraction d’assiette), tout en relevant que rien ne permet de supposer que la répartition du poids des taux de prélèvements perturbe sensiblement la structure de cette répartition.

La synthèse du schéma proposé du point de vue des contributions respectives des ménages, des entreprises et de l’État dans le financement du bloc communal issu de la réforme est la suivante :

(en millions d'euros)

 

Ménages

Entreprises

État

Avant réforme

17 947

15 768

6 786

soit

44,31 %

38,93 %

16,76 %

Après réforme

24 269

12 072

4 161

soit

59,92 %

29,81 %

10,27 %

La réforme proposée minore donc la place occupée par l’État (qui se maintient à raison des dotations budgétaires nouvelles et des dégrèvements de taxe d’habitation), ainsi que celle prise par les entreprises de neuf points. Les ménages seraient donc davantage contributeurs qu’actuellement au financement du bloc communal, sans que leur part excède 60 %.

2.– Le financement des départements

Conformément aux orientations exposées précédemment, la mission propose que les départements soient financés par un panier de recettes étalant autant que possible les risques et les effets pervers :

– ils conserveraient leur part de TFPB (16) et de TFPNB (avec vote des taux), qui sont des impôts très stables frappant tant les ménages que les entreprises ;

– ils bénéficieraient d’une fraction importante de la CVA, et profiteraient de son dynamisme en période de croissance ;

– ils bénéficieraient également du transfert intégral de fractions de produits encore perçus par l’État sur la TSCA et sur les DMTO.

a) Tableau d’ensemble proposé

Le changement de fiscalité départementale se résumerait ainsi :

(en millions d'euros)

Avant réforme

Après réforme

TP

8 429

TH

0

TH

5 021

TFPB

5 938

TFPB

6 040

TFPNB

51

TFPNB

51

TSCA

2 600

   

DMTO

310

   

CVA (1 %)

8 527

TOTAL

19 541

TOTAL

17 426

b) Degré d’autonomie financière et dynamique des ressources

Comme le montre le tableau précédent, ce schéma conduirait à une moindre couverture des budgets départementaux par la fiscalité, puisque le Fonds de compensation serait alimenté par 2 115 millions d'euros de dotations budgétaires de l’État au profit des départements. Ramené au taux d’autonomie financière pour l’exercice 2005 des départements, cet apport de dotations en substitution de ressources fiscales porterait le ratio à 62,2 %, très au-delà du ratio plancher de 2003 (58,6 %).

Du point de vue de la dynamique que les départements pourraient attendre des nouvelles recettes fiscales, la mission constate que les valeurs locatives des immeubles – qui serviront de base à 34 % de la fiscalité départementale – ont progressé depuis 2001 de 3,37 % en moyenne par an en valeur (2,17 % hors coefficients légaux de revalorisation). La CVA, pour sa part, devrait évoluer de la même manière que le PIB en tendance longue, quoique le produit départemental devrait principalement varier à raison des implantations d’entreprises dans chaque périmètre.

Quant au DMTO, les départements ont déjà éprouvé leur dynamisme potentiel au cours de la dernière décennie mais aussi, depuis un an, la sensibilité de cette recette à la conjoncture économique. Enfin, s’agissant de la TSCA, ce dernier bloc de transfert permettrait aux départements de bénéficier du produit levé sur toutes les assiettes visées à l’article 1001 du code général des impôts. Le dynamisme de ce produit a été de 28 % de 2001 à 2006, soit +4,7 % par an.

c) Poids respectif de chaque contribuable dans les impôts directs

La synthèse du schéma proposé du point de vue des contributions respectives des ménages, des entreprises et de l’État dans le financement des départements issu de la réforme est la suivante :

(en millions d'euros)

 

Ménages

Entreprises

État

Avant réforme

8 279

7 862

3 400

soit

42,37 %

40,23 %

17,40 %

Après réforme

6 999

10427

2 115

soit

35,82 %

53,36 %

10,82 %

La réforme proposée minore la place occupée par l’État (qui se maintient à raison des dotations budgétaires nouvelles), ainsi que celle prise par les ménages de 7 points. Les entreprises seraient donc davantage contributrices qu’actuellement au financement des départements, leur part passant de 40 % à 53 %.

3.– Le financement des régions

Les régions seraient financées presque exclusivement par le nouvel impôt économique que constituera la CVA.

a) Tableau d’ensemble proposé

Le changement de fiscalité régionale se résumerait ainsi :

(en millions d'euros)

Régions

Avant réforme

Après réforme

TP

2 926

CVA (0,5 %)

4 264

TH

0

TH

0

TFPB

1 765

TFPB

0

TFPNB

14

TFPNB

0

TOTAL

4 705

TOTAL

4 264

b) Degré d’autonomie financière et dynamique des ressources

Comme le montre le tableau précédent, ce schéma conduirait à une moindre couverture des budgets régionaux par la fiscalité, puisque le Fonds de compensation serait alimenté par 441 millions d'euros de dotations budgétaires de l’État au profit des régions. Ramené au taux d’autonomie financière pour l’exercice 2005 des régions, cet apport de dotations en substitution de ressources fiscales porterait le ratio à 41,7 %, c'est-à-dire exactement au niveau du ratio plancher de 2003.

Du point de vue de la dynamique que les régions pourraient attendre des nouvelles recettes fiscales, la mission constate que la CVA devrait évoluer de la même manière que le PIB en tendance longue, soit en moyenne +3,6 % par an en valeur depuis 1991. Cependant, le produit régional devrait principalement varier à raison des implantations d’entreprises dans chaque périmètre.

c) Poids respectif de chaque contribuable dans les impôts directs

La synthèse du schéma proposé du point de vue des contributions respectives des ménages, des entreprises et de l’État dans le financement des régions issu de la réforme est la suivante :

(en millions d'euros)

 

Ménages

Entreprises

État

Avant réforme

1 214

2 623

868

soit

25,81 %

55,75 %

18,45 %

Après réforme

0

4 264

441

soit

0,00 %

90,63 %

9,37 %

Sans surprise, un tel schéma minore la place occupée par l’État (qui se maintient à raison des dotations budgétaires nouvelles), mais surtout celle prise par les ménages (de 25 points). Les entreprises seraient davantage contributrices qu’actuellement au financement des régions, leur part passant de 56 % à 91 %.

4.– L’approfondissement des dispositifs de péréquation fiscale

La réforme du système fiscal local doit impérativement s’accompagner de la création de nouveaux instruments de péréquation. En effet, même paré des meilleures garanties à l’échelle nationale ou au niveau de chaque échelon, ce nouveau système fiscal engendrera de nouvelles inégalités territoriales que la péréquation doit s’efforcer de corriger.

Par péréquation, il convient d’entendre deux concepts complémentaires, mais parfaitement distincts, illustrés par le fonctionnement actuel des Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP). Ceux-ci assurent une double redistribution des produits fiscaux exceptionnels : une répartition territoriale du produit (retour prioritaire à la commune d’implantation et versements aux communes dites « concernées ») qui vise à distribuer les fruits de l’assiette sur un périmètre plus pertinent que la seule commune ou le seul EPCI d’implantation ; et une répartition péréquatrice (communes défavorisées) qui vise à distribuer un produit fiscal sur des zones non concernées par l’assiette (correction des inégalités). Vos rapporteurs estiment souhaitable que le nouveau système fiscal souscrive à cette double approche.

a) La distribution territoriale des produits exceptionnels de TAE et de taxes sectorielles

Il convient de conserver un dispositif local de redistribution des assiettes exceptionnelles localisées sur un territoire communal ou intercommunal.

Cette précaution s’avère d’autant plus indispensable que les taxes sectorielles envisagées sur plusieurs catégories d’immobilisations stratégiques risqueraient d’accroître encore les inégalités entre les territoires d’implantation des grosses unités, et les territoires périphériques. Il est donc nécessaire de rebâtir un dispositif inspiré du premier étage des FDPTP actuels, qui assurerait la redistribution des produits exceptionnels sur une aire territoriale excédant la commune ou l’EPCI d’implantation. Les versements dont les communes ou les EPCI périphériques bénéficieraient au titre de cette redistribution seraient assimilés à leurs propres recettes fiscales.

b) Quelle péréquation horizontale ?

La réforme de la taxe professionnelle et du système fiscal local doit impérativement être accompagnée de la création d’un mécanisme de péréquation horizontale ambitieux.

En effet, le principe de compensation à l’euro près des recettes fiscales des collectivités locales, après la redistribution territoriale éventuelle évoquée ci-dessus, aura pour effet de faire disparaître durablement la notion d’assiette exceptionnelle. Dès lors que l’écart du produit fiscal par rapport à l’historique aura justifié soit un préciput, soit une dotation, il semblera impensable que l’écart à la moyenne alimente de surcroît un fonds de péréquation. Au contraire, force sera de considérer la masse de produit fiscal de référence comme un acquis pour chaque collectivité, quel que soit le niveau relatif de l’assiette.

Dès lors, une nouvelle péréquation horizontale doit être inventée, pour prendre le relais des FDPTP supprimés par la réforme, mais également approfondir leur rôle. En effet, vos rapporteurs considèrent que cette péréquation devra dorénavant corriger deux types d’inégalités :

– des inégalités relatives d’assiette, déjà constatées aujourd’hui, constituées du fait que la matière taxable est moins riche dans une collectivité que dans la moyenne ;

– des inégalités nouvelles d’autonomie fiscale, résultant du fait que certaines collectivités verront augmenter dans leurs budgets la part du financement provenant de dotations de compensation gelées.

Ces deux types d’inégalités ne peuvent sans doute être appréhendées qu’à l’aune de critères mesurant physiquement et de façon objective la matière taxable sur un territoire (potentiel fiscal par habitant, ou par km², par exemple), seuls à même de justifier un complément de ressources provenant des autres collectivités.

En effet, la réponse aux deux catégories d’inégalités qu’envisagent vos rapporteurs consisterait à compléter le financement fiscal d’une collectivité « défavorisée » d’une fraction des impositions perçues sur d’autres territoires, afin de lui offrir un dynamisme minimal que ses propres bases ne lui permettent pas d’obtenir. Toutefois, afin de ne pas contrecarrer l’esprit même d’une réforme dont le but est de retendre le lien fiscal entre les contribuables et les collectivités locales, vos rapporteurs ne proposent pas de financer une telle péréquation par un écrêtement des assiettes ou des produits perçus dans des collectivités « favorisées » contributrices. Au contraire, ils proposent de mettre en place un mécanisme d’alimentation d’un Fonds de péréquation par les progressions de produits plus rapides qu’une évolution de référence fixée dans la loi.

Ainsi, par exemple, si la loi fixait une progression de référence de la CVA de 2 %, toute collectivité (département ou région) dont le produit de CVA enregistrerait une progression supérieure à 2 % verrait le surcroît de produit « excédentaire » partagé entre son propre budget et le Fonds de péréquation. Un dispositif similaire pourrait s’appliquer à la TAE. Un tel mécanisme permettrait de conserver à la fois le lien entre l’assiette taxée et la collectivité d’implantation (à l’inverse des FDPTP actuels), et une fraction substantielle de la dynamique de l’assiette enregistrée dans la collectivité.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa première séance du mardi 21 juillet 2009, la Commission examine le présent rapport d’information.

M. Didier Migaud, Président. Étant donné le souhait exprimé par le président de la République de voir aboutir une suppression de la taxe professionnelle dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur ont naturellement fait porter leur réflexion, en priorité, sur ce que devrait être une telle réforme. Ils ont bénéficié des moyens de simulation dont dispose le ministère de l’Économie pour tester leurs hypothèses et ont mené un travail approfondi de concertation avec les élus et les représentants des entreprises. Les propositions de la mission ont fait l’objet d’une première communication à notre Commission le 9 juin dernier. Ils nous présentent aujourd’hui un rapport d’information sur cette question, étant entendu qu’une réflexion d’ensemble sur le financement des collectivités territoriales devra être menée, dans un contexte de réforme des collectivités territoriales. Ce rapport d’information constitue une contribution très utile à la réforme de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur. Avant que Marc Laffineur vous présente le contenu du rapport de la mission et nos propositions qui vous ont déjà été exposées le 9 juin dernier, je veux vous rappeler brièvement le contexte de nos tavaux.

Il y a plus d’un an maintenant, vous nous aviez chargés d’une mission sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Après plusieurs mois de travaux et d’auditions, nous vous indiquions dans une communication d’étape, en octobre dernier, que le système de financement des collectivités territoriales était à bout de souffle.

Dans les pistes que nous avions suggérées, nous estimions qu’il fallait d’abord organiser une réforme d’ensemble de la fiscalité locale, afin de dégager ensuite les marges nécessaires à une réforme des dotations aux collectivités locales. Il nous semblait notamment que les assiettes des impôts locaux sont obsolètes et que la fiscalité locale est devenue par trop inéquitable.

Depuis, ce constat a également été partagé par la Commission présidée par Monsieur Édouard Balladur, dont les conclusions rejoignent très largement les orientations de notre mission : spécialisation des impôts, mécanisme de sortie des dégrèvements, modernisation de l’impôt économique, notamment.

Enfin, le Président de la République a scellé le sort de la taxe professionnelle en deux temps. En proposant tout d’abord, l’an passé, que les investissements réalisés entre novembre 2008 et décembre 2009 soient définitivement exonérés. Puis en proposant, au début de cette année, que la taxation des équipements et biens mobiliers soit supprimée en totalité.

C’est dans ce contexte que notre mission a travaillé, depuis octobre dernier, sur la réforme de la taxe professionnelle, en considérant à la fois qu’il s’agissait d’une priorité politique et qu’elle entraînerait avec elle une réforme de l’essentiel de la fiscalité locale. Le Président de la commission des Finances et le Rapporteur général se sont associés à nos travaux et nous avons élaboré, puis affiné, un scénario complet de réforme.

Nous avons accompli ce travail à la fois en collaboration efficace avec le ministère de l’économie et des finances, qui a réalisé l’essentiel des simulations que nous avons demandées, et en concertation avec les représentants des entreprises, les associations d’élus locaux et le Comité des finances locales.

Nous vous avons présenté, en juin dernier, un scénario de réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité locale, complémentaire de celui que l’administration avait préparé. Nous avions en commun les grandes orientations : le maintien d’un impôt foncier des entreprises ; la consolidation d’une assiette valeur ajoutée complémentaire ; l’absence de remplacement des impôts des entreprises par de la dette publique ou des impôts ménages ; le maintien du lien fiscal entre les entreprises et les territoires.

Toutefois, comme nous vous l’avions indiqué, notre mission restait en désaccord avec le scénario de l’administration sur deux points majeurs : nous ne voulions pas que l’impôt des régions et des départements soit subordonné aux votes de taux des communes, et nous ne voulions pas que la base d’imposition foncière (surtout détenue par l’industrie) soit majorée. C’est pourquoi le schéma de la commission des Finances proposait des options alternatives – que Marc Laffineur vous présentera dans un instant – qui avaient rallié l’assentiment de nombreux parlementaires et de toutes les associations d’élus locaux.

Sur ces deux points majeurs, le projet de loi de finances devrait retenir nos propositions. En effet, notre mission a convaincu la ministre de l’économie et l’ensemble du Gouvernement, et la Commission peut, je crois, s’honorer d’avoir tenu son rôle et se réjouir de la qualité de ses échanges avec le Gouvernement.

Certes, d’innombrables arbitrages restent à rendre sur cette réforme de grande ampleur. Quatre-vingt milliards d'euros de prélèvements obligatoires vont, en effet, être impactés soit au titre des contribuables, soit au titre des bénéficiaires. Sur nombre de ces arbitrages, nous poursuivrons la réflexion afin de parvenir au meilleur équilibre possible. Néanmoins, à nos yeux, l’essentiel est fait.

Le rapport que nous vous soumettons aujourd’hui constitue le résultat de ces mois de travaux, et vous présente en détail la succession de propositions qui constitue l’architecture de notre scénario.

M. Marc Laffineur, rapporteur. En effet, nous avons le sentiment de parvenir progressivement à un consensus sur notre proposition. J’en rappelle l’économie générale.

La taxe professionnelle est un vestige de l’histoire industrielle de la France. Son paradoxe est sans doute de s’être révélée, dès sa création, en décalage avec l’économie de notre pays. Elle a été conçue pour un monde fordien, où l’économie est enfermée dans des frontières et où l’activité se mesure à la sortie des chaînes de production des usines. C’est ainsi qu’elle frappait dès son origine les facteurs de production industriels : les lieux, les machines et les hommes.

Dans un monde ouvert où l’industrie est en concurrence sévère et où une part essentielle de l’activité est immatérielle, cet impôt est rapidement devenu une source d’injustices. Il a principalement imposé de façon constante des industries de moins en moins productives de revenus, tandis que des secteurs émergents à forte valeur ajoutée demeuraient sous-imposés.

De replâtrages en réformes de l’assiette, l’État en est donc venu à assumer la moitié de l’imposition à la place des entreprises, si l’on tient compte de la compensation de la part salaires et de tous les dégrèvements. Ceci ne pouvait donc plus durer.

Quelles sont les principales propositions de notre scénario ?

Première proposition : la taxe professionnelle doit être remplacée par un impôt moderne et comparable au plan international. Il sera constitué de deux volets. Tout d’abord, un volet foncier assis sur les valeurs locatives. Nous proposons que ces valeurs soient révisées, car leur mode d’évaluation a pénalisé l’industrie depuis 30 ans. Toutefois, dès à présent, nous proposons de minorer les valeurs locatives industrielles de 15 %, pour amorcer un rééquilibrage. Ensuite, un impôt égal à 1,5 % de la valeur ajoutée des entreprises. Cette cotisation serait due par toutes les entreprises, mais son taux serait progressif pour celles de moins de 7,6 millions d'euros de chiffres d’affaires. Il s’agit en effet de trouver un compromis entre des effets d’aubaine que la mission a voulu éviter, des situations de sous-impositions manifestes que la mission a voulu corriger, et de nombreuses PME industrielles dont la mission n’a pas voulu augmenter la cotisation. Nous réfléchissons encore, avec le Gouvernement, sur les modalités précises de cette entrée progressive dans la CVA. Il pourrait notamment être envisagé de ne taxer au taux de 1,5 % que les entreprises de plus de 50 millions d'euros de chiffre d’affaires.

Deuxième proposition : revoir le financement des collectivités locales par la fiscalité. Nous proposons de spécialiser les impôts locaux selon une ligne simple : à l’échelon de proximité les assiettes foncières les mieux localisées, au département un panier de recettes mixte afin de préserver des budgets sous contrainte forte, à la région un impôt économique dynamique mais plus volatile, en lien avec sa compétence économique.

Certes, nous avons entendu de nombreuses revendications de la part des associations d’élus locaux quant au mode de répartition des nouvelles ressources fiscales. Certaines demandes reposent sur la volonté de profiter du dynamisme – réel ou supposé – de certains impôts (comme la CVA) réputés plus dynamiques que d’autres. D’autres demandes témoignent de la volonté de conserver une liberté de vote de taux, fut-ce sur une fraction marginale des impôts perçus. Ainsi, le bloc communal souhaiterait obtenir une part de la CVA, plutôt que la totalité de la taxe d’habitation. Les départements souhaiteraient bénéficier d’une fraction gelée du produit national de CSG, en lieu et place des dotations. Quant aux régions, elles souhaiteraient conserver un lien fiscal avec les ménages.

Sur ces aspects de répartition, le rapport que nous vous soumettons propose un schéma équilibré. Pour autant, nous avons considéré qu’aucune porte ne devait être fermée et que la discussion devrait se poursuivre d’ici au vote de la loi de finances. Il sera important, alors, de traiter ces questions car le scénario de notre mission permet, vu son coût budgétaire, d’opérer en une fois, dès 2010, la réforme pour les entreprises. Mais il sera indispensable de donner une année supplémentaire, afin que leur garantie de ressources soit appréciée au mieux.

Par ailleurs, nous avons jugé indispensable de proposer que la réforme en cours soit l’occasion de créer de nouveaux mécanismes de péréquation, y compris horizontale. Il faut mesurer qu’à la sortie du processus, certaines collectivités seront financées majoritairement par des dotations gelées en valeur, tandis qu’il faudra prélever sur la fiscalité d’autres collectivités massivement gagnantes. De telles disparités ne seront soutenables qu’avec une péréquation efficace. C’est pourquoi nous proposons notamment qu’une partie des croissances annuelles de produit, au-delà d’un certain seuil, soit partagée avec un Fonds national de péréquation, qui la reversera aux collectivités moins autonomes ou moins favorisées. Pour celles-ci, la péréquation sera le dynamisme minimal qui leur garantira, dans la durée, le maintien en volume de leurs ressources.

Le travail de la mission va continuer sur cette réforme, afin de préciser certains arbitrages concernant notamment la progressivité de la CVA, ou encore la répartition des impôts locaux.

Plus globalement, nous n’estimons pas avoir épuisé avec cette réforme la question de la fiscalité locale. Au contraire, il nous semble que plusieurs chantiers d’importance demeurent devant nous, tels que le régime de la taxe d’habitation. De plus, nous avons conscience qu’une fois la réforme de la taxe professionnelle achevée, ou à tout le moins votée au Parlement, il sera nécessaire d’entamer une révision en profondeur des critères de répartition des dizaines de milliards d'euros que l’État verse chaque année aux collectivités territoriales.

M. le président Didier Migaud. Merci pour ce travail riche, intéressant et dense. Pour utile qu’elle soit, cette contribution n’épuise pas l’ensemble du sujet. Un cadrage général a été présenté par Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, qui tient d’ailleurs compte des premiers travaux de cette mission d’information constituée au sein de notre Commission. Toutefois, de très nombreux arbitrages demeurent en suspens d’ici à la présentation et à la discussion du projet de loi de finances pour 2010. Une des questions essentielles est celle du financement de la réforme : ce sont environ 6,5 milliards d’euros qui restent à dégager pour compenser la suppression de la taxe professionnelle.

M. Jean Launay. On a trop souvent qualifié la taxe professionnelle d’ « impôt imbécile », sans suffisamment se poser la question des conséquences de sa suppression. Les travaux de nos deux collègues montrent qu’il est nécessaire de travailler à une réforme d’ensemble des collectivités locales. Il faut prendre en compte la perspective de suppression de la taxe professionnelle, mais aussi la réforme annoncée de l’organisation des collectivités territoriales ainsi que le contexte dessiné par le Président de la République dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin dernier : maintien d’un grand secteur industriel en France ; allégement des charges pesant sur le travail ; stabilité d’ensemble des prélèvements obligatoires. Ce contexte rend très difficile une juste répartition de la charge fiscale entre les entreprises et les ménages. Actuellement, du fait des dégrèvements, l’État supporte environ la moitié du poids de la taxe professionnelle. D’un autre côté, l’État encourage l’essor des intercommunalités à taxe professionnelle unique.

Le remplacement de l’actuelle cotisation minimale de taxe professionnelle par une cotisation assise sur la valeur ajoutée, au taux unique de 1,5 % sur l’ensemble du territoire, compensera-t-il l’ensemble des moindres produits perçus par les collectivités locales ? Par ailleurs, la jonction entre la réforme de la taxe professionnelle et l’actuelle réflexion sur une future contribution climat énergie ne risque-t-elle pas d’escamoter le débat de fond sur la fiscalité écologique, en le limitant à la seule question de la compensation des 6 ou 7 milliards d’euros qui « manqueraient » en 2010 ?

M. Marc Laffineur, rapporteur. Quel que soit son seuil d’assujettissement, la cotisation sur la valeur ajoutée ne permettra pas de compenser la totalité du coût de la réforme de la taxe professionnelle. C’est d’autant moins possible que cette réforme vise prioritairement à alléger la charge des impôts locaux pour les entreprises. C’est également pourquoi il conviendrait que la possibilité de voter des augmentations du taux de la taxe assise sur les valeurs locatives foncières soit encadrée par le rétablissement d’une règle de liaison des taux.

M. Marc Goua. La cotisation sur la valeur ajoutée n’est pas entièrement convaincante : la valeur ajoutée étant une notion susceptible de manipulation, il y a un risque d’évasion fiscale de la part des grands groupes par l’intermédiaire de filiales extérieures. Les finances locales pourraient s’en ressentir. Par ailleurs, la taxe professionnelle est peut-être un impôt « imbécile », mais sur le terrain les chefs d’entreprise se plaignent davantage du niveau des charges sociales grevant les salaires : c’est un dossier qui devrait être prioritaire.

Quant à la « péréquation horizontale » évoquée par les rapporteurs, il conviendrait de préciser ce que l’on entend par cette expression, car il est à craindre que la réforme de la taxe professionnelle se traduise par un creusement des inégalités entre collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur. Le champ limité de la mission s’inscrit dans le cadre d’un calendrier imposé par la décision du Président de la République – qu’on l’approuve ou non – de réforme de la taxe professionnelle dès 2010. Nous avons conservé l’actuelle assiette assise sur les valeurs locatives foncières, en réaffectant son produit au « bloc communal ». L’équilibre serait par ailleurs garanti, pour les différents niveaux de collectivités, par des dotations budgétaires de l’État.

Certains suggèrent de se référer à la base d’imposition actuelle de l’impôt sur les sociétés. Mais l’exemple allemand montre qu’une telle assiette entraîne de sévères pertes de recettes en période de détérioration économique : le risque est de renforcer la soumission des collectivités locales aux aléas conjoncturels.

Par ailleurs, il faut se féliciter de ce que le Gouvernement ait accepté le principe du découplage de la cotisation sur la valeur ajoutée, qui est favorable à l’autonomie des finances locales. À l’inverse, il convient de limiter autant que faire se peut les dotations de l’État, ces dernières présentant le risque de devenir, à moyen terme, de commodes variables d’ajustement au service du redressement des finances publiques. En visant les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un million d’euros, le produit de la cotisation de 1,5 % serait de 12,8 milliards d’euros, à comparer à un besoin de financement d’un peu moins de 20 milliards d’euros. Dans le scénario gouvernemental « corrigé », l’écart est plus important, le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée étant ramené à 10,5 milliards d’euros : ce sont donc davantage de dotations de l’État qui seraient nécessaires.

M. Marc Laffineur, rapporteur. La réforme aura des effets différenciés d’un niveau de collectivités locales à l’autre, ainsi que d’une collectivité à l’autre. Ses effets pourront, en outre, évoluer dans le temps. C’est pourquoi il importe de prévoir, dès l’entrée en vigueur de la réforme, un mécanisme de péréquation – qui sera toujours susceptible d’adaptations ensuite. Ce mécanisme devra être géré à la fois par l’État et par les collectivités locales.

M. Jean-Pierre Gorges. Cette réforme s’analyse comme un jeu à somme nulle. Les quelque huit milliards d’euros de différence entre les produits apportés par le système actuel et le futur système devront, en tout état de cause, être prélevés d’une manière ou d’une autre : l’État ne fera pas un « cadeau » de huit milliards d’euros !

Par ailleurs, il convient de faire attention aux collectivités locales, et à leurs groupements, qui prennent des engagements à très long terme (par exemple des équipements programmés sur vingt ou trente ans). Certaines de ces collectivités intègrent des perspectives de dynamisme des taux de taxe professionnelle : leur situation financière risque de devenir très dangereuse si leurs prérogatives se limitent à la fixation d’un taux de taxe sur les valeurs locatives foncières, lui-même lié à d’autres taux. En outre, le rôle joué par la valeur ajoutée dans le dispositif proposé risque de nuire aux collectivités les plus dynamiques, en particulier celles qui investissent dans les pôles de compétitivité.

Dans ces conditions, la réforme de la taxe professionnelle n’apparaît-elle pas précipitée ? La question se pose d’autant plus que, du fait de la réforme de l’organisation des collectivités locales menée en parallèle, les territoires pertinents sur lesquels seront appliqués les taux évoqués dans les différents scénarios ne sont, en réalité, pas connus aujourd’hui. Un risque est d’aboutir à davantage de concurrence fiscale entre les collectivités locales et, ainsi, d’aller à l’encontre des objectifs par ailleurs poursuivis avec la mise en œuvre de la loi SRU et avec les schémas de cohérence territoriaux.

M. Jacques Pelissard. Je fais part aux rapporteurs de mon admiration quant au travail accompli. Tous les paramètres (valeur locative foncière, découplage, taux national) sont bien conçus et intéressants dans le cadre d’une réforme globale à conduire. Je formulerai trois remarques : il faut conserver une assiette dynamique pour les intercommunalités et ne pas les exclure de la CVA ; l’opportunité se présente de mettre en œuvre une véritable péréquation au niveau national ; il est important que certains impôts initialement affectés au bloc communal soient mutualisés au niveau des régions (DMTO et TASCOM).

M. Charles de Courson. Au risque de tempérer quelque peu l’enthousiasme, je soulèverai trois interrogations.

Du côté des entreprises, il existe un double problème : l’industrie et les PME. Pour les PME, en raison de la baisse du seuil de 7,6 à 1 million d’euro, le taux progressif ne fait que réduire le nombre des perdants (de 120 000 à 80 000). Je ne vois pas comment on pourra expliquer que des petites entreprises perdront à la réforme alors que les grosses paieront moins. On ne pourra pas tenir sur cette ligne et on réintroduira un plafonnement. Autant le faire tout de suite. Pour les entreprises industrielles, la réforme ne les aide pas suffisamment, malgré les améliorations apportées par rapport au scénario initial du Gouvernement. Pourquoi avoir prévu 15 % de minoration sur les seules VLF ? Par ailleurs, l’euro-compatibilité de cette disposition a-t-elle été vérifiée ?

Du côté des collectivités territoriales, la réforme constitue une perte d’autonomie fiscale. Le groupe Nouveau Centre a toujours défendu l’autonomie fiscale, considérant qu’il s’agit d’un principe de la démocratie locale, seul à même de garantir la responsabilité des élus locaux. Comment remédier à la tendance ? Une série de questions se pose aussi concernant les affectations de recettes. Faut-il affecter la TASCOM au bloc communal ? L’échelon départemental ne serait-il pas préférable ? Est-il possible de territorialiser la valeur ajoutée ? La réforme aboutit à une concentration de l’affectation des impôts sur les entreprises au bloc communal, et il convient d’en tirer les conséquences pour la réforme des collectivités territoriales en posant le principe que les communes sont responsables du développement économique. Ensuite, j’ai toujours défendu le lien entre les élus et le contribuable local. Avec la réforme, ce lien disparaît. Nous savons que le seul impôt pertinent est la CSG. Serait-il possible de laisser aux collectivités la liberté de fixer un taux dans une fourchette comprise entre 1 et 2 % ? Le principe serait de ne pas faire de dotation, d’abaisser le taux national de CSG et de créer un fonds national alimenté par ceux dont le montant de CSG par habitant est supérieur à la moyenne nationale, à concurrence du différentiel. Enfin, il ne faut pas négliger la grande complexité de la mise en œuvre de la réforme car il faudra instituer d’énormes fonds pour gérer les gains et les pertes lors de la réforme mais aussi dans le temps.

Enfin, du côté de l’État, rappelons que le déficit public s’élève à 125-130 milliards d’euros. On peut être cynique et dire que les futures générations paieront, mais en réalité, même avec une reprise de la croissance, il ne leur sera pas possible de résorber le déficit structurel. Une piste existe : la contribution climat énergie. Toutefois, la mission s’est-elle penchée sur l’impact pour les ménages d’une part, pour l’industrie d’autre part, de cet impôt ?

M. Jérôme Cahuzac. La péréquation est nécessaire et doit être améliorée. Je rejoins les constats de mes collègues sur ce point. Cela ne peut se faire que sur une assiette nationale. Je m’interroge sur la proposition qui était initialement faite par la mission d’augmenter temporairement le taux de l’impôt sur les sociétés. Cette idée est-elle abandonnée ? Si la réforme est compensée par dotations aux collectivités locales, où l’État trouvera-t-il les recettes pour les financer ?

M. Marc Laffineur, rapporteur. Il n’est pas exact d’affirmer que disparaît le lien entre les entreprises et les collectivités territoriales. Ce lien demeure au travers de la surface des entreprises et du nombre d’emplois. C’est la meilleure façon et la plus objective de localiser l’assiette imposable. Il y aura bien un intérêt à attirer des entreprises sur son sol. Concernant le lien à long terme, ce lien n’existe plus aujourd’hui dès lors que la base n’est plus dynamique du fait des mécanismes de plafonnement.

Nous ne sommes pas opposés à l’affectation d’une fraction de la CVA aux intercommunalités, demandée par toutes les associations, mais ce qui sera donné à l’un sera pris à l’autre et il faudra définir des compensations. En revanche, pour l’affectation des droits de mutation à titre onéreux, il convient d’être très prudent, car il s’agit d’une assiette dynamique mais cyclique. Si une part n’est plus affectée aux communes, quel sera le dynamisme de la compensation pour ces dernières ? Il serait préférable d’augmenter la péréquation sur les DMTO, plutôt que de supprimer la part communale.

Les 80 000 perdants dont il a été fait mention ne sont pas tous des petites entreprises ; la moitié seulement se range dans cette catégorie. Les entreprises qui perdent sont celles qui ne payaient rien ou presque dans le système actuel du fait de l’absence d’EBM.

S’agissant de la future affectation de la TASCOM, des changements peuvent encore se faire. En ce qui concerne les liens entre les collectivités et les habitants, ils existent toujours pour les départements, les communes et les groupements communaux. Faut-il maintenir le système actuel ? Du point de vue de notre Commission, le système actuel conduit à une déresponsabilisation car il n’y a pas de spécialisation de l’impôt par échelon. Chacun peut augmenter les taux et le maire est in fine le seul responsable politique. Il faut donc responsabiliser. Au sujet de la CSG, la mission n’est pas opposée à une affectation partagée entre les organismes sociaux et les collectivités. Les départements en demandent une partie et le débat parlementaire permettra de faire avancer ce sujet. Enfin, en ce qui concerne la péréquation, nous sommes tous d’accord pour qu’elle soit renforcée.

Quant au bouclage budgétaire, la piste d’une majoration temporaire de l’IS est maintenue dans le rapport. Elle doit permettre d’équilibrer le coût de la réforme, mais elle n’est pas suivie par tout le monde. Le souci de notre Commission est de ne pas alourdir le déficit de l’État. L’augmentation de l’impôt sur les sociétés permet de répondre immédiatement au problème du creusement du déficit, tandis que la contribution climat énergie, même si c’est une bonne idée, ne permettrait que difficilement de trouver 5 à 6 milliards d’euros dès l’année prochaine.

M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur. De nombreuses questions ont soulevé à juste titre les problèmes d’articulation entre la réforme des institutions et la réforme de la taxe professionnelle. Il est difficile d’assurer cette cohérence, car il faut apporter une réponse dès à présent au sujet de la taxe professionnelle. Idéalement, il aurait fallu concevoir une architecture globale, puis les moyens de sa mise en œuvre ; hélas, la mission a œuvré dans un calendrier qu’elle n’a pas choisi. D’autre part, sur les 80 000 perdants de la réforme, 40 000 sont en réalité de grosses entreprises. Dans notre dispositif, les industries sont clairement avantagées. À propos des PME, je rappelle qu’elles paient actuellement 5 milliards sur 7 au titre des EBM. Nous ne nous sommes donc pas trompés de cible : les PME gagneraient massivement à la seule disparition des EBM. Dans notre scénario, le seuil d’assujettissement est fixé à 1 million d’euros. Le scénario de Bercy propose un système où l’entrée est moins brutale, avec un seuil de 500 000 euros et une pente progressive avec un point de sortie beaucoup plus haut. Le débat parlementaire tranchera sur ce point car le scénario de Bercy, au lieu de générer 12,8 milliards d’euros, n’en produit que 10,5 milliards.

Au sujet du financement de la réforme, la position de la mission a été de majorer l’impôt sur les sociétés de façon temporaire, en attendant de connaître le rendement exact de la part de la contribution climat énergie pesant sur les entreprises. Il s’agit d’éviter que cette contribution, d’une part, amène les ménages à financer la réforme de la taxe professionnelle et, d’autre part, qu’elle pénalise l’industrie. La mission propose donc un système intermédiaire de financement transitoire par l’impôt sur les sociétés.

M. le président Didier Migaud. La mission rappelle le principe selon lequel toute réforme doit être financée et c’est bien le rôle de notre Commission.

M. Jean-Pierre Balligand, rapporteur. Je souhaite préciser que la diminution de 15 % des valeurs locatives foncières représente la moitié de l’écart constaté, depuis 1980, entre les valeurs des locaux industriels et les valeurs locatives commerciales.

La Commission autorise la publication du présent rapport d’information.

1 () Quinzième rapport du conseil des impôts, 1997, page 18.

2 () Ibid.

3 () Source : rapport public annuel 2009 de la Cour des comptes.

4 () Ibid.

5 () Ibid.

6 () Toutes les données sur les taux d’effort des entreprises proviennent de la DGFiP. Elles ont pour base la situation des 2 888 633 redevables de la taxe professionnelle, dont 871 183 sont de CA ou de VA inconnu et ne sont par conséquent pas ventilés.

7 () Activités imposables définies à l’article 1447 du code général des impôts ; exonération des activités artisanales (art. 1452) ou assimilées (taxis, ambulanciers, pêcheurs…. art. 1453), des activités agricoles (art. 1450), des activités non commerciales (activités artistiques, sages-femmes, sportifs, etc. art. 1460), de certaines entreprises de presse, des marchands ambulants et vendeurs à domicile (art. 1456 à 1458 et 1463).

8 () Dans ce scénario, il n’est pas tenu compte du maintien de la fiscalité indirecte et des multiples taxes de faible produit dont bénéficient déjà les collectivités territoriales et leurs groupements, et qui ne sont pas affectées par la réforme.

9 () Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2009 – Voies et moyens

10 () Source : Annuaire statistique de la DGFiP.

11 () À l’évidence, il ne peut être avancé que ce taux de 3,6 % vise à permettre à l’État de couvrir aussi les dégrèvements décidés par le législateur et compensés aux collectivités territoriales, alors même que ceux-ci représentent un allègement volontaire de la fiscalité locale que l’État doit assumer sur les moyens du budget général.

12 () Y compris frais pour dégrèvements et admission en non valeur.

13 () Article 72 : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.

Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

14 () Article 72-2 : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre. (…)»

15 () Les données servant de base à ce calcul proviennent de l’annuaire statistique pour 2007, publié par la DGFiP. Les propriétés non bâties sont évaluées au total à 2 726 millions d'euros dont seulement 0,4 % peuvent être attribués à des professionnels redevables de la taxe professionnelle actuelle. Les propriétés bâties sont évaluées au total à 142 569 millions d'euros, et en leur sein les locaux des redevables de la taxe professionnelle actuelle forment un total de 45 134 millions d'euros, soit 32 % du total.

16 () Toutefois, la part de la TFPB conservée par les départements sera impactée par la minoration des VLF des établissements industriels. Cette minoration entraînerait une baisse de 102 millions d'euros du produit de cette part.


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