N° 3177 - Rapport d'information de M. Étienne Blanc déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures



N° 3177

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 février 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

dÉposÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur les carences de l’exécution des peines et
l’évaluation de l’application Cassiopée
,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Étienne BLANC,

Député,

en conclusion des travaux d’une mission d’information présidée par

M. Jean-Luc WARSMANN (1)

Député.

——

La mission d’information est composée de :

M. Jean-Luc Warsmann, président ; Mme Delphine Batho, M. Christian Vanneste, vice-présidents ; MM. Étienne Blanc, Michel Zumkeller, rapporteurs ; MM. Jacques Alain Bénisti, Serge Blisko, Marcel Bonnot, François Calvet, Christophe Caresche, François Deluga, Éric Diard, Guy Geoffroy, Claude Goasguen, Philippe Houillon, Mmes Maryse Joissains-Masini, Marietta Karamanli, MM. Jean-Christophe Lagarde, Jérôme Lambert, Bruno Le Roux, Dominique Raimbourg, Jacques Valax, Manuel Valls, François Vannson, Michel Vaxès, Jean-Sébastien Vialatte, Philippe Vuilque.

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : UNE SITUATION TOUJOURS PRÉOCCUPANTE ET INACCEPTABLE EN MATIÈRE D’EXÉCUTION DES PEINES 9

I. L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE : PRIORITÉ DE LA COMMISSION DES LOIS DEPUIS 2007 9

A. SESSION 2007- 2008 : « JUGER, ET APRÈS ? » 9

1) Juillet 2007 : création d’une mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale pour la durée de la XIIIe législature 9

2) Juillet 2008 : adoption d’une proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines 10

B. SESSION 2008-2009 : « JUGER ET SOIGNER : LUTTER CONTRE LES PATHOLOGIES ET ADDICTIONS À L’ORIGINE DE LA RÉCIDIVE » 12

1) Quarante-trois propositions pour renforcer l’efficacité du suivi socio-judiciaire et de la prise en charge des personnes placées sous main de justice… 12

2) … pour une mise en œuvre concrète dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et la loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle du 10 mars 2010 13

C. SESSION 2009-2010 : CASSIOPÉE OU LE DÉFI D’UNE JUSTICE MODERNE ET DÉMATÉRIALISÉE 13

1) Réaliser un bilan statistique de l’exécution des décisions de justice pénale 14

2) Évaluer le déploiement de l’application Cassiopée 14

3) Évaluer la dématérialisation complète des procédures de la chaîne pénale 15

II. UNE DÉGRADATION SENSIBLE DES DÉLAIS D’AUDIENCEMENT, DE JUGEMENT ET D’INSCRIPTION AU CASIER JUDICIAIRE 15

A. DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS 15

B. DEVANT LES COURS D’ASSISES 19

C. DÉLAIS D’INSCRIPTION DES DÉCISIONS AU CASIER JUDICIAIRE 20

1) Alors que le délai moyen de réception de l’extrait de condamnation par le casier judiciaire national continue d’augmenter… 20

2) … le délai moyen d’enregistrement des décisions par le casier judiciaire national s’est sensiblement réduit. 22

III. UNE EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE EXTRÊMEMENT INSATISFAISANTE 23

A. LES PEINES D’EMPRISONNEMENT 23

B. LES TRAVAUX D’INTÉRÊT GÉNÉRAL (TIG) 24

IV. DES PROGRÈS SUBSTANTIELS ACCOMPLIS POUR LE RECOUVREMENT DES AMENDES 26

A. UNE DIMINUTION TRÈS NETTE DES DÉLAIS DE RECOUVREMENT ET DE PRISE EN CHARGE DES EXTRAITS-FINANCES 26

1) Délai de recouvrement 26

2) Délai de transmission des relevés de condamnation aux services du ministère des Finances 26

B. UNE AMÉLIORATION SENSIBLE DU TAUX DE RECOUVREMENT DES AMENDES 27

1) Recouvrement des amendes forfaitaires 27

2) Recouvrement des amendes contentieuses 28

V. UNE VISION ENCORE TROP LACUNAIRE DE L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE 29

A. DES OUTILS STATISTIQUES N’OFFRANT QU’UNE VISION LACUNAIRE ET IMPARFAITE DE LA SITUATION DE L’EXÉCUTION DES PEINES 30

B. LANCER UN PLAN NATIONAL EXCEPTIONNEL POUR L’AMÉLIORATION DE L’EXÉCUTION DES PEINES 32

DEUXIÈME PARTIE : CASSIOPÉE, UNE ÉTAPE DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA CHAÎNE PÉNALE 35

I. UNE CONCEPTION QUI PORTE EN ELLE DÈS L’ORIGINE LES DIFFICULTÉS PRÉSENTES ET À VENIR DE CASSIOPÉE 35

A. LE PROJET CASSIOPÉE : REMÉDIER À L’OBSOLESCENCE DES APPLICATIONS INFORMATIQUES DE LA JUSTICE PÉNALE 36

1) Des applications informatiques utilisées par les juridictions pénales devenues totalement obsolètes… 36

2) … que l’application Cassiopée a vocation à remplacer. 37

B. CASSIOPÉE : UN PROJET TROP AMBITIEUX ET VOLONTARISTE DANS SA CONCEPTION 38

1) Un calendrier bien trop ambitieux au regard de la complexité technique du projet 38

2) Un budget ambitieux à l’image du projet Cassiopée 40

3) L’insuffisante prise en compte des besoins métiers des magistrats et des greffiers 42

C. LA SOUS-ESTIMATION DE L’IMPORTANCE QUE REVÊT LE PILOTAGE D’UN PROJET COMME CASSIOPÉE 45

1) Une gouvernance faisant intervenir de multiples acteurs tant publics que privés 45

2) La gouvernance s’est rapidement avérée inadaptée au projet Cassiopée 45

D. DES PARTENARIATS PARFOIS DIFFICILES AVEC LES PRESTATAIRES EXTÉRIEURS DÈS LA CONCEPTION DE CASSIOPÉE 47

II. UN DÉPLOIEMENT QUI AURAIT PU ÊTRE COMPROMIS SANS LES EFFORTS IMPORTANTS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE 49

A. UN DÉPLOIEMENT DE CASSIOPÉE EN PARTIE SOUS-ESTIMÉ ET INSUFFISAMMENT PRÉPARÉ 50

1) Une information globalement satisfaisante des utilisateurs… 50

2) … mais une formation qui reste largement perfectible 52

3) La reprise des données dans Cassiopée : l’accumulation d’importants retards dans l’enregistrement des procédures 54

B. UN DÉPLOIEMENT QUI A MIS EN LUMIÈRE DE MANIÈRE ÉDIFIANTE LES LACUNES ET LES FAIBLESSES DE CASSIOPÉE 56

1) Des temps de saisies des dossiers parfois plus longs au bureau d’ordre et à l’audiencement 56

2) Une application en partie inadaptée à l’instruction et à la justice pénale des mineurs 57

3) Des ruptures d’accès et des ralentissements fréquents risquant de compromettre les procédures traitées en temps réel 59

4) Des trames rigides et des éditions problématiques : un risque majeur d’insécurité juridique 61

5) L’exécution des peines : la grande oubliée de Cassiopée ? 62

6) Un infocentre défaillant : une déception majeure pour les juridictions 64

7) Des difficultés persistantes qu’il convient de résoudre rapidement 65

8) Une application jugée peu fonctionnelle et peu conviviale 66

C. LES EFFORTS SALUTAIRES ENGAGÉS PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE POUR NE PAS COMPROMETTRE LE PROJET CASSIOPÉE 66

1) L’électrochoc du tribunal de grande instance de Bordeaux… 67

2) … a suscité une réponse énergique et salutaire du ministère de la Justice 67

D. CASSIOPÉE À L’ÉPREUVE DES FAITS : UN SUCCÈS EN DEVENIR 68

1) Une appréciation nuancée des utilisateurs de Cassiopée 68

2) Des promesses qu’il faut concrétiser au plus vite 69

CONCLUSION : POURSUIVRE ET AMPLIFIER LA DÉMATÉRIALISATION DE LA CHAÎNE PÉNALE 75

AUDITION DE M. MICHEL MERCIER, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ET EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION 79

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION 105

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION 107

ANNEXES 113

Mesdames, Messieurs,

La prévention et la lutte contre la récidive sont aujourd’hui des enjeux majeurs pour la liberté et la sécurité quotidiennes de nos concitoyens. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la vive émotion que suscite la commission d’un crime ou d’un délit particulièrement grave par une personne déjà condamnée par la justice pour les mêmes faits.

Dès lors une question se pose : pourquoi le passage entre les mains de la justice et la condamnation pénale qui en découle n’empêchent-ils pas la commission des mêmes faits par les mêmes auteurs quelques années voire seulement quelques mois après ? Tout décideur public qui veut répondre à cette question doit partir d’une vérité simple et pourtant trop souvent oubliée : toute condamnation pénale sans exécution rapide et effective de la peine est vaine.

Comme l’avait souligné le premier rapport de la mission d’information (2), pendant longtemps, l’exécution des décisions de justice pénale a été la grande oubliée de la chaîne pénale. Tout se passait comme si l’ensemble des acteurs intéressés par le droit pénal et la procédure pénale considérait que, une fois les poursuites engagées, l’affaire jugée et la peine prononcée, la paix civile était rétablie et la justice pénale avait achevé son intervention. Ce désintérêt pour l’exécution des sanctions a abouti à une situation absurde, souvent qualifiée de « justice virtuelle » ou « justice fictive ». Les services de police et de gendarmerie mettaient en œuvre des moyens importants pour élucider des infractions, la justice poursuivait, jugeait, condamnait, mais la question de savoir si la décision prononcée était exécutée et, si elle était exécutée, quand et comment elle l’était, était laissée de côté.

Ce n’est que récemment que la question de l’exécution des décisions de la justice pénale est réellement devenue une préoccupation des différents acteurs de la chaîne pénale. Le rapport de M. Jean-Luc Warsmann sur les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, remis le 28 avril 2003 au garde des Sceaux, a enfin permis de placer cette question sur le devant de la scène, en mettant à jour la situation catastrophique de l’exécution des peines et en proposant des mesures concrètes d’ordre législatif, réglementaire ou pratique pour améliorer les taux et les délais de mise à exécution des peines ainsi qu’une politique ambitieuse de développement des aménagements de peine (3).

Soucieuse d’améliorer l’exécution des décisions de justice pénale et de conférer à cette question une importance particulière, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a décidé, dès juillet 2007, de mettre cette question sur le devant de la scène, en créant une mission d’information sur la durée de toute la XIIIe législature.

Pour la troisième étape de ses travaux, les membres de la mission ont souhaité répondre à une question simple, mais pourtant essentielle : où en sommes-nous aujourd’hui en matière d’exécution des peines ?

Le bilan statistique réalisé à cette fin par la mission d’information met en lumière un constat sans appel : en dépit des efforts réalisés ces dix dernières années, la situation de l’exécution des décisions de justice en France n’est pas satisfaisante. Les peines, lorsqu’elles sont effectivement exécutées, le sont, le plus souvent, tardivement. Cette situation, qui fait perdre son sens et sa crédibilité à la décision de justice, tant pour les condamnés, que pour les victimes, est d’autant plus inacceptable que les lois existent, mais qu’elles ne sont pas appliquées (I).

Si les statistiques disponibles font apparaître une dégradation sensible de l’exécution des peines ces dernières années, elles n’offrent en réalité qu’une vision lacunaire et imparfaite de la situation. En effet, dans ce domaine, tant la fiabilité que l’exhaustivité des statistiques restent conditionnées au déploiement effectif de l’application Cassiopée. C’est pourquoi, la mission a souhaité compléter son bilan statistique en matière d’exécution des peines par l’évaluation concrète et précise du déploiement de l’application Cassiopée au sein des juridictions françaises (II).

PREMIÈRE PARTIE : UNE SITUATION TOUJOURS PRÉOCCUPANTE ET INACCEPTABLE EN MATIÈRE D’EXÉCUTION DES PEINES

Parce que le dernier état statistique de l’exécution des peines réalisé par la commission des Lois remontait à 2007, les membres de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale ont décidé, lors de sa réunion du 6 avril 2010, de procéder à un nouveau bilan statistique de l’évolution des délais de jugement et de l’exécution des décisions de justice pénale. Or, dans ce domaine, tant la fiabilité que l’exhaustivité des statistiques sont loin d’être garanties et restent conditionnées au déploiement effectif de l’application Cassiopée (cf. deuxième partie).

I. L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE :
PRIORITÉ DE LA COMMISSION DES LOIS DEPUIS 2007

« Plus le châtiment sera prompt, plus il suivra de près le crime qu’il punit, plus il sera juste et utile » (4). Cette célèbre phrase que l’on doit à Cesare Beccaria résume à elle seule l’ambition qui anime la commission des Lois de l’Assemblée nationale au cours de cette XIIIe législature, qui s’est fixée pour objectif « de faire en sorte que, à l’issue de la présente législature, l’exécution des décisions de justice pénale ne soit plus un problème mais une réalité pour 100 % des décisions » (5). C’est le sens des deux rapports que la mission a remis depuis 2007.

A. SESSION 2007- 2008 : « JUGER, ET APRÈS ? » (6)

1) Juillet 2007 : création d’une mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale pour la durée de la XIIIe législature

Alors que pendant très longtemps, l’exécution des décisions de la justice pénale a été la grande oubliée de la chaîne pénale, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a décidé, en juillet 2007, de mettre cette question sur le devant de la scène, en créant une mission d’information sur la durée de toute la législature.

La première étape de ses travaux (session 2007-2008) avait été l’occasion de mettre à jour la situation catastrophique de l’exécution des peines et de proposer des mesures concrètes d’ordre législatif, réglementaire ou pratique pour améliorer les taux et les délais de mise à exécution des peines.

Les vingt-cinq auditions et dix-huit déplacements réalisés dans ce cadre avaient ainsi permis d’identifier les multiples points de rupture dans la chaîne pénale, entendue au sens le plus large, c’est-à-dire de l’engagement des poursuites à l’exécution de la décision. Aussi votre rapporteur avait-il déjà constaté qu’il y avait « rupture lorsqu’une décision contradictoire à signifier ne peut, faute de signification à personne, devenir définitive et être mise à exécution, (…) lorsqu’un jugement n’est pas dactylographié et enregistré avant plusieurs semaines ou plusieurs mois, (…) lorsque le condamné ne peut pas s’acquitter de la peine d’amende à laquelle il a été condamné au bureau de l’exécution des peines (BEX), (…) lorsque le début d’exécution d’une mesure de sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou de travail d’intérêt général (TIG) est différé de façon excessive, ou lorsqu’un aménagement de peine décidé par le juge de l’application des peines (JAP) ne peut être mis en place faute de place disponible » (7).

Or, ces ruptures en chaîne ne sont pas sans incidence sur les taux et délais d’exécution des décisions de justice pénale. Ainsi, votre rapporteur avait rappelé en 2007 (8) que le taux de recouvrement de l’ensemble des amendes prononcées par ordonnance pénale ou par jugement correctionnel n’était que de 50 %. En outre, bien que le taux global de recouvrement des amendes ait progressé entre 2003 et 2007 pour s’établir à 76 %, le taux de recouvrement contentieux a chuté de treize points en 10 ans, passant de 44,4 % en 1995 à 31,6 % en 2004 (9).

Pour les peines d’emprisonnement, votre rapporteur avait noté qu’une peine d’emprisonnement sur cinq et qu’un TIG sur dix n’étaient pas exécutés près de trois ans après leur prononcé. Était également pointée la durée excessive des délais de mise à exécution des peines : en 2004, le délai moyen de mise à exécution d’une peine d’emprisonnement ferme était de 7,2 mois, celui du travail d’intérêt général de 4,9 mois ; le délai moyen de recouvrement des amendes pénales était, quant à lui, de 6,2 mois.

Après avoir identifié les points de rupture de la chaîne pénale qui aboutissent à une inexécution ou à une exécution tardive des décisions, la mission avait formulé quarante-neuf propositions visant à améliorer les taux, les délais et les conditions d’exécution des peines. Dans cette perspective, elles s’articulaient autour de quatre priorités d’action : la création d’un dossier informatique judiciaire unique, la généralisation de l’exécution des décisions de justice en temps réel, le développement des peines alternatives à la prison et le renforcement des droits des victimes.

2) Juillet 2008 : adoption d’une proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines

Les propositions de nature législative formulées par la mission, à l’exception de celles relatives aux aménagements de peines, qui ont trouvé leur place dans la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, ont ensuite fait l’objet d’une proposition de loi déposée, le 10 janvier 2008, par M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des Lois, et votre rapporteur.

Dans des délais d’une brièveté remarquable, la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines a été discutée, puis définitivement promulguée le 1er juillet 2008, soit moins d’un an après la publication du premier rapport de la mission d’information, illustrant parfaitement la détermination de la commission des Lois à renforcer durablement la crédibilité de l’action de la justice en matière d’exécution des décisions de justice pénale.

En premier lieu, la loi n° 2008-644 du 1er juillet 2008 créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l’exécution des peines comporte plusieurs mesures destinées à encourager la présence des prévenus à l’audience et à améliorer l’efficacité de la signification des décisions. A cette fin :

—  l’article 4 incite les prévenus à se présenter ou à se faire représenter à l’audience correctionnelle, en majorant le droit fixe de procédure dû par chaque condamné en cas d’absence injustifiée. La majoration peut toutefois être écartée si le prévenu s’acquitte du montant du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter du jour où il a eu connaissance de la décision (article 1018 A du code général des impôts et articles 390 et 390-1 du code de procédure pénale) ;

—  l’article 5 répond au manque de diligence de certains huissiers de justice pour procéder à la signification des décisions en matière pénale, en imposant un délai de quarante-cinq jours pour procéder aux significations de jugements. À l’expiration de ce délai, le ministère public peut faire procéder à la signification par les services de police ou de gendarmerie (article 559-1 du code de procédure pénale).

La loi comprend ensuite plusieurs dispositions visant à améliorer l’exécution des peines d’amendes et de suspension ou de retrait du permis de conduire. Dans cette perspective :

—  l’article 8 permet désormais au Trésor public d’accorder des remises totales ou partielles d’amendes forfaitaires majorées, comme il peut le faire en matière d’amendes fiscales ou d’impositions (article 530-4 du code de procédure pénale) ;

—  l’article 10 donne aux autorités judiciaires un accès direct au fichier national des permis de conduire (FNPC), afin de faciliter l’exécution des peines de suspension ou de retrait de permis de conduire et de simplifier la tâche des bureaux de l’exécution des peines (article L. 225-4 du code de la route) ;

—  l’article 11 aligne les conditions de paiement du droit fixe de procédure sur celles du paiement de l’amende : ce droit peut être payé volontairement dans le mois suivant le prononcé de la décision, même si aucune amende n’a été prononcée, et la réduction de 20 % est étendue au droit fixe (article 707-2 du code de procédure pénale).

B. SESSION 2008-2009 : « JUGER ET SOIGNER : LUTTER CONTRE LES PATHOLOGIES ET ADDICTIONS À L’ORIGINE DE LA RÉCIDIVE »

1) Quarante-trois propositions pour renforcer l’efficacité du suivi socio-judiciaire et de la prise en charge des personnes placées sous main de justice…

Pour la deuxième étape de ses travaux (session 2008-2009), la mission d’information avait souhaité prolonger ses travaux en se consacrant à la question de l’évaluation du suivi socio-judiciaire et de la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice.

L’ambition constante de votre rapporteur, au cours de ses travaux, avait été d’analyser les conditions dans lesquelles le soin et la peine interagissaient afin de réinsérer les personnes condamnées et de prévenir la récidive. En effet, l’exécution d’une peine, quelle qu’elle soit (prison, suivi socio-judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve…), est vaine si elle ne s’accompagne pas d’une prise en charge – notamment sanitaire et psychiatrique – adaptée.

Au terme des vingt-six auditions, quatre tables rondes et cinq déplacements qu’il avait réalisés, votre rapporteur avait considéré que de nombreux défis devaient être relevés en matière de santé et justice.

En prison tout d’abord : la qualité et la continuité des soins dispensés aux détenus sont loin d’être équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population, alors même que l’état de santé de ces personnes est particulièrement dégradé.

En matière de soins pénalement ordonnés ensuite : le suivi socio-judiciaire et l’injonction de soins se heurtent trop souvent, faute de moyens adéquats, à la pénurie de médecins psychiatres, alors même que l’extension de ces mesures risque de leur faire perdre une grande partie de leur efficacité.

En matière de troubles liés à l’alcool enfin : la rencontre avec la justice (conduites en état alcoolique, ivresses publiques et manifestes, etc.) demeure bien souvent une opportunité manquée de prévention et de prise en charge.

Afin de remédier à ces difficultés et renforcer la lutte contre la récidive, la mission avait formulé quarante-trois propositions, s’articulant autour de trois axes : l’amélioration de l’articulation entre santé et justice pour une meilleure prise en charge des personnes détenues, la redynamisation du suivi socio-judiciaire et le renforcement de la prise en charge et de la prévention des infractions liées à l’alcool.

2) … pour une mise en œuvre concrète dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et la loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle du 10 mars 2010

Si les conclusions du deuxième rapport de la mission d’information n’ont pas donné lieu, sur le modèle du premier rapport, au dépôt, puis à l’adoption d’une proposition de loi dédiée à l’amélioration de la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice, les propositions d’ordre législatif ont été reprises dans différents textes dont le Parlement a été saisi.

Ainsi, la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 a permis la mise en application de deux propositions faites par la mission en vue d’améliorer le pilotage « santé et justice » au niveau régional :

—  l’article L. 1431-2 du code de la santé publique confie aux agences régionales de santé la double mission, d’une part, d’évaluer et d’identifier les besoins sanitaires des personnes en détention et, d’autre part, de définir et de réguler l’offre de soins en milieu pénitentiaire ;

—  l’article L. 1434-9 du même code prévoit dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire la fixation des objectifs et des moyens dédiés à l’offre de soins en milieu pénitentiaire.

De la même manière, la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale reprend plusieurs propositions formulées par la mission. Ainsi, l’article 763-6 du code de procédure pénale prévoit désormais, avec l’accord du parquet et après audition du condamné et avis du médecin coordonnateur, de mettre fin à un suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, y compris si le suivi a été prononcé à titre de peine principale.

En effet, compte tenu de la nécessité d’assurer l’effectivité maximale au suivi socio-judiciaire lorsqu’il est nécessaire en vue de prévenir la récidive ou la réitération, cette possibilité de cessation anticipée des peines de suivi socio-judiciaire qui n’ont plus d’objet permet à l’ensemble des acteurs chargés de l’exécution de cette peine – JAP, services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et médecins traitants et coordonnateurs – de concentrer davantage leur attention sur les cas pour lesquels un suivi intensif demeure nécessaire.

C. SESSION 2009-2010 : CASSIOPÉE OU LE DÉFI D’UNE JUSTICE MODERNE ET DÉMATÉRIALISÉE

Pour la troisième étape de ses travaux (session 2009-2010), la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale a défini trois nouveaux axes de travail.

1) Réaliser un bilan statistique de l’exécution des décisions de justice pénale

Lors de sa réunion du 6 avril 2010, la mission a formulé le souhait de procéder, dans un premier temps, à la réalisation d’un nouveau bilan statistique sur l’exécution des peines pénales (délai et taux d’exécution des peines pour chaque type de sanction prononcée, délai et taux de recouvrement des peines d’amendes, délai d’enregistrement par le casier judiciaire national, délais de signification des jugements, délais d’audiencement et de jugement…).

En effet, certains membres de la mission ont eu le sentiment, d’après les informations remontant du terrain, que les choses ne s’amélioraient pas forcément. Parce que l’amélioration en matière d’exécution des peines exige le suivi régulier d’objectifs et d’indicateurs permettant une évaluation quantitative précise de l’exécution des décisions de justice pénale, il a semblé nécessaire à la mission de confronter, grâce à la réalisation d’un bilan statistique, ces retours d’expériences à la réalité chiffrée de l’exécution des peines.

Afin de réaliser ce bilan statistique et de porter sur la réalité de l’exécution des décisions de justice pénale une appréciation aussi exhaustive qu’objective, M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des Lois et président de la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale, a adressé au ministre de la Justice et des Libertés, par un courrier en date du 26 avril 2010, un questionnaire détaillé comportant cent questions (cf. annexe n° 1).

Sur la base des réponses qui ont été adressées, le 8 juin 2010, votre rapporteur a souhaité obtenir des explications complémentaires sur les grandes tendances qui se dessinaient et a, à cette fin, auditionné Mme Maryvonne Caillibotte, directrice des affaires criminelles et des grâces, M. Cyril Lacombe, chef du pôle d’évaluation des politiques pénales et Mme Bénédicte Bertrand, adjointe au bureau de l’exécution des peines et grâces.

2) Évaluer le déploiement de l’application Cassiopée

Or, dans ce domaine, tant la fiabilité que l’exhaustivité des statistiques restent conditionnées au déploiement effectif de l’application Cassiopée. C’est pourquoi, la mission a décidé de compléter son bilan statistique en matière d’exécution des peines par l’évaluation du déploiement de l’application Cassiopée au sein des juridictions.

En effet, les problèmes spécifiques que semble poser la mise en œuvre de Cassiopée dans les juridictions, paraissent justifier que la mission s’y consacre pleinement au cours de la troisième étape de ses travaux.

Cassiopée est une chaîne informatique destinée à remplacer les applications pénales aujourd’hui existantes dans les juridictions de première instance et d’appel. Les principaux objectifs de cette nouvelle application sont, d’une part, de permettre la maîtrise de la totalité du processus pénal, d’autre part, d’optimiser les temps de traitements procéduraux et, enfin, de fiabiliser les informations et de garantir un pilotage efficient.

Alors même que cette application revêt une importance majeure en matière de suivi quantitatif et qualitatif de l’exécution des peines, le déploiement de cette application a pris un retard considérable par rapport au calendrier initial. En outre, d’importantes difficultés techniques et pratiques sont apparues dans les juridictions, où a été déployée l’application Cassiopée. Le Parlement et, a fortiori, la mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale, ne pouvait pas se tenir à l’écart d’un projet si ambitieux.

3) Évaluer la dématérialisation complète des procédures de la chaîne pénale

Au-delà de l’évaluation du déploiement de l’application Cassiopée, c’est la dématérialisation complète des procédures – contraventionnelles et correctionnelles – de la chaîne pénale qui est en jeu. Il s’agit-là d’un chantier d’une grande ampleur, posant notamment la question de l’authentification des signatures électroniques des différents acteurs (témoins, mis en cause et avocats notamment), du sort des annexes aux procédures (comme les scellés) ainsi que du partage d’informations dématérialisées entre l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale entendu au sens large (avocats, magistrats, huissiers…).

Se pencher sur la question du bilan statistique des délais de jugement et d’exécution des peines ainsi que de Cassiopée est donc la suite logique des deux précédents rapports de la mission.

II. UNE DÉGRADATION SENSIBLE DES DÉLAIS D’AUDIENCEMENT, DE JUGEMENT ET D’INSCRIPTION AU CASIER JUDICIAIRE

Néanmoins, malgré les nombreuses avancées accomplies en la matière ces dernières années, l’exécution des peines peut et doit encore être améliorée. La chaîne pénale connaît encore des ruptures qui nuisent à l’exécution des décisions de la justice pénale. Et les chiffres ne souffrent, en ce domaine, aucune contestation.

A. DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS

Dans sa réponse en date du 8 juin 2010, le ministère de la Justice et des Libertés a indiqué que le délai d’audiencement était « actuellement inconnu pour l’ensemble des juridictions françaises ». Seules les juridictions d’Île-de-France, utilisant l’application informatique Nouvelle chaîne pénale (NCP), bénéficient d’un infocentre permettant d’apprécier ce délai moyen.

PRÉCISIONS TERMINOLOGIQUES

Le délai total de traitement d’une affaire correctionnelle est le délai qui s’écoule entre l’enregistrement de l’affaire au bureau d’ordre et le jugement.

Le délai de poursuite est le délai qui s’écoule de l’enregistrement de l’affaire au bureau d’ordre aux poursuites.

Le délai d’audiencement est le délai qui s’écoule entre les poursuites et la première audience de jugement.

La durée de jugement mesure le temps écoulé après l’audiencement des affaires, entre le passage à la première audience et le jugement rendu par la juridiction.

À partir des données extraites de l’infocentre de NCP (cf. tableau infra), il apparaît que le délai de traitement d’une affaire devant les tribunaux correctionnels s’est établi, en 2010, à 8,6 mois, enregistrant au passage une aggravation de plus de 11 % par rapport à 2005.

DÉLAIS D’AUDIENCEMENT ET DE JUGEMENT (EN MOIS)
DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS ET LES TRIBUNAUX POUR ENFANTS

 

Délai total de traitement

Dont délai de poursuite

Dont délai d’audiencement

Dont durée de jugement

2005

7,7 mois

2,5 mois

1,9 mois

3,3 mois

2006

7,9 mois

2,9 mois

2,2 mois

2,9 mois

2007

8,1 mois

3 mois

2,1 mois

3 mois

2008

7,8 mois

2,9 mois

1,9 mois

3 mois

2009

8,2 mois

3,1 mois

2,1 mois

2,9 mois

2010

8,6 mois

3,2 mois

2,3 mois

3 mois

Évolution 2005/2010

+ 11,7 %

+ 28 %

+ 21 %

- 9 %

(Source : juridictions NCP)

Si cette hausse est, en elle-même, inquiétante, elle ne doit pas conduire à occulter le fait qu’il ne s’agit-là que d’un délai moyen, qui ne tient pas compte des différents modes de poursuites.

Or, entre 2005 et 2008, alors que le nombre total de poursuites devant les tribunaux correctionnels a progressé de près de 3 %, on observe sur la même période une augmentation très nette des procédures simplifiées plus rapides, comme la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (+ 107 %) ou bien encore l’ordonnance pénale (+ 28,7 %).

POURSUITES DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL ENTRE 2005 ET 2008

 

2005

2006

2007

2008

Évolution 2005/2008

Comparution immédiate

46 601

45 416

46 233

45 369

- 2,6 %

Convocation par procès-verbal du procureur de la République

15 783

14 492

16 801

17 511

+ 11 %

Convocation par procès-verbal de l’officier ou l’agent de police judiciaire

217 625

211 197

200 360

194 301

- 10,7 %

Citation directe

103 043

99 650

90 747

81 129

- 21,3 %

Ordonnance pénale

105 765

129 577

129 914

136 124

+ 28,7 %

Requête en homologation dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)

27 200

50 250

49 172

56 326

+ 107 %

Nombre total de poursuites devant le tribunal correctionnel

516 017

550 582

533 767

530 760

+ 2,9 %

(Source : annuaire statistique de la justice 2009-2010)

Aussi, si l’on ne devait pas tenir compte de ces procédures pour lesquelles le délai de traitement est plus réduit – comparutions immédiates, ordonnances pénales et comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) –, force serait de reconnaître que le délai de traitement devant les tribunaux correctionnels excède largement le chiffre précité de 8,6 mois et que la hausse enregistrée depuis 2005 est bien supérieure à 11 %.

Par ailleurs, ces données sont extraites de l’application Nouvelle Chaîne Pénale (NCP), qui ne concerne donc que les affaires jugées dans les sept juridictions franciliennes qui en sont équipées.

Afin de bénéficier de données représentatives de l’ensemble des juridictions françaises, la direction des affaires criminelles et des grâces a réalisé, en 2009, une étude portant sur les délais correctionnels à partir des condamnations inscrites au casier judiciaire national. Ces délais de réponse pénale sont calculés entre la date des faits et celle de la condamnation, seules dates inscrites au casier judiciaire national.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution sur neuf années de l’activité des juridictions correctionnelles et des délais de réponse correctionnelle observés.

ACTIVITÉ ET DÉLAIS DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS ENTRE 2000 ET 2009

Année

Total décisions correctionnelles (avec compositions pénales)

Condamnations (hors composition pénale) : délai en mois

Décisions (condamnations et compositions pénales) : délai en mois

2000

397 644

9,6 mois

9,6 mois

2001

382 046

9,8 mois

9,8 mois

2002

395 159

9,7 mois

9,7 mois

2003

423 796

9,5 mois

9,5 mois

2004

466 420

10 mois

10 mois

2005

539 519

10,3 mois

9,9 mois

2006

589 589

10,6 mois

10,2 mois

2007

597 197

10,9 mois

10,4 mois

2008

606 921

11,3 mois

10,8 mois

Évolution 2000/2008

+ 52,6 %

+ 18 %

+ 12 %

(Source : casier judiciaire national)

À partir des données issues du casier judiciaire national, il ressort que le délai de réponse pénale devant les tribunaux correctionnels (11,3 mois en 2008) a augmenté, pour toutes les condamnations, de 18 % depuis 2000 ou de 12 % sur la même période si l’on intègre les compositions pénales. L’explosion du nombre d’affaires jugées par les tribunaux correctionnels sur la même période explique en partie cette dégradation du délai de réponse pénale.

Il s’agit, en outre, d’un délai moyen qui peut sensiblement varier d’une juridiction à l’autre. La direction des affaires criminelles et des grâces estime ainsi que le délai moyen de réponse pénale devant les tribunaux correctionnels varie de six à dix-sept mois suivant les juridictions. Ce délai sera plus court dans les petites juridictions (10 mois), où le contentieux routier est plus fréquent (49 % de l’activité), alors qu’il atteindra 12 mois dans les dix plus grands tribunaux de grande instance, où le contentieux routier est moins important (43 % de l’activité).

De surcroît, ce délai moyen de plus de 11 mois en 2008 est en réalité « minoré » par un effet de structure relativement important. En effet, le contentieux routier, qui est un contentieux dont le traitement est « rapide », représentait en 2008 une condamnation sur deux, contre près d’une sur trois en 2000. La place plus grande prise par ce contentieux dit « rapide » dans la part totale des condamnations réduit mathématiquement le délai moyen global et l’augmentation observée de celui-ci entre 2000 et 2009.

Par ailleurs, si les délais peuvent varier en fonction des procédures utilisées et selon la nature du contentieux, le tableau ci-dessous montre que l’accroissement du délai de réponse pénale devant les tribunaux correctionnels a concerné la quasi-totalité de ces contentieux, à l’exception des stupéfiants.

ÉVOLUTION DU DÉLAI DE RÉPONSE MOYEN EN MOIS DES DÉCISIONS CORRECTIONNELLES ENTRE 2000 et 2008

(en mois)

 

2000

2008

Évolution 2000/2008

Atteintes aux mœurs

26,1

30,9

+ 18,6 %

Circulation routière

3,6

6,1

+ 70,8 %

Délinquance économique et financière

26,6

29,8

+ 11,9 %

Police des étrangers

4,7

9,4

+ 101,5 %

Stupéfiants

16,9

15,4

- 9 %

Violences

8,2

9,4

+ 14,3 %

Vols / recels

8,3

11,3

+ 35,9 %

Autres délits

11,5

13

+ 13,1 %

(Source : casier judiciaire national)

Lors de son audition par votre rapporteur, le 14 décembre 2010, Mme Maryvonne Caillibotte, directrice des affaires criminelles et des grâces, a toutefois indiqué que la hausse continue du délai moyen de réponse pénale devant les tribunaux correctionnels semblait s’achever. En effet, les dernières données issues du casier judiciaire national font apparaître, en 2009, une stabilisation du délai moyen à 11,3 mois pour toutes les condamnations et à 10,6 mois si l’on intègre les compositions pénales.

B. DEVANT LES COURS D’ASSISES

Devant les cours d’assises, la situation en termes de délais n’est guère plus reluisante, même si des signes d’amélioration apparaissent aujourd’hui.

En 2010, le justiciable et la victime doivent encore attendre cinq ans entre le moment où les faits sont commis et le moment où ils font l’objet d’une décision de justice.

Sur ces sept dernières années, il faut compter, en moyenne, plus de dix mois pour le seul délai d’audiencement, signe d’un engorgement manifeste des cours d’assises. Cependant, ce délai semble avoir amorcé une diminution notable : alors qu’il était, en 2005, de presque une année entière, il s’est établi, en 2009, à 9 mois, soit une baisse de 21 %, ce qu’il faut saluer.

L’évolution de la durée d’instruction est, en revanche, beaucoup moins favorable, puisqu’elle s’est allongée de trois mois entre 2002 et 2009.

DÉLAIS MOYENS DE JUGEMENT DES COURS D’ASSISES DE PREMIER RESSORT

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (10)

Délai total de jugement (entre les faits et la condamnation)

4,7 ans

4,8 ans

5 ans

4,8 ans

5 ans

5,1 ans

4,9 ans

4,9 ans

dont délai entre les faits et l’instruction

1,9 an

2,1 ans

2,2 ans

1,8 an

2 ans

2,2 ans

2,1 ans

2,1 ans

dont durée de l’instruction

1,9 an

1,9 an

1,9 an

2,1 ans

2,1 ans

2,1 ans

2 ans

2,1 ans

dont délai d’audiencement

9,8 mois

10,2 mois

10,8 mois

11,4 mois

10,4 mois

9,6 mois

9,9 mois

9 mois

(Sources : annuaire statistique de la justice 2009-2010 et casier judiciaire national)

C. DÉLAIS D’INSCRIPTION DES DÉCISIONS AU CASIER JUDICIAIRE

Au-delà du seul délai de jugement, l’efficacité de la chaîne pénale s’apprécie également au regard de la rapidité de l’inscription des décisions au casier judiciaire. Celle-ci doit être une priorité pour la justice. En effet, rien ne sert à une juridiction de recevoir une fiche de casier judiciaire, si les condamnations prononcées dans les mois précédant la demande n’ont pu y être inscrites faute de temps.

Or, le délai d’inscription au casier judiciaire est la somme de deux délais : d’une part, le délai de transmission des décisions par les juridictions au service du casier judiciaire national, d’autre part, le délai d’enregistrement par le casier judiciaire national à compter de la réception de la fiche de décision. Il convient donc d’apprécier l’évolution respective de ces deux délais.

1) Alors que le délai moyen de réception de l’extrait de condamnation par le casier judiciaire national continue d’augmenter…

Le délai moyen de transmission des décisions par les juridictions au service du casier judiciaire national (11) est actuellement de près de cinq mois (4,8 mois), contre quatre mois et demi en 2005, soit une augmentation de près de 7 % en cinq ans.

NOMBRE DE CONDAMNATIONS ENREGISTRÉES
PAR LE CASIER JUDICIAIRE NATIONAL ET DÉLAI MOYEN DE COLLECTE

Année

Nombre de condamnations enregistrées au casier judiciaire national

Délai moyen de collecte

2004

417 427

4,5 mois

2005

462 661

4,4 mois

2006

512 715

4,9 mois

2007

647 670

4,6 mois

2008

600 953

4,7 mois

2009

587 281

4,8 mois

(Source : casier judiciaire national)

Lors de son audition par votre rapporteur, le 14 décembre 2010, Mme Maryvonne Caillibotte, directrice des affaires criminelles et des grâces, a toutefois précisé qu’à l’issue des six premiers mois de l’année 2010, le délai de transmission moyen s’était stabilisé à 4,6 mois au premier trimestre et à 4,7 mois au second.

En dépit de cette relative stabilisation constatée au début de l’année 2010, votre rapporteur ne peut en aucun cas juger la situation satisfaisante. En effet, lors de la première étape de ses travaux, il avait déjà souligné la nécessité qu’il y avait à accélérer la transmission des condamnations au casier judiciaire national, en remédiant, à cette fin, aussi bien à l’insuffisance des personnels des greffes correctionnels qu’à l’inadaptation du matériel informatique utilisé par les juridictions.

Sur ce dernier point, la chaîne pénale dématérialisée Cassiopée permettra, à partir de 2014, une transmission par voie électronique des décisions à enregistrer au casier judiciaire national (cf. infra). Mais l’urgence qu’impose aujourd’hui la dégradation de l’exécution des peines en France ne peut attendre trois années pour que ce délai soit enfin réduit. C’est pourquoi, dans l’attente de l’interconnexion de Cassiopée et du casier judiciaire national, votre rapporteur ne peut que reformuler cet objectif ambitieux, mais réaliste, qu’il avait fixé en 2007, d’une transmission des décisions au casier judiciaire dans un délai maximal de 15 jours à compter de leur prononcé. Cet objectif nécessite que les greffes correctionnels soient dotés de personnels en nombre suffisant pour enregistrer les décisions en temps réel (recrutement de vacataires en fonction des besoins des juridictions notamment).

Proposition n° 1 :

Dans l’attente de l’interconnexion, prévue en 2014, de Cassiopée et du casier judiciaire national, enregistrer les décisions en temps réel, en vue de les transmettre au casier judiciaire dans un délai maximal de 15 jours à compter de leur prononcé avant le 31 décembre 2011.

2) … le délai moyen d’enregistrement des décisions par le casier judiciaire national s’est sensiblement réduit.

Si le délai moyen de réception des décisions par le casier judiciaire national tend à s’allonger, le délai moyen d’enregistrement des décisions par le casier judiciaire national, dès réception de la fiche de condamnation, s’est, pour sa part, considérablement réduit.

En effet, en 2007, ce délai avait atteint un niveau de 4,4 semaines que votre rapporteur jugeait « d’autant plus encourageant que, d’une part, le service du casier judiciaire national a connu une augmentation d’activité très sensible depuis 2005 en raison de la résorption d’une partie des stocks de décisions en attente d’enregistrement par les juridictions, et, d’autre part, que la perspective de le réduire rapidement à deux semaines est présentée comme réalisable dès le début de l’année 2008 ».

Forte de ce constat, la mission avait proposé qu’avant le 31 décembre 2009, les décisions soient enregistrées au casier judiciaire national dans un délai maximal de 15 jours à compter de la réception de la décision. Ce pari est désormais en passe d’être réussi, puisqu’en juin 2010, lors de son déplacement à Nantes, siège du casier judiciaire, la mission a pu apprendre que le délai moyen d’enregistrement des décisions était tombé, en 2010, à 2,8 semaines, soit moins de 20 jours.

Si la mise en place de Cassiopée et son interconnexion à venir avec le casier judiciaire national vont conforter cette évolution, votre rapporteur estime que les progrès observés doivent être activement poursuivis et ce, dès aujourd’hui afin de parvenir, avant le 31 décembre 2011, à un enregistrement des décisions au casier judiciaire national dans un délai maximal de 15 jours à compter de la réception de la décision.

Proposition n° 2 :

Dans l’attente de l’interconnexion, prévue en 2014, de Cassiopée et du casier judiciaire national, enregistrer les décisions au casier judiciaire national dans un délai maximal de 15 jours à compter de la réception de la décision avant le 31 décembre 2011.

III. UNE EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE EXTRÊMEMENT INSATISFAISANTE

Si les délais d’audiencement et de jugement tendent globalement à s’allonger, qu’en est-il de l’exécution proprement dite des décisions de justice pénale ? Là encore, un constat s’impose : la situation, régulièrement dénoncée par la commission des Lois et son président, se dégrade sensiblement.

A. LES PEINES D’EMPRISONNEMENT

Les peines d’emprisonnement, tout d’abord, restent trop souvent en attente d’exécution. Dans un rapport rendu public en mars 2009, l’inspection générale des services judiciaires avait souligné qu’au début de l’année 2009, ce sont près de 82 000 peines d’emprisonnement ferme qui étaient toujours « en attente d’exécution », soit 13 % des peines de prison ferme qui ne sont pas exécutées.

Parmi ces 82 000 peines de prison ferme en attente d’exécution, les peines courtes sont prépondérantes, puisque les peines inférieures ou égales à six mois représentent 70 % du stock total et celles inférieures ou égales à un an 90 %.

Ces 82 000 condamnations à des peines d’emprisonnement ferme en attente d’exécution représentent, en stock, 1,6 fois le nombre de condamnés purgeant actuellement leur peine (50 509 condamnés écroués dont 46 273 condamnés hébergés incarcérés au 1er février 2009). En flux, ces 82 000 jugements représentent plus de deux fois les 36 909 condamnations mises à exécution en 2008.

Une comparaison dans le temps permet, de surcroît, de mettre en lumière les difficultés persistantes que la justice rencontre dans l’exécution des peines d’emprisonnement. En effet, en 2005, la moitié des peines d’emprisonnement ferme qui étaient prononcées étaient mises à exécution la première année. En 2009, cette proportion est tombée à seulement 42,6 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées exécutées la première année.

TAUX DE MISE À EXÉCUTION (12) DES PEINES D’EMPRISONNEMENT FERME
PRONONCÉES EN JUGEMENT CONTRADICTOIRE ENTRE 2005 ET 2010

Lecture : fin 2009, 42,6 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées en 2009 par les sept juridictions NCP avaient été mises à exécution.

 

Année de mise à exécution

2005

2006

2007

2008

2009

Année de jugement

2005

50,7 %

94,3 %

95,4 %

95,5 %

95,5 %

2006

0 %

53,7 %

94,5 %

95,6 %

95,7 %

2007

0 %

0 %

58,7 %

93,3 %

96,3 %

2008

0 %

0 %

0 %

35,1 %

93 %

2009

0 %

0 %

0 %

0 %

42,6 %

(Source : juridictions NCP)

Or, les taux de mise à exécution des peines de prison ferme prononcées en jugement contradictoire, figurant dans le tableau ci-dessus, ne concernent que les sept juridictions situées en Île-de-France et utilisant l’application informatique Nouvelle chaîne pénale (NCP). Dans sa réponse en date du 8 juin 2010, le ministère de la Justice et des Libertés a indiqué ne pas disposer, à ce jour, de ces mêmes données statistiques pour l’ensemble des juridictions françaises. Votre rapporteur ne peut que souligner et regretter cette carence (cf. infra).

B. LES TRAVAUX D’INTÉRÊT GÉNÉRAL (TIG)

Les travaux d’intérêt général (TIG), qui ont connu un développement important depuis 2004, connaissent les mêmes difficultés de mise à exécution.

NOMBRE DE TIG ET DE SURSIS-TIG PRONONCÉS ENTRE 2004 ET 2008

Année

Peines de TIG prononcées

Dont mesures prises à titre principal

Dont mesures prises à titre complémentaire

Peines de sursis-TIG

2004

11 417

11 180

237

9 999

2005

14 070

13 922

148

9 839

2006

15 819

15 652

167

9 697

2007

15 771

15 660

111

9 061

2008

15 770

15 650

120

8 854

Évolution 2004/2008

+ 38 %

+ 40 %

- 50 %

- 11,5 %

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Oui

104

58 %

Non

75

42 %

Total

179

100 %

Pour plus de la moitié des tribunaux concernés, la part des travaux d’intérêt général n’ayant pu être mis à exécution pour des raisons non imputables au condamné était résiduelle ou inférieure à 5 %, quand elle se situait entre 5 et 10 % pour 21 % d’entre eux et qu’elle était supérieure ou égale à 10 % pour 21 % d’entre eux également. Ce sont donc, pour l’essentiel, pour des raisons non imputables au condamné que les travaux d’intérêt général n’ont pu être exécutés.

SI OUI, QUELLE EST APPROXIMATIVEMENT LA PART DE CES MESURES NON EXÉCUTÉES ?

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Absence de réponse à la question

5

4,8 %

Part résiduelle ou inférieure à 5 %

55

52,9 %

Part entre 5 et 10 %

22

21,2 %

Part supérieure ou égale à 10 %

22

21,2 %

Total

104

100%

Les résultats de cette étude ont également permis de mettre en évidence les difficultés persistantes auxquelles se heurte l’exécution des travaux d’intérêt général.

En premier lieu, le nombre de postes proposés en milieu rural est insuffisant. Les communes et les associations restent de taille modeste et ne disposent pas, à ce titre, de l’encadrement nécessaire à l’accueil d’un condamné.

En second lieu, les communes posent des critères relativement stricts quant à la nature de l’infraction ou au profil du condamné. Certaines communes de petite taille privilégieront les résidents locaux, alors que d’autres les refuseront pour leur épargner toute stigmatisation. Certaines communes vont jusqu’à refuser des condamnés en raison de la nature de leur condamnation (par exemple, les condamnés pour vol, pour infraction à la législation ou infraction à connotation sexuelle) ou de leur profil. Pour des raisons diverses, les gens du voyage et les personnes très défavorablement connues des services de police se voient ainsi souvent refuser l’accès un travail d’intérêt général.

IV. DES PROGRÈS SUBSTANTIELS ACCOMPLIS POUR LE RECOUVREMENT DES AMENDES

Si le bilan qui vient d’être fait sur l’exécution des décisions de justice pénale est relativement sombre, des progrès très substantiels et encourageants ont, en revanche, été accomplis pour le recouvrement des peines d’amendes.

A. UNE DIMINUTION TRÈS NETTE DES DÉLAIS DE RECOUVREMENT ET DE PRISE EN CHARGE DES EXTRAITS-FINANCES

Ces cinq dernières années ont vu la diminution significative des délais de recouvrement et de prise en charge des relevés de condamnation par les services du ministère des Finances.

1) Délai de recouvrement

Le délai de recouvrement des amendes, tout d’abord, a sensiblement diminué. En effet, bien que ce délai ne soit pas aujourd’hui connu avec précision, le ministère de la Justice a indiqué, dans sa réponse en date du 8 juin 2010, qu’une première estimation permettait de mesurer les progrès accomplis en la matière.

Ainsi, en 2005, les deux tiers des montants des amendes prononcées par les juridictions pénales étaient recouvrés la première année et un tiers la seconde. En 2008, ce sont les trois quarts des montants des amendes prononcées par les juridictions pénales qui étaient recouvrés la première année et 27 % la seconde.

2) Délai de transmission des relevés de condamnation aux services du ministère des Finances

Si le délai de recouvrement moyen des amendes n’est pas connu à ce jour, il est toutefois possible d’apprécier la célérité du recouvrement des amendes grâce au délai moyen de prise en charge des extraits par les services du ministère des Finances. Ce délai permet ainsi de mesurer le temps qui s’écoule en moyenne entre la date de la condamnation et celle de l’enregistrement par la trésorerie locale, de l’ensemble des relevés de condamnation pris en charge sur la période.

DÉLAI MOYEN DE TRANSMISSION DES RELEVÉS DE CONDAMNATION
AUX SERVICES DU MINISTÈRE DES FINANCES ENTRE 2005 ET 2009

 

2005

2006

2007

2008

2009

Évolution 2005/2009

Arrêt de cour d’appel

8,7 mois

7,9 mois

7,4 mois

6,7 mois

6,8 mois

- 22 %

Arrêt de cour d’assises

6,8 mois

8,1 mois

7 mois

7,4 mois

6,9 mois

+ 1,5 %

Jugement du tribunal correctionnel

8,2 mois

7,4 mois

6,1 mois

5,5 mois

5,4 mois

- 34 %

Jugement du tribunal de police

6 mois

4,6 mois

3,6 mois

3 mois

3,1 mois

- 48 %

Ordonnance pénale

2 mois

2 mois

2,2 mois

2 mois

1,8 mois

- 10 %

Ensemble

6 mois

5,7 mois

4,7 mois

4,1 mois

4,1 mois

- 32 %

(Source : direction générale des finances publiques, traitement PEPP/DGAC)

À l'exception des arrêts de cour d’assises, le délai moyen de transmission de l’ensemble des relevés de condamnations a sensiblement diminué entre 2005 et 2009. Il a ainsi été réduit, sur cette période, de 22 % pour les cours d’appel, de 34 % pour les tribunaux correctionnels et de 48 % pour les tribunaux de police. Toutes condamnations confondues, la baisse moyenne observée sur quatre ans a été de 32 %.

B. UNE AMÉLIORATION SENSIBLE DU TAUX DE RECOUVREMENT DES AMENDES

Si, comme l’a indiqué le ministère de la Justice dans sa réponse en date du 8 juin 2010, « la connaissance du recouvrement des amendes est parcellaire et discontinue », il est néanmoins possible de réaliser un premier bilan en distinguant, d’une part, les amendes forfaitaires et, d’autre part, les amendes contentieuses, qui comprennent les amendes forfaitaires majorées (14) et les amendes prononcées par les juridictions pénales.

1) Recouvrement des amendes forfaitaires

Dans sa réponse sur le taux de recouvrement des amendes forfaitaires, le ministère de la Justice indique que « le nombre et le montant de ces amendes est inconnu » et que « seul le montant total recouvré spontanément est connu », comme le montre le tableau figurant ci-dessous.

ENCAISSEMENT DES AMENDES FORFAITAIRES ENTRE 2004 ET 2008

(en millions d’euros)

 

2004

2005

2006

2007

2008

Évolution 2004/2008

Amendes forfaitaires hors contrôle radar

531,3

504,9

532,2

486,1

504,8

- 5 %

Amendes forfaitaires issues du contrôle radar

106,3

204,9

292,3

362

446,9

+ 320 %

Total

637, 6

709,8

824,5

848,1

951,7

+ 49 %

(Source : Cour des comptes à partir de la DGFIP et des comptes de l’État)

Faute de connaître précisément le nombre ainsi que le montant des amendes forfaitaires dressées chaque année, il est impossible de calculer le taux de recouvrement annuel des amendes forfaitaires. Cependant, une estimation réalisée par le ministère de la Justice et portée à la connaissance de votre rapporteur permet d’évaluer à 66,8 % le taux de recouvrement des amendes forfaitaires en 2008. Si cette seule donnée ne suffit pas à apporter une appréciation sur le recouvrement des amendes, le recouvrement des amendes contentieuses, mieux connu, est source de riches enseignements.

2) Recouvrement des amendes contentieuses

Pour les amendes contentieuses, qui comprennent les amendes forfaitaires majorées et les amendes prononcées par les juridictions pénales, le taux de recouvrement a gagné près de quatre points entre 2006 et 2008, passant ainsi de 35,5 à 39 %.

ÉVOLUTION ENTRE 2006 ET 2008 DES MONTANTS D’AMENDES PRIS EN CHARGE
ET DES TAUX DE RECOUVREMENT DE CES MONTANTS
(
15)

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

 

Montant pris en charge

Taux de recouvrement

Montant pris en charge

Taux de recouvrement

Montant pris en charge

Taux de recouvrement

Amendes forfaitaires majorées

1060

30,1 %

1 179

34,7 %

936

35,2 %

Amendes forfaitaires majorées – Contrôle sanction automatisé des radars automatiques

213

38,2 %

301

37,2 %

307

33,7 %

 

Montant pris en charge

Taux de recouvrement

Montant pris en charge

Taux de recouvrement

Montant pris en charge

Taux de recouvrement

Arrêt de cour d’appel

64

39,2 %

87

34,3 %

54

54 %

Arrêt de cour d’assises

5

8,4 %

3

16,9 %

4

10,2 %

Jugement du tribunal correctionnel

264

45,7 %

240

47,6 %

213

48,6 %

Jugement du tribunal de police

40

52,7 %

36

58,5 %

37

59,8 %

Ordonnance pénale

59

68,2 %

65

68,3 %

64

67,1 %

Autres

5

43 %

5

51,8 %

5

47,1 %

Total

1 708

35,5 %

1 916

38,2 %

1 620

39 %

(Source : direction générale des finances publiques, traitement PEPP/DGAC)

Une analyse plus détaillée permet notamment de mettre en évidence que, sur cette même période, le taux de recouvrement des amendes forfaitaires majorées a progressé de cinq points (passant de 30,1 à 35,2 %), celui des amendes prononcées par les tribunaux correctionnels de trois points (passant ainsi de 45,7 à 48,6 %), celui des amendes prononcées par les tribunaux de police de sept points (passant ainsi de 52,7 à 59,8 %) et celui des amendes prononcées par les cours d’appel de quinze points (passant ainsi de 39,2 à 54 %). Cette amélioration s’explique notamment par l’augmentation des paiements volontaires qu’ont permis la mise en place des bureaux de l’exécution des peines (BEX) et la création de la réduction de 20 % en cas de paiement volontaire dans le mois suivant la condamnation. Seules les amendes forfaitaires majorées liées au contrôle sanction automatisé (CSA, 19 % du total) connaissent un taux de recouvrement en baisse sensible depuis leur apparition en 2005 (de 40 % en 2005 à 34 % en 2008).

V. UNE VISION ENCORE TROP LACUNAIRE DE L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE

Les informations recueillies auprès des juridictions ainsi que les statistiques quand elles sont disponibles montrent effectivement qu’un certain nombre de peines ne sont pas exécutées ou sont exécutées tardivement. Si cette situation est, de l’avis de votre rapporteur, inacceptable, le manque de statistiques nationales permettant d’évaluer l’exécution des décisions de justice pénale l’est encore plus.

L’équation à résoudre peut se résumer en ces termes : comment vouloir prétendre améliorer l’exécution des peines en l’absence de connaissances précises et chiffrées de ce phénomène ? À l’heure actuelle, faute d’outils statistiques performants, l’exécution des peines reste un maillon trop mal connu de la chaîne pénale, alors même qu’il revêt une importance majeure.

A. DES OUTILS STATISTIQUES N’OFFRANT QU’UNE VISION LACUNAIRE ET IMPARFAITE DE LA SITUATION DE L’EXÉCUTION DES PEINES

Si les quelques chiffres que votre rapporteur vient de présenter (cf. supra) permettent d’ores et déjà d’esquisser un tableau relativement sombre de l’exécution des peines, il convient de souligner que ce tableau est loin d’être complet.

En effet, faute de pouvoir recueillir des informations fiables pour l’ensemble des peines prononcées au plan national, les outils statistiques actuellement disponibles n’offrent qu’une vision lacunaire et imparfaite de la situation de l’exécution des peines. Ainsi, nous ne disposons pas à ce jour des délais et taux d’exécution des jugements contradictoires à signifier au niveau national.

Les carences des systèmes d’information ne permettent pas non plus de disposer de statistiques nationales complètes et exhaustives sur le nombre et le montant des amendes qu’elles soient forfaitaires ou forfaitaires majorées. La situation n’est guère différente s’agissant des délais et taux d’exécution des peines d’emprisonnement ferme, pour lesquels le ministère de la Justice a indiqué, dans sa réponse en date du 8 juin 2010, ne disposer à ce jour d’aucune statistique au plan national.

Or, les données communiquées par la Chancellerie sont le plus souvent extraites de l’application Nouvelle chaîne pénale (NCP), qui ne concerne que les sept juridictions situées en Île-de-France. Elles ne sauraient donc, en aucun cas, être considérées comme représentatives de l’ensemble des juridictions françaises. Ainsi en est-il, par exemple, du délai moyen de traitement d’une affaire devant les tribunaux correctionnels ou bien encore du taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement ferme.

Bien que les statistiques actuellement disponibles n’offrent qu’une vision parcellaire de l’exécution des peines et ne permettant pas, à ce titre, un pilotage stratégique efficace de la situation, l’amélioration de l’exécution des décisions pénales reste un objectif du programme n° 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice » dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Deux indicateurs de performance ont été choisis, le taux de mise à exécution et le délai moyen de mise à exécution pour quatre types de peines : l’emprisonnement ferme, le travail d’intérêt général, le sursis avec mise à l’épreuve et l’amende (indicateurs 3.3 et 3.4).

Ces objectifs et indicateurs appellent plusieurs remarques. Tout d’abord, la significativité des indicateurs est actuellement faible, puisqu’ils ne sont élaborés qu’à partir des données des sept juridictions franciliennes et non de l’ensemble des juridictions françaises. Cette insuffisance doit être rapidement résolue avec l’entrée en service de l’infocentre Cassiopée. Cependant, la nécessité de disposer de statistiques nationales suffisamment détaillées pour permettre d’évaluer au mieux l’exécution des peines rend indispensable que les difficultés actuellement rencontrées dans la mise en place de cet infocentre soient surmontées dans les meilleurs délais,

Ensuite et surtout, il apparaît que la pertinence des objectifs et la précision des indicateurs retenus peuvent prêter à discussion. En effet, ils ne permettent pas d’évaluer de façon aussi précise qu’il serait souhaitable, l’exécution des décisions de justice pénale, tant sur un plan quantitatif que qualitatif.

Sur un plan quantitatif, les indicateurs ne portent pas sur les délais ou taux des peines mises à exécution et non effectivement exécutées. En effet, comme le ministère de la Justice l’a indiqué dans sa réponse en date du 8 juin 2010, « les outils informatiques ne permettent actuellement pas le suivi de toutes les condamnations jusqu’à leur exécution, en raison de la multiplication des filières d’exécution : police et gendarmerie, juge de l’application des peines pour l’emprisonnement, préfectures pour les retraits de permis de conduire, ministère des finances pour les amendes ». La situation périlleuse dans laquelle l’exécution des décisions de justice pénale se trouve aujourd’hui ne peut se satisfaire de l’absence de suivi des peines jusqu’à leur exécution.

Toutefois, votre rapporteur souhaite saluer les efforts réalisés par le ministère de la Justice en la matière afin de tenir compte des difficultés particulières de mise à exécution des jugements contradictoires à signifier. En effet, les indicateurs du programme « Justice judiciaire », comme votre rapporteur l’avait recommandé en 2007 (16), distinguent désormais les délais et les taux d’exécution en fonction de la nature du jugement. Une telle distinction permet de mesurer précisément l’évolution des délais et taux d’exécution pour les jugements contradictoires et les jugements contradictoires à signifier et ainsi d’évaluer la pertinence des solutions retenues pour améliorer l’exécution de ces différents types de décisions.

Sur un plan qualitatif enfin, le choix de ne retenir que quatre peines (emprisonnement ferme, travail d’intérêt général, sursis avec mise à l’épreuve et amende) pour les indicateurs relatifs à l’exécution des peines apparaît trop restrictif. En effet, d’autres peines, telles que la suspension ou l’annulation du permis de conduire ou les confiscations d’objets ayant servi à commettre l’infraction, sont quantitativement importantes, tandis que de nouvelles peines, telles que le suivi socio-judiciaire ou le stage de citoyenneté, ont été créées au cours des dernières années. Une évaluation de l’exécution de l’ensemble des peines prévues par le code pénal apparaît tout aussi indispensable que celle des quatre peines retenues.

C’est pourquoi, plus de trois ans après la remise de ses premières conclusions, votre rapporteur estime que les objectifs et indicateurs fixés pour l’exécution des peines en application de la loi organique relative aux lois de finances ne sont pas suffisamment pertinents et gagneraient à être enrichis.

Proposition n° 3 :

Enrichir les objectifs et les indicateurs fixés en application de la loi organique relative aux lois de finances, afin de permettre une évaluation quantitative et qualitative efficace de l’exécution des décisions de justice pénale.

En l’absence d’outils informatiques performants, de statistiques suffisamment détaillées et d’indicateurs de performance pertinents, l’exécution des peines reste un maillon trop mal connu de la chaîne pénale, alors même qu’il revêt une importance toute particulière.

Ainsi, alors que ces données sont indispensables à la prévention et à la lutte contre la récidive, la mission n’est pas en mesure de connaître le délai moyen entre le moment où une condamnation devient définitive et la convocation du condamné devant le juge de l’application des peines, entre le moment où une personne détenue devant faire l’objet de mesures de contrôle sort de détention et la convocation devant le juge de l’application des peines, ou bien encore entre les décisions prises par le juge de l’application des peines et leur exécution (début effectif d’un travail d’intérêt général, mise en place du dispositif de placement sous surveillance électronique, début effectif de l’injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire…).

B. LANCER UN PLAN NATIONAL EXCEPTIONNEL POUR L’AMÉLIORATION DE L’EXÉCUTION DES PEINES

Au terme de ce bilan statistique salutaire, bien qu’insuffisant, votre rapporteur appelle à un sursaut national afin que l’exécution des peines ne soit plus le maillon faible de la chaîne pénale. Des résultats encourageants que nous offre aujourd’hui l’amélioration du recouvrement des amendes, il faut tirer la conclusion et la conviction que l’exécution des peines doit rester la priorité des priorités de la justice dans les mois et années à venir.

En effet, une lutte efficace contre la délinquance et la récidive, que tous appellent de leurs vœux, ne peut sérieusement se concevoir sans des peines de justice rapidement prononcées, puis rapidement exécutées. Une situation d’inexécution des peines prononcées ou de retard au stade du jugement puis de l’exécution, ne peut que décrédibiliser durablement l’action de la justice. L’opinion et les victimes d’infractions, voyant que l’auteur d’une infraction est condamné mais que sa peine n’est pas exécutée, ne peuvent que légitimement douter de l’efficacité de la justice. Les auteurs d’infractions eux-mêmes ne peuvent que ressentir, dans nombre de cas, ce qu’il est devenu commun de nommer un « sentiment d’impunité ».

Parce que le chemin est encore long avant que la situation de l’exécution des peines puisse être considérée comme satisfaisante, il convient, dès aujourd’hui, de mettre en place un plan exceptionnel pour l’amélioration de l’exécution des décisions de justice pénale. Destiné à remédier, de manière décisive, à l’indifférence dans laquelle est souvent plongée l’exécution des peines, au détriment de l’intérêt de la société, des victimes et de la crédibilité de la justice, ce plan permettra de reconnaître enfin l’importance particulière de l’exécution des décisions de justice pénale et, à ce titre, de financer, au bénéfice des services chargés de l’exécution des peines ainsi que des services pénitentiaires d’insertion et de probation, l’achat de matériel et le recrutement de vacataires.

Certains objecteront le fait que, dans un contexte de finances publiques dégradé, il n’est pas possible de financer un plan aussi ambitieux. L’amélioration du recouvrement des amendes en apporte cependant la preuve contraire. En effet, depuis 2006, le taux de recouvrement des amendes contentieuses progresse, chaque année, d’un point, ce qui ne représente pas moins de 40 millions d’euros. Si les efforts accomplis en la matière sont poursuivis et amplifiés, on peut raisonnablement espérer améliorer le taux de recouvrement des amendes contentieuses de trois points d’ici le 31 décembre 2012 et ainsi dégager près de 120 millions d’euros pour financer ce plan exceptionnel en faveur de l’exécution des peines.

Alors que le budget consacré à l’activité des services pénitentiaires d’insertion et de probation s’établit, chaque année, en moyenne à 190 millions d’euros (17), il n’est pas difficile d’imaginer l’immense bénéfice que constituerait pour l’exécution des peines en France ce plan exceptionnel de 120 millions d’euros. La lutte contre la délinquance et la récidive a un prix, qui sera, pour la société, toujours bien inférieur à celui d’une justice virtuelle et fictive.

Proposition n° 4 :

Lancer un plan exceptionnel d’amélioration de l’exécution des peines, financé à hauteur de 120 millions d’euros grâce à l’augmentation de trois points du taux de recouvrement des amendes contentieuses d’ici le 31 décembre 2012.

DEUXIÈME PARTIE : CASSIOPÉE, UNE ÉTAPE DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE DE LA DÉMATÉRIALISATION DE LA CHAÎNE PÉNALE

Comme votre rapporteur l’avait indiqué dès 2007, « la chaîne pénale donne le sentiment de rester grippée non seulement au stade de l’audience mais aussi au stade de l’inscription des décisions au casier judiciaire national » (18). Seule la dématérialisation de cette chaîne peut réduire les heurts et les retards observés.

Conscient que la mise en place d’un système informatique performant doit être une priorité pour améliorer l’efficacité de la justice pénale, votre rapporteur a souhaité évaluer le déploiement de l’application Cassiopée dans les juridictions françaises. En effet, ce projet que d’aucuns qualifient d’ambitieux a suscité beaucoup d’espoirs mais aussi quelques déceptions.

Toutefois, l’enjeu qui s’attache à une justice moderne et dématérialisée nécessitait qu’il soit procédé de manière rapide au bilan de Cassiopée afin d’en tirer tous les enseignements nécessaires à la réalisation des futurs projets de dématérialisation de la chaîne pénale.

Afin de réaliser cette évaluation et de porter une appréciation aussi exhaustive qu’objective sur Cassiopée, votre rapporteur a adressé, en juillet 2010, un questionnaire détaillé comportant quarante questions à trente juridictions. Il s’est également rendu dans quatre tribunaux de grande instance et a, enfin, travaillé en étroite collaboration avec l’équipe de projet Cassiopée, dirigée par M. Stéphane Hardouin, et l’ensemble des services de la Chancellerie en charge de ce projet.

Si Cassiopée ne mérite pas d’être vouée aux gémonies, comme ses débuts ont pu le laisser croire, il convient de remarquer que les défaillances observées dans la conception du projet (I) ont pu expliquer les graves difficultés rencontrées lors du déploiement de l’application. En dépit des efforts importants qui ont été menés par la Chancellerie afin d’assurer la pérennité de ce projet, des problèmes demeurent et les promesses dont Cassiopée est porteur tardent à se concrétiser (II).

I. UNE CONCEPTION QUI PORTE EN ELLE DÈS L’ORIGINE LES DIFFICULTÉS PRÉSENTES ET À VENIR DE CASSIOPÉE

Dix ans… Voilà dix ans que le projet Cassiopée (Chaîne Applicative Supportant le Système d’Information Opérationnel Pour le Pénal et les Enfants) a été lancé par le ministère de la Justice afin de mettre en place une chaîne pénale dématérialisée et commune à l’ensemble des juridictions françaises.

Si la création de Cassiopée a juridiquement été officialisée par le décret en Conseil d’État n° 2009-528 du 11 mai 2009, pris après avis de la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), sa conception a commencé dès 2001. Si l’objectif de départ était louable – remédier à l’obsolescence des applications informatiques de la justice pénale –, le projet très ambitieux va rapidement prendre du retard, faute de pilotage et de partenariats adaptés.

A. LE PROJET CASSIOPÉE : REMÉDIER À L’OBSOLESCENCE DES APPLICATIONS INFORMATIQUES DE LA JUSTICE PÉNALE

Parce que les applications informatiques utilisées par les juridictions pénales étaient devenues complètement obsolètes, il a été décidé, en 2001, de dématérialiser la chaîne pénale et ce, grâce à l’application Cassiopée.

1) Des applications informatiques utilisées par les juridictions pénales devenues totalement obsolètes…

Le lancement du projet Cassiopée est parti d’un constat simple : les applications informatiques utilisées par les juridictions pénales étaient, de l’aveu de tous les acteurs concernés, devenues totalement dépassées.

Alors que les juridictions franciliennes utilisent encore aujourd’hui un système dénommé Nouvelle chaîne pénale, toutes les autres juridictions utilisaient, avant le déploiement de Cassiopée, les systèmes Mini-pénale (19) et Micro-pénale (20). À ces applications utilisées pour les poursuites, l’audiencement et la saisie des décisions s’ajoutaient d’autres applications spécifiques : Winstru (21) ou Instru (22) pour l’instruction, Wineurs (23) pour les juges des enfants, EPWin (24) pour les services de l’exécution des peines et APPI pour les services de l’application des peines.

Outre la multiplicité et la spéciation de ces applications, tantôt nationales (Micro-pénale, Mini-pénale et EPWin), tantôt locales (Instru, Winstru, Wineurs), « le principal défaut de ces divers outils, outre une ergonomie dépassée ne correspondant plus aux outils informatiques actuels, résidait dans leur absence d’interconnexion qui contraint les différents utilisateurs aux stades successifs de la chaîne pénale à ressaisir plusieurs fois des informations (identité du prévenu, qualification des faits, peines prononcées…) déjà saisies par d’autres utilisateurs en amont » (25).

2) … que l’application Cassiopée a vocation à remplacer.

La mise en service de l’application Cassiopée, qui a commencé en avril 2009, devrait améliorer le fonctionnement de la chaîne pénale en substituant aux multiples applications pénales spécialisées une application « universelle » centralisée.

En effet, Cassiopée couvre l’ensemble des services de la chaîne pénale, y compris les services de l’instruction, des mineurs et de l’exécution des peines. Au sein des services pénaux d’un tribunal de grande instance, seul le service de l’application des peines disposera de son propre système, partagé avec l’administration pénitentiaire (APPI) qui fera l’objet d’une interface avec Cassiopée au premier semestre de l’année 2011.

De nombreux avantages sont attendus de la dématérialisation de la chaîne pénale par Cassiopée.

En premier lieu, Cassiopée est le support technique du bureau d’ordre national automatisé instauré à l’article 48-1 du code de procédure pénale par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Ce bureau d’ordre national permettra, à l’issue du déploiement de Cassiopée, le partage entre les différentes juridictions d’informations essentielles à la conduite de l’action publique.

En deuxième lieu, parce que Cassiopée couvre l’ensemble de la chaîne pénale, des poursuites jusqu’à l’exécution des peines, la même information n’aura plus à être reportée manuellement d’une application à l’autre. Cette fin des ressaisies ne manquera pas, de surcroît, de limiter les sources d’erreurs.

En troisième lieu, comme votre rapporteur l’a indiqué, Cassiopée est une application nationale centralisée qui sera utilisée et partagée par l’ensemble des juridictions françaises. Ainsi, outre une ergonomie unique et homogène sur l’ensemble du territoire, la maintenance sera facilitée car centralisée, réduisant d’autant les charges de maintenance applicative en juridictions.

En quatrième lieu, Cassiopée répond également à un souci d’amélioration de la connaissance statistique de la chaîne pénale. Ainsi, les données saisies dans Cassiopée alimenteront directement un infocentre national, censé produire des données statistiques fiables tant aux niveaux national que local.

Enfin, les échanges inter-applicatifs envisagés entre Cassiopée et les autres systèmes informatiques de la chaîne pénale (police, gendarmerie, trésor public, application des peines, casier judiciaire national, etc.) apparaissent comme un atout majeur afin d’assurer un fonctionnement aussi fluide que possible de cette chaîne.

C’est donc bien à l’aune de l’ensemble de ces avantages escomptés que votre rapporteur a choisi d’évaluer l’application Cassiopée.

B. CASSIOPÉE : UN PROJET TROP AMBITIEUX ET VOLONTARISTE DANS SA CONCEPTION

Parce que le périmètre de Cassiopée était d’emblée très large et les attentes suscitées immenses, le projet ne pouvait qu’être ambitieux. Or, cette ambition affichée dans la conception de Cassiopée, si elle a pu, à l’origine, fédérer et mobiliser l’ensemble des acteurs, s’est rapidement avérée être un inconvénient majeur dans la conduite du projet.

1) Un calendrier bien trop ambitieux au regard de la complexité technique du projet

En dépit des multiples objectifs assignés au projet Cassiopée (cf. supra) et de l’ampleur du projet (181 juridictions concernées à l’origine), le calendrier qui a initialement été fixé, en janvier 2004, par la Chancellerie, prévoyait une livraison complète de Cassiopée en juin 2005, pour une première expérimentation sur site pilote en septembre 2005 et ce, en vue d’une généralisation de l’application entre mars 2006 et octobre 2007.

En réalité, la complexité intrinsèque du projet Cassiopée n’a pas permis le respect de ces délais et le calendrier initialement prévu est rapidement apparu, comme l’a indiqué M. Philippe Marcillière, sous-directeur de l’informatique et des télécommunications au secrétariat général du ministère de la Justice, bien trop ambitieux.

Ce calendrier a dès lors dû être revu à plusieurs reprises par voie d’avenant (cf. infra). Finalement, comme le montre le tableau ci-dessous, le projet Cassiopée, de sa conception à son déploiement, a accusé un retard considérable de 43 à 48 mois pour un programme prévisionnel de 41 mois.

RETARD PRIS PAR LE PROJET CASSIOPÉE
À CHAQUE ÉTAPE DE SA CONCEPTION ET DE SON DÉPLOIEMENT

 

Planning initialement prévu au démarrage de la prestation d’Atos Origin en janvier 2004

Planning effectivement observé

Retard accumulé par rapport au planning initial

Livraison complète de l’application

Juin 2005

1er décembre 2006

18 mois

Démarrage du premier site pilote (TGI d’Angoulême)

Septembre 2005

17 janvier 2008

28 mois

Début de la généralisation

Mars 2006

Avril 2009

36 mois

Fin du déploiement (hors TGI de la zone NCP)

Entre juin et octobre 2007

Mai 2011

de 43 à 48 mois

(Source : sous-direction de l’informatique et des télécommunications et direction des services judiciaires, ministère de la Justice)

Pour comprendre les raisons d’un tel retard, il convient d’examiner à chaque étape du projet Cassiopée quels sont les différents facteurs qui ont pu conduire à une telle dérive.

Au stade de la conception tout d’abord, le projet Cassiopée a accusé un retard de 28 mois pour la phase de conception. Les raisons en sont multiples. Jusqu’en décembre 2004, l’équipe de maîtrise d’ouvrage du projet Cassiopée au ministère de la Justice était largement sous-dimensionnée. Des carences de l’application – notamment pour le chantier « éditions » (cf. infra) – et des retards de livraison – pour le chantier « reprises des données » – sont ensuite apparus du côté d’Atos Origin, prestataire que le ministère de la Justice avait retenu, à la suite d’un appel d’offres, pour la conception de Cassiopée.

Puis, lors de la phase d’expérimentation et de pré-généralisation de Cassiopée, le projet a enregistré un nouveau retard de 9 mois. Cette situation s’explique notamment par la très mauvaise qualité des éditions, mise en évidence par l’expérimentation de Cassiopée au tribunal de grande instance d’Angoulême. La décision a alors été prise de refaire environ un tiers des éditions dans le cadre d’un « plan qualité éditions ». Des ajustements complémentaires ont également été nécessaires s’agissant de la reprise des données.

Enfin, lors de la phase de généralisation de Cassiopée, le projet a accusé un retard de 6 à 11 mois. En effet, le calendrier de déploiement a été régulièrement réajusté afin de renforcer l’accompagnement des grandes juridictions. Par ailleurs, d’importants problèmes techniques (ralentissements fréquents et indisponibilité récurrente de l’application…) ont conduit, en septembre 2009, à une suspension du déploiement pendant trois mois.

En définitive, ces quatre années de retard peuvent se résumer en ces termes : un calendrier bien trop ambitieux qui, de surcroît, n’était pas partagé par tous les acteurs en présence. Ce retard est d’autant plus regrettable que, dès décembre 2007, votre rapporteur avait tiré la sonnette d’alarme, en rappelant que « le respect de ces délais était (…) une nécessité absolue » (26). C’est pourquoi, afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise, votre rapporteur propose que soit établi, pour le développement de toute nouvelle application informatique relative à la dématérialisation de la chaîne pénale, un calendrier réaliste et accepté par tous.

Proposition n° 5 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, établir un projet de calendrier réaliste et accepté par tous.

2) Un budget ambitieux à l’image du projet Cassiopée

Parce que Cassiopée est un projet ambitieux, le budget se devait d’être à la hauteur. Des crédits conséquents ont donc été ouverts entre 2001 et 2010 pour la mise en œuvre de ce projet, comme en atteste le tableau ci-dessous qui récapitule l’ensemble des marchés publics passés dans le cadre du projet Cassiopée.

(Source : sous-direction de l’informatique et des télécommunications, secrétariat général, ministère de la justice)

Mais, afin d’évaluer au plus près le coût de Cassiopée, une approche seulement fondée sur les montants minimaux et maximaux des marchés publics passés dans ce cadre ne suffit pas. Il faut, en réalité, examiner quels sont, pour chaque marché, les montants qui ont effectivement été commandés. À cet égard, votre rapporteur regrette que les montants commandés ne lui aient pas été communiqués pour deux de ces marchés .

S’agissant de la réalisation et du déploiement de Cassiopée (Infocentre compris), deux marchés publics ont donné lieu au versement d’environ 30,6 millions d’euros par le ministère de la Justice à la société Atos Origin.

RÉALISATION ET DÉPLOIEMENT (27)

Marché

Montant maximum du marché

Montant commandé

Atos Origin n° 2003-151 (marché de réalisation

30 872 489 euros

24 935 059 euros

Atos Origin n° 2009-1021 (marché relais)

6 262 803 euros

5 715 423 euros

Total

37 135 292 euros

30 650 482 euros

(Source : direction des services judiciaires, ministère de la justice)

Pour sa part, le marché concernant la tierce maintenance applicative, qui a été remporté par la société GFI, a vu le versement de près de 2 millions d’euros.

TIERCE MAINTENANCE APPLICATIVE

Marché

Montant maximum du marché

Montant commandé

GFI n° 2010-522

11 576 932 euros

1 769 654 euros

Total

11 576 932 euros

1 769 654 euros

(Source : direction des services judiciaires, ministère de la justice)

Quant à l’assistance à maîtrise d’ouvrage, assurée par la société Sopra, elle a donné lieu au versement de près de 9 millions d’euros.

ASSISTANCE À MAÎTRISE D’OUVRAGE

Marché

Montant maximum du marché

Montant commandé

Sopra n° 2005-049

1 053 442 euros

103 733 euros

Sopra n° 2006-145

898 375 euros

901 705 euros

Sopra n° 2007-344

9 338 717 euros

7 828 107 euros

Total

11 290 534 euros

8 833 545 euros

(Source : direction des services judiciaires, ministère de la justice)

Les crédits dépensés dans le cadre du projet Cassiopée s’élèvent donc à un peu plus de 41 millions d’euros, auxquels il faut rajouter, pour 2011, environ 3 millions de dépenses d’investissement nouvelles et 1,5 million d’euro au titre de la maintenance courante. Au total, entre 2001 et 2010, Cassiopée aura coûté 45,8 millions d’euros aux finances publiques. Or, il ne s’agit-là que d’une estimation a minima de Cassiopée. En effet, ce chiffre ne prend en compte ni les dépenses de personnel (magistrats, greffiers et fonctionnaires de justice) ayant travaillé sur le projet Cassiopée, ni les commandes effectivement réalisées pour l’ensemble des marchés publics relatifs à Cassiopée.

TOTAL DES DÉPENSES EFFECTUÉES ENTRE 2001 ET 2010
DANS LE CADRE DES MARCHÉS PUBLICS RELATIFS AU PROJET CASSIOPÉE

 

Montant maximum du marché

Montant commandé

Réalisation et déploiement

37 135 292 euros

30 650 482 euros

Tierce maintenance applicative

11 576 932 euros

1 769 654 euros

Assistance à maîtrise d’ouvrage

11 290 534 euros

8 833 545 euros

Total

60 002 758 euros

41 253 681 euros

(Source : direction des services judiciaires, ministère de la justice)

3) L’insuffisante prise en compte des besoins métiers des magistrats et des greffiers

Lors des auditions conduites par votre rapporteur, le premier reproche adressé à Cassiopée a résidé dans son insuffisante prise en compte des besoins – notamment procéduraux – tant des magistrats que des greffiers. En effet, la conception de Cassiopée aurait dû être un moment clé pour définir précisément et recueillir largement les besoins techniques mais aussi juridiques des utilisateurs finaux de l’application. Or, tel n’a pas été le cas.

En premier lieu, votre rapporteur considère, au terme de ses travaux, que dès le lancement de Cassiopée, le ministère de la Justice n’a pas suffisamment défini son projet et les besoins afférents, ce qui a notamment pu créer quelques incompréhensions entre la Chancellerie et la société Atos Origin chargée de la conception de Cassiopée (cf. infra). Si les marchés de définition ont été supprimés par le décret n° 2010-406 du 26 avril 2010 relatif aux contrats de concession de travaux publics et portant diverses dispositions en matière de commande publique, votre rapporteur regrette que le ministère n’ait pas utilisé ce type de procédure pour définir le périmètre fonctionnel de Cassiopée. En effet, comme l’a indiqué la société Atos Origin lors de son audition, le 5 octobre 2010, le défaut de maîtrise des fonctionnalités de Cassiopée a conduit à une dérive du calendrier (cf. supra), puis à la production de 13 versions de l’application en seulement 18 mois ! Or, cette difficulté aurait pu être levée grâce à la passation préalable, hier, d’un marché de définition et, aujourd’hui, d’un marché d’étude. C’est pourquoi, votre rapporteur propose qu’avant la réalisation d’une nouvelle application informatique dématérialisant la chaîne pénale, un marché d’étude soit passé.

Proposition n° 6 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, prévoir le lancement d’un marché d’étude, préalable indispensable à la réussite du projet informatique.

En second lieu, la conception de Cassiopée n’a pas suffisamment pris en compte les besoins opérationnels des magistrats et des greffiers en raison de l’insuffisante association de ces derniers au projet.

En effet, pour associer les magistrats, les greffiers et les fonctionnaires de justice, le ministère de la Justice a fait le choix de désigner trois juridictions pilotes – les tribunaux de grande instance d’Angoulême, de Caen et de Rouen – qui ont été sollicitées aux différentes étapes du projet Cassiopée.

Ainsi, lors de la rédaction du cahier des clauses techniques particulières, des ateliers ont été tenus avec les juridictions pilotes afin de définir les principes et la structure de Cassiopée (application centrale, logique de chaîne, périmètre fonctionnel, principes d’implantation et de formation).

Les chefs de juridiction des tribunaux de grande instance pilotes ont également été associés dès 2001 aux comités stratégiques de l’application, qui ont validé les grandes orientations de Cassiopée.

Au cours de l’année 2002, les fiches de traitement procédural qui décrivent les besoins des utilisateurs ont été validées par ces mêmes juridictions.

De juin à septembre 2004, quatre sessions de « maquettage applicatifs » ont été mises en œuvre avec des représentants des juridictions pilotes pour la validation des écrans et de l’ergonomie.

Entre 2004 et fin 2007 s’est déroulée la phase de « modélisation applicative ». Cette phase a essentiellement été conduite par des magistrats, greffiers en chef et greffiers du ministère.

En janvier 2008, à la suite de l’expérimentation de Cassiopée au tribunal de grande instance d’Angoulême, un plan de redressement des éditions – largement défectueuses – a été conduit en lien avec cette juridiction. Puis, à partir de septembre 2008, les nouvelles versions correctives et évolutives de Cassiopée ont été conçues avec l’appui de certaines juridictions. Ainsi, une version dite « Bordeaux » sur une partie de l’exécution des peines a été mise en service au cours de l’année 2009. Une version dite « Évreux » sur l’amélioration de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) a été mise en service au début de l’année 2010. De la même manière, une version dite « Amiens » vient d’être mise en production pour les services des mineurs.

M. Stéphane Hardouin, directeur de projet Cassiopée, a indiqué à votre rapporteur, lors de son audition, le 30 novembre 2010, que deux versions sont en cours de programmation avec le tribunal de grande instance de Lille pour améliorer l’accès aux non voyants ainsi que la gestion des affaires complexes. Cette méthode, mise en œuvre depuis le début de déploiement de Cassiopée, a conduit l’équipe de conception, accompagnée du prestataire Atos Origin, à se déplacer pendant plusieurs jours sur site et à travailler en direct avec les services.

Cependant, en dépit de ces avancées, il ressort de manière quasi unanime des déplacements et des auditions réalisés par votre rapporteur que les magistrats, les greffiers et les fonctionnaires de justice s’estiment de façon générale trop peu associés à la conception de Cassiopée. Ainsi, sur les vingt-deux juridictions ayant répondu au questionnaire que votre rapporteur leur a adressé, 82 % d’entre elles indiquent ne pas avoir été associés à la conception de cet outil. Si ces données empiriques ne sauraient être considérées comme représentatives de l’ensemble des juridictions françaises, elles témoignent néanmoins d’un manque indéniable d’association des juridictions et de leur personnel à la réalisation de Cassiopée.

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Absence de réponse

1

4,5 %

Oui

3

13,5 %

Non

18

82 %

Total

22

100 %

Parce l’implication le plus en amont possible de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale est un facteur clé de succès pour un projet comme Cassiopée, votre rapporteur estime souhaitable qu’ils soient à l’avenir mieux associés à la conception ainsi qu’aux évolutions techniques des outils de dématérialisation de la chaîne pénale.

Proposition n° 7 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, mieux associer, dès la phase de conception et à chaque étape du projet, l’ensemble des utilisateurs de la chaîne pénale (magistrats, greffiers, etc.), afin que le projet informatique réponde à leurs besoins opérationnels.

C. LA SOUS-ESTIMATION DE L’IMPORTANCE QUE REVÊT LE PILOTAGE D’UN PROJET COMME CASSIOPÉE

L’ampleur et la complexité d’un projet tel que Cassiopée nécessite la collaboration de multiples acteurs tant publics que privés : les services concernés du ministère de la Justice et les différents prestataires extérieurs retenus au terme de la passation de plusieurs marchés publics (cf. supra). Afin de fédérer efficacement l’ensemble des parties prenantes et mener à bien un projet, la gouvernance et le pilotage sont des facteurs clés de succès. Or, il ressort des travaux conduits par votre rapporteur qu’une des difficultés de Cassiopée réside dans une gouvernance pour partie inadaptée à l’ampleur du projet.

1) Une gouvernance faisant intervenir de multiples acteurs tant publics que privés

Avant de montrer quelles ont pu être les éventuelles carences dans la gouvernance du projet Cassiopée, il n’est pas inutile de préciser la place et le rôle des différents acteurs.

Le premier de ces acteurs est l’équipe de projet Cassiopée, rattachée à la direction des services judiciaires et avec à sa tête un directeur de projet.

La maîtrise d’ouvrage est assurée par la direction des services judiciaires, tandis que la maîtrise d’œuvre est réalisée par la sous-direction de l’informatique et des télécommunications (SDIT). À ce titre, celle-ci est en charge du pilotage contractuel des divers prestataires externes concourant à la réalisation du projet, à savoir :

—  l’assistance à maîtrise d’ouvrage confiée à la société Sopra : elle apporte un appui méthodologique à la maîtrise d’ouvrage notamment pour la spécification des besoins, la recette fonctionnelle et le déploiement ;

—  la fonction d’intégrateur assuré à l’origine par la société Atos Origin, puis par la société GFI : conseils à la maîtrise d’œuvre, conception détaillée, réalisation des développements, tests, intégration de l’application.

À ce dispositif d’ensemble, s’ajoutent enfin les juridictions pilotes (cf. supra), dont le rôle est de participer à la définition des besoins et des processus ainsi que de valider l’application.

2) La gouvernance s’est rapidement avérée inadaptée au projet Cassiopée

Or, il ressort des auditions réalisées par votre rapporteur que la gouvernance de ce dispositif d’ensemble s’est révélée, au moins dans une première partie, largement inadaptée au projet Cassiopée.

Côté maîtrise d’ouvrage, l’équipe de conception de Cassiopée au sein de la direction des services judiciaires (DSJ) est restée largement sous dimensionnée jusqu’en 2005, ce qui a constitué, d’après Mme Véronique Malbec, directrice des services judiciaires, un facteur important de retard (cf. supra).

Côté maîtrise d’œuvre, le constat qui s’impose est le même. Les effectifs de la sous-direction de l’informatique et des télécommunications (SDIT) étaient en nombre insuffisant et leurs profils en partie inadaptés à l’ampleur et la complexité du projet. Lors de leur audition, le 5 octobre 2010, les représentants de la société Atos Origin ont partagé ce constat d’une gouvernance inadaptée. Selon eux, le maître d’œuvre – en l’occurrence la SDIT – n’avait pas l’autorité et les moyens nécessaires pour fédérer efficacement les parties prenantes.

Une mission portant sur les directions des systèmes d’information ministérielles a été menée, au début de l’année 2010, par la direction générale de la modernisation de l’État dans le cadre de la deuxième étape de la révision générale des politiques publiques. Si cet audit a permis de montrer que la SDIT se situait dans la moyenne des directions ministérielles des systèmes d’information de l’État en matière d’efficacité, en dépit de moyens beaucoup plus limités, il avait conclu à l’insuffisance des moyens et des infrastructures informatiques de la SDIT pour porter un projet comme Cassiopée.

Afin de remédier à ces difficultés, le ministère de la Justice a décidé à partir de 2005 de renforcer et d’améliorer la gouvernance du projet Cassiopée sur de nombreux points. Tout d’abord, côté maîtrise d’ouvrage, la composition de l’équipe de projet, à la tête de laquelle un directeur a enfin été nommé, a été profondément remaniée, afin d’y inclure en particulier les personnels issus des juridictions. Le marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage notifié en 2004 a également été davantage utilisé.

La maîtrise d’œuvre – la SDIT – a bénéficié d’un soutien similaire, qui s’est notamment traduit par une augmentation importante de son budget sur la période 2011-2013, un renforcement de ses effectifs, le recrutement d’un directeur des systèmes d’information venant du secteur privé ainsi que par un renouvellement de la gouvernance informatique pour assurer un plan de charge correspondant aux moyens.

La maîtrise d’ouvrage – la DSJ – et la maîtrise d’œuvre – la SDIT – ont enfin décidé de travailler ensemble sur tous les aspects du projet Cassiopée – conception, test, déploiement et assistance aux utilisateurs – grâce à la mise en place d’une équipe intégrée.

Parce que la gouvernance et le pilotage jouent un rôle essentiel dans la réussite d’un projet comme Cassiopée, votre rapporteur estime nécessaire que soit mise en place, dès la conception de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, une équipe de projet adaptée, en taille et en compétences, avec à sa tête un directeur de projet, détenant les compétences appropriées et avec le positionnement hiérarchique adéquat.

Proposition n° 8 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, disposer, dès la phase de conception et à chaque étape du projet, tant côté maîtrise d’ouvrage que maîtrise d’œuvre, d’une équipe de projet adaptée, en taille et en compétences, partageant une méthodologie commune et avec à sa tête un directeur de projet, détenant les compétences appropriées et avec le positionnement hiérarchique adéquat.

D. DES PARTENARIATS PARFOIS DIFFICILES AVEC LES PRESTATAIRES EXTÉRIEURS DÈS LA CONCEPTION DE CASSIOPÉE

Parce que le ministère de la Justice n’avait pas, en interne, toutes les ressources nécessaires à la conception d’un projet aussi important et complexe que Cassiopée, il a dû recourir à l’expertise technique de prestataires extérieurs retenus au terme de la procédure légale de passation des marchés publics. La conception de l’application Cassiopée s’est ainsi articulée, entre 2001 et 2006, autour de plusieurs marchés.

2001

Après un appel d’offres restreint, marché public pour l’assistance à la rédaction du cahier des charges de réalisation, attribué à Parker Williborg.

2003

Après un appel d’offres restreint, marché public de réalisation, attribué à Atos Origin.

2004

Après à un appel d’offres ouvert, marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage, attribué à la société Valoris (rachetée en cours d’année par Sopra).

2005 et 2006

Deux marchés négociés similaires d’assistance à maîtrise d’ouvrage notifiés à Sopra.

2007

Après un appel d’offres ouvert, marché public d’assistance à maîtrise d’ouvrage, attribué à Sopra.

Si le recours à des prestataires extérieurs était indispensable compte tenu de l’ampleur du projet envisagé, votre rapporteur regrette que les difficultés que le ministère de la Justice a pu rencontrer avec certains de ces prestataires aient considérablement ralenti l’avancement du projet Cassiopée.

S’agissant de la société Sopra, la sous-direction de l’informatique et des télécommunications et la direction des services judiciaires ont indiqué à votre rapporteur que les différents marchés se sont bien déroulés. Ces derniers ont été gérés presque exclusivement par la direction de projet et la maîtrise d’ouvrage, qui ont manifestement apprécié la qualité des intervenants.

S’agissant d’Atos Origin, la situation semble avoir été beaucoup plus difficile. Trois grandes phases doivent cependant être distinguées dans la relation de marché qui a réuni le ministère de la Justice et Atos Origin.

Tout d’abord, de 2003 à début 2007, le ministère de la Justice tarde à tenir ses engagements, notamment à l’égard d’Atos Origin. En effet, comme votre rapporteur l’a déjà évoqué (cf. supra), la montée en charge du projet Cassiopée a été relativement lente au départ, l’effectif et la composition des équipes étant largement inadaptés, tant côté maîtrise d’ouvrage que côté maîtrise d’œuvre, à l’ampleur et à la complexité du projet. La rédaction des spécifications s’est, à ce titre, avérée pour le moins laborieuse. Deux transactions, intervenues en juillet 2005 et en avril 2007, et quatre avenants, passés respectivement en février et juillet 2005, puis en juillet 2006 et avril 2007, traduisent ces difficultés principalement imputables au ministère de la Justice.

Puis, de début 2007 à la fin de l’année 2008, les responsabilités s’inversent : alors que le ministère de la Justice se réorganise et que le projet Cassiopée entre en phase de recette, c’est la société Atos Origin qui progressivement se retrouve en retard. En effet, malgré les efforts financiers consentis par le ministère de la Justice, elle a significativement réduit, entre 2005 et 2008, les moyens affectés au projet Cassiopée, alors même que celui-ci se trouvait dans une phase très critique, à savoir la fin de réalisation et la mise au point de l’application.

Au cours de cette période, la société Atos Origin a fait le choix de réaffecter plusieurs de ses collaborateurs les plus compétents sur d’autres projets que Cassiopée et s’est très rapidement trouvée en sous-effectif. Les livraisons se sont alors avérées être de qualité plutôt médiocre et l’entreprise s’est montrée peu réactive pour corriger les anomalies apparaissant au fur et à mesure des expérimentations de Cassiopée (cf. infra). Dans ces conditions, le calendrier initial n’a pas pu être respecté et les retards se sont accumulés, comme cela a été indiqué précédemment. D’autres carences ont également été constatées, notamment dans l’obligation de conseil qu’avait Atos Origin sur la question des éditions (29) ou bien encore de l’infocentre. Deux avenants mineurs sont donc notifiés entre 2005 et 2008.

Enfin, à partir de septembre 2008, le ministère de la Justice fait montre d’une plus grande fermeté à l’encontre de son prestataire de réalisation et de maintenance Atos Origin, notamment par l’application de sanctions contractuelles. Dans cette perspective, le ministère a fait pression pour accélérer la finalisation de Cassiopée, et après plusieurs ajournements et mises en demeure, la qualité des livrables s’est significativement améliorée. La reprise des données dans Cassiopée est l’exemple le plus frappant de cette carence de la société Atos Origin, puisqu’il a fallu trois mises en demeure pour obtenir un investissement réel de la société dans ce chantier.

En définitive, les principaux griefs du ministère de la Justice à l’encontre de la société Atos Origin portent sur son manque de réactivité et de moyens dans la gestion de certaines crises techniques. Compte tenu de l’importance des fonds publics investis dans ce projet et de l’enjeu qui s’attache à une justice moderne et dématérialisée, cette situation ne saurait plus être tolérée à l’avenir. Votre rapporteur estime que les carences observées, génératrices de surcoûts et de retards importants, auraient pu être aisément évitées grâce à un pilotage plus étroit par le ministère de la Justice de ses prestataires extérieurs.

Proposition n° 9 :

Renforcer le pilotage opérationnel et contractuel des fournisseurs retenus par le ministère de la Justice pour la conception, le déploiement et la maintenance de toutes les applications informatiques de la chaîne pénale.

En octobre 2010, un changement du prestataire de maintenance est intervenu dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres ouvert. Sur la base d’un rapport d’analyse des offres en fonction des critères habituels (qualité fonctionnelle et technique, offre financière…), le marché a été attribué à la société GFI, déjà titulaire du marché Nouvelle Chaîne Pénale, ce qui constitue un atout en termes de connaissance de la matière pénale dans la perspective des implantations parisiennes de Cassiopée. Le ministère est très attentif au respect des engagements de GFI.

La sous-direction de l’information et des télécommunications a indiqué à votre rapporteur que le ministère de la Justice se montrait particulièrement vigilant au respect des engagements contractuels de la société GFI. Son président-directeur général est personnellement alerté par le ministère en cas de difficulté majeure sur le projet Cassiopée. Il est, le cas échéant, convoqué par le secrétaire général ou la directrice des services judiciaires si la situation le justifie. Votre rapporteur ne peut que se féliciter de ce renforcement et de cet approfondissement du pilotage contractuel des prestataires externes.

II. UN DÉPLOIEMENT QUI AURAIT PU ÊTRE COMPROMIS SANS LES EFFORTS IMPORTANTS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Si, comme votre rapporteur vient de l’indiquer, le lancement de Cassiopée a été plusieurs fois retardé, le déploiement de l’application est désormais quasiment achevé en province.

En effet, au 15 février 2011, ce sont 138 tribunaux de grande instance qui ont été équipés et la généralisation de Cassiopée devrait ensuite se poursuivre jusqu’au milieu de l’année 2011 pour atteindre la cible initiale des 180 tribunaux de grande instance prévus (cf. annexes n° 2 et 3). L’implantation de Cassiopée dans les tribunaux de grande instance parisiens, qui suppose des développements spécifiques (notamment en matière de reprise des données) débutera à la fin de l’année 2011 et se poursuivra courant 2012.

Le déploiement de Cassiopée s’est, comme la phase de conception, heurté à de sérieuses difficultés : sous-estimé et insuffisamment préparé, il aurait pu être gravement compromis sans les efforts déployés par la Chancellerie. Cependant, l’implantation a constitué un moment clé puisqu’elle a mis en lumière les carences et défaillances d’une application souvent décriée. À l’heure où le déploiement s’achève dans la plupart des juridictions françaises, il est urgent que les promesses dont est porteuse Cassiopée se concrétisent aux fins d’améliorer la fluidité de l’ensemble de la chaîne pénale.

A. UN DÉPLOIEMENT DE CASSIOPÉE EN PARTIE SOUS-ESTIMÉ ET INSUFFISAMMENT PRÉPARÉ

Si l’information des magistrats et des greffiers sur l’avancement du projet et son implantation a été menée de manière relativement satisfaisante, le déploiement de Cassiopée a été sous-estimé à deux égards : la formation des utilisateurs finaux aurait gagné à être davantage renforcée et la question de la reprise des données n’a pas, au départ, été correctement anticipée.

1) Une information globalement satisfaisante des utilisateurs…

Si, en 2007, votre rapporteur avait indiqué que « les magistrats et les greffiers s’estimaient trop peu informés de l’avancement du projet et du calendrier de mise en place » (30), il semble que son appel à un renforcement de l’information des utilisateurs ait été entendu (31). En effet, les personnes rencontrées par votre rapporteur lors de ses auditions et déplacements ont fait part, pour une large part, de leur satisfaction quant à l’information dont ils ont pu bénéficier sur l’avancement et le déploiement de Cassiopée. Ce constat est d’ailleurs corroboré par l’enquête empirique que votre rapporteur. En effet, sur les vingt-deux juridictions ayant répondu au questionnaire écrit de votre rapporteur, 86 % d’entre elles indiquent avoir été régulièrement informés de l’état d’avancement du projet Cassiopée. Si ces données empiriques ne sauraient être considérées comme représentatives de l’ensemble des juridictions françaises, elles témoignent néanmoins d’un réel effort d’information de la Chancellerie en direction des utilisateurs finaux de Cassiopée. Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette situation.

LES MAGISTRATS ET LES GREFFIERS DE VOTRE JURIDICTION ONT-ILS ÉTÉ RÉGULIÈREMENT INFORMÉS DE L’ÉTAT D’AVANCEMENT DU PROJET CASSIOPÉE ? (32)

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Absence de réponse

1

4,5 %

Oui

19

86 %

Non

2

9,5 %

Total

22

100 %

Cette réussite s’explique par la mise en place d’un dispositif d’information global et cohérent.

En effet, outre la mise en place d’un espace dédié sur le site Intranet de la direction des services judiciaires, une circulaire de déploiement a été diffusée au début de la phase de généralisation, accompagnée d’annexes opérationnelles. Un guide méthodologique a également été diffusé au début de la phase de généralisation.

Un référentiel Cassiopée comportant les préconisations en matière d’implantation et d’organisation et insistant sur le rôle que doivent jouer les chefs de service a également été mis à la disposition de tous.

Le dispositif d’information sur l’implantation proprement dite suit, pour sa part, cinq étapes :

—  trois à six mois avant l’implantation, une réunion dite « inaugurale » est organisée au siège de la cour d’appel en présence des chefs de cour : la direction du projet insiste sur les difficultés prévisibles,  la préparation à la reprise des données et l’impact sur les organisations. Cette réunion de deux à trois heures s’adresse principalement aux chefs de juridiction, directeurs de greffe et chefs de service. À cette occasion, ils sont fortement invités à communiquer auprès de leurs services sur ces informations autour de la notion de « projet de service » et de « politique de juridiction ». Les représentants locaux des syndicats sont également invités à rencontrer le directeur du projet dans ce cadre ;

—  quelque temps avant le début des formations, une réunion « porte ouverte » est organisée dans chaque tribunal de grande instance afin de présenter l’application aux utilisateurs : l’objectif est de répondre aux interrogations concrètes sans être dans une logique de « formation opérationnelle ». Elle est conduite par un greffier en chef du projet en présence du responsable de la gestion informatique de la cour d’appel ;

—  les tribunaux de grande instance du groupe 1 et 2 (grands) voire certains du groupe 3 (moyens) font l’objet de réunions spécifiques qui, selon le choix des chefs de juridiction, sont plus ou moins ouvertes aux magistrats et fonctionnaires. Il s’agit principalement d’adapter la méthode du référentiel d’implantation aux caractéristiques de la juridiction. Pour être « pertinente », cette réunion doit être relativement proche de l’implantation (un mois environ). Elle est réalisée par un magistrat de l’équipe de projet, accompagné du coordonnateur d’implantation et d’un consultant ;

—  les sessions de formation dispensées par le prestataire sont également l’occasion d’une information sur la logique de chaîne (cf. infra) ;

—  le premier jour de l’implantation, une réunion d’ouverture est organisée dans chaque tribunal de grande instance. Celle-ci s’adresse à l’ensemble des magistrats et fonctionnaires. Elle est conduite par un magistrat ou un greffier en chef de l’équipe de projet.

Votre rapporteur salue également l’investissement majeur réalisé par la direction de projet dans l’information qui est délivrée sur Cassiopée. En effet, l’équipe se déplace très régulièrement dans les juridictions, notamment dans les grands tribunaux de grande instance.

Si ce dispositif est globalement satisfaisant, nombre de personnes rencontrées par votre rapporteur ont regretté le manque d’information sur les évolutions de Cassiopée. Cette information est donnée par la mise en ligne de documents de synthèse et par la diffusion sur des listes de discussion. Cependant, compte tenu des déceptions et des attentes suscitées par le déploiement de Cassiopée, votre rapporteur considère que l’information relative aux évolutions en cours et à venir de l’application doit être mise à jour de manière plus régulière.

Proposition n° 10 :

Mettre régulièrement à jour les informations relatives aux évolutions en cours ou à venir de Cassiopée.

2) … mais une formation qui reste largement perfectible

Si l’information des utilisateurs de Cassiopée sur l’avancement et la mise en place du projet semble avoir été bien appréciée, la formation, en revanche, n’a pas reçu le même assentiment. Elle s’est faite en deux temps.

En premier lieu, les magistrats et fonctionnaires des juridictions ont bénéficié d’une formation à l’utilisation du logiciel dans le cadre de sessions dispensées par le prestataire du ministère – Atos Origin – quelques jours avant l’implantation.

Cette formation préalable, d’une durée de trois jours pour les fonctionnaires, comportait un module général de deux jours, suivi d’un module spécialisé d’une journée selon le profil professionnel des agents : bureau d’ordre/traitement en temps réel, audiencement, instruction et juge des libertés et de la détention, mineurs, jugement correctionnel, exécution des peines, accueil et scellés. Cette formation a été ramenée à une demi-journée pour les magistrats, même si cette formation minimale a été adaptée selon les besoins.

Lors de leur audition, Mme Véronique Malbec, directrice des services judiciaires, et M. Stéphane Hardouin, directeur de projet Cassiopée, ont indiqué à votre rapporteur que la Chancellerie a pu constater la montée en compétence de l’équipe de formation d’Atos Origin au fur et à mesure de l’avancée du déploiement. Ils ont également estimé que le prestataire avait démontré sa capacité d’adaptation à l’occasion des ajustements de calendrier imposés par le ministère.

Toutefois, nombre de personnes rencontrées par votre rapporteur se sont plaintes que les sessions de formation étaient trop courtes et qu’aux questions juridiques, on ne leur a répondu que par des arguments techniques. C’est pourquoi, votre rapporteur estime que la présence de « greffiers formateurs » pour les sessions spécialisées serait un atout compte tenu de la complexité de la procédure pénale et des « questions métier » des stagiaires. La Chancellerie a, à cet égard, indiqué que la ré-internalisation de la formation était actuellement en cours d’étude dans la perspective de l’implantation de Cassiopée dans les juridictions parisiennes.

De surcroît, certains fonctionnaires ont été formés par Atos Origin sur une version antérieure de Cassiopée, différente de celle mise en œuvre dans les juridictions. Votre rapporteur ne peut que regretter ce décalage qui aurait pu être évité grâce à un meilleur pilotage contractuel.

En second lieu, outre les actions de formation « logiciel » dispensées par le prestataire Atos Origin, les juridictions ont bénéficié, pendant une à cinq semaines, selon l’importance du site concerné, d’une assistance sur place réalisée par des greffiers. Cette assistance concerne tous les services de la juridiction.

Si ce dispositif a été apprécié des utilisateurs, comme a pu le constater votre rapporteur lors de ses différents déplacements, les juridictions l’ont toutefois jugé insuffisant. C’est pourquoi, il a été renforcé par l’arrivée de formateurs de l’École nationale des greffes (ENG) ainsi que par la mise en place, en 2010, d’une formation à Cassiopée tant des auditeurs de justice que des magistrats en poste à l’École nationale de la magistrature (ENM).

TABLEAU DE SYNTHÈSE DES ACTIONS DE FORMATION RECENSÉES À L’ENM EN 2009-2010

Date

Période de la formation

Nombre et fonction du public

Application informatique

Format et durée de l’action

15.03.2010

Formation initiale

Spécialisation ou préparation aux premières fonctions Promotion 2008

12 juges d’instruction

11 juges des enfants

88 parquetiers

21 juges de l’application des peines

Cassiopée

Conférence en grand amphi et démonstration sur vidéo projecteur

Une demi-journée

15.09.2010

Formation continue

Reconversion

55 juges de l’instruction

Cassiopée

Winstru

Instru

Atelier en salle équipée de micro-ordinateurs

Démonstration et manipulations sommaires

Une demi-journée

16.09.2010

Formation continue

Reconversion

35 parquetiers

Dématérialisation des procédures pénales et Cassiopée

Conférence-débats de présentation des outils

Une demi-journée

(Source : École nationale de la magistrature).

De la même manière, comme l’ont indiqué à votre rapporteur, Mme Geneviève Liotard, directrice, et Mme Béatrice Gayet, adjointe chargée de la formation continue et informatique, l’ENG propose désormais sur son catalogue de formation continue des sessions Cassiopée. Elle dispense également, au stade de la formation initiale, des enseignements aux nouvelles promotions de greffiers en chef et de greffiers. Dans cette perspective, une plateforme de formation autonome, techniquement accessible aux services administratifs régionaux pour l’organisation de formations déconcentrées, a été installée à l’ENG en février 2010.

3) La reprise des données dans Cassiopée : l’accumulation d’importants retards dans l’enregistrement des procédures

Au-delà de l’information et de la formation des utilisateurs de Cassiopée, l’autre difficulté du déploiement réside dans la délicate reprise des données conservées dans les anciennes applications informatiques. Au terme de ses travaux et des multiples témoignages qu’il a recueillis, votre rapporteur regrette que cette question n’ait pas davantage été anticipée.

En effet, au début du déploiement de Cassiopée, la situation de départ était la suivante : cinq applications informatiques d’architecture et de génération différentes et dont les données doivent être transférées dans une nouvelle application nationale. Une reprise des données de cette ampleur ne peut se concevoir sans un véritable travail de remise à niveau consistant à modifier ou à compléter des saisies antérieures.

Or, le déploiement de Cassiopée a considérablement accru le stock des procédures à enregistrer au bureau d’ordre ainsi que des jugements à dactylographier au greffe correctionnel. Ainsi, dans la réponse qu’ils ont adressée à votre rapporteur, les chefs de juridiction du tribunal de grande instance de Chambéry, où Cassiopée a été implantée en mars 2010, indiquent que le stock de procédure à enregistrer a sensiblement augmenté à partir du déploiement de l’application, alors même que le bureau d’ordre pénal était parfaitement à jour avant l’implantation. À la fin du mois de septembre 2010, le stock de procédures à enregistrer au bureau d’ordre s’élevait à 1 757, soit un retard de deux mois. En revanche, le déploiement de Cassiopée n’a pas eu, dans cette juridiction, un impact sur le nombre de jugements à enregistrer, le service correctionnel étant demeuré parfaitement à jour.

Les chefs de juridiction du tribunal de grande instance d’Avignon ont, de la même manière, indiqué à votre rapporteur qu’au début du mois de novembre 2010, « malgré le renfort des personnels placés et des vacataires, le bureau d’ordre accusait un stock de 12 632 procédures, dont 4 086 procédures nouvelles et 3 510 classements sans suite non enregistrées ».

La perception qu’ont les magistrats, mais surtout les greffiers de Cassiopée, a été très fortement altérée par cette phase de reprise des données. Afin de résorber les stocks qui se sont formés, des crédits vacataires ont néanmoins été « fléchés » à partir de juillet 2009 : ce sont ainsi environ 30 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour le second semestre 2009 et 58 ETPT pour l’année 2010 qui ont été affectés à la reprise des données.

Par ailleurs, les indicateurs de suivi des stocks mis en place par le ministère de la Justice ont permis de montrer que, tous groupes de tribunaux de grande instance confondus, les stocks au bureau d’ordre et au greffe correctionnel tendent vers une diminution générale et significative au-delà du huitième mois après l’implantation. Après seize mois d’utilisation, les stocks de ces services retrouvent le niveau constaté à la date d’implantation et se situent même en deçà pour les services du greffe correctionnel. Ainsi, l’impact de la reprise des données sur les stocks peut se résumer en trois phases : hausse du stock sur les trois premiers mois ; puis, stabilisation du stock entre le troisième et le sixième mois après l’implantation ; enfin, réduction du stock des procédures au-delà de six mois d’utilisation de Cassiopée.

Votre rapporteur estime cependant que si le choix de reprendre les données des anciennes applications peut, sur le fond, se justifier compte tenu de la réforme de la carte judiciaire et de la suppression de certains tribunaux de grande instance, le moment de cette reprise – préalable à l’implantation de Cassiopée – n’est pas forcément la meilleure solution. Ainsi, comme les chefs de juridiction du tribunal de grande instance d’Évreux l’ont signalé à votre rapporteur, il aurait été plus judicieux d’envisager :

—  le maintien en parallèle des anciens logiciels et de Cassiopée, afin de laisser le temps aux juridictions de traiter entièrement leur ancien stock au moyen d’outils éprouvés, fiables et parfaitement maîtrisés ;

—  puis, une reprise des données après 12 ou 18 mois d’utilisation de la nouvelle chaîne pénale ou plus rapidement en fonction de la situation de la juridiction et de ses stocks, afin de permettre la recherche et la consultation dans Cassiopée des affaires terminées et leur utilisation par les services en aval (exécution des peines, pièces à conviction).

En revanche, votre rapporteur se félicite que 99 % des dossiers aient été techniquement transférés et qu’il n’y ait pas eu, comme les juridictions le redoutaient, de pertes de dossiers.

B. UN DÉPLOIEMENT QUI A MIS EN LUMIÈRE DE MANIÈRE ÉDIFIANTE LES LACUNES ET LES FAIBLESSES DE CASSIOPÉE

Si le déploiement de Cassiopée a été insuffisamment préparé et a laissé place à d’importantes difficultés, comme votre rapporteur vient de le démontrer, il a également été l’occasion de mettre en lumière les nombreuses lacunes et faiblesses de cette nouvelle application à tous les stades de la chaîne pénale.

1) Des temps de saisies des dossiers parfois plus longs au bureau d’ordre et à l’audiencement

Lors de ses travaux, votre rapporteur a pu constater que, dans certaines juridictions, la mise en place de Cassiopée n’avait pas permis de réduire les délais de saisie des dossiers tant au bureau d’ordre qu’à l’audiencement.

Ainsi, les chefs de juridiction, au tribunal de grande instance d’Évreux, ont indiqué à votre rapporteur que les délais nécessaires à la préparation de l’audiencement des affaires criminelles, qui étaient de deux mois en 2008, sont rapidement passés à trois mois au moment du déploiement de Cassiopée et ce, en raison du temps perdu à corriger les éditions imparfaites. En dépit de l’arrivée d’une personne supplémentaire à mi-temps dans ce service, il n’a pas été possible de retrouver ce délai de deux mois.

Au bureau d’ordre du tribunal de grande instance de Nancy, le temps de saisie des dossiers s’est également allongé sensiblement : alors qu’il était possible pour un fonctionnaire de saisir, chaque jour, 500 procédures avec la Mini-pénale, Cassiopée permet désormais à un fonctionnaire de ne saisir que 206 procédures par jour. Au service de l’audiencement de ce tribunal, le même constat s’impose : la Mini-pénale permettait à un fonctionnaire d’enregistrer en moyenne, chaque jour, vingt convocations par officier de police judiciaire (COPJ) ou comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, quand Cassiopée n’en permet que quinze. La situation n’est pas non plus différente au tribunal de grande instance d’Avignon : alors que 40 à 60 procédures pouvaient être enregistrées, chaque jour, par un fonctionnaire du bureau d’ordre, désormais avec Cassiopée ce sont seulement entre 20 et 30 procédures qui peuvent être saisies par jour et par fonctionnaire.

Cet allongement des délais s’explique notamment par l’impossibilité de corriger une information, dès lors qu’elle est renseignée dans Cassiopée. C’est cette situation que nombre de juridictions déplorent. Ainsi, si la qualité de l’auteur ou de la victime évolue au cours de la procédure, l’ensemble du dossier doit être ressaisi. De la même manière, s’agissant d’une procédure impliquant une victime mineure, si le fonctionnaire oublie, au bureau d’ordre, de cocher la case « mineur », cette erreur ne peut pas être rectifiée ultérieurement.

L’augmentation des délais s’explique également par la nécessité de saisir plusieurs fois la même information. Ainsi, certains juges des libertés et de la détention s’interrogent sur la pertinence de devoir renseigner à cinq reprises le lieu de mise en détention. Les dates limites de détention doivent être saisies à deux reprises, faisant peser un risque non négligeable de contradiction.

Cassiopée n’aurait donc pas amélioré l’efficacité et la rapidité de la chaîne. S’il faut en la matière faire preuve de prudence, compte tenu du manque de recul sur Cassiopée, ce constat semble néanmoins largement partagé. En effet, sur les vingt-deux juridictions ayant répondu au questionnaire écrit de votre rapporteur, 82 % d’entre elles soulignent que l’application Cassiopée n’a pas permis à ce jour de réduire les délais d’audiencement et de jugement.

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Absence de réponse

3

13,5 %

Oui

1

4,5 %

Non

18

82 %

Total

22

100 %

2) Une application en partie inadaptée à l’instruction et à la justice pénale des mineurs

L’application Cassiopée semble poser aux services de l’instruction et des difficultés techniques particulières.

S’agissant de la justice pénale des mineurs, Cassiopée n’offre pas d’historique sur le parcours des mineurs et n’intègre pas le volet civil – notamment les mesures d’assistance éducative – du tribunal pour enfants, ce qui rend de facto cette nouvelle application rigide et peu attractive. C’est pourquoi, les juges des enfants du tribunal de grande instance de Chambéry continuent d’utiliser le logiciel Wineurs dans le cadre de l’assistance éducative. Les juges des enfants du tribunal de grande instance de Lille, pour leur part, commencent à utiliser Cassiopée dans leur activité pénale : alors que certains cabinets s’astreignent à le faire de façon complète, d’autres enregistrent, à son arrivée, l’affaire nouvelle sur Cassiopée et continuent, par la suite, à suivre l’affaire sous Wineurs.

Cependant, s’agissant des mineurs, certains tribunaux pour enfants fonctionnent aujourd’hui exclusivement ou principalement avec Cassiopée. C’est notamment le cas à Bordeaux ou à Nantes, où votre rapporteur s’est rendu le 14 octobre 2010. Il a, à cette occasion, pu constater que les juges pour enfants de cette juridiction se montraient relativement satisfaits de cette nouvelle application.

En conséquence, le ministère de la Justice a décidé de procéder à des évolutions importantes et rapides pour le traitement pénal des mineurs. Ainsi, la dernière version de Cassiopée (34), en production depuis le 2 novembre 2010 et conçue avec le tribunal pour enfants d’Amiens, offre des fonctionnalités très attendues, comme l’historique. En définitive, votre rapporteur estime que le maintien de Wineurs au pénal paraît très provisoire mais sera plus durable en ce qui concerne la gestion de l'assistance éducative.

Outre les mineurs, Cassiopée s’est rapidement révélée en partie inadaptée aux contraintes de l’instruction, où la situation semble plus complexe. En effet, comme M. Stéphane Hardouin, directeur de projet Cassiopée, l’a souligné, lors de son audition par votre rapporteur, le 30 novembre 2010, seulement 30 cabinets d’instruction sur un total de 110 utilisent complètement Cassiopée. Les raisons en sont multiples : absence de trames personnalisables et système d'édition défaillant faisant courir un risque important de nullité de procédure ; le poids de la reprise des données liée à la volumétrie des dossiers d’instruction ; l'impact des coupures et des déconnexions de Cassiopée sur les actes réalisés en temps réel, comme les interrogatoires…

Pour toutes ces raisons, nombre de juridictions continuent d’utiliser à titre principal le logiciel Winstru. Il en est ainsi aux tribunaux de grande instance de Chambéry et de Lille, où les juges d’instruction font, dans un premier temps, enregistrer les nouveaux dossiers sur Cassiopée, puis prennent leurs actes sur Winstru. À Lille, un seul cabinet d’instruction sur les quatorze que comporte la juridiction s’astreint à l’utiliser pour l’expérimenter. Il s’agit en l’occurrence d’un cabinet financier où le nombre d’actes est très limité et les détenus rares.

Ces difficultés rencontrées par les services de l’instruction et des mineurs expliquent pourquoi les trois quarts des juridictions interrogées par votre rapporteur estiment que Cassiopée constitue un progrès par rapport à certaines applications, mais un recul par rapport à d’autres (comme Wineurs et Winstru).

L’APPLICATION CASSIOPÉE CONSTITUE-T-ELLE, SELON VOUS, UN PROGRÈS OU UN RECUL PAR RAPPORT AUX APPLICATIONS INFORMATIQUES ANTÉRIEURES ? (35)

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Ne se prononce pas

1

4,5 %

Un progrès par rapport à toutes les anciennes applications

0

0 %

Un progrès par rapport à certaines anciennes applications et un recul par rapport à d’autres

17

77,5 %

Un recul par rapport à toutes les anciennes applications

4

18 %

Total

22

100 %

Compte tenu de ces difficultés, le ministère de la Justice a autorisé le maintien des applications de l'instruction et des mineurs, rappelant toutefois la nécessité de renseigner au minimum le bureau d'ordre national prévu à l'article 48-1 du code de procédure pénale et de préserver la logique de chaîne.

3) Des ruptures d’accès et des ralentissements fréquents risquant de compromettre les procédures traitées en temps réel

Autre difficulté mise en lumière par le déploiement de Cassiopée : les trop fréquentes ruptures de connexion et d’accès à l’application, qui compromettent le bon déroulement des procédures en temps réel, comme les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Ainsi, entre novembre 2009 et septembre 2010, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, où votre rapporteur s’est rendu, le 4 octobre 2010, a enregistré près de soixante heures de dysfonctionnements divers, comme le montre le tableau ci-dessous :

Date

Heure

Nature du dysfonctionnement

20.11.2009

De 13 heures à 14 heures

Impossible de se connecter

02.12.2009

À 11 heures 55

Coupure totale

15.12.2009

En fin de matinée

Nombreux ralentissements

Jusqu’à 14 heures 30

Problèmes relatifs aux éditions CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité)

À 14 heures 35

Impossible de travailler : Cassiopée ne répond pas

À 14 heures 38

Appel à la hot line : serveur hors service

12.01.2010

À 15 heures 30

Ralentissements rendant impossible les éditions

14.01.2010

De 11 heures 45 à 12 heures 30

Coupure totale

25.01.2010

De 8 heures 15 à 8 heures 45

Impossible de se connecter

23.02.2010

De 9 heures à 12 heures

Ralentissements importants

De 12 heures à 12 heures 30

Coupure Cassiopée

15.03.2010

De 9 heures à 13 heures

Ralentissements importants

De 13 heures à 19 heures

Coupure Cassiopée

16.03.2010

Du matin au soir

Ralentissements importants

24.03.2010

De 12 heures 30 à 13 heures 15

Coupure Cassiopée

03.05.2010

De 9 heures à 17 heures

Ralentissements

04.05.2010

De 9 heures 30 à 12 heures 30

Ralentissements

03.06.2010

De 12 heures 45 à 15 heures 30

Arrêt total de Cassiopée

22.06.2010

De 16 heures 30 à 17 heures

Problèmes de fonctionnement

23.06.2010

À partir de 11 heures

Ralentissements importants

De 11 heures 15 à 12 heures

Coupure Cassiopée

29.06.2010

De 10 heures à 12 heures 45

Ralentissements importants

De 12 heures 45 à 13 heures 30

Coupure Cassiopée

01.07.2010

De 12 heures 30 à 13 heures 30

Coupure Cassiopée

05.08.2010

De 14 heures 30 à 17 heures 15

Blocage de certains postes

06.08.2010

De 8 heures 30 à 17 heures 15

Blocage de certains postes

22.09.2010

De 14 heures 30 à 17 heures 30

Ralentissements importants

(Source : tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse)

Or, si la coupure d’accès à Cassiopée intervient en cours d’audience devant le juge d’instruction ou devant le juge des libertés et de la détention, les déclarations des parties peuvent être définitivement perdues. Afin de prévenir ce risque, des pratiques de contournement se sont mises en place. Ainsi, au tribunal de grande instance de Nancy, les déclarations des parties sont prises en note dans une fenêtre distincte et séparée, avant d’être finalement réintégrées dans Cassiopée. La perte de temps est patente.

Les temps de réponse de l’application que nombre de magistrats et de greffiers jugent anormalement longs sont également sources de difficultés des procédures en temps réel. En effet, Cassiopée offre une gestion intranet de tout dossier, ce qui oblige à des validations répétées de pages Web successives. Ces validations multiples – déclaration de l’avocat, du mis en examen, de la publicité, des personnes présentes – prennent chacune, en moyenne, dix secondes. Par la perte de temps qu’elles induisent, ces validations sont largement inadaptées à un débat qui doit se dérouler rapidement.

De la même manière, les chefs de juridiction du tribunal de grande instance d’Annecy ont indiqué à votre rapporteur que les ralentissements du système Cassiopée sont réguliers. Ainsi, lorsque trop d’utilisateurs sont connectés simultanément à l’application, plusieurs d’entre eux en sont déconnectés brutalement au beau milieu d’une audience.

4) Des trames rigides et des éditions problématiques : un risque majeur d’insécurité juridique

Mais la principale de Cassiopée unanimement dénoncée par l’ensemble des magistrats, des greffiers et des fonctionnaires de justice réside dans la rigidité des trames et la mauvaise qualité des éditions.

Ainsi, il ressort des auditions et déplacements réalisés par votre rapporteur que la plupart des trames des actes susceptibles d’être édités sont rédigées dans un style approximatif et parfois juridiquement inexact. Les références aux textes de loi sont souvent insuffisantes quand elles ne sont pas erronées, au risque de voir la validité des actes édités remise en cause.

Par ailleurs, des mentions légales ne figurent pas dans les trames, ce qui exige que l’utilisateur pense systématiquement à les ajouter manuellement. Compte tenu de ces carences, l’utilisation de certaines trames suppose une vérification extrêmement minutieuse tant leur contenu ou l’absence de certaines mentions présentent des risques de nullité sur le plan procédural.

Or, les actes édités à partir de ces trames apparaissent, de manière générale, d’une très faible qualité, compte tenu des erreurs qu’ils comportent. Ainsi, dans un jugement édité depuis Cassiopée, les références aux articles ou bien les données concernant les faits ou la personne peuvent être erronées, sans compter les fautes d’orthographe et l’absence de majuscules en début de phrase. Les indications renseignées dans l’application ne sont pas toutes reprises lors de l’édition des documents. Par exemple, lors de l’édition d’un mandat de dépôt, ce dernier indique systématiquement comme lieu de détention la maison d’arrêt du siège du tribunal, bien que l’utilisateur en ait renseigné une autre dans Cassiopée.

Ainsi, une fois l’acte édité par Cassiopée, l’utilisateur doit réaliser un important travail de traitement de texte pour le reprendre et notamment y insérer les mentions obligatoires qui font défaut comme la majoration des droits fixe de procédure ou la commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

Le tribunal de grande instance de Nancy estime ainsi que le temps passé à la dactylographie d’un jugement est beaucoup plus long qu’avec la Mini-pénale. Le tribunal de grande instance d’Évreux reconnaît pour sa part que le déploiement de Cassiopée a entraîné un allongement des délais d’édition des jugements qui sont passés de trois semaines au 31 décembre 2008 à trois mois et demi au 31 décembre 2009.

Outre l’allongement de ces délais d’édition, les carences augmentent considérablement le risque des requêtes en erreur matérielle. C’est donc bien l’ensemble des documents générés par Cassiopée qui doivent aujourd’hui être systématiquement vérifiés dans leur intégralité. S’il est tout à fait normal de s’astreindre à relire une décision judiciaire susceptible de comporter une erreur commise par le magistrat ou le greffe, votre rapporteur estime qu’il n’est pas acceptable de ne pas pouvoir se fier au contenu même des trames de l’application qui constitue le support informatique imposé des décisions de justice.

Parce que les attentes des magistrats et des greffiers sont fortes, des solutions vont prochainement être mises en œuvre par la Chancellerie. En effet, le système d’édition de Cassiopée – actuellement B-Doc – va être remplacé par un nouveau système éditique dénommé Archimed (36). L’intégration des premières éditions Cassiopée sous Archimed débutera au cours du deuxième trimestre 2011. Dès lors, le ministère sera plus autonome et plus réactif dans la conception et la correction des éditions, que les juridictions auront par ailleurs la possibilité de personnaliser.

5) L’exécution des peines : la grande oubliée de Cassiopée ?

S’agissant de l’exécution des peines, la situation semble beaucoup plus contrastée. En effet, près des trois quarts des juridictions interrogées par votre rapporteur considèrent que Cassiopée n’a pas permis d’améliorer l’exécution des peines contre un quart qui estiment l’inverse.

L’APPLICATION CASSIOPÉE A-T-ELLE PERMIS D’AMÉLIORER
L’EXÉCUTION DES PEINES ? 
(
37)

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Absence de réponse

1

4,5 %

Oui

5

22,5 %

Non

16

73 %

Total

22

100 %

Cette situation n’a cependant rien de réellement surprenant. En effet, comme votre rapporteur l’avait constaté en 2007, avant le déploiement de Cassiopée, la plupart des services de l’exécution des peines (38) n’étaient pas informatisés et devaient indiquer sur des fiches cartonnées d’un autre âge l’état d’exécution des peines prononcées, sans disposer d’aucun outil informatique de recherche ou d’alerte. La mise en service de Cassiopée constitue un réel progrès pour ces services de l’exécution des peines qui n’étaient pas informatisés.

C’est notamment le cas aux tribunaux de grande instance de Vannes, de Douai et de Châteauroux. Désormais, le service d’exécution des peines de ces juridictions bénéficie de toutes les informations enregistrées en amont en consultant simplement leur écran d’ordinateur et non les anciennes fiches papier. Ce gain de temps est très apprécié. Ainsi, pour une personne absente à l’audience et non touchée par la signification, le greffe vérifie, outre la recherche au fichier national des détenus, si l’individu n’a pas été condamné de manière récente par une autre juridiction afin de récupérer dans Cassiopée sa nouvelle adresse.

La situation est en revanche très différente pour les services de l’exécution des peines qui travaillaient auparavant avec EPWin. Il semble que cette application offrait des fonctionnalités plus poussées que Cassiopée. En effet, le module exécution des peines de Cassiopée présenterait de nombreuses lacunes. Ainsi, l’application ne permet pas, en l’état actuel, de visualiser les dossiers et les rappels sont difficiles à gérer.

En effet, avec EPWin, il était possible de visualiser l’ensemble des affaires concernant un individu par simple saisie de son nom et d’avoir une information claire sur l’état d’exécution de chaque jugement. Or, Cassiopée n’offre qu’une présentation affaire par affaire et impose donc d’ouvrir chaque affaire pour connaître son état.

Dans leur réponse à votre rapporteur, les représentants du tribunal de grande instance d’Avignon estiment que l’absence de fonction de rappels et d’alertes rend très difficile le suivi de l’exécution, quand ceux du tribunal de grande instance de Dijon déplorent l’impossibilité d’éditer des imprimés relatifs aux requêtes en exécution de peines.

Ces carences de Cassiopée ne sont pas sans effet sur l’exécution des peines. Ainsi, au tribunal de grande instance de Chambéry, les temps de passage devant le bureau de l’exécution des peines (BEX) sont beaucoup plus longs. En effet, le greffier correctionnel n’ayant pas le temps à l’audience de saisir les données dans Cassiopée, il incombe au greffier du BEX de rentrer les peines pour pouvoir générer les documents dont il a besoin (notifications…). Le tribunal de grande instance d’Évreux estime pour sa part que les délais d’exécution ont été multipliés par quatre avec Cassiopée, passant ainsi de deux à huit mois. Au tribunal de grande instance d’Orléans, le nombre de jugements en attente d’exécution a significativement augmenté. Alors qu’au 31 mai 2010, 43 jugements étaient en attente de traitement au service de l’exécution des peines, ce nombre a atteint 962 au 30 septembre de la même année, soit un peu plus de trois mois après l’implantation de Cassiopée (39).

Consciente des faiblesses de l’exécution des peines dans Cassiopée, la Chancellerie en a fait une de ses priorités du projet, en apportant de multiples améliorations : création d’éditions manquantes en juillet 2009 ; traitement des requêtes et des éditions afférentes en novembre 2009 ; modification des écrans de l’exécution des peines (40) et amélioration des éditions en mars 2011.

6) Un infocentre défaillant : une déception majeure pour les juridictions

Par ailleurs, une des grandes attentes soulevées par Cassiopée résident dans la production de statistiques et de tableaux de bord. En effet, comme cela a été précédemment évoqué, les outils actuellement disponibles ne permettent pas d’avoir une vision précise de tous les aspects de la chaîne pénale.

Afin de remédier à cette difficulté, Cassiopée a été doté d’un infocentre statistique. Or, il ressort des travaux menés par votre rapporteur que les données statistiques générées par l’infocentre ne sont pas cohérentes avec celles qui étaient recueillies avant l’implantation de Cassiopée. Faute de statistiques fiables, le pilotage de la politique pénale devient plus difficile.

Ce constat est partagé par nombre de juridictions. Ainsi, les représentants du tribunal de grande instance du Havre estiment que la base statistique de l’infocentre est une application « extrêmement complexe », qui connaît, de surcroît, de forts ralentissements et problèmes techniques. L’extraction de statistiques à partir de requêtes est un exercice si compliqué, qu’à ce jour, aucune requête permettant de mesurer les délais et les taux d’exécution des décisions de justice pénale n’a été créée.

La situation n’est guère différente au tribunal de grande instance d’Annecy, pour lequel l’infocentre est une déception majeure. La façon de poser les questions à l’infocentre est d’une complexité telle qu’en pratique, pour chaque demande statistique, les greffes de la juridiction se tournent vers la Chancellerie pour lui demander des conseils quant à la façon de les formuler. Les chiffres obtenus à partir de l’infocentre sont également erronés, ce qui oblige à de multiples contrôles de cohérence. En pratique, la seule façon d’être sûr de ces chiffres reste de compter manuellement les dossiers et les décisions. C’est ce qui est notamment fait au tribunal de grande instance d’Orléans, où la collecte des données en vue de mesurer les délais et taux d’exécution des décisions de justice pénale s’effectue par comptage manuel, ce qui représente une journée de travail par mois pour l’ensemble du service de l’exécution des peines. Ainsi, nombre de personnes rencontrées par votre rapporteur estiment que Cassiopée n’est donc d’aucune utilité pour l’heure en matière de suivi statistique.

Afin de remédier à cette difficulté, plusieurs réponses sont envisagées à brève échéance par la Chancellerie :

—  des requêtes prédéfinies, réalisées par l’administration centrale et répondant aux collectes et enquêtes statistiques, vont être mises à la disposition des utilisateurs. Elles seront élaborées en lien avec la sous-direction de la statistique et des études de la Chancellerie à l’occasion des campagnes statistiques sous forme de « mode d’emploi ».

—  au premier semestre 2011, des formations de perfectionnement en atelier seront dispensées pour les utilisateurs par le prestataire du ministère, Atos Origin ;

—  l’ENG propose dans son catalogue de formation continue pour 2011 des sessions sur l’infocentre Cassiopée et dispense des enseignements sur le même sujet aux nouvelles promotions de greffiers.

7) Des difficultés persistantes qu’il convient de résoudre rapidement

Pour votre rapporteur, deux difficultés majeures persistent aujourd’hui : la gestion des scellés et le traitement des affaires complexes dans Cassiopée.

En effet, la gestion dématérialisée des scellés n’a pas été intégrée dans Cassiopée. Ainsi, les scellés continuent le plus souvent de faire l’objet d’une gestion manuelle. Dans d’autres juridictions, comme au tribunal de grande instance de Chambéry, les personnels utilisent, en parallèle de Cassiopée, un logiciel d’initiative locale pour les scellés.

Proposition n° 11 :

Dématérialiser rapidement la gestion des scellés dans Cassiopée.

La deuxième difficulté qu’il convient de résoudre rapidement réside dans le traitement des dossiers complexes impliquant plusieurs auteurs, victimes ou infractions. En effet, la gestion de ces dossiers dans Cassiopée nécessite aujourd’hui des saisies multiples et parfois redondantes. Ainsi, un dossier complexe avec plusieurs prévenus et plusieurs victimes prend plusieurs heures à frapper : un dossier d’instruction nécessitera, par exemple, une demie journée de traitement. Une nouvelle version de Cassiopée répondant à ces difficultés est actuellement en cours de conception et d’expérimentation au tribunal de grande instance de Lille. Parce que l’amélioration de l’exécution des peines exige davantage de fluidité et de rapidité dans le traitement de la chaîne pénale, votre rapporteur considère que des réponses aux difficultés rencontrées dans la gestion des affaires complexes doivent être apportées dans les meilleurs délais par la Chancellerie.

Proposition n° 12 :

Apporter rapidement des solutions concrètes aux difficultés rencontrées dans la gestion des affaires complexes impliquant plusieurs auteurs, victimes ou infractions.

8) Une application jugée peu fonctionnelle et peu conviviale

Il ressort enfin de l’ensemble des travaux conduits par votre rapporteur que l’application Cassiopée se révèle fastidieuse dans son utilisation : beaucoup de « clics », ouverture de multiples écrans successifs à renseigner, un système peu intuitif…

À titre d’exemple, la page « résumé » d’un dossier sur Cassiopée est aujourd’hui incomplète : elle ne mentionne pas, en effet, le numéro de procès-verbal, la présence de scellés ou la mise en place de mesures alternatives aux poursuites. Pour faire un avis à victime, il n’est pas possible de réaliser des impressions par lots : il faut dès lors que le greffier sélectionne la fiche de chaque victime et l’imprimer individuellement.

À cela s’ajoute l’absence de fonction d’agenda et de rappel qui ne permet pas aux magistrats et aux greffiers d’anticiper les événements. Dans cette perspective, les fonctionnaires déplorent ainsi le temps de travail important perdu en raison du manque d’efficacité de Cassiopée.

C. LES EFFORTS SALUTAIRES ENGAGÉS PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE POUR NE PAS COMPROMETTRE LE PROJET CASSIOPÉE

Toutes les difficultés que votre rapporteur vient de mentionner et que les juridictions ont rencontrées, chacune à des degrés divers, auraient pu compromettre définitivement le projet Cassiopée. S’il n’en a rien été, c’est grâce aux efforts majeurs qui ont été fournis par la Chancellerie ainsi qu’au dévouement, que votre rapporteur tient à saluer, aussi bien de l’équipe Cassiopée que de l’ensemble des magistrats et des greffiers sans qui Cassiopée ne pourrait aujourd’hui fonctionner.

1) L’électrochoc du tribunal de grande instance de Bordeaux…

En février 2009, l’application Cassiopée a été implantée au tribunal de grande instance de Bordeaux. Il s’agissait-là, pour l’ensemble des acteurs concernés, d’un véritable test sur les conditions dans lesquelles Cassiopée serait généralisée dans toutes les juridictions françaises. En effet, le tribunal de grande instance de Bordeaux était le premier site offrant une forte volumétrie de dossiers à expérimenter Cassiopée.

Si le test réussissait, l’implantation se poursuivrait alors rapidement et dans de bonnes conditions sans rencontrer de difficultés majeures. Si le test échouait, il faudrait très vite en tirer les principaux enseignements pour rectifier le tir et ne pas compromettre définitivement le déploiement de Cassiopée.

Or, tous s’accordent à dire que l’implantation de Cassiopée au tribunal de grande instance de Bordeaux a mis en lumière de manière édifiante les carences et les faiblesses de Cassiopée (cf. supra), augurant peu d’un déploiement rapide et satisfaisant sur toute la France. L’échec relatif de l’implantation de Cassiopée à Bordeaux a suscité un large mouvement de protestation soutenu par plusieurs syndicats. Ces derniers ont adressé, en décembre 2009, une lettre au Garde des Sceaux demandant « un moratoire sur le déploiement de Cassiopée ».

2) … a suscité une réponse énergique et salutaire du ministère de la Justice

Si le ministère de la Justice a fait le choix de poursuivre le déploiement de Cassiopée, il a répondu de manière énergique à ces inquiétudes et à ces difficultés.

En premier lieu, la Chancellerie a mis en place, en mars 2009, un observatoire du déploiement de Cassiopée composé des organisations syndicales – de magistrats et de fonctionnaires – ainsi que des juridictions « pilotes ».

Cet observatoire se réunit à Paris tous les deux à trois mois afin de faire le point sur le déploiement et le plan d’amélioration de l’application. Il se rend également régulièrement dans les juridictions et ce, avec ou sans le ministère. Dans cette perspective, des déplacements ont été réalisés dans les tribunaux de grande instance d’Angoulême, d’Alençon, de Bordeaux et de Lille. Les débats, que le ministère ainsi que les syndicats reçus par votre rapporteur jugent riches, ont permis d’influer sur plusieurs décisions, comme le renforcement du rôle de l’ENG dans la formation à Cassiopée (dotation de nouveaux moyens techniques), la programmation de versions ergonomiques et le maintien des applications à l’instruction.

En second lieu, le ministère de la Justice a procédé à de nombreux ajustements budgétaires et matériels. La sous-direction de l’informatique et des télécommunications, qui assure la maîtrise d’œuvre du projet, a bénéficié d’une augmentation importante de ses crédits pour la période 2011-2013, mais aussi de ses effectifs. De la même manière, côté maîtrise d’ouvrage, l’équipe du projet Cassiopée a été renforcée. Des sites « pilotes » ont enfin été désignés pour résoudre certaines difficultés (par exemple, le tribunal de grande instance de Lille pour les dossiers complexes).

Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Justice et des Libertés, a parfaitement résumé, lors de son audition du 2 novembre 2009 par la commission élargie de l’Assemblée nationale chargée d’examiner les crédits de la mission « Justice », les efforts majeurs mis en œuvre pour pérenniser le déploiement de Cassiopée : « Vous avez signalé les difficultés de la dématérialisation, notamment en ce qui concerne Cassiopée. Nous travaillons à les résoudre. Les services et les opérateurs en cause ont été convoqués et avertis que nous ne tolérerions plus à l’avenir ni nouveaux retards ni dysfonctionnements. Toutefois, nos services ne sont pas les seuls à devoir apprendre cette nouvelle culture : nos efforts resteront vains tant qu’ils ne seront pas partagés par nos partenaires – nous ne pouvons pas encore, par exemple, échanger avec les services de police ».

Si l’électrochoc du tribunal de grande instance de Bordeaux a suscité une réponse énergique et efficace de la Chancellerie, votre rapporteur estime qu’un des enseignements du projet est qu’un indicateur de satisfaction des utilisateurs aurait dû être mis en place par le ministère de la Justice et suivi très régulièrement afin de mieux apprécier la perception des utilisateurs. Un tel indicateur devra assurément être mis en place pour le déploiement sur la chaîne pénale de toute nouvelle application informatique.

Proposition n° 13 :

Pour le déploiement de toute nouvelle application informatique sur la chaîne pénale, mettre en place et suivre régulièrement un indicateur de satisfaction des utilisateurs.

D. CASSIOPÉE À L’ÉPREUVE DES FAITS : UN SUCCÈS EN DEVENIR

À l’heure où le déploiement de Cassiopée est quasiment achevé, il est possible de procéder à un premier bilan de la satisfaction présente des utilisateurs et des promesses qu’il convient de concrétiser.

1) Une appréciation nuancée des utilisateurs de Cassiopée

Au terme de ses travaux, votre rapporteur estime qu’il est très difficile de porter sur l’application Cassiopée une appréciation tranchée et définitive. En effet, nombre de personnes rencontrées lors de la mission ont porté sur Cassiopée des critiques très sévères et parfois justifiées, quand d’autres se sont montrées, dans le même temps, plutôt satisfaites d’une application qui n’est certes pas parfaite, mais qui permet d’améliorer le service public de la justice ainsi que le fonctionnement des juridictions.

Afin de porter une appréciation aussi exhaustive qu’objective sur Cassiopée, votre rapporteur a souhaité recueillir l’avis d’un grand nombre d’utilisateurs. Sur les vingt-deux juridictions ayant répondu au questionnaire que votre rapporteur leur a adressé, plus des deux tiers d’entre elles indiquent qu’aujourd’hui, Cassiopée répond aux attentes des magistrats et des greffiers sous réserve des difficultés que votre rapporteur a précédemment évoquées. Un tiers d’entre elles, en revanche, considère que Cassiopée n’a pas, à ce jour, atteint les objectifs qui lui étaient assignés et qu’à ce titre, elle ne répond pas aux attentes des magistrats et des greffiers.

 

Nombre de tribunaux de grande instance

Part de tribunaux de grande instance (en %)

Absence de réponse

Oui sans réserve

0

0 %

Oui avec réserves

15

68 %

Non

7

32 %

Total

22

100 %

Loin d’assister à un rejet unanime de Cassiopée, il semble bien que les utilisateurs portent sur l’application une appréciation nuancée et plutôt positive, marquée par l’attente. En effet, si la satisfaction des juridictions n’est ni franche, ni massive, c’est qu’elle exige aujourd’hui que les promesses dont Cassiopée est porteuse soient concrétisées au plus vite.

2) Des promesses qu’il faut concrétiser au plus vite

L’application Cassiopée suscite beaucoup d’espoirs à deux niveaux : d’une part, l’interconnexion de Cassiopée avec les applications de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale et, d’autre, la réorganisation des services sous l’effet de la « verticalisation » des procédures induite par Cassiopée.

En premier lieu, le partage d’informations entre l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale entendu au sens le plus large apparaît absolument indispensable afin d’assurer un fonctionnement aussi fluide que possible de cette chaîne. En effet, ces différents acteurs ont également beaucoup à gagner en temps et en efficacité en disposant d’informations déjà saisies et vérifiées dans le système Cassiopée.

Or, comme le montre le tableau figurant ci-dessous, cette communication entre le système Cassiopée et les autres systèmes informatiques de la chaîne pénale n’est toujours pas effective, alors que le déploiement de Cassiopée est quasiment achevé.

CALENDRIER DES ÉCHANGES INTER-APPLICATIFS ENTRE CASSIOPÉE ET L’ENSEMBLE DES ACTEURS DE LA CHAÎNE PÉNALE

Échanges inter-applicatifs de Cassiopée avec :

Date de l’interconnexion

Les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation (application APPI)

Interconnexion techniquement prête depuis décembre 2009, désormais conditionnée par l’autorisation de la CNIL.

La gendarmerie nationale

Sites pilotes en avril 2011

La police nationale

Sites pilotes au second trimestre 2011

Le casier judiciaire national

a) Demandes de bulletins n° 1 : courant 2011

b) Pièces d’exécution « fiche casier » : premier trimestre 2013

Les établissements pénitentiaires (application Genesis)

Horizon 2014

(Source : sous-direction de l’informatique et des télécommunications, direction des services judiciaires, ministère de la justice)

Compte tenu de l’importance que revêt cette interconnexion de Cassiopée avec les autres applications de la chaîne pénale entendue au sens large, le retard observé en la matière ne paraît pas acceptable à la mission. Celle-ci estime que Cassiopée, présenté comme une « application communicante », doit être mis en connexion au plus vite avec les autres applications. Ce n’est qu’à cette condition que Cassiopée améliorera réellement la fluidité de la chaîne pénale en facilitant l’échange d’informations entre les enquêteurs et les services judiciaires et en évitant à tous les acteurs de cette chaîne concourant à l’exécution de la décision des ressaisies aussi fastidieuses qu’inutiles.

Enfin, dans un troisième temps, lorsque Cassiopée aura été déployé dans l’ensemble des juridictions, y compris franciliennes, et que sa communication avec les autres applications sera réalisée, la mission formule le vœu, comme elle l’a déjà fait en 2007, « que les applications des acteurs relevant du ministère de la Justice (service du casier judiciaire national, juges de l’application des peines, administration pénitentiaire et services pénitentiaires d’insertion et de probation) soient intégrées au système Cassiopée, qui constituerait l’application unique de l’ensemble de la chaîne pénale » (42).

Proposition n° 14 :

Réaliser au plus vite l’interconnexion de Cassiopée avec les applications informatiques utilisées par tous les acteurs de la chaîne pénale (police et gendarmerie nationales, casier judiciaire national, juges de l’application des peines et services d’insertion et de probation, administration pénitentiaire…).

En second lieu, la logique de chaîne sur laquelle est construite Cassiopée conduit les juridictions et leurs personnels à repenser en profondeur l’organisation de la chaîne pénale.

En effet, l'organisation « horizontale » classique – bureau d’ordre, audiencement, greffe correctionnel, exécution des peines – semble davantage adaptée aux anciennes applications qu’à Cassiopée. Le travail sur Mini-pénale et Micro-pénale faisait intervenir pour la saisie des données un service et des fonctionnaires différents à chaque stade de la procédure. Ainsi, chaque service intégrait à son niveau les données le concernant, avant de transmettre ensuite la procédure au service situé en aval et ce, jusqu’au service de l’exécution des peines, dernier maillon de la chaîne. Comme le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers, M. Pierre Sennes, l’a indiqué, le 20 mai 2010, « le traitement d’une procédure sur la chaîne pénale mobilisait plusieurs fonctionnaires, pour des interventions fragmentées et sans vision d’ensemble ».

Or, le projet Cassiopée est un logiciel beaucoup plus exigeant et rigoureux dans l’enregistrement des données en raison de la logique de chaîne sur laquelle il est construit. La réduction du risque d’erreurs et la fluidité de la chaîne pénale exigent par conséquent que le nombre d’intervenants soit diminué. Il faut pour ce faire que les agents aient une plus grande maîtrise du processus de saisie des données et puissent suivre un dossier dans son intégralité, à savoir de son enregistrement jusqu’au jugement. On parle alors de « verticalisation » ou d’« intégration » des tâches.

Les « verticalisations » sont de nature à améliorer la fluidité et la rapidité de la chaîne pénale dans la mesure où elles garantissent une unité de traitement d’un dossier par un même agent et évitent, outre les ressaisies, les points d'achoppement entre services. En effet, dans le cadre d’une organisation « horizontale », le service « aval » dépend de la qualité de saisie « du service amont » et la gestion des erreurs a pour effet un rallongement du délai global.

Par ailleurs, la « verticalisation » des tâches favorise une meilleure polyvalence des agents et valorise les métiers de greffe dans le sens de la responsabilisation.

Ainsi, en novembre 2008, une première étude menée par l’équipe de projet Cassiopée a permis de constater que le tribunal de grande instance d’Angoulême avait opéré des « verticalisations » pour les procédures d'ordonnances pénales délictuelles et de convocations par officiers de police judiciaire.

Les bilans effectués dans les cours d'appel implantés en 2009 ont confirmé la pertinence de ces réorganisations « par intégration des tâches » dans de nombreuses juridictions de taille moyenne. Il a été observé qu'en général, les chefs de juridiction avançaient « procédure par procédure » en fonction des priorités de politique pénale et des moyens humains.

Le tribunal de grande instance de Poitiers, où s’est rendu votre rapporteur, le 1er décembre 2010, a pour sa part opté pour une démarche plus ambitieuse, reposant sur un projet global de juridiction où la verticalisation des tâches avec Cassiopée a permis d’étendre le champ du traitement en temps réel.

Dans le schéma qui a été retenu (cf. annexe n° 4), la chaîne pénale est organisée autour de quatre grands pôles autonomes, chacun d’entre eux étant un point d’entrée unique dans Cassiopée et assurant l’enregistrement des procédures en fonction de l’orientation pénale donnée. Ainsi, les procédures sont réceptionnées au parquet, avant d’être aussitôt orientées vers le pôle compétent pour enregistrement :

Affaires traitées au Traitement des procédures en temps réel (TTR) avec une décision sur la réponse pénale

Pôle n° 1 « Alternatives aux poursuites et procédures simplifiées »

Enregistrement des procédures de compositions pénales, la saisine des délégués du procureur « majeurs » et « mineurs » sur le fondement de l’article 41 du code de procédure pénale et les ordonnances pénales.

Pôle n° 2 «  Audiences »

Enregistrement des procédures de convocation par officier de police judiciaire « majeurs » et « mineurs », des citations à comparaître, de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), l’audiencement des dossiers d’instruction (43), les saisines post sentencielles de la juridiction de jugement (confusion de peine, requête en aménagement de peine…).

Pôle n° 3 « Déferrement et urgence »

Enregistrement des procédures pénales urgentes donnant lieu à déferrement: réquisitoires introductifs, comparutions immédiates, convocations par procès-verbal, jugements à délai rapproché « mineurs » ainsi que les saisies diverses du juge des libertés et de la détention dans le cadre des enquêtes pénales (prolongations des garde à vue en matière de stupéfiants, autorisations de perquisition en enquête préliminaire, interceptions téléphoniques...).

Affaires non traitées au TTR ou transmises sans réponse pénale

Pôle n° 4 « Cassiopée parquet »

Enregistrement des procédures parvenues au parquet sans réponse pénale connue : transmissions des parquets extérieurs, plaintes et procès-verbaux des services administratifs directement reçus au parquet, plaintes des particuliers directement reçues au parquet…

Si les procédures sont transmises au parquet avec une réponse pénale déjà connue dans le cadre du traitement en temps réel, elles sont alors directement adressées à l’un des trois pôles compétents afin que le fonctionnaire les enregistre sur Cassiopée.

À l’inverse, si les procédures arrivent au parquet sans réponse pénale ou sans avoir fait l’objet d’un traitement en temps réel, elles sont transmises au pôle n° 4 « Cassiopée parquet », dont l’activité se rapproche de l’ancien bureau d’ordre. Les procédures sont alors remises à un magistrat du parquet, qui soit prend une décision de classement sans suite, soit décide d’une réponse pénale ou d’une diligence d’enquête. Dans ces deux derniers cas, la procédure retourne à l’officier de police judiciaire compétent, qui a pour instruction, après enquête, de prendre attache avec le service de traitement en temps réel pour connaître la réponse pénale. Une fois cette dernière connue, la procédure est de nouveau transmise au parquet, puis directement adressée à l’un des trois pôles compétents afin qu’il complète l’enregistrement sur Cassiopée en intégrant la réponse pénale.

Ce système « verticalisé » n’est réellement efficace que si un maximum de procédures arrive au parquet avec une décision connue sur la réponse pénale. Par conséquent, il implique un fonctionnement très développé du service de traitement en temps réel : toute personne entendue en qualité de mis en cause doit, au terme de l’enquête, se voir notifier une réponse pénale sur décision du service de traitement en temps réel, qui doit systématiquement être contacté par l’officier de police judiciaire. De cette manière, les procédures arrivent au parquet avec une réponse pénale connue. Le greffier dispose alors de toutes les informations permettant un enregistrement unique et concentré de la procédure et peut ainsi éditer les pièces nécessaires.

Au regard de l’expérience réalisée à Poitiers, il apparaît très clairement que l'organisation « horizontale » sur laquelle se calquaient les anciennes applications convenait à un « mode binaire » de l'action publique (poursuite ou classement sans suite). L’organisation « verticalisée » par procédure qu’induit Cassiopée paraît davantage adaptée à la diversification des procédures pénales (alternatives aux poursuites, poursuites simplifiées, poursuites rapides…).

Cependant, il convient de signaler que, dans les grands tribunaux de grande instance, ces réorganisations sont indéniablement plus complexes, compte tenu notamment de la délicate reprise des données. Certaines de ces juridictions, comme Bordeaux ou Nantes, ont toutefois fait savoir à l’équipe de projet Cassiopée leur souhait d'engager des démarches de « verticalisation » de la procédure de convocation par officier de police judiciaire.

Votre rapporteur estime néanmoins qu’en dépit des difficultés rencontrées par les juridictions dans la réorganisation de la chaîne pénale et de ses services, la démarche de verticalisation et de revalorisation des tâches doit être activement poursuivie et accompagnée.

Proposition n° 15 :

Poursuivre et accompagner la réorganisation de la chaîne pénale et des différents services des juridictions sous l’impulsion de Cassiopée, en favorisant la verticalisation et la revalorisation des tâches.

CONCLUSION : POURSUIVRE ET AMPLIFIER LA DÉMATÉRIALISATION DE LA CHAÎNE PÉNALE

Malgré des efforts récents et comme l’avait souligné le premier rapport de la mission d’information (44), les juridictions ont également pris un retard considérable en matière de dématérialisation des procédures et croulent encore sous d’épais dossiers, dont la quasi-totalité du contenu pourrait être dématérialisée.

La dématérialisation apparaît indispensable afin, d’une part, de faciliter l’échange de documents entre les services de police et de gendarmerie, les services du tribunal, les huissiers de justice, le Trésor public, les SPIP et l’administration pénitentiaire, et d’autre part, de simplifier l’accès au dossier pour les parties, en évitant les pertes de temps et de moyens provoquées par les photocopies de documents.

Au-delà de Cassiopée, c’est donc toute la chaîne pénale – contraventionnelle, correctionnelle et criminelle – qui est concernée et qui plaide aujourd’hui pour que les efforts de dématérialisation soient renforcés et amplifiés sur le modèle de nos partenaires européens (cf. annexe n° 5). Le chantier de la dématérialisation des procédures n’est pas nouveau : il a été engagé à la suite d’un rapport d’audit de modernisation remis en novembre 2006 (45). Une circulaire du ministère de la Justice a en outre défini les modalités de mise en œuvre, à titre expérimental dans un premier temps, de la dématérialisation des procédures (46).

Cependant, le renforcement de la fluidité et la rapidité de la chaîne pénale plaident aujourd’hui pour un approfondissement de la dématérialisation. Deux voies semblent devoir être empruntées à cette fin.

En premier lieu, il convient de dématérialiser les échanges entre la justice, les forces de sécurité et l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale (avocats, huissiers…). De nombreuses initiatives ont, d’ores et déjà, été entreprises en la matière et doivent être encouragées.

Au cours de ses déplacements dans les tribunaux de grande instance de Bourg-en-Bresse et de Nantes, votre rapporteur a ainsi pu observer le fonctionnement de la communication électronique pénale (CEP). Sur la base d’un protocole signé le 11 décembre 2008 entre la direction générale de la gendarmerie nationale et le ministère de la Justice, elle permet l’envoi dématérialisé des plaintes contre X. Une fois transmises par la gendarmerie au parquet, ces procédures sont archivées électroniquement sur Cd-rom. Votre rapporteur regrette que la police nationale n’ait pas souhaité participer à cette démarche. Lors de son déplacement au tribunal de grande instance de Nantes, il a, en effet, pu constater que l’archivage papier des plaintes contre X en provenance de la police nationale nécessitait des armoires entières, contre à peine une étagère pour celles venant de la gendarmerie. C’est donc bien l’ensemble des forces de sécurité qui doivent s’engager avec détermination dans la dématérialisation des échanges avec la justice grâce à la signature de protocoles équivalents à celui de la gendarmerie.

La dématérialisation des échanges entre la justice, les forces de sécurité et les avocats passe également par la numérisation des procédures pénales (NPP). Depuis la fin de l’année 2007, tous les tribunaux de grande instance sont dotés de matériels de numérisation permettant de transformer les documents papier reçus des services de police et de gendarmerie en fichiers électroniques et de travailler ensuite à partir de supports informatiques. Les avantages de la numérisation sont indéniables, tant pour les services de police et les services judiciaires que pour les justiciables et leurs avocats : échanges entre les intervenants facilités, délivrance de copies de dossiers instantanée sous forme de Cd-rom, travail analytique sur le dossier simplifié et accéléré, délais de traitement réduits, diminution du coût de traitement des dossiers.

Or, le bilan de la numérisation des procédures pénales demeure contrasté. Elle est surtout pratiquée à l'instruction, notamment pour la délivrance de la copie numérique de dossiers pénaux aux avocats. Ainsi, en 2009, 21 000 dossiers d'information judiciaire ont été numérisés, soit la majeure partie des dossiers d'information judiciaire ouverts hors région parisienne. En raison d’une insuffisante conduite du changement dans l’accompagnement des magistrats et des greffiers, votre rapporteur regrette qu’aujourd’hui encore, les dossiers soient trop souvent réimprimés, ce qui limite d’autant les gains escomptés de la dématérialisation. De surcroît, pour utile qu’elle soit, la numérisation ne peut être regardée que comme une solution temporaire, la solution dont a besoin le système judiciaire étant un véritable « dossier judiciaire unique » complètement dématérialisé accessible depuis le logiciel Cassiopée.

En second lieu, la poursuite de la dématérialisation de la chaîne pénale exige que l’on s’inspire de la réussite de la dématérialisation de la chaîne pénale contraventionnelle. La réussite de ce projet s’est faite en deux étapes.

La première étape, aujourd’hui achevée, a consisté à mettre en place le programme « radars » ou encore appelé « contrôle automatisé » pour une amende à domicile en 48 heures. Dans ce cadre, les infractions – environ 45 000 par jour – sont transmises automatiquement par liaison ADSL au centre national de traitement (CNT) de Rennes, où chaque cliché fait l’objet d’un premier examen par deux logiciels de reconnaissance de forme (47). Une fois le numéro d’immatriculation identifié soit automatiquement, soit manuellement par un opérateur, les messages d’infractions sont envoyés au centre automatisé de constatation des infractions routières (CACIR), où un gendarme vérifie la cohérence des informations écrites et visuelles. Au vu des clichés et des informations écrites, l’infraction est validée manuellement par l’opérateur, gendarme ou policier. La sanction fait donc toujours l’objet d’une décision individuelle, même si sa préparation a été assistée par des traitements automatisés. Les données d’infraction sont ensuite transmises par liaison informatique sécurisée au centre d’impression et d’envoi postal du CNT à Rennes. Ce programme « radars » permet une amende à domicile en 48 heures et 64 % des paiements interviennent sous 15 jours pour un montant de 450 millions d’euros.

La seconde étape, actuellement au stade de l’expérimentation, réside dans la mise en place, dans les tribunaux de police, de la signature électronique à valeur probante. En effet, la direction de projet interministérielle pour le contrôle automatisé (DPICA), en lien avec l’agence nationale des titres sécurisés (ANTS), a développé et intégré, dans l’application Minos, un outil de signature électronique qualifiée permettant de traiter le contentieux de masse des tribunaux de police avec la même force probante que la signature manuscrite apposée des juges et des greffiers. Dans cette perspective, le Garde des Sceaux a mis en place et inauguré, le 1er octobre 2010, une infrastructure de gestion de clés, qui permettra l'émission des premières cartes à puce de signature électronique contenant les certificats de signature et d'authentification. La signature électronique à valeur probante a été expérimentée, en novembre 2010, dans les ressorts des cours d'appel de Bordeaux et de Bourges.

Une fois généralisée et opérationnelle sur Minos, la signature électronique a vocation à être progressivement étendue à d’autres matières se caractérisant par un contentieux de masse. Sont ainsi concernées, en matière civile, les requêtes en injonction de payer adressées aux tribunaux d’instance par les huissiers de justice, actuellement gérées par l’application Liptiweb, et, en matière pénale, la chaîne correctionnelle aujourd’hui gérée par l’application Cassiopée.

Cette démarche ambitieuse de dématérialisation laisse entrevoir de nombreuses opportunités : pour le justiciable tout d’abord, une amélioration du service rendu et une plus grande rapidité dans la délivrance des jugements ; pour les greffiers ensuite, une diminution de leur charge de travail et une revalorisation de leur métier ; pour les magistrats enfin, une plus grande facilité dans l’organisation de leur travail.

C’est pour l’ensemble de ces raisons qu’il faut dès aujourd’hui relever le défi de la dématérialisation de la chaîne pénale qui n’est autre que le défi d’une justice moderne, rapide et efficace.

AUDITION DE M. MICHEL MERCIER, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS ET EXAMEN DU RAPPORT EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mardi 15 février 2011, la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Michel Mercier, Garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés sur les carences des décisions de justice pénale et à l’examen du rapport de la mission d’information présenté par M. Étienne Blanc, rapporteur.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre, vous êtes venu nous présenter les deux rapports d’inspection qui vous ont été remis hier et qui révèlent, nous semble-t-il, des carences en matière d’organisation administrative, qui se sont traduites par la non-affectation de certains dossiers à un conseiller d’insertion et de probation et la définition de priorités. Ces rapports révèlent également un défaut de suivi en sortie de prison ayant entraîné une rupture de la continuité des soins psychiatriques, une absence de coordination entre les milieux fermé et ouvert et une sous-utilisation de l’application informatique APPI.

Monsieur le ministre, cette audition doit être également l’occasion d’échanger sur l’exécution des décisions de justice. Nous avons créé en juillet 2007 une mission d’information, où sont représentés tous les groupes parlementaires : elle a adopté aujourd’hui à l’unanimité le rapport de M. Étienne Blanc.

La Commission des lois est convaincue de la nécessité de renforcer dans notre pays la prévention de la lutte contre la récidive, qui passe d’abord par l’exécution des décisions de justice pénale. Lorsqu’une décision de justice n’est pas appliquée ou lorsqu’elle est appliquée trop tardivement, elle perd son sens à la fois pour le condamné et pour la victime, quand elle ne met pas en danger la société.

La loi du 9 mars 2004 a introduit dans le code de procédure pénale l’article 707 qui prévoit la mise à exécution « de façon effective et dans les meilleurs délais » des décisions de justice.

Dans cette perspective, nous avions travaillé sur l’exécution des peines de prison, notamment en matière correctionnelle. En cas de comparution immédiate – quelque 25 000 jugements –, le prononcé d’une peine prison ferme entraîne l’incarcération : il y a donc continuité entre la décision du tribunal et son exécution, contrairement aux décisions prises dans le cadre d’une convocation par un officier de police judiciaire – 200 000 affaires en 2008 – ou d’une citation directe. En 2004, nous avons voté une disposition visant à mettre fin à la discontinuité entre le prononcé de la peine et son exécution : l’article 474 du code de procédure pénale prévoit la mise à exécution d’une peine de prison prononcée en correctionnelle dans un délai de trente jours. La loi prévoit également que, lorsque le condamné est présent, la convocation lui est remise en main propre à l’audience afin que rendez-vous soit pris aussitôt pour définir les conditions de la mise à exécution.

Or, la loi n’est pas appliquée : 50,7 % des peines d’emprisonnement ferme prononcées dans les sept juridictions d’Île-de-France ont été mises à exécution la première année en 2005, 53,7 % en 2006, 58,7 % en 2007, mais seulement 35,1 % en 2008 et 42,6 % en 2009 : on ne peut pas continuer ainsi ! La difficulté de faire baisser la délinquance est liée, en partie, aux carences dans la mise à exécution des peines prononcées.

Dès 2003 et 2004, nous avons également travaillé sur les sorties « sèches ». Si un prisonnier sort de prison de manière abrupte et est renvoyé vers le milieu dans lequel il a commis son infraction, le risque de récidive est très élevé. Le nombre de sorties sèches est passé de 43 696 en 2000 à 62 853 en 2009, soit une augmentation de 44 %, qui n’est pas sans poser un grave problème pour le pays – voyez l’affaire de Nantes –, en termes de coordination de tous les intervenants, juge de l’application des peines, service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), milieu ouvert, milieu fermé, suivi informatique.

Il convient également d’évoquer le suivi effectif à la sortie de prison, notamment le suivi socio-judiciaire, introduit dans les années 1990 et que nous avons étendu de la délinquance sexuelle aux infractions les plus violentes. Il fait entrer en action le juge d’application des peines, qui décide du suivi, le médecin coordonnateur, qui définit le type de soins, et le médecin traitant, qui les prodigue. Le choix du législateur était le bon. Or, à ce jour, il n’y a pas de médecins coordonnateurs dans 34 tribunaux de grande instance et 16 départements n’en disposent pas. De plus 70 médecins coordonnateurs interviennent sur plusieurs départements, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur disponibilité. On peut donc affirmer que, dans près de la moitié des juridictions françaises, le suivi socio-judiciaire et la coordination médicale ne sont pas réellement assurés, ce qui préoccupe vivement la Commission des lois.

Monsieur le ministre, la terrible affaire de Nantes doit être l’occasion de prendre des mesures urgentes pour que les lois que nous avons votées, certaines à l’unanimité, soient correctement appliquées. Il existe, outre des problèmes d’organisation et de cohérence informatique, des problèmes de moyens. Personne n’ignore la pénurie budgétaire actuelle : toutefois la Commission des lois est unanime à réclamer la mise en place rapide d’un plan d’urgence en faveur de l’exécution des décisions de justice pénale, doté de moyens à la hauteur des enjeux.

Comme le taux de perception des amendes contentieuses s’est amélioré d’un point par an depuis 2002 – un point représente 40 millions d’euros –, je suggère de faire de l’exécution des décisions de justice pénale la priorité de la fin de la législature et d’y consacrer les sommes ainsi dégagées. On peut espérer améliorer le taux de recouvrement des amendes contentieuses de trois points d’ici au 31 décembre 2012, ce qui permettrait de dégager près de 120 millions d’euros pour financer ce plan exceptionnel en faveur de l’exécution des peines.

Un tel financement, à coût constant pour les finances publiques, permettrait à chaque tribunal, à chaque service d’exécution des peines ou à chaque service pénitentiaire d’insertion et de probation de mieux fonctionner. C’est en redoublant de volonté que nous réussirons à renforcer la lutte contre la récidive et donc à améliorer la sécurité.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le rapport de l’inspection des services judiciaires ainsi que celui de l’inspection des services pénitentiaires, diligentés à la suite de l’affaire de Nantes, révèlent de nombreux dysfonctionnements qui sont, de toute évidence, la manifestation des problèmes que vous avez évoqués.

Il s’agit là d’un meurtre particulièrement atroce : s’il n’est toujours pas possible de célébrer les obsèques de la jeune fille, c’est qu’on n’a pas encore retrouvé toutes les parties de son corps. L’émotion publique était donc légitime et on doit à la mémoire de la victime et à ses proches une analyse loyale des dysfonctionnements, en vue d’y remédier. Je pense également au jeune enfant de Tony Meilhon. C’est du reste en raison de son attitude lors d’une audience relative à la garde de son petit garçon, qu’il avait été condamné, en 2009, pour la dernière fois, pour outrage à magistrat avec mise à l’épreuve.

Le premier rapport porte sur le fonctionnement du tribunal de grande instance de Nantes et ses rapports avec la Cour d’appel et le second sur le fonctionnement du service pénitentiaire. Ces deux rapports ont une vocation plus large que l’étude du seul cas Meilhon.

Du reste, ce cas n’apporte aucun éclairage particulier sur le fonctionnement du TGI de Nantes, tribunal important doté d’un effectif théorique de 48 juges du siège. Le rapport montre que, de 2008 à 2011, ce chiffre a toujours été atteint, voire dépassé, sauf pendant deux mois. En revanche, sur la même période, le nombre des juges de l’application des peines a été inférieur d’un à deux à l’effectif théorique, qui est de quatre. Or, de 2008 à 2011, les discussions budgétaires entre le tribunal, la Cour et la chancellerie ne font jamais ressortir la moindre demande du tribunal en faveur du service de l’application des peines. Les seules demandes visaient à combler des temps partiels au profit du tribunal civil.

Durant la même période, non seulement une seule demande de juge placé du TGI de Nantes au Premier président de la Cour d’appel de Rennes a concerné le service de l’application des peines, mais, de plus, le juge a été affecté non pas à ce service mais à la rédaction des jugements. Le tribunal a donc toujours favorisé le civil au détriment du pénal.

Par ailleurs, dès sa nomination, le président du TGI de Nantes, aujourd’hui décédé, a délégué toutes ses fonctions relatives à l’organisation de sa juridiction à la première vice-présidente. Il n’a exercé que des fonctions juridictionnelles. C’est la première vice-présidente qui dialoguait avec les magistrats référents des services du TGI et avec la secrétaire générale de la Cour d’appel de Rennes. J’ai l’intention d’interroger le Conseil supérieur de la magistrature sur ce point, non pas dans un objectif disciplinaire mais au titre de l’article 65 de la Constitution, qui permet au ministre de la justice d’interroger le CSM sur la déontologie et le fonctionnement des juridictions. Le dernier Conseil supérieur de la magistrature a publié un livret sur la déontologie : une des dispositions interdit à un juge de déléguer la totalité de ses fonctions à un de ses collègues. Or, c’est ce qui s’est passé à Nantes.

Je tiens à ce que le CSM, lorsqu’il nommera des premiers présidents et des présidents de juridiction, ait bien à l’esprit qu’il s’agit d’une tâche spécifique : il leur incombe non seulement d’être capables de bien juger, mais également de diriger un tribunal ou une Cour d’appel. Comme la nomination des présidents de tribunaux ou des premiers présidents de Cour d’appel appartient au CSM – le pouvoir exécutif ne fait que signer les nominations sans aucun droit de regard –, et que les procédures disciplinaires relèvent également du CSM, je tiens à me placer uniquement sur le plan de l’organisation. Un président de juridiction doit exécuter correctement toutes ses tâches.

Pourquoi le CSM ne procéderait-il pas à des évaluations ? C’est ce qui a manqué au TGI de Nantes. Nous pouvons également nous demander pourquoi le premier président de la Cour d’appel de Rennes, qui siège actuellement à la Cour de cassation et est sur le point de partir à la retraite, n’a pas davantage porté attention à la situation du TGI de Nantes : un premier président de Cour d’appel est également chargé du fonctionnement de toutes les juridictions de son ressort. Qu’on me comprenne bien : je ne cherche pas à désigner des coupables mais à comprendre l’origine des dysfonctionnements.

Je tiens à préciser que les juges de l’application des peines de Nantes ont fait correctement leur travail. Le rapport n’émet aucune critique à leur encontre. S’agissant de Meilhon, dont la sortie était prévue le 24 février 2010, le juge de l’application des peines a coté son dossier dès le mois de septembre 2009, et y a inscrit à la main « Urgent – Avertir le SPIP pour la prise en charge ». Ce dossier papier a été transmis en octobre au service pénitentiaire d’insertion et de probation de Nantes. Je tiens également à préciser le point technique suivant, car il me paraît essentiel : dans le dossier figurait l’extrait de casier B 1, qui recense toutes les condamnations du prisonnier. Or, très souvent, cet extrait ne figure pas dans les dossiers transmis au SPIP. J’ai l’intention de le rendre obligatoire. Il suffisait donc de lire le dossier avec attention pour savoir que Tony Meilhon était un multirécidiviste condamné quinze fois, une fois pour viol et agression sexuelle et plusieurs fois pour violences. Les dysfonctionnements éventuels du TGI de Nantes ne concernent donc pas l’affaire Meilhon.

Tony Meilhon a passé 11 ans, en prison, soit une grande partie de sa vie. Condamné d’abord pour violences par le tribunal pour enfants, il a été incarcéré dans la cellule d’un délinquant sexuel – un « pointeur ». Condamné ensuite par la Cour d’assises pour mineurs de Loire-Atlantique pour agression sexuelle et viol sur ce dernier, il a alterné séjours en prison et sorties de quelques semaines, mais, lorsqu’il est sorti, le 24 février 2010, le SPIP ne l’a pas soumis au sursis.

En prison, Meilhon a fait l’objet d’un excellent suivi de la part du SPIP et du service médical – notamment sur le plan psychiatrique. En septembre et novembre 2009, le dossier de saisine parvient, au sein du même du SPIP, au milieu ouvert. Cependant, à la sortie de Meilhon, le lien entre les deux milieux ne se fait pas : le suivi en milieu fermé cesse, le rapport y afférent ne parvient au milieu ouvert que 43 jours plus tard et le suivi en milieu ouvert ne sera pas mis en œuvre.

Pourquoi ? La circulaire de 2008 relative aux SPIP prévoit expressément que les directeurs de ceux-ci déterminent les moyens d’action de leurs services et l’ordre de priorité du traitement des dossiers, en fonction de la situation des personnes concernées et des moyens du service. À Nantes, une note du directeur du SPIP place les sursis avec mises à l’épreuve au dernier rang des priorités du service – ce qui revient à dire qu’il ne s’agit pas de priorités –, sauf pour certains délinquants, notamment sexuels. Or, on n’ouvre pas le dossier de Meilhon et, faute d’avoir pris connaissance du casier B1, on ne retient que l’outrage à magistrat : le dossier rejoint alors le tas de ceux qui ne sont pas considérés comme prioritaires.

On n’a trouvé aucune trace d’un suivi médical à partir de la sortie de Meilhon. On sait aussi, comme je viens de l’expliquer, qu’aucun suivi n’a été assuré par un conseiller d’insertion et de probation.

Il est probable que le SPIP de Loire-Atlantique n’était pas doté de moyens suffisants pour assurer ce suivi – ce qui explique sans doute la décision du directeur quant à l’ordre de priorité des dossiers. Sur la période 2009-2010, l’effectif cible du SPIP de Loire-Atlantique était de 31 personnes, dont 10 pour le milieu fermé et 21 pour le milieu ouvert – l’effectif réel étant plutôt, pour ce dernier, de l’ordre de 16,5. En 2009, la Chancellerie a attribué à ce SPIP quatre postes pour combler le déficit du milieu ouvert. Sur ces quatre postes, trois seulement sont pourvus, faute de candidats. Le directeur du SPIP affecte ces trois postes au milieu fermé et sort de ce dernier deux personnes – l’une travaillant à 80 % du temps, l’autre bénéficiant d’une décharge syndicale de 70 %, pour les affecter au milieu ouvert. Au bout du compte, le milieu ouvert ne reçoit que 0,8 emploi en équivalent temps plein. Il apparaît ainsi que la culture du SPIP est une culture du milieu fermé et que la culture du milieu ouvert reste à construire.

Le SPIP de Loire-Atlantique a connu de nombreux problèmes, à commencer par un fort absentéisme – 31 % de l’effectif cible, et donc un taux plus élevé par rapport à l’effectif réel. Il a en outre connu, pour la période qui nous intéresse, trois directeurs : au départ du premier, l’intérim a été confié à une dame certainement pleine de bonne volonté, mais qui n’était visiblement pas à la hauteur du poste, puis a été nommé, fin 2009, un directeur qui, après quelques semaines, a demandé un audit méthodologique et organisationnel, transmis à la Chancellerie par l’intermédiaire du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes.

Ce rapport, qui a reçu l’aval de la direction de l’administration pénitentiaire et a été réalisé par l’inspection générale des services pénitentiaires, formule 77 recommandations, dont un grand nombre n’ont pas été mises en œuvre, comme celle qui demande expressément l’affectation de tous les dossiers. Malgré la demande du directeur de l’administration pénitentiaire, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Rennes ne prend aucune mesure d’appui en faveur du SPIP de Nantes, lequel doit se débrouiller – ce qu’il fait en laissant tout simplement les dossiers s’entasser. Le nombre de ces dossiers est du reste difficile à chiffrer : d’une centaine au départ du premier directeur, leur nombre augmente dans une proportion inconnue durant l’intérim, puis la mission d’inspection en compte manuellement 690 non attribués, parmi lesquels celui de Meilhon.

On constate également que l’informatique est très peu utilisé. Ainsi, les responsables de la direction interrégionale de Rennes déclarent ne pas utiliser le logiciel API, qui permet aux magistrats du suivi des peines et aux services de probation, qui l’alimentent les uns et les autres, de partager les informations relatives aux personnes sortant du milieu carcéral. À Nantes, on n’utilise guère davantage ce logiciel. Le dossier Meilhon y figure cependant et les magistrats constatent à la fin de 2009 qu’un conseiller est désigné pour suivre ce dossier. Il s’agit cependant d’une affectation virtuelle et le sursis n’a en réalité jamais été mis en œuvre. Du reste, le logiciel sera ensuite nettoyé de ces affectations virtuelles par la mission d’inspection.

Les analyses qui se dégagent du rapport d’inspection suscitent évidemment des interrogations quant à l’action individuelle de certains agents. Ainsi, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes n’a pas donné suite à l’instruction claire qu’il avait reçue du directeur de l’administration pénitentiaire, et les préconisations du rapport d’audit demandé n’ont pas été mises en œuvre. De même, le classement des dossiers était contraire aux dispositions de la circulaire de 2008 instituant les services pénitentiaires de probation et d’insertion, qui prévoyait expressément que le degré de priorité des dossiers ne pouvait être fixé qu’après une analyse de la personnalité des probationnaires, fondée sur des critères sociologiques et criminologiques, et que les dossiers ne pouvaient en aucun cas être classés selon la nature de l’infraction commise. De fait, dans le dossier Meilhon, le B1 permettait de comprendre qu’il ne s’agissait pas d’une simple affaire d’outrage à magistrat.

Au demeurant, un suivi de Meilhon n’aurait pas forcément empêché qu’il commette son crime. Il ne s’agissait ici, je le rappelle, que de relever des dysfonctionnements.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le garde des sceaux, souhaitez-vous vous exprimer sur le problème général de l’exécution des peines ?

M. le garde des sceaux. L’exécution des peines est la première urgence de ce ministère. Les personnes condamnées à des peines de prison et qui n’effectuent pas ces peines sont aujourd’hui plus nombreuses que celles qui se trouvent en prison – 62 000 contre 105 à 110 000.

M. Bernard Roman. Le nombre de personnes qui n’effectuent pas leur peine de prison n’est-il pas plutôt de 82 000 ?

M. le garde des sceaux. Ce chiffre n’intègre pas les calculs de la Cour d’appel de Paris, qui ont été communiqués plus tard. En tout état de cause, c’est beaucoup trop et il faut absolument faire exécuter les peines.

Les magistrats ne sont pas du tout laxistes. Ils appliquent la loi telle que vous l’avez votée. Cependant, le fait qu’une personne notoirement condamnée pour une infraction soit toujours présente dans le voisinage est très mal perçu par la population. Cette situation crée un vrai fossé entre les citoyens et la justice, et il faut y remédier.

Il existe plusieurs façons d’exécuter une peine et nous n’allons certes pas créer 170 000 places de prison. Il faut relancer les travaux d’intérêt général pour les courtes peines – et je rencontrerai à ce propos les associations d’élus. Il faut également s’intéresser aux bracelets et à la surveillance électronique extérieure. En effet, on compte aujourd’hui 5 000 bracelets statiques et 43 bracelets mobiles seulement – voici quelques jours, j’ai constaté qu’il n’y avait à Corbas, qui est pourtant un centre important, que deux bracelets de ce type. J’ai donné instruction d’atteindre le chiffre de 12 000 bracelets d’ici à la fin de l’année, ce qui est à la fois beaucoup et fort peu. Les bracelets n’ont jusqu’à présent donné lieu à aucun incident, mais nous devons nous préparer à ce qu’il s’en produise, ce qui est inévitable lorsque 30 000 bracelets auront été installés. Un incident ne justifiera pas cependant que nous renoncions à ce dispositif – nous n’en aurons d’ailleurs pas les moyens.

J’ai entrepris de visiter pratiquement toutes les prisons existantes et je suis surpris de constater que des établissements qui avaient été déclarés insalubres et que nous nous apprêtions à raser sont devenus d’un coup beaux et agréables. Il est amusant d’observer que les détenus que je rencontre ne veulent à aucun prix les quitter. C’est par exemple le cas de la prison d’Aurillac, qui ne dispose pourtant pas même d’un parloir. Cet établissement accueille de nombreux détenus venus d’Ardèche – département au sud duquel la culture d’herbes aromatiques fournit en abondance les prisons – et qui n’ont pas trouvé de place à Privas. La prison d’Aurillac a même été jugée favorablement par les commissions qui s’y sont rendues. La prison de Lure, quant à elle, est devenue si belle qu’elle a obtenu le label européen. À Agen, les détenus ne voulaient pas partir non plus – et, de fait, les évasions sont rares … Nous allons définir d’ici juin le nombre de places de prison dont nous voulons disposer, en conservant certains établissements qu’il était prévu de détruire.

Le fait de conserver toutes les prisons que nous pourrons a bien évidemment des conséquences en termes de moyens. En effet, celles qui devaient fermer représentaient 1 400 postes que nous sommes tenus de conserver, en créant donc de nouveaux postes pour les prisons en cours de construction. Nous ne dépasserons cependant pas un total de 70 000 à 75 000 places – ce qui est déjà beaucoup – et il faudra donc trouver d’autres moyens d’exécuter les peines.

Je vais prendre des mesures d’urgence en dotant 14 juridictions, avec des contrats d’objectifs, de moyens supplémentaires pour résorber le nombre des condamnations non exécutées. Il est cependant vraisemblable que ce qui sera résorbé d’un côté se traduira ailleurs par d’autres peines non exécutées.

Je me réjouis que l’Assemblée nationale travaille sur cette question. En effet, tout en découvrant avec enthousiasme ce ministère passionnant, j’en découvre aussi la sous-administration chronique et le manque de moyens. Ce dernier est du reste historique et, malgré les efforts du gouvernement actuel en termes de construction de prisons, de dotations budgétaires et de créations de postes, nous restons loin du compte. J’ai entendu avec intérêt votre proposition de trouver des crédits et j’espère que cette procédure est parfaitement légale dans le cadre de la LOLF.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Elle l’est. Un amendement adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2006 a permis de réaffecter 29,5 millions d’euros pour l’exécution des peines.

M. Étienne Blanc, rapporteur. Pour la troisième étape de ses travaux, la mission d’information sur l’exécution des peines a défini deux nouveaux axes de travail : réaliser un bilan statistique de l’exécution des décisions de justice pénale et évaluer le déploiement de l’application Cassiopée et, plus largement, la dématérialisation de la chaîne pénale. Je voudrais aujourd’hui rendre compte de mes travaux sur ces deux aspects.

Pour ce qui est du bilan de l’exécution des décisions de justice pénale, je partage pleinement le constat sans appel du président de notre Commission. Cette situation est d’autant moins acceptable que les lois existent – nous les avons évaluées dans le cadre de notre mission d’information – mais ne sont toujours pas appliquées. Les multiples carences de l’exécution des décisions de justice pénale minent plus que jamais notre volonté de lutter contre la récidive.

L’exécution des peines doit rester la priorité absolue de la justice dans les années à venir. Cela suppose une impulsion décisive et des moyens à la hauteur des enjeux. Je m’associe donc pleinement à la proposition de lancer un plan exceptionnel de 120 millions d’euros qui pourrait être alimenté par un meilleur recouvrement des amendes pénales.

Si les statistiques disponibles font apparaître une dégradation sensible de l’exécution des peines ces dernières années, elles n’offrent en réalité qu’une vision très imparfaite de la situation. L’équation à résoudre peut se résumer en ces termes : comment prétendre améliorer l’exécution des peines sans une connaissance précise et chiffrées de ce phénomène ? À l’heure actuelle, faute d’outils statistiques performants, l’exécution des peines reste un maillon mal connu de la chaîne pénale, alors même qu’elle revêt une importance majeure. En effet, dans ce domaine, la fiabilité des statistiques reste conditionnée au déploiement effectif de Cassiopée – une application informatique permettant d’enregistrer une affaire ab initio, dès la présence d’une personne soupçonnée ou coupable d’une infraction devant l’officier ou l’agent de police, et jusqu’à la fin de la chaîne pénale, c’est-à-dire jusqu’à la justification de la peine prononcée par une juridiction.

Ce projet, que certains jugent ambitieux, a suscité beaucoup d’espoirs, mais aussi de nombreuses déceptions. Cassiopée ne mérite pas d’être vouée aux gémonies, comme ses débuts catastrophiques ont pu le laisser croire, mais plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer les difficultés rencontrées.

En premier lieu, il est rapidement apparu que la conception de cette nouvelle application, engagée à partir de 2001, porte en elle ses difficultés présentes et à venir. En effet, Cassiopée avait vocation à remédier à l’obsolescence des applications informatiques de la justice pénale, que nous avions déjà stigmatisée dans notre premier rapport, en 2007, mais le projet s’est révélé trop ambitieux, du fait notamment de sa complexité technique. Le calendrier a dû être revu à plusieurs reprises et le projet a pris un retard considérable – de 43 à 48 mois pour un programme prévisionnel de 41 mois.

Ce retard tient d’abord à l’insuffisante prise en compte des besoins opérationnels des magistrats et des greffiers : 80 % des juridictions que nous avons interrogées nous ont indiqué ne pas avoir été associées à la conception de l’application Cassiopée.

Il tient ensuite à une sous-estimation chronique de l’importance que revêt le pilotage d’un tel projet, du côté tant de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d’œuvre. Les équipes de projet sont restées sous-dimensionnées jusqu’en 2005. Un audit réalisé dans le cadre de la RGPP a bien mis en évidence que la sous-direction de l’informatique et des télécommunications du ministère de la justice n’avait pas les moyens suffisants pour porter un projet de cette ampleur.

Le retard tient enfin aux relations difficiles entre le ministère de la justice et ses prestataires, en particulier la société Atos Origin. Du début 2007 à la fin 2008, alors que le ministère de la justice se réorganisait et que le projet Cassiopée entrait en phase de recette, la société Atos Origin se trouvait régulièrement en retard sur le calendrier qui lui avait été fixé par le ministère.

Après la conception, la phase de déploiement s’est également heurtée à de sérieuses difficultés. Le déploiement a été sous-estimé et insuffisamment préparé. Si l’information des magistrats et des greffiers sur l’avancement du projet et son implantation a été menée de manière relativement satisfaisante – 86 % des juridictions que j’ai interrogées estiment avoir été régulièrement informées de l’état d’avancement du projet –, le déploiement de Cassiopée a, hélas, été sous-estimé à deux égards : la formation des utilisateurs finaux aurait gagné à être renforcée et la question de la reprise des données n’a pas été correctement anticipée au départ ; les moyens accordés ponctuellement pour la reprise des données n’ont pas assez été pris en compte.

De ce fait, le déploiement de Cassiopée a considérablement accru le stock des procédures à enregistrer au bureau d’ordre et des jugements à dactylographier au greffe correctionnel. À titre d’exemple, au début du mois de novembre 2010, malgré le renfort des personnels placés et des vacataires, le bureau d’ordre du tribunal de grande instance d’Avignon accusait un stock de 12 632 procédures non enregistrées, dont 4 086 procédures nouvelles et 3 510 classements sans suite.

Insuffisamment préparé, le déploiement de Cassiopée s’est caractérisé par de nombreuses lacunes et faiblesses à tous les stades de la chaîne pénale.

En premier lieu, le temps de saisie des dossiers s’est parfois accru au bureau d’ordre et à l’audiencement. Au service de l’audiencement du tribunal de grande instance de Nancy, par exemple, un fonctionnaire pouvait enregistrer chaque jour, en moyenne, vingt convocations par officier de police judiciaire (COPJ) ou comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), quand Cassiopée ne permet d’en enregistrer que quinze.

En second lieu, l’application s’est révélée partiellement inadaptée à l’instruction et à la justice pénale des mineurs, Cassiopée n’offrant pas d’historique des parcours et n’intégrant pas le volet civil des décisions prises par les tribunaux pour enfants, telles que les mesures d’assistance éducative, qui sont pourtant un aspect essentiel pour la bonne compréhension de la situation d’un mineur. Nous avons, par ailleurs, constaté que seuls 30 cabinets d’instruction sur 110 utilisaient complètement Cassiopée.

En troisième lieu, il est apparu que des ruptures et des ralentissements d’accès pouvaient compromettre le traitement des procédures en temps réel, notamment les CRPC : entre novembre 2009 et septembre 2010, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, où nous nous sommes rendus le 4 octobre dernier, a subi près de soixante heures de dysfonctionnements divers.

En quatrième lieu, nous avons constaté que la plupart des trames des actes susceptibles d’être édités étaient rédigées dans un style approximatif et parfois juridiquement inexact, avec des références aux textes de loi souvent insuffisantes, voire erronées, tout cela pouvant compromettre la validité des actes.

En cinquième lieu, le suivi de l’exécution des peines demeure lacunaire : près des trois quarts des juridictions interrogées considèrent que Cassiopée n’a pas permis de réaliser de progrès sur ce plan. L’application constitue un réel progrès pour les services de l’exécution des peines qui n’étaient pas informatisés, mais ce n’est pas le cas pour ceux qui utilisaient le système EPWin : il n’est plus possible, avec Cassiopée, de visualiser l’ensemble des affaires concernant un individu par la simple saisine de son nom, ni d’obtenir une information claire sur l’état d’exécution de chaque jugement.

Nous avons observé, en dernier lieu, que les défaillances de l’infocentre ne permettaient pas de disposer de statistiques fiables.

Toutes ces difficultés auraient pu compromettre gravement le déploiement de Cassiopée sans les efforts salutaires déployés par la chancellerie et sans le dévouement des magistrats et des greffiers, qui se sont mobilisés pour la mise en œuvre de l’application. Après l’échec relatif de l’implantation de Cassiopée à Bordeaux, qui a suscité de très vives inquiétudes et donné lieu à un large mouvement de protestation au sein des tribunaux, le ministère a fait le choix de poursuivre le déploiement de l’application, mais en répondant très énergiquement aux préoccupations qui avaient vu le jour.

Dès 2009, la chancellerie a mis en place un observatoire sur le déploiement de Cassiopée, composé de représentants des organisations syndicales des magistrats et des fonctionnaires et de plusieurs juridictions pilotes. Le ministère a, en outre, procédé à de très nombreux ajustements budgétaires et matériels : la sous-direction de l’informatique et des télécommunications, qui assure la maîtrise d’œuvre du projet, a bénéficié d’une augmentation importante de ses crédits et de ses effectifs pour la période 2011-2013 ; du côté de la maîtrise d’ouvrage, l’équipe en charge du projet a été renforcée, et des sites « pilotes » ont été désignés pour résoudre certaines difficultés, tel le TGI de Lille pour les dossiers complexes impliquant plusieurs auteurs, victimes ou infractions.

Le déploiement de Cassiopée étant quasiment achevé – 138 tribunaux de grande instance ont été équipés au 14 février 2011 –, un premier bilan peut être dressé. Au terme des travaux que nous avons menés, il me semble difficile de porter une appréciation tranchée et définitive. Nombreux sont ceux qui ont porté des critiques très sévères et parfois justifiées sur Cassiopée ; d’autres se sont montrés plutôt satisfaits de cette application qui, sans être parfaite, permet d’améliorer le service public de la justice et le fonctionnement des juridictions. Loin de rejeter unanimement Cassiopée, ses utilisateurs portent sur elle une appréciation plutôt positive, mais nuancée.

Si la satisfaction des juridictions n’est ni franche ni massive, c’est que les promesses dont Cassiopée est porteuse ne se sont pas encore concrétisées. Il convient en particulier de réaliser au plus vite une interconnexion avec les applications utilisées par l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, suivant notre proposition 14. Il faudrait également poursuivre la réorganisation des services de la chaîne pénale en favorisant la verticalisation des procédures et la revalorisation des tâches induites par Cassiopée – c’est notre 15e proposition.

Au-delà de Cassiopée, toute la chaîne pénale – contraventionnelle, correctionnelle et criminelle – a besoin de nouveaux efforts de dématérialisation suivant le modèle offert par nos partenaires européens.

Il convient, tout d’abord, de dématérialiser les échanges entre la justice, les forces de sécurité et l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, notamment les avocats et les huissiers. De nombreuses initiatives ont déjà été prises, mais elles doivent être développées – je pense en particulier à la communication électronique pénale : instaurée en 2008 entre la gendarmerie nationale et le ministère de la justice, elle ne concerne pas la police nationale, ce qui est fort regrettable. Nous avons, en effet, constaté que la communication entre la gendarmerie et la justice avait apporté des améliorations considérables au fonctionnement de la chaîne pénale.

La poursuite de la dématérialisation exige, en outre, que l’on s’inspire des succès enregistrés dans le domaine contraventionnel avec la mise en place des programmes « radars », encore appelés « contrôle automatisé », qui permettent de délivrer une amende à domicile en 48 heures. Une expérimentation de signature électronique à valeur probante devant les tribunaux de police a, par ailleurs, été engagée.

Cette démarche ambitieuse de dématérialisation laisse entrevoir de nombreuses opportunités. Nous devons relever ce défi, qui n’est autre que celui d’une justice moderne, rapide et efficace.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Merci, cher collègue, pour la qualité de ce rapport.

M. Bernard Roman. Je ne reviendrai pas sur ce travail remarquable, qui a été adopté à l’unanimité par la mission d’information. Delphine Batho, qui a beaucoup contribué au rapport, l’évoquera sans doute plus tard. Pour ma part, je voudrais remercier le garde des Sceaux d’être venu présenter devant la Commission des lois ces deux rapports d’inspection, conformément à notre souhait. Je vous remercie également, monsieur le président, d’avoir accédé à cette demande de notre groupe.

Je m’efforcerai d’être aussi prudent que possible – cette audition étant publique, la famille et les proches de la victime nous entendent peut-être. Nous devons donc faire attention aux mots que nous utilisons et éviter de sombrer dans la solution de facilité qui consisterait à pointer du doigt ce qu’il aurait convenu de faire : on peut certes déplorer le manque de moyens dans ce drame abominable, mais on ne peut pas affirmer que des moyens plus nombreux auraient suffi à éviter ce qui s’est passé. J’ajoute que si M. Meilhon est aujourd’hui mis en examen pour meurtre, le corps de la victime n’a pas encore été retrouvé, ce qui nous oblige à une certaine prudence.

Un premier enseignement de ces deux rapports est que le travail des magistrats n’est pas contesté, alors qu’ils ont été victimes d’un lynchage médiatique : on les accusait d’avoir libéré un assassin récidiviste sans veiller à ce qu’il soit suivi. Ils sont hors de cause, et c’est tant mieux : notre justice a fonctionné.

Un deuxième enseignement concerne le manque de moyens. Les conseillers d’insertion et de probation de Nantes avaient, chacun, entre 120 et 170 dossiers à suivre. Or, selon un récent rapport de Jean-René Lecerf, sénateur UMP, un conseiller d’insertion et de probation ne doit pas être en charge de plus de 70 dossiers pour faire son travail dans de bonnes conditions.

Il va de soi que notre justice ne fonctionnera pas bien tant qu’on ne dégagera pas des moyens pour créer des postes supplémentaires de magistrats et de conseillers d’insertion et de probation. Peut-on accepter qu’il y ait moins de magistrats par habitant en France qu’en Azerbaïdjan ? Peut-on accepter que notre pays soit au 37e rang des pays européens ? C’est d’autant plus inadmissible que le nombre d’infractions ne cesse d’augmenter. Qui peut donc prétendre objectivement qu’on fait le nécessaire pour la justice ? Son budget n’a rien de colossal parmi les dépenses de la République, puisqu’il ne dépasse pas 7 milliards d’euros.

Il me semble, en dernier lieu, que nous devrions regarder de près comment M. Meilhon a été traité lorsqu’il n’était qu’un mineur délinquant. On l’a placé dans une cellule de quatre personnes, dont un « pointeur ». Je rappelle que le viol dont M. Meilhon a été accusé s’est produit dans cette cellule.

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas exactement un viol, mais un rapport sexuel obligé.

M. Bernard Roman. Comme je l’indiquais d’emblée, je n’entrerai pas dans le détail par respect pour les familles. Mais on ne peut pas passer sous silence les conditions dans lesquelles ce garçon de 17 ou 18 ans, condamné pour des faits de violence, a été traité : je répète qu’il a été placé dans une cellule comptant trois autres détenus, dont un « pointeur ». Or, chacun sait comment cette catégorie de détenus est traitée : ils sont considérés par 80 % du reste de la population carcérale comme des êtres asociaux, qu’il faudrait détruire. Nous devons réfléchir sur le sens de la peine, sur le sens de la prison et sur les conditions dans lesquelles on incarcère et on punit. Évitons de faire que la prison devienne l’« école du vice ».

Il y a des rapports parlementaires à foison sur ce sujet. L’un d’entre eux, présenté par Jacques Floch et adopté à l’unanimité il y a quelques années, portait sur les expériences étrangères en matière pénitentiaire. Il contenait une remarque qui m’a beaucoup frappé : quand un détenu entre en prison au Québec, il est considéré comme un citoyen appelé à sortir de détention six mois, un an ou vingt ans plus tard, peu importe ; lorsqu’un détenu entre en prison dans notre pays, il est d’abord considéré comme faisant l’objet d’une privation de liberté. Les moyens consacrés à en refaire, à terme, un citoyen sont trois fois, voire dix fois inférieurs à ceux qu’ils sont dans d’autres démocraties. C’est un aspect qu’il ne faudrait pas négliger dans notre réflexion sur le sens de la prison et sur les moyens de la justice en France.

M. Michel Hunault. Je voudrais tout d’abord remercier le président de notre Commission et le garde des Sceaux pour cette réunion, qui est un moment de vérité.

Il était bon de rappeler, à un moment où la magistrature et l’ensemble de la chaîne pénale ont besoin d’être confortés par la représentation nationale, que les magistrats ne sont pas laxistes. Je salue donc vos propos, monsieur le garde des Sceaux. Cela étant, les chiffres cités par notre président ne manquent pas de nous interpeller. Nous devons aux victimes d’améliorer l’exécution des peines. Il y va de la crédibilité de la justice. Tel était le sens de la question au Gouvernement que j’ai posée cet après-midi.

Sous le contrôle de Philippe Houillon et d’André Vallini, qui étaient respectivement président et rapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, je rappelle que nous avions proposé d’améliorer la connaissance des personnes condamnées en renforçant l’informatisation du ministère de la justice. On peut penser que les carences de l’exécution des décisions de justice résultent en partie de cette méconnaissance. C’est une piste sur laquelle nous pourrions travailler ensemble, toutes tendances politiques confondues, afin d’améliorer la situation.

S’agissant des moyens consacrés à la justice, nous sommes classés au 37e rang par le Conseil de l’Europe, ce qui est un mauvais résultat. Toutefois, si la justice doit constituer une priorité, il n’y a pas que la question des moyens : il faut aussi améliorer les capacités de jugement et l’exécution des peines. Sur ce point, la loi pénitentiaire permet à une personne condamnée à deux ans d’emprisonnement d’exécuter sa peine à l’extérieur, ce qui peut être difficile à comprendre pour les victimes et leurs familles. Que l’on n’aille pas en prison au-delà d’une peine de deux ans le serait plus encore.

Je le répète, nous sommes à un moment de vérité. Il faudra apporter des réponses aux constats dressés aujourd’hui et à nos questions.

M. Philippe Houillon. Je voudrais, à mon tour, féliciter notre collègue Etienne Blanc pour son travail remarquable et utile – c’est un document qui nous servira par la suite. Je veux également remercier le garde des Sceaux pour ses explications : nous disposons maintenant d’une photographie précise de l’affaire, qui nous permet de mieux comprendre ce qui s’est passé. Je le remercie d’avoir autorisé la distribution de ces deux rapports dont nous allons maintenant prendre connaissance plus en détail.

Chaque « affaire » relance le débat sur les moyens de la justice. Tous ses acteurs, les magistrats, les services pénitentiaires, mais aussi les avocats, refusent à juste titre d’être mis en cause, car on ne leur donne pas les moyens d’effectuer correctement leur travail dans un certain nombre de cas. Quand on dispose d’une photographie précise d’une juridiction, comme celle que vous venez de nous fournir, on s’aperçoit que la situation n’est pas toujours simple. Or, j’ai eu le sentiment que vous découvriez, vous aussi, cette photographie du fonctionnement du tribunal de grande instance de Nantes et que, sauf erreur de ma part, le Premier président de la Cour d’appel de Rennes n’avait pas non plus une connaissance exacte de la situation de ce tribunal, pourtant situé dans son ressort.

À la suite de la réunion que vous avez organisée hier, monsieur le garde des Sceaux, j’ai reçu – comme d’autres sans doute – un communiqué de syndicats de magistrats, d’avocats et de personnels pénitentiaires nous invitant, nous parlementaires, mais aussi les simples citoyens, à nous rendre dans les juridictions pour constater le fonctionnement des services – selon des modalités fixées par les services eux-mêmes, mais c’est une restriction qu’on peut comprendre.

Pourquoi la question des moyens se pose-t-elle depuis si longtemps ? J’ai compris que vous étiez favorable à la réalisation d’une évaluation, mais cela signifie que rien de tel n’existe encore. Le rapport d’Etienne Blanc constitue un premier travail, relatif à l’exécution des peines. Pourquoi n’organise-t-on pas, sous une forme à déterminer, une évaluation de la justice ? Cela n’aurait rien de contraire au principe d’indépendance de la justice. Toutes les institutions et toutes les activités sont évaluées.

On ne pourra dire s’il manque des moyens ici ou là que sur la foi d’une évaluation de la situation, tribunal par tribunal, y compris au plan de la gestion des ressources humaines. Si les moyens ne sont pas déployés dans un second temps, il ne faudra pas se plaindre que l’activité ne soit pas à la hauteur. Mais on pourrait aussi constater que la situation n’est pas aussi dramatique qu’on le dit – je n’en sais rien : il ne faut pas préjuger.

Mme Delphine Batho. Je voudrais remercier le garde des Sceaux pour ses explications, et saluer le rapport d’Etienne Blanc, dont les chiffres sont accablants : nous savons maintenant que les délais de traitement d’une affaire devant les tribunaux correctionnels ont augmenté en moyenne de 11 % là où la « nouvelle chaîne pénale » (NCP) existe, et que le délai de réponse a augmenté de 18 % devant les tribunaux correctionnels entre 2000 et 2008. Les poursuites n’ayant augmenté que de 3 % dans le même temps, on ne peut pas expliquer la thrombose croissante du système par le simple accroissement des affaires à traiter.

Ce constat est accablant pour la politique menée par le Gouvernement au cours des dernières années : le rapport montre que le dysfonctionnement est aujourd’hui la norme. Des cas semblables à celui de Tony Meilhon se produisent quotidiennement. Même s’ils ne sont pas aussi dramatiques par leurs suites, il y a tous les jours des dysfonctionnements dans la prise en charge des personnes placées sous main de justice.

La proposition de notre collègue Philippe Houillon de réaliser un état des lieux est excellente. La question des moyens se pose, à l’évidence, en particulier pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation, où les difficultés sont incontestables. Compte tenu du nombre de dossiers à suivre par agent, il est manifeste que la situation n’est pas gérable. La proposition d’affecter 120 millions d’euros supplémentaires est, elle aussi, intelligente, mais je crains fort qu’elle ne suffise pas.

Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’une question de moyens, mais aussi de structure et d’organisation. Comme Bernard Roman, je suis frappé de ce qui s’est passé quand Tony Meilhon était mineur, au début de son parcours judiciaire. Notre système fonctionne à l’envers : on met le « paquet » sur les peines les plus lourdes et sur les individus les plus dangereux au lieu d’intervenir en amont, de façon précoce, pour apporter des sanctions appropriées aux primo-délinquants. Nous devons empêcher ce qui s’est passé dans le cas de Tony Meilhon : par ses réponses, notre système judiciaire a contribué à fabriquer un monstre.

S’agissant du milieu ouvert, le rapport de Michèle Tabarot sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les mineurs délinquants soulignait déjà, il y a deux ans, l’existence de carences. On ne se focalise pas assez sur cette question.

J’observe que vos propos, monsieur le ministre sont très éloignés de ce que le Président de la République a pu dire, et de ce que vous avez indiqué, vous-même, dans un communiqué commun avec M. Hortefeux. Alors que vous faisiez référence à des sanctions disciplinaires, vous dites maintenant qu’il ne s’agit pas de chercher des coupables.

J’en viens à une récente note de l’administration pénitentiaire qui prévoit l’affectation nominative des mesures en cours. Ressentie comme une façon, pour la chancellerie, de se défausser de ses responsabilités, cette note était un des sujets de mobilisation. Allez-vous revenir sur ce point, monsieur le ministre ?

Ma dernière question s’adresse au président de notre Commission : aurons-nous communication des rapports de l’inspection générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale ? Ces documents n’ont pas été rendus publics pour le moment.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je n’ai pas eu connaissance de ces rapports, mais nous aurons le plaisir d’accueillir, demain matin, le ministre de l’intérieur. Nous pourrons l’interroger sur ce sujet.

M. le garde des sceaux. La question des moyens doit être posée, mais pas dans n’importe quels termes. Il existe, en effet, un problème d’organisation et de méthode sur lequel nous devons absolument travailler pour mettre un terme aux dysfonctionnements actuels. On peut penser que les moyens sont insuffisants – je le crois, en effet–, mais cela ne dispense pas de suivre de bonnes méthodes.

La note évoquée par Mme Batho ne vise qu’à rappeler un élément figurant déjà dans la circulaire de 2008 : il faut examiner les dossiers de manière personnelle, au lieu de ne prendre en considération que les catégories de peines. Je ne reviendrai pas sur cette note, car elle correspond tout à fait à la philosophie actuelle du suivi.

M. Jean-Paul Garraud. Nous savons qu’il y a aujourd’hui entre 80 000 et 90 000 peines d’emprisonnement ferme non exécutées. Mais ce n’est pas le seul aspect du problème : il faut certes que les peines soient exécutées, mais aussi qu’elles le soient rapidement, faute de quoi elles risquent d’être déphasées et d’entraîner certaines « complications ».

De grands progrès ont été réalisés en matière d’individualisation du suivi des délinquants, notamment dans l’examen de leur dangerosité et du risque de récidive, qui doit avoir lieu au cas par cas, mais on peut aller plus loin.

Un autre sujet auquel nous devons réfléchir concerne les rapports entre les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Leur coordination est nécessaire, mais elle se heurte aujourd’hui à un certain nombre de difficultés.

J’en viens à la question des moyens. Nous savons tous qu’ils sont insuffisants. Le budget de la justice a certes augmenté de 40 % en huit ans, mais l’essentiel de cet effort a bénéficié à l’administration pénitentiaire. Peut-être conviendrait-il, comme certains le suggèrent, de réorienter les efforts vers les juridictions, qui n’ont pas toujours les moyens nécessaires pour certains postes de dépenses qui empoisonnent leur vie quotidienne.

J’ajoute que l’augmentation des moyens consentie en faveur de l’administration pénitentiaire concernait en particulier les SPIP. Leurs moyens, notamment humains, ont considérablement augmenté. On ne peut donc pas seulement raisonner en termes de moyens, même si c’est la rengaine habituelle. Certains SPIP fonctionnent très bien. C’est le cas, par exemple, de celui de Bordeaux, dont l’organisation et les méthodes de travail diffèrent des services comparables : au risque de schématiser, on peut dire que son mode de gestion n’est pas « administratif ». Un rapport remis au ministre de la justice par Isabelle Gorce et Charlotte Trabut avait d’ailleurs conduit à une sorte d’expérimentation sur les conditions de prise en charge de la récidive, assortie d’un plan et d’une évaluation, qu’il me semblerait très intéressant de généraliser.

J’aimerais maintenant revenir sur l’importance des éléments de personnalité et du passé pénal : ces informations doivent être portées à la connaissance de l’autorité judiciaire. Sur ce point, il a été question du casier judiciaire, dont nous savons tous qu’il n’est pas suffisamment renseigné, mais il y a aussi le RDCPJ, le Répertoire des données personnelles collectées dans le cadre des procédures judiciaires, créé par la loi du 10 mars 2010 pour renforcer les éléments portés à la connaissance de l’autorité judiciaire et pour améliorer le suivi des personnes.

J’en terminerai par la question de l’interdisciplinarité : il est essentiel que les travailleurs sociaux, les conseillers d’insertion et de probation, les magistrats, les experts et les psychiatres travaillent davantage en commun afin d’améliorer l’individualisation du suivi. Tous les moyens légaux existent, les moyens matériels ont été renforcés, mais il faudrait aussi procéder à certaines remises en cause. Elles me paraissent absolument nécessaires.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Comme l’a indiqué Etienne Blanc dans son rapport, le délai d’enregistrement des décisions au casier judiciaire est, en moyenne, de presque cinq mois. En cas de récidive commise dans ce délai, le magistrat ne sait pas qu’une condamnation a déjà été prononcée. Or, ce dysfonctionnement est connu depuis des années. On pourra adopter autant de lois qu’on voudra en matière de récidive, on n’avancera pas tant que les magistrats n’auront pas les informations nécessaires.

M. Étienne Blanc, rapporteur. L’inscription des décisions au casier judiciaire, réalisée par les services de Nantes, est de plus en plus rapide. En revanche, le délai entre la condamnation et la transmission de la décision s’allonge. Ce sont deux éléments distincts.

Mme Marietta Karamanli. Je voudrais saluer, à nouveau, l’important travail qui a été réalisé par le rapporteur. Il me semble toutefois nécessaire d’aller plus loin, notamment en faisant le lien avec la question des moyens humains.

Ma première observation concerne le délai d’audiencement. S’il est inconnu pour l’ensemble des juridictions françaises, il semble qu’il y ait un décalage important entre l’enclenchement des poursuites et la première audience de jugement. Le délai de traitement des affaires correctionnelles a, en outre, augmenté de plus de 11,5 % entre 2005 et 2010. Pour la suite de nos travaux, il serait intéressant de réaliser un travail supplémentaire sur cette question : j’aimerais savoir, en particulier, quel est le délai médian. Le rapport indique clairement que, faute de pouvoir recueillir des informations fiables pour l’ensemble des peines prononcées au plan national, les outils statistiques n’offrent qu’une vision lacunaire et imparfaite de l’exécution des peines. J’observe, au demeurant, que les données disponibles proviennent de la « nouvelle chaîne pénale » (NCP), qui ne concerne que les sept juridictions situées en Île-de-France.

Malgré le travail important réalisé par le rapporteur, je trouve qu’il manque aussi une analyse causale des difficultés rencontrées en matière d’exécution des peines. Il n’y a pas que la question des moyens : l’organisation et les méthodes de travail comptent aussi. A l’image du système de santé et de l’éducation nationale, la justice est une « entreprise de personnel ». Or, sur les 47 pays du Conseil de l’Europe, nous sommes classés au 37e rang. La question des moyens humains mérite donc toute notre attention. Pour la petite histoire, le mot « emploi » ne figure que deux fois dans le rapport, et ce dans les expressions suivantes : « mode d’emploi » et « introduction de l’emploi du paiement par mode électronique ».

M. Jacques Valax. Cette séance est un moment fort pour notre Commission. L’objectivité, le calme et la pondération des différentes interventions ne font que renforcer la solennité de cette réunion. J’espère qu’un tel état d’esprit perdurera, et que nous ferons tous l’effort intellectuel nécessaire pour sortir des « rails » habituels : la question des moyens importe, mais il ne faut pas se limiter à cette problématique.

Le respect du juge et de l’institution judiciaire en tant que telle me semble un élément essentiel, tant pour l’opinion publique que pour le justiciable. Je ne devrais pas avoir besoin de le rappeler, mais quand on entend dire que les juges sont des moins-que-rien et qu’ils sont trop laxistes, quand on voit qu’ils ne sont pas respectés au plus haut niveau de l’État, on ne peut qu’avoir du mal à accepter les sanctions. J’ajoute que le respect des juges et celui de l’institution elle-même sont intimement liés : quand l’institution n’est pas respectée, ce sont les juges qui ne le sont pas ; quand un juge n’est pas respectable, c’est l’institution qui en pâtit. Je ne crois pas utile d’en dire davantage, car vous voyez à quoi je fais allusion.

Si l’on veut assurer l’efficacité des décisions de justice, il faut aller vite : la sanction n’a d’efficacité que si elle est prononcée très rapidement après les faits. Ce qu’a dit Etienne Blanc sur la transcription des éléments d’information au casier judiciaire me paraît également très important.

Même si cela peut heurter certaines consciences, je pense que nous devons aller plus loin dans la modernisation de notre système répressif en développant des peines véritablement alternatives à l’emprisonnement. Ce dernier reste nécessaire pour les cas les plus difficiles – je ne suis pas laxiste –, mais il faut adopter une culture du milieu ouvert dans la majorité des cas, afin de permettre une réinsertion aussi rapide que possible. Celui qui a dévié à un moment donné doit pouvoir être ramené dans le droit chemin.

M. Dominique Raimbourg. Je m’associe aux félicitations adressées à Étienne Blanc, et je fais miens les propos tenus sur la question des moyens, mais je voudrais aussi rappeler que la tâche de la justice s’est considérablement accrue en matière civile – avec la création du JEX, le juge de l’exécution, avec les dispositions applicables au surendettement, avec la modification du régime des tutelles et bientôt avec le contrôle des hospitalisations d’office –, mais aussi en matière pénale. On a, en effet, juridictionnalisé l’application des peines. Cette évolution est positive, mais elle a considérablement alourdi la charge de travail. Il est exact que les gouvernements successifs ont augmenté les moyens alloués à la justice – de 30 % de 1997 à 2002, selon l’opposition, et de 40 % depuis 2002, nous dit la majorité –, mais ces efforts ne se sont traduits que par la création d’un peu moins de 400 postes de greffiers, soit deux greffiers de plus par tribunal, tandis que les effectifs des magistrats étaient réduits de 176 postes. Les efforts ne sont donc pas à la hauteur de l’accroissement des besoins.

En matière de contrôle, un premier dysfonctionnement résulte de l’absence de lien entre les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) et les SPIP : les psychiatres intervenant en prison ne communiquent que très peu avec les conseillers d’insertion et de probation. Un second dysfonctionnement est qu’il n’existe pas de véritable contrôle du suivi psychiatrique réalisé à la sortie de prison. Dans l’affaire en cause, le SMPR ne s’est pas préoccupé de la transmission du dossier à un centre de consultation médico-psychologique, alors que la fin de la détention avait été très profitable pour l’intéressé, qui s’était montré plus facile que par le passé, intéressé par sa prise en charge psychiatrique et soucieux de rembourser les victimes de ses précédentes infractions.

Il existe aujourd’hui trois types de contrôle : le sursis avec mise à l’épreuve (SME), qui n’a pas été mis en œuvre pour les raisons que nous connaissons ; l’inscription au Fichier national des délinquants sexuels, le FIJAIS, qui se limite en réalité à un contrôle d’adresse – on pourrait d’ailleurs s’interroger sur une coordination avec le SPIP ; et l’enregistrement des plaintes éventuelles, qui ne fait pas l’objet d’une coordination avec le suivi. Dans cette tragique affaire, la multiplication des plaintes aurait permis de comprendre que l’intéressé était entré, en l’absence de soins, dans un cycle inquiétant de montée de la violence, alors que son profil n’avait pas attiré l’attention dans un premier temps.

J’en viens à la question des peines non exécutées. Il est précisé, à la page 23 du rapport, qu’elles sont au nombre de 82 000, dont 70 % sont des peines de moins de six mois, et 90 % des peines de moins d’un an. Faisons attention au maniement de ces chiffres : il s’agit de peines aménageables, et il ne faudrait pas désespérer complètement nos concitoyens en leur laissant croire que les peines de prison ne sont jamais exécutées. Nous aurions besoin d’une évaluation plus fine, faisant ressortir les peines qui ne sont pas exécutées du tout.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Le problème de l’exécution ne concerne pas tant les peines longues, qui sont exécutées, que les condamnations infligées en réponse à la « délinquance quotidienne ». Le drame est que cette délinquance nécessite une exécution immédiate : il s’agit de donner des repères à ceux qui n’en ont pas. Par ailleurs, cette situation ne facilite pas la tâche des services de police et de gendarmerie qui se heurtent, dans certains secteurs, à de graves difficultés pour lutter contre ce type de délinquance. Il y a donc un intérêt général très fort à ce que ces peines soient exécutées rapidement.

M. Alain Vidalies. Le rapport de M. Étienne Blanc et les circonstances dans lesquelles nous l’examinons nous conduisent à aborder ces questions avec une grande humilité, mais également l’exigence de ne pas conclure à la fatalité. Entre l’attitude démagogique, qui affirmerait qu’il est possible de trouver un système permettant d’éviter toute récidive, et la nécessité d’en éviter le maximum, il existe une marge, qui est celle de la responsabilité du politique.

Personne ne peut affirmer que la réponse dépende uniquement des moyens dont dispose la justice, ce qui ne signifie pas qu’ils soient indifférents. M. Philippe Houillon s’est placé sur le plan méthodologique : nous ne sommes pas opposés à un bilan juridiction par juridiction, qui permettrait de mobiliser toute la société. Il n’en reste pas moins que les chiffres relatifs à la justice ont un caractère effarant : quatre ans pour obtenir un jugement devant les prud’hommes, qui peut s’en satisfaire ? Certaines juridictions sont totalement sinistrées, d’où un déficit de confiance dans la justice.

Il faut également savoir que les dernières promotions de l’École de la magistrature sont en forte diminution : ne faudrait-il pas prévoir des recrutements exceptionnels de magistrats, comme on en a connu dans le passé, afin de prévenir les problèmes ? Comme l’a rappelé le président Warsmann, plusieurs rapports du Sénat ou de l’Assemblée nationale ont également mis l’accent sur le nombre moyen de dossiers traités par conseiller : de 80 à 130.

Il convient de tirer des enseignements de la dramatique affaire de Nantes en termes d’organisation. Peut-on reprocher aux conseillers de ne pas s’être aperçu de la présence de l’extrait B 1 puisqu’un tel extrait ne se trouve pas habituellement dans le dossier transmis au SPIP ? Il faut effectivement, monsieur le ministre, rendre obligatoire sa transmission dans le dossier car il contient des informations indispensables à une bonne appréhension de la personnalité du prisonnier. Le dossier était arrivé au SPIP dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve pour outrage à magistrat, et non pour violence sexuelle. Si l’extrait du casier B 1 devait éveiller l’attention du conseiller, il n’en reste pas moins que le dossier contenait deux appréciations successives fort différentes : selon la première, Tony Meilhon était dangereux et nécessitait un suivi, alors que la seconde, rédigée par celui qui a rempli le dossier de sortie, affirmait que le prisonnier ne présentait aucun caractère particulier de dangerosité, ce qui ne pouvait que rassurer ceux qui étaient chargés de mettre en œuvre les mesures de suivi.

La lecture détaillée du rapport invite donc à prendre des initiatives, parfois complexes, notamment en matière de secret médical : les constatations effectuées par les médecins ne figurent pas de manière précise dans le dossier parce que ceux qui sont destinés à le lire ne sont pas médecins. Or, cette difficulté a déjà été relevée : les rapporteurs, page 18, précisent en effet que « la mission a constaté l’absence de partage d’informations opérationnelles entre les acteurs pénitentiaires et les acteurs de santé intervenant au centre pénitentiaire de Nantes ». C’est ainsi que Mme X observe que « le service médical ne donne aucun renseignement sur les détenus qui sont suivis. Il n’y a aucun échange possible dans ce domaine. Je n’en connais que ce que Meilhon m’a dit ».

Ce défaut d’échange n’est pas spécifique au cas Meilhon : il est la norme. Il s’agit là d’une situation à risque, à laquelle il est d’autant plus urgent de répondre que les rapporteurs renvoient à un précédent rapport, remontant à 2006, dans lequel l’inspection générale des services judiciaires avait noté que « les deux administrations concernées (Justice et Santé) devraient approfondir les réflexions déjà engagées pour définir un protocole de secret partagé au terme duquel le praticien devrait à tout le moins communiquer au travailleur social l’information selon laquelle un condamné suit ou non les soins qui lui sont imposés, à l’exclusion de tout autre renseignement de nature médicale. » Il s’agit là d’éléments objectifs que le politique doit traiter rapidement. La situation est grave. M. Garraud affirme que la nouvelle organisation, expérimentée au SPIP de Bordeaux, est une réussite. C’est possible. Il est toutefois peu rassurant que les services travaillent en autogestion avec pour seule règle la personnalité du chef de service, en dehors de toute harmonisation avec la direction centrale.

Cette affaire dramatique doit nous inciter à trouver des réponses en termes non seulement de moyens, mais également de circuit de l’information pénale.

M. Patrice Verchère. S’agissant du fonctionnement des services, les rapports ont pointé des erreurs dans les choix, tant du TGI de Nantes que de la Cour d’appel de Rennes, puisque les moyens auraient dû être affectés au service de l’application des peines. Les rapports démontrent donc que la réponse ne dépend pas uniquement de la quantité des moyens affectés, même si l’effort entrepris depuis 2002 doit être poursuivi, mais également de leur bonne affectation, ce qui implique de revoir l’organisation des ressources humaines, notamment au TGI de Nantes.

Monsieur le ministre, vous avez lancé le 2 février un plan national d’exécution des peines : prendrez-vous, comme je le suppose, ces deux rapports en compte pour améliorer l’efficacité de ce plan ?

M. André Vallini. Le budget de la justice a augmenté non pas depuis 2002 mais depuis 1997 : de 30 % de 1997 à 2002 et de 40 % depuis 2007. Ne retombons pas dans l’ornière de clivages stupides.

Si les citoyens assistaient à notre commission, ils auraient de quoi désespérer : au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les rapports se succèdent sur l’insuffisance des moyens et sur l’inexécution des peines, problèmes que Julien Dray et Delphine Batho, qui s’occupaient des questions de sécurité au PS, avaient déjà relevés en 2002, pour la campagne présidentielle de Lionel Jospin. Voilà neuf ans ! Et on continue d’empiler les rapports sur le sujet, alors que chacun sait que le mauvais fonctionnement de la chaîne pénale, provoquant un sentiment d’impunité, incite à la récidive.

Philippe Houillon a raison de proposer une évaluation : il se rappellera que la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau avait conclu à l’organisation dans chaque tribunal d’états généraux sur la justice. Mes chers collègues, qu’attendons-nous pour les organiser nous-mêmes ? C’est notre travail. Le Gouvernement a autre chose à faire ! Faisons moins de lois mais procédons à un plus grand nombre d’évaluations et de contrôles. Décidons ce soir d’évaluer les moyens dont dispose, ou ne dispose pas, chaque tribunal.

Enfin, Bernard Roman a évoqué la mission parlementaire au Québec. J’y suis allé avec Jacques Floch : lorsque les Québécois ont décidé de consacrer beaucoup d’argent à leur système pénitentiaire ainsi qu’à l’insertion et à la probation, l’opinion publique n’y fut pas favorable. Or, la récidive a diminué, ce dont tous les Québécois se félicitent aujourd’hui.

L’affaire Laëtitia nous invite, pour une fois, à parler des SPIP. Toutefois, monsieur le ministre, je vous suggère également de doter de moyens supplémentaires la protection judiciaire de la jeunesse, dont on ne parle jamais, non plus. Or, plus la PJJ disposera de moyens, moins les SPIP en auront besoin.

Enfin, monsieur le ministre, j’ai visité, moi aussi, lors de la commission d’enquête sur les prisons de 2000, quelques vieilles prisons, notamment celle d’Aubusson, qui située au cœur de la ville, date de la fin du XVIIIe ou du début du XIXe. Les détenus ne voulaient en changer pour rien au monde, car tout se passait comme en famille : ils étaient peu nombreux – trente ou quarante –, se connaissaient tous entre eux, et leurs proches pouvaient facilement venir les voir. Comme quoi les grandes prisons inhumaines et métalliques ne constituent pas nécessairement la meilleure réponse, monsieur le ministre, même s’il faut éliminer les très vieilles prisons.

Mme Brigitte Barèges. Nous avons vécu ce soir un grand moment de vérité et de sérénité, et l’analyse des dysfonctionnements mis en lumière par les rapports fait l’unanimité de la Commission. Vous les avez rapidement diligentés et vous faites preuve de la plus complète transparence : je vous en remercie, monsieur le ministre.

Ce qui m’étonne, c’est la trop grande autonomie dont jouissait le SPIP de Nantes, qui dysfonctionnait depuis très longtemps, à tel point que plusieurs directions ont échoué à l’organiser. Il ressort du débat de ce soir que la réponse dépend surtout d’une meilleure affectation des moyens et d’une amélioration de l’organisation. La transversalité est le maître mot : comment se fait-il que les SPIP fonctionnent de manière autonome et qu’il n’y ait aucune transversalité entre le milieu fermé et le milieu ouvert ? Il appartient au juge d’application des peines de contrôler leur coordination. Approfondissons ensemble ces pistes de réflexion, dans le cadre d’une mission parlementaire, en vue de construire une meilleure justice pour nos concitoyens. Leur attente est forte en la matière.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des perspectives que vous avez ouvertes. Je tiens également à saluer le rapport de M. Blanc ainsi que les réflexions de M. le président Warsmann. Nous déplorons depuis trop longtemps les conséquences de la non-exécution et du mauvais suivi des peines en matière pénale. Remédions-y enfin.

M. Serge Blisko. Merci pour ce moment de vérité. Le problème des SPIP reste à traiter. Au-delà de la question du nombre, je constate un grand malaise culturel chez les conseillers d’insertion et de probation : jadis travailleurs sociaux de la prison, chargés de préparer au mieux l’entrée et, surtout, la sortie d’une population souvent en très grande difficulté vers l’insertion professionnelle, le lien familial et l’hébergement, ils se voient désormais demander de prédire le profil de dangerosité ou le risque de récidive des détenus libérés, tâche que, faute d’outils, ils jugent très difficile. Les expériences menées au Québec, comme les échelles actuarielles, ne font pas partie de la culture française et restent à évaluer pour être adaptées à notre monde. En matière de suivi, c’est-à-dire en matière humaine, il est difficile de passer du subjectif à l’objectif.

Par ailleurs, le Centre national d’observation (CNO) de Fresnes, conçu voici plus de 60 ans, est désormais quelque peu obsolète et doit être revivifié et régionalisé – je souhaiterais pour ma part que nous disposions de neuf structures de ce type, correspondant aux directions interrégionales. Il ne doit pas s’agir seulement d’outils médico-psychologiques, mais les SPIP doivent aussi pouvoir y faire des stages de formation. De fait, la prévention de la récidive ne doit pas se cantonner au niveau de l’organisation et des moyens et il y entre bien des éléments insaisissables. Les futurs centres doivent être réellement dotés de moyens importants.

M. Guy Geoffroy. Je salue l’événement douloureux qui nous vaut d’évoquer aujourd’hui en même temps un sujet d’actualité et un sujet au long cours, et vaudra sans doute à l’excellent rapport de M. Étienne Blanc d’être mieux entendu et mis en œuvre.

Je souhaite que les propos délibérément mesurés que nous tenons ici ne soient pas oubliés lorsque nous sortirons de cette salle. En effet, M. Roman, qui nous a le premier invités à la mesure, sait bien qu’une partie essentielle du drame de la vie de Tony Meilhon s’est nouée alors qu’il était lui-même président de la Commission des lois. Ne nous exonérons pas à bon compte en limitant les analyses au manque de moyens : nous avons tous reconnu que ce n’était pas la seule cause des dysfonctionnements. De fait, même quand les moyens augmentent, comme cela a été le cas entre 1997 et 2002 et, plus encore, entre 2002 et 2011, les difficultés subsistent et certaines difficultés nouvelles apparaissent.

Dans sa déposition, Meilhon rappelle que, mineur et voleur, il a été mis en prison avec un mineur et violeur. Le voleur est ainsi devenu violeur pour avoir été mis en prison avec un autre mineur. Ayons l’humilité de réviser nos convictions sur les centres éducatifs fermés : s’ils avaient existé plus tôt, Meilhon aurait sans doute relevé d’un tel centre.

Monsieur le ministre, l’affaire Meilhon nous conduit donc à la question de la justice des mineurs. M. Raimbourg et moi-même avons représenté notre assemblée lors de travaux de la commission Varinard, pour bâtir une esquisse d’avant-projet de loi visant à donner aux principes de l’ordonnance de 1945 modernité et efficacité. À la lumière des événements qui ont marqué la jeunesse de Meilhon et son passage à l’âge adulte, n’est-il pas temps de proposer une vision intégrale de ce que doit être notre justice des mineurs ? Tout ce qui pourra être fait dans ce sens me semblera positif.

M. le garde des sceaux. Je vous remercie de m’avoir invité à cette séance passionnante de la Commission des lois et je me réjouis que celle-ci soit publique, permettant à nos concitoyens de voir que le législateur et le Gouvernement veulent construire un service public de la justice aussi efficace que possible. Je suis preneur de bon nombre des idées qui ont été exprimées ce soir et je me félicite que les analyses ne se soient pas limitées à incriminer le manque de moyens, mais qu’on ait évoqué de véritables réformes des méthodes de travail et du fonctionnement du service public de la justice.

Récemment arrivé dans ce ministère, je m’interroge sur bien des points. Comme le montre la variation du nombre de dossiers par conseiller – de 64 dans de très grands départements à 184 dans certains départements d’outre-mer, avec une moyenne de 100 –, toute évaluation doit nous conduire à modifier pour tous les services, y compris les tribunaux, les allocations de moyens. Il faut mettre les moyens, si réduits soient-ils, là où sont les besoins et remettre en cause les situations acquises. Sur le terrain, où j’essaie de me rendre souvent pour parler avec les agents de la pénitentiaire et les magistrats, je constate que les charges sont différentes et qu’une évaluation sera très utile. Les moyens statistiques du ministère ne la permettent pas encore et j’espère que j’obtiendrai les moyens que j’ai demandés à cet effet. J’entends faire preuve en la matière de la transparence la plus absolue, car on ne gagne rien à se cacher des choses.

Accroître les moyens sans tenir compte de la réalité des charges de travail ni modifier les méthodes de travail ne permettrait pas l’amélioration optimale que l’on peut en attendre. Je me réjouis donc de la proposition du président Warsmann : 120 millions d’euros doivent bien représenter 1 500 emplois, toutes catégories confondues – ce qui est peut-être même un peu trop : ce budget devrait aussi permettre d’améliorer l’équipement des tribunaux et des services pénitentiaires.

Dans le domaine pénitentiaire, il faut aujourd’hui aider le milieu ouvert et la PJJ est à cet égard essentielle. Je ne peux donc qu’encourager M. Vallini, en sa qualité de président du Conseil général de l’Isère, à signer le plus vite possible avec la PJJ un accord de coopération approfondie.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Le plan d’urgence est indispensable à cause des flux mais aussi des stocks accumulés. La volonté d’assurer un traitement en temps réel et de gérer les stocks doit être très forte.

M. le garde des sceaux. J’ai obtenu en urgence pour cette année des crédits qui nous permettront de recruter des vacataires pour les SPIP et 400 greffiers dont nous pourrons ainsi disposer immédiatement, en attendant l’arrivée de ceux qui sont en formation. En effet, les postes de titulaires que nous créons ne seront pourvus que dans deux ans.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie.

La Commission autorise ensuite le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’INFORMATION

Proposition n° 1 :

Dans l’attente de l’interconnexion, prévue en 2014, de Cassiopée et du casier judiciaire national, enregistrer les décisions en temps réel, en vue de les transmettre au casier judiciaire dans un délai maximal de 15 jours à compter de leur prononcé avant le 31 décembre 2011.

Proposition n° 2 :

Dans l’attente de l’interconnexion, prévue en 2014, de Cassiopée et du casier judiciaire national, enregistrer les décisions au casier judiciaire national dans un délai maximal de 15 jours à compter de la réception de la décision avant le 31 décembre 2011.

Proposition n° 3 :

Enrichir les objectifs et les indicateurs fixés en application de la loi organique relative aux lois de finances, afin de permettre une évaluation quantitative et qualitative efficace de l’exécution des décisions de justice pénale.

Proposition n° 4 :

Lancer un plan exceptionnel d’amélioration de l’exécution des peines, financé à hauteur de 120 millions d’euros grâce à l’augmentation de trois points du taux de recouvrement des amendes contentieuses d’ici le 31 décembre 2012.

Proposition n° 5 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, établir un projet de calendrier réaliste et accepté par tous.

Proposition n° 6 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, prévoir le lancement d’un marché d’étude, préalable indispensable à la réussite du projet informatique.

Proposition n° 7 :

Pour le développement de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, mieux associer, dès la phase de conception et à chaque évolution du projet, l’ensemble des utilisateurs de la chaîne pénale (magistrats, greffiers, etc.), afin que le projet informatique réponde à leurs besoins opérationnels.

Proposition n° 8 :

Dès la phase de conception et à chaque évolution de toute nouvelle application informatique d’une ampleur comparable au projet Cassiopée, disposer, tant côté maîtrise d’ouvrage que maîtrise d’œuvre, d’une équipe de projet adaptée, en taille et en compétences, partageant une méthodologie commune et avec à sa tête un directeur de projet, détenant les compétences appropriées et avec le positionnement hiérarchique adéquat.

Proposition n° 9 :

Renforcer le pilotage opérationnel et contractuel des fournisseurs retenus par le ministère de la Justice pour la conception, le déploiement et la maintenance de toutes les applications informatiques de la chaîne pénale.

Proposition n° 10 :

Mettre régulièrement à jour les informations relatives aux évolutions en cours ou à venir de Cassiopée.

Proposition n° 11 :

Dématérialiser rapidement la gestion des scellés dans Cassiopée.

Proposition n° 12 :

Apporter rapidement des solutions concrètes aux difficultés rencontrées dans la gestion des affaires complexes impliquant plusieurs auteurs, victimes ou infractions.

Proposition n° 13 :

Pour le déploiement de toute nouvelle application informatique sur la chaîne pénale, mettre en place et suivre régulièrement un indicateur de satisfaction des utilisateurs.

Proposition n° 14 :

Réaliser au plus vite l’interconnexion de Cassiopée avec les applications informatiques utilisées par tous les acteurs de la chaîne pénale (police et gendarmerie nationales, casier judiciaire national, juges de l’application des peines et services d’insertion et de probation, administration pénitentiaire…).

Proposition n° 15 :

Poursuivre et accompagner la réorganisation de la chaîne pénale et des différents services des juridictions sous l’impulsion de Cassiopée, en favorisant la verticalisation et la revalorisation des tâches.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LA MISSION

Mardi 29 juin 2010

§ M. Jean-Christophe CROCQ, inspecteur des services judiciaires.

Mardi 14 septembre 2010

- Union syndicale des magistrats

§ Mme Virginie VALTON, secrétaire nationale ;

§ M. Nicolas LÉGER, chargé de mission.

- Syndicat de la magistrature

§ Mme Clarisse TARON, présidente ;

§ M. Matthieu BONDUELLE, secrétaire général.

- Syndicat national des magistrats FO

§ M. Emmanuel POINAS, secrétaire général ;

§ Mme Béatrice PENAUD, membre du bureau national.

- GIE Conseil national des barreaux - Barreau de Paris - Conférence des bâtonniers

§ Maître Nicolas PERRAULT, ancien Bâtonnier de Versailles, vice-président de la commission « Nouvelles Technologies » du Conseil national des barreaux ;

§ Maître Philippe CHAUDON, avocat à Marseille, membre de la commission « Nouvelles Technologies » du Conseil national des barreaux.

Mardi 28 septembre 2010

- Groupement d’intérêt public « actes dématérialisés entre les acteurs de la Justice »

§ M. Luc FERRAND, commissaire du gouvernement ;

§ Mme Nathalie GILLY, directrice bancaire de la Caisse des Dépôts.

- Tribunal de grande instance d’Angoulême

§ Mme Annie ANTOINE, présidente ;

§ M. Nicolas JACQUET, procureur de la République ;

§ Mme Céline MUGERLI, directrice des greffes.

- Société GFI Informatique

§ M. Christian PLUMAS, directeur de la division secteur public et administration.

Lundi 4 octobre 2010

- Déplacement au tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

§ Mme Dominique ROLIN, présidente ;

§ Mme Marie-Christine TARRARE, procureure de la République ;

§ M. Jean CROLLET, directeur des greffes.

Mardi 5 octobre 2010

- Cabinet de conseil Sopra

§ M. Jean-Claude LAMOUREUX, directeur associé « Service public »

- Cabinet de conseil Atos Origin

§ M. Dominique RERAT, vice-président « Secteur public » ;

§ M. Jean-François BARTHE, directeur-adjoint « Secteur public » ;

§ M. Hervé de COLNET, directeur de marché « Secteur public ».

- Cabinet de conseil Steria

§ M. Jean-Marc PELLET, consultant en secteur public.

- Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI)

§ M. Patrick PAILLOUX, directeur général ;

§ Mme Florence ESSELIN, membre du bureau assistance et conseil.

- Agence nationale des titres sécurisés

§ M. Raphaël BARTOLT, directeur général.

Mardi 12 octobre 2010

- École nationale des greffes

§ Mme Geneviève LIOTARD, directrice ;

§ Mme Béatrice GAYET, directrice-adjointe chargée de la formation continue et informatique.

- École nationale de la magistrature

§ M. Samuel VUELTA-SIMON, directeur-adjoint en charge de la formation continue ;

§ Mme Sylvie LAUSI, animatrice du pôle d’enseignement « Administration de la justice ».

- Ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l’État

§ M. François-Daniel MIGEON, directeur général de la modernisation de l’État.

Mardi 26 octobre 2010

- Syndicat des greffiers de France

§ Mme Sophie GRIMAULT, greffière au tribunal de grande instance de Limoges ;

§ Mme Annette PELLETIER, greffière au Conseil des prud’hommes de Louhans.

- CFDT Interco Justice

§ M. Michel BESSEAU, greffier en chef au tribunal de grande instance d’Évreux ;

§ M. Pierre ROUSSEL, directeur de greffe du tribunal de grande instance d’Évreux.

- C. Justice

§ Mme Anne-Marie DÉCAUDIN, adjointe principale au tribunal de grande instance de Valenciennes et membre du bureau national.

Mercredi 27 octobre 2010

- Déplacement au tribunal de grande instance de Nantes

§ Mme Françoise TROUVAT, première vice-présidente ;

§ M. Xavier RONSIN, procureur de la République ;

§ Mme Michèle COUTEAU, directrice des greffes.

Mardi 9 novembre 2010

- Ministère de la Justice et des Libertés

§ M. Mathieu HERONDART, secrétaire général adjoint ;

§ M. Philippe MARCILLIERE, sous-directeur de l’informatique et des télécommunications.

Mercredi 10 novembre 2010

§ Mme Danielle ROUBAUD, secrétaire nationale de la CGT des Chancelleries et des services judiciaires.

Mardi 16 novembre 2010

- Déplacement au tribunal de grande instance de Bobigny

§ M. Philippe JEANNIN, président ;

§ Mme Sylvie MOISSON, procureure de la République.

Mercredi 24 novembre 2010

§ M. Luc FERRAND, directeur de projet, chargé de la mise en place de la signature électronique au secrétariat général du ministère de la Justice et des Libertés ;

§ M. Jean-Jacques DEBACQ, directeur du Projet Interministériel Contrôle Automatisé (DPICA).

Mardi 30 novembre 2010

- Ministère de la Justice et des Libertés

§ Mme Véronique MALBEC, directrice des services judiciaires ;

§ M. Stéphane HARDOUIN, directeur de projet Cassiopée.

- Tribunal de grande instance de Rennes

§ M. Dominique COUTURIER, président.

- Association nationale des juges de l’application des peines

§ Mme Martine LEBRUN, présidente ;

§ Mme Sandra DESJARDIN, juge d’application des peines à Cahors.

Mercredi 1er décembre 2010

- Déplacement au tribunal de grande instance de Poitiers

§ Mme Isabelle CHASSARD, présidente ;

§ M. Pierre SENNES, procureur de la République ;

§ Mme Agnès NOWAK, directrice des greffes.

Mardi 14 décembre 2010

- Syndicat des avocats de France

§ Maître Gérard TCHOLAKIAN, avocat au barreau de Paris, président de la section de Paris, membre de la commission pénale.

- Fédération nationale des unions de jeunes avocats

§ M. Stéphane DHONTE, avocat au barreau de Lille, premier vice-président ;

§ M. Jean-Baptiste GAVIGNET, avocat au barreau de Dijon, président de la commission pénale ;

§ M. Matthieu DULUCQ, avocat au barreau de Nancy, secrétaire général adjoint.

- Ministère de la Justice et des Libertés

§ Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, directrice des affaires criminelles et des grâces ;

§ M. Cyril LACOMBE, chef du pôle de l’évaluation des politiques pénales ;

§ Mme Bénédicte BERTRAND, adjointe au bureau de l’exécution des peines et grâces.

ANNEXES

Annexe n° 1 : Questionnaire relatif au bilan statistique de l’exécution des peines 115

Annexe n° 2 : Carte du déploiement de Cassiopée au 14 février 2011 129

Annexe n° 3 : Calendrier du déploiement de Cassiopée au 20 décembre 2010 131

Annexe n° 4 : Schéma de la réorganisation de la chaîne pénale au tribunal de grande instance de Poitiers 135

Annexe n° 5 : Étude de droit comparé sur la dématérialisation de la chaîne pénale 137

ANNEXE N°1 : QUESTIONNAIRE RELATIF AU BILAN STATISTIQUE DE L’EXÉCUTION DES PEINES

ASSEMBLÉE NATIONALE

XIIIe LÉGISLATURE

26 avril 2010

Q U E S T I O N N A I R E (48)

FAIT

AU NOM DE LA MISSION D’INFORMATION
SUR L’EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE PÉNALE

______________

BILAN STATISTIQUE SUR L’EXÉCUTION DES PEINES

Rapporteurs :

M. Étienne BLANC

M. Michel ZUMKELLER

Les réponses doivent être adressées dès que possible, et, en tout état de cause, avant le 31 mai 2010.

Questionnaire sur le bilan statistique de l’exécution des décisions de justice pénale

M. Jean-Luc Warsmann, président

MM. Étienne Blanc et Michel Zumkeller, rapporteurs

____________________

NB : Sauf indication contraire, les réponses aux questions porteront sur les données des cinq dernières années. Elles devront en outre détailler les données demandées au niveau national, d’une part, ainsi qu’au niveau de chaque juridiction et du ressort de chaque cour d’appel, d’autre part.

Délais d’audiencement et de jugement

1. Présenter le délai global d’audiencement, en détaillant notamment les délais d’audiencement :

a. En matière contraventionnelle ;

b. En matière délictuelle ;

c. En matière criminelle.

2. Quelle a été l’évolution de ces délais d’audiencement au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

3. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

4. Présenter le délai global de jugement, en détaillant notamment les délais de jugement :

a. En matière contraventionnelle ;

b. En matière délictuelle ;

c. En matière criminelle.

5. Quelle a été l’évolution de ces délais de jugement au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

6. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

7. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer le délai d’audiencement ainsi que le délai de jugement en matière pénale. Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

Délais et taux d’exécution des peines d’emprisonnement ferme

8. Présenter les délais d’exécution des peines d’emprisonnement ferme, en détaillant notamment les délais d’exécution pour :

a. Les peines inférieures ou égales à six mois ;

b. Les peines inférieures ou égales à un an ;

c. Les peines inférieures ou égales à deux ans ;

d. Les peines inférieures ou égales à cinq ans ;

e. Les peines inférieures ou égales à dix ans ;

f. Les peines supérieures à dix ans.

9. Quelle a été l’évolution de ces délais au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

10. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

11. Présenter les taux d’exécution des peines d’emprisonnement ferme pour :

a. Les peines inférieures ou égales à six mois ;

b. Les peines inférieures ou égales à un an ;

c. Les peines inférieures ou égales à deux ans ;

d. Les peines inférieures ou égales à cinq ans ;

e. Les peines inférieures ou égales à dix ans ;

f. Les peines supérieures à dix ans.

Pour chacune de ces catégories de peines, préciser dans quel délai après le prononcé de la peine se situe le taux d’exécution correspondant.

12. Quelle a été l’évolution de ces taux d’exécution au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

13. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

14. En mars 2009, le rapport rendu par l’inspection générale des services judiciaires sur l’évaluation du nombre de peines d’emprisonnement ferme en attente d’exécution a établi 42 propositions destinées à améliorer l’exécution des peines de prison :

a. Présenter les mesures qui ont, d’ores et déjà, été prises afin de mettre en œuvre ces recommandations ;

b. Présenter les mesures qui vont être prises dans les prochains mois afin de donner une portée concrète à ces recommandations. Pour chaque mesure envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

Délais et taux d’exécution des sursis avec mise à l’épreuve (SME)

15. Présenter les délais d’exécution des sursis avec mise à l’épreuve, en distinguant les délais d’exécution pour :

a. Les sursis avec mise à l’épreuve à l’issue de jugements contradictoires ;

b. Les sursis avec mise à l’épreuve à l’issue de jugements contradictoires à signifier.

16. Quelle a été l’évolution de ces délais au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

17. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

18. Présenter les taux d’exécution des sursis avec mise à l’épreuve, en distinguant les taux d’exécution pour :

a. Les sursis avec mise à l’épreuve à l’issue de jugements contradictoires ;

b. Les sursis avec mise à l’épreuve à l’issue de jugements contradictoires à signifier.

19. Quelle a été l’évolution de ces taux d’exécution au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

20. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

21. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer l’exécution des sursis avec mise à l’épreuve. Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

Délais et taux d’exécution des travaux d’intérêt général (TIG)

22. Présenter le nombre et la durée moyenne des travaux d’intérêt général prononcés chaque année :

a. À titre de peine principale et à titre de peine alternative à la prison ;

b. En matière contraventionnelle et délictuelle ;

c. Par le tribunal pour enfants (mineurs).

23. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

24. Présenter le nombre de places de travaux offertes chaque année en distinguant :

a. Celles proposées par les collectivités locales ;

b. Celles offertes par les services de l’État ;

c. Celles offertes par les établissements publics ;

d. Celles offertes par les structures associatives ;

e. Celles offertes par les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public.

25. existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

26. Présenter les délais d’exécution des travaux d’intérêt général.

27. Quelle a été l’évolution de ces délais au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

28. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

29. Présenter les taux d’exécution des travaux d’intérêt général.

30. Quelle a été l’évolution de ces taux d’exécution au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

31. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

32. Présenter la procédure d’habilitation à l’accueil de personnes à un travail d’intérêt général.

33. Alors que cette procédure est souvent décriée pour sa lourdeur, quels sont les allègements de procédure qui ont, d’ores et déjà, été réalisés et ceux qui vont être mis en œuvre ? Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

34. La mission d’information, dans son rapport de décembre 2007 (49), avait recommandé le développement dans les contrats locaux de sécurité de clauses prévoyant l’accueil de personnes condamnées à un travail d’intérêt général par les collectivités locales et les services de l’État :

a. Quelles ont été les suites concrètes données par le ministère de la Justice à cette proposition ?

b. Le cas échéant, quelles sont les raisons qui ont incité le ministère de la Justice à ne pas mettre en œuvre cette recommandation de la mission ?

35. Présenter les mesures qui ont été prises ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer le recours aux travaux d’intérêt général et leur exécution. Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

Délais et taux de recouvrement des peines d’amendes

36. Présenter le délai global de recouvrement des peines d’amendes, en détaillant notamment les délais de recouvrement pour :

a. Les amendes prononcées par ordonnance pénale ;

b. Les amendes prononcées par jugement correctionnel.

c. Les amendes forfaitaires majorées, en précisant notamment le taux de recouvrement des amendes de circulation routière et les amendes issues des contrôles automatiques de vitesse ;

37. Quelle a été l’évolution de ces délais au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

38. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

39. Présenter le taux global de recouvrement des peines d’amendes, en détaillant notamment :

a. Le taux de recouvrement contentieux et le taux de recouvrement spontané des amendes ;

b. Le taux de recouvrement des amendes prononcées par ordonnance pénale ;

c. Le taux de recouvrement des amendes prononcées par jugement correctionnel.

d. Le taux de recouvrement des amendes forfaitaires majorées, en précisant notamment le taux de recouvrement des amendes de circulation routière et le taux de recouvrement des amendes issues des contrôles automatiques de vitesse.

40. Quelle a été l’évolution de ces taux de recouvrement au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

41. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

42. Présenter au niveau national, d’une part, ainsi qu’au niveau de chaque juridiction et du ressort de chaque cour d’appel, d’autre part, la part respective des différents modes de paiement des amendes.

43. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin de faciliter le paiement spontané des amendes. Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre. A ce titre :

a. Présenter les projets et les mesures entreprises en matière de dématérialision de la transmission des informations entre les trésoreries et les tribunaux ;

b. Le relevé de condamnation pénale s’est-il vu reconnaître valeur de titre exécutoire pour permettre l’enregistrement immédiat du paiement de l’amende par la trésorerie ?

c. Existe-t-il à ce jour un système d’information mutuelle entre les trésoreries et les tribunaux sur le paiement de l’amende ? Présenter les éventuels projets en cours ;

d. Présenter le bilan de la signature des conventions entre les trésoreries et les tribunaux pour permettre la généralisation de l’installation des urnes de paiement par chèque et des terminaux de carte bancaire dans tous les bureaux d’exécution des peines.

e. Présenter le nombre de bureaux d’exécution des peines disposant aujourd’hui d’un terminal de paiement par carte bancaire et d’une urne de paiement par chèque ?

f. Présenter les mesures qui ont été prises afin de permettre le paiement des amendes en espèces auprès des BEX. Des régies de recettes en application de l’article R. 946-4 du code de l’organisation judiciaire ont-elles été créées auprès des BEX ? Les greffiers des BEX se sont-ils vus attribuer une indemnité de responsabilité en contrepartie de leurs compétences de régisseurs ? Les locaux des BEX ont-ils été sécurisés ?

44. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer le recouvrement contentieux des amendes. Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

Délais et taux d’exécution des peines de suspension ou d’annulation du permis de conduire

45. Présenter les délais d’exécution des peines de suspension et d’annulation du permis de conduire.

46. Quelle a été l’évolution de ces délais au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

47. Présenter les taux d’exécution des peines de suspension et d’annulation du permis de conduire.

48. Quelle a été l’évolution de ces taux d’exécution au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

49. S’agissant des taux et des délais d’exécution des peines de suspension et d’annulation du permis de conduire, existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

50. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer l’exécution des peines de suspension et d’annulation du permis de conduire.

Délais et taux de signification des jugements

51. Présenter le délai d’exécution des jugements contradictoires à signifier au regard du délai d’exécution des jugements contradictoires.

52. Quelle a été l’évolution des délais d’exécution des jugements contradictoires à signifier au cours de ces cinq dernières années, comparativement à l’évolution des délais d’exécution des jugements contradictoires, et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

53. Présenter le taux d’exécution des jugements contradictoires à signifier au regard du taux d’exécution des jugements contradictoires.

54. Quelle a été l’évolution des taux d’exécution des jugements contradictoires à signifier au cours de ces cinq dernières années, comparativement à l’évolution des taux d’exécution des jugements contradictoires, et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

55. S’agissant des taux et des délais d’exécution des jugements contradictoires à signifier, existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

56. Présenter la part des jugements contradictoires à signifier dans l’activité des juridictions correctionnelles et criminelles.

57. Présenter les difficultés rencontrées par les juridictions pénales dans l’exécution des jugements contradictoires à signifier.

58. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’encourager la présence des prévenus à l’audience ou la représentation en vertu d’un mandat exprès.

59. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer l’efficacité de la signification des décisions. Dans cette perspective :

a. Indiquez quels sont les projets mis en œuvre ou bien en cours en matière de dématérialisation des échanges d’informations entre les juridictions et les huissiers de justice ;

b. Indiquez si les sommes allouées aux huissiers de justice pour les significations effectuées en matière pénale ont été ou seront revalorisées ;

c. Indiquez si un délai a été ou sera imposé aux huissiers de justice pour accomplir les diligences à la signification des décisions ;

d. Indiquez les mesures qui ont été prises ou bien qui sont envisagées afin de simplifier les modalités de signification des jugements contradictoires.

Juges de l’application des peines (JAP)

60. Indiquer, de manière très précise, les délais :

a. Entre le moment où une condamnation devient définitive et la convocation du condamné devant le juge de l’application des peines ;

b. Entre le moment où une personne détenue devant faire l’objet de mesures de contrôle, dans le cadre d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire par exemple, sort de détention, et la convocation devant le juge de l’application des peines ;

c. Entre les décisions prises par le juge de l’application des peines et leur exécution (début effectif d’un travail d’intérêt général, mise en place du dispositif de placement sous surveillance électronique, début effectif de l’injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire…).

61. Quelle a été l’évolution de ces délais au cours de ces cinq dernières années ?

62. Présenter les effectifs (en ETP) en personnels de greffe affectés aux juges de l’application des peines.

63. Présenter, pour les cinq années à venir, les besoins (en ETP) en personnels de greffe pour les juges de l’application des peines et les perspectives de recrutement afférentes.

64. Présenter les effectifs (en ETP) des magistrats chargés de l’application des peines.

65. Présenter, pour les cinq années à venir, les besoins (en ETP) en magistrats chargés de l’application des peines et les perspectives de recrutement afférentes.

66. Quel est le nombre moyen de dossiers suivis par un juge de l’application des peines chaque année ? Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

67. Combien de condamnés un juge de l’application des peines rencontre-t-il en moyenne chaque semaine ? Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

68. Combien de temps un juge de l’application des peines consacre-t-il à l’examen de chaque mesure ?

Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)

69. Le principe de l’exécution immédiate des peines implique une transmission rapide des greffes des juridictions vers les services pénitentiaires d’insertion et de probation :

a. Présenter les délais de transmission des jugements des greffes des juridictions vers les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

b. Quelle a été l’évolution de ces délais de transmission au cours de ces cinq dernières années et quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

c. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, permettent d’expliquer ces disparités ?

d. Alors que certains services pénitentiaires d’insertion et de probation semblent refuser de démarrer une prise en charge au seul vu du relevé de condamnation pénale et demandent à disposer du jugement, dont l’enregistrement se fait souvent encore dans des délais trop longs, le ministère de la Justice a-t-il édicté une circulaire permettant de fixer
une règle claire qui éviterait des pratiques différentes entre tribunaux ?

e. La perspective de dématérialisation de la chaîne pénale doit permettre une meilleure communication entre les juridictions et les services pénitentiaires d’insertion de probation. Où en sont les réalisations sur ce sujet ?

70. En raison des fortes disparités constatées dans les pratiques de certains services pénitentiaires d’insertion et de probation, le ministère de la Justice a-t-il élaboré, comme cela avait été envisagé, un projet de référentiel des bonnes pratiques des services pénitentiaires d’insertion et de probation ? Quelle est la date prévisible d’achèvement de ce référentiel ? Quels obstacles son élaboration rencontre-t-elle ?

71. Présenter la répartition de l’activité des services pénitentiaires d'insertion et de probation entre :

a. Préparation des décisions de l’autorité judiciaire et exécution de ces décisions ;

b. Mesures concernant les prévenus et mesures concernant les condamnés ;

c. Mesures de milieu ouvert et activité en établissement pénitentiaire.

72. Indiquez, sur les cinq dernières années, les données chiffrées sur l'évolution du budget (AE/CP) des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

73. Présenter les effectifs (en ETP), répartis entre les différentes catégories de personnels, des services pénitentiaires d’insertion et de probation, en distinguant notamment milieu ouvert et milieu fermé.

74. Présenter le nombre moyen de dossiers suivis par chaque conseiller d’insertion et de probation en milieu fermé et en milieu ouvert. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre les différents services pénitentiaires d’insertion et de probation ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent ces disparités ?

75. À combien d’équivalent temps plein (ETP) estimez-vous le nombre de personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation faisant aujourd'hui défaut ? Présenter les perspectives de recrutement des différentes catégories de personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation pour les cinq années à venir.

76. S’agissant des relations entre les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation :

a. Quel regard portez-vous sur les relations entre les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation ?

b. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice afin d’améliorer les relations entre les juges de l’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Pour chaque mesure appliquée ou envisagée, détailler le calendrier de mise en œuvre.

c. Afin d’alléger et de rendre plus efficaces les obligations d’information des SPIP en direction des JAP, la présentation des rapports semestriels a-t-elle été simplifiée et uniformisée ? Le cas échéant, suivant quelles modalités ?

d. Présenter le bilan de la mise en place des conférences régionales semestrielles sur le développement des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération.

e. Présenter les conditions et les procédures d’information des magistrats de l’application des peines par les directions régionales des services pénitentiaires sur les données relatives aux possibilités d’aménagements de peine offertes dans leur ressort. Quelles sont les informations transmises et suivant quelle fréquence par ces directions aux magistrats de l’application des peines ?

Délais de transmission et d’enregistrement au casier judiciaire national

77. Présenter le bilan du fonctionnement des greffes correctionnels :

a. Détailler, sur les dix dernières années, les délais d’enregistrement des décisions après les audiences par les greffes correctionnels.

b. Détailler, sur les dix dernières années, le stock de décisions en attente d’enregistrement, par les greffes correctionnels.

c. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, permettent d’expliquer ces disparités ?

d. Présenter les effectifs (en ETP), répartis entre les différentes catégories de personnels (greffiers, vacataires, etc.), des greffes correctionnels.

e. Présenter les perspectives de recrutement des différentes catégories de personnels pour les cinq années à venir, compte tenu des retards pris par les greffes correctionnels dans l’enregistrement des décisions.

f. À combien d’ETP estimez-vous, pour chaque catégorie de personnels (greffiers, vacataires, etc.), le nombre de personnels faisant aujourd'hui défaut dans les greffes correctionnels ?

78. Présenter les modalités pratiques ainsi que les grandes lignes du fonctionnement du casier judiciaire national (quel est le « circuit » d’inscription ?).

79. Détailler le volume traité par le casier judiciaire national et son évolution.

80. Détailler, sur les dix dernières années, l’évolution des délais de transmission d’une décision au casier judiciaire national. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, permettent d’expliquer ces disparités ?

81. Détailler, sur les dix dernières années, l’évolution du délai moyen d’enregistrement d’une décision au casier judiciaire national.

82. Où en est l’informatisation du casier judiciaire national ? Présenter les projets de modernisation en cours.

Mise en place et généralisation des bureaux d’exécution des peines (BEX)

83. Présenter le nombre de tribunaux de grande instance ne disposant pas à ce jour d’un bureau d’exécution des peines.

84. Présenter le nombre de tribunaux de grande instance disposant d’un bureau d’exécution des peines à toutes les audiences.

85. Présenter le bilan de l’utilité des bureaux d’exécution des peines en appel :

a. Présenter le nombre de cours d’appel ayant créé un bureau d’exécution des peines ?

b. Le ministère de la Justice a-t-il réalisé une évaluation complète sur l’opportunité de généraliser les bureaux d’exécution des peines en appel ? Si tel est le cas, quel est le sens des conclusions de cette évaluation ?

86. Présenter le nombre de tribunaux de grande instance ayant créé un bureau de l’exécution des peines dédié aux « mineurs », comme cela est, par exemple, le cas à Bobigny.

87. Le ministère de la Justice a-t-il réalisé une évaluation complète sur l’opportunité de généraliser les bureaux d’exécution des peines pour « mineurs » ? Si tel est le cas, quel est le sens des conclusions de cette évaluation ?

88. Présenter le bilan du fonctionnement des bureaux d’exécution des peines :

a. Présenter le nombre de juridictions permettant aujourd’hui la présentation des condamnés aux bureaux d’exécution des peines au fur et à mesure de l’audience, afin d’éviter toute attente excessive.

b. La présentation des condamnés aux bureaux d’exécution des peines au fur et à mesure de l’audience a-t-elle été préconisée et généralisée par voie de circulaire ? Si tel n’est pas le cas, l’édiction d’une circulaire en ce sens est-elle envisagée et à quelle échéance ?

c. Présenter les effectifs (en ETP), répartis entre les différentes catégories de personnels, des bureaux d’exécution des peines et leur évolution.

d. Présenter les perspectives de recrutement des différentes catégories de personnels pour les cinq années à venir, compte tenu de la généralisation des bureaux d’exécution des peines à toutes les audiences.

e. À combien d’équivalent temps plein (ETP) estimez-vous le nombre de personnels des bureaux d’exécution des peines faisant aujourd'hui défaut ?

Aménagements de peines

89. Présenter l’évolution du nombre d’aménagements de peines au cours de ces cinq dernières années, en détaillant notamment :

a. Le nombre de placements à l’extérieur ;

b. Le nombre de placements en semi-liberté ;

c. Le nombre de placements sous surveillance électronique ;

d. Le nombre de libération conditionnelle.

90. Quelles sont les causes qui, selon vous, expliquent cette évolution ?

91. Existe-t-il des disparités géographiques significatives entre juridictions, d’une part, et entre les différents ressorts de cours d’appel, d’autre part ? Le cas échéant, quelles sont les causes qui, selon vous, permettent d’expliquer ces disparités ?

92. La part des détenus bénéficiant d’aménagements de peines a-t-elle progressé en conformément à l’objectif fixé dans le cadre du budget pour 2010 et de la loi pénitentiaire  du 24 novembre 2009 ?

93. Quelles ont été les mesures d’application édictées par le ministère de la Justice, afin de mettre en œuvre les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 destinées à encourager et faciliter le développement des aménagements de peines ? Quel premier bilan tirez-vous de ces dispositions ?

94. Présenter les taux de peines aménagées par région. Quelles sont les raisons expliquant les éventuelles disparités entre régions quant aux taux de peines aménagées ?

95. Présenter le bilan du fonctionnement des centres de peines aménagées (CPA) créés depuis 2002. La création de nouveaux CPA vous semble-t-elle souhaitable en vue de développer les aménagements de peines ?

96. De nombreux juges de l’application des peines estiment ne pas disposer de suffisamment de places de semi-liberté. Ils regrettent en outre que les horaires des centres de semi-liberté ne soient pas toujours adaptés à une activité professionnelle. Quelles sont la position et la réponse de l’administration pénitentiaire face à ces difficultés ?

97. Quel bilan tirez-vous du fonctionnement du placement sous surveillance électronique et du placement sous surveillance électronique mobile ?

98. S’agissant de la nouvelle procédure d’aménagement de peine (NPAP) :

a. Présenter les conditions et règles de procédure de la nouvelle procédure d’aménagement de peine ;

b. Présenter les principales difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de cette procédure ;

c. Présenter les mesures qui ont été prises ces dernières années ou bien qui sont envisagées par le ministère de la Justice, afin de remédier à ces difficultés ;

d. Présenter le bilan des dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 destinées à améliorer l’application de la NPAP.

L’exécution des peines pour les mineurs

99. Pour les mineurs, combien de mesures éducatives sont en attente d’exécution par les services éducatifs auprès des tribunaux ?

100. Quelle est la part des peines de prison pour mineurs faisant l’objet d’un aménagement de peines ?

ANNEXE N°2 : CARTE DU DÉPLOIEMENT DE CASSIOPÉE AU 14 FÉVRIER 2011

ANNEXE N° 3 : CALENDRIER DU DÉPLOIEMENT DE CASSIOPÉE AU 20 DÉCEMBRE 2010

TGI

Cassiopée

Implantés

Ressorts de cour d’appel

TGI

Date et assistance

(en semaines)

1

1

BORDEAUX

   

Angoulême

7 janvier 2008

8s

2

2

CAEN

   

Caen

21 septembre 2008

4s

3

3

ROUEN

   

Rouen

20 octobre 2008

5s

4

4

CAEN

TPE

 

Cherbourg

24 novembre 2008

2s

5

5

TPE

PI

Coutances

24 novembre 2008

2s

6

6

   

Avranches

1 décembre 2008

2s

7

7

   

Lisieux

1 décembre 2008

2s

8

8

   

Argentan

1 décembre 2008

2s

9

9

TPE

 

Alençon

1 décembre 2008

2s

10

10

ROUEN

TPE

PI

Le Havre

8 décembre 2008

2s

11

11

TPE

 

Dieppe

8 décembre 2008

2s

12

12

TPE

PI

Evreux

12 janvier 2009

2s

13

13

   

Bernay

12 janvier 2009

2s

14

14

BORDEAUX

TPE

PI

Bordeaux

2 février 2009

3s

15

15

MONTPELLIER

TPE

PI

Montpellier

20 avril 2009

2s

16

16

TPE

PI

Narbonne

27 avril 2009

2s

17

17

TPE

PI

Béziers

20 avril 2009

2s

18

18

TPE

 

Carcassonne

20 avril 2009

2s

19

19

TPE

 

Rodez

20 avril 2009

1s

20

20

   

Millau

20 avril 2009

1s

21

21

BESANCON

TPE

PI

Besançon

4 mai 2009

1s

22

22

   

Dole

4 mai 2009

1s

23

23

TPE

 

Lons-le-Saunier

4 mai 2009

1s

24

24

TPE

PI

Montbéliard

4 mai 2009

1s

25

25

   

Lure

11 mai 2009

1s

26

26

TPE

 

Belfort

11 mai 2009

1s

27

27

TPE

 

Vesoul

11 mai 2009

1s

28

28

AMIENS

TPE

PI

Amiens

18 mai 2009

2s

29

29

   

Péronne

18 mai 2009

1s

30

30

   

Abbeville

18 mai 2009

1s

31

31

TPE

 

Beauvais

25 mai 2009

2s

32

32

TPE

PI

Senlis

25 mai 2009

1s

33

33

TPE

 

Compiègne

25 mai 2009

1s

34

34

TPE

PI

Laon

1 juin 2009

1s

35

35

TPE

 

Saint-Quentin

1 juin 2009

1s

36

36

TPE

 

Soissons

1 juin 2009

1s

37

37

AGEN

TPE

PI

Agen

8 juin 2009

1s

38

38

   

Marmande

8 juin 2009

1s

39

39

TPE

 

Auch

8 juin 2009

1s

40

40

TPE

 

Cahors

8 juin 2009

1s

41

41

POITIERS

TPE

PI

La Roche-sur-Yon

15 juin 2009

1s

42

42

   

Les Sables d'Olonne

15 juin 2009

1s

43

43

TPE

PI

Poitiers

22 juin 2009

2s

44

44

   

Bressuire

22 juin 2009

1s

45

45

TPE

 

Niort

22 juin 2009

1s

46

46

TPE

PI

La Rochelle

29 juin 2009

1s

47

47

TPE

 

Rochefort

29 juin 2009

1s

48

48

   

Saintes

29 juin 2009

1s

               

49

49

LYON

   

Belley

6 juillet 2009

1s

50

50

TPE

PI

Bourg-en-Bresse

6 juillet 2009

1s

51

51

BORDEAUX

TPE

PI

Périgueux

7 septembre 2009

1s

52

52

TPE

 

Libourne

7 septembre 2009

1s

53

53

TPE

 

Bergerac

7 septembre 2009

1s

54

54

NANCY

   

Bar-le-Duc

14 septembre 2009

1s

55

55

TPE

 

Verdun

14 septembre 2009

1s

56

56

TPE

 

Briey

14 septembre 2009

1s

57

57

TPE

PI

Épinal

21 septembre 2009

1s

58

58

RENNES

TPE

 

Saint-Nazaire

28 septembre 2009

1s

59

59

TPE

PI

Lorient

28 septembre 2009

2s

60

60

TPE

 

Vannes

28 septembre 2009

1s

61

61

TPE

 

Quimper

5 octobre 2009

1s

62

62

TPE

PI

Saint-Brieuc

5 octobre 2009

1s

63

63

   

Dinan

5 octobre 2009

1s

-2

       

Suppression Belley et Millau

1 octobre 2009

 

62

64

RIOM

TPE

 

Aurillac

7 décembre 2009

1s

63

65

TPE

 

Le Puy-en-Velay

7 décembre 2009

1s

64

66

TPE

PI

Clermont-Ferrand

7 décembre 2009

2s

65

67

   

Riom

7 décembre 2009

1s

66

68

 

PI

Cusset

14 décembre 2009

1s

67

69

   

Montluçon

14 décembre 2009

1s

68

70

TPE

 

Moulins

14 décembre 2009

1s

69

71

RENNES

TPE

PI

Rennes

4 janvier 2010

3s

70

72

TPE

 

Saint-Malo

11 janvier 2010

1s

71

73

TPE

PI

Brest

11 janvier 2010

2s

72

74

TPE

 

Guingamp

11 janvier 2010

1s

73

75

   

Morlaix

11 janvier 2010

1s

74

76

ANGERS

TPE

PI

Angers

18 janvier 2010

2s

75

77

TPE

PI

Le Mans

18 janvier 2010

2s

76

78

   

Saumur

18 janvier 2010

1s

77

79

TPE

 

Laval

25 janvier 2010

1s

78

80

DOUAI

TPE

PI

Boulogne-sur-Mer

25 janvier 2010

2s

79

81

TPE

 

Avesnes-sur-Helpe

25 janvier 2010

1s

80

82

TPE

 

Douai

25 janvier 2010

1s

81

83

TPE

PI

Béthune

1 février 2010

3s

82

84

TPE

PI

Valenciennes

1 février 2010

2s

83

85

TPE

 

Arras

1 février 2010

1s

84

86

TPE

 

Cambrai

8 février 2010

1s

85

87

TPE

 

Saint-Omer

8 février 2010

1s

86

88

   

Hazebrouck

8 février 2010

1s

87

89

TPE

PI

Dunkerque

8 février 2010

1s

88

90

NANCY

TPE

PI

Nancy

15 février 2010

4 à 5 s

89

91

   

Montbrison

22 février 2010

1s

90

92

TPE

 

Roanne

22 février 2010

1s

91

93

TPE

PI

Saint-Étienne

22 février 2010

2s

92

94

LIMOGES

TPE

 

Brive la Gaillarde

1 mars 2010

1s

93

95

   

Tulle

1 mars 2010

1s

94

96

TPE

PI

Limoges

1 mars 2010

2 s

95

97

TPE

 

Guéret

1 mars 2010

1s

               

96

98

TOULOUSE

TPE

 

Foix

22 mars 2010

1s

97

99

TPE

 

Castres

18 mars 2010

1s

98

100

TPE

 

Albi

22 mars 2010

1s

99

101

TPE

PI

Montauban

15 mars 2010

1s

100

102

CHAMBERY

TPE

PI

Chambéry

22 mars 2010

1s

101

103

   

Albertville

22 mars 2010

1s

102

104

TPE

PI

Annecy

29 mars 2010

1s

103

105

TPE

 

Bonneville

29 mars 2010

1s

104

106

TPE

 

Thonon les Bains

29 mars 2010

1s

105

107

RENNES

TPE

PI

Nantes

6 avril 2010

3s

106

108

DOUAI

TPE

PI

Lille

19 avril 2010

4s

107

109

DIJON

TPE

PI

Dijon

3 mai 2010

3s

108

110

TPE

 

Chaumont

3 mai 2010

1s

109

111

TPE

PI

Chalon sur Saône

6 mai 2010

1s

110

112

TPE

 

Macon

10 mai 2010

1s

111

113

NIMES

   

Ales

10 mai 2010

1s

112

114

TPE

PI

Avignon

10 mai 2010

2s

113

115

TPE

 

Carpentras

17 mai 2010

1s

114

116

TPE

 

Mende

17 mai 2010

1s

115

117

TPE

 

Privas

17 mai 2010

1s

116

118

GRENOBLE

TPE

 

Gap

20 mai 2010

1s

117

119

TPE

 

Valence

25 mai 2010

2s

118

120

TPE

 

Vienne

25 mai 2010

1s

119

121

TPE

 

Bourgoin-jallieu

31 mai 2010

1s

120

122

COLMAR

TPE

PI

Colmar

31 mai 2010

2s

121

123

TPE

PI

Mulhouse

31 mai 2010

3s

122

124

TPE

 

Saverne

31 mai 2010

1s

123

125

ORLEANS

TPE

PI

Orléans

14 juin 2010

2s

124

126

TPE

PI

Blois

14 juin 2010

1s

125

127

TPE

PI

Tours

14 juin 2010

2s

126

128

TPE

 

Montargis

14 juin 2010

1s

127

129

MONTPELLIER

TPE

PI

Perpignan

21 juin 2010

3s

128

130

BOURGES

TPE

PI

Bourges

28 juin 2010

2s

129

131

TPE

 

Nevers

28 juin 2010

1s

130

132

TPE

 

Châteauroux

28 juin 2010

1s

131

133

METZ

TPE

 

Thionville

28 juin 2010

2s

132

134

TPE

 

Sarreguemines

28 juin 2010

2s

-1

       

Suppression Péronne

1 juillet 2010

 

-1

       

Suppression Bressuire

1 septembre 2010

 

131

135

PAU

TPE

PI

Mont de Marsan

6 septembre 2010

1s

132

136

TPE

 

Dax

6 septembre 2010

1s

133

137

TPE

 

Tarbes

6 septembre 2010

1s

134

138

TPE

PI

Bayonne

13 septembre 2010

1s

135

139

TPE

PI

Pau

13 septembre 2010

1s

136

140

REIMS

TPE

PI

Troyes

13 septembre 2010

2s

137

141

TPE

 

Charleville-Mézières

13 septembre 2010

1s

138

142

TPE

PI

Reims

20 septembre 2010

2s

139

143

TPE

 

Châlons-en-Champagne

20 septembre 2010

1s

140

144

METZ

TPE

 

Metz

20 septembre 2010

3s

141

145

LYON

TPE

 

Villefranche-sur-Saône

27 septembre 2010

1s

142

146

TPE

PI

Lyon

4 octobre 2010

5s

               

143

147

BASTIA

TPE

PI

Ajaccio

25 octobre 2010

2s

144

148

TPE

PI

Bastia

25 octobre 2010

2s

145

149

TOULOUSE

TPE

PI

Toulouse

15 novembre 2010

5s

146

150

PARIS

TPE

PI

Auxerre

6 décembre 2010

2s

147

151

TPE

 

Sens

6 décembre 2010

1s

-17

       

Suppression 17 TGI (Bourgoin reste jusqu’en 2014) dont :

 

1

 

NANCY

   

Saint-Dié-des-Vosges

jamais ouvert/ basculé le 15/12/10

0s

1

 

TOULOUSE

   

Saint-Gaudens

jamais ouvert/ basculé le 15/12/11

0s

132

152

VERSAILLES

TPE

PI

Chartres

10 janvier 2011

2s

133

153

AIX EN PROVENCE

TPE

 

Digne-les-bains

10 janvier 2011

1s

134

154

TPE

 

Tarascon

10 janvier 2011

1s

135

155

PARIS hors NCP

   

Fontainebleau

17 janvier 2011

1s

136

156

TPE

PI

Melun

24 janvier 2011

2s

137

159

NIMES

TPE

PI

Nîmes

14 février 2011

3s

138

160

PARIS hors NCP

TPE

PI

Meaux

28 février 2011

3s

139

161

AIX EN PROVENCE

TPE

PI

Draguignan

7 mars 2011

3s

140

162

TPE

PI

Toulon

14 mars 2011

3s

141

163

COLMAR

TPE

PI

Strasbourg

28 mars 2011

3s

142

164

AIX EN PROVENCE

TPE

PI

Grasse

4 avril 2011

3s

143

165

TPE

PI

Nice

2 mai 2011

3s

145

167

GRENOBLE

TPE

PI

Grenoble

16 mai 2011

3s

146

168

AIX EN PROVENCE

TPE

PI

Marseille

30 mai 2011

5s

147

169

TPE

PI

Aix-en-Provence

13 juin 2011

3s

148

170

FORT DE France

TPE

PI

Fort de France

20 juin 2011

2s

149

171

TPE

PI

Cayenne

20 juin 2011

2s

150

157

ST DENIS RÉUNION

TPE

PI

Saint Denis

29 août 2011

2s

151

158

TPE

PI

Saint Pierre

29 août 2011

2s

144

166

PARIS NCP

TPE

PI

Évry

19 septembre 2011

4s

152

172

BASSE TERRE

TPE

 

Basse terre

2ème semestre 2011

2s

153

173

TPE

PI

Pointe à pitre

2ème semestre 2011

2s

154

174

VERSAILLES NCP

TPE

PI

Pontoise

2ème semestre 2011

4s

155

175

TPE

PI

Nanterre

2ème semestre 2011

5s

156

176

TPE

PI

Versailles

2ème semestre 2011

5s

157

177

PARIS NCP

TPE

PI

Créteil

début 2012

5s

158

178

TPE

PI

Bobigny

début 2012

8s

159

179

TPE

PI

Paris

Mi 2012

26s

ANNEXE N° 4 : SCHÉMA DE LA RÉORGANISATION DE LA CHAÎNE PÉNALE AU TGI DE POITIERS

ANNEXE N° 5 : ÉTUDE DE DROIT COMPARÉ SUR LA DÉMATÉRIALISATION DE LA CHAÎNE PÉNALE

Ministère de la Justice

Paris, le 5 novembre 2010

Service des affaires européennes et internationales

Bureau du droit comparé

 

La dématérialisation des procédures pénales

(Allemagne, Canada, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni)

L’étude des démarches engagées depuis quelques années en matière de dématérialisation des procédures pénales laisse apparaître un bilan mitigé dans les pays étudiés. Si des programmes ont été mis en œuvre dans plusieurs pays par les services de police, les autorités de poursuite et les juridictions, les différents acteurs de la chaîne pénale n’ont pas envisagé de cohérence d’ensemble. Le cloisonnement entre les différents réseaux de données n’a pas permis, dans un contexte d’évolution rapide des technologies, d’envisager une compatibilité des systèmes (Pays-Bas, Royaume-Uni).

Si la question de la confidentialité des données judiciaires reste une préoccupation, celle de la sécurité technique des systèmes informatiques n'apparaît plus comme le frein principal à la dématérialisation des procédures pénales. La majorité des pays étudiés dispose dorénavant d’un cadre juridique dans leur droit interne en matière de preuve électronique (Allemagne, Canada, Italie). Le maintien d’un support papier pour certains documents ou certaines étapes de la procédure reste un moyen de preuve incontournable (Allemagne, Canada). Le recours à des prestataires du secteur privé reste problématique quand il existe (Canada) ou bien demeure exclu (Pays-Bas) compte tenu des exigences de sécurité et de confidentialité des données de la justice pénale.

Bien qu’impactant partiellement la chaîne pénale, des formes de dématérialisation ont cependant été mises en œuvre avec succès. En Allemagne et au Royaume-Uni, les services de police ont développé des systèmes de dépôt de plaintes en ligne. Au Canada et en Espagne, les services judiciaires ont développé dans plusieurs juridictions des formes complètes de dématérialisation des services de greffe. Les échanges de courriers électroniques entre avocats et tribunaux ainsi que les notifications électroniques d’actes judiciaires sont admis et réglementés dans plusieurs pays (Allemagne, Italie, Canada).

Pour l’avenir, des projets visant à la dématérialisation de l’ensemble de la chaîne pénale sont en cours dans la majorité des pays étudiés. Des programmes importants de numérisation globale des documents de la procédure pénale sont mis en œuvre au Canada et aux Pays-Bas. L’Espagne a mis en œuvre un plan de modernisation de sa justice qui s’appuie largement sur les nouvelles technologies. L’Italie, dans le cadre d’une expérience pilote, développe une application informatique de reconnaissance sélective des caractères avec traitement différencié des données selon le niveau de sécurité et de confidentialité des termes juridiques rencontrés et des différentes étapes de la procédure pénale. À l’issue de sa phase expérimentale, ce projet devrait aboutir à une compatibilité des données entre services de police, autorités de poursuites et juridictions. Le développement d’une interface avec les systèmes d’information de l’administration pénitentiaire est envisagé.

Enfin, la comparaison avec les pays anglo-saxons demeure limitée en raison du caractère accusatoire de la procédure pénale. Sauf en cas d’orientation vers une procédure de « plaider coupable », les actes de la procédure pénale se constituent essentiellement à l’audience, en public, par des interrogatoires, contre-interrogatoires tant des témoins que des experts, avec retranscription par dactylographie ou par enregistrement vidéo ou audio. La consistance et l’importance du dossier papier s’en trouvent donc considérablement réduites tout comme l’enjeu de sa dématérialisation.

1. LA RÉGLEMENTATION DE LA DÉMATÉRIALISATION

En Allemagne, les Länder ont développé la dématérialisation des procédures dans le cadre de la justice administrative, financière et sociale50 mais peu en matière pénale. Trois lois fédérales ont posé le cadre légal de la dématérialisation des procédures pénales : la loi relative à l’adaptation des prescriptions de forme (Formvorschriftenanpassungsgesetz) du 13 juillet 2001, la loi relative à la réforme des modes de signification (Zustellungsgesetz) du 25 juin 2001, la loi relative à l’utilisation des formats de communication électronique avec la justice (Justizkommunikationsgesetz) du 22 mars 2005. La possibilité d’adresser des documents électroniques à une juridiction ou à un parquet en matière pénale a été introduite par l’article 41 a du code de procédure pénale. Ce texte renvoie aux Länder le soin de déterminer par décret la nature des documents pouvant être adressés par format électronique ainsi que la forme que ces documents doivent adopter. Ces derniers doivent cependant être imprimés et versés à la procédure. La procédure pénale reste donc en Allemagne une procédure conduite sous un format exclusivement papier.

En Espagne, le pays reste très en retard en matière de dématérialisation des procédures. Par ailleurs, sa structure administrative amplifie les difficultés et les défis à relever. La gestion des moyens matériels relève de la compétence de chaque communauté autonome et il n’existe aucun système informatique unique au niveau national. Seule l’« audiencia national », juridiction à compétence nationale, dont les moyens sont directement gérés par le ministère de la justice, est un peu plus à la pointe au niveau informatique.

En Italie, le décret-loi du 7 mars 2005 n° 82 dit « code de l’administration digitale » contient des dispositions relatives aux documents informatiques, aux signatures électroniques et à la poste électronique certifiée. À l’origine, la justice pénale n’était pas concernée par ce décret et faisait l’objet d’une réglementation autonome pour des raisons de sécurité. Dans le cadre de l’unification et de la simplification du système informatique de l’administration de la justice, le ministère de la justice vérifie, depuis 2009, la faisabilité technique d’une extension des instruments prévus dans ce texte à la procédure pénale : généralisation de l’usage de la poste électronique certifiée dont tous les professionnels du droit doivent se doter pour remplacer les communications papiers, mise en place d’un régime économique de faveur pour la délivrance des copies informatiques à la place des copies papier, introduction de l’emploi du paiement par voie électronique pour tous les paiements en faveur de l’administration judiciaire.

Aux Pays-Bas, la réflexion sur une dématérialisation des procédures pénales a débuté en 2001, à l’initiative du Parquet Général dans le cadre du développement d’un progiciel de gestion de la chaîne pénale baptisé « GPS », qui n’a cependant encore pas trouvé d’issue en termes d’application concrète notamment pour des raisons de sécurité. En effet, ce système visait un échange totalement dématérialisé entre les services de police et le parquet. Les juridictions du siège ont alors soulevé la question de l’authentification des pièces de procédure, dépourvues de signature ou signées de façon digitale. Cet obstacle devrait être levé en 2011 avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation sur la signature électronique (« Algemene Maatregel Bestuur Electronishe Handtekening »).

Au Canada, la législation en matière de signature électronique s’est affinée. Un régime de preuve combinant le support papier, l’impression papier du courrier électronique ainsi que tout autre preuve électronique se construit progressivement à travers la loi et les règles de procédures électroniques définies par l’autorité judiciaire. Les aspects sécuritaires ont été particulièrement étudiés et plusieurs provinces ont légiféré pour instaurer le principe de l’équivalence fonctionnelle des documents papier et électronique ainsi que l’interchangeabilité des supports. La signature électronique est définie par la loi comme « toute signature constituée d’une ou de plusieurs lettres, ou d’un ou de plusieurs caractères, nombres ou autres symboles sous forme numérique incorporée, jointe ou associée à un document électronique ». Pour qu’une signature électronique soit considérée sécurisée, il est nécessaire d’établir que la signature électronique résultant de l’utilisation de la technologie ou du procédé est propre à l’utilisateur et que l’incorporation, l’adjonction ou l’association de la signature électronique de l’utilisateur au document électronique est faite sous sa seule responsabilité. La technologie ou le procédé utilisé doit permettre d’identifier l’utilisateur. La signature électronique doit être liée au document électronique de façon à pouvoir vérifier si le document a été modifié depuis que la signature électronique a été incorporée, jointe ou associée au document.

L’article 42 de la loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDÉ), prévoit que « dans le cas où une disposition d’un texte législatif exige l’original d’un document, un document électronique satisfait à l’obligation » si, notamment, « le document électronique comporte une signature électronique sécurisée, ajoutée lors de la production originale du document électronique dans sa forme définitive, elle peut être utilisée pour établir que le document électronique n’a pas été modifié depuis ».

En parallèle du cadre juridique fixé par la loi, la Cour fédérale du Canada a défini dans ses règlements de fonctionnement, le régime de validité des procédures électroniques dans les contentieux relevant de sa compétence. Pour le dépôt électronique des procédures, le règlement prévoit que «le code d’utilisateur et le mot de passe uniques de la personne qui effectue le dépôt permettront de savoir qui a produit le document et d’avoir une signature électronique pour les documents déposés électroniquement ». Il est cependant exigé de la part du signataire de garder en sa possession des exemplaires signés des documents originaux. Il existe donc une présomption simple qu’un document ainsi déposé constitue un original, ou, tout au moins, une copie conforme de celui-ci. La signification électronique des procédures est également possible à la Cour fédérale depuis 2009. Par règlement, la Cour a décidé que « la signification électronique d’un document juridique à une partie dans le cadre d’une instance devant la Cour fédérale constitue une signification valide conformément à la règle 147 des Règles des Cours fédérale ». Cette disposition prévoit que « lorsqu’un document a été signifié d’une manière non autorisée par les présentes règles ou une ordonnance de la Cour, celle-ci peut considérer la signification comme valide si elle est convaincue que le destinataire en a pris connaissance ou qu’il en aurait pris connaissance s’il ne s’était pas soustrait à la signification. » Une procédure peut donc être signifiée par courrier électronique suite à un consentement préalable de la part du destinataire mais il n’existe aucune présomption de réception du courrier. La cour a prévu qu’il fallait un processus de signification « suffisamment claire pour que la Cour soit convaincue que le destinataire a pris connaissance du document ». Constituent des processus « suffisamment clairs » : un reçu de livraison ou de lecture de message par voie électronique, la confirmation d’un fournisseur de service de signification légale électronique, la confirmation qu’un lien hypertexte dans l’enveloppe du message a été accédé, la confirmation verbale par la partie, l’avocat ou l’adjointe juridique destinataire. Cette initiative soulève cependant une série de difficultés : boîte de réception pleine, message écarté par un filtre anti-pourriel, logiciel malveillant transmetteur de virus… Il reste donc de nombreuses incertitudes  juridiques en cas de litiges sur la signification, notamment si une partie prétend que la copie électronique d’une procédure n’est pas conforme à l’original.

Au Royaume-Uni, les travaux de dématérialisation des procédures sont tributaires de l’organisation policière et judiciaire du pays. La police, le service des poursuites et les juridictions y sont indépendants structurellement les uns des autres. L’échange d’informations entre les différents acteurs de la chaîne pénale ne constitue pas une priorité. Au sein même des différentes cours britanniques (magistrate court et crown court), il existe des systèmes informatiques différents. Les « Crown courts » jugent les appels des « magistrate courts » mais les dossiers d’appel doivent être reformatés ce qui induit une charge supplémentaire de travail et in fine un surcoût de frais de fonctionnement. L’essentiel des enquêtes est mené par les avocats de l’accusation (crown prosecution service) devant le juge, en public, conformément à la procédure pénale de type accusatoire. Le dossier transmis au tribunal se trouve dés lors limité à quelques documents. Différents programmes d’informatisation ont cependant été développés. Le programme « Exhibit » permet de suivre l’évolution d’une affaire tant au niveau de la police, des services des poursuites, de l’administration pénitentiaire que des personnes intéressées (auteurs, témoins) mais les données de ces différents services ne sont pas partagées avec celles strictement compartimentées de l’autorité judiciaire.

2. LES FORMES DE DÉMATÉRIALISATION PARTIELLE DE LA CHAÎNE PÉNALE

• La dématérialisation au sein des services de police 

Au Canada, les services de police utilisent fréquemment des supports numérisés au stade de l’enquête. Les auditions policières sont souvent retranscrites sur support vidéo et les éléments de preuves font l’objet d’une communication officielle avant l’audience. Cette communication peut se faire soit par papier, ce qui reste le plus souvent le cas mais également par CD Rom ou encore par voie électronique.

En Allemagne, depuis le 20 mai 2005, la police de Berlin, tout comme dix autres Länder (Brandebourg, Bade-Wurtemberg, Hambourg, Hesse, Mecklembourg-Poméranie Occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-Du-Nord-Westphalie, Saxe, Saxe-Anhalt et Schleswig-Holstein), disposent d’une « vigie internet »51 permettant notamment le signalement en ligne des infractions pénales qui ne nécessitent pas une intervention immédiate des services. Le système, intégré à la page d’accueil du site internet de la police de Berlin, se présente comme un ensemble de formulaires que les internautes sont invités à remplir de manière sécurisée grâce à un système de cryptage SSL. En fin de procédure sécurisée, un numéro de dossier à rappeler dans toute correspondance ultérieure est communiqué au déclarant qui reçoit un récépissé52 électronique après validation par l’opérateur. L’indication des nom, prénom, adresse postale, date de naissance, nationalité, téléphone et adresse électronique de contact sont obligatoires en cas de dépôt de plainte. Après l’avoir validée, la « vigie internet » transmettra sous forme électronique sécurisée la plainte au service enquêteur compétent en ayant sollicité le cas échéant l’intervention du service local d’identité judiciaire. Il est également possible de transmettre une information de manière anonyme si on le souhaite. Dans le cas d’un dépôt de plainte en ligne, les questions suivantes sont posées au déclarant : « que s’est-il passé ? », « où cela s’est-il passé ? », « quand cela s’est-il passé ? », « comment cela s’est-il passé ? », « pourquoi cela s’est-il passé ? », « qui en a été la victime ? », « quels sont les témoins éventuels ? ». L’internaute dispose ensuite d’un champ libre pour consigner tout commentaire qu’il jugera utile.

Au Royaume-Uni, chaque force de police britannique a sur son site Internet un lien qui permet de rapporter certaines infractions mineures en ligne. La « cyberplainte » (on-line reporting) n’est possible que pour certaines infractions mineures commises en Angleterre, Pays de Galles ou Irlande du Nord et dans la mesure où une réaction urgente n’est pas attendue (vol simple, objet de faible valeur, vol commis sans violence, menace ou situation de faiblesse de la victime, dommages, vandalisme, vol dans un véhicule à moteur, dommages causés par un véhicule à moteur, incidents ou infractions liées à la haine). Le plaignant doit donner les renseignements suivants : qualité du plaignant (victime ou témoin), type d’infractions, coordonnées du plaignant (titre, prénoms, noms, date de naissance, genre, langue parlée, religion, ethnie, sexualité), détails sur la victime, localisation, heure et date de l’infraction, bien en cause et autres informations utiles. Ce système n’a cependant pas donné entière satisfaction et certaines régions l’ont abandonné. Les services régionaux n’étant pas toujours directement reliés les uns aux autres, les signalements devaient être vérifiés au cas par cas, avant d’être transférés dans le système informatique du service régional concerné.

• La dématérialisation des services de greffe

En Espagne, un système informatique « Lexnet » a été implanté avec succès il y a trois ans au sein de l’« Audience nationale » mais également à Zaragosse, Léon, Murcie et Barcelone. Il permet la notification d’actes par mail, la consultation sur Internet par les avocats des versements effectués pour les victimes avec remise d’un code d’accès par les greffiers en chef du dossier de leur client. La mise au rôle des affaires se fait par un système d’agenda électronique.

Au Canada, la mise en place de la dématérialisation des chaînes civiles et pénales se poursuit au sein des juridictions des provinces avec des expériences de « greffes virtuels ». Il existe en Colombie Britannique depuis juillet 2005 un service de dépôt électronique des actes de procédure aux greffes et depuis février 2006 un service d'accès par Internet des arrêts civils et des procès verbaux de tous les greffes des cours de provinces. Ces « greffes virtuels » n’ont cependant pas connu de développements spectaculaires dans la pratique. La Cour fédérale du Canada travaille également depuis 2006 à la mise en œuvre d’une politique de « cyberjustice ». Elle a généralisé le « dépôt électronique » des documents de procédure par voie électronique au moyen d’un système sécurisé. Ce service est assuré par l’entreprise privée LexisNexis. La validité du dépôt ne pose pas de difficulté. Un règlement de la cour dispose que tous les documents déposés électroniquement conformément aux directives énoncées par la Cour sont réputés avoir été déposés conformément aux règles des Cours fédérales. Toutefois, et notamment en matière pénale, l’entreprise Lexis Nexis pourrait à l’avenir être amenée à devoir démontrer la fiabilité du système d’archivage électronique au moyen duquel ou dans lequel le document est enregistré ou mis en mémoire. Une fois le dépôt effectué, le système du fournisseur de dépôt électronique fournit un accusé de réception à l'écran à la personne qui effectue le dépôt. Un document décrit les grandes lignes de ce système. Il énonce notamment des exigences de format PDF (pour les procédures) ou TIFF (pour certaines pièces). Dans le cas des procédures d’appel, l’identification de l’auteur d’un document demeure parfois problématique. Dans le cas du dépôt de documents tels qu’un désistement ou un consentement à jugement, aucune information visant à identifier le déposant n’est exigée lors du processus de dépôt en ligne. Il est donc possible qu’un tiers de mauvaise foi puisse renoncer à l’appel et consentir au jugement au nom de l’appelant, à l’insu de ce dernier. La privatisation du processus technologique de dépôt électronique par des intervenants privés a entraîné l’adoption de projet « en vase clos ». L’adoption de solutions électroniques compatibles, notamment avec les procédures d’appel, n’a pas été envisagée. Le fait que les données contenues dans les dossiers judiciaires de la Cour fédérale passent entre les mains d’un opérateur privé pourrait, à terme, soulever des difficultés ou des interrogations de la part des justiciables. Les tribunaux ayant adopté des formes de dépôt électronique demeurent dépendants du papier. Ainsi, la Cour fédérale exige la production de copies papier des documents de plus de 500 pages. Cette dépendance au papier vient contredire les avantages écologiques et économiques procurés par l’électronique.

3. LES PROJETS DE DÉMATÉRIALISATION COMPLÈTE DE LA CHAÎNE PÉNALE

• Le plan stratégique de modernisation de la justice en Espagne

Approuvé en conseil des ministres en septembre 2009, un programme ambitieux pour l’informatisation des juridictions prévoit un investissement de 600 millions d’Euros. Parmi les objectifs fixés à l’échéance 2012, figure l’installation de systèmes de vidéoconférence et de matériel d’enregistrement audio-visuel, la mise en œuvre d’un système de gestion informatisé des communications avec les auxiliaires de justice et de notifications d’actes judiciaires, la création de portails Internet sécurisés accessibles aux professionnels et au public permettant de connaître l’état d’avancement des procédures, la numérisation des procédures et la création d’un réseau intranet compatible avec les systèmes informatiques des régions autonomes et du ministère public. L’« audience nationale » expérimentera dès le mois de janvier 2011 le dossier numérique. Cette juridiction fait actuellement un effort tout particulier de numérisation des procédures en cours de façon à pouvoir fonctionner sans papier à cette échéance. À plus long terme c’est l’ensemble des tribunaux espagnols qui bénéficieront de cette technologie. Un projet est également en cours afin d’implanter un système de signature électronique dans toutes les juridictions.

• La « digitalisation » des dossiers aux Pays-Bas

Après le constat d’échec de la démarche engagée par le parquet général, le Conseil de la Magistrature (ou Conseil de la Justice), instance suprême de la magistrature du siège, a décidé en 2007 de développer son propre projet, et d’installer un groupe de travail composé de techniciens en informatique, de greffiers et de juges. Le projet baptisé « DIVOS », est destiné à permettre aux juges pénaux de travailler sur un support complètement digitalisé. Le groupe de travail a considéré qu’il devait fonder son approche sur les besoins des juges, lesquels se caractérisent avant tout par la nécessité de trouver rapidement des informations dans un dossier et de les recouper. La démarche vise à « digitaliser » l’ensemble des dossiers dans un logiciel doté des meilleures capacités de reconnaissance de caractères (recherche d’un mot-clé dans le titre d’un document, son contenu, ou des pièces annexes). Cette logique a été préférée à celle consistant à développer un cadre d’aide à la décision par étapes, de type « questionnaire à choix multiples », jugé trop rigide et peu adapté aux modes actuels d’utilisation de l’outil informatique. À terme, la digitalisation devrait être complète, ce qui suppose que le support papier ne soit plus la référence principale de travail, mais au contraire, que seules les informations digitalisées puissent faire foi, et que le tirage papier ne relève que de la responsabilité et des besoins ponctuels des utilisateurs, à chaque étape de la chaîne pénale. L’objectif du Conseil de la Magistrature est d’installer le logiciel dans les premiers tribunaux d’ici à décembre 2010, après quoi il sera progressivement étendu aux Cours d’Appel, puis à la Cour Suprême. Si le projet en cours de développement ne concerne que la phase du traitement des dossiers par les tribunaux jusqu’à la phase de jugement incluse, il est évidemment admis que la digitalisation, pour être complète, devra être développée tant au sein des parquets que des services d’enquête. Des accords et des compromis entre la magistrature du siège et le ministère public, notamment quant à leur contribution respective aux opérations de digitalisation massive des dossiers papier existants, devront être trouvés afin de passer au « tout numérique ». À ce jour, le développement du programme « DIVOS » a représenté pour le Conseil de la Justice une dépense annuelle d’environ 7 millions d’euros, soit 35 millions d’euros sur la période 2007-2011.

En Allemagne, un groupe de travail a été mis en place au sein du ministère fédéral de la justice en avril 2010 pour étendre les possibilités de dématérialisation de la justice pénale en permettant une récupération automatique des données collectées par la police vers les parquets et les juridictions, en permettant aux avocats de pouvoir consulter les procédures sur un serveur central au moyen d’un code d’accès et en permettant l’envoi électronique des procédures des parquets vers les juridictions de jugement. Ce groupe de travail est piloté par un magistrat du parquet général fédéral. Il est composé de juristes-informaticiens issus des universités. Les travaux doivent être achevés vers le milieu de l’année 2011 et aboutir à des propositions juridiques et techniques visant à une large dématérialisation de la procédure pénale en Allemagne.

Au Royaume-Uni, les pouvoirs publics ont critiqué la dualité des systèmes des « crown courts » et des «  magistrate courts ». Le système « Crest » s’applique devant les « crown court ». Le système « Libra » est en vigueur pour les « magistrate court » et aurait dû être mis en place dans toutes ces juridictions en décembre 2008 afin de permettre de créer un lien entre les procédures de police et la cour. La connexion informatique entre la police et les « crown courts » malgré les efforts déployés, ne se fait pas. En mars 2009, la police était toujours dans l’impossibilité de mentionner les jugements de la cour directement sur son système. Des efforts notamment financiers ont été entrepris en 2009 à hauteur de 23 millions de livres pour permettre dans les cinq ans à venir cette connexion en dépit de systèmes informatiques différents. Le système Libra devait remplacer les autres systèmes informatiques en vigueur mais toutes les cours qui devaient en être équipées ne le sont pas encore. L’« IT system information technologie system » a pour vocation d’assurer à terme une infrastructure en réseau qui reliera la police, les procureurs, les tribunaux, les services d’exécution des peines et les services de probation via un système de message électronique sécurisé.

En Italie, deux groupes de travail, l’un concernant la matière civile, l’autre la matière pénale, ont été créés pour le lancement d’une expérience informatique au tribunal de Rome en avril 2009. Le système TIAP (Traitement Informatique des Actes de la Procédure) est fondé sur une numérisation professionnelle qui introduit des index et permet de retrouver tous les actes créés au sein du parquet. Les travaux du groupe de travail pénal ont permis de mettre en œuvre une communication entre le tribunal et les avocats par l’intermédiaire de la PEC (Poste Électronique Certifiée). Il est possible désormais d’effectuer des recherches avancées dans les textes des actes de la procédure avec ce logiciel. Des copies digitales des actes seront conservées sur des supports divers tels que DVD ou clé USB qui peuvent être remis aux avocats, ce qui permet de réduire le coût des droits de copie de ces actes. La solution technique adoptée est fondée sur un système qui numérise l’acte et le transmet via la PEC aux défendeurs. Le système effectue une liaison dynamique avec la base de données des avocats, tenue par leur Conseil de l’ordre, et récupère l’adresse PEC du défendeur. Il transmet l’acte à ce dernier via la PEC, en effectue une sauvegarde et reçoit en retour un accusé de réception. Si l’avocat n’a pas d’adresse PEC, le système envoie l’acte par fax. Cette procédure électronique devrait devenir la procédure ordinaire une fois achevée la phase expérimentale. Aujourd’hui, une importante part de l’activité pénale a été informatisée. Les actes de procédures ont été numérisés ce qui a permis une rationalisation et une accélération des procédures. Le groupe de travail de la juridiction de Rome souhaite consolider les résultats obtenus et parvenir à numériser les actes des débats, interagir avec la direction de l’administration pénitentiaire et les autres systèmes pour obtenir des informations telles que le nom des avocats ou le domicile déclaré. L’étape suivante doit donc consister d’une part à développer des interfaces avec les différentes applications informatiques préexistantes et d’autre part à distinguer, à travers une analyse très attentive des procédures, les règles juridiques informatisables de celles qui ne le sont pas. Ainsi les premières doivent être traduites en algorithmes interprétables par un processeur mathématique alors que les autres seront laissées à la routine interactive du « work-flow » (flux d’informations). Le système exprimant le mieux cette méthode de travail est l’application ITACA, conçue par un groupe de magistrats près la Cour de cassation. Ce logiciel calcule l’échéance des mesures portant atteinte à la liberté de la personne avant le jugement et détermine les dates de prescription. Sur le moteur d’interférence d’ITACA sont ainsi traduites toutes les règles juridiques relatives aux procédures et les évènements relatifs au procès (suspension, interruption…). Sur cette base de données sont également répertoriés tous les délits. Le travail à venir consistera à trier les informations selon qu’elles peuvent ou doivent être traitées par informatique ou bien l’être manuellement par les différents acteurs de la procédure.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes majeures, p. 7.

3 () M. Jean-Luc Warsmann, Rapport sur les peines alternatives à la détention, les modalités d’exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison, La documentation française, 2003.

4 () Cesare Beccaria, Traité des délits et des peines, Paris, 1773.

5 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 11.

6 () Ibid.

7 () Ibid.

8 () Ibid.

9 () Rapport d’information (n° 381, session 2006-2007) de M. Bernard Angels sur l’enquête de la Cour des comptes portant sur le recouvrement des créances de contrôle fiscal et le recouvrement contentieux des amendes et des condamnations judiciaires.

10 () Prévisions

11 () Le délai moyen de réception de l’extrait de condamnation par le casier judiciaire national recouvre le délai écoulé entre la date à laquelle le jugement est exécutoire et la date de réception des relevés de condamnation par le casier judiciaire.

12 () Le taux de mise à exécution des peines, qui se mesure à partir de l’envoi de fiche de condamnation au casier judiciaire national.

13 () 179 TGI ont répondu sur un total de 180, soit un taux global de réponse de 99,5 %.

14 () Les amendes forfaitaires majorées correspondent aux amendes forfaitaires qui ne sont pas spontanément recouvrées.

15 () Au 31 décembre de l’année suivant la prise en charge.

16 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 13.

17 () Source : Cour des comptes, Le service public pénitentiaire, rapport thématique, juillet 2010.

18 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 25.

19 () Avant le déploiement de Cassiopée, l’application Micro-pénale équipait 138 tribunaux de grande instance de province de moins de trois chambres. Elle couvrait l’ensemble de la procédure pénale à l’exception de l’exécution des peines et de la phase d’instruction, de l’activité du juge des enfants, des scellés, des voies de recours et des requêtes.

20 () Avant le déploiement de Cassiopée, l’application Mini-pénale équipait 37 tribunaux de grande instance de trois chambres et plus. Elle permettait de suivre l’ensemble de la procédure pénale jusqu’à l’exécution des peines, à l’exception de la phase d’instruction. La Mini-pénale ne couvrait pas l’activité du juge des enfants, la gestion des scellés et partiellement la gestion des voies de recours et des requêtes.

21 () Avant le déploiement de Cassiopée, le logiciel Winstru couvrait le même périmètre que Instru et intervenait après l’enregistrement et l’orientation du dossier. Les fonctionnalités spécifiques au juge des libertés et de la détention avaient également été ajoutées sur Winstru.

22 () Avant le déploiement de Cassiopée, Instru couvrait la gestion du cabinet du juge d’instruction ainsi que le volet « Instruction » de la procédure pénale qui intervient après l’enregistrement et l’orientation du dossier qui sont gérés en amont dans les applications Mini-pénale et Micro-pénale. Les fonctionnalités spécifiques au juge des libertés et de la détention ont été ajoutées sur Instru.

23 () Avant le déploiement de Cassiopée, Wineurs, spécifiquement conçu pour les juges des enfants, couvrait la gestion du cabinet du juge des enfants ainsi que la procédure civile et pénale relative aux mineurs (enregistrement, audiencement et jugement). L’application intégrait aussi les fonctionnalités spécifiques au juge des libertés et de la détention.

24 () Avant le déploiement de Cassiopée, EPWin (Exécution des Peines), installée à partir de 1999 dans les 37 tribunaux de grande instance équipés de Mini-pénale et dans 2 tribunaux de grande instance équipés de Micro-pénale, permettait la gestion du service de l’exécution des peines des tribunaux de grande instance.

25 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 25.

26 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 26.

27 () Y compris l’Infocentre.

28 () 22 TGI ont répondu sur un total de 30, soit un taux global de réponse de 75 %.

29 () Le produit B-DOC qui est très critiqué  pour son manque de souplesse est une préconisation du prestataire (cf. infra).

30 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 29.

31 () Proposition n° 10, rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 29.

32 () 22 TGI ont répondu sur un total de 30, soit un taux global de réponse de 75 %.

33 () 22 TGI ont répondu sur un total de 30, soit un taux global de réponse de 75 %.

34 () Version V-1-13.

35 () 22 TGI ont répondu sur un total de 30, soit un taux global de réponse de 75 %.

36 () ARCHIMED est le nouveau système éditique mutualisé du ministère de la justice des libertés.

37 () 22 TGI ont répondu sur un total de 30, soit un taux global de réponse de 75 %.

38 () Dans 137 tribunaux de grande instance, les services de l’exécution des peines n’étaient pas informatisés.

39 () Cassiopée a été implantée au TGI d’Orléans le 14 juin 2010.

40 () Ajout d’un indicateur de suivi de la décision par personne et d’un indicateur de suivi des extraits pour écrou.

41 () 22 TGI ont répondu sur un total de 30, soit un taux global de réponse de 75 %.

42 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 30.

43 () Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel (ORTC).

44 () Rapport d’information (n° 505, session 2007-2008) de M. Etienne Blanc, op. cit., p. 25.

45 () Inspection générale de l’administration, Inspection générale des services judiciaires, Inspection générale de la police nationale, Inspection de la gendarmerie nationale, Conseil général des technologies de l’information, Rapport d’audit de modernisation sur la dématérialisation de la chaîne pénale, novembre 2006.

46 () Circulaire SG/JUS A 0600-292 C du 9 octobre 2006 relative au plan de développement de la numérisation des procédures pénales.

47 () Ces deux logiciels s’intitulent Carmen et Elisa.

48 () Pour chaque réponse, prière de rappeler le numéro et le texte de la question.

49 () M. Etienne Blanc, Rapport d’information fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration générale de la République, Assemblée nationale, Documents d’information, session ordinaire de 2007-2008, n° 505, déposé le 13 décembre 2007.

50 Pour mémoire, l’Allemagne compte 5 ordres juridictionnels: l’ordre judiciaire, administratif, des finances, du travail, des affaires sociales

51 « Internet Wache » ou commissariat virtuel

52 Valant récépissé de dépôt de plainte


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