N° 4350 - Rapport d'information de MM. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées sur les sociétés militaires privées



N° 4350

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

sur les sociétés militaires privées

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet,

Députés.

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S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. —  UN SECTEUR D’IMPORTANCE QUE LA FRANCE NE PEUT IGNORER 7

A. UNE ACTIVITÉ ANCIENNE QUI S’EST PARTICULIÈREMENT DÉVELOPPÉE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 7

1. Un phénomène ancien 7

2. Un fort développement sur quelques théâtres récents 10

B. UNE OFFRE DE SERVICES VARIÉE D’ABORD ADRESSÉE AUX ÉTATS 12

1. Des acteurs intimement liés à leur État 12

2. Un modèle économique particulier reposant d’abord sur les externalisations 15

3. SMP et Nations Unies 18

C. RÉFÉRANTS SÉCURITAIRES DES GRANDES ENTREPRISES 19

D. DES ACTEURS ESSENTIELS FACE À LA PIRATERIE MARITIME 22

1. La résurgence d’un phénomène dangereux et coûteux 22

2. Les équipes de protection embarquées : une réponse efficace mais aux capacités limitées 23

3. Le secteur privé offre une réponse complémentaire 25

4. Les acteurs français semblent disposés à une ouverture 28

II. —  L’OFFRE FRANÇAISE PARAÎT RELATIVEMENT FRAGILE 31

A. DES RÉTICENCES D’ABORD CULTURELLES 31

1. La crainte du mercenaire 31

2. L’externalisation comme enjeu sous-jacent 32

B. LE RELATIF SILENCE DU DROIT FRANÇAIS 34

1. Les principes généraux 34

2. La loi du 12 juillet 1983 comme modèle intellectuel 35

3. Le décret du 6 mai 1995 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions 37

4. La loi de 2003 sur le mercenariat 38

C. UN SECTEUR ENCORE PEU STRUCTURÉ EN FRANCE 39

D. UNE SITUATION QUI POSE UN PROBLÈME DE SOUVERAINETÉ 42

III. —  POUR DEMEURER DANS LA COURSE, LA FRANCE DOIT FAVORISER LA STRUCTURATION DE CE SECTEUR 45

A. LE DROIT INTERNATIONAL EST EN PLEINE MUTATION 45

1. Les données générales 45

2. Le document de Montreux 47

3. Le Code de conduite 47

B. POUR UNE ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE 48

1. Ouvrir le secteur dans le cadre de la protection contre les actes de piraterie 49

2. Envisager une loi définissant explicitement les domaines d’activité des ESSD 50

3. Organiser la labellisation et le contrôle des intervenants 51

C. FAVORISER L’ÉMERGENCE D’ACTEURS DE TAILLE CRITIQUE 53

EXAMEN EN COMMISSION 57

CONCLUSION 55

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DES RAPPORTEURS 63

AUDITIONS 63

DÉPLACEMENTS 67

INTRODUCTION

L’adoption de la loi de 2003 réprimant le mercenariat a donné un signal fort à la communauté internationale. S’il faut se réjouir de ce message, sa force semble avoir entravé tout au long de la décennie 2000 le débat sur les sociétés privées proposant des services intéressant la défense, au point qu’il subsiste encore quelque suspicion à leur encontre. Ce sentiment s’est nourri des dérives de certaines entreprises américaines engagées à cette époque en Irak et assurant pour leur Gouvernement, parmi d’autres prestations, des actions de combat. En France, et bien que le droit n’autorise pas ce type de prestation, ce contexte a certainement nui au développement d’un secteur de services de sécurité et de défense d’envergure internationale.

Toutefois, la prise de conscience de son intérêt stratégique a donné lieu à un certain nombre de réflexions. En particulier, le chef d’état-major particulier du président de la République a mandaté le secrétaire général de la défense et la sécurité nationale (SGDSN) à l’été 2010 pour étudier les conditions dans lesquelles un tel secteur d’activités pourrait se développer en France. Cette étude a donné lieu à un premier rapport, soumis à la présidence de la République le 1er févier 2011. Un mandat complémentaire sur le volet maritime a été confié au secrétaire général de la mer, sous l’égide du SGDSN. Bien que les conclusions de ces travaux soient confidentielles, le SGDSN a accepté d’être entendu par les rapporteurs.

De tous les travaux portant sur ce secteur, il ressort qu’une clarification sémantique est indispensable comme préalable à tout développement. Ainsi, on distingue dans le langage courant les sociétés de sécurité privée (SSP) des sociétés militaires privées (SMP). Présentes au quotidien, les premières sont désormais bien connues du public, assurant sur le territoire national des prestations de gardiennage, de convoyage de fonds ou encore d’escorte de personnalités. Les secondes sont ainsi dénommées en traduction de la notion anglo-saxonne de « private military companies ». Elles assurent en France des missions variées : conseil en sécurité internationale, accompagnement et sécurisation d’investissements à l’étranger, soutien de bases militaires, ou encore logistique. Ce panel est toutefois moins large que celui proposé par leurs homologues britanniques ou américaines, qui sont autorisées à mener des actions de vive force, y compris en appoint des forces armées. Cela rend certainement malheureuse la dénomination de SMP lorsqu’elle est accolée aux entreprises françaises qui n’assurent pas de mission de guerre mais proposent des services dans les domaines de la sécurité et de la défense, n’empiétant pas sur le domaine régalien.

Constatant que ces questions étymologiques handicapaient inutilement le secteur et brouillaient la réflexion sur leur devenir, le Gouvernement a engagé une réflexion sous la conduite du SGDSN, dans une perspective interministérielle. Elle a retenu la notion d’entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD). Leur périmètre regroupe un ensemble de prestations nombreuses mais cohérentes, allant du service de sécurité classique aux convois logistiques, en passant par la fourniture de repas sur des bases ou encore la formation de militaires étrangers. Si ces activités relèvent de métiers différents, elles ont en commun de se situer à la périphérie de ce qui fait l’essence du régalien.

Les rapporteurs considèrent que cette dénomination est pertinente. Elle devrait permettre de tenir une réflexion dépassionnée sur le sujet. L’objectif de ce travail parlementaire bipartisan est précisément d’y contribuer, en posant les grandes lignes de ce que pourrait être un modèle français dans ce domaine, modèle qui conciliera intérêt national et strict respect des valeurs qui sont les nôtres.

I. —  UN SECTEUR D’IMPORTANCE QUE LA FRANCE NE PEUT IGNORER

Les activités de services de sécurité et de défense à l’étranger se sont particulièrement développées ces vingt dernières années. Trois grands champs d’activité peuvent être identifiés : ces sociétés proposent avant tout des services aux États, assurent un accompagnement indispensable aux grands groupes, et, plus spécifiquement, ont développé une offre dans la sécurité maritime, notamment pour protéger les navires de commerce face aux actes de piraterie maritime.

A. UNE ACTIVITÉ ANCIENNE QUI S’EST PARTICULIÈREMENT DÉVELOPPÉE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES

Leurs offres de services aux États sont anciennes mais se sont particulièrement structurées au cours des dernières décennies.

1. Un phénomène ancien

Les forces armées des États se sont toujours appuyées sur des moyens privés, admettant parfois le recours à des troupes d’appoint pour mener des actions de combat. L’histoire militaire donne le sentiment d’une « respiration », alternant des moments d’étroite association public – privé et d’autres de rassemblement des compétences entre les seules mains étatiques. Les moyens concernés sont nombreux, allant de la logistique à l’emploi de mercenaires. Y recourir est devenu problématique à mesure que se répandait la conception d’armée du peuple, reposant en France sur le souvenir de Valmy et sur la conscription, caractéristique de l’État-Nation moderne.

La littérature rappelle volontiers que les États les plus anciens utilisaient déjà des moyens privés. L’Égypte de Ramsès II s’appuyait sur des mercenaires nubiens, Jules César remporta la guerre des Gaules grâce à des supplétifs Germains. Dans la France d’Ancien régime, il était également courant de recourir à des prestataires privés pour transporter du matériel ou encore pour combattre. La garde suisse a durablement marqué les esprits. Elle était née le 29 novembre 1516, date à laquelle le roi François 1er a signé avec les cantons suisses une « paix perpétuelle » réservant à la France et au Pape la jouissance d’une garde composée de mercenaires suisses.

La construction des États-Nations modernes a certainement marqué un tournant en modifiant le rapport de l’individu à son armée. En particulier, la Révolution française a fait du citoyen le seul défenseur légitime du territoire et de l’armée nationale la seule autorisée à ouvrir le feu au nom du Peuple français.

Sur mer, la guerre de Course a longtemps permis aux États européens et aux États-Unis de disposer de forces supplétives. Forts de lettres de marques (également appelées « lettres de commission » ou « de Course »), des corsaires étaient autorisés par leurs États à attaquer en temps de guerre tout navire battant pavillon ennemi. Ils complétaient l’action des marines de guerre qui se concentraient sur les objectifs militaires. Les corsaires ne devaient s’attaquer qu’aux marchandises, épargnant les navires et les marins. En cas de capture, ils bénéficiaient du statut de prisonnier de guerre. On dénombre plus de 20 000 corsaires ayant servi la France entre les années 1690 et 1760, parmi eux, seuls une centaine seraient morts au combat.

Ce système était très avantageux pour les États dont la marine militaire n’était pas suffisamment puissante. Les armateurs finançaient eux-mêmes l’investissement initial et assuraient la rémunération des équipages. Ils étaient rétribués sur les marchandises qui, saisies, devenaient propriété de l’État. Lorsqu’un corsaire était fait prisonnier, il revenait à l’armateur d’assumer le paiement des rançons.

Ce n’est qu’à la suite de la guerre de Crimée que la guerre de Course a été abolie. Les États-Unis ont toutefois conservé dans leur droit les dispositions autorisant la délivrance de lettre de marques qui permettent de missionner les navires privés au service du Gouvernement. Cela leur facilite aujourd’hui l’attribution d’agréments pour protéger des navires de commerce de la piraterie maritime.

Le paysage moderne des SMP-ESSD a commencé à se structurer dans la seconde moitié du XXe siècle. Après la seconde guerre mondiale, les États-Unis ont jugé nécessaire d’entretenir des forces d’intervention privées, notamment pour soutenir leurs alliés en Asie. C’était le rôle de la compagnie Air America (1946-1970) qui regroupait des anciens militaires de l’armée de l’air américaine. Financée sur fonds publics, elle permettait aux États-Unis d’intervenir avec discrétion face à la montée de mouvements communistes. Les Américains, tout comme d’autres grandes puissances, telles que le Royaume-Uni depuis les années 1970, ont toujours veillé à l’existence de ce type d’outils, généralement créés par d’anciens membres des forces spéciales ou des services de renseignement. Le fonctionnement de ces sociétés est toujours demeuré lié aux intérêts de l’État, leur client principal voire exclusif.

La chute du mur de Berlin a ouvert de nouvelles perspectives, la fin de la menace soviétique changeant la donne en créant un vaste marché du service de défense. La guerre froide obligeait les belligérants à immobiliser d’importants moyens en permanence pour faire face à une éventuelle attaque ennemie. La fin de cet affrontement a libéré les États de cette contrainte, les engagements auxquels ils sont confrontés nécessitant plus ponctuellement des moyens à la fois moins importants mais beaucoup plus mobiles et qui doivent se combiner avec des moyens civils. En particulier, l’engagement dans des conflits asymétriques requiert dans la durée un large panel de compétences, dont certaines très spécialisées. Souvent, il s’agit de moyens que des ESSD peuvent offrir. Or, il n’est pas rare de constater dans nos armées une certaine difficulté à recruter des spécialistes pour mener de longues actions de formation qui concernent aussi bien les militaires, les forces de sécurité, la justice ou encore des domaines moins régaliens tels que le rétablissement de l’électricité ou des réseaux d’eau. Il paraît dès lors tout à fait acceptable que des ESSD employant d’anciens militaires, policiers ou gendarmes ou confiant des missions ponctuelles à des magistrats se chargent de fournir de la ressource humaine voire de conduire des formations. Ce type de portage évite une ponction trop lourde parmi les cadres de l’État et peut offrir une seconde carrière à des militaires en fin de contrat. Ce schéma est d’autant plus intéressant que les opérations de maintien de la paix et de reconstruction bénéficient souvent d’abondants crédits internationaux. Il est plus aisé pour la France qu’ils abondent des entreprises privées plutôt que de mener une refacturation hasardeuse de prestations menées par ses propres soldats. Cela concerne typiquement des domaines tels que la formation ou le déminage.

En dehors du cadre spécifique des opérations extérieures (OPEX), les armées occidentales se sont également restructurées en métropole. Le souci d’optimisation des coûts et de mobilité des forces les a conduites à se recentrer progressivement sur leur « cœur de métier », une dynamique toujours en cours. À des rythmes et dans des périmètres différents selon les pays, les Gouvernements ont globalement décidé de confier au secteur privé le soin de gérer certaines tâches précédemment assurées par les armées concernant notamment le soutien : habillement, restauration, logistique ou encore transport et souvent formation. Ces externalisations ont accompagné la réduction de format de ces armées. Elles ont nourri un secteur parfois limité à des actions bien précises à l’extérieur, au point de changer le visage des SMP.

Ainsi, l’image souvent véhiculée d’entreprises proposant des prestations armées ne correspondrait qu’à une faible proportion du chiffre d’affaires de ce secteur, à savoir de 20 % au maximum. Encore s’agit-il d’un chiffre particulièrement élevé du fait des conflits irakien et afghan. En somme, à la suite des externalisations, les entreprises du secteur assurent aujourd’hui essentiellement des prestations de soutien. Et elles ont su diversifier leurs activités en s’adressant à d’autres services de l’État, des entreprises ou encore des ONG.

On estime aujourd’hui que près de 1 500 SMP sont actives à travers le monde. Ayant très tôt bénéficié des crédits publics dégagés par des externalisations, et s’appuyant sur des marchés importants, les sociétés anglo-saxonnes concentrent l’essentiel des effectifs et des moyens. Le chiffre d’affaires global du secteur est difficile à évaluer mais les spécialistes le situent entre 100 et 200 milliards de dollars par an. Pour l’ensemble ESSD (SMP et SSP), le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) évoque même le chiffre de 400 milliards de dollars de chiffre d’affaires et des effectifs pouvant atteindre un million de personnes à travers le monde.

En outre, 5 000 SSP se partageraient le marché mondial de la sécurité privée, un marché dont l’offre de service évolue constamment. Il est parfois difficile d’établir une frontière entre les activités des SSP et celle des SMP, certaines sociétés assurant un large spectre de prestations, ce qui confirme l’intérêt de la dénomination d’ESSD.

Les principales entreprises du secteur sont anglo-saxonnes. Parmi les françaises, on dénombre 30 à 40 entités, pour un chiffre d’affaires moyen de trois millions d’euros, les principales en termes de chiffre d’affaires étant notamment GEOS (40 millions d’euros) et Risk&Co (28 millions d’euros) (1).

2. Un fort développement sur quelques théâtres récents

Les théâtres irakien et afghan ont permis le développement de l’offre de services des sociétés anglo-saxonnes à l’extérieur.

Un nombre important de personnels de SMP, appelés en anglais Contractors, a été déployé sur ces théâtres. On en a dénombré près de 200 000 en Irak. Beaucoup se sont émus d’une privatisation de la guerre, ces contractants étant plus nombreux que les soldats des armées régulières. Le rapport Contractors / soldats est certes saisissant, mais il ne signifie pas que l’intégralité des 200 000 employés ont effectivement mené des actions de combat. Parmi eux, seule une proportion minoritaire était effectivement impliquée dans des missions de sécurité armée (10 à 20 %). Ces missions comportaient certes des interventions de combat aux côtés des forces régulières, mais aussi et surtout de la garde armée et de l’escorte. Le reste des contractants a essentiellement assuré des tâches de soutien, permettant de décharger les armées de ce que leurs états-majors estimaient ne pas relever de leur cœur de métier.

On a déploré de nombreuses dérives telles que la surfacturation de prestations, mais surtout, dans le cas des missions armées, des « bavures » liées à un emploi de la force mal ou non maîtrisée. Par exemple, cinq employés de l’entreprise Blackwater ont été accusés par la justice américaine d’avoir ouvert le feu sur la foule à Bagdad de façon injustifiée alors qu’ils escortaient un convoi. Le bilan de la tuerie s’élèverait entre 14 et 16 morts. La présence et l’activité de certaines SMP ont ainsi largement contribué au rejet de la présence militaire anglo-américaine en Irak. Face aux dérives des Contractors armés, le Gouvernement de Nouri al Maliki a annoncé sa volonté d’interdire l’activité de la société incriminée. Toutefois, de nombreuses sociétés étrangères proposent aujourd’hui encore des prestations d’escorte armée. Ces prestations sont d’ailleurs très lucratives. Les visiteurs étrangers devant s’assurer un maximum de sécurité, ils doivent faire face à une offre bien souvent oligopolistique. Il a ainsi été indiqué aux rapporteurs qu’une prestation d’accompagnement entre l’aéroport de Bagdad et la zone verte était généralement facturée environ 1 000 dollars.

En Afghanistan également, les SMP anglo-saxonnes ont largement participé au déploiement de la coalition (entre 130 000 et 160 000 hommes, soit plus que les effectifs militaires de la coalition). Si leurs missions concernent essentiellement le soutien et la logistique, on peut noter qu’elles assurent des prestations armées, notamment pour de l’escorte. Là encore, certaines d’entre elles ont su se rendre particulièrement impopulaires, au point que le Président Hamid Karzaï a annoncé sa volonté d’interdire l’activité armée de sociétés étrangères.

La Central Intelligence Agency (CIA) y a engagé des sociétés privées pour conduire des actions de renseignement. La presse s’est par exemple fait l’écho d’un programme secret engagé en 2004 par la CIA par lequel elle missionnait la société Blackwater (désormais dénommée Academi) pour pister et assassiner des dirigeants d’Al Qaïda (2).

Les problèmes d’éthique décrits sur ces théâtres n’invalident pas l’intérêt des SMP. En l’occurrence, les difficultés viennent surtout d’un manque de contrôle et de règles d’engagement particulièrement libérales, qui sont également reprochées aux forces régulières américaines et reproduites, voire amplifiées, par des prestataires privés pas toujours sérieux.

La Libye est un théâtre différent. L’intervention de la communauté internationale n’a pas donné lieu au déploiement de troupes au sol, privant ces sociétés des marchés de soutien logistique. Pourtant, les incertitudes sécuritaires laissent espérer aux professionnels des marchés importants dans les domaines suivants :

– la sécurisation d’emprises. L’Union européenne a par exemple passé un contrat de protection avec une société hongroise, Argus, dirigée par des Français, pour la protection de ses locaux et l’escorte de ses employés. Par le truchement d’un statut diplomatique, ses gardes peuvent être armés. Ce marché concerne aussi bien des sites en ville que des terrains d’exploitation pétrolière, plus isolés ;

– l’escorte de personnes, qu’il s’agisse de personnalités libyennes ou d’investisseurs étrangers ;

– le conseil et la veille en sécurité pour les entreprises étrangères comptant s’implanter dans le pays ;

– surtout, la formation de l’armée, de la police ainsi que des forces régaliennes de l’État.

Au moment du conflit armé, le conseil national de transition a délivré quelques autorisations à des étrangers pour l’exercice d’une activité de sécurité privée, voire pour leur autoriser le port d’armes. Mais il s’agit d’exceptions (on compte sur ce dernier point les Britanniques de Blue Mountain, ou encore, à titre individuel, des employés de la société française Galea). Les autorités libyennes revendiquent aujourd’hui une reprise en main sécuritaire du pays, souhaitant en exclure les acteurs étrangers. Compte tenu notamment des besoins en termes de compétences, il est néanmoins possible que le droit libyen permettra l’établissement de co-entreprises entre des investisseurs étrangers et libyens, réservant à ces derniers le seul exercice effectif des activités de sécurité.

Le rapporteur qui a pu se rendre sur place a constaté la présence importante de sociétés anglo-saxonnes, qui ont développé leur activité à la faveur des ambiguïtés de la situation actuelle en Libye. Leur présence semble favoriser la diffusion des intérêts économiques britanniques. Il est donc très souhaitable que, dans le cadre du droit libyen, nos sociétés parviennent à nouer des partenariats afin de s’implanter durablement dans ce pays, ce d’autant qu’il y a une attente forte vis-à-vis de la France.

B. UNE OFFRE DE SERVICES VARIÉE D’ABORD ADRESSÉE AUX ÉTATS

Les ESSD-SMP sont des entreprises particulières, liées à leurs États d’origine. Leurs affaires sont d’abord venues des externalisations décidées dans les pays anglo-saxons.

1. Des acteurs intimement liés à leur État

Un rapide descriptif de l’activité des principales SMP anglo–saxonnes permet de constater à quel point ces groupes privés demeurent proches de leur puissance publique. Cela se constate évidemment s’agissant des sociétés offrant des prestations proprement militaires, mais également pour les autres. Leur action tend à s’inscrire dans la politique extérieure de leurs pays, au point de constituer pour eux un véritable levier d’influence.

Les SMP offrant une activité réellement militaire sont peu nombreuses. On comptait parmi elles la Sud-Africaine Executive Outcomes aujourd’hui disparue. Créée en 1989 par d’anciens militaires des forces spéciales sud-africaines, elle s’est notamment fait connaître au cours des années 1990 en Angola ou au Sierra Leone. En Angola, elle a agi pour le compte de sociétés pétrolières exploitant des gisements dans les zones contrôlées par l’UNITA. Elle y a obtenu d’autres contrats, son efficacité étant sans comparaison avec celle des forces de l’ONU sur place. Le Gouvernement de Sierra Leone a fait appel à elle en 1994 pour sécuriser le pays, en échange de concessions minières. Sa mauvaise réputation lui a valu d’être dissoute par le Gouvernement sud-africain en 1998.

Autre SMP connue, l’américaine Military Professional Resources Inc. (MPRI), qui s’est notamment illustrée dans les Balkans. Son action est assez révélatrice du levier d’action que ces sociétés peuvent être pour leur État. D’après les informations communiquées aux rapporteurs, pas moins de 17 anciens généraux étaient membres de son conseil d’administration au moment du conflit yougoslave. À cette époque, le Pentagone a chargé MPRI de former l’armée bosniaque. Cette société a conduit sa mission en y consacrant d’importants moyens humains et matériels, y compris l’envoi de chars, d’avions ou encore de camions. Elle a également été mobilisée pour soutenir les mouvements albanophones au Kosovo dans leur lutte contre le pouvoir yougoslave. Ainsi, sans afficher officiellement leur soutien à la rébellion, les États-Unis lui ont apporté une aide déterminante en recourant à une de leurs SMP, conduisant finalement les albanophones à l’indépendance, et offrant aux Américains un point d’ancrage durable dans les Balkans.

En Afghanistan aujourd’hui, ce groupe a été retenu pour un contrat de 1,2 milliard d’euros pour contribuer à la formation de l’armée nationale afghane (ANA). Une enveloppe de 140 millions d’euros lui est attribuée pour la rédaction de la doctrine de l’ANA, domaine dans lequel cette société jouit d’un monopole de facto auprès des Afghans.

Autre illustration du poids des grandes sociétés anglo-saxonnes, l’Américaine Armor Group. Elle compte 8 500 employés, 38 bureaux répartis dans 27 pays pour un chiffre d’affaires évalué à 300 millions de dollars en 2007. La Britannique G4S emploie quant à elle plus de 600 000 employés dans 125 pays, avec un chiffre d’affaires de plus de huit milliards d’euros. Elle offre un panel d’activités très large, allant des prestations de sécurité privée sur le territoire britannique aux opérations à l’extérieur, par exemple dans la lutte contre la piraterie. Ce groupe, certainement le plus important en hommes, a été retenu pour sécuriser les jeux Olympiques de Londres cet été. De son côté, la Suédoise Securitas compte près de 295 000 salariés dans 49 pays et assure essentiellement des prestations classiques de sécurité en métropole, mais également certains services d’accompagnement à l’étranger.

Certaines entreprises ont développé une expertise reconnue dans des domaines relevant habituellement de la compétence exclusive des États. Il en va ainsi de la prise en charge des otages, dans le cadre de prestations dites de « Search and Rescue », prestation sur laquelle la britannique Control Risk s’est favorablement positionnée. Les grandes entreprises envoyant des expatriés à l’étranger souscrivent au préalable cette prestation de services. En cas de difficulté, les agents de la compagnie, généralement issus de services spécialisés, mènent les négociations pour la libération des otages. Leur conduite est menée en relation étroite et permanente avec les autorités étatiques. Ni plus ni moins que les États, elle verse d’éventuelles rançons. Ainsi, sans que l’État se trouve hors jeu, ces coûts, qui sont directement liés à l’activité économique de l’employeur, sont supportés par le secteur privé et non plus par le contribuable.

Fondée en 1997 par Erick Prince, la société américaine Academi, célèbre sous ses anciens noms de Blackwater puis de Xe, a connu une importante médiatisation au cours des années 2000, à la suite de son engagement en Irak. Comme beaucoup de SMP, son modèle économique repose d’abord sur les activités domestiques et notamment la formation de forces américaines aux États-Unis mêmes.

Elle a été l’une des premières SMP à s’implanter en Afghanistan pour y mener différentes missions, y compris de renseignement (3) ou d’actions spéciales. Elle s’est particulièrement illustrée en Irak, où ses employés ont été accusés de bavures (cf. supra). Réputée proche des milieux néoconservateurs américains, Blackwater, devenue Xe puis Academi s’est vue confier de nombreuses missions de haute importance pour les États-Unis, telles que la sécurisation de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) ou encore la formation des cadres de la marine de l’Azerbaïdjan sur la mer Caspienne. Ces contrats permettent très concrètement aux États-Unis de s’implanter discrètement dans une région sensible et stratégique, entre l’Iran et la Russie.

En 2011, elle a été retenue pour recruter et former une force militaire supplétive pour les Émirats arabes unis, composée exclusivement d’étrangers. Ce contrat de près de 500 millions de dollars illustre également à quel point les SMP peuvent être un instrument d’influence considérable pour les États.

Il existe bien d’autres domaines dans lesquelles ces sociétés interviennent, par exemple le transport. La société ukraino-russe Volga-Dniepr propose ainsi des prestations de transport de très grande capacité à l’aide de ses avions cargo Antonov 124. La France recourt massivement à cette entreprise en situation de quasi-monopole. Elle seule lui permet de projeter des équipements lourds sur des théâtres lointains, ce qui n’est pas sans soulever des questionnements en termes de souveraineté (4). De son côté, le Luxembourg participe à l’opération Atalante de lutte contre la piraterie maritime grâce à un contrat de fourniture d’avions de surveillance Merlin III, conclu avec la société CAE aviation.

Elles peuvent également proposer la fourniture de personnels aux compétences rares, ce qui dispense les États d’engager des personnels ou de mobiliser des infrastructures pour des besoins ponctuels. Les domaines concernés sont aussi différents que l’interprétariat ou les télécommunications. En France, la société Amarante fournit au MAEE les services d’un expert en explosifs pour les audits de sécurité des postes diplomatiques (90 000 euros). Cette même société lui assure également une prestation d’audit de sécurité pour les logements d’agents de l’État en Afrique du Sud. Le ministère envisage enfin de passer des contrats avec des ESSD afin de fournir des « fiches de sécurité agents », censées préciser les conduites à tenir, les risques et les zones dangereuses dans leurs pays d’affectation.

Le domaine du déminage entre également dans ces catégories. En Libye, le rapporteur a constaté que les États-Unis avaient su mobiliser d’importants moyens privés pour la recherche des explosifs et leur destruction à l’appui d’un contrat global de cinq ans liant le Département d’État à la société Stirling. Ce contrat cadre lui permet de mobiliser des capacités privées lorsqu’un besoin se fait sentir, partout dans le monde, pour la destruction d’armes conventionnelles et le déminage humanitaire. Le contractant a indiqué par avance quels seraient les personnes et les moyens employés pour tous les scénarios possibles. Selon les besoins, le Département d’État passe ainsi des contrats supplémentaires par théâtre, en organisant un contrôle sur place des travaux effectués.

Au-delà, de nouveaux domaines sont également investis : aide humanitaire, assistance à la gestion de crises, évacuation de ressortissants, suivi géolocalisé d’expatriés, exfiltration de ressortissants. Le tsunami en Asie, la crise en Haïti ont été des accélérateurs pour le développement de l’offre, à l’appui notamment de crédits publics tels que US Aid. En Haïti, les SMP américaines ont rapidement su s’adapter, assurant initialement de la sécurité générale, puis des protections individuelles et de la logistique humanitaire.

Il est vrai que l’action de ces sociétés prête parfois à polémique. Ce serait cependant une erreur de les réduire aux seules dérives de Blackwater en Irak ou en Afghanistan. Peu médiatisées, leurs activités, notamment dans le domaine de la formation et de l’entraînement de forces étrangères, sont un formidable levier d’intervention pour leur État d’origine. Dans un contexte de contraction des moyens et des effectifs, la France est souvent sollicitée dans ce domaine, notamment en Afrique. Elle n’a pas nécessairement vocation à mobiliser dans la durée les nombreux cadres nécessaires à l’accomplissement de telles missions. Il semble donc utile de soutenir le développement de ces compétences au sein du secteur privé français.

2. Un modèle économique particulier reposant d’abord sur les externalisations

Comme il a été indiqué, le modèle économique des ESSD ne repose pas sur la conduite d’actions offensives armées. Peu nombreuses sont celles qui offrent ces services et, lorsqu’elles le font, cela ne représente généralement qu’une activité parmi d’autres.

L’offre privée s’est développée à la faveur d’externalisations. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et surtout de la guerre froide, les États occidentaux ont progressivement recentré leurs armées sur leur « cœur de métier », conduisant d’importantes opérations d’externalisation. Bien que cette notion soit difficile à définir, certaines activités ont été confiées de plus en plus systématiquement au secteur privé. Les champs concernés sont très nombreux : habillement, restauration, transport, maintenance, ou encore formation. Le soutien aux bases ou encore la formation ont très tôt été confiés à des acteurs privés dans les pays anglo-saxons. Cela a permis le développement d’un secteur robuste, que les contrats afghans ou irakiens n’ont fait que renforcer.

Le recours aux ESSD présente les avantages comme les inconvénients des externalisations classiques. Ces entreprises répondent à loi de l’offre et de la demande. À ce titre, la recherche d’une maximisation du profit incite les prestataires à optimiser les coûts de production. Cette logique est certainement très saine pour le contractant, potentiellement le contribuable, mais invite à la plus grande vigilance sur les risques de sous-traitance en cascade ainsi que sur la nationalité d’origine et la formation des personnels. On a observé que les SMP/ESSD ayant travaillé pour l’armée américaine en Irak ont progressivement substitué des personnels locaux ou issus de pays à bas salaires aux employés occidentaux et notamment américains. Si le phénomène est certainement heureux lorsqu’il permet de créer des emplois dans le pays d’accueil, du point de vue du client, le coût de la prestation devrait à tout le moins s’en trouver diminué, ce qui est rarement le cas. Mais le principal problème est celui de la qualité de la prestation, essentielle dans un domaine aussi sensible.

À titre d’information, les rapporteurs ont obtenu une évaluation des salaires versés en Afghanistan :

(en dollars américains)

Cadre de haut niveau d’origine occidentale

(chef de mission, conseiller, analyste, etc.)

15 000 à 20 000

Cadre moyen ou employé spécialisé d’origine occidentale

(agent de sécurité, instructeur, spécialiste technique, etc.)

7 000 à 10 000

Employé spécialisé originaire d’Europe centrale ou d’Afrique du Sud

2 000 à 3 000

Employé spécialisé originaire de pays en voie de développement, Gurkhas

700 à 1 500

Cadres subalternes afghans

(chefs de groupe, de poste, interprètes)

500 à 700

Employés afghans

(gardes, chauffeurs, personnels de service)

100 à 200

Source : ministère de la défense, direction des affaires stratégiques.

S’il ne s’agit que d’une estimation, son analyse est intéressante au moins à deux égards. Elle permet tout d’abord de comprendre l’intérêt financier que peut avoir le prestataire à évincer les personnels d’origine occidentale (dont la présence constitue pourtant une garantie aux yeux de l’État contractant). C’est notamment le cas s’agissant de la catégorie « employés spécialisés ». Ensuite, elle suggère de possibles problèmes de perception de ces sociétés dans les pays où elles agissent. Un agent de sécurité occidental gagnant jusqu’à 70 fois le salaire d’un garde afghan, ce type d’écart ne semble pas tenable dans la durée sans créer du ressentiment.

La garde des enceintes diplomatiques

Parmi les marchés parfois confiés au secteur privé, on compte celui de la protection des enceintes diplomatiques. Certains pays ont recours à des SMP pour assurer la protection de leurs ambassades. C’est le cas du Royaume-Uni, des États-Unis ou encore de la Suisse. Ce dernier pays a confié au secteur privé la garde de l’essentiel de ses postes diplomatiques. C’était le cas en Libye. Cependant, le Gouvernement suisse a récemment décidé d’en retirer la responsabilité au groupe Aegis pour la confier aux forces spéciales.

En France, l’externalisation de la garde des emprises du MAEE a fait l’objet d’études, mais il ne semblerait pas qu’elle permette des gains significatifs. Les rapporteurs sont réservés sur cette perspective ; le recours aux gendarmes et policiers présente des avantages certains en termes de disponibilité des personnels, de présence au poste en cas de montée des tensions et de protection des informations. Il existe néanmoins un marché pour les sociétés françaises. Certaines de nos enceintes diplomatiques sont vastes et leurs zones les moins sensibles sont gardées par des sociétés privées. C’est le cas par exemple du parc Peltzer à Alger. L’accès est géré par une SSP algérienne supervisée par des gendarmes français qui gardent en direct les locaux mêmes de l’ambassade. D’autres emprises, tel le lycée français, sont également gardées par des SSP algériennes. Ce type de configuration peut offrir un débouché à des ESSD françaises pour la formation et l’encadrement. Les États-Unis embauchent souvent des personnels locaux pour assurer la garde de leurs emprises ou conduire les personnalités. Ces employés bénéficient généralement d’une formation très poussée conduite par des Américains in situ ou aux États-Unis.

Au-delà, il faut constater que les effectifs projetables pour la protection des enceintes diplomatiques sont sous tension, sous le double effet de la réduction d’effectifs et de l’accroissement de la dangerosité de certaines zones. Souhaitable ou non, rien n’indique donc qu’à l’avenir il ne sera pas nécessaire de recourir à des moyens privés, au moins en appoint. Il faudra à ce moment-là disposer d’un secteur suffisamment structuré et éprouvé pour offrir une prestation de qualité projetable sous court préavis.

De son côté, l’Union européenne ne dispose pas de force de police en propre. Elle doit donc systématiquement recourir à des ESSD pour faire garder ses emprises en dehors de l’UE. Pour ce faire, elle procède par appels d’offres à partir d’une liste de sociétés présélectionnées, comprenant : la française GEOS, la hongroise Argus, la canadienne Garda World, et le britannique G4S.

Elle a lancé un appel d’offres au début de l’année 2012 pour la sécurisation de son implantation en Libye. Le contrat est de 15 millions d’euros sur cinq ans ; en avril, elle prévoit de renouveler le contrat de protection de ses représentations en Afghanistan, pour une valeur de 35 millions d’euros sur quatre ans. Il est évident que la nationalité des sociétés et des agents chargés de la sécurité de ces emprises sensibles constitue un enjeu, source potentielle de rivalités entre les États.

L’externalisation dans le domaine de la sécurité extérieure n’est donc ni bonne ni mauvaise a priori. Elle peut offrir une souplesse et des coûts moindres selon les domaines. Toutefois, le client doit assurer le coût direct du contrat – ce qui opère souvent un transfert de charge du titre 2 au titre 3 – ainsi que ses coûts indirects. Parmi ceux-ci, on peut relever ceux de contractualisation – des capacités juridiques suffisantes sont nécessaires pour négocier, conclure et contrôler – ou encore ceux de coordination et de suivi. Ces observations ne disqualifient en rien l’intérêt de recourir aux prestations des ESSD mais il faut simplement avoir conscience qu’une externalisation ne s’improvise pas.

3. SMP et Nations Unies

Les opérations de maintien de la paix (OMP) représentent un marché potentiel considérable pour les ESSD.

Le rapport Brahimi d’août 2000 a tracé les lignes directrices de la modernisation des OMP. Certains objectifs ouvrent des pistes à une implication accrue des SMP. Il a notamment relevé que le déploiement des forces nécessaires à la stabilisation d’une situation de crise devait intervenir dans les 30 jours, ce qui est un délai très ambitieux pour les moyens étatiques. Pour mémoire, le traité de Nice prévoit le déploiement de capacités de maintien de la paix dans les 60 jours. Même s’il convient d’en étudier l’importance ou le rôle exact, on voit bien que le déploiement d’ESSD peut être d’un apport utile pour envoyer des capacités en avant-garde.

À plus forte raison, elles pourraient jouer un rôle utile pour consolider les moyens déployés dans les zones en crises. Les OMP de l’ONU sont parfois critiquées pour le manque de savoir-faire, voire de savoir être, de certains contingents. Les États disposant des armées les plus modernes et les mieux formées sont généralement réticents à mettre des contingents à disposition de l’ONU, la prise en charge de l’organisation ne suffisant pas à compenser les soldes des soldats. Par ailleurs, le commandement et les règles d’engagement ne correspondant pas forcément aux attentes des Gouvernements, les États occidentaux ont réduit le format de leurs armées, dont les spécialistes sont devenus d’autant plus précieux.

On peut noter que, selon les données du MAEE, la sécurité des emprises de l’ONU mobilise 20 % des moyens des OMP chaque année (soit près de 20 000 casques bleus et neuf milliards de dollars). L’ONU recourt déjà couramment aux prestations d’ESSD, notamment dans certains domaines, tels que le conseil ou le déminage : par exemple, le contrat de déminage obtenu par la société Armorgroup International Inc. au Sud-Soudan pour un coût de 5,6 millions de dollars en 2007. La collaboration des SMP avec l’ONU est donc une réalité et une dynamique de croissance est en marche.

Encourager le déploiement d’ESSD représente un enjeu stratégique pour notre pays dans la gestion du maintien de la paix. Cela donnera une activité en lien avec leur métier à nos militaires récemment arrivés en fin de contrat, permettra de diffuser notre savoir-faire et une approche française auprès des casques bleus comme des structures civiles et militaires locales. Leur confier des missions permettra également d’implanter des Français sur des théâtres en crise où nos soldats ne sont pas déployés. Une perspective d’autant plus intéressante que ces opérations sont financées par des crédits internationaux, donc mutualisés.

On peut imaginer que l’ONU confiera à l’avenir la gestion globale d’OMP à des ESSD. Leur demander des prestations d’ensemble pourrait contribuer à renforcer la cohérence de l’action internationale. De grandes sociétés anglo-saxonnes militent activement dans ce sens.

C’est dans cette perspective qu’un groupement d’entreprises françaises (Thales, Geodis, Sodexo et le GIE Access) a créé au printemps 2011 la société « Global (X) », destinée à fournir des prestations de soutien aux OMP. Il s’agit d’une démarche intéressante et d’une initiative positive, même si les rapporteurs souhaitent que nos sociétés soient également capables de se positionner dans des domaines plus directement militaires, tels que la formation.

C. RÉFÉRANTS SÉCURITAIRES DES GRANDES ENTREPRISES

Les grands groupes recourent de plus en plus systématiquement aux ESSD pour assurer la sécurité de leurs prospections et investissements à l’étranger en zones à risques. Elles offrent un panel de services constituant une véritable chaîne de la sécurité : veille sécuritaire, information des personnels, sensibilisation des familles, ou encore exfiltration des personnels.

En premier lieu, les entreprises investissant dans des pays dangereux recourent aux ESSD pour bénéficier d’une analyse des risques. Elles fournissent généralement une synthèse de faisabilité d’une mission, en étudiant notamment la législation locale sur le port d’armes.

Dans les faits, les droits locaux ne permettent généralement pas aux étrangers de disposer d’un armement sur leur territoire. Un chef de mission est donc projeté sur le théâtre, sans être armé, mais assumant les risques juridiques et assurantiels vis-à-vis du client. Les ESSD aident également les entreprises à construire leurs plans de sûreté et accompagnent au quotidien leurs salariés.

Sur place, ces sociétés jouent un rôle crucial dans le choix et l’encadrement des sociétés de sécurité locales, dont elles peuvent être partenaires. Le rôle joué par leurs agents est plus ou moins direct, en fonction de la législation locale. De ce point de vue, l’établissement et l’entretien de bonnes relations avec les autorités est crucial. Leur rôle va bien au-delà du respect du droit local, qui est évident. Il s’agit en effet de bien connaître les services de sécurité et de renseignement du pays d’accueil, d’y disposer d’interlocuteurs fiables et plus généralement de coopérer, par exemple par l’échange d’informations. Cela n’est pas forcément évident s’agissant parfois d’États en situation de fragilité.

Le rôle des ESSD françaises en Algérie

La plupart des entreprises françaises investissant dans ce pays confient à des prestataires spécialisés le soin de leur établir une étude de vulnérabilité. Au-delà, elles optent souvent pour des prestations d’accompagnement et pour le recrutement d’un personnel en charge de superviser les équipes locales de sécurité.

Le droit algérien ne permet pas à des sociétés de sécurité étrangères d’y exercer leur art. Pour être représentées, les ESSD françaises ouvrent des bureaux avec un partenaire local et délèguent généralement une ou plusieurs personnes en charge de conseiller le directeur sur les questions de sécurité. Un prestataire algérien est recruté le plus souvent en suivant l’avis de l’ESSD française et celui des services spécialisés algériens dont elle est l’interlocutrice. Il veille sur la qualité de la formation des agents mis à disposition et est en charge des relations avec les forces de sécurité gouvernementales.

La société Amarante a obtenu exceptionnellement le droit d’exercer directement des activités de contrôle à l’aéroport d’Alger au profit de la compagnie Air France. Amarante y supervise les activités de contrôle, dont la mise en œuvre est déléguée à une entreprise algérienne. C’est sa responsabilité qui est engagée en cas de difficulté.

Ce marché s’est fortement développé ces derrières années, à la suite notamment de l’attentat de Karachi survenu le 8 mai 2002 qui a provoqué la mort de 11 employés de la DCN. Saisi par les familles des victimes, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche a estimé le 14 janvier 2004 que l’attentat présentait les caractères d’un accident du travail, rendu possible par la faute inexcusable de l’employeur, celui-ci n’ayant pas pris les mesures suffisantes pour assurer la sécurité de ses employés. Le parquet a renoncé à faire appel.

Cette décision, plus connue sous le nom de « jurisprudence Karachi » étend l’obligation de sûreté de l’entreprise. Elle a contribué à modifier la façon dont les entreprises françaises perçoivent le risque sécuritaire et explique la croissance des moyens qu’elles y consacrent.

L’enlèvement en avril 2000 de trois touristes français sur l’île de Jolo aux Philippines par les rebelles islamistes d’Abu Sayaf avait également donné lieu à une décision de justice marquante, élargissant le champ de responsabilité des agences de voyage. Elles doivent fournir une information complète et loyale sur la sécurité des zones où se rendent les touristes. L’assureur a en effet été condamné en appel en janvier 2009 pour n’avoir pas suffisamment informé les voyageurs des risques encourus dans la région où ils se rendaient (Malaisie – Philippines).

Ces décisions de justice alimentent évidemment le marché et les ESSD françaises ont développé des réponses solides. Il faut certainement se réjouir de ces progrès tout en ayant conscience de leurs limites : il ne s’agit pas de paralyser l’activité des Français à l’étranger ni, qu’incidemment, l’attrait de ces contrats n’entretienne des analyses faussement alarmistes sur des pays ayant retrouvé la stabilité.

La sécurité internationale chez Veolia

Veolia est présente dans 74 pays, assurant quatre grands métiers : eau, énergie, propreté et transport. Son développement international porte en majorité sur des pays aux institutions stables. Dans les zones difficiles, et en fonction des menaces, la société recourt à des ESSP, selon des modalités variables.

La réflexion et l’analyse des risques sont opérées en interne par une cellule d’experts avec le soutien de conseils externes dont Control Risk pour les zones anglophones et l’Amérique latine et Amarante pour les zones Afrique et Moyen Orient. Control Risk assure également une couverture du risque de kidnapping en partenariat avec l’assureur britannique Hiscox. Cette analyse sécuritaire produit chaque mois une cartographie qui répartit les risques selon trois niveaux. Cette cartographie est diffusée dans l’ensemble des sociétés de Veolia.

Veolia se fixe quatre grandes obligations vis-à-vis du salarié en mobilité dans les pays à risques : l’information, par l’accès à la cartographie des risques, la prévention par la formation, la protection sur place et l’extraction des personnels menacés.

Pour chaque pays à risques, Veolia met en place un plan de sûreté des personnels. Ce plan vise à organiser l’évacuation des personnes (dont les familles) exposées, en étroite collaboration avec le MAEE et sa cellule de crise. Dans leur mission de sécurisation, Control Risk et Amarante identifient des partenaires locaux, selon leurs capacités à assurer des prestations de protection, mais aussi à entretenir de bonnes relations avec les autorités locales.

Veolia recourt également à International SOS qui propose un service d’urgences médicales, incluant des évacuations médicales grâce à sa flotte d’avions. De ce point de vue, le médical fait partie de la « sécurité privée ».

Les révolutions arabes tout comme la montée des périls dans la zone sahélo-saharienne accroissent le besoin en sécurité. Il faut informer, rassurer, accompagner, protéger, être capable d’évacuer. Pour des raisons politiques comme opérationnelles, les moyens de l’État ne sauraient assumer l’ensemble de ces missions. L’action des ESSD doit donc se coordonner avec les moyens de l’État en contribuant notamment aux plans d’évacuation des ressortissants. Pour les rapporteurs, les ESSD doivent non seulement coopérer avec leur État d’origine mais également être soumises à une obligation d’informer leurs autorités.

Au-delà, les ESSD diversifient leurs offres aux entreprises. En particulier, elles proposent de plus en plus des activités d’intelligence économique ou encore de sécurisation des systèmes d’information et de télécommunication. Il s’agit de domaines d’avenir dont les autorités doivent accompagner le développement.

D. DES ACTEURS ESSENTIELS FACE À LA PIRATERIE MARITIME

1. La résurgence d’un phénomène dangereux et coûteux

La résurgence de ce phénomène qu’on croyait révolu menace gravement la sécurité des routes maritimes internationales. S’il s’est fortement manifesté dans le détroit de Malacca ou commence à s’affirmer en Amérique du sud, c’est surtout au large des côtes africaines qu’il pose aujourd’hui problème, à savoir dans le golfe de Guinée et au large des côtes somaliennes.

Grande puissance maritime, la France est concernée au premier chef. Armateurs de France recense 250 navires battant pavillon français et 750 autres opérés par des Français mais sous des pavillons tiers. L’ensemble constitue une flotte contrôlée de quelque 1 000 navires. Leur activité conduit une part importante d’entre eux à transiter par ces zones. Une société telle que CMA-CGM est présente dans près de 400 ports à travers le monde.

Ces menaces pèsent sur leur activité. Elles accroissent le coût des primes d’assurance. Les surprimes liées à une traversée de l’océan Indien sont généralement de 0,5 % de la valeur du navire, soit souvent proches de 20 000 à 30 000 dollars supplémentaires par jour de traversée. La plupart du temps, elles assument ce surcoût, éviter les zones dangereuses, par exemple en transitant par le cap de Bonne-Espérance, induisant un allongement des transits et une surconsommation de fioul.

L’affaire du Ponant a médiatisé la menace en France. Le 4 avril 2008, ce voilier battant pavillon français a en effet été pris en otage par des pirates somaliens. Nos compatriotes ont été libérés une semaine plus tard contre le versement d’une rançon. Une opération héliportée a permis d’arrêter une partie des preneurs d’otage ainsi que de la rançon. Cette affaire, suivie des prises d’otages du Tanit et du Carré d’As, a été largement médiatisée, montrant au monde combien la menace était sérieuse. D’après les informations recueillies par M. Christian Ménard dans les travaux relatifs à la piraterie maritime, on comptait en 2009 environ 600 personnes retenues en otage par des pirates somaliens (5).

Cette situation impose de protéger les navires en y embarquant des gardes armés.

2. Les équipes de protection embarquées : une réponse efficace mais aux capacités limitées

La multiplication des actes de piraterie au large des côtes somaliennes a conduit le Gouvernement à préconiser une solution militaire européenne permettant d’escorter certains navires à travers des convois sécurisés, l’opération Atalante. Celle-ci se concrétise par des échanges d’informations et surtout la mise en place de convois sécurisés. Parallèlement, la France a instauré un dispositif permettant d’embarquer des équipes de la marine nationale sur des navires vulnérables, les équipes de protection embarquées (EPE), généralement composées de fusiliers commandos. Ces EPE protègent notamment les thoniers senneurs, qui pêchent au large des Seychelles, ainsi que des navires transportant des cargaisons stratégiques.

Membres d’une équipe de protection embarquée

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Source : ministère de la défense et des anciens combattants, état-major de la marine.

Malgré l’évolution culturelle que l’embarquement d’hommes armés a représentée, les armateurs ont accepté leur présence sans véritable difficulté. Leur mise en place se fonde sur la signature d’un protocole avec la marine, le chef d’équipe de protection embarquée se voyant déléguer la responsabilité d’ouvrir le feu. En visite auprès des fusiliers commandos à Lorient, les rapporteurs ont constaté le professionnalisme et la motivation de ces équipes, ainsi que la grande satisfaction des armateurs bénéficiaires, en l’occurrence les thoniers senneurs.

D’après les données fournies par l’état-major de la marine, 104 navires français ou d’intérêt français sont inscrits au contrôle naval volontaire et circulent dans l’océan Indien. On compte parmi eux : 61 navires non vulnérables, 20 vulnérables et 23 très vulnérables, dont les thoniers (6). Ces chiffres sont bien évidemment susceptibles d’évoluer, selon les feuilles de route des navires.

C’est le premier ministre qui décide de leur affectation. Les critères d’attribution d’une protection sont les suivants : pavillon français, présence de citoyens français à bord, nationalité française du propriétaire, transport d’une cargaison ou activité d’intérêt stratégique pour la France. Le coût des EPE (2 000 euros par jour en moyenne) est inférieur au coût moyen d’une équipe privée (3 000 euros par jour). La prestation de la marine française est donc bon marché. À titre de comparaison, une EPE de la marine royale néerlandaise coûte en moyenne 80 000 euros par traversée. Ce prix s’explique par sa composition : 18 agents par navire, dont un infirmier urgentiste. Ce n’est que lorsque les moyens en EPE nationales sont épuisés que les armateurs néerlandais sont autorisés à recourir au secteur privé, pourtant bien plus compétitif.

Une organisation exemplaire

Les EPE sont composées de cinq à 18 personnels, selon une évaluation préalable de la menace, des caractéristiques des navires ainsi que de la durée de la mission. En général, elles comprennent un chef d’équipe et trois binômes, soit sept personnels, qui embarquent le plus souvent pour des missions de six semaines. Les prérequis sont : une connaissance du milieu maritime, de l’aisance dans l’emploi des armes et équipements, ainsi qu’une maîtrise élémentaire de l’anglais. Les équipes bénéficient d’une formation préalable à l’embarquement portant sur le tir, le combat au corps à corps, les transmissions, la photographie, le secourisme, les procédures et règles d’engagement. Elle inclut également des mises en situation pratique. La préparation opérationnelle dure entre sept et 20 jours.

En tout, 14 EPE sont dédiées aux thoniers français. Deux à trois équipes sont prépositionnées à Djibouti. La marine estime que pour couvrir l’ensemble du besoin identifié, sept EPE supplémentaires seraient nécessaires, ce chiffre pouvant néanmoins diminuer si la mission était recentrée sur la protection du seul pavillon français.

Sur le plan opérationnel, entre 2009 et 2011, les EPE ont déjoué 21 attaques, dont 14 visant des thoniers senneurs. Les armateurs ayant accueilli des EPE à bord de leurs navires n’ont eu qu’à se féliciter de leur qualité ainsi que des excellentes relations entretenues avec les équipages.

Les rapporteurs tiennent à leur rendre hommage pour l’excellence du travail accompli.

Pourtant, faute de solution politique à terre, le phénomène de la piraterie maritime semble loin de s’arrêter. Bien au contraire, il devrait s’inscrire dans la durée, le montant des rançons versées aux pirates somaliens ne cessant de croître. S’il s’élevait à 80 millions de dollars en 2010, il est estimé à 131 millions de dollars pour l’année 2011. La piraterie s’avère une industrie lucrative et organisée qui dispose d’un bel avenir.

Cela conduit à s’interroger sur le caractère soutenable du déploiement des EPE. Le contexte budgétaire de la prochaine décennie devrait être particulièrement contraint, et les États participants devront probablement faire face à de nouvelles menaces, éventuellement de haute intensité. Ils seront alors contraints de délaisser ces missions qui, il est vrai, relèvent davantage de la sécurité internationale que du domaine militaire proprement dit.

En l’état, les rapporteurs proposent de maintenir aussi longtemps que possible le dispositif des EPE de la marine nationale, y compris en mobilisant des réservistes. Sauf cas exceptionnels, elles ne devront cependant bénéficier qu’aux navires battant pavillon français. Au-delà, l’État pourrait rassembler armateurs et ESSD françaises pour leur signifier dans quel cadre et selon quelles conditions devrait s’établir leur collaboration pour la mise en place d’équipes de protection armées issues du secteur privé.

3. Le secteur privé offre une réponse complémentaire

Faute de protections étatiques suffisantes pour couvrir tous les besoins, et selon le droit du pavillon, les armateurs ont largement recouru à des sociétés privées armées pour protéger leurs navires.

D’après le ministère de la défense, 30 % des navires de commerces embarquent des équipes armées de SMP/ESSD. Le même ministère met en avant leur « efficacité avérée », aucune capture n’ayant eu lieu en leur présence. Celles-ci ont permis de déjouer 30 % des attaques. Certains pavillons, tels que Singapour, imposent la présence d’hommes armés en cas de vulnérabilité.

Un véritable secteur économique de la protection maritime s’est ainsi développé, comportant notamment la possibilité d’embarquer des hommes armés. Il est nettement dominé par les compagnies anglo-saxonnes. Elles sont organisées en association l’IAMSP (International Association of maritime Security Professionnals). Pour des raisons culturelles, les Français se sont jusqu’à présent refusés à y recourir, ce qui n’a pas véritablement permis de faire évoluer le droit (notamment sur le port d’armes à bord des navires battant pavillon français) et donc l’émergence de prestataires nationaux. Certaines créent donc des structures juridiques à l’étranger pour répondre aux besoins de leurs clients.

Parmi ces sociétés, certaines emploient leur propre personnel tandis que d’autres sous-traitent. La méthode des premières permet d’établir un lien contractuel entre l’armateur et les agents armés embarqués, tandis que, dans le second cas, c’est la société intermédiaire qui seule entretient ce lien. Certaines cargaisons particulièrement dangereuses, notamment chimiques, pour lesquelles la présence à bord d’armes à feu peut représenter une menace, sont susceptibles d’être protégées par des navires d’escorte. Le secteur privé peut en proposer, mais cette offre demande une certaine densité capitalistique afin d’entretenir une flotte en propre.

L’emploi de SMP avec accord des compagnies d’assurance peut faire baisser les primes, certaines compagnies d’assurance recommandant même tel ou tel prestataire. Cependant, comme dans le cas des EPE de la marine nationale, les expériences semblent assez contrastées, certains armateurs ayant obtenu une forte baisse de leur prime, d’autres non.

On relève une prédominance des Britanniques sur le marché, avec des sociétés telles que Triskel, APMSS, Solace. Ils sont concurrencés par des Américains (Advanfort). Preuve de l’expansion du secteur, on estime qu’entre le 1er janvier et le 30 septembre 2011, plus de 170 sociétés spécialisées dans la garde armée en mer se sont créées au Royaume-Uni. Par exemple, la société MUSC dispose de 200 gardes armés en permanence, effectif qui peut monter à 400 en cas de forte demande. Le groupe GALLICE est aujourd’hui le seul français présent sur ce marché. Compte tenu des contraintes du droit français, il propose des prestations de garde armée via une filiale de droit irlandais.

Pour y voir plus clair, la société Bureau Veritas, envisagerait de mettre sur le marché une offre de certification des opérateurs maritimes. Les entreprises désireuses de bénéficier du label devront se soumettre à un examen en 90 points portant sur des domaines aussi variés que la capacité financière ou l’expérience opérationnelle. Il se trouvera en concurrence avec le syndicat des sociétés de sécurité maritimes implanté à Londres qui, le 1er février 2011, a lancé un programme de certification, en partenariat avec l’association britannique chargée de l’accréditation des sociétés de gardiennage et de télédétection au Royaume-Uni (National Security Inspectorate).

Constatant que la plupart des sociétés agissaient en contradiction avec le droit des États côtiers, la chambre des Lords a demandé au Gouvernement britannique, en décembre 2011, de négocier des accords globaux avec les pays jouxtant la Somalie pour permettre aux SMP britanniques de faire transiter des armes.

L’activité est également lucrative pour les États côtiers. Le Sri Lanka facture le droit d’installation d’une société de protection à 250 000 dollars. Une telle disposition exclut en partie les sociétés les moins sérieuses mais pose également le problème de l’entrée sur le marché de sociétés émergentes, ce qui serait le cas de beaucoup de françaises.

Djibouti, plateforme de la lutte anti-piraterie

Les rapporteurs ont pu se rendre à Djibouti pour étudier l’organisation des sociétés privées opérant dans la protection contre la menace pirate dans l’océan Indien.

Ils ont constaté la présence de nombreuses entreprises positionnées sur le marché de l’escorte armée, pour certaines directement implantées dans le pays. La plupart d’entre elles sont anglo-saxonnes mais recrutent volontiers des anciens militaires français, notamment des fusiliers commandos et autres membres des forces spéciales. Il est d’ailleurs intéressant de les entendre insister sur la qualité de leur formation, leur professionnalisme et leur retenue face au danger. Ce constat est à mettre en regard avec le fait que, faute d’un cadre juridique adapté, aucune société de droit français ne peut proposer de tels services et donc recruter à ce même titre des Français.

L’afflux de ces sociétés aux employés armés faisait peser un risque d’instabilité pour l’État djiboutien. Il s’est donc efforcé de contrôler la circulation des armes en maintenant l’interdiction formelle d’en faire pénétrer dans les eaux territoriales. Pour ce faire, la gendarmerie maritime djiboutienne se déplace jusqu’aux navires de commerce transitant depuis ou vers Bab el Mandeb pour récupérer ou y déposer les armes nécessaires aux équipes de protection. Celles-ci sont enregistrées et ne sont délivrées qu’aux sociétés agréées par les autorités djiboutiennes.

Une société privée, dirigée par un citoyen franco-djiboutien est en charge de délivrer les agréments. Il s’agit de la Djibouti Maritime Security. Cette solution originale permet à l’État djiboutien de proposer un interlocuteur unique aux sociétés de sécurité, de récolter les revenus générés par leur activité, voire de louer des matériels de guerre légers à leurs équipes. Elle lui permet également de se constituer en base arrière de la lutte contre la piraterie, tout en ménageant sa souveraineté nationale.

D’autres États côtiers recourent à l’artifice juridique de créer des sociétés de sécurité pour garder leurs côtes afin de facturer aux multinationales le coût de leur sécurité. Dans les faits ce sont les forces militaires et de sécurité locale qui assurent la protection. C’est le cas par exemple des marines nigériane, tanzanienne ou yéménite. Ainsi, dans le golfe de Guinée, la situation juridique particulière de la menace (elle intervient souvent dans les eaux territoriales) oblige les transporteurs à contracter avec les marines nationales qui « louent » leurs services de protection (embarquement d’équipes à bord ou escorte). Si l’autorité hiérarchique relève du Gouvernement local, la coordination du dispositif peut être assurée par la présence d’un conseiller de l’ESSD française. Les contrats établissent clairement la responsabilité des uns et des autres. Cependant, le rôle de coordination des agents des ESSD peut être entendu largement et rien n’indique qu’à ce titre ils ne puissent être présentés devant un juge en cas d’ouverture du feu.

4. Les acteurs français semblent disposés à une ouverture

Après une période de réticence, les armateurs français sont désormais ouverts à la présence de gardes armés à bord. Pour eux, la nationalité française des prestataires sera un bon moyen de s’assurer de la qualité du service et de se couvrir juridiquement. D’où, là encore, l’intérêt de développer une offre nationale.

Jusqu’à présent le recours au secteur privé est demeuré particulièrement faible. Faute d’alternative, Delmas, filiale de CMA CGM a fait appel à une équipe privée de protection embarquée, armée, pour protéger la liaison Tanzanie-Madagascar. Ce dispositif a été instauré en accord avec les deux États, et se fonde sur le recours à une société de droit britannique, composée à 80 % de Français. La responsabilité de l’armateur est engagée en cas d’ouverture du feu.

Les armateurs risquent de se tourner vers l’offre britannique, faute d’un cadre juridique permettant aux Français de concourir. Cela pourrait même accentuer le phénomène de dépavillonnement. C’est pourquoi le Gouvernement français réfléchit actuellement à une modification du cadre juridique. La France rejoindrait ainsi le groupe des États européens permettant l’activité des ESSD. Le tableau ci-après décrit les États européens permettant l’activité de SMP/ESSD.

Possibilités d’embarquer des équipes de protections armées en Europe

Pays

EPE d’État

EPE privées

France

Oui

Vers une « ouverture maîtrisée » aux ESSD

Belgique

Oui

Oui

Italie

Oui

Oui

Allemagne

Non

À l’étude

Royaume-Uni

Non

Oui

Pays-Bas

Oui

À l’étude (long terme)

Espagne

Non

Oui

Norvège

Non

Oui

Portugal

Favorable

Non

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

La réflexion avance notamment en ce qui concerne les côtes somaliennes. Il faudra pourtant l’élargir à terme. Les menaces sont également élevées dans le golfe de Guinée, où les intérêts français sont importants. Le recours à des équipes armées à bord est cependant plus complexe à envisager : la majorité des actes intervenant dans les eaux territoriales (on parle alors d’actes de brigandage) relève du droit des États côtiers qui n’autorise généralement pas la détention d’armes à bord des navires marchands et encore moins d’y recourir.

De son côté, la Commission européenne semble aussi évoluer. Elle a adopté, le 11 mars 2010 (JORF n° L 067 du 17 mars 2010), une recommandation relative aux mesures d’autoprotection et de prévention des actes de piraterie et des attaques à main armée contre les navires, où elle a précisé que « la compagnie est libre de faire appel à des agents de sécurité privés supplémentaires, mais le recours à des gardes armés n’est pas recommandé ».

Partageant le constat que la menace persiste et que le besoin croît, elle a finalement entrepris une réflexion sur l’utilité d’une démarche commune d’harmonisation et, si celle-ci devait se confirmer, sur les grandes lignes qu’il s’agirait de promouvoir. Des pistes devraient être présentées bientôt, la Commission devant organiser un séminaire à la fin du mois de mars 2012 pour présenter un premier bilan de sa réflexion.

Enfin, on peut noter que l’Organisation mondiale maritime (OMI) qui avait jusque-là refusé la présence d’hommes armés à bord des navires semble prête à modifier sa position. Son comité de la sécurité maritime a ainsi remis le 19 mai 2011 un projet de lignes directrices destiné à assurer un encadrement minimal de l’emploi d’agents de sécurité armés en mer.

La demande de protection privée existe et l’offre française doit s’organiser, faute de quoi le rang de la France comme puissance maritime mondiale pourrait être menacé. Les évolutions doivent intervenir rapidement, afin d’accompagner les réflexions en cours dans l’Union européenne. Il s’agit à la fois de plaider pour l’adoption d’exigences minimales vis-à-vis du secteur, tout en veillant à ce que les États gardent la main sur la gestion et le contrôle de leur pavillon. Cette situation invite à étudier l’état du droit français ainsi que l’offre en présence dans notre pays.

II. —  L’OFFRE FRANÇAISE PARAÎT RELATIVEMENT FRAGILE

L’offre française existe mais elle est faible. Cette situation s’explique d’abord par des difficultés politiques ou culturelles : le domaine fait peur car il est associé à certaines pratiques (le mercenariat) ou pourrait justifier des externalisations. Cela n’a pas permis jusque-là d’avoir le débat nécessaire à une clarification de la législation, maintenant les principaux acteurs dans le flou, d’où certainement les faiblesses de ce secteur, relativement peu structuré en France. Cette situation doit évoluer car elle pose un problème de souveraineté.

A. DES RÉTICENCES D’ABORD CULTURELLES

La première explication de la faiblesse du secteur français tient au contexte culturel dans lequel elle évolue. Il s’agit de mener une réflexion alors que beaucoup voient dans les ESSD des mercenaires potentiels ou un prétexte à externalisations.

1. La crainte du mercenaire

Le développement du secteur en France semble pâtir de la mauvaise image accolée aux prestations privées touchant à la défense. Leur offre souffre d’un amalgame avec les activités de mercenariat. La loi de 2003 sur le mercenariat semble avoir eu un résultat paradoxal. Essentiellement symbolique, cette loi visait à condamner clairement cette activité, adressant un message d’exemplarité à la communauté internationale. La vigueur de la condamnation, pour justifiée qu’elle soit, a cependant entraîné dans la suspicion toute association entre les champs militaires ou de défense et l’activité marchande, notions que le sigle SMP marie explicitement. Pourtant, il n’y a rien de commun entre les prestations d’ingénierie proposées par les grandes ESSD françaises et l’action menée jadis par Bob Denard et ses associés.

Passés les souvenirs de l’action de M. Denard, les années 2000 ont vu des événements malheureux polluer à nouveau le débat sur les ESSD. Il s’agit en premier lieu de l’intervention américaine en Irak. Celle-ci a suscité une forte réprobation de la part de l’opinion française. Le rejet s’est trouvé d’autant plus marqué que certaines des dérives observées sur ce théâtre étaient le fait de SMP américaines, parfois directement impliquées dans des opérations militaires, par exemple lors de la tentative de prise de contrôle de la ville de Falludjah.

Ces événements, particulièrement médiatisés, ont nourri une certaine méfiance envers les SMP américaines et notamment Blackwater. La presse a par ailleurs véhiculé des soupçons autour de l’influence supposée de certains grands groupes dans la décision de faire la guerre. On pense notamment aux liens de l’ancien vice-président Dick Cheney et la société Haliburton qui ont alimenté la chronique au cours des années 2000.

Plus récemment en Libye, les circonstances entourant la mort de M. Pierre Marziali, fondateur de Secopex, ont souligné à quel point ce domaine était sensible et, faute d’un réel contrôle des autorités, sujet à polémiques.

Ce contexte de défiance n’a pas permis un réel débat politique sur les ESSD en France, posture confortable mais improductive et au final nuisible à nos intérêts. Ce rapport tente d’y remédier, mais force est de constater que la crainte de l’amalgame avec des mercenaires demeure parfois frappante.

Au cours des auditions menées par les rapporteurs, nombreuses sont les personnes auditionnées qui se sont senties obligées de souligner en préambule à quel point ce domaine d’activité leur était étranger. Certains grands groupes de services ont admis ne pas envisager d’étendre leur activité à la sécurité pour une simple question d’image. Contacté pour une audition, le groupe Sodexo, pourtant propriétaire de l’entité britannique Sodexo Defence, a refusé d’être entendu, posant fermement qu’il n’avait rien à voir avec le domaine militaire.

Il est donc temps que ces activités se libèrent de la mauvaise image dont elles souffrent. Il faut mettre en évidence l’existence d’un besoin réel qui ne touche pas au cœur des activités régaliennes puis mettre en avant l’existence d’entreprises sérieuses dans ce secteur.

2. L’externalisation comme enjeu sous-jacent

Les rapporteurs ont parfois constaté chez les institutionnels quelques réticences à soutenir le développement du secteur. Les raisons avancées tiennent souvent au sentiment que leur activité pourrait conduire à externaliser artificiellement des pans entiers d’activité.

Le nouveau format des armées ainsi que le recentrage de leurs activités sur leur « cœur de métier » crée un besoin croissant de moyens complémentaires en appoint. Il est des missions qu’elles ne peuvent plus ou n’ont plus vocation à assumer. Cela induit une demande permettant l’éclosion d’offres variées telles que la mise à disposition de moyens de transport pour l’entraînement, la restauration, etc. Il existe déjà des formes d’osmose réussie entre civils et militaires, par exemple pour la maintenance des matériels.

Les pans d’activité abandonnés par les armées restent relativement moins nombreux que ceux auxquels certaines armées étrangères ont renoncé. Les Britanniques ont pratiquement externalisé leur service de santé militaire, tandis que les Américains n’hésitent pas à confier la garde de leurs bases, y compris à l’étranger, à des privés. Le Gouvernement doit donc définir quel est le périmètre des activités externalisables à moyen terme en France. L’exercice est certainement difficile car le périmètre en question peut varier et il est plus aisé de déterminer ce qui ne saurait l’être que d’assurer aux privés qu’ils peuvent investir sur le long terme dans tel ou tel domaine.

Bien entendu, le soutien au développement des ESSD ne doit pas nuire aux capacités opérationnelles. Les armées mettent légitimement en avant les besoins liés aux opérations et insistent pour conserver des capacités minimales en propre. On pense par exemple à la restauration, domaine d’activité de plus en plus systématiquement confié à la gestion du secteur privé, mais pour lequel des compétences militaires sont indispensables en campagne. Dans une situation de guerre ou de grand danger, le militaire ne peut en effet exercer son droit de retrait. Il est donc des domaines dans lesquels le recours au secteur privé est envisageable, sous réserve de conserver une capacité minimale pour assurer la projection des forces sur les théâtres difficiles. Il faut donc également concevoir le recours aux ESSD comme un recours possible à des capacités d’appoint complémentaires à celles de la défense. Si l’armée française a conservé des capacités de déminage de très haut niveau, il n’est pas rare que des entreprises françaises ou étrangères prennent leur relais sur des théâtres pour des travaux de plus long terme.

L’externalisation est un processus naturel et chacun souhaite qu’elle bénéficie avant tout à des entreprises françaises. De fait, des auditions de nombreux responsables de la défense, il ressort que le fait de confier un nombre accru de missions au secteur privé ne pose plus de difficultés en soi, même si des lignes de conduites précises doivent être observées :

1. Il faut une définition précise et raisonnable de ce que les armées peuvent externaliser. Cela exclut par avance les actions de force mais couvre le soutien et la logistique. Il faut avoir en tête l’exigence de réversibilité de certaines externalisations ou en tout cas se donner les moyens de conserver un minimum de compétences militaires dans certains domaines a priori externalisables mais qui deviennent critiques dans un contexte de combat (restauration ou encore télécommunications) ;

2. Il est nécessaire d’identifier clairement, en amont et précisément, les modalités de mise en œuvre de l’externalisation : conduite des appels d’offres, solidité des organismes d’État en charge de contractualiser ;

3. Il est indispensable d’organiser rigoureusement le contrôle étatique. Outre la mise en place d’organismes de contrôle, cela suppose également de solides capacités juridiques du côté du ministère de la défense pour la contractualisation et le suivi ;

4. Un contrôle a priori doit être mis en place. Il suppose une forme de labellisation ou d’agrément des sociétés, ainsi que le contrôle de leurs activités. Un contrôle en amont des personnels peut être organisé, par exemple en impliquant la DPSD. Il faut être très exigeant en matière de contrôle. N’oublions pas que, sur les théâtres d’opération, de nombreuses transactions sont réglées en liquide.

Il s’agit de connaître la bonne moralité des employés ainsi que la solidité technique et financière des entreprises. Confier un marché à une entreprise contrôlée par des capitaux étrangers pourrait, dans certains cas, poser problème. Lorsqu’ils avoisinent des lieux ou côtoient des personnels sensibles, les employés des ESSD doivent présenter des garanties minimales, au même titre que l’on exige des agents de sécurité en France qu’ils disposent d’un agrément pour exercer leur profession. Cela invite à concevoir une forme de label.

5. L’exécution du contrat doit également être l’objet d’une attention particulière. Le recours aux services d’ESSD n’est envisageable que s’il organise leur coordination étroite avec les armées. Il faut les associer aux ordres d’opération et qu’elles aient accès à l’ensemble des informations intéressant leur sécurité. Il n’y a pas d’alternative à leur étroite association, qui pourrait se traduire par la mise en place de détachements de liaison chargés de faire rapport quotidiennement à la hiérarchie militaire et qui recueilleraient les informations utiles à l’accomplissement de leur mission, comprenant notamment des éléments de contexte. Se posera en outre la question de l’accès au renseignement, qu’il conviendra de régler au cas par cas.

Sur le fond enfin, la prudence doit être de mise afin d’éviter certains effets pervers : risque de comportement oligopolistiques voire monopolistiques, ou encore, sur le plan budgétaire, annulation des économies de titre 2 (rémunérations et charges sociales) par des dépenses de titre 3 (fonctionnement).

Si la prudence du monde de la défense est légitime face aux externalisations, il apparaît que la coopération entre défense et ESSD devrait considérablement s’approfondir. Cela suppose que les ESSD apportent des garanties de fiabilité et surtout que le pouvoir politique donne un cap en établissant clairement qui peut faire quoi.

B. LE RELATIF SILENCE DU DROIT FRANÇAIS

Aucun droit au monde n’interdit stricto sensu la constitution d’une SMP et les activités relevant de ses prestations, à l’exception du mercenariat.

Le droit français ne reconnaît explicitement que les SSP. La loi de 1983 encadre précisément leur activité sur le territoire national. Elle énumère limitativement les activités que ces sociétés peuvent assumer.

Quant à la loi de 2003 réprimant le mercenariat, elle a pour objet principal d’adresser un message vigoureux à la communauté internationale.

1. Les principes généraux

Le droit français limite les possibilités de recours à des prestataires privés pour sous-traiter des activités. Les missions régaliennes sont exclues de ce champ. Le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que l’État devait assumer la réalisation des services publics dont « l’existence et le fondement » sont exigés par la Constitution (décision des 25 et 26 juin 2006). Cela concerne en particulier certaines des missions du ministère de la défense ou de celui de l’intérieur qui sont clairement placées dans le domaine régalien. En complément, le Conseil d’État a estimé que les services publics non délégables par nature (tels que le maintien de l’ordre public) ne pouvaient pas être confiés à une personne privée. Les missions mettant directement en œuvre la souveraineté ne sont donc pas délégables. Au-delà, la jurisprudence constitutionnelle et administrative n’interdit pas à l’État et encore moins aux ONG et entreprises privées, de s’appuyer sur des ESSD.

L’éventuel recours à la force d’agents d’ESSD est également a priori encadré par le droit français de la légitime défense. Celui-ci est particulièrement restrictif, excluant notamment la notion d’intention hostile.

Le droit commun des contrats passés avec des ESSD relève du code des marchés publics, qui suppose une mise en concurrence ouverte aux entreprises des États membres de l’UE. Des exceptions existent lorsque les sites ou personnes concernées sont liés aux intérêts vitaux de l’État. Le droit européen vise les intérêts essentiels de sécurité nationale (directive 2009/81/CE). Sont couvertes par ces exceptions les dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale (arrêté du 23 juillet 2010).

Les ESSD-SMP, pour leurs activités à l’étranger, ne sont pas l’objet d’une législation particulière. En l’absence de règles spécifiques, les grandes catégories du droit français s’appliquent à elles : droit du travail, droit des contrats, des sociétés, droit pénal ou encore législation relative au contrôle des exportations d’armements. De nombreux procédés permettent toutefois de contourner ces dispositions : constitution de filiales locales, conclusions de contrats de travail offshore, sous-traitance, etc.

2. La loi du 12 juillet 1983 comme modèle intellectuel

Cette loi (7) concerne les activités de sociétés de sécurité privées sur le territoire national et porte sur les domaines suivants :

– la surveillance humaine par des systèmes électroniques ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles, ainsi que la sécurité des personnes s’y trouvant ;

– le transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux ;

– la protection de l’intégrité physique des personnes.

L’exercice des activités est conditionné à l’obtention d’un agrément préfectoral. L’article 5 de la loi décrit les conditions de délivrance de cet agrément. Elles supposent :

– d’être ressortissant français, d’un État membre de l’UE ou de l’espace économique européen ;

– de ne jamais avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (ou équivalent pour les ressortissants étrangers) ;

– de ne pas avoir fait l’objet d’un arrêté d’expulsion non mis en œuvre ou d’une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;

– de ne pas avoir fait l’objet d’une décision de faillite personnelle.

Les rapporteurs considèrent que la loi de 1983 ainsi que les dispositions complémentaires régissant la sécurité privée offrent un cadre intellectuel sur lequel il est possible de s’appuyer pour organiser l’activité des ESSD proposant des prestations extérieures. La loi de 1983 a naturellement donné lieu à des débats importants, touchant notamment aux limites du régalien. En outre, les dispositions du droit français encadrant certaines activités de sécurité privée ont ouvert la possibilité d’un port d’arme pour certaines professions sensibles (on pense notamment au convoyage de fonds).

Ces dispositions ont instauré un environnement législatif et réglementaire vivant. Évolution récente et particulièrement intéressante, le Gouvernement a instauré un conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) (8).

Le CNAPS

Entré en fonction le 1er janvier 2012, cet établissement public et administratif est chargé de l’agrément et du contrôle des activités privées de sécurité. Sa compétence concerne les activités de gardiennage, la recherche privée, les services internes de sécurité des entreprises, le transport de fonds, la sûreté aéroportuaire ainsi que la protection physique des personnes.

Le CNAPS contrôle les différentes professions concernées. Il est chargé de délivrer les autorisations d’implantation, les agréments des dirigeants et des personnels. C’est à la suite d’une enquête de moralité qu’il délivre les cartes professionnelles aux salariés. Il vérifie notamment l’absence d’inscriptions au casier judiciaire.

En outre, il peut conduire des contrôles in situ, en complément des contrôles effectués par les forces de police et de gendarmerie. Dans l’activité générale des entreprises, il veille au respect du droit ainsi que du code de déontologie de la profession.

Il peut prendre des sanctions disciplinaires à la suite d’un rapport remis par ses contrôleurs à la commission régionale d’agrément et de contrôle dans laquelle siègent des représentants de l’État (préfet, responsables de la police, de la gendarmerie, procureur de la République…) et des représentants des entreprises du secteur de la sécurité privée.

Les grandes entreprises clientes sont associées à la régulation de ce marché, à travers notamment l’implication du club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE). Cet organisme est associé au CNAPS.

3. Le décret du 6 mai 1995 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions

Il ne vise pas la loi du 12 juillet 1983 et ne crée pas de lien direct entre la législation relative aux SSP et le régime de la détention d’armes.

Son titre II encadre l’acquisition, la détention, le port, le transport et la conservation des armes et des munitions et pose, pour les quatre premières catégories (9), un principe d’interdiction sauf autorisation (article 23). Une autorisation d’acquisition et de détention peut donc être accordée pour une durée maximale de cinq ans, sous conditions.

Pour les entreprises de convoyage de fonds, le décret du 6 mai 1995 prévoit un régime particulier : en son article 26, est prévue expressément la possibilité pour ces entreprises d’acquérir et détenir des armes et des éléments d’armes des paragraphes 1 à 3 de la 1catégorie et ceux du paragraphe 10 du I du III de la 4e catégorie (10), armes qui peuvent être mises à la disposition de leur personnel le temps de l’accomplissement de leur mission. Il s’agit essentiellement de ce que l’on nomme des « armes de poing ».

En revanche, le transport par voie maritime des armes n’est pas traité par le chapitre IV du décret.

Toutefois, il convient de noter que la législation sur les armes devrait évoluer à compter du mois de juin 2012 à la suite de la loi de juin 2011 (11) et pourrait encore connaître des bouleversements à la suite de la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, qui doit être examinée par le Sénat.

4. La loi de 2003 sur le mercenariat

Les polémiques ayant entouré l’activité de mercenaires français en Afrique, et notamment de Bob Denard, ont conduit le législateur à adopter un projet de loi visant à le réprimer sévèrement et solennellement. Pour mémoire, faute d’un cadre pénal, M. Denard n’avait pas été inculpé pour mercenariat.

La loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l’activité de mercenaire insère un sixième chapitre au titre III du livre IV du code pénal. Pour définir l’infraction, il s’appuie explicitement sur l’article 47 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. Six critères cumulatifs sont retenus. Le mercenariat se caractérise par le fait pour une personne d’être spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé (1) sans être ressortissant d’un État partie (2), ni membre de ses forces armées (3), ni envoyé en mission par son État (4), et de tenter de prendre une part directe au conflit (5) en vue d’en tirer un avantage personnel « ou une rémunération nettement supérieure » à celle des combattants réguliers (6).

La loi vise également les actes concertés de violence « visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État ». Il s’agit d’une précision visant notamment à adopter une position exemplaire refusant tout acte de déstabilisation.

Les articles 436-1 et suivants du code pénal relatifs à la répression de la participation à une activité mercenaire, prévoient les peines suivantes : cinq années d’emprisonnement, 75 000 euros d’amende, interdiction des droits civiques, voire de séjour. Cette loi couvre les personnes physiques comme morales.

On notera toutefois que le caractère cumulatif des critères fait de cette loi un texte relativement théorique. En outre, l’existence de mercenaires errants de façon complètement autonome est rare : les mercenaires occidentaux agissent souvent de concert avec leur Gouvernement et ne sont pas à proprement parler des mercenaires.

C. UN SECTEUR ENCORE PEU STRUCTURÉ EN FRANCE

Le ministère de la défense recense une dizaine d’ESSD-SMP solides. Elles sont de taille modeste par rapport aux principales entreprises anglo-saxonnes mais jouent d’ores et déjà un rôle essentiel dans l’accompagnement des prospects et investissements de nos entreprises.

La principale en France est certainement GEOS. Son chiffre d’affaires s’est élevé à 38 millions d’euros en 2010. Elle rassemblerait 480 agents, dont de nombreux contractuels. Beaucoup d’entre eux signent des contrats journaliers, pour des missions ponctuelles de conseil ou d’expertise. L’entreprise intervient dans plus de 80 pays.

Comme la plupart de ses concurrents français, elle conduit des missions de sécurisation sur terre et sur mer (protection non armée des navires). Elle a par exemple assuré la protection de journalistes français lors de la coupe du monde de football en Afrique du sud grâce au « tracking », procédé de suivi des déplacements au moyen des téléphones portables. Il s’y ajoute des activités de conseil et de recommandations, ainsi que la mise en place de veilles stratégiques. Le groupe a également développé des capacités d’assistance technique dans des zones difficiles. Elle a par exemple envoyé une centaine d’ingénieurs en télécommunication en Afghanistan. Elle propose également des services relevant de l’intelligence économique et peu assurer des transferts de valeurs.

Le groupe GALLICE a été fondé en 2007 par quatre anciens cadres de la DGSE et du GIGN. Comptant parmi les leaders nationaux, il réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce volume le place en bonne position sur le marché français. Les principaux pays où agit GALLICE sont : le Gabon, la Mauritanie, ou en encore Madagascar. Compte tenu de l’importance des investissements français en Irak, cette ESSD a également décidé de s’y implanter, développant ainsi l’une des rares offres non anglo-saxonnes sur place. Ce groupe réalise aujourd’hui 45 % de son activité auprès d’États (le reste provenant essentiellement d’entreprises du CAC 40). Il a notamment formé des unités d’élite au profit de l’État gabonais, où il a également assuré une mission de deux ans pour la sécurité de la coupe d’Afrique des Nations : accompagnement en amont de l’appareil sécuritaire gabonais, conseil et formation, puis appui opérationnel.

Le groupe Galea est né quant à lui en Guyane. Fort d’un chiffre d’affaires d’une quinzaine de millions d’euros, il revendique de ne salarier ses employés français que sous des contrats de travail de droit français. Bien implanté en Égypte, il a assuré la protection des emprises de l’Union européenne à Benghazi au moment de la révolution libyenne.

Il s’agit ici de données concernant les principales sociétés d’un secteur qui compte une multitude de petites entreprises. Le chiffre d’affaires moyen est évalué à trois millions d’euros. Il faut mettre cette donnée au regard du chiffre d’affaires des principales ESSD anglo-saxonnes précitées, et notamment de G4S. En outre, une bonne part, voire l’essentiel, de l’activité des ESSD françaises au profit des entreprises est facturée via des filiales étrangères, souvent pour pouvoir établir des contrats de travail moins contraignants qu’en droit français.

Dans la compétition internationale, les prestataires français font valoir un savoir-faire particulier. Il résulte notamment des compétences, du savoir-faire mais également du savoir-être de nos anciens militaires et personnels de la défense. Sont notamment mises en avant : une forte capacité d’adaptation à l’environnement social et culturel, la plus grande retenue dans le recours à la force ou encore la recherche de discrétion dans les modes opératoires. La bonne connaissance de l’Afrique est également un atout. Des entreprises chinoises y feraient ainsi appel à des ESSD françaises. Sur le plan de la méthode, les rapporteurs ont souvent entendu distinguer le « profil bas » que les agents de protection français à l’étranger chercheraient à adopter, au contraire du « profil haut » des Anglo-saxons, pour lesquels la mobilisation massive de moyens est une façon de rassurer le client.

Du soutien de l’État

L’une des données de la réticence française est culturelle : l’hypothèse d’une coopération étroite entre diplomates, agents de renseignements et ESSD semble trop souvent perçue en France comme un « mélange des genres », voire comme le démantèlement de fonctions régaliennes. Ainsi, les professionnels du secteur ont manifesté aux rapporteurs leurs regrets d’une « incompréhension dramatique en France » qui pouvait inciter certains prestataires peu sérieux à agir aux limites du droit. Les entreprises anglo-saxonnes semblent quant à elles bénéficier d’un soutien systématique de leur État d’origine. La complémentarité public-privé paraît mieux acceptée dans ces pays, voire même revendiquée.

Il faut dire cependant que nombre d’entreprises revendiquent bruyamment le soutien de l’État, tout en montant des structures de droit anglo-saxon pour échapper à l’imposition française ou pour proposer des contrats de travail offshore, plus libéraux. Il existe en outre de nombreux cas d’entreprises se revendiquant comme françaises car leur fondateur, leur recrutement ou leurs capitaux sont français, mais dont le siège se trouve en dehors du territoire national. Il s’agit d’un artifice : ces sociétés ne sont nullement françaises et n’auront donc pas vocation à bénéficier des mesures de soutien préconisées par les rapporteurs.

En dehors des entreprises spécialisées, certains grands groupes ont vu dans les services de sécurité et de défense une piste de diversification de leur activité. La société Sodexo propose des services de sécurité via sa filiale britannique Sodexo defence : soutien aux bases militaires en Australie ou au Royaume-Uni.

Lors de sa présentation, la société Thales a elle aussi mis en avant l’activité de sa filiale britannique, qui fournit notamment des drones tactiques à l’armée britannique. De son côté, Thales France a obtenu le marché de la gestion des réseaux de communication de l’OTAN en Afghanistan. Le groupe s’interroge donc sur les relations qu’il doit entretenir avec les ESSD, tout en menant une réflexion sur ce que pourrait être son offre de services dans ces domaines. Il considère en effet qu’il peut être intéressant de proposer des offres globales de soutien, incluant par exemple des prestations de logistique. Cela ne signifie pas nécessairement la gestion de ces nouvelles activités en propre – cela pourrait éloigner le groupe de son « cœur de métier » –, mais pourrait plutôt se traduire par des formes de partenariats.

Ce groupe a également souligné l’existence au Royaume-Uni d’un cadre juridique qui fait défaut en France, notamment la négociation d’accords relatifs au statut des forces qui couvre l’activité des personnels civils servant dans le sillon des armées (Contractors deployed in operations). La France, elle, n’a pas sécurisé sur le plan juridique le soutien des personnels en opérations, d’où, le choix de ce groupe l’intérêt d’envoyer ses personnels sous ESR, grâce à la signature de deux accords avec le ministère de la défense. Cela concerne aujourd’hui près de 100 personnes, déployées en OPEX, le schéma s’inspirant de la « Sponsored Reserve » britannique. Mais on voit bien que cette solution n’est opérante qu’à la marge. Elle ne dispense pas d’une véritable réflexion sur le statut des personnels civils de soutien en OPEX.

Cet ensemble donne l’image d’un secteur foisonnant d’initiatives mais ne parvenant pas à se structurer suffisamment. L’État n’a pas face à lui d’acteur de taille mondiale capable de fournir des prestations globales. Compte tenu de l’importance de ce domaine, cette situation peut être considérée comme préoccupante.

D. UNE SITUATION QUI POSE UN PROBLÈME DE SOUVERAINETÉ

Disposer d’un réseau solide d’ESSD est un atout. Au-delà de la fourniture des prestations classiques, elles sont pour les États une garantie de souveraineté et des outils de conquête de marchés. Au service des entreprises nationales, elles leur offrent la sécurité leur permettant d’agir. Le fait qu’elles soient françaises laisse supposer un meilleur respect des informations les plus sensibles. On peut en effet avoir des doutes sur la sécurité économique de nos entreprises investissant à l’étranger, lorsqu’elles négocient des contrats escortées par d’anciens membres des services de renseignement britanniques ou des forces spéciales américaines.

Leur activité en fait des acteurs en immersion permanente dans le pays, entretenant des relations profondes avec les décideurs. Il s’agit bien évidemment d’un facteur de consolidation de l’influence française dans le pays, comme d’un moyen de préciser l’idée que l’équipe France pourrait se faire d’un marché, ou d’un appel d’offres ou, plus généralement de la situation politique ou sécuritaire du pays. Au-delà, si l’impératif de sécurité économique concerne non seulement la phase de prospection et de conquête des marchés, il doit nécessairement se concevoir dans la durée, une fois nos intérêts établis.

Sur la mer, une fois constaté que l’État ne pourra pas fournir dans la durée une capacité suffisante pour la protection de nos navires, seul le secteur privé semble en mesure de proposer des solutions palliatives. Ne pas permettre de construire une réponse française pourrait inciter encore davantage des acteurs économiques français à délocaliser leur activité.

Nos ESSD sont peu présentes sur les marchés de l’Union européenne. Dans les contrats qu’elle propose, celle-ci encadre pourtant le recours à la force, précisant notamment quelles catégories d’armes sont autorisées. Une entreprise, présentée comme française, sécurise ainsi les emprises de l’Union européenne à Tripoli. Elle est dirigée par des Français et essentiellement composée d’anciens militaires français, mais est pourtant de droit hongrois.

Faute d’une demande suffisante en France, nombreux sont encore les militaires de haut niveau ou les anciens des services spécialisés qui intègrent des groupes anglo-saxons. Les rapporteurs l’ont par exemple constaté à Djibouti. Des salaires de 15 000-20 000 euros sont parfois proposés pour effectuer une deuxième carrière au sein d’une SMP anglo-saxonne. Il s’agit d’une fuite des compétences préoccupante et il conviendra certainement de mieux encadrer sur le plan juridique le départ des personnels ayant eu à connaître d’informations, de techniques ou de modes opératoires sensibles vers des sociétés étrangères.

III. —  POUR DEMEURER DANS LA COURSE, LA FRANCE DOIT FAVORISER LA STRUCTURATION DE CE SECTEUR

Les progrès rapides du droit international sont un encouragement à agir en France. Les rapporteurs proposent des évolutions en plusieurs temps, permettant d’agir à court terme dans le domaine de la protection maritime pour aboutir in fine à un dispositif législatif et réglementaire structuré conduisant au renforcement de l’offre française.

A. LE DROIT INTERNATIONAL EST EN PLEINE MUTATION

1. Les données générales

En dehors des conventions spécifiques, certaines données du droit international peuvent s’appliquer à l’activité des ESSD dans des cas spécifiques.

Le droit international humanitaire (DIH) offre un premier cadre général encadrant l’activité des ESSD à l’étranger. Ses règles régissent à la fois les activités des agents employés par ces entreprises, la responsabilité des États les employant, les obligations des États où elles exercent leurs activités et de ceux où elles sont enregistrées.

Il pose le principe de la responsabilité des belligérants pour les faits de leurs organes (article 3 de la 4e Convention de La Haye de 1907, et article 91 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève). Un organisme est considéré comme un organe de l’État s’il agit sous son contrôle. Si tel est le cas, il agit sous sa responsabilité, l’État devant assurer une réparation complète des préjudices.

L’article 47 du premier protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, donne quelques précisions. Est considérée comme mercenaire toute personne répondant aux critères cumulatifs suivants :

– être spécialement recruté pour combattre dans un conflit armé ;

– prendre une part directe aux hostilités ;

– obtenir une rémunération matérielle supérieure aux forces armées nationales ;

– n’être ressortissant d’aucune des parties au conflit ;

– ne pas appartenir aux forces armées d’une des parties au conflit ;

– ne pas être envoyée en mission officielle en tant que militaire d’un des pays tiers.

Ces critères ont été repris et complétés par le droit pénal français.

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 4 décembre 1989 une convention internationale contre le recrutement, l’usage, le financement et la formation de mercenaires, entrée en vigueur le 20 octobre 2001. Rapporteur spécial des Nations Unie sur la question de l’usage des mercenaires à des fins attentatoires aux droits de l’homme et à l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination, le Péruvien Enrique Bernales Ballesterosa a conduit une mission de 16 années pour le compte de la commission des droits de l’homme sur le sujet du mercenariat. Lors de la présentation de ses conclusions en 2003, il a proposé son interdiction, mais a également demandé la mise en place d’une réglementation internationale sur le mercenariat. Son successeur, la Fidjienne Shaista Shameem a souhaité préciser la position de la commission en soulignant que les SMP offrent « d’authentiques services de sécurité à des particuliers et à des organisations dans des endroits du monde agités par des conflits ». Cela invitait, là encore, à ne pas laisser le débat sur les SMP-ESSD être pollué par l’épouvantail du mercenariat. La commission a cependant mis fin au mandat du rapporteur. En octobre 2010, elle a adopté une résolution visant à créer un premier cadre réglementaire à travers la mise en place d’un groupe de travail spécifique. Au même titre que ses partenaires européens, la France s’est montrée défavorable à cette initiative. Elle s’oppose à la création d’un instrument contraignant pour la régulation des ESSD, souhaitant plutôt le maintien en l’état du cadre international existant.

Au-delà, le statut de l’employé des SMP/ESSD peut également être analysé sous le prisme du droit international. Le DIH identifie trois cas de figure. Il l’assimile :

– à un combattant s’il est intégré aux forces armées. Sa participation directe aux hostilités est possible. Capturé, il bénéficie du statut de prisonnier de guerre ;

– à un civil accompagnant les forces armées si l’État employeur l’a explicitement autorisé à participer à la mission des forces armées. Cela lui octroie le statut de prisonnier de guerre en cas de capture. Le port d’arme est licite, mais on ne peut y recourir que dans les cas de légitime défense ;

– dans tous les autres cas le DIH assimile l’employé d’une ESSD à un civil, ce qui les protège en théorie de toute attaque directe.

Ces catégories restent relativement théoriques. Il existe de nombreuses zones grises entre les différentes activités et l’ennemi pourrait certainement en arguer pour traiter un employé capturé selon l’option la plus avantageuse du moment.

2. Le document de Montreux

Le document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pour les conflits armés, du 17 septembre 2008, offre un premier cadre juridique international. Il utilise le terme d’entreprises militaires et de sécurité privées, qui correspond aux ESSD françaises. Il s’agit d’entités commerciales privées qui fournissent des services militaires et/ou de sécurité.

Le document de Montreux, qui comporte 73 bonnes pratiques n’est pas juridiquement contraignant. Les États ne sont pas censés veiller sur leur mise en œuvre. Au moment de la rédaction du rapport, ce document avait été endossé par 34 pays, dont la France.

L’idéal, du point de vue français, serait que le document de Montreux constitue une base universelle permettant un encadrement de l’activité des SMP. Cette perspective paraît aujourd’hui s’éloigner, les grandes entreprises du secteur semblant organiser elles-mêmes leur propre labellisation au niveau international.

3. Le Code de conduite

Le document de Montreux est aujourd’hui fortement concurrencé par un Code de conduite international adopté à Genève et promu le 9 novembre 2010. Il se réclame du document de Montreux et joue sur l’ambiguïté géographique créée par son adoption en Suisse. Il est issu d’une initiative des entreprises anglo-saxonnes du secteur. Il vise à favoriser une meilleure organisation du secteur au niveau international en promouvant une forme de « régulation » impliquant à la fois les États et les acteurs privés du secteur. Le mécanisme permet aux entreprises de s’autocertifier. L’objectif est certainement d’éviter toute convention internationale classique sur le secteur, qui pourrait être plus contraignante. Il a vocation à être signé par des entreprises : les États ne peuvent en être parties, mais certains d’entre eux ont pesé dans sa rédaction.

La France a participé aux travaux préalables, mais s’est finalement montrée très réticente vis-à-vis de cette démarche et est donc restée en marge du processus. Elle craignait que cette initiative crée un fossé entre les grandes entreprises anglo-saxonnes et celles de tailles plus modestes, au premier rang desquelles les françaises. La plupart des acteurs français du secteur ont imité le Gouvernement. Quand bien même le secteur se serait fortement mobilisé pour participer à l’élaboration de ce droit, il est douteux que les Français y auraient pesé, faute de disposer de « champions nationaux » de taille comparable aux grandes entreprises anglo-saxonnes. Il s’en suit qu’une part importante du droit international concernant les ESSD s’est formée sans nous et est demeurée forgé par les entreprises anglo-saxonnes. Cette situation est particulièrement préoccupante : celui qui contrôle la formation de la norme dispose d’un levier incomparablement efficace pour « fermer le club », qui plus est en douceur. Pour des raisons certainement idéologiques, les autorités semblent avoir pris tardivement conscience de l’enjeu, au point qu’il ne soit plus envisageable aujourd’hui de lancer une initiative concurrente. Elles doivent donc se joindre à un mouvement de fond dans lequel leur voix comptera peu, au risque d’approuver un cadre qui pourrait exclure leurs entreprises.

Concrètement, un organisme mêlant États et entreprises doit suivre les acteurs du secteur – qui en auront fait la demande – dans la mise en œuvre des préconisations du Document. Ce comité de pilotage est chargé de la surveillance et de la sanction des entreprises. Il est en charge de définir précisément les normes à respecter et les sanctions possibles. Il est composé, par tiers, des représentants des entreprises, de la société civile et des États. Ces derniers n’y sont donc pas majoritaires et, comme le souligne le MAEE, « ne forment pas souverainement le droit dans ce domaine ». Ce comité a proposé en janvier 2012 les pistes pour établir une charte de certification.

Compte tenu du poids des acteurs soutenant ce système, il est probable que cette certification a minima devienne une sorte de norme internationale. Sans être obligatoire – elle se fonde sur le volontariat – elle pourrait devenir incontournable dans les faits, un nombre important d’acteurs étant certainement conduit à l’exiger dans les appels d’offres. On pense notamment aux Gouvernements anglo-saxons, grands pourvoyeurs de contrats pour les ESSD, mais également à des organisations internationales, et notamment l’ONU, ou encore aux grandes ONG. Le risque est que les Français en soient absents, faute de s’être réellement intéressés au processus lorsqu’il était temps, et faute d’avoir organisé leur tissu économique.

Dans l’ensemble on le voit, la réglementation internationale est en pleine mutation et il serait paradoxal que le droit international autorise des activités sur lesquelles notre droit demeurerait silencieux. Bien au contraire, il semble d’autant plus utile de faire évoluer le cadre législatif et réglementaire que l’environnement réglementaire international très libéral ne correspond pas exactement en cette matière aux attentes de notre pays.

B. Pour une évolution du cadre législatif et rÉglementaire

Des premières évolutions, rapides, sont envisageables dans le cadre de la protection contre la piraterie maritime. Cela pourrait nourrir une réflexion aboutissant à l’introduction dans la loi de dispositions encadrant l’activité des ESSD. Restera, en complément, à organiser une véritable régulation du secteur, à l’appui notamment d’un label.

1. Ouvrir le secteur dans le cadre de la protection contre les actes de piraterie

Les rapporteurs considèrent que notre pays est désormais prêt à autoriser l’embarquement de personnels privés armés à bord des navires commerciaux traversant des zones dangereuses.

Il faut aujourd’hui répondre au souhait des armateurs, qui sont disposés à payer le prix nécessaire pour être protégés par des entreprises françaises, sérieuses et contrôlées par l’État. Cette démarche permettrait de renforcer le secteur. On estime à environ 300 le nombre de personnels nécessaires à la sécurisation des navires battant pavillon français vulnérables à la menace pirate. Le marché français serait d’environ une centaine de millions d’euros. Il s’agit d’un bon début, d’autant que les entreprises françaises pourront bénéficier d’autres contrats avec des clients européens notamment. Si le droit de la concurrence ne permet pas de réserver ce marché aux seules ESSD françaises, il est probable qu’elles bénéficient de l’essentiel de cette ouverture, les clients ne pouvant qu’être sensibles à la sécurité offerte par des prestataires certifiés par l’État et francophones.

Pour ce faire, les rapporteurs proposent de réfléchir à l’insertion à l’article 1er de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, de dispositions relatives aux activités effectuées à bord des navires battant pavillon français pour prévenir, dissuader ou limiter les attaques menées par des pirates. Pour les armateurs de France, ces activités entreraient alors clairement dans le champ d’application de la loi, et les dirigeants et personnels d’ESSD seraient soumis à un régime assimilable à celui des convoyeurs de fonds. L’objectif serait de permettre aux ESSD d’embarquer des armes à bord à des fins de protection.

Sur le plan réglementaire, la détention et la conservation d’armes sur un navire sont soumises à l’octroi d’une décision administrative, encadrée par décret en Conseil d’État (Décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions). Il s’agirait en l’occurrence de modifier le décret du 6 mai 1995 encadrant l’activité des convoyeurs de fonds afin d’autoriser, dans le cadre de la protection en mer, les ESSD à acquérir et à détenir des armes et éléments d’arme dans les conditions définies par décret en Conseil d’État. Cela permettrait d’édicter une liste précise des armes autorisées. Il faudra également mentionner la responsabilité des ESSD pour la remise et la détention de ces armes et instaurer un dispositif d’agrément étatique des personnels autorisés à en user.

Un arrêté d’application pourra ensuite décliner :

– les modalités d’agrément des sociétés ;

– le niveau attendu de formation maritime ;

– la définition de la chaîne de commandement entre le capitaine et l’équipe de protection embarquée en cas d’ouverture du feu ;

– la définition de procédures de mise sous clés des armes ;

– la déclaration aux assureurs de la décision d’embarquer des gardes armés.

Cela supposera également d’adapter les dispositions portant sur l’exercice de l’autorité de l’État à bord des navires sous pavillon français, concernant par exemple la rédaction des procès-verbaux (en cas d’emploi d’armes, ou encore d’attaque contre les navires). Il faudra également recommander aux armateurs de couvrir l’intégralité des risques que le recours aux ESSD pourrait leur faire prendre (dommages causés au navire, à son équipage, à sa cargaison ou encore à des tiers).

Ces évolutions autoriseront les ESSD françaises à proposer des prestations de garde armée. Elles devraient par la même occasion permettre aux armateurs français d’y recourir pour protéger leurs navires, particulièrement ceux battant pavillon français, dans un contexte de sécurité juridique. Le développement du secteur des ESSD s’en trouvera certainement soutenu. Mais il faut se montrer lucide sur le fait que, pour des raisons économiques tenant essentiellement au coût du travail et aux contraintes du droit du travail français, nombreux sont les acteurs qui continueront à contracter via des filiales étrangères et notamment européennes.

2. Envisager une loi définissant explicitement les domaines d’activité des ESSD

Le silence des textes sur l’activité extérieure des ESSD doit prendre fin, par l’adoption rapide d’un cadre législatif spécifique. Suivant le modèle de la loi de 1983, l’objectif serait de :

– clarifier les activités que la France autorise en définissant une véritable liste, de sorte que nos ESSD soient encouragées ;

– préciser les conditions de certification des entreprises ;

– préciser les conditions d’habilitation de leurs agents ;

– préciser les conditions de leur armement ;

– faciliter le régime d’exportation de matériels légers de sécurité ;

– veiller à ce que ces sociétés n’assurent pas de missions contraires aux intérêts de la France.

En ce qui concerne les activités des ESSD accompagnant les armées en opérations, il semble nécessaire d’aménager le code de la défense afin de soumettre les personnels de ces sociétés à un droit strict (limitation du droit de retrait, encadrement rigoureux de la légitime défense, etc.).

Le législateur devra également s’intéresser au suivi de nos anciens agents ou militaires qui s’engagent au service de sociétés étrangères, sociétés dont on a bien vu qu’aucune n’est totalement hermétique aux intérêts de son État d’origine. Ces agents ont certes le droit d’exporter leurs compétences et savoir-faire, mais il convient de préciser les conditions dans lesquelles ils peuvent le faire, sans nuire aux intérêts français. En un mot, il faut nous garantir qu’ils ne feront pas bénéficier à des rivaux de nos réseaux, de nos techniques, de nos modes opératoires, ce qui serait de nature à fragiliser nos services. À ce stade, on trouve peu d’anciens commandos britanniques ou d’agents des services de renseignement américains se mettre au service d’ESSD françaises, alors que, comme on l’a vu, l’inverse est aujourd’hui fréquent.

Parmi les propositions d’évolution, certains proposent d’ajouter un titre supplémentaire à la loi de 1983. Cette proposition présente un certain nombre d’avantages, en premier lieu de confirmer la cohérence de la notion d’ESSD, mais également d’éviter la pollution du débat législatif par des a priori idéologiques. Cette proposition suscite néanmoins des réticences de la part de certains professionnels et de certains ministères, qui estiment que les métiers exercés en France sont très différents des activités extérieures. Il reviendra au Gouvernement de déterminer le véhicule législatif adéquat. Les rapporteurs considèrent que, dans tous les cas, la loi de 1983 peut servir de modèle pour la future législation.

3. Organiser la labellisation et le contrôle des intervenants

La quasi-unanimité des acteurs rencontrés par les rapporteurs s’est prononcée pour la définition d’un label français pour nos ESSD agissant dans le domaine extérieur.

La démographie des entreprises françaises du secteur est révélatrice d’un marché qui se cherche encore. Les perspectives sont prometteuses et beaucoup s’y lancent, mais nombreuses sont les offres manquant parfois de qualité, et plus nombreuses encore sont les entreprises n’ayant pas atteint un poids suffisant pour peser dans la compétition mondiale ainsi que dans la formation du droit international. Une forme d’agrément permettra d’y voir plus clair et de faire le tri entre les offres sérieuses et les autres. Il pourrait servir de modèle à la création d’un label européen, qui aurait une légitimité suffisante pour concurrencer le dispositif issu du Code de conduite.

La cohérence voudrait certainement que l’on élargisse les compétences du CNAPS aux champs d’activité de ces entreprises, telles qu’inscrites dans les modifications législatives proposées par les rapporteurs.

La délivrance de l’agrément des sociétés devra tenir compte d’un certain nombre d’éléments :

– la conformité des activités de l’entreprise avec le droit tel qu’il aura été enrichi ;

– la qualité des responsables de l’entreprise ;

– la solidité de ses garanties financières, l’origine des capitaux et la stabilité de son capital ;

– son indépendance à l’égard d’intérêts étatiques étrangers, en posant notamment l’obligation de déclarer ses actionnaires, lesquels devraient se porter garant des dégâts collatéraux que pourraient causer les actions de leur ESSD.

En ce qui concerne leurs employés, les rapporteurs recommandent également la délivrance d’une forme d’agrément, sur le modèle des dispositions encadrant les activités des SSP. Il faut notamment vérifier :

– leur moralité, et notamment l’absence de condamnations judiciaires lourdes ;

– l’aptitude à exercer les emplois visés, au regard notamment de leur formation et de leur parcours (en se montrant vigilant sur les départs anticipés des armées, que l’attraction du secteur privé pourrait encourager) ;

– les éventuelles habilitations obtenues dans le passé et la capacité à intervenir en milieu sensible ;

– le cas échéant, sa capacité à connaître des informations sensibles. Un dispositif pourrait s’inspirer de celui institué pour les contrats classés défense (12).

Les rapporteurs souhaitent que l’accent soit mis sur la formation, des compétences spécifiques aux métiers de la sécurité extérieure devant conditionner la délivrance de l’agrément. Au même titre que les employés de SSP, qui doivent maîtriser certains points particuliers (secourisme, droit, etc.), l’État devra formuler des attentes précises, telles que la connaissance du droit international humanitaire, du droit des conflits armés, ou encore de langues.

Outre la délivrance des agréments, il s’agira également d’organiser une chaîne de contrôle de l’activité des ESSD. Un contrôle a posteriori intervenant de façon aléatoire doit garantir la liberté d’action des prestataires comme la qualité de leurs travaux. Il doit notamment impliquer la direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD) et les douanes lorsqu’il y a circulation d’armements.

Un contrôle particulièrement rigoureux doit être mis en place, in situ, lorsqu’elles sont mobilisées en opérations extérieures, aux côtés de nos armées. Ce contrôle doit faire appel à un collège d’experts, incluant la DPSD, les commandements militaires et la Prévôté.

Le processus de labellisation doit ainsi être conçu dans la durée. Il peut inclure d’autres éléments, tels que la participation à des exercices d’urgence.

Enfin, les clients, l’État, les entreprises, les ONG, devront se montrer vigilants dans les contrats qu’ils négocieront sur la capacité qu’aura ou non le cocontractant à sous-traiter. La sous-traitance est un gage de souplesse, mais, pratiquée en cascade, elle porte également le risque d’une dilution de la responsabilité voire de la qualité des prestations. Pour y remédier, pourrait être établie une déclaration préalable à toute intervention d’un sous-traitant.

C. FAVORISER L’ÉMERGENCE D’ACTEURS DE TAILLE CRITIQUE

L’intérêt national commande aujourd’hui la constitution d’un secteur robuste et crédible. L’État n’a pas vocation à régenter une offre économique mais, s’agissant d’un domaine sensible et stratégique, il peut orienter son développement par le label mais également en jouant sur la demande, en tant que client. L’objectif est d’encourager le secteur à mieux s’organiser.

Les professionnels semblent globalement conscients de l’enjeu. Cependant, on observe encore de nombreuses incompréhensions avec l’État. Ils mettent notamment en avant une certaine timidité des autorités en France qui craignent qu’un soutien au secteur ne soit assimilé à un soutien à des mercenaires cachés ou, plus grave encore, à un programme inavoué d’externalisation. Alors que, symétriquement, nombreux sont les acteurs gouvernementaux à arguer de la faiblesse du secteur pour éviter de nouer des partenariats, même ponctuels.

Il est impératif de sortir de cette situation. Pour ce faire, l’État doit user de sa double responsabilité d’autorité régalienne et de client potentiel pour inciter le secteur à s’organiser dans le sens de l’intérêt national.

Il semble pertinent de procéder par expérimentations, notamment dans le domaine de la lutte contre la piraterie maritime. Cette perspective est acceptée par tous les acteurs et peut être comprise par la population. Ainsi, l’État pourrait encourager clairement les armateurs français à recourir à des ESSD françaises armées pour protéger leurs navires traversant des zones dangereuses en eaux internationales. Au même titre que le Royaume-Uni qui le projette, il pourrait également négocier des accords avec les États jouxtant les zones difficiles pour faciliter le transit des équipes armées dans leurs eaux territoriales.

À moyen terme, il serait bénéfique de mettre en place dans certains domaines des grands contrats globaux pluriannuels, par exemple pour le déminage. Cela donnerait de la visibilité à l’entreprise ou au consortium retenu, encourageant des investissements et leur offrant une crédibilité supplémentaire dans leurs prospections à l’étranger. L’idée serait de favoriser l’émergence d’acteurs de taille critique, partenaires de référence de l’État. Si le code des marchés publics et plus généralement le droit européen ne permettent pas systématiquement d’en limiter explicitement le bénéfice aux seules entreprises françaises, le jeu des labels, habilitations et de la formation permettra certainement de les soutenir. C’est ce que fait, par exemple, le Royaume-Uni avec ses SMP.

Au-delà, les autorités doivent soutenir le secteur à l’international :

– dans la compétition pour obtenir les marchés communautaires (en poussant à leur reconnaissance par l’Union européenne) ;

– une fois notre secteur structuré, en militant pour une plus grande implication des ESSD dans les OMP de l’ONU ;

– en leur permettant le plus possible d’assurer des programmes de formation, notamment en Afrique. Ceux-ci bénéficient souvent de financements nationaux, européens et internationaux. Il est bien évidemment dans l’intérêt politique et économique de la France de pousser les acteurs les plus solides de l’offre française à les assumer.

De leur côté, les ESSD françaises semblent vouloir mieux s’organiser. Elles envisagent la création d’un groupement leur permettant d’échanger, de prendre des positions communes dans leur dialogue avec les autorités, mais également de mieux se coordonner dans la compétition internationale. Elles se sont déjà réunies à deux reprises pour discuter des modalités de mise en place de ce groupement, qui pourrait prendre la forme d’un syndicat professionnel. Les rapporteurs se réjouissent de cette initiative et souhaitent qu’elle se concrétise rapidement afin d’accompagner efficacement les évolutions qu’ils préconisent dans ce rapport.

CONCLUSION

Les ESSD sont devenues des acteurs incontournables de la sécurité internationale. Elles offrent des prestations très variées : conseil et ingénierie en sécurité, accompagnement et sécurisation des investissements à l’étranger, soutien à nos forces armées, protection des navires ou encore intelligence économique. Autant de secteurs d’activités que de confortables idées reçues sur le mercenariat ont trop longtemps contribué à occulter.

Hésitante à reconnaître leur importance et prudente dans le domaine des externalisations, la France ne dispose pas d’un secteur de taille comparable aux pays anglo-saxons. Pour autant, des acteurs sérieux et solides existent d’ores-et-déjà et les autorités semblent désormais souhaiter l’émergence d’acteurs de grande taille, à même de compter dans la compétition internationale et de participer à l’élaboration du droit en la matière.

Ce rapport bipartisan a eu pour objectif de dresser un panorama de l’activité de ces sociétés en France et dans le monde, mais surtout de proposer des pistes permettant de répondre aux multiples besoins. Parmi ceux-ci, la protection contre la piraterie maritime occupe une place particulière. Les armateurs, longtemps hostiles à la présence d’ESSD armées, y sont désormais favorables. L’État de son côté reconnaît que les moyens publics ne peuvent couvrir l’ensemble de la demande. Il s’agit donc là d’une piste permettant d’autoriser l’exercice d’une action de protection armée par des entreprises privées.

Au-delà, les rapporteurs considèrent qu’il est crucial d’organiser le secteur. Cela suppose tout d’abord de légiférer afin de définir clairement un ensemble d’activités autorisées par la loi. Il pourra en découler un système d’agrément des sociétés et des employés à même de clarifier et d’assainir le marché. Ensuite, en tant que client, l’État devra adopter une stratégie d’ensemble pour accompagner la structuration du secteur.

Cette démarche relève désormais de l’urgence, alors que le monde avance sans attendre la France.

Notre pays doit construire un modèle qui lui soit propre, susceptible de s’élargir à une approche commune aux États européens pour être en mesure de peser sur l’organisation de ce secteur d’activités stratégique au niveau mondial, en y soutenant les valeurs qui sont les nôtres.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission de la défense nationale et des forces armées examine le présent rapport d’information au cours de sa réunion du mardi 14 février 2012.

Un débat suit l’exposé des rapporteurs.

M. le président Guy Teissier. Je tiens à saluer le travail effectué par les deux rapporteurs tout au long de cette législature alors qu’ils ont tous deux pris la décision de ne pas se représenter. Votre force de proposition manquera à la Commission. Je note également que votre présentation prouve, s’il en était besoin, la pertinence d’associer un parlementaire de la majorité et un parlementaire de l’opposition. Nous avions inauguré cette pratique avec le rapport sur le suivi social de GIAT et elle a donné pleine satisfaction depuis lors.

Vous avez parfaitement identifié les enjeux en soulignant notamment l’intérêt économique du sujet. Pour ma part, je reste convaincu que les missions régaliennes ne peuvent être conduites que par les États.

M. Daniel Boisserie. En préambule, je veux me féliciter de l’état d’esprit qui a régné dans la Commission tout au long de la législature et il faut le porter au crédit de son président.

Dans votre présentation, vous avez mentionné plusieurs sociétés françaises mais sans faire référence à Secopex. S’agit-il effectivement d’une société militaire privée ? Ses personnels ont-ils bien été employés en Libye ? Interrogé par Patricia Adam, le ministre de la défense avait assuré que non, mais je voudrais avoir votre sentiment car la réponse me semblait un peu ambiguë.

M. Philippe Nauche. Lors de mes auditions budgétaires, j’avais rencontré un grand groupe français qui s’interrogeait sur l’opportunité de diversifier son activité en offrant, en plus de la livraison de matériels, des services de sécurité et de défense. S’agit-il d’une idée propre à cette entreprise ou s’inscrit-elle dans une tendance plus globale ?

M. Damien Meslot. Je rejoins la proposition de légiférer de nos collègues mais il me semble qu’il faut le faire avec beaucoup de prudence de façon à ce que les interventions militaires restent bien dans le champ exclusif de l’État. Il est certes nécessaire d’autoriser certaines actions mais il faut impérativement éviter toute dérive. L’usage de ces sociétés par les États-Unis ne s’est pas nécessairement fait à leur bénéfice et n’a pas amélioré leur image ; ne nous alignons pas sur eux !

M. Philippe Folliot. Je rejoins la position de Damien Meslot : la prudence doit prévaloir. Légiférons, mais avec « une main tremblante ».

Je relève que les conflits sont de plus en plus asymétriques et font désormais intervenir des acteurs qui ne respectent pas nécessairement ni le droit international, ni les usages, sans parler d’un certain « art de la guerre ». Il ne faudrait pas que l’absence de cadre juridique finisse par opposer des rebelles exempts de toute contrainte juridique à des employés de SMP aussi peu encadrés. Ce ne serait pas un progrès ; il est donc nécessaire de définir un cadre précis et applicable globalement.

Par ailleurs, je crois qu’il faut trouver un équilibre entre la préservation des activités régaliennes et un certain réalisme économique. Nous ne pouvons pas passer à côté de ce marché, mais il n’est pas non plus question que notre pays se trouve engagé par des personnes ne respectant ni le droit ni la morale.

M. Guy Chambefort. Quels seront les moyens de contrôle des employés des sociétés militaires privées ? La loi que vous proposez devra-t-elle par exemple s’intéresser aux conditions de recrutement de ces personnels ?

M. le président Guy Teissier. Ces sociétés font aujourd’hui un travail de filtrage très avancé avant de procéder au moindre recrutement. Par ailleurs, ce sont souvent d’anciens militaires qui les rejoignent, ce qui permet assez aisément de retracer leur parcours et de s’assurer de leur professionnalisme. J’ajoute que la plupart de ces entreprises sont dirigées par d’anciens spécialistes du domaine, parfaitement rompus à ce genre d’exercice.

M. Christian Ménard. Thales a effectivement décidé d’élargir son offre en participant à la création de Global (X) qui propose une offre large.

Le recours à la loi me semble aujourd’hui indispensable. Je suis également très attaché à la préservation du champ régalien d’intervention de l’État. Initialement, je pensais que seules les armées pouvaient accomplir pareilles missions. Pourtant, j’ai rapidement constaté qu’elles ne suffisaient pas à répondre à la demande, notamment dans le cas de la lutte contre la piraterie. Si nous ne voulons pas que nos navires changent de pavillon pour pouvoir accueillir des SMP anglo-saxonnes, il nous faut modifier notre législation.

Le point essentiel de la loi portera sur le contrôle très poussé de ces sociétés, qu’il s’agisse de l’agrément initial ou du contrôle sur place de leurs activités. L’ouverture du feu ne doit se faire que dans les seuls cas de légitime défense. Les contrats de travail devront également être étudiés de près. Aujourd’hui les sociétés anglo-saxonnes recrutent des militaires français sans qu’aucun cadre précis n’ait été défini. Ce n’est pas satisfaisant ; les règles doivent être claires avec un contrôle accru des autorités étatiques.

Sur le plan économique, nous ne pouvons pas renoncer à un marché de plusieurs centaines de milliards de dollars. Nos grandes entreprises sont souvent protégées par des sociétés anglo-saxonnes, ce qui pose problème en matière d’intelligence économique. Pourquoi ne sommes-nous pas en mesure de le faire nous-mêmes ?

M. Jean-Claude Viollet. On compte aujourd’hui environ 1 500 SMP dans le monde dont 30 à 40 seulement en France. Elles emploient environ un million de personnes, sans compter les renforts occasionnels. Nous avons cité plusieurs entreprises françaises, comme GEOS, GALLICE ou Risk&Co…

Les armées ne peuvent pas répondre à toutes les sollicitations. C’est une évidence pour la lutte contre la piraterie, même si la présence des armées ne saurait être remise en cause dans ce domaine.

Au delà, nos forces armées n’ont pas pour vocation d’assurer la protection des intérêts des entreprises françaises à l’étranger et elles n’auraient d’ailleurs pas les moyens de le faire partout.

Enfin, la réforme de nos armées nous conduit à externaliser des tâches de soutien, comme c’est le cas notamment en matière de logistique ou de restauration, voire de maintenance. Le cas de Thales en est un exemple : cette société s’est vue déléguer la gestion des communications de l’OTAN en Afghanistan, mais cela pose la question de la protection de ses salariés, ce qui a mené le groupe à conclure avec le ministère de la défense une convention permettant le déploiement de salariés sous contrat d’engagement à servir dans la réserve (ESR), à l’image de ce que fait le Royaume-Uni avec ses Sponsorded Reserves. L’alternative aurait été de recourir à des contractuels, du type des Contractors Deployed in Operations (CONDO) britanniques, mais ce cadre juridique n’existe pas en France. De tels cas devraient être de plus en plus nombreux, car beaucoup d’entreprises cherchent actuellement à étendre leurs activités dans le domaine de la sécurité, à l’image de Thales, Geodis et de Sodexo et de leur société commune Global (X).

Ainsi, un marché est en train de s’organiser, et les normes s’établissent suivant des modèles anglo-saxons. Si l’on attend encore plusieurs mois, les normes seront définies sans nous et les acteurs français seront exclus de ce marché.

Au-delà, les entreprises anglo-saxonnes recrutent un nombre important d’anciens militaires français, y compris d’élite, estimant qu’ils comptent parmi les meilleurs. Est-ce là la seule perspective de débouchés professionnels que l’on veut offrir à des hommes qui se sont battus pour la France ? Des contrats de travail offshore à l’anglo-saxonne, sans protection sociale ? Ne vaut-il pas mieux leur donner la possibilité de poursuivre une carrière au sein d’entreprises françaises, suivant des pratiques et des règles d’engagement qu’ils connaissent et qu’ils auront à cœur de respecter ? Cela contribuerait d’ailleurs à renforcer les liens entre les armées et nos entreprises.

Il faut donc légiférer rapidement pour permettre le développement de sociétés françaises en établissant un cadre juridique qui permette de contrôler les personnes qui les créent, la provenance de leurs capitaux, ainsi que le niveau de qualification et les règles de recrutement de leurs salariés. On peut ainsi imaginer un régime d’agrément, avec un système de carte professionnelle. Ce cadre doit aussi permettre de contrôler l’activité de ces sociétés, tant a priori – en définissant ce qu’elles ont droit de faire – qu’a posteriori, et le cas échéant in situ.

Enfin, il s’agit bien d’un enjeu stratégique, car il est difficile de croire que les entreprises de sécurité anglo-saxonnes auxquelles des sociétés françaises ont recours se contentent d’assurer la protection des sites : elles contribuent bien évidemment à l’influence de leurs États.

Enfin, il nous faut tenir un débat apaisé sur cette question. Il est nécessaire de légiférer rapidement sur un sujet qui n’a rien à voir avec le mercenariat. L’enjeu réside dans le fait de peser dans la définition des normes qui structureront un secteur en plein développement, de façon à ce qu’elles intègrent nos valeurs militaires, dont nos forces ont souvent donné une illustration par un comportement que toutes les armées étrangères n’avaient pas.

M. le président Guy Teissier. L’existence de la Légion étrangère, créée par Louis-Philippe afin d’encadrer des hommes qui étaient peu ou prou des mercenaires, constitue la meilleure preuve de ce que la France sait former des hommes aux valeurs de ses forces armées.

Aussi, il ne me paraît pas choquant d’envisager le développement de sociétés françaises de services de sécurité et de défense, pourvu que ce soit dans un cadre législatif permettant un contrôle efficace de leurs capitaux, de leurs missions et de leurs recrutements.

M. Jean Michel. Je tiens à saluer la qualité de ce rapport, tout en notant qu’il aborde la question sous un angle franco-français.

Aujourd’hui, que ce soit pour contrôler la comptabilité des entreprises ou pour évaluer la signature des emprunteurs, les acteurs français sont constamment placés sous le regard d’institutions anglo-saxonnes, comme les grands cabinets d’audit ou les agences de notation. Les travaux que j’ai réalisés avec notre ancien collègue Arthur Paecht sur le réseau Echelon – qui permet aux puissances anglo-saxonnes d’intercepter toutes formes de communications, y compris en Europe, sans partager ces informations avec leurs alliés – m’ont conduit au même type de conclusion : nous n’avons pas su développer les instruments de notre indépendance nationale.

Toutefois, si l’on espère la disparition à terme des guerres, il semble paradoxal de souhaiter le développement de sociétés militaires privées, qui feront du mercenariat dans une optique mercantiliste, pour agir en lieu et place des États souverains.

D’ailleurs, l’enjeu est-il vraiment de développer des sociétés militaires privées de droit français, alors que tout Français peut créer une société de droit étranger, ayant son siège dans l’un des pays où certains grands groupes d’armement créent d’ores et déjà des filiales ?

Pour conclure, je tiens à souligner l’importance du contrôle parlementaire. Les députés – y compris ceux de la majorité – ont intérêt à ce que notre Commission mette en œuvre tous les moyens nécessaires pour contrôler non seulement l’action du Gouvernement et celle de nos forces armées, mais aussi celle des grands groupes d’armement. En effet, de même que le général de Gaulle disait que la politique de la France ne se fait pas à la « corbeille », il ne faudrait pas que la politique de défense de la France soit faite par ses industriels.

*

* *

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DES RAPPORTEURS

AUDITIONS

2011

 

Mardi 3 mai

Mme Anne-Sophie Avé, déléguée générale des Armateurs de France, accompagnée de M. Patrick Rondeau

Mercredi 4 mai

M. le colonel François Delapresle, délégation aux affaires stratégiques, ministère de la défense

Mercredi 11 mai

M. Pierre de Saqui de Sannes, conseiller défense de la CMA-CGM

Mercredi 18 mai

Mme Monique Liebert-Champagne directrice des affaires juridiques, accompagnée de M. Fabrice Leggeri et de Mme Svetlana Zasova, ministère de la défense

Mardi 24 mai

M. Jean-Jacques Roche, de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire

Mercredi 25 mai

M. Jean Heinrich, président du directoire de GEOS

 

M. l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, accompagné de M. le commissaire en chef de 1e classe François Laurent et de M. le capitaine de vaisseau Alain Giraud

Mardi 7 juin

M. le général Jean-Michel Chereau, directeur de la protection du groupe Areva, accompagné de Mme Aurélie Andrieux, responsable des relations institutionnelles

 

M. le général de corps d’armée Jean-Philippe Margueron, major général de l’armée de terre

 

M. Didier Brugère, chef de cabinet du président du groupe Thales, directeur des relations institutionnelles, Mme Pascale Sourisse, président-directeur général de Thales communication & security, M. Laurent Maury, vice-président soutien et service client et Mme Isabelle Caputo, directeur des relations parlementaires et politiques

Mardi 21 juin

M. le lieutenant-colonel François Durand, état-major des armées

 

M. Philippe Chapleau, journaliste spécialiste des questions de défense pour Ouest France

Mardi 22 novembre

M. Philippe Laurent, directeur sûreté Suez environnement

 

Mme Martine Vuillierme, directrice des risques de Veolia Environnement, M. William Seemuller, directeur des ressources internationales et Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directeur des relations institutionnelles

Mercredi 23 novembre

M. Francis Delon, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, accompagné de M. Jérôme Jean, conseiller pour les relations institutionnelles et la communication au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

 

M. Jacques Raharinaivo, sous-directeur du contrôle des armements et de l’OSCE au ministère des affaires étrangères et européennes, accompagné de M. Mathieu Jagour, rédacteur en charge des entreprises militaires et de sécurité privées

Mardi 6 décembre

M. Érard Corbin de Mangoux, directeur général de la sécurité extérieure

Mercredi 7 décembre

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, accompagné de M. Mohamed Tabit, conseiller parlementaire

 

M. Franck Boulot, docteur en droit public, auditeur de l’IHEDN, expert sur les questions d’externalisation dans les armées et de sociétés militaires privées, auteur de Mercenaires et sociétés militaires privées : l’Histoire est un éternel recommencement

Mercredi 14 décembre

M. l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, M. le général de corps d’armée Didier Castres, sous-chef d’état-major opérations, M. Jean-Marie Magnien, conseiller diplomatique du chef d’état-major des armées, M. le colonel Jean-Michel Verney, chargé de l’anticipation stratégique au sein du CPCO, Mlle Émile Padellec, conseiller juridique pour les opérations

 

M. le général de corps aérien Antoine Creux, directeur de la DPSD, et M. le lieutenant-colonel Thierry Isler

2012

 

Jeudi 19 janvier

M. Thierry Houette, directeur associé de Prorisk international

Mardi 31 janvier

M. Cyril Gorlier, division Risk management et cancelling de Securitas France

 

M. Alain Juillet, directeur du club des directeurs de sécurité des entreprises

Les rapporteurs ont en outre reçu des contributions, notamment :

Juin 2011

M. le général Jean-François Gros, rapporteur pour l’association régionale de l’IHEDN de l’Océan Indien, l’action de la commission de l’Océan Indien dans la lutte contre la piraterie maritime.

Janvier 2012

M. Gille Sacaze, président de GALLICE Security

 

Direction générale de la gendarmerie nationale

Février 2012

Armateurs de France

DÉPLACEMENTS

ALGÉRIE, du 25 au 27 juin 2011

- M. Paul Rousselot, responsable de la sécurité du site Lafarge d’Oran, ainsi que M. Thierry Guilloux, responsable logistique du site Lafarge de Bab Ezzouar

- M. Grégory Mallet, responsable d’exploitation du site RATP El Djezaïr de Hussein Dey

- M. Jean-Jacques Besson, chef d’escale Air France

- MM. Philippe Bardelli et Marc Vinter, représentants d’Amarante auprès de l’escale Air France

- M. Didier Laplagne, responsable sécurité GEOS

- M. Dominique Delahousse, directeur d’Ibis Algérie

- MM. Henri Knorst et Jean-Michel Bourguet, sociétés Stirling et Risk&Co

- M. Diégo Colas, ministre conseiller de l’ambassade de France à Alger

- MM. Frédéric Melmoux et Patrick Boue, officiers de liaison adjoints DCRI

- M. Stéphane Paulin, attaché de sécurité intérieur adjoint

- Mme Marie-Madeleine Delabre, consul général adjoint

- M. le capitaine de gendarmerie Andréa Franchi, chef du détachement de sécurité du parc Peltzer

- Visite du centre culturel français et du lycée international Alexandre Dumas, présentation des dispositifs de sécurité de ces deux structures

- M. Pascal Augrain, chargé de mission, direction de la coopération de sécurité et de défense

- M. Javier Carbajosa, premier conseiller de l’ambassade d’Espagne

- M. Alfonso Di Riso, premier conseiller de l’ambassade d’Italie

- M. William Jordan, premier conseiller de l’ambassade des États-Unis

DJIBOUTI du 3 au 8 juillet

- M. René Forceville, ambassadeur de France à Djibouti

- M. le colonel Éric de Vathaire, attaché de défense à Djibouti

- M. Mohamed Ali Hassan directeur des relations bilatérales du ministère des affaires étrangères et européennes

- M. Hassan Saïd directeur de la sécurité nationale

- M. Bruno Pardigon directeur de la société Djibouti maritime security services (DMSS)

- M. Nicolas Prévot directeur des opérations DMSS

- M. Guy Leroy, directeur de G4S, entreprise de sécurité

- M. Andris Pielbags commissaire européen au développement

- M. le général de brigade aérienne William Kurtz, commandant des forces françaises stationnées à Djibouti

- M. le vice-amiral Brian L. Losey, commandant des forces spéciales américaines en Afrique (special operations command Africa - SOCAFRICA) depuis juin 2011

LIBYE, du 3 au 6 février 2012

- M. Antoine Sivan, ambassadeur de France en Libye

- M. le colonel Christian Herrou, attaché de défense près l’ambassade de France à Tripoli ainsi que les personnels de la mission militaire

- M. le commissaire Lucas Philippe, attaché de sécurité intérieure près l’ambassade de France à Tripoli

- M. Dominique Grancher, chef du service économique, ambassade de France à Tripoli

- M. Patrick Desseix, conseiller de coopération et d’action culturelle

- M. Daniel Valls, société Géos, Tripoli

- M. Yann Lelièvre, société Ponticcelli

- M. Gilles Bourguignon, directeur Galea Égypte et M. Stéphane Laurent, employé de Galéa à Benghazi

- M. Marc Garcia, société Argus, détaché auprès de la délégation de l’Union européenne à Tripoli

- M. Murphy Mc Cloy, expert en reconstruction post-conflits au département d’État américain

- MM. George Whitmarsh et Neale Meale, société Blue Mountain

- M. Sami Chakmak, directeur de la société de sécurité Libya United

- Rencontre avec les personnels du détachement de sécurité de la Gendarmerie nationale à Tripoli

- M. Mohamed Alkilani, avocat à Tripoli

LORIENT le 5 janvier 2012 auprès des fusiliers marins commandos

- Accueil par M. le contre-Amiral Christophe Prazuck, commandant des fusiliers marins et commandos, et présentation des équipes

- M. Yvon Riva, président de la société Orthongel de Concarneau

1 () On trouvera infra un descriptif des principaux acteurs français.

2 () Le Monde diplomatique, article de Marie Dominique Charlier, février 2010.

3 () La littérature spécialisée indique qu’environ 70 % du budget du renseignement américain seraient consacrés à des prestataires privés.

4 () Rapport d’information n° 3624 de MM. Louis Giscard d’Estaing et Bernard Cazeneuve : Mission d’évaluation et de contrôle : Les externalisations du ministère de la Défense : l’heure des choix, et Avis n° 3809 tome 3 – Projet de loi de finances pour 2012 de M. Philippe Nauche : Défense – Soutien et logistique interarmées.

5 () Rapport n° 2937 de M. Christian Ménard, relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer.

6 () Cinq navires très vulnérables et deux autres vulnérables ne sont pas français.

7 () Loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité (cf. annexe).

8 () Le CNAPS a été créé à la suite d’un amendement à la LOPSI 2 et du décret d’application n° 2011-1919 du 22 décembre 2011 relatif au Conseil national des activités privées de sécurité qui précise ses missions et prérogatives, ses modalités d’organisation et de fonctionnement.

9 () Catégorie 1 : Armes à feu et leurs munitions conçues pour ou destinées à la guerre terrestre, navale ou aérienne ;

Catégorie 2 : Matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu ;

Catégorie 3 : Matériel de protection contre les gaz de combat et produits destinés à la guerre chimique ou incendiaire ;

Catégorie 4 : Armes à feu dites de défense et éléments de munition non considérés comme matériels de guerre ;

Catégorie 5 : Armes de chasse et leurs munitions ;

Catégorie 6 : Armes blanches ;

Catégorie 7 : Armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions ;

Catégorie 8 : Armes et munitions historiques et de collection.

10 () C’est-à-dire : armes de poing semi-automatiques ou à répétition ; fusils, mousquetons et carabines de tous calibres, à répétition ou semi-automatiques conçus pour l’usage militaire ; éléments d’armes des armes précédentes ; armes à feu dites de défense et leurs munitions.

11 () Loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité.

12 () Défini par l’arrêté du 23 juillet 2010, remplaçant l’IGI 1300, le système des contrats classés défense permet à la DSPSD, en lien avec d’autres services, de contrôler a priori les personnes et les sociétés. La procédure d’habilitation de la personne morale et des personnes physiques, dans le cadre du contrat sensible, autorise un criblage, même si la société n’a pas vocation à avoir accès ou à détenir des informations classifiées.


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